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JANETA DRĂGHICESCU EMILIA BONDREA

TAMARA CEBAN ANCA DOROBANŢU

ÉLÉMENTS DE PHONÉTIQUE FRANÇAISE


*
NOTIONS DE LEXICOLOGIE FRANÇAISE
Descrierea CIP a Bibliotecii Naţionale a României
DRĂGHICESCU JANETA
Éléments de phonétique française. Notions de lexicologie française/
Janeta Drăghicescu, Emilia Bondrea, Tamara Ceban, Anca Dorobanţu.–
Bucureşti: Editura Fundaţiei România de Mâine, 2007.
Bibliogr.
ISBN 978-973-725-733-8
I. Bondrea, Emilia
II. Ceban, Tamara
III. Dorobanţu, Anca
811.133.1∪34(075.8)

© Editura Fundaţiei România de Mâine, 2007

Redactor: Cosmin COMĂRNESCU


Tehnoredactor: Brînduşa BĂRBAT
Coperta: Marilena BĂLAN
Bun de tipar: 23.03.2007; Coli de tipar: 12
Format: 16/61X86
Editura Fundaţiei România de Mâine
Bulevardul Timişoara nr. 58, Bucureşti, sector 6
Tel / Fax: 021/444.20.91; www.spiruharet.ro
e-mail: contact@edituraromaniademaine.ro
UNIVERSITATEA SPIRU HARET
FACULTATEA DE LIMBI ŞI LITERATURI STRĂINE

JANETA DRĂGHICESCU EMILIA BONDREA


TAMARA CEBAN ANCA DOROBANŢU

ÉLÉMENTS DE PHONÉTIQUE
FRANÇAISE
*
NOTIONS DE LEXICOLOGIE
FRANÇAISE

EDITURA FUNDAŢIEI ROMÂNIA DE MÂINE


Bucureşti, 2007
SOMMAIRE

Avant-propos …………………………………………………………. 7
Première partie
ÉLÉMENTS DE PHONÉTIQUE FRANÇAISE
(Emilia Bondrea, Tamara Ceban, Anca Dorobanţu)
1. Introduction. L’objet de la phonétique …………………………….. 9
2. Les unités phonétiques segmentales et suprasegmentales ……….… 19
3. Le système vocalique …………………………………………….... 30
4. Le système consonantique …………………………………………. 46
Notions clés – index ………………………………………………….. 63
Exercices ……………………………………………………………... 65
Bibliographie séléctive ……………………………………………….. 68
Deuxième partie
NOTIONS DE LEXICOLOGIE FRANÇAISE
(Janeta Drăghicescu)
I. Introduction. L’objet de la lexicologie …………………………….. 69
II. La formation des mots …………………………………………….. 89
1. La dérivation …………………………………………………. 89
2. La composition ……………………………………………….. 161
Exercices ……………………………………………………………... 187
Bibliographie …………………………………………………………. 191

5
6
AVANT-PROPOS

Se proposant d’initier les étudiants en français langue étrangère


à la phonétique et à la lexicologie, l’ouvrage présente, en synthèse,
l’ensemble des aspects impliqués dans la description du système
phonétique français et du lexique français.
Dans la première partie, on y trouvera une Introduction, qui
présente l’objet de la phonétique, les relations entre la phonétique et
la phonologie, les règles d’orthographe et l’API. Les chapitres suivants
portent sur les unités segmentales et suprasegmentales et sur les
caractéristiques du système vocalique et consonantique.
Dans la deuxième partie on y trouvera les procédés de forma-
tion des mots avec des moyens propres et/ou savants, les types et les
règles d’affixation caractéristiques, les types et les mécanismes de
composition.
Les deux parties sont accompagnées d’exercices de différents
types, afin de permettre aux étudiants de fixer les mécanismes
essentiels de ces domaines.

Les auteurs

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PREMIÈRE PARTIE
ÉLÉMENTS DE PHONÉTIQUE FRANÇAISE

1. INTRODUCTION. L’OBJET DE LA PHONETIQUE


La phonétique française est une branche de la linguistique qui
étudie et décrit la composante sonore de la langue française. L’objet
de notre étude est la phonétique articulatoire, qui s’occupe à décrire la
réalisation concrète des sons du langage humain. Elle exclut les autres
sons produits par les êtres humains, même s’ils servent parfois à
communiquer (la toux, les raclements de gorge). Elle exclut les sons
non-humains. La chaîne parlée se divise en une ligne segmentale et
une ligne suprasegmentale (prosodie: intonation, ton, accent). On
distingue plusieurs branches de la phonétique: phonétique acoustique
(qui a pour but de classer les sons en fonction de leur perception par le
locuteur) et phonétique articulatoire (qui s’intéresse au mode de
formation des sons produits par l’appareil phonatoire); phonétique
descriptive (qui étudie le système phonétique d’une langue en syn-
chronie) et phonétique historique (qui décrit les changements phoné-
tiques subis par une langue au cours de son histoire).
Le développement de l’acoustique à l’époque moderne a permis
aux phonéticiens d’aborder leur domaine d’une façon scientifique.
L’acquis le plus important fut la création de la phonétique expérimentale
au début du siècle, avec l’innovation capitale, l’enregistrement des sons
sur phonographe; ce fut la première étape conduisant après à l’enregis-
trement sur bande magnétique, ce qui est à la portée de tout le monde
aujourd’hui.
L’étude physique des sons en laboratoire a conduit à la conclu-
sion qu’il existe un nombre illimité de variations. La même personne
prononce avec de variations que les appareils saisissent nettement. Ces
variations sont plus marquées si l’état physiologique de l’individu
change, par exemple, s’il est enrhumé. Ces variations on les appelle
des variations des sons.
9
Celles-ci peuvent être accidentelles en raison de l’état dans
lequel se trouve le locuteur, état de santé, émotionnel etc.
Il existe aussi des variantes permanentes, comme celles
régionales. En roumain il y a un e fermé dans la partie méridionale
du pays, alors qu’en Transylvanie il lui correspond un e ouvert: verde
et vèrde. En France le r parisien est uvulaire, tandis que dans certaines
zones de l’Hexagone il est roulé, comme en roumain. Les voyelles
nasales du français standard sont moins nasalisées dans le Midi de la
France.
Mais les sons ne sont pas prononcés isolément, ils sont articulés
à l’intérieur des mots. Dans ce cas, il y a des influences mutuelles
entre les sons, ce qui aboutit à des variantes combinatoires. Ainsi, par
exemple, t suivi par a est dentale dans ta, tandis que suivi par i,
comme dans pitié se déplace au niveau du palais, devenant ainsi un t
palatalisé. Dans ma, la consonne m se prononce par les lèvres
fermées, dans leur position normale. Mais dans moi, m devient arrondi
sous l’influence de la semi-consonne w : [mwΑ]. Et ainsi de suite.
Alors comment se débrouiller dans ce nombre illimité de va-
riantes? Il va sans dire qu’on ne peut pas s’occuper de toutes ces
variantes. La conclusion c’est qu’il faudra s’arrêter à des types de sons.
Mais comment identifier ces types? La réponse a été donnée
dans les années trente, période dans laquelle s’est constituée la
phonologie dans le cadre du Cercle linguistique de Prague, comme
première manifestation du structuralisme. Celui-ci aborde les faits de
la langue dans leurs relations d’opposition. Il existe un masculin puis-
qu’il s’oppose au féminin, un singulier en opposition avec le pluriel.
Dès lors, les sons sont abordés du point de vue fonctionnel,
c’est-à-dire du point de vue de leur capacité distinctive, celle qui leur
permet de créer des oppositions dans le système de la langue. Mais
d’abord, il faut isoler ces unités distinctives de la langue. Par divisions
successives de la chaîne parlée, on arrive aux plus petites unités de la
langue, qui n’ont pas de sens, mais qui sont pertinents, qui permettent
donc de distinguer les mots d’une langue, les uns des autres.
Ces unités sont appelés phonèmes, on les identifie par la com-
mutation. La commutation consiste dans la substitution d’une unité
figurant dans un mot, avec une autre, ce qui engendre la modification
du sens. Dans touche, on remplace t par d, ce qui donne douche, avec
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le sens de l’objet qu’on connaît. Comme il y a modification de sens,
on déduit que t est un phonème indépendant par rapport à d, les deux
se trouvant en relation d’opposition. (Voir André Martinet, Eléments
de linguistique générale, Armand Colin, Paris, 1986, p. 52-96).
Au niveau de la réalisation phonétique, on constate que cette
opposition est marquée par le trait de sonorité: t est sourd, alors que d
est sonore. Il s’ensuit que ce trait a une valeur distinctive. On peut
définir le phonème comme un ensemble de traits distinctifs. Ces traits
sont identifiés par le mécanisme de la commutation. Si on remplace t
de touche avec c de couche, on constate qu’il y a modification de
sens, donc c est un phonème distinct de t. La réalisation phonétique
consiste dans la modification du point d’articulation: t est dental, alors
de c est palatal. On continue ainsi: on remplace t de touche avec le s
de souche et on observe encore une modification de sens; on conclut
que s est autre phonème par rapport à t. Cette fois le trait qui entre en
jeu est le mode d’articulation: t est explosif (occlusif), alors que s est
sifflant.
On note le phonème entre barres obliques: /t/, le son entre crochets
[t]. Par conséquent, /t/ est un phonème constitué de traits distinctifs
suivants: sourd, dental, occlusif.
De la même manière on procède pour les voyelles; on substitue
/i/ de mite avec /ε/ de mette et on constate une modification de sens,
donc /i/ est un phonème distinct par rapport à /e/, marqué par le fait
qu’il est fermé, alors que /ε/ est demi-ouvert. Le trait distinctif est,
dans ce cas, le degré d’ouverture. Dans mite ~ motte c’est le point
d’articulation: /i/ est antérieur et / / est postérieur. Dans mette ~ meute
c’est le trait [- arrondi] de /e/ et le trait [+ arrondi] de /œ/. Dans motte
~ monte se réalise l’opposition d’oralité, / / est une voyelle orale,
alors que / )/ est nasale.
Le phonème /ε/ est donc un ensemble de traits distinctifs: demi-
ouvert, antérieur, non-arrondi, oral.
Dans la comparaison et implicitement dans l’apprentissage des
langues, il faut retenir que ce qui est variante dans l’une peut être un
phonème dans l’autre: en roumain les nasales sont des variantes libres
ou combinatoires comme dans: dans, mentă, concepe, începe. Mais
en français ce sont des phonèmes, puisque /pâte/ (pente) signifie autre
chose que /pat/ (patte).
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En même temps, nous avons vu que le degré d’ouverture donne
des variantes régionales, comme dans verde ~ vèrde. Mais en français,
il existe un /e/ fermé et un /ε/ ouvert, puisque pré signifie autre chose
que prêt, transcrits phonologiquement comme /p{e/ ~ /p{ε/.
La phonologie s’occupe aussi de l’organisation d’ensemble des
phonèmes. On a déjà vu qu’ils se présentent comme couples tels que
/t/ ~ /d/.
Les phonèmes caractérisés par un trait commun forment une
série phonologique, par exemple, ceux qui sont marqués par la surdité.
Mais on peut facilement observer que les phonèmes correspondants
constituent la série marquée par la sonorité. De là on conclut qu’il y a
un parallélisme ou une corrélation entre deux séries.
Voici donc les deux séries en question rattachées par la corrélation
qui les met en opposition:
/p/ ~ /b/
/t/ ~ /d/
/k/ ~ /g/
/f/ ~ /v/
/s/ ~ /z/
/∫/ ~ /Ζ/
Un autre exemple de corrélation est celle de la nasalité, selon
laquelle on a:
/a/ ~ / Α) /
/ε/ ~ /ε)/
/ / ~ / )/
/œ/ ~ /↵)/
Ce sont des structures strictement organisées. On a aussi des
configurations d’ensemble, comme c’est le célèbre triangle des voyelles
que nous présentons ici d’une façon sommaire:
/a/ /ə/
/ε/ /œ/ / /
/e/ /ø/ /o/
/i/ /y/ /u/

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De même, les nasales:
/Α)/
/Ε)/ / )/
/↵)/ /œ/
Il s’ensuit que le français comporte 16 voyelles étant l’une des
langues les plus riches à cet égard. Le roumain n’en a que 7, donc
moins de la moitié.
Pour conclure, la phonologie est l’étude des différences de sons
correspondant à des différences de sens, alors que la phonétique étudie
les sons du point de vue de leur forme sonore; un phonème est une
unité abstraite, définie par rapport à un système linguistique, alors
qu’un son (l’objet d’étude de la phonétique) est une unité concrète,
descriptible en soi (par rapport à ses modalités d’articulation).
Code oral/code écrit. La langue naturelle comporte deux faces:
sonore et graphique. La forme sonore (code oral) coexiste avec une
forme graphique (code écrit). Le code écrit dispose d’un inventaire de
signes graphiques (graphèmes) qui se répartissent en lettres et en
signes de ponctuation. L’alphabet français compte 26 lettres, dont
6 voyelles et 20 consonnes:
Aa N èn
B bé Oo
C cé P pé
D dé Q ku
E eu R èr
F èf S ès
G gé T té
H ach Uu
Ii V vé
J ji W double vé
K ka X iks
L èl Y i grec
M èm Z zed
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À ces lettres s’ajoutent les diacritiques:
– les accents: l’accent aigu (́) é, l’accent grave (̀̀) à, è, ù,
l’accent circonflexe (ˆ), â, ê
– la cédille sur c: ç
– le tréma ¨: ë, ï, ü.
Les deux codes se réalisent différemment d’une langue à l’autre.
Il y a des langues à écriture phonétique (le roumain) où la forme
graphique est l’image fidèle de la forme sonore. Et des langues à
écriture étymologique (le français) où entre la forme graphique et la
forme sonore il y a un décalage, dû à l’évolution historique de la langue.
L’ORTHOGRAPHE peut être définie comme l’ensemble des
règles et des usages qui régissent la manière d’écrire correctement les
mots d’une langue
Voici les principes de l’orthographe :
1. Le principe phonétique, selon lequel un son est transcrit par
une seule lettre, prononcée en tant que telle: bec, or, partir,
verdir, avec etc. Ce principe, qui est largement appliqué dans
une orthographe, comme celle du roumain, est moins illustré en
français.
2. Le principe syllabique, c’est-à-dire on transcrit un son par plus
d’une lettre. Ainsi, dans car, la lettre c reproduit la consonne
occlusive, sourde et palatale. Combinée avec la lettre h, elle
forme un groupe de deux lettres, ch qui transcrit la sifflante [∫]
sourde: cheval, champion, chien, chanter, achever, touchant,
chez etc. Ce fait a à l’origine un vrai principe syllabique, car c
latin suivi par a s’est transformé en /ts/, puis en /∫/: cantare >
chanter, caballus > cheval. En roumain, les groupes ci, gi notent
les sons affriqués en question. Toute l’écriture des nasales fran-
çaises est là: an = /Α)/; bon = /bõ/; in(+ consonne) = /ε)/ dans
vin. Il en est de même pour les voyelles; ainsi ai transcrit le
pho-nème /ε/, oi le diphtongue /wa/, eu le phonème /Ο/ dans je
peux, mais /œ/ dans fleur. Un autre aspect de ce principe se
rapporte à la valeur différente d’une lettre en raison de la
combinaison où elle se trouve: ainsi, la lettre c suivi de e ou i,
reproduit le son s (comme dans sac): cercle, cerise, cire,
parcelle, certain, cité, ciseau, civil, celui-ci etc. Parallèlement,
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on a la situation de g: dans garder, gonfler, gourde il a la valeur
du /g/, alors que dans gerbe, giboulée, gibier, il reproduit un
/Ζ/. C’est le cas du s intervocalique: dans maison, plaisir il note
le phonème /z/, tandis que dans sac, soc, c’est un /s/. Pour noter
un [s] intervocalique, il faut recourir à un double s ou bien à ç:
passer, maçon.
3. Le principe morphologique est très important pour l’ortho-
graphe roumain, où l’on doit tenir compte de la reproduction du
radical. Ainsi gheaţă s’écrit avec ea, bien que prononcé ghi,
pour garder la notation du radical présente dans gheţuş, îngheţ,
îngheţa. C’est la même chose pour ci: dans cine l’écriture est
normale, mais dans ceapă on écrit avec e pour garder l’unité de
la racine se retrouvant dans cepe. En français on a les cas des
adjectifs dans la finale desquels on écrit une consonne au
masculin bien qu’elle ne se prononce pas, pour marquer l’unité
avec le féminin où elle se prononce: grand-grande, petit-
petite. C’est la même situation pour les noms rapportés aux
verbes, comme dans chant-chante, ou pour le paradigme d’un
même verbe: il part-nous partons.
4. Le principe syntactique se retrouve dans l’écriture différente
des mots, selon leur fonction dans la phrase; bien fait réunit
l’adverbe et le nom écrits séparément en tant que deux mots,
alors que bienfait est un nom composé, dont les deux éléments
sont soudés. De même, surtout est un adverbe unitaire, tandis
que dans sur tout le territoire, sur est une préposition et tout
un adjectif indéfini.
5. Le principe historique est très important pour le français. Au
cours de son histoire, la prononciation a changé, mais l’écriture
n’a pas suivi le pas; par esprit de tradition on a gardé l’orthographe
ancienne. C’est le cas des phonèmes /Ο/ et /œ/ qui sont
transcrits tous les deux par eu dans heureux, je peux et dans
fleur, il meurt. À l’origine, c’est un principe syllabique qui a
déterminé le changement des sons latins en raison de la nature
de la syllabe où ils se trouvaient. La diphtongue oi était
prononcée telle quelle en langue ancienne; sa prononciation a
évolué vers /we/, puis /wa/, mais l’écriture n’a pas changé: loi,
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moi etc. Une autre évolution a abouti à ai comme dans les
imparfaits des verbes: chantais, [aj] en ancien français, puis la
prononciation a été /∫Α)twe/ avec l’écriture chantais, qui note
aujourd’hui le /ε/. Là encore ce fut à l’origine un principe
syllabique.
6. Finalement, le principe étymologique renvoie à l’écriture qui
garde des sons latins, disparus par la suite: on écrit doigt avec g
pour marquer son étymon digitus et vingt son étymon – viginti,
temps rapporté à tempus. On a aussi des phases intermédiaires,
mais l’écriture reste à peu près la même: en latin, le c de celum
(caelum) se prononçait /k/, est devenu en ancien français /ts/
comme en roumain, ţară. Entre temps, /ts/ est passé à /s/, mais
l’écriture est restée très proche de celle latine: ciel. Mais on a pu
se tromper et on a abouti à des fausses étymologies; ainsi,
poids provient du latin pensum, de la famille de pensare (> fr.
peser); on l’a faussement rattaché à pendo, d’où le d (poids).
Les unités qui servent à noter un phonème son appelées gra-
phèmes. Ceux-ci se réalisent par une ou plusieurs lettres qui marquent
un seul phonème. Dans bec, ma, par chaque graphème reproduit un
phonème. Selon le principe syllabique, on a des graphèmes formés de
deux lettres qui notent un seul phonème: ch, eu, ou, au, ph etc.
Pour ce qui est de l’ensemble des critères, en français l’emporte
le principe historique. Voici un fragment qui illustre bien cette proportion:
Pierrot fit semblant de regarder, mais il ne voulut pas voir. Il y
avait bien une guérite devant laquelle se bousculaient des bonnes
gens: il fixa autre chose, ailleurs, au-dessus, oui là-bas, une feuille
d’arbre tout à l’extrémité d’une branche, celle-là plutôt qu’une autre…
(Raymond Queneau, Pierrot mon ami, p. 176)

On a donc dans le texte ci-dessus:


Principe phonétique: de, il, ne, il, bien, se, il, là, à, extrémité, là =
11 mots.
Principe syllabique: guérite, chose, ailleurs, oui, branche = 5 mots.
Principe historique: tout le reste = 32 mots.

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Sur un ensemble de 48 mots, on a 22,91% de mots écrits selon le
principe phonétique, 10,41% et 66,66% selon le principe historique.
Le code oral de la langue est noté dans un système de notation
phonétique: l’Alphabet Phonétique International (API). Le système
de règles de transcription phonétique repose sur un double principe:
un son ne peut être noté que par un signe/ un signe ne peut représenter
qu’un son.
Transcription des sons du français
en Alphabet Phonétique International
Voyelles
[i] – idée, abîme, maïs
[e] – été, effort, quai
[ε] – sec, mère, faible
[y] – usage, mûr, aiguë
[u] – ouvert, où, gout
[ø] peu, jeune, vœu
[œ] peur, seuil, sœur
[ə] le, venir, appartement
[o] dos, chose, vos, eau
[ ] homme, votre, Paul
[a] là, achat, moi
[Α] pas, sable, tâche
[Α)] dans, ennui, remplir
[õ] long, ombre, son
[Ε)] fin, impossible
[œ)] un, chacun, parfum
Consonnes
[p] père, pipe, stop
[b] bord, robe, snob
[t] tout, été, sept
[d] deux, aider, aide
[k] car, chaos, kilo
[g] gare, aigre, second
[f] feu, effort, chef

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[v] veuf, cave, wagon
[s] sel, assez, garçon
[z] zéro, rose, dix-huit
[∫] chef, vache, short
[Ζ] jeux, ajouter, cage
[l] lion, aller, sol
[{] riche, rare, sort
[m] moi, aimer,
[n] nous, âne
[⎠] signe, peigner
Semi-consonnes
[j] hier, oeil, liane
[⎜] huit, nuage, tuer
[w] oui, moitié, moi,

Autres signes utilisés dans la transcription:


[:] la durée d’une voyelle ou d’une consonne: pause [po:z],
formidable [f :{midabl]
[·] la durée partielle: penser [pã · se]
[o] signe placé au-dessous de la lettre, marque le dévoisement
par assimilation: une petite branche [yn p↔tit b{ãΣ]
[*] astérisque, placé à gauche d’un autre signe, en haut,
indique un nom propre: France [*f{ã:s]
[∩] signe qui marque la liaison: les amis [lez Αmi]

[∪] signe qui indique l’enchaînement: il a [il a]
∪ ∪
[´] signe placé devant la syllabe qui porte l’accent du groupe:
je veux bien [Ζ↔vΟ´bjΕ)]
[//] signe qui indique la pause de longue durée;
[/] signe qui indique une petite durée;

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[] crochets qui encadrent les sons et les énoncés transcrits en
alphabet phonétique.
L’appareil phonatoire. La production des sons (la phonation)
est réalisée grâce à l’appareil phonatoire, celui-ci étant formé de trois
sous-ensembles d’organes: l’appareil respiratoire (poumons, source
de la colonne d’air expulsé, nécessaire à la phonation), le larynx (organe
essentiel de la production des sons, puisqu’il contient les cordes
vocales, qui, par vibration de l’air, produisent la voix), les cavités
supraglottiques (cavités pharyngale, buccale, nasale et labiale, qui sont
des cavités d’articulation et de résonance de l’appareil phonateur). Les
principaux résonateurs de l’appareil phonatoire sont la cavité buccale
et la cavité nasale. Les sons sont produits par le passage d’une colonne
d’air venant des poumons, qui traverse les résonateurs de l’appareil
phonatoire. La présence ou l’absence d’obstacles sur le parcours de la
colonne d’air modifie la nature du son produit. La nature de ces obs-
tacles constitue en même temps un critère de classification des sons.

2. LES UNITÉS PHONÉTIQUES SEGMENTALES


ET SUPRASEGMENTALES
Pendant la phonation, on produit rarement des sons isolés, ceux-
ci se combinent entre eux pour former des mots qui, à leur tour, entrent
dans des rapports de cohésion particulière, formant des séquences
linguistiques de plus en plus longues. La chaîne parlée se laisse analysée
à différents niveaux en segments linéaires successifs de plus en plus
courts. En partant d’un niveau supérieur vers un niveau inférieur, ces
séquences phonétiques dites unités segmentales sont: la phrase, le
groupe de souffle, le groupe rythmique, la syllabe, le son. Aux unités
segmentales se superposent les unités suprasegmentales l’intonation
et l’accent, qui ont une double fonction: démarcative et/ou expressive.
Ces unités phonétiques (segmentales et suprasegmentales) n’ont de
réalité phonique qu’ensemble.
La phrase phonétique est délimitée par deux grandes pauses
(pause absolue / pause de phrase); elle est articulée avec une intonation
spécifique (selon le type de phrase: énonciative, interrogative, impérative,
exclamative).

