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loan-Aurel Pop
Université «Babeş-Boiyai»,
Cluj-Napoca
C'est déjà un lieu c o m m u n que l'histoire s'écrit et s e récrit toujours sous nos yeux. R é
écrire, c'est pour certains historiens m ê m e plus intéressant qu'écrire. C h a q u e génération s e
rapproche d u p a s s é a v e c sa propre sensibilité. Ç a n e v e u t pas dire q u e le p a s s é soit re
latif au m o d e a b s o l u , q u ' o n soit i n c a p a b l e d e ie déchiffrer d a n s s e s lignes g é n é r a l e s o u
que les é v é n e m e n t s aient c o n n u u n e autre t o u r n u r e . N o t r e savoir se r e t r o u v e c e p e n d a n t
limité par les limites m ê m e s d e l'être h u m a i n et d e s c o m m u n a u t é s , par l'éducation, les dif
férents préjugés o u notre "goût" pour un certain genre d e vie passée.
1 e
On a beaucoup écrit, à partir du XIX siècle, sur sa personnalité, mais les ouvrages les plus im
e
portants voient le jour au X X siècle. En voici quelques-uns de l'historiographie roumaine: Camil Mureşan,
loan de Hunedoara si vremea sa [Jean Hunyadi et son époque], Bucarest, 1957 (et lancu de Hunedoara,
Bucarest, 1968); Mihail P. Dan, Un stegar al luptei antiotomane. lancu de Hunedoara [Un porte-drapeau du
combat anti-ottoman: Jean Hunyadi], Bucarest, 1974; Adrian Andrei Rusu, loan de Hunedoara şi românii
din vremea sa. Studii [Jean Hunyadi et les Roumains de son temps. Études], Cluj-Napoca, 1999. Quant
aux études de Francise Pali sur la Croisade Tardive, elles restent très actuelles, la figure de Jean Hunyadi
y occupant une place centrale (une partie des études ont été reprise par lonuţ Costea dans le volume F.
Pali, Românii şi Cruciada Târzie [Les Roumains et la Croisade Tardive], Cluj-Napoca, 2003).
cessaire à l'être humain. Autrement dit, la référence modérée, limitée et non obsessive au
passé ne saurait être q u e bénéfique et s'avère absolument nécessaire à la vie des c o m m u
nautés. Or, H u n y a d i , tout e n a p p a r t e n a n t au passé, prolonge s e s traces j u s q u ' à nos j o u r s .
L e d i s c o u r s d é d i é à H u n y a d i est un d i s c o u r s a n n i v e r s a i r e , s a n s être e s s e n t i e l l e m e n t
e
festif. En 1956, trois a n s a p r è s la mort d e Staline et à la veille du X X C o n g r è s d u P C U S
(lorsque K h r o u c h t c h e v d é n o n ç a i t le culte de la personnalité), les é c h o s d e Yinternationa
lisme prolétaire sont m i n i m e s d a n s le texte d e P r o d a n , et les références a u grand frère de
l'Est m a n q u e n t en totalité. Le texte d é b u t e par d e u x p h r a s e s patriotiques sur nofre peuple
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et la terre de notre pays, qui ont d o n n é à l'histoire la figure grandiose d e J e a n H u n y a d i .
2
L'étude a été reprise dans David Prodan, Din istoria Transilvaniei. Studii şi evocări [De l'histoire de
Transylvanie. Études et évocations], Bucarest, 1991, pp. 256-271.
3
Ibidem, p. 256.
4
Ibidem, p. 256.
Prodan mentionne aussi la situation d e nos pays. Il é n u m è r e les disputes incessantes,
le morcellement féodal, les princes qui m a n q u e n t d'autorité, l'hostilité de la noblesse hon
groise/ transylvaine contre sa participation à d e s c a m p a g n e s militaires extérieures. Il m e n
tionne la lutte de classe d e v e n u e toujours plus acerbe. Il présente e n ce s e n s la révolte de
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Bobâlna (Babolna) et le refus de l'élite nobiliaire d'armer la paysannerie hostile .
5
D. Prodan, Din istoria Transilvaniei, p. 258.
6
Ibidem, pp. 265-266.
7
Ibidem, pp. 268-269.
8
Ibidem, p. 269.
l'enfance p a s s é e e n Transylvanie, parmi R o u m a i n s , Hongrois, Sicules, la présence à côté
d e lui dans les batailles des armées de la Valachie. Il rappelle les intérêts c o m m u n s de la
Hongrie et des Valachies et l'importance particulière de son titre de v o i v o d e de Transylvanie.
9
D. Prodan, Din istoria Transilvaniei, p. 270.
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On a depuis démontré que les formes loannes-lancu-Janos etc. sont les variantes d'un même nom
de baptême (loan, en roumain littéraire) et ont été utilisés en même temps, dès son vivant déjà. Le com
battant de Belgrade, avait d'ailleurs un frère du même nom (loannes), que ses proches appelaient Ivaşcu
(autre variante de loannes). Par conséquent, les deux frères loannes étaient appelés en famille lancu et
Ivaşcu, ce qui était absolument normal, ne fût-ce que pour des raisons pratiques (l.-A. Pop, lacob Mârza,
«La personnalité et l'époque de Jean de Hunedoara reflétées dans les annotations en marge d'un incuna
ble de 1481», AIIGT, XXV, 1999, p. 45-61).
Roumanie de la décennie obsédante. En dépit de c e s distorsions (liées plutôt au contexte
général), la reconstitution de la vie et de la carrière du héros de Belgrade s'avère
pertinente, historiquement correcte, David P r o d a n faisant preuve m ê m e de talent littéraire.
Les c o n n a i s s a n c e s liées à c e sujet étaient, naturellement, incomplètes à c e m o m e n t ,
des détails importants continuant à rester inconnus - depuis les itinéraires d e Jean H u n y a d i
dans le R o y a u m e de Hongrie a u x implications d e l'union de Ferrara-Florence. C'est C a m i l
Mureşanu qui prendra la relève de David Prodan, vers la fin des années '50 du siècle
passé, systématisant les recherches relatives à la vie et à la carrière de Jean Hunyadi.