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Le groupe de souffle (groupe respiratoire) représente les mots
articulés entre deux inspirations. Cette unité a une longueur phonique
relative, qui dépend de plusieurs facteurs: capacité respiratoire du
sujet parlant, vitesse du débit verbal du sujet parlant, cohérence
logico-syntaxique, expressivité et conditions extra-linguistiques (bruits,
parasites, facteurs psychologiques). Ce groupe s’accompagne d’un
contour mélodique (ton montant ou descendant) en fonction du
nombre d’unités phonétiques qui composent chaque groupe. Dans la
graphie, la pause de groupe respiratoire est marquée par les signes de
ponctuation: [.] , [;] , [:].
Le groupe rythmique est le plus petit groupe de mots pourvu
de signification, délimité par une pause brève ou le plus souvent par
une rupture tonale caractérisée par une courbe mélodique spécifique
(ton montant ou descendant). Autrement dit, «toute suite de mots qui
exprime une idée simple et unique et qui n’a d’accent que sur sa dernière
syllabe» (M. Grammont, Traité de phonétique, Delagrave, Paris, 1965,
p. 105). Dans la graphie, le groupe rythmique est marqué par la
virgule. Il peut coïncider avec un groupe de souffle court, mais de
façon générale le groupe de souffle contient plusieurs groupes ryth-
miques. Dans le groupe rythmique l’accent tombe toujours sur la der-
nière syllabe du dernier mot. Le groupe rythmique peut avoir plusieurs
structures:
1. prédéterminant + nom:
un étudiant [œ)ne´tydjΑ)]
des arbres [deza´{b{]
nos amis [n za´mi]
ses succès [sesyksε]
quelque chose [kεlkəΣo: z]
plusieurs fois [plyzϕœ: {fwa]
2. préposition + prédéterminant + nom:
sans un sou [sΑ)zœ)su]
sous le ciel [suləsjεl]
dans un endroit [dΑ)zœ)nΑ)d{wa]
3. prédéterminant + déterminant + nom:
les grandes choses [leg{Α)dΣo: z]
les petits enfants [leptizΑ)fΑ)]
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4. préposition + prédéterminant + déterminant + nom:
pour nos petits soucis [pu{n pətisusi]
avec ses propres mains [avεksep{o{mε)]
5. prédéterminant + nom + préposition:
un cri d’effroi [œ)k{idεf{wa]
les jours d’antan [leΖu: {dΑ)tΑ)]
6. prédéterminant + nom + déterminant:
un rire stupide [œ){i{stypid]
une chose délicate [ynΣo: zdelikat]
une mère douce [ynmΕ: {du: s]
7. prédéterminant + déterminant + nom +déterminant:
un gros flocon blanc [↵)g{oflok )blΑ)]
un long bec aigu [œ)l )bεkεgy]
Sauf ces structures, il existe des groupes rythmiques ayant un
pronom sujet et le verbe accompagné d’un de ses déterminants:
1. pronom sujet + verbe:
tu chantes [tyΣΑ): t]
ils écoutaient [ilzekutε]
2. pronom sujet + verbe à la forme négative:
nous ne parlons pas [nunəpa{l )pΑ]
il ne voit plus [ilnəvwaply]
3. pronom sujet + auxiliaire + participe passé/infinitif:
vous avez travaillé [vuzavet{avaje]
il veut apprendre [ilvΟtap{Α)d{]
4. pronom sujet + pronom complément + verbe (forme simple ou
composée):
il nous parle [ilnupa{l]
ils leurs disent [ill↵: {di:z]
il nous a dit [ilnuzadi]
nous les avons remerciés [nulezav ){əmε{sje]
5. pronom sujet + pronom complément + verbe (+ négation):
il ne me parle pas [ilnəməpa{lpΑ]
vous ne nous écrivez pas [vunənuzek{ivepΑ]
6. pronom sujet (+ pronom complément) + adverbe + verbe:
nous l’avons mal compris [nulav )malk )p{i]
il nous parle toujours [ilnuparltuΖu: {]

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La segmentation en groupes rythmiques est très importante pour
l’articulation des énoncés français.
Cela est d’autant plus important pour les étudiants roumains qui
ont des réflexes articulatoires roumains fondés sur la dynamique de
l’accent tonique roumain, qui ne détermine pas toujours des groupements
rythmiques évidents.
La syllabe est le plus petit segment de la chaîne parlée que l’on
émet au cours d’une phonation. Au point de vue de la structure, la
syllabe peut être constituée par une voyelle ou par une voyelle accom-
pagnée d’une ou plusieurs consonnes. Le point maximum de l’effort
articulatoire syllabique se place sur le noyau (centre) de la syllabe, qui
est toujours une voyelle. Toutes les voyelles françaises peuvent remplir
la fonction de noyau syllabique. La seule voyelle qui présente un statut
particulier est le e muet. Les syllabes servent de composantes à des
unités plus grandes, tels les mots, les groupes accentuels, les syntagmes
etc. La structure syllabique est l’une des caractéristiques phonétiques
de la langue. Il existe en français des syllabes de différents types:
voyelle (V), -à, a
consonne-voyelle (CV), -tu, se.
consonne-consonne-voyelle (CCV), -cri, ski
voyelle-consonne (VC), -il, or
consonne-voyelle-consonne (CVC), -car, sec
Suivant leur structure formelle (la nature du son final), il y a deux
types de syllabes: syllabe ouverte (se termine par une voyelle prononcée)
parler [pa{-´le]
dictée [dik-´te]
et syllabe fermée (se termine par une consonne prononcée):
finir [fi-´ni: {]
toujours [tu-´Ζu: {]
En tenant compte de l’accentuation, il y a des syllabes accentuées
(toniques) et des syllabes non-accentuées (atones). La syllabe accentuée
se caractérise par son intensité articulatoire, son niveau tonal (haut ou
bas) et par la durée de son noyau vocalique (voyelle allongée).
La division en syllabes se fait d’après certaines règles ou habi-
tudes syllabiques. Voici les principales règles de la syllabation française:
1. Une consonne entre deux voyelles passe à la deuxième voyelle:
22
sauter [so-te]
chapeau [Σa-po]
couteau [ku-to]
ôter [o-te]
2. Les consonnes doubles appartiennent à la voyelle qui la suit:
aller [a-le]
donner [d -ne]
annoncer [a-nõ-se]
errer [e-{e]
frapper [f{a-pe]
Remarque: Font exception à cette règle les verbes en – ir – au
futur et au conditionnel et les mots du type:
illusion [il-ly-zj )]
illuminer [il-ly-mi-ne]
imminence [im-mi-nΑ):s]
inné [in-ne]
irresistible [i{-{e-zis-tibl]
je verrai [Ζə-vε{-{e]
tu pourrais [ty-pu{-{ε]
3. Deux consonnes différentes placées entre deux voyelles se
dissocient dans des syllabes différentes:
tester [tεs-te]
parfum [pa{-fœ)]
partir [pa{-ti{]
balcon [bal-k )]
Remarques:
1. Les groupes consonantiques muta cum liquida ne se dissocient
jamais. Ils passent à la voyelle qui suit:
capable [ka-pabl]
découvrir [de-ku-v{i: {]
spectacle [spεk-takl]
2. Une consonne suivie d’une semi-voyelle ne se dissocie jamais:
traduire [t{a-d⎜i{]
avouer [a-vwe]
assiette [a-sjεt]

23
3. Les groupes de trois consonnes écrites se dissocient après la
deuxième consonne:
compter [k )-te]
transporter [t{Α)s-p {-te]
ventral [vΑ)t-{Αl]
4. Les groupes de quatre consonnes écrites se dissocient après la
deuxième consonne:
instruit [ε)s-t{⎜i]
instrument [ε)s-t{y-mΑ)]
5. Deux semi-voyelles se dissocient en syllabes différentes:
nous travaillions [nu-t{a-vaj-j )]
vous croyiez [vu-k{waj-je]
Les jonctions syllabiques (enchaînement et liaison). L’enchaî-
nement est de deux types: consonantique et vocalique.
L’enchaînement consonantique – définition: lorsqu’un mot se
termine par une consonne prononcée et que le mot suivant commence
par une voyelle, la consonne finale du premier mot devient initiale du
mot suivant. Cet enchaînement se fait essentiellement dans un groupe
rythmique:
il accepte [il´aksεpt]
avec intérêt [avε´kε)te{ε]
quel homme [kε´l m]
cette étudiante [sεte´tydiΑ)t]
Le mot qui précède se terminant par le groupe «muta cum
liquida» s’enchaîne avec la voyelle initiale du mot qui suit, formant
une seule syllabe:
notre enfant [n t{Α)´fΑ)]
un spectacle admirable [œ)spεktakla´dmi{abl]
L’enchaînement vocalique – définition: lorsqu’un mot se termine
par une voyelle prononcée et que le mot suivant commence par une
voyelle, il n’y a pas d’arrêt de la voix entre les deux voyelles: les deux
voyelles sont enchaînées:
tu as appris [tyaap´{i]
tu as allumé [tyaaly´me]
tu as eu aussi [tyayo´si]

24
L’enchaînement vocalique est fait entre une voyelle ou le [h]
muet et la voyelle du mot qui suit, si ce dernier mot commence par un
h aspiré:
le hêtre [ləε´t{]
les hêtres [leε´t{]
la hardiesse [la´a{diεs]
La voyelle oralo-nasale du mot qui précède s’enchaîne avec la
voyelle initiale du mot qui suit, si le mot commence par un h aspiré:
un hêtre [↵)εt{]
un héros [œ)e´{o]
L’enchaînement se fait entre l’adverbe quand à la forme
interrogative avec le mot qui suit commençant par une voyelle:
quand est-il venu? [ka)εt´il v↔’ny]
quand a-t-elle dit cette chose? [kΑ)a´tεldisεt´∫o:z]
La liaison est un cas particulier de l’enchaînement, qui se fait
entre la consonne finale d’un mot et la voyelle prononcée du mot suivant,
lorsque celui-ci commence par une voyelle ou un h muet. Il y a des
liaisons obligatoires, des liaisons interdites et des liaisons facultatives:
fait-il? [fεtil]
vient-il? [vjε)til]
trop arrogant [t{opa{ogΑ)]
les hommes [lez m]
A. Liaisons obligatoires
a) Liaison entre les pronoms personnels sujets: on, nous, vous,
ils, elles et le verbe qui suit commençant par une voyelle ou un h muet:
on entend [ )nΑ)´tΑ)]
nous irons [nuzi´{ )]
vous aimez [vuzε´me]
ils acceptent [ilza´ksεpt]
elles estiment [εlzε´stim]
b) Liaison entre le déterminant ou l’adjectif d’une part, et le nom
ou l’adjectif d’autre part:
les hommes [lez´ m]
aux armes [oza´{m]
les autres garçon [lezo´t{ga{s )]
deux enfants [dΟzΑ)´fΑ)]
cet ami [sεta´mi]
ces événements [sεze´venmΑ)]
25
tout acte [tutakt]
certains immeubles [sε{tε)zi´m(m)œbl]
tes affaires [teza´fε{]
c) Liaison après c’est et il est impersonnel:
c’est adorable [sεta´d {abl]
il est injuste [ilεt´Ε)Ζyst]
d) Liaison entre les prépositions et les adverbes monosyllabiques:
sans espoir [sãzε ´spwa{]
sous une étoile [suzyn´etwal]
dans un endroit [dãzœ)nd{wa]
pas avant [pΑza´vã]
tout entier [tutΑ)´tje]
moins important [mwε)zε)´p {tΑ)]
assez aimable [asezε´mabl]
e) Liaison avec la plupart des mots composés et des locutions:
de temps en temps [dətΑ)zΑ)tΑ)]
vis-à-vis [viza´vi]
les Champs-Élysées [le*SΑ)ze´lize]
les Etats-Unis [le*zeta´zyni]
B. Liaisons recommandées
a) Liaison entre le verbe et le nom ou l’adjectif attribut:
je suis étudiant [Ζəs⎜ize´tydjΑ)]
il est enfant [ilεtΑ)´fΑ)]
nous sommes acteurs [nus mza´ktœ{]
b) Liaison entre les verbes auxiliaires à la 3 personne et le par-
ticipe passé:
il est entré [ilεtΑ)´t{e]
elle avait affirmé [εlavεta´fi{me]
c) Liaison après quand et dont:
quand il entre [kΑ)tilΑ)t{]
dont elle parle [d )tεlpa{l]
C. Liaisons interdites
a) Liaison devant h aspiré:
les héros [lee{o]
des Hongrois [de* )g{wa]
b) Liaison après la conjonction et:
il arrive et il entre [ila{iveilΑ)t{]
c) Liaison après les prépositions: vers, envers, à travers, selon:
26
vers un champ [vε{œ)∫ã]
à travers un bois [at{avε{œ)bwa]
d) Liaison après la désinence –es de la 2 personne du singulier
de l’indicatif présent et du subjonctif présent et après le verbe avoir à
la 2 personne du singulier:
tu entres en salle [tyãt{ãsΑl]
que tu chantes encore [kəty∫Α)tΑ)k {]
tu as une mère [tyaynmε: {]
e) Liaison après les numéraux: huit, onze, cent et un:
les huit amis [le⎜itami]
les onze abeilles [le )zabεj]
cent une feuilles [sΑ)ynfœj]
D. Liaisons facultatives
Les liaisons sont facultatives après les verbes auxiliaires, les
infinitifs, les participes passés, après un prédéterminant:
ils font un plan [ilf )tœ)plΑ)]
les élèves attentifs [lezelεvzΑtΑ)tif]
ils ont ouvert [ilz )tuvε{]
L’accent
L’accent consiste dans la force plus grande avec laquelle on
articule une des syllabes du mot. On distingue accent d’intensité
(accent tonique) et accent d’insistance. L’accent tonique est l’accent
normal du français et qui marque toujours la dernière voyelle
prononcée (dernière syllabe du mot). L’accent d’insistance met en
relief tel ou tel mot pour des raisons logiques et/ou affectives.
L’accent tonique est plutôt un accent de groupe que de mot, il quitte
donc le mot, en se déplaçant sur la dernière syllabe du groupe, lorsque
le mot entre dans une phrase. Les mots qui peuvent porter l’accent
tonique sont de mots dits «lexicaux ou pleins» (noms, adjectifs,
verbes, adverbes). En français l’accent a le rôle de mettre en valeur
une syllabe du mot:
tomber [t )´be]
laisser [lε´se]
chapeau [Σa´po]
français [f{Α)´sε]
calamité [kalami´te]

27
La voyelle de la syllabe accentuée devient plus longue, c’est-à-dire,
elle est prononcée deux fois plus longue que le reste des voyelles du
même mot. Cette différence est marquée par l’intensité, la durée et le ton.
L’intensité de la voyelle accentuée en français est considéré
négligeable, c’est-à-dire, elle diffère un peu de celles inaccentuées.
La durée de la voyelle accentuée «est deux fois plus longue que
les autres» (P. Léon, 1968:66).
En ce qui concerne le ton, le français est caractérisé par l’emploi
presque constant des tons montants sur les voyelles finales de groupes.
(P. Léon, 1968:66).
L’accent d’insistance se place sur la première syllabe du mot
accentué dans un groupe rythmique, pour insister sur ce mot; la
consonne respective est marquée par une attaque plus forte:
C’est formidable!
C’est un misérable!
C’est impossible!
L’accent d’insistance a le rôle de remettre en évidence la voyelle,
d’allonger ou même de redoubler la première consonne du mot. Alors,
la première syllabe est prononcée sur un ton montant.
L’intonation
L’intonation ou la mélodie de la phrase est définie comme la
courbe mélodique du groupe ou des groupes rythmiques qui composent
une phrase. Selon les types de phrase, on distingue: l’intonation de la
phrase énonciative (assertive), l’intonation de la phrase interrogative,
l’intonation de la phrase impérative, l’intonation de la phrase exclamative.
Chaque phrase a son mouvement musical et on représente gra-
phiquement la courbe de la mélodie par une flèche.
La mélodie ou l’intonation diffère selon le type de phrase.
Pour la phrase énonciative on a d’habitude deux groupes ryth-
miques: la première partie se caractérise par une mélodie ou un ton
montant et la deuxième se caractérise par un ton descendant.

Le professeur est venu.


[l↔p{ fε´sœ{εv↔ny]

28
La mère appelle ses deux fils.
[lamε: {´apεlsedΟ‘fis]

Jeanne n’a pas menti.


[*ΖannapΑmΑ)ti]

Pour la phrase interrogative on distingue les tons suivants:


a) pour la phrase interrogative avec inversion du sujet on a un
ton montant:
As-tu appris?
[atyap{i]

Sont-elles arrivées?
[s )tεla{ive]

b) pour la phrase interrogative avec adverbe interrogatif on a: le


ton montant dans la première partie de la phrase et dans la partie finale
le ton est descendant:
Où prenez-vous vos repas?
[up{ənevu´vo{↔pa]

Quand venez-vous?
[kΑ)vəne´vu]

Pourquoi pleurez-vous?
[pu{kwaplϫ{evu]

c) les phrases exclamatives et celles impératives se caracté-


risent généralement par une mélodie descendante. S’il s’agit d’une
surprise, de l’impatience, d’un ordre ou d’un appel, le ton est montant:
29
Que c’est joli!
[k↔sεΖ li]

Quelle horreur!
[kεl {œ{]

Entrez!
[Α)t{e]

Comment?
[k mΑ)]

C’est vrai?
[sεv{Ε]

Allo!
[alo]

3. LE SYSTÈME VOCALIQUE
Les voyelles françaises au nombre de 16 se caractérisent par les
traits articulatoires suivants:
– antérieures ou postérieures:
Les voyelles sont antérieures ou postérieures selon leur point
d’articulation, c’est-à-dire, la région du palais vers laquelle la langue
se soulève.
On appelle aussi les voyelles antérieures – palatales parce que
la langue se soulève vers la partie dure du palais, et les voyelles posté-
rieures – vélaires parce que la langue se soulève vers la partie molle
du palais.
– orales ou nasales:
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Les voyelles orales sont celles pour lesquelles l’air s’échappe
seulement par la bouche.
Les voyelles nasales sont celles pour lesquelles le souffle s’échappe
à la fois par la bouche et par le nez.
– labiales (arrondies) ou non-labiales (non-arrondies):
Les voyelles sont dites labiales quand on les prononce en
arrondissant les lèvres projetées en avant.
Les voyelles sont dites non-labiales quand les lèvres ne parti-
cipent pas à leur prononciation.
– ouvertes ou fermées/ mi-ouvertes ou mi-fermées :
Pour la prononciation de ces voyelles (ouvertes ou fermées), les
mâchoires peuvent être plus ou moins écartées, et la langue plus ou
moins éloignée du palais.
Les semi-voyelles sont au nombre de trois: [j] le yod, [⎜] le ué,
[w] le oué.

Tableau des voyelles françaises1

ANTÉRIEURES POSTÉRIEURES
Ouvertes Ouvertes
Fermées Fermées
Orales Nasales Orales Nasales
Non [i] si [ε] mer [Ε)] pin
labiales [e] dé [a] date
Labiales [y] vu [œ] leur [œ)] un [u] ou [ ] [ )] on
[ø] feu [o] ose note [Α)] an
[Α]
[ə] gredin bas
1
Le tableau ci-dessus a été emprunté à Maurice Grevisse, Le bon
usage, Grammaire française, Ed. Duculot, Paris, 1993, p. 33.

1. Les voyelles orales


Parmi les 16 unités vocaliques du français, 12 voyelles sont orales.
1.1. Voyelle [a] antérieure, non-labiale, très ouverte
La voyelle [a] antérieure est rendue par les graphies suivantes:
-a: place [plas]

31
ma [ma]
-à: déjà [deΖa]
là [la]
-â: dans les désinences des verbes du premier groupe
(au passé simple de l’indicatif, première et deuxième
personnes du pluriel et subjonctif imparfait, la troisième
personne du singulier).
nous dansâmes [nudΑ)sam]
vous dansâtes [vudΑ)sat]
- as : à la fin du mot:
bras [b{Α]
tu as [tya]
tu iras [tyi{a]
tu parlas [typa{la]
- dans la diphtongue – ail, - aille:
détail [detaj]
taille [taj]
- e : dans le mot femme [fam] et dans les formes adverbiales du
type: évidemment [evidamΑ)]; prudemment [p{ydamΑ)].
- dans la diphtongue – oi, - oî, - oy :
moi [mwa]
employé [Α)plwaje]
boîte [bwat], etc.

1.2. Voyelle [Α] postérieure, labiale, très ouverte


La voyelle [Α] postérieure est rendue par les graphies suivantes:
-â: pâte [pΑt]
- as : pas [pΑ]
- asse: basse [bΑs]
- a devant [z]: phrase [f{Α : z]
gazer [gΑze]
- dans la diphtongue – aille:
32
trouvaille [t{uvΑj]
sauf médaille [medΑj]
- a devant la terminaison [sj )]:
nation [nΑsj )]
passion [pΑsj )]
- oê, diphtongue [wΑ] dans les mots:
poêle [pwΑl]
- oi, diphtongue [wΑ]:
étroit [et{wΑ]
Du point de vue phonologique, la voyelle [Α] postérieure est en
opposition avec la voyelle [a] antérieure:
/a/ ~ /Α/
ta /ta/ ~ tas /tΑ/
patte /pat/ ~ pâte /pΑ : t/
1.3. Voyelle [e] antérieure, non-labiale, fermée
Principales graphies de [e] antérieur:
-é: répété [{epete]
- er : parler [pa{le]
- ez : vous chantez [vuΣΑ)te]
nez [ne]
- e devant une consonne non prononcée:
pied [pje]
clef [kle]
portier [p {tje]
les [le]
- ai : j’ai [Ζe]
La voyelle [e] antérieure fermée apparaît seulement en syllabe
ouverte.
1.4. Voyelle [ε] antérieure, non-labiale, ouverte
Cette voyelle est notée par les graphies suivantes:
- e en syllabe fermée:
bec [bεk]

33
terre [tε{]
-è: père [pε: {]
-ê: forêt [f {ε]
- ai, aî : aigle [εgl]
maître [mε:t{]
- ai dans les terminaisons verbales de l’Imparfait: -ais; -ais; -ait;
-aient:
je donnais [Ζ↔d nε]
j’irais [Ζi{ε] – il en est de même pour le conditionnel
présent
-ei : peine [pεn]
- ai, aid, ait, ais, aix, aie dans les noms et les adjectifs:
raie [{ε]
mai [mε]
lait [lε]
paix [pε]
palais [palε]
laid [lε]
-et à la fin du mot, sauf la conjonction et:
cadet [kadε]
Du point de vue phonologique, les voyelles [e] fermée et [ε]
ouverte, en finale absolue sont en opposition phonétiques:
/e/ ~ /ε/
fée /fe/ ~ fait /fε/
les /le/ ~ lait /ε/
chanté /ΣΑ)te/ ~ je chantais / Ζ↔ΣΑ)tε/
allé /ale/ ~j’allais /Ζalε/
1.5. Voyelle [o] postérieure, labiale, fermée
Les graphies dans lesquelles on trouve cette voyelle sont les
suivantes:
- o en syllabe ouverte:
mot [mo]
gros [g{o]
34
- o en syllabe fermée devant [z] et [s]:
- au: rose [{o:z]
clause [klo:z]
fosse [fo:s]
- o devant la terminaison [sj )]:
notion [nosj )]
- au: chaud [Σo]
- eau: chapeau [Σapo]
-ô: rôle [{o: l]
- aô: Saône [*so:n]
1.6. Voyelle [ ] postérieure, labiale, ouverte
Pour cette voyelle correspondent les graphies suivantes:
- o devant consonne [{]; [g]; [Ζ]:
sort [s : {]
biologue [biol g]
besogne [b↔z ⎠]
- o en syllabe fermée: offre [ f{]
- au devant [{]: aurore [ { {]
- au en syllabe ouverte: mauvais [m vε]
dans les noms propres:
Maurice [*m {is]
Laurent [*l {Α)]
Maurois [*m {wa]
- au en sylabbe fermée:
dans les noms propres: Paul [*p l]
- um: album [alb m]
sauf parfum [pa{fœ)]
Du point de vue phonologique, l’opposition de [o] fermée / [ ]
ouvert sert à distinguer les mots ayant un sens différent:
/o/ ~ / /
Paule /*pol/ ~ Paul /*p l/
côte /kot/ ~ cote /k t/
1.7. La voyelle [ø] antérieure, labiale, fermée
35
Cette voyelle peut être prononcée dans les graphies suivantes:
- eu – en syllabe ouverte à la fin du mot:
jeu [Ζø]
-eu – dans les mots: feutre [føt{]
- eu – devant la consonne[z]:
peureuse [pΟ{ø: z]
- oeu – devant les consonnes finales qui ne sont pas prononcées:
bœufs [bø]
œufs [ø]
nœuds [nø]
Du point de vue phonologique, la voyelle [ø] fermée est en
opposition phonétique avec les voyelles [e] fermée et [o] fermée:
[ø] ~ [e] ~ [o]
nœud /n ø / ~ nez /ne/ ~ nos /no/
deux /d ø / ~ des /de/ ~ dos /do/
1.8. La voyelle [œ] antérieure, labiale, ouverte
Cette voyelle est rendue par les graphies suivantes:
- euil diphtongue: feuille [fœj]
- ueil diphtongue après les consonnes [k] et [g]:
accueil [akœj]
orgueil [ {gœj]
- oe dans le mot œil [œj] et ses dérivés:
œillet [œjε]
ils veulent [ilvœl]
- oeu: œuf [œf]
bœuf [bœf]
cœur [kœ{]
Les voyelles ouvertes [ε], [ ], [œ] sont en oppositions phonétiques:
/ε/ ~ / / ~ /œ/
sel /sεl/ ~ sol /s l/ ~ seul /sœl/
père /pε: {/ ~ port /p :{/ ~ peur /pœ: {/
1.9. La voyelle [ə] antérieure, labiale, moyenne

36
La voyelle [ə] est notée par les graphies suivantes:
– e – en syllabe ouverte:
lever [ləve]
– e dans les mots qui commencent par les préfixes de- et re-:
devoir [dəvwa: {]
recevoir [{əsvwa: {]
– e dans les mots qui sont précédés par une ou plusieurs
consonnes et suivis d’une consonne:
regard [{əga: {]
demande [dəmΑ)d]
regret [{əg{Ε]
– e dans les mots: le [lə]
me [mə]
te [tə]
se [sə]
– ai – dans certaines formes du verbe faire:
nous faisons [nufəz )]
faisant [fəzΑ)]
– on – dans le mot Monsieur [məsjø]
Du point de vue phonologique, la voyelle [ə] instable ou caduque
réalise les oppositions suivantes:
/ə/ ~ /e/
de /də/ ~ des /de/
ce /sə/ ~ ces /se/
/ə/ ~ /ε/
se /sə/ ~ il sait /ilsε/
me /mə/ ~ mais /mε/
/ə/ ~ /ø/
de /də/ ~ deux /dø/
ce /sə/ ~ ceux /sø/
/ə/ ~ /i/
de /də/ ~ dit /di/
se /sə/ ~ si /si/
/ə/ ~ /y/
le /lə/ ~ lu /ly/
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se /sə/ ~ su /sy/
Les particularités de prononciation de la voyelle [ə] instable sont
les suivantes:
- au début d’un groupe rythmique elle se prononce:
Que sais-tu?
- à l’intérieur de groupe rythmique: la voyelle [ə] instable ne se
conserve pas dans une conversation à rythme normal (Janeta Drăghicescu,
1980: 76):
A demain! [admε)]
- à la fin du groupe rythmique: en poésie si le groupe rythmique
suivant commence par une consonne:
Il nous invite dans le jardin.
Dans le style de la conversation courante la voyelle [ə] instable
est supprimée. Mais on la garde dans deux cas:
- pour rendre facile l’articulation après les consonnes [p], [t], [k],
[b], [d], [g]:
rebord [{əb : {]
degré [dəg{e]
retour [{ətu: {]
Remarque: Pourtant, dans la langue familière on peut dire:
[{tu: {] au retour
[{ga{d] regarde!
- pour rendre facile la compréhension, quand la chute du [ə]
instable risque d’entraîner une consonne double à l’initiale:
je juge [ΖəΖyΖ]
Du point de vue phonologique, la voyelle [ə] instable finale ne
se prononce pas devant une voyelle ou un h muet:
l’autre hiver [lot{ivε: {]
- devant un h «aspiré» la voyelle [ə] instable se prononce:
le hublot [ləyblo]
- devant consonne + yod:
nous serions [nusə{j )]
vous feriez [vufə{jΕ]
1.10. La voyelle [i] antérieure, non-labiale, fermée
La voyelle [i] apparaît dans les graphies suivantes:
- i – suivie d’une consonne: tige [ti:Ζ]

38
-i – en position médiale: fil [fil]
-i – en position finale: midi [midi]
-in – suivie d’une voyelle: ordinaire [ {dinε: {]
-in – suivie de la consonne n: innombrable [in )b{abl]
-im – suivie d’une voyelle: image [ima:Ζ]
-im – suivie de la consonne m: immonde [im )d]
-ï: maïs [mais]
-î: île [il]
nous fîmes [nufi:m]
vous prîtes [vup{it]
-y: gymnastique [Ζimnasti:k]
Du point de vue phonologique, la voyelle [i] réalise des oppositions
avec les voyelles suivantes:
/i/ ~ /e/ - lit /li/ ~ les /le/
/i/ ~ /ε/ - si /si/ ~ il sait /ilsε/
/i/ ~ /o/ - dis! /di/ ~ dos /do/
/i/ ~ / / - pire /pi: {/ ~ port /p : {/
/i/ ~ /u/ - pis /pi/ ~ poux /pu/
1.11. La voyelle [u] postérieure, labiale, très fermée
La voyelle [u] apparaît dans les graphies suivantes:
-ou: mouton [mut )]
-où: où [u]
-oû: croûte [k{ut]
-aou: saoul [sul]
-aoû: août [u(t)]
Du point de vue phonologique, la voyelle [u] réalise des oppositions
avec les voyelles:
/u/ ~ /i/ doux /du/ ~ dis!/di/
/u/ ~ /e/ sous /su/ ~ ses /se/
/u/ ~ /ε/ pour /pu: {/ ~ paire /pΕ: {/
/u/ ~ /o/ fou /fu/ ~ faux /fo/
/u/ ~ / / douter /dute/ ~ doter /d te/
39
1.12. La voyelle [y] antérieure, labiale, très fermée
La voyelle [y] apparaît dans les graphies suivantes:
-u: usine [yzin]
-û: flûte [flyt]
- eu: j’eus [Ζy]
-eû: vous eûtes [vuzyt]
Remarque: Les graphies –eu-; -eû –; représentent le son [y]
seulement dans les formes verbales du passé simple et du participe
passé du verbe avoir: eu – participe passé; j’eus – passé simple.
Les oppositions phonologiques dont la voyelle [y] fait partie sont
fort nombreuses:
/y/ ~ /i/ fut /fy/ ~ fit /fi/
lut /ly/ ~ lit /li/
dut /dy/ ~ dit /di/
/y/ ~ /u/ but /by(t)/ ~ bout /bu/
rue /{y/ ~ roue /{u/
mû /my/ ~ mou /mu/
/y/ ~ /e/ lu /ly/ ~ les /le/
nu /ny/ ~ nez /ne/
/y/ ~ /ε/ mur /my: {/ ~ mère /mε: {/
pur /py: {/ ~ père /pε: {/
/y/ ~ /ø/ dû /dy/ ~ deux /dø/
nu /ny/ ~ nœud /nø/
/y/ ~ /œ/ sur /sy: {/ ~ sœur /sœ: {/
/y/ ~ /o/ dû /dy/ ~ dos /do/
/y/ ~ / / mur /my: {/ ~ mort /m :{/

2. Voyelles nasales
Le français possède un nombre important de voyelles nasales: il
en a quatre [Ε) - ↵) - ) - Α)].
Les voyelles nasales se produisent quand le souffle s’échappe à
la fois par la bouche et par le nez.
On distingue les voyelles oralo-nasales postérieures ouvertes,
non labiale [Α)] et fermée labiale [ )], et les voyelles oralo-nasales
anté-rieures ouvertes, non labiale [Ε)] et [↵)].

2.1. La voyelle [Α)] nasale, postérieure, non labiale, ouverte


40
Pour le [Α)] la langue s’abaisse et se retire plus en arrière que
pour le son oral correspondant [Α]. Les lèvres sont légèrement pro-
jetées en avant. Le voile du palais est abaissé permettant le passage de
la colonne d’air aussi par les fosses nasales.
La voyelle [Α)] nasale est notée par les graphies suivantes:
- an – suivie de consonne:
pendant [pΑ)dΑ)nt]
panser [pΑ)se]
- an – en position finale:
an [Α)]
écran [ek{Α)]
- am – suivie des consonnes [p] ou [b]:
rampe [{Α):p]
ambulance [Α)bylΑ):s]
- am – en position finale:
Adam [*adΑ)]
dam [dΑ)]
- en – suivie de consonne:
entrer [Α)t{e]
gendre [ΖΑ):d{]
Remarque: La graphie en – à statut de préfixe se prononce
[Α))n] suivie d’une voyelle ou de la consonne [n]: enivrer [Α)niv{e]
ennoblir [Α)n bli{]
- em – suivie des consonnes [p] ou [b]:
exemple [egzΑ)pl]
embellir [Α)bεli: {]
Remarque: La graphie em – à statut de préfixe se prononce
[Α)m] suivie de la consonne m: emménager [Α)menaΖe].
- aen: Caen [*kΑ)]
- aon: taon [tΑ)]
faon [fΑ)]
paon [pΑ)]
- ean: Jean [*ΖΑ)]
Du point de vue phonologique, la voyelle [Α)] se fait sentir dans
l’opposition avec la voyelle orale [a]:
41
/Α)/ ~ /a/
panser /pΑ)se/ ~ passer /pase/
pan /pΑ)/ ~ panne /pan/
camp /kΑ)/ ~ canne /kan/
2.2. La voyelle [Ε)] nasale, antérieure, non labiale, ouverte
La voyelle [Ε)] nasale est rendue par les graphies suivantes:
- in – suivie de consonne, excepté la consonne [n]:
inclure [Ε)kly{]
cinq [sΕ):k]
pinceau [pΕ)so]
- in – en position finale: pin [pΕ)]
fin [fΕ)]
- în – dans les formes verbales:
nous vînmes [nuvΕ):m]
nous tînmes [nutΕ):m]
- im – suivie de consonne, excepté la consonne [m]:
timbre [tΕ):b{]
simplement [sΕ)pl↔mΑ)]
- ym – suivie de consonne ou en position finale:
symphonie [sΕ)f ni]
thym [tΕ)]
- yn – suivie de consonne ou en position finale:
syntaxe [sΕ)taks]
Jocelyn [*ΖoslΕ)]
- aim – en position finale: faim [fΕ)]
essaim [εsΕ)]
- ain – suivie de consonne ou en position finale:
craindre [k{Ε):d{]
certain [se{tΕ)]
- eim: Reims [*{Ε):s]
- ein – suivie de consonne ou en position finale:
ceinture [sΕ)ty: {]
plein [plΕ)]
- ien: chien [∫jΕ)]
je tiendrai [Ζ↔tijΕ)d{e]
Exception font les mots: client [klijΑ)]
orient [ {jΑ)]
récipient [{esipjΑ)]

42
- yen: moyen [mwajΕ)]
- en: examen [egzamΕ)]
européen [Ο{ peΕ)]
- oin: soin [swΕ)]
coin [kwΕ)]
Du point de vue phonologique, la voyelle [Ε)] se fait sentir dans
l’opposition avec la voyelle orale [Ε]:
/Ε)/ ~ /Ε/
lin /lΕ)/ ~ lait /lε/
bain /bΕ)/ ~ baie /bε/
hein /Ε)/ ~ haie /ε/

2.3. La voyelle [ )] nasale, postérieure, labiale, fermée


La voyelle [ )] nasale peut apparaître en toute position dans les
graphies suivantes:
- om – suivie des consonnes [p] ou [b]:
tomber [t )be]
aplomb [apl )]
- om – en position finale:
nom [n )]
prénom [p{en )]
- on – suivie de consonne, excepté la consonne [n]:
gronder [g{ )de]
rond [{ )]
longe [l ):Ζ]
- on – en position finale: on [ )]
ton [t )]
son [s )]
crayon [k{εj )]
Du point de vue phonologique, la voyelle [ )] nasale se fait
sentir dans l’opposition avec les voyelles [o] fermée et [ ] ouverte:
/ )/ ~ /o/ on / )/ ~ eau /o/
son /s )/ ~ seau /so/
/ )/ ~ / / monte! /m )t/ ~ motte /m t/
2.4. La voyelle [↵)] nasale, antérieure, labiale, ouverte
La voyelle [↵)] nasale peut apparaître dans les graphies suivantes:
43
- un – suivie d’une consonne ou en position finale:
lundi [l↵)di]
brun [b{↵)]
- eun – dans la locution à jeun [aΖ↵)] et dans le nom propre
Meung [*m↵)]

44
- um – suivie d’une consonne ou en position finale:
humble [↵):bl]
parfum [pa{f↵)]
La graphie -um – en position finale se prononce [ m] dans tous
les autres mots: rhum [{ m]
maximum [maksim m]
minimum [minim m]
Du point de vue phonologique, la voyelle [↵)] nasale se fait sentir
dans l’opposition avec les voyelles suivantes:
/↵)/ ~ /ã/
commun /k m↵)/ ~ comment /k mã/
/↵)/ ~ /õ/ un /↵)/ ~ on / )/
/↵)/ ~ /Ε)/ brun /b{↵)/ ~ brin /b{Ε)/
En français actuel, la voyelle nasale [↵)] est passée en [Ε)].
Remarque: La tendance actuelle du français est de supprimer
l’opposition /↵)/ ~ /Ε)/. On dit de plus en plus [b{Ε)] pour [b{↵)].
3. Les semi-voyelles
Les semi-voyelles sont des sons de passage, essentiellement
instables. Il s’agit des phonèmes vocaliques que l’on entend devant la
voyelle dans des mots comme souhaiter, suer, scier, rouer. Ces pho-
nèmes, différents et proches de ou, u, i, sont ce que l’on appelle les trois
semi-consonnes (ou semi-voyelles) du français. Les semi-voyelles sont
au nombre de trois: [j], [⎜], [w]. Quant à leur articulation, elles sont
plus proches des voyelles. On peut les considérer comme des variantes
combinatoires des voyelles [i], [y], [u] (voir Janeta Drăghicescu, 1980).
3.1. La semi-voyelle [j], antérieure, non labiale
La semi-voyelle [j] est rendue par les graphies suivantes:
- i – suivie de voyelle: pied [pje]
- ï – précédée d’une voyelle: faïence [fajΑ):s]
- y – après les voyelles a, e, o et u:
ayons! [εj )]
asseyez-vous! [asεjevu]
soyez [swaje]
essuyer [εsyje]
- il – précédée d’une voyelle: détail [detaj]
- ille – précédée d’une voyelle: feuille [fœj]
45
Du point de vue phonologique, la semi-voyelle [j] se fait sentir
dans les oppositions de /j/ ~ /i/:
scier /sje/ ~ scie! /si/
lier /lje/ ~ lie! /li/
3.2. La semi-voyelle [w], postérieure, labiale
La semi-voyelle [w] peut apparaître dans les graphies suivantes:
- ou – suivie d’une voyelle et précédée d’une consonne: louer [lwe]
- oi: loi [lwa]
- oî: cloître [klwat{]
- u – précédée de la consonne [k] représentée par q:
quartz [kwa{ts]
quadrupède [kwad{ypεd]
Du point de vue phonologique, l’opposition semi-voyelle [w] et
voyelle [u] se fait sentir dans les formes verbales:
louer /lwe/ ~ loue! /lu/
secouer /s↔kwe/ ~ secoue! /s↔ku/
3.3. La semi-voyelle [⎜], antérieure, labiale
La semi-voyelle [⎜] est rendue par les graphies suivantes:
- u – suivie de la voyelle [i]: nuit [n⎜i]
Après les consonnes g et q la graphie – ui – est prononcée [⎜i]
dans les mots:
aiguille [eg⎜ij]
linguiste [lε)g⎜ist]
réquiem [{ek⎜iεm]
- u – suivie d’une voyelle autre que [i] précédée d’une seule
consonne appartenant à la même syllabe:
muette [m⎜εt]
nuance [n⎜Α):s]
Du point de vue phonologique, l’opposition semi-voyelle [⎜] et
voyelle [y] se fait sentir dans les formes verbales telles que:
/⎜/ ~ /y/
continuer /k )tin⎜e/ ~ continue! /k )tiny/
diminuer /dimin⎜e/ ~ diminue! /diminy/
46
4. LE SYSTÈME CONSONANTIQUE
Le système consonantique du français compte 17 consonnes
parmi lesquelles 14 orales et 3 consonnes nasales.
Les consonnes sont dites orales quand le souffle s’échappe par la
bouche: [p], [b], [t], [d], [k], [g], [f], [v], [s], [z], [Σ], [Ζ], [{], [l].
Les consonnes sont dites nasales quand le souffle s’échappe par
le nez: [n], [m], [⎠].
Selon le mode d’articulation, on distingue parmi les consonnes
orales:
a) consonnes occlusives (ou momentanées). Ce sont [p], [b], [t],
[d], [k], [g]. Ces consonnes nécessitent une fermeture complète, puis
l’ouverture brusque.
b) consonnes fricatives (ou continues). Ce sont: [f], [v], [s], [z],
[Σ], [Ζ]. Ces consonnes résultent d’un frottement dû au rétrécissement
du canal.
c) consonnes liquides [l] et [{]. On le nomme liquides à cause
de l’impression qu’elles produisent sur l’oreille. Les consonnes liquides
sont latérales [l], à cause de l’air qui s’échappe par les côtés de la
langue et vibrantes [{], à cause des vibrations. Ce sont des consonnes
à vibration des cordes vocales, plus marquées que pour les consonnes
sonores.
Parmi les consonnes fricatives, il y a des sifflantes: [s], [z] et des
chuintantes: [Σ], [Ζ] d’après la nature du bruit qu’elles produisent.
Quand le souffle qui produit les consonnes comporte des vibrations
des cordes vocales, il s’agit alors des consonnes sonores (ou voisées):
[b], [d], [g], [v], [z], [Ζ], [m], [n], [⎠], [l], [{]. Dans le cas contraire,
elles sont sourdes (ou non voisées): [p], [t], [k], [f], [s], [Σ].
L’opposition phonologique la plus importante dans le système
consonantique est celle entre les consonnes sourdes et sonores: [p],
[t], [k], [s], [Σ] opposées aux [b], [d], [g], [z], [Ζ]. Dans les premières
les cordes vocales ne vibrent pas, alors que dans les sonores les cordes
vocales participent à l’émission. En français, cette opposition est plus
nette qu’en roumain. Les sourdes sont dites aussi tendues, puisque les
organes subissent une pression plus forte, alors que les sonores sont
appelées aussi douces; elles ont une articulation plus nette qu’en roumain.

47
4.1. Les consonnes occlusives (bilabiales, dentales, palatales)
4.1.1. Les occlusives bilabiales
4.1.1.1. La consonne [p] occlusive, bilabiale, sourde
La consonne [p] est notée par les graphies suivantes:
- p – en position initiale: plan [plΑ)]
- pp – à l’intérieur du mot: apprendre [ap{Α):d{]
- p – en position finale: beaucoup [boku]
Remarques:
1. La consonne [p] finale ne se prononce pas:
drap [d{Α]
sirop [si{o]
champ [ΣΑ)]
2. Font exception les mots:
stop [st p]
handicap [Α)dikap]
hop [ p]
hep [εp]
3. La consonne [p] suivie de la consonne [t] n’est pas prononcée:
sept [sεt]
sculpture [skylty{]
sculpter [skylte]
compte [k )t]
compter [k )te]
baptiser [batize]
baptême [batεm]
promptitude [p{ )tityd]
4. Suivie des consonnes –s ou –t finales de mot, la consonne [p]
n’est prononcée que dans les mots:
biceps [bisεps]
forceps [f {sεps]
4.1.1.2. La consonne [b] occlusive, bilabiale, sonore
La consonne [b] apparaît dans les graphies suivantes:
- b – en position initiale: bras [b{Α]
- b – en position médiale: faible [fεbl]
- b – en position finale suivie de la voyelle – e: robe [{ b]
48
- b – en position finale absolue d’habitude [b] ne se prononce
pas: aplomb [apl )]
Remarque:
La consonne [b] en position finale absolue est prononcée seulement
dans les mots d’origine étrangère:
snob [sn b]
nabab [nabab]
baobab [ba bab]
- bb – à l’intérieur du mot se prononce comme une seule consonne
[b]: abbatre [abat{]
- bh – à l’intérieur du mot se prononce [b]: abhorer [ab {e]

4.1.2. Les occlusives dentales


4.1.2.1. La consonne [t] occlusive, dentale, sourde
La consonne [t] apparaît dans les graphies suivantes:
- t – en position initiale: temps [tΑ)]
- th – en position initiale qui se prononce [t]: thème [tε:m]
- th – à l’intérieur du mot:
mathématique [matematik]
rythme [{itm]
Remarque: La graphie -th-, précédée de la consonne [s] et suivie
de la consonne [m], ne se prononce pas:
asthme [asm]
- tt – à l’intérieur du mot se prononce comme une seule consonne:
attendre [atΑ)d{]
- t – en position finale suivie de la voyelle e muette est toujours
prononcée: tête [tεt]
- t – en position finale absolue d’habitude [t] ne se prononce pas:
petit [p↔ti]
Remarques:
1. La consonne [t] en position finale absolue se prononce dans
les mots suivants:
l’est [lεst]
l’ouest [lwεst]
sept [sεt]
net [nεt]
dot [d t]
49
correct [k {εkt]
strict [st{ikt]
déficit [defisit]
toast [to:st]
Kant [*kã:t]
Proust [*p{ust]
2. Dans les mots suivants la consonne [t] finale peut être prononcée:
but [by(t)]
août [u(t)]
exact [egzakt]
4.1.2.2. La consonne [d] occlusive, dentale, sonore
La consonne [d] apparaît dans les graphies suivantes:
– d – en position initiale: drap [d{Α]
– d, -dd – à l’intérieur du mot:
adresse [ad{εs]
addition [adisj )]
– dh – à l’intérieur du mot se prononce toujours [d]: adhérer
[ade{e]
– d – en position finale suivie de la voyelle e muette se prononce
toujours [d]: code [k :d]
– d – en position finale absolue n’est pas prononcée dans la plupart
des cas: quand [kΑ)]
Remarque: La graphie [d] en position finale absolue est prononcée
dans les mots suivants:
sud [syd]
raid [{εd]
yod [j d]
stand [stΑ):d]
oued [wεd]
4.1.3. Les occlusives palatales
4.1.3.1. La consonne [k] occlusive, palatale, sourde
La consonne [k] apparaît dans les graphies suivantes:
- c – en position initiale, médiale, finale:
car [ka: {]
acteur [aktœ: {]
bec [bεk]
50
Remarques:
1. La consonne [k] finale ne se prononce pas dans les mots
suivants:
escroc [εsk{o]
tabac [taba]
estomac [εst ma]
porc [p {]
caoutchouc [kautΣu]
2. Dans tous les mots où la consonne [k] est précédée d’une
voyelle nasale:
banc [bΑ)]
blanc [blΑ)]
franc [f{Α)]
tronc [t{ )]
- cc – devant les sons [a], [o], [u], [y]:
accabler [akable]
accord [ak : {]
accoucher [akuΣe]
occuper [ kype]
- ch – dans les mots étrangers:
psychiatre [psikjat{]
chœur [k↵: {]
archéologue [a{keol g]
écho [eko]
chaos [ka s]
chrome [k{ m]
Bach [*bak]
Munich [*mynik]
orchestre [ {kεst{]
technique [tεknik]
Font exception les mots suivants:
psychique [psiΣik]
architecte [a{Σitεkt]
bronchite [b{ )Σit]
- q – en position finale absolue:
cinq [sε)k]
- qu(e): qui [ki]
- cqu: acquiter [akite]
51
- k: ski [ski]
- ck: ticket [tikε]
Remarque: La graphie – x – se prononce dans quelques mots [ks]:
xénophil [ksen fil]
maxime [maksim]
texte [tεkst]
4.1.3.2. La consonne [g] occlusive, palatale, sonore
La consonne [g] apparaît dans les graphies suivantes:
– g – en position initiale, médiale et finale absolue:
garçon [ga{s )]
égal [egal]
gang [gΑ):g]
– gg: aggraver [ag{ave]
– gu – en position initiale, médiale, finale + e:
guichet [giΣe]
enguelade [Α)gœlad]
ligue [lig]
Remarques:
a) La consonne [g] suivie de voyelles i, e, y se prononce [Ζ]:
gibier [Ζibje]
geler [Ζ↔le]
gymnastique [Ζimnasti:k]
b) Dans les mots ci-dessous suivis de mêmes voyelles la consonne
g se prononce [g]:
girl [gœ{l]
gestapo [gεstapo]
Ce sont des mots étrangers
c) La consonne [g] ne se prononce pas dans les mots suivants:
doigt [dwa]
vingt [vε)]
amygdale [amidal]
longtemps [l )tΑ)]
d) Dans les mots étrangers la graphie – gn – se prononce [g]:
agnat [agna]
cognition [k gnisj )]
diagnostique [diagn stik]
52
magnat [magna]
stagner [stagne]
stagnant [stagnΑ)], etc.
e) La consonne – x – précédée de la voyelle – e – et suivie
toujours de voyelle se prononce [gz]:
exemple [εgzΑ):pl]
f) En position finale absolue, la consonne [g] n’est pas prononcée,
lorsqu’elle est précédée d’une voyelle oralo-nasale ou de la consonne [{]:
sang [sΑ)]
Luxembourg [*lyksΑ)bu: {]
Font exception les mots d’origine étrangère:
gang [gΑ):g]
grog [g{ g]
gag [gag], etc.
4.2. Les consonnes fricatives (labio-dentales, dentales, palatales)
4.2.1. Les fricatives labio-dentales
4.2.1.1. La consonne [f] fricative, labio-dentale, sourde
La consonne [f] apparaît dans les graphies suivantes:
- f – en position initiale, médiale, finale + e et finale absolue:
fort [f :{]
afin [afε)]
café [kafe]
bref [b{εf]
Remarque: En finale absolue et finale du premier terme des mots
composés la consonne [f] n’est pas prononcée dans les mots suivants:
clef [kle]
nerf [nε: {]
chef-d’œuvre [Σεdœ:v{]
cerf-volant [sε{volΑ)]
et dans les formes du pluriel des mots:
œufs [Ο] et bœufs [bΟ]
-ff – à l’intérieure du mot: officier [ fisje]
- ph – dans les mots d’origine grecque:
phonétique [f neti:k]
53
4.2.1.2. La consonne [v] fricative, labio-dentale, sonore
La consonne [v] est notée par les graphies suivantes:
- v – en position initiale, médiale, finale + e et finale absolue:
votre [v t{]
avancer [avΑ)se]
veuve [vœ:v]
leitmotiv [lεtm ti:v]
- w – dans les mots étrangers:
wagon [vag )]
Remarques:
a) Dans les mots d’origine anglaise la consonne – w – se pro-
nonce [w] (semi-voyelle):
whisky [wiski]
week-end [wikεnd]
b) La consonne – v – peut être prononcée tantôt [v], tantôt [w]:
wallon [val )] ~ [wal )]
warrant [va{Α)] ~ [wa{Α)]
c) La graphie [w] n’est pas prononcée dans les mots suivants:
clown [klun]
cow-boy [k b j]
4.2.2. Les fricatives dentales
4.2.2.1. La consonne [s] fricative, dentale, sourde
La consonne [s] apparaît dans les graphies suivantes:
- s – en position initiale, médiale et finale absolue:
système [sistε:m]
parsemer [pa{s↔me]
maïs [mais]
sens [sΑ)s]
- ss – à l’intérieur, en finale + e et en finale absolue:
cesser [sεse]
- sc – suivie des voyelles e, i, y:
descendre [dεsΑ):d{]
conscience [k )sjΑ):s]
scythe [sit]
- ç: français [f{Α)sε]
54
- c – devant les voyelles e, i, y:
ceci [s↔si]
cygne [si⎠]
ciel [sjεl]
- x: dix [dis]
soixante [swasΑ):t]
- t – suivie de la voyelle – i – dans les terminaisons: -tial, -tion,
-tie, -tiel, -tieux:
martial [ma{sjal]
prononciation [p{on )sjasj )]
démocratie [dem k{asi]
substantiel [sybstΑ)sjεl]
prétentieux [p{etãsjΟ]
Remarque: Dans les autres mots la consonne [t] suivie de la
voyelle [i] se prononce [t]:
modestie [m dεsti]
entretien [Α)t{↔tjΕ)]
question [kΕstj )]
Remarques:
La consonne [s] précédée de [I] ou de [{] se prononce [z]:
Alsace [*alza:s]
balsa [balza]
Elsa [*εlza]
Jersey [*Ζε{zε]
Dans une série de mots la consonne [s] médiale n’est pas
prononcée:
lesquelles [lεkεl]
mesdames [medam]
Descartes [*dεka{t]
En position finale absolue la consonne [s] n’est pas prononcée:
sans [sΑ)]
dos [do]
pays [pei]
A cette règle font exception les mots suivants:
os [ s]
albatros [albat{os]
as [Α:s]
atlas [atlΑ:s]
55
bis [bis]
bus [bys]
cactus [kaktys]
gratis [g{atis]
hiatus [jatys]
4.2.2.2. La consonne [z] fricative, dentale, sonore
La consonne [z] apparaît dans les graphies suivantes:
- z – en position initiale, médiale, finale + e et finale absolue:
zézayer [zezeje]
bizarre [biza: {]
gaz [ga:z]
douze [du:z]
topaze [t pa:z]
Remarque: La consonne [z] en position finale absolue n’est pas
prononcée dans les formes verbales et dans les mots suivants:
vous allez [vuzale]
assez [ase]
riz [{i]
nez [ne]
- s – entre deux voyelles se prononce [z]:
maison [mεz )]
rose [{o:z]
- x – dans les dérivés de dix et de deux:
dixième [diziε:m]
deuxième [dΟziε:m]
4.2.3. Les fricatives palatales
4.2.3.1. La consonne [Σ] fricative, palatale, sourde
La consonne [Σ] apparaît dans les graphies suivantes:
- ch – devant voyelle, en position finale + e et finale absolue:
chercher [Σε{Σe]
chimie [Σimi]
bouche [buΣ]
Auch [* :Σ]
lunch [lœ):Σ]

56
Remarque: Dans les mots d’origine anglaise la consonne [Σ]
représente l’affriquée [tΣ]:
match [matΣ]
tchèque [tΣεk]
-sch: schéma [Σema]
- sh: shampooing [ΣΑ)pwε)]
shérif [Se{if]
4.2.3.2. La consonne [Ζ] fricative, palatale, sonore
La consonne [Ζ] apparaît dans les graphies suivantes:
- j – en position initiale, médiale et finale + e:
jeter [Ζ↔te]
déjà [deΖa]
je [Ζ↔]
cage [ka:Ζ]
- g – devant voyelles -e, -i, -y:
geler [Ζ↔le]
gilet [Ζilε]
gymnaste [Ζimnast]
Remarques:
a) Dans les mots étrangers la graphie [g] suivie de voyelles –e,
-i, se prononce [g];[dΖ]: [gεstapo], gin [dΖin], etc.
b) La consonne [Ζ] précédée de consonnes [b] et [d] et suivie de
la voyelle [e] se prononce [dΖ]:
budget [bydΖΕ]
bridge [b{idΖ]
Cambodge [*kΑ)b dΖ]
Cambridge [*kΕ)b{idΖ]
4.3. Les consonnes nasales
On distingue trois consonnes nasales en français:[m], [n], [Ζ].
4.3.1. La consonne [m] nasale, occlusive, bilabiale, sonore
La consonne [m] apparaît dans les graphies suivantes:
- m – en position initiale, médiale, finale + e et finale absolue:
musique [myzik]
amère [amε: {]
57
thème [tε:m]
album [alb m]
Remarques:
a) La consonne [m] en position finale absolue se prononce
seulement dans les mots étrangers:
macadam [makadam]
minimum [minim m]
maximum [maksim m]
Amsterdam [*amstε{dam]
Jérusalem [*Ζe{usalεm]
idem [idεm]
ibidem [ibidεm]
b) En position finale absolue, la consonne [m] n’est pas prononcée:
nom [nõ]
faim [fε)]
parfum [pa{fœ)]
c) mm – en position médiale et finale + e:
immédiat [imedia]
somme [s m]
d) mn – se prononce [n]:
automne [ t n]
condamnation [k )danasj )]
condamner [k )dane]
damner [dane]
Remarque: La consonne [m] précédée d’une voyelle et suivie
de la consonne [n] se prononce [mn]:
automnal [ t mnal]
calomnie [kal mni]
semnopithèque [sεmnopitεk]
limnée [limne]
4.3.2. La consonne [n] nasale, occlusive, dentale, sonore
La consonne [n] apparaît dans les graphies suivantes:
- n – en position initiale, médiale, finale + e:
neige [nε:Ζ]
panier [panje]
lune [lyn]
58
Remarques:
a) La consonne [n] en position finale absolue n’est pas prononcée:
bon [b )]
pain [pΕ)]
b) La consonne [n] précédée de la voyelle [e] et suivie toujours
d’une voyelle est prononcée voyelle nasale [ã] et consonne nasale [n]:
enivrer [ãniv{e]
enamourer [ãnamu{e]
c) La consonne [n] en position finale absolue précédée de la
voyelle – e – se prononce [n]: amen [amεn]
abdomen [abd mεn]
spécimen [spesimεn]
pollen [p lεn]
nn – en position médiale et finale + e:
annuel [an⎜εl]
bonne [b n]
connaître [k nεt{]
Remarques:
a) Dans une série de mots, la graphie – nn – se prononce comme
consonne géminée:
inné [inne]
innombrable [inn )b{abl]
b) La graphie – nn – précédée de la voyelle – e – se prononce
[ãn] dans quelques mots:
ennui [ãn⎜i]
ennoblir [ãn bli: {]
4.3.3. La consonne [⎠] nasale, occlusive, palatale, sonore
La consonne [⎠] apparaît seulement dans la graphie – gn – en
position initiale, médiale et finale + e:
gnôle [⎠ol]
magnifique [ma⎠ifik]
signe [si⎠]
ligne [li⎠]
Remarques:
1. La graphie – gn – en position initiale et médiale se prononce
[gn] dans les mots étrangers suivants:
gnom [gn )]
59
gnosticisme [gn stisism]
gnostique [gn stik]
gnose [gno:z]
diagnostique [diagn stik]
cognitif [k gnitif]
2. Dans quelques mots la graphie – ign – se prononce [⎠]:
oignon [ ⎠ )]
encoignure [Α)k ⎠y: {]
4.4. Les consonnes liquides
Le système consonantique du français compte deux consonnes
liquides et sonores. Ce sont la consonne latéral [l] et la consonne
vibrante [{].
4.4.1. La consonne [l] liquide, latérale, sonore
La consonne [l] apparaît dans les graphies suivantes:
- l – en position initiale, médiale, finale + e et finale absolue:
lune [lyn]
délimiter [delimite]
sale [sal]
cheval [Σval]
Remarques:
a) En position médiale, la consonne [l] n’est pas prononcée dans
les mots:
aulx [o]
aulne [o:n]
fils [fis]
pouls [pu]
Arnauld [*a{no]
Chaulnes [*Σo:n]
Meaulnes [*mo:n]
Renault [*{↔no]
b) La consonne [l] suivie de – h – se prononce [l]:
malheur [malœ: {]
silhouette [silwεt]
Alhambra [*alΑ)b{a]
60
c) La consonne [l] finale n’est pas prononcée dans les mots
suivants:
outil [uti]
sourcil [su{si]
fournil [fu{ni]
fusil [fyzi]
gentil [ΖΑ)ti]
fenil [f↔ni]
d) La consonne [l] en finale absolue est toujours prononcée:
ciel [sjεl]
miel [mjεl]
col [k l]
- ll – en position médiale et finale + e:
allure [aly: {]
collègue [k lε:g]
ville [vil]
mille [mil]
- ll – en position initiale précédée de la voyelle – i – se prononce [l]:
illustre [ily:st{]
illettré [ilet{e]
4.4.2. La consonne [{] liquide, dorsale, sonore
La consonne [{] apparaît dans les graphies suivantes:
- r – en position initiale, médiale, finale + e et finale absolue:
règle [{εgl]
garçon [ga{s )]
centre [sΑ)t{]
sentir [sΑ)ti: {]
Remarques:
a) La consonne [{] ne se prononce pas dans les mots:
gars [ga]
messieurs [mesjΟ]
b) On ne prononce pas la consonne [{] en position finale absolue
dans les infinitifs des verbes du premier groupe:
danser [dΑ)se]
parler [pa{le]

61
et dans les adjectifs et les substantifs terminés par –ier, -er:
dernier [dε{nje]
plumier [plymje]
fruitier [f{⎜itje]
léger [leΖe]
étranger [et{Α)Ζe]
et dans le mot monsieur au singulier [m↔sjΟ].
Dans les mots monosyllabiques, la consonne [{] en finale absolue
est prononcée:
mer [mε{]
fer [fε{]
air [ε: {]
leur [lœ: {]
et dans quelques mots étrangers et savants:
reporter [{(↔)p {tε{]
revolver [{ev lvε{]
gangster [gΑ)gstε{]
starter [sta{tε: {]
cancer [kΑ)sε: {]
- rr – en position médiale et finale absolue + e:
irréel [i{eεl]
guerre [gε{]
Les groupes graphiques finals rs, rt et rd représentent [{] dans
la majorité des cas:
Ex.: vers tu pars
[vΕ{] [typa{]
lord il mord
[l {] [il m {]
Le groupe rs se prononce dans le mot mars [ma{s].

62
63
NOTIONS CLÉS – INDEX

Accent – unité phonétique suprasegmentale superposée à une syllabe


Consonne – son produit lorsque l’air expulsé des poumons rencontre
un obstacle; du point de vue acoustique, ce sont des bruits; aucune
consonne ne donne une syllabe
Durée vocalique – l’allongement des voyelles en syllabe fermée
(syllabe qui finit par une consonne).
Enchaînement – phénomène phonétique (prononciation liée) qui se
produit à l’intérieur d’un groupe rythmique
Énonciation et pragmatique – l’étude de l’emploi de la langue dans
un contexte donné par des énonciateurs
Groupe de souffle (groupe respiratoire) – séquence sonore délimitée
par l’arrêt de la voix nécessaire à la respiration ou à la reprise du
souffle
Groupe rythmique – unité phonétique inférieure au groupe respiratoire,
comprenant plusieurs mots reliés entre eux par une forte cohésion
phonétique et terminée par une syllabe accentuée
Intonation – courbe mélodique du groupe ou des groupes rythmiques
qui composent une phrase.
Jonctions syllabiques (enchaînement et liaison) – réduction de l’effort
articulatoire syllabique, due aux liens qui unissent, d’une part,
les sons dans la syllabe et d’autre part, les syllabes dans le mot
et dans la chaîne
Labialité (arrondissement) – participation des lèvres dans la produc-
tion des voyelles
Liaison – cas particulier de l’enchaînement, qui se fait entre la con-
sonne finale d’un mot et la voyelle prononcée du mot suivant,
lorsque celui-ci commence par une voyelle ou un h muet
Lieu d’articulation – le point de rétrécissement maximal dans la
production d’une voyelle
Linguistique et l’étude scientifique du langage. On s’accorde à recon-
naître que le père de la linguistique moderne est Ferdinand de
Saussure, avec son Cours de linguistique générale (CLG), publié
64
en 1916. La linguistique structurale étudie la langue comme un
système doté d’une structure décomposable. La langue est décou-
pée en niveaux (strates), chacun étudié par une discipline qui lui
est propre:
- La phonétique – l’étude scientifique des unités sonores de base
- La phonologie – l’étude du rôle des sons dans le système
linguistique
- La lexicologie – l’étude de «l’ensemble des mots» d’une
langue, appelé aussi «lexique»
- La morphologie – l’étude de la structure grammaticale des
mots
- La syntaxe – l’étude des combinaisons et des relations entre
les formes qui composent la phrase
- La sémantique – l’étude de la signification
Mode d’articulation: décrit la configuration générale des organes
articulatoires dans la production d’une voyelle donnée; pour les
consonnes, celui-ci est déterminé par les trois facteurs suivants:
la cavité de résonance, la vibration des cordes vocales, la façon
dont l’air passe par le canal expiratoire (oralité/nasalité, sour-
dité/sonorité)
Nasalité – trait articulatoire caractérisant la production des voyelles
par le passage simultané de l’air par la bouche et par le nez
Phrase phonétique – unité phonétique délimitée par deux grandes
pauses (pause absolue / pause de phrase) et articulée avec une
intonation spécifique
Point d’articulation – l’endroit où se produit le resserrement ou la
fermeture du canal buccal (labial, labio-dental, alvéolaire, palatal,
vélaire)
Semi-voyelle (Semi-consonne) – Les semi-voyelles sont des sons
intermédiaires entre les voyelles et les consonnes, partageant des
traits articulatoires avec les voyelles et des traits fonctionnels
avec les consonnes (ils ne peuvent pas former des syllabes)
Syllabe – unité phonétique de courtes dimensions, prononcée sponta-
nément d’une seule émission de la voix
Voyelle – son qui se produit par la vibration des cordes vocales
laquelle s’amplifie dans les cavités de résonance librement, sans
que l’air rencontre d’obstacle; au point de vue fonctionnel, la
voyelle forme toujours une syllabe
65
EXERCICES

1. L’Objet de la phonétique

1.1.
• Quel est l’objet de la phonétique?
• Qu’est-ce que le code oral et le code écrit du français?
• Quels sont les principaux signes graphiques?
• Quels sont les rapports entre les sons et les lettres du français?
• Quel est le principe de base de API?
• Quels sont les symboles phonétiques utilisés pour le français?
• Qu’est-ce que la phonation?
• Quels sont les parties de l’appareil phonateur?
• Expliquez comment sont articulés les sons?

1.2.
1. Combien de lettres y a-t-il en français? a. 24; b. 26; c. 28;
d. 25; e. 25
2. Combien de voyelles y a-t-il en français? a. 16; b. 12; c. 3; d. 7
3. Combien de semi-voyelles y a-t-il en français? a. 16; b. 12; c. 4;
d. 3
4. Combien de consonnes y a-t-il en français? a. 16; b. 17; c. 3;
d. 20
5. Quel signe utilisé dans la transcription phonétique désigne le e
ouvert: a. [e]; b. [œ]; c. [ε]

Solutions:
1. b 4. b
2. a 5. c
3. d

66
2. Les unités phonétiques segmentales et suprasegmentales

2.1.
• Donnez les définitions des unités segmentales et des unités
suprasegmentales:
1. phrase phonétique
2. groupe de souffle
3. groupe rythmique
4. syllabe
5. accent
6. intonation
• Quels sont les caractéristiques de:
1. l’intonation énonciative
2. l’intonation interrogative
3. l’intonation impérative
4. l’intonation exclamative

2.2.
1. Faites correspondre à chaque groupe rythmique le nombre de
syllabes
Merci 3 syllabes
Il ne dort pas bien 2 syllabes
Le film commence 4 syllabes
Ça va 5 syllabes
Tout va bien 2 syllabes

2. Vrai ou faux:
a) Le groupe rythmique exprime une idée unique.
b) Dans le groupe rythmique l’accent tombe toujours sur la dernière
syllabe du premier mot.
c) L’accent n’est pas fixé sur un mot, mais sur un groupe de mots
composant un groupe rythmique.

Solutions:
1. 2 syllabes: merci, ça va; 3 syllabes: Tout va bien; 4 syllabes: Le
film commence; 5 syllabes: Il ne dort pas bien
2. a) vrai; b) faux; c) vrai
67
3. Le système vocalique

3.1.
• Quels sont les traits articulatoires des voyelles?
• Caractérisez la voyelle a nasal [Α)] au point de vue de ses
traits articulatoires.
• Quels sont les traits articulatoires communs et spécifiques des
voyelles E, EU, O

3.2.
A. Les 12 voyelles orales du système vocalique français sont
produites par:
a. la cavité buccale
b. la cavité nasale
c. la cavité buccale et nasale

B. Dans les mots: été, répéter, nez, j’ai, il s’agit :


a. de [e] fermé
b. de [ε] ouvert
c. de [ə] moyen

C. Les semi-voyelles, au nombre de trois, sont proches aux


voyelles rendues par les graphies:
a. ei, au, on
b. ou, u, i
c. ai, oin, yn

Solutions
A.a
B.a
C.b

4. Le système consonantique

4.1.
• Qu’est-ce qu’une consonne?
• Quels sont les facteurs qui déterminent le mode d’articulation
consonantique?
68
• Définissez les consonnes:
1. occlusives
2. fricatives
3. nasales
4. liquides

4.2.
A. Les consonnes fricatives palatales apparaissent dans les graphies:
a. v, w
b. s, z, x
c. ch, sch, sh, j, ge, gi
B. Les consonnes liquides apparaissent dans les graphies:
a. ill, elle, aille
b. ll, l, rh, r, rr
c. p, pp, ph
C. Dans les mots: comme, bonne, lune, condamner, amère, il s’agit:
a. de consonnes occlusives dentales
b. de consonnes occlusives palatales
c. de consonnes nasales occlusives et sonores

Solutions
A.c
B.b
C.c

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
Abry, Dominique, Chalaron, Marie-Laure, 1994: Phonétique, 350 exercices
avec 6 cassettes, Hachette
Drăghicescu, Janeta, 1980: Phonétique française appliquée et exercices,
Editura Didactică şi Pedagogică, Bucureşti
Le Nouveau Bescherelle, 2004: L’orthographe pour tous, Hatier
Léon, Monique, 1976: Exercices systématiques de prononciation française,
Hachette et Larousse
Vişan, Viorel, 2002: Phonétique française et exercices, Universitatea din
Bucureşti

69
DEUXIÈME PARTIE
NOTIONS DE LEXICOLOGIE FRANÇAISE

1. INTRODUCTION. L’OBJET DE LA LEXICOLOGIE


1.1. La lexicologie est une discipline essentiellement descriptive
qui a pour objet d’étude «l’ensemble des mots» d’une langue, appelé
aussi «lexique».
La délimitation de l’objet de la lexicologie de même que la mise
en évidence de sa spécificité dans l’ensemble des disciplines linguis-
tiques sont des démarches marquées par l’acception que les linguistes
ont donnée au concept de «mot».
La lexicologie partage son objet d’étude, les démarches et les outils,
avec d’autres disciplines.
La lexicologie1 et la linguistique
Le lexique est partie constitutive du système de la langue et toute
entreprise visant à décrire la langue doit prendre en compte la compo-
sante lexicale.
_______________
1
Dans la tradition européenne, «l’origine épistémologique de la lexi-
cologie se situe au XVIII-ème siècle, lorsqu’elle a été insérée dans le programme
de la grammaire générale».
Dans l’approche traditionnelle, la lexicologie a comme objet d’étude la
description du «mot» (en tant que réalité concrète) dans trois plans: celui de
l’expression (la forme phonétique et phonologique), celui du contenu (la
sémantique lexicale) et celui de l’étymologie et de ses rapports avec l’évo-
lution de la langue.
En approche moderne, le structuralisme s’est proposé de construire
l’objet de la lexicologie à partir de relations abstraites et de schémas qui sont
en dehors du plan social et de l’histoire, ce qui est plus que difficile vu la
nature essentiellement sociale du vocabulaire. (cf. A. Rey, Le lexique: images
et modèles. Du dictionnaire à la lexicologie, Armand Colin, Paris, 1977,
p. 155-169).
70
La lexicologie – comme la phonétique et la morphologie –
s’intéresse aux types de phonèmes et à la manière dont ils s’en-
chaînent pour former des mots. Ces éléments sont utilisés en lexi-
cologie comme repères pour l’adaptation des mots étrangers et pour la
création de nouveaux mots.
La lexicologie et la morpho-syntaxe s’intéressent aux règles de
formation des unités lexicales, chaque discipline opérant avec des
concepts spécifiques et orientant la description vers des aspects rela-
tivement différents: vers la structure du mot en tant qu’ensemble d’unités
minimales pourvues de sens lexical et / ou grammatical (la lexicologie
ou la morphologie lexicale) et vers les variations de forme imposées
par le fonctionnement du mot dans le syntagme au niveau de la phrase
(la morpho-syntaxe).
La lexicologie et la lexicographie
Le dictionnaire propose la description morphosémantique des
mots qu’il enregistre, selon des principes dont certains appartiennent à
la linguistique (les règles morphosyntaxiques, reformulées dans un
métalangage adapté à la lexicographie) et d’autres qui lui sont spéci-
fiques, imposés par la méthodologie lexicographique (la définition, les
indications et certains contextes qui en illustrent les emplois).
La lexicologie et la terminologie
La terminologie est la discipline qui étudie les termes qui désignent
des réalités et des notions spécifiques de domaines spécialisés et / ou
la discipline qui crée des termes nouveaux. Ces termes s’inscrivent dans
l’inventaire lexical comme néologismes et deviennent objet d’étude de
la lexicologie. Par le biais de ces termes la lexicologie réalise l’in-
teraction de la langue avec la réalité qu’elle désigne.
1.2. Le lexique et le vocabulaire
La définition de la lexicologie est liée, d’une part, à la définition
du lexique et du /des vocabulaire(s) et, d’autre part, à la définition du mot.
L’ensemble des mots d’une langue est désigné tantôt par le
terme de lexique, tantôt par le terme de vocabulaire.
L’emploi de ces deux étiquettes pour désigner les unités lexi-
cales s’explique, en principe, par la perspective dont on envisage ces
unités, à savoir la perspective de la langue ou la perspective du discours.
71
Le lexique a un caractère virtuel. Il est structuré en partie par
des lois qui gouvernent le système de la langue, en partie par des lois
spécifiques. Il est actualisé par le/les vocabulaire(s) dans le discours.
Le vocabulaire a un caractère actuel. Il est actualisé dans des
situations de communications socialisées spécifiques de la vie quotidienne
et/ou des divers domaines d’activité. Il est structuré en vertu des même
lois qui gouvernent le lexique mais marquées par l’usage que les locu-
teurs en font dans des situations de communication données.

Nous situant dans une perspective strictement didactique nous


retiendrons les acceptions et les définitions ci-dessous.
Le terme de lexique est utilisé pour désigner les mots de la langue
en tant qu’inventaire qui est enregistré par le dictionnaire.
Le lexique est constitué d’unités à référence virtuelle (des
lexèmes) qui ne renvoient pas à des réalités concrètes (personnes,
objets, caractéristiques ou relations identifiables).
Le terme de vocabulaire désigne des parties du même inven-
taire mais envisagé(es) dans l’utilisation que les locuteurs en font
dans la communication.
Quand on se rapporte à l’utilisation des mots de la langue par les
locuteurs, on peut parler:
♦ du lexique d’un locuteur et du vocabulaire d’un locuteur:
• le lexique d’un locuteur représente l’ensemble des lexèmes
qui constituent la compétence individuelle, lexèmes que le locuteur
utilise ou qu’il pourrait utiliser dans la communication;
• le vocabulaire du même locuteur ne représente qu’une
partie du lexique disponible, un sous-ensemble, un échantillon qu’il
actualise en fonction des facteurs concrets de la situation de com-
munication.
♦ du lexique et du vocabulaire d’un couple formé de deux
interlocuteurs ou d’un groupe d’interlocuteurs.
• le lexique de deux ou d’un groupe d’interlocuteurs
représente l’inventaire des lexèmes disponibles dans la compétence de
chaque interlocuteur. Ces inventaires ne coïncident pas intégralement.
On y distingue un lexique commun, appelé aussi lexique fondamental
et des sous-ensembles spécifiques de chaque interlocuteur.
• le vocabulaire de deux ou d’un groupe d’interlocuteurs
représente la partie du lexique actualisée dans une situation de
72
communication précise. Dans le passage du lexique au vocabulaire, on
distingue dans la compétence de chaque interlocuteur: un vocabulaire
fondamental et des vocabulaires spécifiques; un vocabulaire actif
et un vocabulaire passif 2.
♦ du lexique et du vocabulaire des domaines de spécialité.
1.3. Le mot
Défini à l’origine par les typographes comme unité graphique
(suite de lettres délimitée par deux blancs), le terme a été repris par la
linguistique qui l’a considéré dans les deux plans: celui de l’expres-
sion («bloque graphique») et celui du contenu («unité sémio-culturelle
indécise”3).
Dans la linguistique traditionnelle la notion de mot désigne un
élément autonome de la phrase, défini comme la plus petite unité
linguistique ayant un sens complet ou comme «l’unité résultant de
l’association d’un sens donné à un ensemble de sons donnés, suscep-
tible d’un emploi grammatical donné» [A. Meillet]4.
Le mot peut être envisagé sur plusieurs plans:
• sur le plan graphique, comme élément qu’on peut séparer de
son contexte par des espaces (des blancs) – le mot graphique. Cepen-
dant: a) un mot graphique peut correspondre à plusieurs mots gram-
maticalement différents: les mots dîner, déjeuner représentent, sans
aucune modification de forme, soit le verbe, soit le nom; le mot
équipée représente soit le nom, soit le participe passé du verbe équiper
accordé au féminin; b) le mot graphique peut correspondre à un seul
élément d’une unité lexicale complexe (mot fonctionnel ou linguistique):
arc-en-ciel, pomme de terre, haut-parleur.
• sur le plan sonore, le mot pourrait être défini comme suite
de sons séparés par deux pauses. Mais les mots phonétiques ne cor-
respondent pas toujours aux mots graphiques: a) à un mot phonétique
correspondent plusieurs mots graphiques: [fΕt] correspond aux mots
graphiques fête et faîte; b) plusieurs mots graphiques sont représentés
par un seul mot phonétique lorsqu’ils sont unis par la lIaison ou par
l’élision: les élèves [λεζελΕϖ] l’élève [λελΕϖ];
_______________
2
Voir aussi R. Galisson, D. Coste, Dictionnaire de didactique des langues,
Hachette, 1976; J. Picoche, Op. cit., p. 46.
3
Voir A. Rey, Op. cit., p. 93.
4
Apud R. Galisson, D. Coste, Op. cit. p. 359.
73
• sur le plan syntactico-sémantique le mot a été identifié dans
l’élément de la phrase porteur d’une unité de sens aisément définis-
sable. Or toutes les unités de sens ne correspondent pas à une unité
fonctionnelle (à un mot linguistique). C’est le cas des mots composés
et des locutions, dont le sens est donné par la connexion du sens de
plusieurs mots linguistiques à valeur sémiotique donnée, respectivement:
pomme de terre, arc-en-ciel, qu’en-dira-t-on.

En lexicologie, on applique l’étiquette de mot à la forme libre


signifiante5 qui ne peut être décomposée en d’autres formes libres
signifiantes plus petites et à la forme libre signifiante dont l’unité
se manifeste par une cohésion interne6. La «lexicalité» du mot est
donnée par les rapports qui s’établissent entre la forme (forme de
l’expression et forme du contenu, en termes hjelmsleviens) et la substance
du contenu (les éléments de la réalité extra-linguistique que la forme
désigne, nomme ou conceptualise hors contexte7), les rapports entre le
signifiant et le signifié, en termes saussuriens.
Le critère du statut d’unité libre indécomposable permet d’ac-
corder le statut de mot – unité du lexique – aussi bien à des unités
lexicales simples, telles: fleur, livre, soleil, rouge, qu’à des morphèmes
grammaticaux libres tels: un, il, le, qui, pour, dans. Ces derniers ne
sont pas inscrits, en règle générale, dans l’objet de la lexicologie.
Le critère de la cohésion interne permet d’accorder le statut de
mot à des unités lexicales construites d’un lexème et d’un ou plusieurs
morphèmes, telles: fleurir, livret, ensoleillé,-e, rougir, rougissant,-e,
sérieusement, etc., qu’à des unités construites de plusieurs mots appelées
mots composés, du type: chèvre-feuille, coupe-papier, arc-en-ciel.

Il résulte que la lexicologie étudie l’ensemble de mots ou unités


lexicales à statut de formes libres signifiantes qui ne peuvent être
décomposées en d’autres formes libres signifiantes et dont l’unité
_______________
5
On oppose les morphèmes libres aux morphèmes liés qui sont les
affixes lexicaux (suffixes et préfixes) et les marques grammaticales de la
flexion (les morphèmes de genre, de nombre, de personne, etc.).
6
J. Rey-Debove, Lexique et dictionnaire in Le langage (sous la dir. de
B. Pottier), La Bibliothèque du CEPL, 1973, p. 83.
7
Voir, A. Rey, Op. cit., p. 165.
74
se manifeste par une cohésion interne. Elle étudie aussi les règles
de combinaison des éléments constitutifs de ces unités lexicales. La
spécificité de la lexicologie, en tant que discipline linguistique, est
donnée par la description des rapports entre le signifiant et le
signifié aussi bien en ce qu’ils ont de systématique, que dans leur
indépendance relative par rapport au système abstrait de la langue.
La description des mots (du lexique) vise: l’étymologie ou
l’origine, le contenu ou la signification, la structure (les éléments qui
participent à la formation des mots) et la fréquence.
1.3.1. Au point de vue de l’étymologie, les mots sont étudiés
dans les rapports qu’ils entretiennent avec d’autres mots plus anciens
qui représentent leur origine. 8
Il est à distinguer deux acceptions pour le terme étymologie:
a) l’origine d’une unité linguistique comme appartenant à une
langue mère dans laquelle le mot (connu ou reconstruit) s’est formé et
à laquelle il a été emprunté, directement ou par l’intermédiaire d’une
autre langue. En ce sens, certains mots français ont été identifiés comme
provenant du latin et les mots latins comme provenant du grec ou
d’une autre langue. Par exemple:
arabe (1564, du latin arabus, emprunté au grec araps).
chiffre (1220 (cifre), «zéro», 1486 (chiffre) «écriture secrète»,
refait sur l’italien cifra, du latin médièval cifra, emprunté
à l’arabe sifr, «zéro»).
(N.D.E.)
b) l’origine d’une unité linguistique en tant que construction plus
ou moins récente mais rattachée à un terme déjà connu, appartenant à
la même langue ou à d’autres langues:
cellulaire (1740, de cellule, du latin cellula).
_______________
8
En principe, quand on connaît l’étymologie du mot on peut expliquer
son évolution phonétique et sémantique. Il y a cependant des cas où l’étymologie
ne suffit pas à expliquer le fonctionnement du mot dans la synchronie. Les
mots décamètre et décimètre, par exemple, ont la même étymologie, le mot
indo-européen qui a donné le mot grec δεκα et le mot latin decem. Le sens
unique des deux étymons ne s’est conservé que partiellement dans les deux
mots français (le nombre dix comme multiple) dont la signification est différente.
(cf. M.-F., Mortureux , Op. cit., p. 25)
75
coloration (1468, de colorer, dérivé ancien de couleur, refait sur
le latin colorare).
(P.R.)
On parle aussi d’étymologie populaire ou d’étymologie croisée.
C’est le cas des mots dont la forme a été modifiée par le locuteur, par
analogie formelle avec des mots qu’il connaissait. Autrement dit le
sujet parlant rattache (consciemment ou inconsciemment) la forme
d’un mot, qu’il ne connaît pas, à une autre forme qu’il connaît mais
qui n’a aucun rapport de parenté avec l’autre mot. Rapprochés formel-
lement, les mots arrivent finalement à être rapprochés aussi au point
de vue du sens. Par exemple: le mot français choucroute est senti comme
formé de chou et de croûte. En réalité il vient d’un mot allemand dia-
lectal sûrkrût (Sauerkraut) «aigre chou».
L’étymon est le nom qu’on donne à la forme identifiée ou sup-
posée comme origine d’un mot donné. Il peut s’agir:
• de la forme ancienne dont provient la forme récente, forme
attestée ou reconstituée d’après les lois du changement phonétique:
– le latin appositio est l’étymon de apposition.
– le germanique hanka est l’étymon de hanche.
– l’italien compartimento est l’étymon de compartiment.
– le latin populaire * cosere, issu du latin classique consúere
de súere est l’étymon de coudre.
• du radical (la base) à partir duquel (de laquelle) a été créé le
mot récent (avec un ou plusieurs affixes):
– militaire est l’étymon de militairement (1565)
– intensifier est l’étymon de intensification (1923)
– inter- et action représentent l’étymon de interaction (1876)
(P.R.)
D’autres mots sont des onomatopées: ils reproduisent des bruits
de la nature. Il s’agit soit de mots créés en français, soit de mots hérités:
clac (onomatopée enregistrée tardivement, exprimant
le bruit d’une gifle, d’un applaudissement, d’un
objet gonflé qui se crève, etc.).
clapper (XVIe s., d’une onomatopée clapp, figurant le
clappement de la langue et les bruits similaires).
croc (début XVIIe s., interjection, onomatopée, variante
de crac, cric).
76
dondon (1579, var. domdom, onomatopée exprimant un
balancement).
glouglou (début XVIIe s., onomatopée).
grommeler (XIIe s., formation expressive d’origine germanique
(allem. Grummeln)).
(N.D.E.)

1.3.2. Au point de vue du contenu, on distingue:


• des unités linguistiques qui désignent des objets, des personnes,
des phénomènes ou des états de la réalité extra-linguistique, des carac-
téristiques ou des relations qui se rapportent à ces réalités. Ces mots
remplissent une fonction dénotative ou référentielle et sont appelés
des mots à contenu dénotatif ou mots pleins (étiquette qui les oppose
aux mots grammaticaux). Les mots: homme, enfant, élève, secrétaire,
ministre, chien, oiseau, maison, table, chemin, idée, courage, arriver,
marcher, partir, travailler, parler, pleuvoir, sauter, bas, haut, petit,
grand, blanc, noir, vite, bien sont des mots à contenu dénotatif, des
mots pleins.
La relation qui s’établit (indirectement) entre le signifiant d’un
mot et l’objet concret ou abstrait, réel ou imaginaire dont le locuteur
parle s’appelle référence.
La relation qui s’établit entre la signification des mots pleins (à
fonction dénotative) et leur capacité à désigner des éléments de la réalité
s’appelle valeur dénominative ou référentielle.
Considéré dans ses rapports avec le / les référent(s) qu’il permet
de désigner, le mot, en tant que signe linguistique, est arbitraire. Il
n’y a aucune relation logique entre le signe et la réalité qu’il désigne,
l’association des deux éléments s’expliquant exclusivement par la
convention sociale.
La nature du contenu référentiel des mots, associée au compor-
tement du mot dans les unités linguistiques de rang supérieur (le
syntagme et la phrase) et aux modifications formelles qui en découlent
se constituent en critères qui permettent de classer les mots en parties
du discours (classes de mots ou espèces de mots).
Chaque classe de mots actualise le contenu référentiel des unités
qui la constituent par des moyens linguistiques et discursifs spécifiques.
Pour les substantifs, ce sont les prédéterminants (articles, démons-
tratifs, possessifs) et les différentes classes de déterminants (adjectifs,
77
compléments du nom et propositions relatives) qui servent à actualiser
dans le discours le contenu référentiel. Pour l’adjectif et l’adverbe
c’est le substantif et respectivement le verbe qui servent de support
pour la qualité ou la caractéristique à laquelle les deux classes de mots
réfèrent.
• des unités linguistiques, à statut de mots pleins, qui ne réfèrent
pas à la réalité extra-linguistique, mais aux concepts avec lesquels
opère la description linguistique et aux mécanismes qui gouvernent
leur fonctionnement. Ces mots servent à donner une image de la
langue et remplissent une fonction métalinguistique. Ils sont appelés
des mots métalinguistiques. Les mots: substantif, verbe, adjectif,
adverbe, préposition, accord, concordance, simultanéité, morpho-
logie, syntaxe sont des mots métalinguistiques.
• des unités linguistiques qui n’ont pas de contenu repérable
dans la réalité mais qui servent à préciser les différentes relations qui
s’établissent entres les mots au niveau de la phrase ou au niveau du
discours. Ces mots, appelés mots outils, ont un sens grammatical.
Les mots: à, de, pour, sur, sous, ne, le, les, des, car, mais, donc,
parce que, je, tu, jamais sont des mots outils, dont le contenu / le sens
est donné par le code syntactique ou par la situation de communication,
des mots à contenu grammatical et sont étudiés principalement par la
morphosyntaxe, la syntaxe ou la pragmatique Ils s’opposent aux mots
pleins (mots à valeur dénotative ou connotative) qu’ils relient dans la
phrase et / ou qu’ils inscrivent dans le discours.
Les mots pleins constituent l’objet d’étude de la lexicologie,
tandis que l’étude des mots outils relève principalement de la morpho-
syntaxe.
1.3.3. Au point de vue de la structure, la description vise les
éléments minimaux pourvus de sens (lexical et grammatical – les
morphèmes) du point de vue des règles qui dominent leur combinaison
dans la formation des mots.
L’analyse repose sur la segmentation et la commutation, opérations
obligatoires pour la mise en évidence des unités significatives mini-
males. Le mot fleurir peut être segmenté en fleur et -ir. Les deux
morphèmes commutent de la manière suivante: la base fleur commute
avec gros, jaun-, roug- (fleurir, grossir, jaunir, rougir) et le suffixe
-ir commute avec -i, -issant, -age, -ette (fleurir, fleuri, fleurissant,
78
fleurage, fleurette). Le mot fleur ne peut pas être segmenté car les
éléments fl- et -eur, qu’on pourrait considérer comme constitutifs,
n’ont pas le caractère de morphèmes, ce qui bloque la commutation.
Considérées, au point de vue de la structure, les unités lexicales
se laissent regrouper en plusieurs classes:
• des mots formés d’un seul élément, des mots graphiquement
et morphologiquement simples:
– livre, crayon, arbre, fleur, homme, femme, ministre – sont des
mots simples, formés d’un seul élément, appelé morphème lexical
ou lexème, quant au statut lexical, et morphème libre ou forme libre
signifiante, quant au comportement dans la chaîne (c’est une forme
qui ne peut pas être décomposée en d’autres formes libres signifiantes
(pourvues de sens) plus petites);
– à, de, pour, avec, sur – sont des mots simples, formés d’un
seul morphème à valeur grammaticale – des morphèmes libres ou
des formes libres signifiantes à valeur grammaticale, appelés aussi
mots outils (qui servent à particulariser les relations grammaticales de
nature syntaxique que les mots à valeur lexicale contractent au niveau
de la phrase): offrir un bouquet de fleurs; se promener avec ses amis;
• des mots construits ou dérivés, formés de plusieurs éléments,
des mots graphiquement simples mais morphologiquement com-
plexes:
– former, formation, antigouvernemental – sont des mots
construits de plusieurs morphèmes: un morphème à valeur lexicale
(mot base ou lexème) et un morphème à valeur lexicale (affixe) et un
ou plusieurs morphèmes à valeur grammaticale (désinence). Ces mots
peuvent être appelés aussi des unités linguistiques minimales cons-
truites, pourvues de sens lexical et grammatical.
Les fonctions distinctives et combinatoires de ces mots sont
conditionnées par leurs éléments constitutifs et tout spécialement par
les affixes qui prêtent au lexème base le statut de partie du discours:
former des cadres
la formation de cadres
des formations tertiaires
des manifestations antigouvernementales
L’affixe -er prête à la base lexicale le statut de verbe, ce qui
explique la présence d’un nominal objet direct (former des cadres).
79
L’affixe -ation prête à la même base lexicale le statut de nom
qui se laisse déterminer par un groupe prépositionnel ou par un adjectif
(la formation de cadre, des formations tertiaires).
Les affixes anti-, -ement et -al(e) prêtent à la base lexicale
gouvern- le statut d’adjectif ce qui lui permet d’entrer en relation de
détermination avec le nom manifestation (manifestations gouverne-
mentales).
• des mots composés, des mots graphiquement et morpholo-
giquement complexes:
– bonhomme, gentilhomme, gentilshommes, grand-mère,
grand-mères, grand-père, arc-en-ciel, haut-parleur – sont des
mots composés, formés de plusieurs lexèmes et de un ou plusieurs
morphèmes grammaticaux:
gentil (lexème1) + homme (lexème2) → gentilhomme
(mot composé)
gentil (lexème) + s (morphème grammatical – désinence de pluriel)
+ homme (lexème) + s (morphème grammatical – désinence de
pluriel) → gentilshommes
(mot composé)
Au point de vue de la morphologie lexicale, les deux éléments
qui entrent dans la structure des mots construits assument des fonc-
tions distinctes:
– le lexème désigne des notions relatives à la réalité extralin-
guistique;
– les morphèmes lexicaux (ou affixes) indiquent des catégories
générales de pensée (procès, nom du procès, résultat du procès, qualité,
caractéristique, opposition, etc.). Les morphèmes grammaticaux (ou
désinences) qui s’ajoutent aux affixes marquent les catégories gram-
maticales qui affectent les différentes parties de discours dans des
contextes syntagmatiques donnés. Les morphèmes lexicaux (les affixes)
sont de type dérivatif – des préfixes et des suffixes –, les morphèmes
grammaticaux (les morphèmes désinences) sont de type flexionnel.
Considérés du point de vue de la dynamique à l’intérieur de la
langue, les lexèmes et les morphèmes présentent des caractéristiques
différentes:
– les lexèmes se constituent en classes relativement ouvertes: la
langue crée ou emprunte constamment des mots nouveaux pour désigner
des réalités nouvelles;
80
– les morphèmes (affixes ou désinences) se constituent en classe
fermée et limitée: on ne crée pas de nouveaux morphèmes grammaticaux.
La grammaire d’une langue est stable et l’évolution de la langue entraîne,
le plus souvent, des simplifications dans les règles de fonctionnement
de la langue.
Tous ces mots, qu’ils soient formés d’un seul élément ou de
plusieurs éléments, représentent au point de vue du contenu, une unité
de sens. Les éléments qui entrent dans la structure du mot présentent
un haut degré de cohésion interne.
1.3.4. La fréquence est le critère qui indique le nombre d’occur-
rences (d’apparitions) d’un mot dans un discours déterminé (texte écrit,
texte enregistré). On parle de fréquence absolue lorsqu’on se rapporte
au nombre d’occurrences d’un mot dans un corpus donné (texte ou
groupe de textes). On parle de fréquence relative lorsque la fréquence
absolue d’un mot ou d’une unité linguistique est rapportée à l’ensemble
des mots du corpus (cf. Le Français Fondamental 9).
_______________
9
Le concept de Français Fondamental désigne l’inventaire qui réunit
les vocables isolés, en fonction de critères quantitatifs (la fréquence, la dis-
persion, l’usage) et de critères fonctionnels (la disponibilité et la valence).
Voir G. Gougenheim, R. Michéa, A. Sauvageot, L’élaboration du français
fondamental, Didier, Paris, 1964.
Cet inventaire se retrouve dans des dictionnaires structurés selon les
mêmes critères de base, auxquels s’ajoutent des critères spécifiques en fonction
de l’objectif et du public visés:
• Le Dictionnaire fondamental élaboré par G. Gougenheim (Didier,
Paris, 1958) retient comme principe directeur le niveau de langue et regroupe
les mots appartenant au français courant parlé et écrit;
• Le Dictionnaire du Vocabulaire Essentiel élaboré par G. Matoré
(Larousse, Paris, 1963) fait la sélection des mots sur le Petit Larousse et a
pour objectif d’illustrer par des exemples (empruntés aux registres familier et
relativement soigné de la langue parlée et écrite) le rôle du contexte dans
l’actualisation du sens;
• Le Dictionnaire du Français Langue Etrangère – niveau 1, – niveau 2
élaboré par J. Dubois et al. (Larousse, Paris, 1978, 1980) est guidé par un
objectif didactique: regrouper les termes nécessaires à l’acquisition du lexique
et de la syntaxe de base du français, tels qu’ils apparaissent dans les textes
parlés et écrits. Pour la présentation détaillée voir T. Cristea, Linguistique et
Techniques d’Enseignement, Bucureşti, 1984, p. 44-50.
81
Considérée, du point de vue lexicologique, au niveau de l’usage
que les membres d’une communauté linguistique font d’une unité
linguistique (mot), la fréquence se traduit en termes d’actualité et de
non actualité.
Les étiquettes qu’on utilise pour indiquer les caractéristiques
d’un mot ou d’un des sens d’un mot sont:
• courant (cour.) lorsque le mot est d’un usage général; dans le
cas des mots d’apparence savante ou des mots spécialisés, cette
étiquette indique le fait que le sens ou l’emploi mentionnés sont connus
de tous les locuteurs:
Chose n.f. (XIIe; du lat. causa)[…]♦ Cour. Objet concret
indéterminé. Offrir quelques petites choses10.
(Petit Robert)
• rare, vieux, littéraire, spécialisé lorsque le mot est d’un emploi
limité.
Dans ce cas, il s’agit soit de mots relativement anciens qui ont
été doublés par d’autres mots, de formation plus récente, qui sont
préférés par les locuteurs, soit de mots qui sont employés seulement
dans certains types de discours (didactique ou spécialisé). Dans le cas
des mots qui ont développé plusieurs sens, il arrive que l’emploi qui
actualise un certain sens soit devenu plus rare puisque le sens en
question est soit vieilli, soit limité à des domaines plus ou moins
spécialisés. Parfois le mot sorti d’usage dans tous ses emplois ou dans
certains de ses emplois est maintenu dans certaines expressions.
Obsession n.f. (1590; «siège» XVe; lat. obsessio).
♦ 1. ♦ Vx.. Etat de celui qu’un démon obsède. On distinguait
obsession et possession. ♦ (1960) Action d’importuner, d’obséder;
son résultat. Il insistait, se lardait d’une obsession de litanies
(COURTELINE). ♦ 2. (1857). Cour. Idée, image, mot qui s’impose
à l’esprit de façon répétée et incoercible. Les obsessions de la
mélancolie et de l’idée fixe. (Baudel.).
_______________
10
Pour tous les exemples cf. Le Petit Robert – Dictionnaire alpha-
bétique et analogique de la langue française, Société du Nouveau Littré /
Le Robert, Paris, 1968.
82
Abaisser v.tr. (XIIe; de a-1 et baisser) ♦1. Faire descendre à un
niveau plus bas. Abaisser une vitre. […]♦2. Rare. Diminuer la
hauteur. Abaisser la pâte au rouleau à pâtisserie.
(Petit Robert)
• vx. (vieux) – désigne un mot, un sens ou un emploi de l’ancienne
langue, incompréhensible ou peu compréhensible de nos jours et
jamais employé, sauf par effet de style: archaïsme.
• vieilli – désigne un mot, un sens ou une expression encore
compréhensible de nos jours, mais qui ne s’emploie plus de manière
naturelle dans la langue parlée courante.
Lucrativement adv.(1829; de lucratif). Vx. D’une manière
lucrative; en étant payé.

Choir (1080; du lat. cadere) ♦ 1. Vx ou littér. Être entraîné de


haut en bas. V. Tomber; écrouler (s’). ♦ Fam. Laisser choir.
V. Abandonner, plaquer. Après de belles promesses il nous
a laissé choir.
Platitude n.f. (1694; de plat) ♦ 2. Vieilli. Caractère de celui
qui est sans élévation morale, qui s’abaisse avec servilité;
Acte qui témoigne la servilité. […] ♦ 4. (XXe). Rare. Etat
de ce qui est plat, plan. La platitude du sol.
(Petit Robert)
• littér.(littéraire) – désigne un mot qui n’est pas d’usage
familier, qui s’emploie surtout dans la langue écrite, élégante.
Fleurissant, ante adj. (1539; de fleurir) Litter. Qui se couvre,
est couvert de fleurs. La forêt est toute proche, chantante et
fleurissante. (Mauriac).
Flamme n.f. (flamma, Xe; lat. flamma). ♦ 1. Mélange gazeux en
combustion, lumineux quand il contient des particules solides en
suspension. […] ♦ 2. Eclat, brillant […] ♦ 3. Fig. Ardeur, feu.
Orateur plein de flamme, qui parle avec flamme. La flamme de
l’enthousiasme, de l’idéal, de la jeunesse. ◊ Littér. Passion
amoureuse, désir amoureux. Déclarer sa flamme, faire l’aveu
de sa flamme. V. Feu. Tu vis naître ma flamme et mes premiers
soupirs (Racine).
(Petit Robert)
83
• spécialt. (spécialement) – indique que le mot est employé
dans un sens plus étroit, moins étendu; cet emploi s’oppose à par ext.
(par extension).
• spécialis. (spécialisation) – désigne la spécialisation de sens
et d’emploi par domaines d’activité. (sc.; bot.; dr.; math.;…).
Etincelle n.f. (Estencele, XIIe, lat. pop. stincilla, class. Scintilla)
♦ 1. Parcelle incandescente qui se détache d’un corps en ignition
ou qui jaillit au contact sous le choc de deux corps. Petite étin-
celle. Jeter des étincelles, [..] Spécialt. Etincelle électrique, pro-
voquée par le rapprochement de corps chargés d’électricité con-
traire.
(Petit Robert)

2. LA STRUCTURE DU LEXIQUE AU POINT DE VUE


DE L’ORIGINE
On distingue, dans le fonds lexical du français, des mots qui
représentent le fond primitif, les emprunts et les formations françaises.
2.1. Le fonds primitif
On appelle fonds primitif les mots qui constituent l’inventaire de
base du français et qui marquent la naissance du français. Ces mots
sont pour la plupart d’origine latine.
Les mots d’origine étrangère (autres que le latin) entrés dans le
fonds primitif du lexique français sont en nombre réduit. Ils figurent
dans l’inventaire essentiel parce que leur emploi est marqué par le plus
haut degré de fréquence. Ce sont:
– des mots qui désignent les réalités fondamentales de la vie, des
mots comme: naître, vivre, mourir, aimer, aller, coucher, manger,
dormir, boire, être, faucher, écrire, amitié, arbre, bouteille, branche,
maison, excès, beau, beauté, dur, égal, grand, gros, etc.;
– tous les pronoms: je, me, moi, tu, te, toi, il / elle, le / la, les,
lui, lui / elle, eux / elles, on, nous, vous, qui, que, dont, etc.;
– presque tous les mots-outils (prépositions et conjonctions); à,
de, sur, pour, par, en, dans, que, car, mais, quand, etc.
La plupart de ces mots ont à l’origine le latin vulgaire qui a été
introduit en Gaule (le nom du territoire occupé actuellement par la
84
France) après la conquête romaine (en 58-51 av. J.C.). Ces mots ont
été imposés par les relations directes des commerçants, des fonction-
naires et des soldats romains avec les habitants autochtones.
Dans le fonds primitif, il y a aussi:
– des mots d’origine gauloise (des survivances du gaulois) que
la population autochtone a gardés et que les occupants romains ont
utilisés en les intégrant au fonds latin. C’est le cas des mots appartenant
au vocabulaire rural, à la vie quotidienne: alouette, balai, bec, bassin,
bouc, briser, changer, char, charrue, pot ou des mots qui désignent
des noms de lieux: Auxerre, Lyon, Rennes.
– des mots d’origine francique, introduits par les Mérovingiens
lors de la conquête de la Gaule (entre 418 – 508). Ce sont des mots qui
désignent des titres, des objets ou des activités spécifiques des occupants
franciques: baron, blé, banc, blesser, canif, danser, gant, haie, haïr,
laid, guerre, robe.

2.2. Les emprunts


2.2.1. Les emprunts représentent des mots que le français a pris
au cours de son histoire à d’autres langues.
On distingue plusieurs types d’emprunts, suivant qu’on prend
comme critère la voie par laquelle s’effectue l’emprunt (emprunt savant
et emprunt populaire) ou le type du contact (emprunt direct ou
emprunt indirect):
• Les emprunts savants représentent les mots pris par voie
écrite (surtout par la traduction). La plupart des emprunts savants du
français ont été faits au latin et au grec.
• Les emprunts populaires représentent les mots empruntés,
par voie orale, dans les différentes situations de contacts directs entre
les deux populations.

2.2.2. Langues auxquelles le français a fait des emprunts


• Des emprunts directs
• • Le latin
Les emprunts que le français a faits au latin classique sont des
mots qui désignent des réalités théoriques et savantes.

85
Ces emprunts ont été faits au début de la formation du français
et ont été favorisés par la ressemblance entre le français et le latin et
par les traductions du latin.
En ancien français ou en moyen français, les emprunts faits par
voie écrite s’expliquent:
– par le besoin qu’on ressentait de combler les lacunes du
français, surtout dans le domaine des termes abstraits;
– par le souci de donner au français les mêmes qualités qu’on
attribuait au latin, autrement dit par le mouvement de «relatinisation»
qui a commencé au Moyen Age et a continué jusqu’au XVIème siècle11:
abdiquer admiration abject
accepter élection absurde
condamner facilité civil
éliminer justice détestable
opprimer médiocrité distinct
persuader vérité docte
Ces mots conservent le sens et la forme phonétique du mot latin
qui n’est modifié, le plus souvent, qu’au niveau de la terminaison,
parfois seulement par l’accent. Ces ressemblances sont évidentes dans
le cas des emprunts qui sont doublés par des mots hérités par voie
populaire (phénomène qui apparaît à partir du XIVe siècle):
latin français français
populaire savant
advocatum avoué avocat
captivum chetif captif
fabricam orgé fabriqué
hospitalem hôtel hôpital
auscultare écouter ausculter
implicare employer impliquer
Le même phénomène explique l’existence de suffixes et de préfixes
doubles, intégrés dans le système du français:
-el (suffixe populaire) / -al (suffixe savant):
structurel / structural
_______________
11
M.Grevisse, Le bon usage, 1988, Duculot, Gembloux, p.207; H.-D.
Béchade, Phonétique et morphologie du français, PUF, Paris, 1994, p. 159.
86
-aison (suffixe populaire) / -ation (suffixe savant):
inclinaison / inclination
• • Le grec
Les emprunts faits directement au grec sont datés à partir du
XVIe siècle. Il s’agit, en général, de mots-base, dont la plupart ap-
partiennent au vocabulaire scientifique: amnésie, anagramme, ankylose,
archéologie, athée, botanique, enthousiasme, dynamique, graphique,
hippique, météorologie, pathologie, sclérose, thérapeute.
• • L’italien
Les mots empruntés à l’italien sont attestés à partir des XIVe-XVe
siècles jusqu’à l’époque moderne. Ce sont des mots qui désignent des
réalités de tous les domaines de la vie moderne:
– la vie de tous les jours: appartement, parasol, caleçon, carna-
val, moustache;
– le commerce: trafic
– les finances: banque, million;
– l’armée: alarme, alerte, arsenal, canon, cartouche, embuscade,
fantassin, soldat;
• • L’espagnol
Les mots empruntés à l’espagnol sont relativement nombreux et
appartiennent à des domaines divers:
– le domaine militaire: adjudant, bandoulière, camarade, casque,
escouade, guérilla;
– le domaine musical: castagnettes, guitare, romance, sarabande,
sérénade;
– la vie courante et les produits exotiques: abricot, anchois,
caramel, cigare, chocolat, embarrasser, disparate, fanfaron, sièste,
tabac, tomate.
• • L’anglais
Les mots d’origine anglaise ont été empruntés à plusieurs mo-
ments de l’évolution du français et ils illustrent la nature des relations
entre les deux populations.
À l’époque très ancienne et au XVII-e ont été empruntés des
mots désignant des réalités de l’activité maritime ou autres: bateau,
mouette et respectivement: paquebot, tonnage, importer, flanelle.
87
A partir du XVIIIe siècle, les emprunts sont devenus de plus en
plus riches et couvrent la plupart des domaines:
– le domaine maritime: brick, cabine, dock, paquebot;
– le domaine politique: comité, congrès, leader, meeting, session,
vote;
– le domaine sportif: boxe, golf, jockey, match, record, sport, surf;
– le domaine industriel: express, rail, tender, tramway, tunnel,
wagon.
• • L’allemand
Vu le voisinage géographique et les nombreux contacts écono-
miques et militaires entre les deux populations, les emprunts faits à
l’allemand sont marqués par une certaine continuité et illustrent le
domaine militaire et la vie courante:
– au XIIe siècle: rosse;
– au XIIIe siècle: guide;
– au XIVème-XVe siècles: blafard, bourgmestre, butin, cible,
haillon, hallebarde;
– du XVIe siècle jusqu’au XIXe siècle les emprunts sont plus
importants:
– le domaine militaire: bivouac, blinder, halte, obus, sabre,
vaguemestre;
• Des emprunts indirects
Dans les différentes étapes de constitution du lexique français,
beaucoup de mots empruntés au latin, à l’italien ou à l’espagnol avaient
déjà, dans ces langues, le statut d’emprunts. Ils avaient été pris au grec,
à l’arabe et à l’hébreu. Ces mots ont le statut d’emprunts indirects.
• • Le grec
Les mots d’origine grecque, attestés en français avant le XVIe
siècle, sont entrés par la voie des traductions du latin et par le contact
direct avec les colons romains dans la pratique sociale. La plupart de
ces termes appartiennent à des domaines spécialisés:
– le domaine religieux: ange, apôtre, baptiser, blasphémer, diable,
église, prophète;
– le domaine scientifique: arithmétique, arthrite, géographie,
géométrie, hypnotique, logistique, symptôme;
88
– le domaine littéraire: bibliothèque, dialecte, dialogue, épithète,
grammaire, période, poème, synonyme.
• • L’arabe
Les mots d’origine arabe ont été empruntés par l’intermédiaire
de l’espagnol, de l’italien, du provençal ou même par l’intermédiaire
du latin (au moyen âge). Ces mots désignent des éléments de civili-
sation, se répartissant entre différents domaines:
– les sciences: alchimie, algèbre, camphre, chiffre, zénith, zéro;
– le commerce : ambre, café, coton, douane, sucre;
– la vie quotidienne: carafe, gaze, satin, tasse.
• • L’hébreu
Les mots d’origine hébraïque ont été empruntés, indirectement
par l’intermédiaire du grec et du latin, à l’occasion de la traduction de
la Bible. Ce sont des mots qui se rapportent au domaine religieux:
abbé, alléluia, pâque(s), chérubin, jubilé, samedi12.

2.3. Les formations françaises


Les mots qui ont été formés sur le territoire français sont des
innovations qui appartiennent aux locuteurs français et ont à la base
des mots qui préexistaient et qui appartiennent soit au fond primitif
soit aux emprunts faits aux différentes langues .
Ces formations sont obtenues par plusieurs procédés :
• par l’addition d’un élément non autonome (un affixe: suffixe
ou préfixe) à un mot ou à une base préexistants – procédé appelé
dérivation;
• par le changement du statut morphosyntaxique de l’unité lexi-
cale – procédé appelé conversion;
• par la combinaison de mots préexistants – procédé appelé
composition;
• par la suppression de certaines parties des éléments qui cons-
tituent les unités lexicales – procédé appelé abréviation.

_______________
12
M. Grevisse, Op. cit., p. 203-213.
89
II. LA FORMATION DES MOTS

1. LA DÉRIVATION
1.1. Définition
La dérivation est le procédé qui permet de former des mots
nouveaux par l’addition, par la suppression (dérivation regressive13)
ou par le remplacement d’un élément – morphème lexical non-auto-
nome – dans la structure d’un mot:
nation ⇒ national ⇒ nationaliser ⇒ nationalisation
⇒ dénationaliser ⇒ dénationalisation
avouer ⇒ aveu
accueillir ⇒ accueil
conserver ⇒ conserve
Les mots qui comportent dans leur structure au moins un élé-
ment qui n’a pas d’existence autonome (un préfixe ou un suffixe) et
qui peut commuter avec d’autres éléments non autonomes sont appelés
des mots affixées ou des mots dérivés14.
Dans le mécanisme de dérivation il est à distinguer:
– l’unité lexicale de départ susceptible de fonctionner comme
base (un mot plein simple, indécomposable) ou la base isolée dans une
unité lexicale15;
_______________
13
La dérivation régressive, appelée par certains linguistes, dérivation
impropre, permet de dériver des noms en supprimant le morphème désinence
de la forme verbale d’infinitif: oublier → oubli, regretter → regret, soupirer
→ soupir. Les noms ainsi obtenus sont appelés des déverbaux ou des post-
verbaux.
14
R. Galisson et D. Coste, Dictionnaire de didactique des langues,
Hachette, Paris, 1986, p. 145.
15
L’identification des éléments – unités significatives minimales à valeur
lexicale susceptibles d’entrer dans la structure d’un mot construit – repose sur
la substitution paradigmatique. La segmentation du mot portière se fait par
les substitutions suivantes:
– portière / frontière donne port et front
– portière / portillon donne -ière et -illon
ce qui permet d’identifier les lexèmes-base port- et front et les suffixes -ière
et -illon.
90
– la classe de départ à laquelle appartient l’unité de départ;
– le ou les affixes (suffixes et préfixes) susceptibles de se com-
biner avec la base;
– la classe grammaticale dans laquelle s’inscrit le mot qui résulte
de la dérivation;
– la valeur sémantique du suffixe ou du préfixe;
– le sens du mot dérivé.
Les bases et les affixes sont des morphèmes lexicaux qui se
combinent pour former d’autres mots. Les bases servent de noyau et
donnent la valeur dénominative aux mots formés sur elles.
Les affixes ajoutent des valeurs sémantiques qui modifient la
valeur de la base, les suffixes en modifiant, en règle générale, le statut
grammatical.
La dérivation est, par conséquent, l’opération par laquelle on
crée une nouvelle unité lexicale. C’est une transformation qui entraîne
la modification de la structure de l’unité lexicale (du mot) et, en règle
générale, le changement de la classe grammaticale dans laquelle s’inscrit
le morphème lexical de base:
Nom Adj. Vb.
nation + suff. -al ⇒ national + suff. -iser ⇒ nationaliser
1.2. Opérateurs de dérivation
1.2.1. La base
La base (base lexicale ou radical) est un mot préexistant, en
règle générale, un mot français.
Le mot-base peut être un mot simple autonome (a) ou la base
d’un mot plein (b):
(a) fruit → fruitier froid → froideur
plan → planifier solide → solidement
(b) dans la plupart des cas, les dérivés sont formés sur le radical
ou sur un des radicaux (et non sur le mot), s’il s’agit d’un mot à
radical variable:
jaune → jaunir sec – sèche → sécheresse
plonger → plongeur veuf – veuve → veuvage
boire – (nous) buvons→ buveur

91
Parfois, deux radicaux du même mot se constituent en base de
dérivation, les deux dérivés spécialisant leur sens:
blanchir→ blanchiment (l’action de blanchir, de décolorer
pour rendre blanc);
(blanchir) – nous blanchissons → blanchissement (le fait de
blanchir, de devenir blanc).
Dans certains cas, la base de dérivation ne correspond pas au
radical (parfois même à aucun radical) du mot simple actuel, qui a
évolué phonétiquement, mais au radical du mot ancien:
boeuf → bouvier (boverz, fin XI-e)
fête → festoyer (festeer, XII-e)
poil → pelage (peil, pail, 1080)
Il arrive aussi que la base de dérivation prenne la forme de
l’étymon latin:
nu → nudisme (v. 1925; d’apr. lat. nudus)
sel → saler (v. 1165; lat. sal)
titre → titulaire (1505; lat. titulus)

Certaines bases n’ont qu’une existence virtuelle au niveau du


lexique. Repérables dans les modèles de dérivation, elles ne sont pas
observables dans les vocabulaires. C’est le cas des adjectifs résistible,
battable, contournable, déniable, usable, qui ne sont pas utilisés, dans
le discours et, par conséquent, ne sont pas enregistrés par le diction-
naire. Ils servent cependant de base pour la dérivation des adjectifs de
sens négatif préfixés irrésistible, imbattable, incontournable, indéniable,
inusable.
À comparer les relations qui s’établissent entre les séries suivantes:
partager → partageable → impartageable
pardonner → pardonnable → impardonnable
battre → * battable → imbattable
contourner → * contournable → incontournable
Il en est de même des noms comme encablure, encolure formés,
selon le modèle des noms embouchure, envergure, par une double
opération de dérivation: la préfixation d’une base verbale à existence
92
virtuelle * encabler, * encoler et la suffixation de cette base verbale
encablure, encolure16.
Le mot base peut être un mot composé, une locution ou un
syntagme. Plusieurs cas peuvent se présenter:
a) le mot composé forme une seule unité formelle (il est agglutiné)
et il se comporte dans la dérivation comme un mot simple: le suffixe
s’ajoute à droite du mot:
gendarme → gendarmerie
bonhomme → bonhommie
b) les éléments du mot composé sont rattachés par un trait d’union.
La dérivation se fait sur un seul des termes constitutifs (l’autre terme
est maintenu ou supprimé). Le plus souvent c’est le dernier terme qui
se combine avec le suffixe conformément aux règles générales:
court-circuit → court-circuité
tire-bouchon → tire-bouchonner
auto-stop → auto-stoppeur
moyen âge → moyenâgeux
c) l’ordre des deux termes qui constituent le syntagme est inversé:
Afrique du Nord → Nord-Africain
Amérique latine → Latino-Américain
Europe de l’Est → ( les pays) est-européens

1.2.2. Le suffixe
Le suffixe est un morphème lexical qui n’a pas d’existence
autonome et qui s’ajoute à la fin du mot pour former un mot nouveau.
L’adjonction d’un suffixe détermine, le plus souvent, le changement
du statut grammatical (de partie de discours) de la base. La dérivation
est appelée dérivation paradigmatique.
Vb. → Nom Vb. → Adj.
éclater→ éclatement porter→ portable
éclairer → éclairage éclairer → éclairant
_______________
16
Cf. Alise Lehmann, Françoise Martin-Berthet, Introduction à la
lexicologie. Sémantique et morphologie, Nathan, 1998.
93
Nom → Vb. Nom → Adj.
numéro → numéroter nation → national
marchand → marchander sport → sportif
Adj. → Adv. Adj. → Nom
sensible → sensiblement bête → bêtise
fort → fortement grand→ grandeur
Il se peut aussi que le suffixe maintienne le mot nouvellement
créé dans la même classe grammaticale, la dérivation étant de type
syntagmatique.
Vb. → Vb. Nom → Nom Adj. → Adj.
criller → criailler livre → livret noir → noiraud17
tâter → tâtonner patron → patronage noir → noirâtre18
Il existe des suffixes qui sont en relation de synonymie: ils ont
la même valeur (quant au statut qu’ils appliquent au mot dérivé et / ou
quant à la valeur lexicale). Les suffixes -age, -ation et -ment (sonder
→ sondage, réparer → réparation, laver → lavage, laver → lavement)
dérivent tous les trois des noms qui évoquent soit le nom d’ action,
soit le résultat de l’action. Ils sont en concurrence et leur distribution
est marquée par certaines contraintes sémantiques. Ils ne sont substi-
tuables auprès d’une même base que de manière exceptionnelle. La
synonymie des suffixes est étiquetée aussi comme ambiguïté sémantique.
Il existe des suffixes en relation d’homonymie. Des suffixes de
même forme dérivent des mots de sens différent. C’est, par exemple,
le cas des suffixes -eur1 qui dérive des noms d’agent à partir d’une
base verbale (patiner→ patineur; courir → coureur, danser → danseur)
et -eur2 qui dérive des noms de qualité à partir d’une base adjectivale
(grand → grandeur; large → largeur; haut → hauteur).
D’autres suffixes sont interprétés comme polysémiques. C’est
le cas du suffixe -isme qui dérive des noms masculins à partir de bases
nominales ou adjectivales, distinguant plusieurs acceptions différentes:
«le fait d’être» ou «la chose qui est» (géant → gigantisme, snobe →
snobisme), «l’état résultatif» (néologisme, barbarisme, idiotisme), «un
ensemble de choses» désigné par la base nominale (mécanisme,
_______________
17
Qui est noir de teint.
18
Qui tire sur le noir.
94
organisme), «un ensemble de phénomènes ou de traits» relatifs à la
notion (alcoolisme, analphabétisme, catholicisme, romantisme19).
La description et la classification des suffixes doivent tenir compte
des mécanismes qui dictent leur fonctionnement, c’est-à-dire de la nature
des mots qu’ils dérivent et de la nature de la base avec laquelle ils se
combinent, y compris les contraintes qui marquent leur combinaison.
La description des suffixes doit porter :
• sur le statut grammatical qu’ils prêtent au dérivé – statut consi-
déré comme marque de telle ou telle classe de mots / partie du discours;
• sur les changements sémantiques qui accompagnent aussi bien
la dérivation paradigmatique (éclairer → éclairage; porter → portable)
que la dérivation syntagmatique (patron → patronage → patronat);
• sur leur productivité, c’est-à-dire sur l’aptitude des suffixes à
se combiner avec les différentes bases lexicales.

1.2.3. Le préfixe
Le préfixe est un morphème lexical non autonome qui s’ajoute
devant un mot pour former un mot nouveau. Les préfixes n’entraînent
pas le changement du statut de partie du discours de la base lexicale
avec laquelle ils se combinent. Ils y ajoutent des significations nouvelles:
Vb. → Vb. Nom → Nom Adj. → Adj.
faire → refaire charge → décharge moral → amoral
faire → défaire parité → disparité moral → immoral
Exceptionnellement le préfixe entraîne le changement de la caté-
gorie grammaticale de la base. C’est le cas du préfixe anti- qui peut
former un adjectif à partir d’un nom: tabac → antitabac (traitement
antitabac); ride→ antiride(s) (crème antiride(s)); rouille→ antirouille
(produit antirouille). Cette formation est en concurrence avec la for-
mation dérivée par le même préfixe de l’adjectif formé sur le nom:
constitutionnel,elle → anticonstitutionnel,elle; alcoolique → antialco-
olique. Le premier type d’adjectifs obtenus par la préfixation des noms
semble aussi productif que le second. Les termes antibrouillard (1950),

_______________
19
Pour des détails voir Marie-Françoise Mortureux, La lexicologie
entre langue et discours, Editions SEDES, 1997, p. 39-42.
95
antibruit (1972), antidouleur (1970), antipersonnel (1950), antivol (1948)
sont des créations relativement récentes20.
Certains préfixes se rapprochent sémantiquement et peuvent être
considérés comme synonymes: les préfixes dé(s)- et in- ont soit une valeur
privative soit une valeur négative (obéir → désobéir; agréable →
désagréable; plaisir → déplaisir; confort → inconfort; supportable →
insupportable).
1.3. Types de dérivation
La dérivation lexicale se réalise sous quatre formes distinctes
appelées:
• la dérivation suffixale / la suffixation – l’opérateur de dérivation
est un suffixe;
• la dérivation régressive – le suffixe ou, rarement, le préfixe
est supprimé;
• la dérivation préfixale / la préfixation – l’opérateur de déri-
vation est un préfixe;
• la dérivation parasynthétique – les deux opérateurs le suffixe
et le préfixe interviennent simultanément dans la dérivation du nou-
veau mot.

1.3.1. La dérivation suffixale


La dérivation suffixale consiste à former, à partir d’une base
lexicale donnée et à l’aide de suffixes, des mots nouveaux qui
s’inscrivent dans une autre classe de mots / partie de discours ou
qui se maintiennent dans la même classe de mots.
Du point de vue du statut de partie de discours du mot base et du
mot dérivé par des opérateurs suffixaux, on distingue deux types de
dérivation suffixale:
• la dérivation paradigmatique qui entraîne l’inscription du
mot base dans un autre paradigme (le mot dérivé se combine avec des
morphèmes spécifiques d’une autre classe de mots) ce qui lui permet
d’assumer des fonctions syntaxiques différentes de celles assumées
par le mot de départ.
_______________
20
Les formations anti + Nom sont considérées par certains linguistes
comme des composés, la forme à fonction adjectivale étant invariable.
96
• la dérivation syntagmatique n’entraîne pas le changement de
la catégorie syntaxique du mot base. Le suffixe modifie sémantiquement
le mot base:
Verbe → Verbe Nom → Nom Adjectif → Adjectif
boiter → boitiller moulin → moulinet haut → hautain
chanter→ chantonner moulinet → moulinette rouge → rougeâtre
tousser→ toussoter pompe → pompiste grand → grandelet
Le nouveau mot, obtenu par la dérivation, varie selon les mêmes
règles que le mot base. Il s’inscrit dans le même paradigme et assume
les mêmes fonctions syntaxiques que le mot-base de dérivation.
Dans les exemples suivants: faire→ refaire; patron→ patronage
→ patronat on peut constater que les deux dérivés ont le même com-
portement morphologique que le mot base:
1.3.1.1. La dérivation paradigmatique
A. LA DÉRIVATION À BASE VERBALE
Les unités lexicales à statut de verbe se caractérisent par une
grande disponibilité combinatoire et permettent de dériver des unités
lexicales qui s’inscrivent dans les deux classes fondamentales, le nom
et l’adjectif.
(a) La dérivation des noms (la nominalisation)
C’est un mécanisme relativement complexe qui met en jeu un
microsystème d’opérateurs suffixaux qui prêtent à la forme dérivée
différentes valeurs. Ils évoquent:
– l’action verbale envisagée dans son déroulement où à son
achèvement en tant que résultat ou effet:
désorganiser → désorganisation
(action de désorganiser; son résultat)
– l’agent de l’action:
couper → coupeur, euse
(personne dont la profession est de couper des étoffes).
– l’instrument dont l’agent se sert pour réaliser l’action:
couper → couperet
(couteau à large lame pour trancher la viande; Tech.
outil d’acier pour couper les filets d’émail.).
97
– le lieu où s’exerce l’activité désignée par le verbe – patiner
→ patinoire .
♦ La nominalisation de l’action / du résultat
Dans la plupart des cas, ces deux valeurs sont actualisées par le
même suffixe et elles ne sont que rarement repérables dans le nom pris
isolément. En règle générale, le dictionnaire de langue précise, dans la
définition proposée, si le nom (dérivé d’une base verbale) désigne l’action
ou le résultat de l’action ou bien les deux:
9 alcoolisation n.f. (1706; de alcooliser). 1. Transformation en
alcool. 2. Action de mêler de l’alcool à une boisson.
9 affichage n.m. (1792; de afficher). Action d’afficher, de poser
des affiches.
9 désorganisation n.f. (1764 de désorganiser). Action de
désorganiser; son résultat.
9 désorientation n.f. (1876; de désorienter). Action de
désorienter; son résultat.
9 ensablement n.m. (1673; de ensabler). Amas, dépôt de sable
formé par l’eau ou par le vent; état d’une terre, d’un
port recouvert ou engorgé par ces amas.
9 ennoblissement n.m. (XIVe de ennoblir). Fait d’être ennobli.
(Petit Robert)
C’est au contexte, plus ou moins large, qu’il revient de donner
des indications permettant de décoder la valeur explicitée.
Le sémantisme du verbe pivot de la phrase (la présence des traits
[± dynamique], [± activité] et / ou la valeur aspectuelle [± accompli]
de la forme verbale) sert d’indice pour la valeur de nom d’action:
On s’intéresse à la composition du menu.
→ valeur de nom d’action.
Il se chargea de la composition du cocktail. (Bordas).
→ valeur de nom d’action.
La présence de certains déterminants nominaux (adjectifs marqués
ou non par des degrés d’intensité) et / ou la marque de pluriel dans le
nom dérivé orientent l’interprétation du dérivé vers le résultat / l’effet
de l’action:
La consolidation complète/ incomplète d’une fracture.
La désarticulation partielle / totale d’un membre.
98
Les compositions trimestrielles. Corriger des compositions.
(Petit Robert).
L’aviation a repéré des concentrations de troupes.
(Bordas).
Parfois, malgré le contexte, la forme nominale permet la double
lecture:
La composition de ce menu laisse à désirer. (Bordas).
(= la manière dont il est composé, agencé)
→ double valeur: a/ nom de l’action en déroulement
b/ résultat de l’action
L’entreprise a réussi grâce à la concentration des efforts.
(Bordas)
→ double valeur: a/ le nom de l’action en déroulement
b/ le résultat de l’action.
Principaux suffixes
• - tion/ -ation
Ce suffixe se combine avec des verbes du premier groupe (ter-
minés en -er):
clarifier→ clarification consolider → consolidation
composer → composition éliminer → élimination
concentrer → concentration purifier → purification
Il prête aux noms dérivés les deux valeurs de nom de l’action ou
de résultat de l’action.
Cette valeur double est réalisée par des verbes du type:
opérer→ opération consolider → consolidation
harmoniser → harmonisation politiser → politisation
modifier → modification interpeller → interpellation
• - age et la variante - issage
Les noms dérivés à l’aide de ces deux suffixes désignent soit le
nom d’action, soit le résultat.
affichage n.m.(de afficher)
Action d’afficher, de poser des affiches.
cambriolage n.m. (de cambrioler)
Action de cambrioler; résultat de cette action.
99
décantage n.m. (de décanter)
Action de décanter; son résultat.
(Le Petit Robert)
Le suffixe -age se combine avec la base des verbes du 1-er groupe
et le suffixe -issage avec la base des verbe du 2-e groupe:
afficher → affichage atterrir → aterrissage
cambrioler → cambriolage dégrossir → dégrossissage
décanter → décantage finir → finissage
Le suffixe -age est très productif en français contemporain. Il
sert à la dérivation des noms qui désignent des opérations techniques
ou des processus de fabrication:
bloquer → blocage monter → montage
calibrer → calibrage régler → réglage
dépanner → dépannage mouiller → mouillage
finir → finissage polir → polissage
• -ment et les variantes - ement, -issement
Ces suffixes se combinent avec des bases verbales appartenant à
toutes les classes de verbes:
abaisser → abaissement avilir → avilissement
dénigrer → dénigrement bondir → bondissement
abattre → abattement consentir → consentement
Tout comme les suffixes présentés précédemment, le suffixe -ment
et ses variantes prêtent aux noms qu’ils dérivent les deux valeurs de
nom d’action ou de résultat de l’action. Précisée directement ou indi-
rectement par la définition donnée par le dictionnaire, la valeur que le
suffixe applique au nom dérivé est décelable dans le contexte:
battre → Le battement du fer sur l’enclume.
Écouter le battement du cœur.
blanchir → Le blanchiment d’un mur au lait de chaux.
Le blanchiment n’est pas réussi.
Un blanchiment parfait.
Le blanchissement des cheveux.
100
Les suffixes -tion, -ation, -age et -ment sont les plus productifs.
Ils sont en concurrence, c’est-à-dire certaines bases lexicales admettent
de se combiner avec deux, parfois même avec les trois suffixes, l’emploi
des termes dérivés étant soit spécialisés par domaine, soit spécialisés
par signification (en principe, les formes en -ation ou en -age désignent
le nom de l’action et la forme en -ment désigne le nom de l’action et
le résultat de l’action):
abattre→ (1) abattage – action d’abattre, de faire tomber.
L’abattage d’un sapin à la scie.
(2) abattement – action d’abattre; – Fig. action et
résultat: retranchement, rabais sur une
somme à payer.
décoller → (1) décollage – action de décoller (transp.)
Le décollage d’un avion.
Ne pas fumer pendant le décollage.
(2) décollement – action de décoller (méd.)
Le décollement de la rétine.
(3) décollation – action de couper la tête de qqn.
La décollation de saint Jean Baptiste.
(Petit Robert)
• - ure
Les noms dérivés par le suffixe -ure désignent, dans la plupart
des cas, le résultat de l’action. Rarement, ce suffixe peut prêter au dérivé
la valeur de nom d’action, valeur identifiable en fonction du contexte:
blesser → blessure fermer → fermeture
couper → coupure fouler → foulure
égratiner → égratinure scier → sciure
Se faire des coupures aux mains en taillant son crayon.
[+ nom de l’action] et [+ résultat de l’action]
Les piqûres des moustiques sont dangereuses.
[+ résultat de l’action]
Jeter les épluchures de pommes de terre. [+ résultat de l’action]
Traiter l’enflure de la cheville. [+ résultat de l’action]
La reliure des livres de classe. [+ résultat de l’action]
Procéder à la fermeture d’un établissement. [+ nom de l’action]
101
Avec certaines bases, le suffixe -ure est en variation avec le
suffixe -age.
éplucher → (1) épluchure [+ résultat de l’action (coji)]
Jeter les épluchures de pommes de terre.
(2) épluchage [+ nom de l’action]
Commencer l’épluchage des pommes de terre.
scier → (1) sciure [+ résultat de l’action (talaj)]
Balayer la sciure dans l’atelier de menuiserie.
(2) sciage [+ nom de l’action (tăiere cu fierăstrăul)]
Le sciage mécanique du bois.
(Petit Robert)
• -at est un suffixe qui exprime le résultat de l’action. Il est très
peu productif:
acheter → achat
Faire des achats.
agglomérer → agglomérat
Examiner des agglomérats volcaniques.
• -aison est un suffixe qui désigne le plus souvent le résultat de
l’action et très rarement le nom de l’action. Il n’est pas très productif
mais les formations déjà dérivées sont relativement fréquentes:
combiner → combinaison livrer → livraison
comparer → comparaison terminer → terminaison
• -ade est un suffixe qui sert à la formation des noms d’action.
Exceptionnellement, il peut dériver aussi des noms qui désignent le
résultat de l’action. Il n’est pas très productif.
glisser → glissade
Faire des glissades sur la glace.
rigoler → rigolade
Faire une partie de rigolade.
se baigner → baignade.
Aller à la baignade.
Certains des noms obtenus par la dérivation avec le suffixe -ade
coexistent avec d’autres noms dérivés de la même base lexicale à l’aide
des suffixes -age ou -ment:
102
glisser → (1) glissade
a/ le mouvement que l’on fait en glissant
Faire des glissades sur la glace.
b/ «pas de danse»
c/ manœuvre acrobatique faite par l’avion
Amorcer une glissade.
Faire une glissade sur l’aile, sur la queue.
(2) glissage – opération qui consiste à faire descendre,
le long des pentes, le bois abattu.
(3) glissement – action de glisser; mouvement de ce qui
glisse.
Le glissement d’un traîneau sur la neige.
Le glissement d’une auto qui passe.
Glissement vertical, glissement de terrain (géol.)
(Petit Robert)
• -ance et la variante - issance
C’est un suffixe peu productif, qui sert à dériver des noms qui
désignent le résultat de l’action ou l’état affectif d’une personne:
allier → alliance espérer → espérance
assurer → assurance souffrir → souffrance
dévier → déviance se réjouir → réjouisance
(Petit Robert)
♦ La nominalisation de l’agent et de l’instrument
Les noms qui désignent l’agent, renvoient soit à des personnes
qui exercent une activité quelconque, soit à des machines impliquées
dans la réalisation d’une activité et qui ont une certaine autonomie,
soit même à des instruments21. Par instrument on comprend un objet
fabriqué dont une personne se sert pour exécuter quelque chose, pour
faire une opération. L’instrument est désigné aussi par les termes
d’appareil, engin, machine, outil ou ustensile. L’instrument se confond
_______________
21
En termes de lexicologie le concept d’agent s’applique aussi bien à
l’agent humain qu’à l’agent machine et à l’agent instrument, identifiables en
fonction des rapports spécifiques qu’ils entretiennent avec le procès.
Voir. L. Guilbert, La créativité lexicale, Larousse, Paris, 1975, p. 181.
103
parfois avec l’agent [-personne], la machine. Le seul critère d’identifi-
cation reste le degré d’autonomie dans l’exécution de la tâche.
•• Suffixes qui dérivent des noms d’agent désignant des
personnes
• - eur, - euse 22; - ateur, - atrice:
décorer → décorateur, trice
1. Personne qui fait des travaux de décoration.
Décorateur d’intérieurs, d’appartements.
2. Personne qui execute ou dirige l’execution des
décors, pour un spectacle.
Décorateur de théâtre, de cinéma.
débiter → débiteur, euse
Ouvrier qui débite (du bois, etc.)
Débiteurs d’une ardoiserie.
étirer → étireur, euse
Ouvrier, ouvrière qui procède à l’étirage.
filer → fileur, euse
1. Personne qui file une matière textile, à la main.
Fileuse à son rouet.
2. Techn.Conducteur (trice) d’un métier à filer.
(dans une filature).
(Petit Robert)
placer → placeur, euse.
vendre → vendeur, euse.
présenter → présentateur, trice.
• -ant / ante
débuter → débutant, débutante
combattre → combattant, combattante
Certains des noms dérivés par ce suffixe n’ont que la forme de
masculin qui désigne globalement l’ensemble des agents personnes:
arriver → (les) arrivants
partir → (les) partants
participer → (le) participant, (les) participants
_______________
22
Le même suffixe dérive aussi des noms d’instrument. Voir plus loin.
104
•• Suffixes qui dérivent des noms d’agent désignant des
machines, des instruments
• -eur – est un suffixe disponible dans les domaines de spécialité:
transformer → transformateur n.m.(1842).
Electr. Appareil servant à modifier la tension,
l’intensité ou la forme d’un courant électrique.
Transformateur de tension.
Transformateur d’un chemin de fer électrique.
élever → élévateur (de tension)
déclencher → déclencheur n.m.(1921).
Techn. Pièce destinée à séparer des pièces enclenchées
ou à déclencher un mécanisme.
Déclencheur mécanique, électrique.
(Petit Robert)
Certains dérivés se situent à la limite entre l’agent (machine) et
l’instrument:
compter → compteur n.m. (1752 ).
Appareil servant à compter, à mesurer en unités
un temps, une vitesse, un volume.
Compteur enregistreur.
Compteur de vitesse d’automobile.
Compteur à gaz, à eau.
(Petit Robert)
D’autres noms dérivés désignent uniquement l’instrument:
atomiser → atomiseur n.m. (1933).
Petit flacon, petit bidon qui atomise un liquide
qu’il contient, lorsqu’on presse sur le bouton.
Atomiseur à parfum, à laque, à lotion.
(Petit Robert)
• -euse
verser → (n.m. verseur; 1567). n.f. verseuse (1877).
Cafetière en métal à poignée droite.
emboutisser → emboutisseuse n. f. (1900).
Machine-outil qui sert à emboutir.
(Petit Robert)
105
• - oir
gratter → grattoir n.m.(1611).
Instrument qui sert à gratter.
Spécialt. Sorte de canif à lame ovale servant à
gratter l’écriture. ◊ Techn. Nom donné à divers
instruments de forme variée servant à gratter,
ciseler, graver, inciser, racler.
raser → rasoir (1240).
Instrument à tranchant très fin servant à raser les poils
du visage.
Rasoir à main. Rasoir mécanique, électrique.
(Petit Robert)
• - oire
passer → passoire n.f. (1611).
Récipient percé de trous et utilisé pour écraser ou
égoutter des aliments, pour filtrer sommairement des
liquides.
rôtir → rôtissoire n.f.(1390).
Ustensile de cuisine qui sert à faire rôtir la viande.
Rôtissoire électrique, à rayons infrarouges.
(Petit Robert)
Dans le cas de certaines bases, les deux formes dérivées par les
suffixes -eur, -euse (la forme de masculin et celle de féminin) se dis-
tribuent de manière restrictive en fonction du référent: la forme de
masculin (en -eur) désigne la personne et la forme de féminin (en -euse)
désigne la machine:
fraiser → fraiseur
Ouvrier qui exécute des travaux de fraisage.
→ fraiseuse
Machine-outil qui sert à fraiser les métaux.
décaper → décapeur
Ouvrier qui décape des métaux.
→ décapeuse
Machine-outil de terrassement qui racle les surfaces.
fondre → fondeur
Ouvrier qui travaille dans une fonderie.
106
→ fondeuse
Machine employée en fonderie.
Il y a aussi des cas où:
– les deux formes de masculin et de féminin désignent l’agent
personne:
arroser → un arroseur/ une arroseuse (1559, repris 1838).
Personnes qui arrosent (en particulier les voies
publiques)
– la forme de masculin désigne l’instrument:
→ un arroseur (1907).
Appareil d’arrosage.
– la forme de féminin désigne la machine:
→ une arroseuse n.f.
Véhicule muni d’un réservoir d’eau et destiné à
l’arrosage des voies publiques.
Une arroseuse automobile. (Petit Robert)
Le suffixe -euse désignant la machine est, dans certains cas, en
variation avec le suffixe -oir:
→ une arroseuse (cf. ci-dessus)
→ un arrosoir (1365).
Ustensile destiné à l’arrosage.
emboutir → une emboutisseuse n.f. (1900)
→ un emboutissoir n.m. (1690)
Machine-outil, outil qui sert à emboutir.
♦ La nominalisation du lieu
Ces noms désignent le lieu où se passe l’action exprimée par le
verbe-base de dérivation .
• -oir et -oire
fumer → fumoir n.m. (1842).
Pièce où l’on se tient pour fumer.
Le fumoir d’un théâtre.
patiner → patinoire n.f. (1921).
Piste de patinage.
Patinoire naturelle, artificielle, couverte.
(Petit Robert)
107
(b) La dérivation des adjectifs
La dérivation des adjectifs à partir d’une base verbale est réalisée
par des suffixes dont certains sont spécialisés et d’autres communs
aux formes adjectivales et aux formes nominales. Les formes verbales
de participe présent et de participe passé, enregistrées par le diction-
naire comme formes adjectivales, sont soit héritées du latin soit inscrites
dans la classe des adjectifs par la conversion.
Principaux suffixes d’adjectivisation de base verbale
• -ateur , -atrice23
Ce suffixe implique un certain dynamisme qui se retrouve, sous
la forme de la valeur aspectuelle de [-accompli], dans la caractéris-
tique / qualité désignée. Ce trait rapproche les adjectifs en -ateur, -atrice
des adjectifs en -ant, -ante. Certaines bases verbales ont généré les deux
formes qui ont spécialisé leurs emplois24.
exporter → exportateur, -atrice
Qui exporte des marchandises.
Pays exportateur de blé.
importer→ importateur, -atrice.
Qui fait le commerce d’importation.
Pays importateur.
coordonner → coordonnateur, -atrice
Qui coordonne.
transformer → transformateur, -atrice
Qui transforme.
Action transformatrice.
(Petit Robert)
• -eur, -euse
Ce suffixe prête à l’adjectif la même valeur active «qui fait l’action»:
mentir → menteur , -euse.
Enfant menteur. Des éloges menteurs.
_______________
23
A côté des adjectifs dérivés, il existe aussi des formes en -teur, -trice
héritées du latin constructeur, -trice adj. et nom (XIVe) du bas latin constructor
de construere.
24
Cf. Alexandra Cuniţă, La formation des mots. La dérivation en français
contemporain, EDP, Bucureşti, 1980, p. 63-64.
108
batailler → batailleur , -euse.
Esprit, tempérament batailleur.
• - atif, -ative25
Les adjectifs dérivés par ce suffixe ont la valeur aspectuelle de
[-accompli], ce qui les rapprochent des adjectifs en -ant, -ante. Les formes
doubles, dérivées de la même base verbale, ont spécialisé leurs emplois:
– déterminant, -ante
Qui détermine; qui permet de déterminer.
Motif déterminant. Cause déterminante.
– déterminatif, -ive
Qui détermine, précise le sens d’un mot.
Adjectif déterminatif. Complément déterminatif.
L’emploi des deux formes dans la même phrase confirme claire-
ment leur spécialisation:
Les adjectifs déterminatifs, les adverbes sont des
déterminants. (Petit Robert)
Les adjectifs en -if, -ive n’ont pas dans tous les contextes la même
valeur. Leur sens diffère en fonction des relations actantielles établies
par la base verbale:
limiter → limitatif, -ive.
Qui limite, fixe. (sens actif)
Disposition limitative. Énumération limitative.
consulter→ consultatif, -ive.
Que l’on consulte. (sens passif)
Comité consultatif. Assemblée consultative.
décorer → décoratif, -ive.
Qui sert à décorer. (sens actif)
Peinture, sculpture décorative.
_______________
25
Les formations françaises s’ajoutent aux adjectifs hérités du latin qui
sont relativement nombreux: distributif, -ive (bas. lat. distributivus); dubitatif,
-ive (bas. lat. dubitativus); effectif, -ive (lat. médiev. effectivus); imaginatif, -ive
(bas. lat. imaginativus); imitatif, -ive (bas. lat. imitativus).
109
commémorer → commémoratif, -ive.
Qui rappelle le souvenir. (sens actif)
Monument commémoratif.
(Petit Robert)
• able, avec la variante -ible
L’interprétation sémantique des adjectifs dérivés par ce suffixe
repose sur une structure qui comporte le verbe pouvoir. Le verbe pivot
de la phrase qui est à la base de la transformation dérivative est à la
diathèse passive:
aborder→ abordable.
Qui peut être abordée.
Sujet abordable. Personne abordable.
accepter→ acceptable.
Qui peut être accepté.
Sujet acceptable. Proposition acceptable.
gouverner→ gouvernable.
Qui peut être gouverné.
Pays gouvernable. Communauté gouvernable.
admettre → admissible.
Candidat admissible. Personne admissible.

B. LA DERIVATION À BASE NOMINALE


Les noms servent de base de dérivation pour les adjectifs et pour
les verbes. La nature sémantique du nom favorise plutôt la dérivation
des adjectifs que celle des verbes. Parfois, l’adjectif dérivé sert de
transformation intermédiaire à la dérivation du verbe26:
bosse → bossu, ue (1138)
courage → courageux, euse ( XIIe)
accident → accidenté (1662, repris 1824)
accidenté → accidenter (1837)27
_______________
26
Voir L. Guilbert, Op. cit., p. 184.
27
Forme non attestée par le dictionnaire Petit Robert édition 1968, mais
enregistrée par les dictionnaires DFC, 1966, et Lexis 1979.
110
Les latitudes combinatoires des bases nominales avec les opérateurs
suffixaux sont influencées par les traits inhérents du nom-base:
– la présence des traits [- animé], [± concret] favorise la dérivation
suffixale:
constitution → constitutionnel,elle livre → livresque
forme → formel, elle route → routier, ière
– la présence du trait [+ humain] favorise la conversion (le chan-
gement de la catégorie syntaxique par la simple distribution en position
d’adjectif – dérivation à suffixe zéro):
mère → mère
Maison mère. Cellule mère.
Langue mère. L’idée mère de cet ouvrage.
pilote → pilote
Classe pilote. Usine pilote. Projet pilote.
(Petit Robert).
Le nom-base de dérivation, est susceptible de générer des para-
digmes à plusieurs termes lorsque l’adjectif dérivé se constitue, à son
tour, en base de dérivation pour un autre nom ou pour un verbe à partir
duquel se déclanche un autre cycle de dérivation à base verbale:
nom adjectif verbe nom
forme→ formel, elle → formaliser→ formalisation
prolétaire→ prolétarien, ienne - -
prolétaire→ - prolétariser→ prolétarisation
(a) La dérivation des adjectifs
Les suffixes qui permettent de dériver des adjectifs de bases
nominales sont relativement nombreux. Ils se laissent classer d’après
le sens qu’ils prêtent à l’adjectif dérivé mais aussi d’après la nature
des noms -base de dérivation.
Principaux suffixes
• -é ; • -u
Les adjectifs dérivés à l’aide de ces suffixes expriment l’état du
nom déterminé:
bois → boisé, ée (1690).
Qui est boisé / couvert de bois.
Côteau boisé. Colline boisée.
111
accident → accidenté, ée (1824) .
Qui a subi un accident
Piéton accidenté. Route accidentée.
touffe → touffu, ue (1438).
Qui est épais et dense.
Poil touffu. Livre touffu.
Grappe de glycine touffue.
(Petit Robert)
• -eux, -euse
Le plus souvent, ce suffixe prête à l’adjectif dérivé l’idée de qualité:
courage → courageux, euse (XIIe).
Homme courageux. Personne courageuse.
fièvre → fievreux, euse (1190).
Un madade fièvreux. Pouls fièvreux.
souci → soucieux,euse(1530; souciex, 1280).
Père soucieux. Mère soucieuse.
(Petit Robert)
• -al, -ale et la variante populaire • -el, -elle
Ce suffixe prête à l’adjectif dérivé le trait [+appartenance] à un
domaine donné ou le trait [+ relation] («relatif à»):
architecture → architectural, ale (1819).
Groupe architectural.
Formes architecturales.
nation → national, ale (1534).
Parti national.
Réunion nationale.
patron → patronal, ale (1611; de patron).
Intérêt patronal.
Réunion patronale.
exception → exceptionnel, elle (1739)
Résultat exceptionnel.
Participation exceptionnelle.
(Petit Robert)
institution → institutionnel, elle
obsession → obsessionnel, elle
opération → opérationnel, elle
profession → professionnel, elle
112
• -if, -ive – suffixe qui prête au sémantisme de l’adjectif le trait
[+ qualité]:
instinct → instinctif, ive (1803).
Comportement instinctif.
Réaction instinctive.
émotion → émotif, ive (1877).
sport → sportif, ive (1862).
Résultat sportif.
Vie sportive. (Petit Robert)
• -ique
Ce suffixe est très productif aussi bien dans la langue commune
que dans le langage scientifique:
catastrophe → catastrophique atome → atomique
nostalgie → nostalgique chimie → chimique
photographie→ photographique algèbre → algébrique
• -aire et la variante populaire • -ier, -ière
Ce suffixe prète à l’adjectif le trait [+appartenance] à un domaine,
«relatif à»:
aliment → alimentaire école → écolier, ière
dent → dentaire coutume → coutumier, ière
tarif → tarifaire police → policier, ière
université → universitaire route → routier, ière
révolution → révolutionnaire finance → financier, ière
• -iste
C’est un suffixe qui dérive des noms et des adjectifs qui ont
connu une évolution parallèle, en couple, avec les adjectifs dérivés par
le suffixe -isme (qui ne dérive que des noms). Cette évolution est justi-
fiée par les relations qui existent au niveau référentiel, entre les réalités
désignées: -isme désigne la doctrine (le système d’idées) et -iste le nom
de l’adepte (du partisan):
centre → centriste (adj. et n. 1946).
Les candidats centristes.
fascisme → fasciste (n. et adj. 1921-22).
Dictature fasciste.
de Gaulle → gaulliste (adj. et n.1941).
La résistence gaulliste. (Petit Robert)
113
• -ais, -aise; • -ain, -aine; • -ien, -ienne
Ces suffixes, auxquels s’ajoutent d’autres, dérivent des adjectifs
qui désignent la nationalité ou l’appartenance à un pays, à une région
ou à une ville, ou même à la doctrine d’une personnalité culturelle:
France→ Français, Française
Angleterre → Anglais, Anglaise
Roumanie → Roumain, Roumaine
Rome → Romain, Romaine
Italie → Italien, Italienne
Paris → Parisien, Parisienne
(b) La dérivation des verbes (la verbalisation)
La dérivation des verbes à partir de bases nominales suppose
l’existence d’une étape intermédiaire de factivisation, transformation
définitoire pour la nature du verbe. Cette étape est représentée par
l’emploi de la forme de participe passé à valeur adjectivale, forme
rattachée à un nominal par le verbe être. La phrase:
Le menuisier cloue la planche.
se rattache à la phrase qui explicite la relation de factivisation:
Le menuisier fait (ceci) que la planche est clouée.
(Apud Al. Cuniţă)
Cette construction sert de base à la dérivation du verbe28. Et bien
que le dictionnaire donne le participe passé adjectif comme dérivé du
verbe, du point de vue des mécanismes transformationnels et des
relations qui soustendent ces mécanismes, on peut considérer que les
verbes dérivés des noms se rattachent à une forme virtuelle d’adjectif:
bois → ( boisé →) boiser
clou → (clouté →) clouter
Les suffixes qui dérivent les verbes entraînent assez souvent la
modification de la base nominale: la modification de la voyelle ou de
la consonne finale ou l’adjonction d’un appui consonnantique.
Les verbes dérivés sont marqués par le trait inhérent [+causatif],
trait explicité même dans la définition que propose le dictionnaire.
_______________
28
Pour des détails voir Al. Cuniţă, Op. cit., p. 75-80.
114
Principaux suffixes
• -er
Ce suffixe est très productif. Il prête à la forme verbale dérivée
des valeurs supplémentaires d’aspectivité (le procès est présenté soit
en accomplissement soit comme accompli).
bois → boiser (1680)
Garnir avec du bois de menuiserie.
Faire boiser sa maison.
Planter d’arbres un terrain pour former un bois.
Boiser une contrée.
oxyde → oxyder (1787)
Transformer plus ou moins complètement en oxyde.
L’air oxyde la plupart des métaux.
Le fer s’oxyde rapidement.
(Petit Robert)
• -iser
Ce suffixe ajoute à la valeur causative des verbes dérivés la valeur
aspectuelle d’accompli (changement d’état, envisagé comme accompli):
alcool → alcooliser (1620)
Convertir en alcool.
Additionner d’alcool.
Alcooliser un vin.
schéma → schématiser (1803); (XX-e)
Considérer les objets comme des schémes.
Mettre en schème.
Formule qui permet de schématiser les relations
entre les atomes.
Rendre schématique, réduire à l’essentiel.
Schématiser le réel.
(Petit Robert)
• - ifier
Le suffixe -ifier dérive, tout comme le suffixe -iser,des verbes
causatifs qui, au point de vue de l’aspect, désignent des procès saisis
en accomplissement. Le suffixe connaît un emploi préférentiel dans
les domaines spécialisés:
code → codifier (1835)
115
Réunir des dispositions légales dans un code.
Codifier la législation du travail.
Rendre rationnel; ériger en système organiser.
os → ossifier (1697)
Convertir en tissu osseux.
Endurcir, rendre insensible.
Se transformer en tissu osseux.
Cartillage qui s’ossifie.
solide → solidifier (1785)
Donner une consistance solide.
Solidifier une substance par le froid.
Devenir solide.
Ciment qui se solidifie.
(Petit Robert)
Certains des verbes dérivés par les suffixes -er, et -iser et la
plupart des verbes dérivés par le suffixe -ifier s’inscrivent dans le
cycle dérivationnel, se constituant en base de dérivation pour des
substantifs désignant le nom de l’action ou le résultat:
oxyde → oxyder → oxydation
carbone → carboniser → carbonisation
exemple → exemplifier → exemplification.
personne → personnifier → personnification

C. LA DERIVATION À BASE ADJECTIVALE


Les adjectifs sont moins disponibles que les verbes et les noms à
se combiner avec des suffixes pour dériver de nouveaux mots.
Dans la plupart des cas, la base de dérivation est constituée par
des adjectifs primaires, adjectifs simples, appelés aussi «morphèmes-
souches»,29 qui expriment les valeurs de base de la caractérisation,
respectivement les dimensions, les formes, les couleurs, les différentes
unités de grandeur: haut, bas, grand, petit, rond, blanc, jeune, etc.
D’autres types d’adjectifs se constituent en base de dérivation
lorsqu’ils se détachent du noyau sémantique constitué par le groupe
_______________
29
Al. Cuniţă, Op. cit., p. 80.
116
nominal qui les définit syntaxiquement. Formes dérivées à l’origine,
ces adjectifs s’autonomisent sémantiquement et deviennent disponibles
à la dérivation de type paradigmatique:
banal (banale) (adj. 1286; de banal)
→ banalité n.f. (mil. XIVe s.; de banal)
→ banaliser v.tr. (1842; de banal)
→ banalement adv. (1846; de banal)
(Petit Robert)
Beaucoup de ces adjectifs sont hérités du latin, mais l’étymologie
ne compte plus pour les locuteurs français. Ils ont été inscrits dans des
paradigmes dérivationnels en fonction de leur compatibilité avec les
différentes classes de suffixes et en fonction de la productivité de
ceux-ci:
moral (morale) (adj. et n.m. déb. XIIIe s., lat. moralis de mores
«mœurs»)
→ moralement adv. (1225; de moral)
→ moraliser v. (1375; de moral)
→ moralisation n.f. (1834)
→ moralisateur, trice adj. et n. (1846)
(Petit Robert)
Les paradigmes générés comportent deux ou trois termes suivant
que le verbe ou le nom dérivés se constituent à leur tour en base de
dérivation.
adjectif verbe nom adjectif
nasal, ale→ nasaliser → nasalisation -
labial, ale→ labialiser → labialisation -
officiel, elle→ officialiser → - -
égal, ale→ égaliser → égalisation égalisateur, trice
lourd, -e→ - lourdeur -
(a) La dérivation des noms
Principaux suffixes
• -eur
C’est un suffixe qui se combine avec des adjectifs primaires. À
l’étape contemporaine il n’est plus très productif. La dérivation des
noms de bases adjectivales ne représente que partiellement un
117
changement de statut morphosyntaxique, en ce sens que les noms
dérivés restent toujours dans la classe des nominaux et se combinent
avec les mêmes catégories grammaticales (le genre et le nombre). Ils
acquièrent un statut syntaxique différent de celui de la base. Ils
deviennent des noyau de syntagme nominal (à comparer: un mur haut /
la hauteur du mur):
blanc (blanche) → blancheur (n.f. XIIe s.)
La blancheur de la lumière.
épais (épaisse) → épaisseur (n.f. 1377)
L’épaisseur du papier.
grand (grande) → grandeur (n.f. XIIe s.)
La grandeur d’un éléphant.
(Petit Robert)
Le suffixe -eur entre en relation d’homonymie avec le suffixe
-eur qui dérive des noms qui désignent l’agent personne ou machine
et l’instrument à partir d’une base verbale: débiteur (de débiter),
convertisseur (de convertir), verseur (de verser).
• -esse
Ce suffixe applique au nom dérivé le trait [+qualité/ caractéris-
tique]. Il n’est pas très productif mais les noms dérivés ont développé
beaucoup de sens contextuels, ce qui explique leur fréquence d’emploi
relativement élevée:
bas (basse) → bassesse (n.f. 1120) .
Manque d’élévation dans les sentiments, les pensées.
La bassesse d’un flatteur.
Caractère de ce qui est contraire à l’honneur.
La bassesse de certains désirs.
Action basse qui fait honte.
Faire des bassesses. Rougir d’une bassesse.
fin (fine) → finesse (n.f. 1330).
Chose difficile à comprendre et à manier.
Connaître toutes les finesses d’une langue.
Caractère de ce qui est fin.
Finesse d’un ouvrage.
118
Acuité des sens.
Les sens deviennent d’une finesse extraordinaire.
Aptitude à discerner les plus délicats rapports des
pensées et des sentiments.
Finesse d’esprit, de jugement, de goût.
Extrème délicatesse de forme ou de matière.
Finesse d’un fil, d’une aiguille.
Finesse des traits, de la taille.
(Petit Robert)
• -ise
Très productif au cours de l’histoire du français, ce suffixe ne
l’est plus à l’étape actuelle. Il applique aux noms dérivés le trait
[+qualité], trait interprétable en termes mélioratifs ou péjoratifs. Dans
certains cas, le trait qui caractérise le nom dérivé est une caractéris-
tique définitoire.
Tout comme pour le suffixe précédent, la richesse des sens
développés par les noms dérivés s’explique par le fait qu’ils ont été
dérivés à une époque ancienne et qu’ils ont connu un emploi très
fréquent:
bête → bêtise (n.f. XVe s.).
Défaut d’intelligence et de jugement.
Faire preuve de bêtise.
Action ou parole sotte ou maladroite.
Faire des bêtises.
Action, parole, chose sans valeur ou sans importance.
S’amuser, passer son temps à des bêtises.
Action déraisonable, imprudente.
Empêcher quelqu’un de faire des bêtises.

franc (franche) → franchise (n.f. déb. XIIe s.).


Droit (privilège, immunité, etc.) limitant l’autorité
souveraine au profit d’une ville, d’un corps, d’un
individu.
Charte, lettre de franchise.
Se dit de certaines exemptions ou exonérations.
Franchise douanière. Franchise postale.
Qualité de celui qui est franc.
119
Dire quelque chose dans un accès de franchise.
Qualité de ce qui est net dans l’exécution, bien tranché.
Un tapis de fleurs, d’une franchise de couleurs…
(Petit Robert)
• -(e)té, -ité
Ce suffixe est relativement productif. Il dérive des noms em-
ployés aussi bien dans la langue commune que dans certains domaines
spécialisés. Il désigne des qualités et des relations abstraites.
banal→ banalité (n.f. mil. XVIe s.).
Catactère de ce qui est banal.
La banalité de la vie.
Idée, propos, écrit banal.
Débiter des banalité. Livre tissu de banalités.
final → finalité (n.f. 1865).
Caractère de ce qui tend à un but; le fait de tendre à ce
but, par l’adaptation de moyens à des fins.
Principe de finalité.
(Biol.) Adaptation des êtres vivants, des organes
à une fin.
La finalité conçue comme «principe interne de
Direction» et «l’élan vital», chez Bergson.
soluble → solubilité (n.f. 1753).
Caractère, propriété de ce qui peut se dissoudre.
La solubilité du calcaire.
Proportion de substance qui peut être dissoute dans le
solvant.
Coefficient de solubilité.
• -isme
Ce suffixe manifeste une haute disponibilité de combinaison
avec tous les types de bases: verbales, nominales et adjectivales. Il
dérive des noms masculins qui s’individualisent sémantiquement en
fonction de la relation qui s’établit entre le suffixe et la base. Combiné
avec des bases adjectivales il renvoie à la caractéristique / catégorie
exprimée par la base. Il a aussi une valeur collective évoquant l’ensemble
de choses, de phénomènes qui présentent la caractéristique désignée
par la base:
120
classique → classicisme (n.m.1825).
Doctrine des partisans des classiques.
Ensemble de caractères propres aux grandes
œuvres littéraires et artistiques de l’antiquité et
du XVIIe siècle.
L’art dans le classicisme.
Caractère de ce qui est classique (dans tous les sens).
romantique → romantisme (n.m.1816).
Genre littéraire et artistique […]
Le romantisme français, anglais, allemand.
Le romantisme dans la littérature, la peinture,
la musique.
Attitude, caractère, esprit romantique.
(Petit Robert)
(b) La dérivation des verbes
Suffixes de verbalisation
Ce type de dérivation est favorisé par les adjectifs primaires et
par les formations savantes héritées du latin ou du grec.
• -ir
Ce suffixe est très productif. Il s’ajoute directement à la base
adjectivale ou après la modification de la consonne finale de celle-ci.
Le verbe dérivé comporte le trait [+causatif] ou [+inchoatif], traits
marqués aussi dans la définition:
blanc (blanche) → blanchir (v. XII-e)
Rendre blanc.
Une crème qui blanchit le teint.
Blanchir des légumes.
Couvrir d’une couche blanche, enduire de blanc.
Devenir blanc.
Blanchir de rage, de peur.
Ses cheveux blanchissent.
grand (grande) → grandir (v.1260)
Devenir plus grand.
Il a grandi de cinq centimètres.
Devenir plus intense.
121
L’obscurité grandit.
Rendre plus grand.
Microscope qui grandit les objets.
(Petit Robert)
Beaucoup des adjectifs de couleur se constituent en bases de
dérivation qui se combinent avec le suffixe verbal -ir:
rouge → rougir noir → noircir
jaune → jaunir vert → verdir
• -iser
Ce suffixe est aussi très productif. Dans certains cas il entraîne
la modification de la voyelle finale de l’adjectif -base de dérivation.
Les verbes dérivés ont une valeur causative ou inchoative:
banal → banaliser (v.1842).
Rendre banal, ordinaire.
Cette coiffure le banalise.
mondial → mondialiser (v.1960).
Rendre mondial.
politique → politiser (v.1949).
Donner un caractère, un rôle politique à.
Politiser des élections syndicales.
(Petit Robert)
La plupart des verbes dérivés par le suffixe -iser permettent la
dérivation de noms:
politiser → politisation
nasaliser → nasalisation
moraliser → moralisation
• -ifier
Ce suffixe dérive des verbes causatifs. Il est peu productif, les
verbes dérivés de bases adjectivales s’ajoutent aux verbes hérités du
latin du type: amplifier (au III-e du lat. amplificare), raréfier (1370 du
lat. rarefacere):
plastique → plastifier (XXe).
Traiter avec un plastifiant.
122
solide → solidifier (1785).
Donner une consistance solide.
Solidifier une substance par le froid.
Ciment qui se solidifie.
(c) La dérivation des adverbes
Suffixes d’adverbialisation
La dérivation des adverbes à partir de bases adjectivales repré-
sente un des procédés les plus productifs. Il s’applique aussi bien aux
adjectifs primaires qu’aux adjectifs dérivés.
fortement adv. (XIIIe; de fort adj.)
solidement adv. (1592; de solide adj.)
forcément adv. (XIVe; de forcé adj.)
minutieusement adv. (1812; de minutieux adj.)
Il s’agit d’un seul suffixe, le suffixe • -ment qui s’ajoute à la forme
de féminin de l’adjectif ou à la forme unique terminée en -e. Parfois
l’adjonction du suffixe entraîne des modifications d’ordre graphique
dans la base de dérivation.
adjectif adverbe
fort, forte → fortement
long, longue → longuement
ouvert, ouverte→ ouvertement
nouveau, nouvelle → nouvellement
sensible → sensiblement
triste → tristement
Certains adjectifs reçoivent un accent aigu sur le -e final de la
forme unique pour les deux genres ou de la forme de féminin:
commode → commodément
conforme → conformément
énorme → énormément
immense → immensément
intense → intensément
commun, commune → communément
123
Les adjectifs terminés au masculin en -ai, -é, -i, -u, se combinent
directement avec le morphème -ment:
vrai → vraiment poli → poliment
aisé → aisément éperdu → éperdument
joli → joliment résolu → résolument
Certains adjectifs terminés en - i et en -u reçoivent un accent
circonflexe sur le - i ou sur le -u lorsque la base de l’adjectif se combine
avec le morphème -ment:
gai → gaîment 30 continu → continûment
assidu → assidûment cru → crûment
Les adjectifs terminés en -ant, -ent connaissent des modifications
plus importantes dans le processus de dérivation: la consonne finale -t
s’efface et la consonne -n est substituée par la consonne -m:
constant → constamment violent → violemment
élégant → élégamment conséquent→ conséquemment
puissant → puissamment prudent → prudemment
Cependant les adjectifs lent, présent et véhément dérivent la
forme d’adverbe de la forme de féminin de l’adjectif:
lent, lente → lentement
présent, présente → présentement
D’autres adverbes sont dérivés de formes d’adjectifs qui ne sont
plus en usage actuellement:
brief (XIe) → brièvement (adv. 1539).
grief (XIIe) → grièvement (adv. XIVe)
journel (var. de journal) (XIIe) → journellement (adv.1450).
traîtreux (XIIIe) → traîtreusement (adv. déb. XIVe).

D. CONCLUSION
La dérivation suffixale apparaît comme un mécanisme très
productif dans l’enrichissement du lexique. Elle suppose l’adjonction
d’un suffixe à la base de dérivation. En règle générale, la dérivation
_______________
30
L’adverbe gaîment présente aussi la graphie gaiement.
124
suffixale inscrit le mot dérivé dans une autre classe que celle à laquelle
appartient le mot base. C’est la dérivation paradigmatique qui se définit
dans les deux plans morphosyntaxique et sémantique.
Les paradigmes dérivationnels peuvent avoir comme base les
trois classes principales de mots: les verbes, les noms et les adjectifs.
Les verbes sont les bases les plus disponibles. Ils se constituent
en base de dérivation pour les noms et pour les adjectifs. À l’intérieur
de chaque classe les mots résultant de la dérivation se regroupent
sémantiquement.
Le nom se trouve en deuxième position, après le verbe, quant à
la disponibilité dérivationnelle. Il est suivi par l’adjectif.
Certains des mots obtenus par les mécanismes présentés ci-dessus
se constituent, à leur tour, en base de dérivation et le cycle est repris:
égal → égaliser → égalisation
→ égalisateur
La dérivation se laisse étiqueter, en fonction du statut accordé au
mot dérivé, comme une transformation de nominalisation, d’adjectivi-
sation, de verbalisation ou d’adverbialisation.
Dans les limites de la même transformation, la même base de
dérivation peut se combiner avec plusieurs suffixes et générer des
formes différentes qui coexistent. Parfois, la même forme peut exprimer
plusieurs nuances de sens. Chaque forme s’individualise sémantiquement
dans les limites mêmes de l’unité dérivée et dans le contexte:
ajuster → ajustage
Opération destinée à donner à une pièce la dimension
exacte que requiert son ajustement à une autre.
→ ajustement
Action d’ajuster; fait d’être ajusté, degré de serrage ou
de jeu entre deux pièces assemblées.
→ ajusteur (ouvrier capable de tracer et de façonner des
métaux d’après un plan, de réaliser des pièces méca-
niques).
(Petit Robert)
125
Le même suffixe peut dériver des mots qui s’inscrivent dans des
classes différentes (nom ou adjectif):
• -eur / -euse → (nom) patineur / patineuse (de patiner);
→ (nom et adj.) broyeur / broyeuse (de broyer)
• -teur /-trice → (nom et adj.) programmateur / programmatrice
de programmer.)
Le processus de dérivation entraîne, dans certains cas, la modifi-
cation de la base de dérivation. Ces modifications s’expliquent par des
raisons phonétiques ou morphologiques.
1.3.1.2. La dérivation suffixale syntagmatique
La dérivation suffixale intervient aussi à l’intérieur de la même
classe de mots (dérivation de type syntagmatique). Il s’agit des dériva-
tions du type: verbe → verbe, nom → nom, adjectif → adjectif.
Certains opérateurs suffixaux sont les mêmes que ceux qui réalisent la
dérivation paradigmatique, d’autres sont spécifiques. Le rôle du suffixe
dans la nouvelle structure dérivée est double: dans le plan de la relation
grammaticale, il maintient le dérivé dans la même classe de compor-
tement morphosyntaxique que le mot base de dérivation et, dans le
plan sémantique, il ajoute diverses valeurs et nuances de sens (de type
aspectuel ou évaluatif) et se constitue en critère de classification à
l’intérieur de la classe syntaxique.
(a) La dérivation des verbes
Principaux suffixes
Les suffixes qui opèrent dans la classe des verbes prêtent à l’unité
dérivée des valeurs principalement aspectuelles et évaluatives: le trait
[+ fréquentatif] est doublé du trait [+ péjoratif]:
• - ailler
crier → criailler v.intr. (1564).
Crier sans cesse, se plaindre fréquemment et
d’une façon désagréable.
disputer → disputailler v. intr. (1596).
Disputer longuement et inutilement.
126
tirer → tirailler v. tr. (1542).
Tirer à plusieurs reprises, en diverses directions.
(Petit Robert)
Certains de ces verbes dérivés se constituent, à leur tour, en base
de dérivation pour des noms:
criailler → criaillerie
tirailler → tiraillement.
• -asser
bavarder → bavasser v.intr. (1584).
Pejor. et fam. Parler beaucoup.
rêver → rêvasser v.intr. (1490).
Se laisser aller à la rêverie.
traîner → traînasser v.tr. (fin XVe s.).
Pejor. Traîner en longueur.
Traînasser une affaire
→ traînasser v. intr.(1845).
Fam.Agir avec trop de lenteur. Errer à l’aventure.
(Lexis)
• - iller
mordre → mordiller v. tr. et intr.(XVIe s.).
Mordre légèrement et à plusieurs reprises.
sauter → sautiller v. intr. (1564).
Faire de petits sauts successifs.
(Petit Robert)
• - oter
cligner → clignoter v.intr. (XVe s.).
Cligner coup sur coup rapidement et
involontairement.
siffler → siffloter v.intr. (1845).
Siffler négligemment en modulant un air.
tousser → toussoter (1845).
Tousser d’une petite toux peu bruyante.
(Petit Robert)
127
• -onner
chanter → chantonner v. intr.(1538).
Chanter à mi-voix.
griffer → griffoner v. tr. (1555).
Écrire (qqch.) d’une manière confuse, peu lisible.
tâter → tâtonner v. intr. (XVIe s.).
Tâter plusieurs fois le sol, les objets autour de soi,
pour se diriger ou trouver qqch. dans l’obscurité.
(Petit Robert)
(b) La dérivation des noms
Les suffixes qui dérivent des noms sont relativement nombreux
et spécifiques pour la plupart. Il y a cependant quelques suffixes qui
opèrent aussi la dérivation à partir de bases verbales. Ces suffixes sont
considérés comme polysémiques ou homonymes, la forme unique
représentant «des formes sémantiquement et fonctionnellement diffé-
renciées dans l’évolution diachronique»31.
Au point de vue du sens certains suffixes appliquent aux noms
dérivés des valeurs qui s’inscrivent dans le paradigme des dérivés à
base verbale:
• -ise; -ation – le nom d’action et du résultat de l’action:
expert → expertise
tarif → tarification
• -ier, -ière; -eau – le nom de l’agent ou de l’instrument de
l’action:
crème → crémier, ière
crêpe → crêpier, ière
plume → plumeau
prune → pruneau
• -erie – le nom du lieu où se passe l’activité à laquelle renvoie
le nom base:
charcutier → charcuterie
crêpe → crêperie
_______________
31
L. Guilbert, Op. cit., p. 168.
128
fromage → fromagerie
mutin → mutinerie
Principaux suffixes
Aux suffixes mentionnés s’ajoutent d’autres qui expriment des
valeurs supplémentaires dominées par les diminutifs et les évaluatifs.
Regroupés selon la nuance de sens qu’ils prêtent au nom-base ces suf-
fixes sont:
• - et; - ette; -on; - otte → [+diminutif]
cochon → cochonnet (fin XIII-e).
Petit cochon, cochon de lait.
moulin → moulinet (1389).
Petit moulin.
tarte → tartelette (1349 ).
Petite tarte individuelle.
voiture → voiturette (1903).
Petite voiture.
cruche → cruchon (XIIIe).
Petite cruche.
(Petit Robert)
• -ade; - erie → [+ dépréciatif]
Tartarin → tartarinade (1928, surtout au pl.).
Vantardises, fanfaronades.
canaille → canaillerie (1846).
Caractère d’une canaille ou action de canaille.
fripon → friponnerie (1530).
Caractère ou acte de fripon (malhonnête)
→ fripouille (1797).
Homme sans scrupules qui se livre à l’escroquerie
et à toutes sortes de trafics.
fripouille → fripoullerie (1897).
Caractère ou acte de fripouille.
(Petit Robert)
129
• -age; -aie; - as; - ée; -ure → [+ collectivité]
branche → branchage (1458).
Ensemble des branches d’un arbre.
compagnon → compagnonnage (1719).
Association de solidarité entre ouvriers.
fût → futaie (1354).
Forêt dont on exploite les arbres quand ils sont
parvenus à une grande dimension.
plâtre → plâtras (1371).
Débris de plâtrage;
Mauvais matériel de construction.
table → tablée (XIII-e) .
Ensemble des personnes assises à une même table,
qui prennent ensemble leur repas.
os → ossature (1801).
Ensemble des os dans le corps de l’homme et de
l’animal.
(Petit Robert)
• - age; -ie; -ise; - erie → comportent le trait [+ état]
veuf (veuve) → veuvage (1374, d’abord des femmes).
Situation, état d’une personne veuve ou non mariée.
malade → maladie (1150).
Etat des organismes malades.
bâtard→ bâtardise (1550).
Etat de bâtard.
poltron → poltronnerie (1566).
Vice du poltron.
(Petit Robert)
• - isme; -iste → [+ doctrine] et [+ adepte/partisant]
Bonaparte→ bonapartisme (1816).
Toute forme de gouvernement dont les principes
rappellent ceux du gouvernement des Bonaparte.
130
capitaliste → capitalisme (1842).
Régime économique et social dans lequel les capitaux,
source de revenu n’appartiennent pas, en règle générale,
à ceux qui les mettent en œuvre par leur propre travail.
gauche → gauchisme (déb. XXe s.).
Attitude des gauchistes.
→ gauchiste (déb. XXe s.).
Partisan extrême de solution de gauche.
(Petit Robert)
• -at → [+ institution], [+ statut (de la personne qui s’y trouve)]
auxiliaire n. et adj. → auxiliariat (1960).
Dans l’enseignement, fonction des maîtres auxiliaires.
externe n. et adj. → externat (1829).
Etablissement d’enseignement qui ne reçoit que des
externes.
interne n. et adj. → internat (1830).
Etablissement où sont reçus des élèves internes.
(Lexis)
Plusieurs suffixes, qui sont d’un emploi relativement fréquent,
dérivent des noms d’habitants à partir de noms géographiques:
• -ain, -aine
Afrique → Africain, aine
Armorique→ Armoricain, aine
• -ais, -aise
Albanie → Albanais, aise
Lyon → Lyonnais, aise
France → Français, aise
• -al, -ale
Provence → Provençal, ale
• -and, -ande
Allemangne → Allemand, ande
Normandie → Normand, ande
131
• -en, -enne
Europe → Européen, eénne
Algérie → Algérien, enne
• -ien, -ienne
Calais → Calaisien, ienne
Paris → Parisien, ienne
• -ois, -oise
Alger → Algérois, oise
Reims → Rémois, oise
• -ol, -ole
Cévennes→ Cévennol, le
Espagne → Espagnol, ole
• -on, -onne
Bretagne → Breton, onne
(c) La dérivation des adjectifs
Principaux suffixes
Les suffixes qui dérivent des adjectifs se regroupent dans des
sous-classes selon le trait sémantique qu’ils ajoutent à la base de déri-
vation, à savoir [+ diminutif] ou [+ dépréciatif]:
• -et, -ette prête à l’adjectif dérivé une valeur diminutive:
jeune → jeunet, ette pauvre → pauvret, ette
maigre → maigrelet rond → rondelet, ette
mignon → mignonet, ette seul → seulet, ette
• -ard, -arde; -asse; - aud, -aude prêtent aux adjectifs une valeur
dépréciative:
faible → faiblard, arde bêta → bêtassse
rond → rondouillard, arde blond → blondasse
lourd → lourdaud, aude mol → molasse
132
• -âtre est spécialisé dans la dérivation des adjectifs de couleur
auxquels il applique une valeur d’approximation, parfois doublée d’une
valeur dépréciative:
blanc → blanchâtre rouge → rougeâtre
bleu → bleuâtre noir → noirâtre
jaune → jaunâtre vert → verdâtre.

1.3.2. La dérivation régressive


Le changement de statut de catégorie grammaticale d’une unité
verbale par la simple suppression du suffixe s’appelle dérivation
regressive. Les transformations qui soustendent le mécanisme dériva-
tionnel sont les mêmes que pour la dérivation suffixale32:
voler → vol n.m. (XIIe).
Action de voler; ensemble des mouvements coordonnés,
faits par les animaux capables de se maintenir en l’air
pour s’y mouvoir.
Le vol des oiseaux, des insectes.
Suivre, regarder le vol des mouettes.
heurter → heurt n.m.(XIIe).
Action de heurter; résultat de cette action.
Entendre le heurt d’une porte qui se ferme.
Eviter le heurt d’un objet fragile.

pousser → pousse n.f. (XVe).


Action de pousser; développement de ce qui pousse.
La pousse des feuilles.
La pousse des dents.
(Petit Robert)
_______________
32
Les phases de la transformation de la forme verbale en nom sont les
suivantes:
Le gardien de la paix porte une arme. Cela est autorisé.
→ Le fait qu’une arme soit portée par le gardien de la paix est autorisé.
→ Le port d’une arme par le gardien de la paix est autorisé. Voir
L. Guilbert, Op. cit., p. 164.
133
éclairer → éclair
transporter → transport
tricoter → tricot
trotter → trot
Dans certains cas, le e instable s’ajoute à la fin des noms derivés
pour permettre la prononciation de certaines consonnes non pronon-
cées en finale absolue:
claquer → claque
couper → coupe
commander → commande
Certains de ces dérivés entrent en variation avec des dérivés
suffixés. Ils s’individualisent par le sens:
couper → coupe n.f. ( 1375).
Action de couper, de tailler.
Coupe dans une forêt communale.
Suivre des cours de coupe.
Coupe des cheveux.
→ coupage – n.m. (1302).
Action de mélanger des liquides différents.
Coupage de l’alcool.
Vins de coupage.
commander → commande n.f. (1625).
Acte par lequel un client commande une marchandise.
Faire passer une commande.
Marchandise payable à la commande.
→ commandement – n.m. (1080).
Vieilli. Action de commander.
Commandement, verbal, écrit.
Obéir à un commandement.
Mod. Avoir un ton, une attitude de commandement.
(Dans l’armée) Ordre bref donné à voix haute
pour faire executer certains mouvements .
À mon commandement.
Commandement au sifflet.
(Petit Robert)
134
éclairer → éclair
→ éclairage
→ éclairement
claquer → claque
→ claquage
→ claquement
La dérivation régressive apparaît comme un procédé relativement
productif. Il marque toutes les étapes de l’évolution de la langue et les
dérivés qu’il génèrent s’inscrivent, dans la plupart des cas, dans des
paradigmes dont les termes s’individualisent sémantiquement. La
spécialisation des emplois semble s’être réalisée au fur et à mesure
que le besoin de nommer d’autres réalités s’est imposé.

1.3.3. La conversion
Le changement du statut grammatical des unités lexicales par le
simple transfert d’une classe dans une autre (sans l’intervention d’aucune
modification formelle) s’appelle conversion. Cette transformation est
de nature syntaxique et affecte les classes du verbe et de l’adjectif: les
formes de l’infinitif et des participes (passé et présent) peuvent acquérir
le statut de nom; les adjectifs peuvent acquérir le statut d’adverbe ou
de nom.
La nominalisation des formes d’infinitif ou de participe s’opère,
pour certains verbes, par l’inscription dans le syntagme nominal, le
contexte de l’article défini, du démonstratif, du possessif ou d’un
indéfini prêtant à la forme verbale le statut de nom. Il en est de même
de l’adjectif qui se laisse distribuer dans le contexte spécifique du
substantif, respectivement précédé par un prédéterminant et suivi ou
même précédé par un adjectif:
dîner → le dîner, ce dîner
pouvoir → le pouvoir, leur pouvoir
pincer → pincé (part. ps.) → une pincée
désinfecter→ désinfectant (part. pr.) un désinfectant
curieux, -euse (être curieux, -euse, des gens curieux)
→ un curieux (un / des curieux, de vrais curieux, des curieux
insatiables; le curieux de la situation)
135
La conversion33 réalisée dans le plan syntaxique est confirmée
dans le plan lexical, les deux mots étant enregistrés par le dictionnaire
sous des rubriques différentes. Et dans le cas des formes verbales ou
adjectivales susceptibles de changer de statut, la conversion affecte:
(a) le comportement morpho-syntaxique des unités qui se laissent
marquer par les catégories du genre et du nombre (dans le cas de la
nominalisation des formes verbales):
le dîner / les dîners
le pouvoir / les pouvoirs
une plongée / plusieurs plongées
un prétendant / plusieurs prétendants
(b) le comportement syntaxique, les formes verbales ayant acquis
le statut de nom ou d’adjectif manifestent, dans les structures fonctio-
nelles (syntagme ou phrase), des latitudes combinatoires différentes de
leur nature verbale. À comparer:
infinitif → On veut dîner à 20 h
nom → Le dîner (officiel / de gala) est fixé à 20 h
participe → Paule a plongé les doigts dans l’eau.
nom → Paule pratique la plongée sous-marine.
participe → On l’a vu protester / protestant contre …
nom → Les protestants et les catholiques se sont reconciliés.
adjectif → Les églises protestantes sont fermées.
(c) le sens des unités linguistiques:
– en tant que verbe pouvoir signifie «avoir la possibilité, le
droit, la permission de faire quelque chose»:
Paul peut partir seul.
– en tant que nom il signifie «le fait de pouvoir, de disposer des
moyens naturels ou occasionnels qui permettent de réaliser une action;
la capacité légale de faire quelque chose, etc»:
le pouvoir de parler (= la faculté, la possibilité).
_______________
33
Selon L. Guilbert (Op. cit. p. 165), le procédé n’opère que sur la
transformation des verbes en noms et des adjectifs en adverbes (Un homme
beau et fort / Parler fort). Mais comme beaucoup d’adjectifs sont employés
comme noms, ce changement de statut sera inscrit dans la conversion.
136
le pouvoir d’un tuteur, d’un mandataire (= la capacité légale, le
droit de faire une chose).
le pouvoir des sens, de l’esprit (= la domination).
le pouvoir central. (= les organes, les hommes dans lesquels
s’incarne le pouvoir).
les pouvoirs publics (= l’ensemble des autorités pouvant imposer
des règles aux citoyens).
(Petit Robert)
A. La conversion des formes d’infinitif en noms
La conversion des verbes en noms a eu lieu assez tôt dans l’histoire
du français. Ces noms ont développé beaucoup de sens et même des
dérivés syntagmatiques (dîner → dînette):
devoir (n.m. fin XII-e; de devoir).
L’obligation morale considérée en elle-même, et
indépendamment de son application particulière.
Le sentiment du devoir. Agir par devoir.
Ce que l’on doit faire.
Accomplir, faire son devoir. Devoir pénible.
Exercice scolaire qu’un professeur fait faire à ses
élèves.
Corriger des devoirs.
dire (n.m. XV-e; de dire).
Ce qu’une personne, dit, déclare, rapporte.
Le dire des témoins. Au dire de l’expert.
Dr. Mémoire remis par une partie à des experts.
dîner (n.m. XI-e; de dîner).
Vx. Repas de midi.
Repas du soir.
Dîner de famille, de fiançailles, d’affaires.
Les plats, les mets du dîner.
Dîner fin, copieux.
aller (n.m. XII-e; de aller).
Fait d’aller, trajet fait en allant à un endroit déterminé.
L’aller a été plus facile que le retour.
Billet de chemin de fer valable pour l’aller.
Un aller, un aller simple pour Marseille.
(Petit Robert)
137
Certains de ces noms sont des éléments constitutifs des mots
composés:
un faire-part , un faire-valoir
le savoir-être, le savoir-faire, le savoir-vivre
Par le même procédé de conversion, les formes verbales de par-
ticipe passé et de participe présent acquièrent le statut d’adjectifs.
B. La conversion des formes verbales de participe en adjectifs34
(a) Le participe passé adjectivé
Par sa nature, le participe passé présente le procès complètement
détensionné et il exprime l’effet, le résultat de l’action35:
suivre → suivi, e
Raisonnement bien suivi (où il y a de la liaison).
Théâtre suivi (fréquenté). (Petit Robert)
Détaché de l’auxiliaire, le participe passé se détache de tout repère
temporel et n’exprime plus qu’une caractéristique ou une qualité se
manifestant dans le référent d’un nom concret ou abstrait. Il s’inscrit
dans la classe des adjectifs aussi bien au point de vue sémantique
_______________
34
Certaines des formes de participe (passé ou présent) assument à côté
du statut d’adjectif le statut de nom et, parfois même, uniquement ce statut:
(participe) disparu Æ (adjectif) marin disparu en mer, (nom) notre cher disparu
(mort, défunt); (participe) courant Æ (adjectif) eau courante,(nom) le courant
de l’eau; (participe) coulé Æ (nom) la coulée, (participe) venu Æ (nom) la venue.
35
Dans la structure des formes verbales composées, le participe passé
rattache l’effet de procès achevé (accompli) au moment de l’énonciation ou à
un autre moment – repère temporel du discours: il présente l’action comme
accomplie par rapport au moment de référence – présent, passé ou futur.
Vendre Æ vendu, vendue
Il a vendu toutes les cartes. Il n’en a plus. Il ira en apporter d’autres.
Æ action passée, envisagée comme accomplie par rapport au présent.
Quand je l’ai rencontré, il avait vendu toutes les cartes. Il n’en avait plus.
Æ action passée, envisagée comme accomplie par rapport à un moment
du passé, individualisé par le passé composé (Quand je l’ai rencontré).
Quand nous arriverons il aura vendu toutes les cartes.
Æ action passée envisagée comme accomplie par rapport à un moment
du futur, individualisé par la forme de futur (Quand nous arriverons).
138
qu’au point de vue du comportement syntaxique. Il ne forme plus une
unité fonctionnelle avec l’auxiliaire et le sujet (nom ou pronom) mais
avec un substantif qu’il détermine comme un véritable adjectif.
Le roman publié en 19… l’a rendu célèbre.
Les romans publiés l’ont rendu célèbre.
Les idiomes parlés en Roumanie sont très divers.
Les langues parlées en Roumanie sont nombreuses.
Les participes passés à statut d’adjectifs (consacrés par l’usage
dans l’emploi adjectival) sont enregistrés par le dictionnaire en tant
qu’entrées autonomes, indépendantes de la forme verbale qui est à leur
origine. Les formes adjectivales ont évolués parfois, au point de vue
sémantique, indépendamment du verbe dont elles sont issues.
Dans le discours, les adjectifs issus des participes passés se com-
portent comme les adjectifs de nature:
– ils sont distribués en fonctions d’épithète et d’attribut, positions
exclues pour les participes passés à statut de formes verbales:
Une oeuvre réussie.
Cette oeuvre est réussie.
– ils s’accordent en nombre et en genre avec le nom qu’ils
déterminent:
Ne pas dépasser la dose prescrite.
Les siècles, les temps les plus reculés.
Montagnes, vallées reculées d’une région.
– ils se laissent modifier par des adverbes de degré (plus, moins,
très):
Des repas mal réussis.
Photo tout à fait réussie.
– ils entrent en relation de paraphrase avec une proposition
relative centrée sur le verbe être:
Une personne très connue.
→ Une personne qui est très connue.
Cette transformation permet aussi de distinguer les adjectifs issus
des formes participes du verbe des adjectifs terminés en -é et en -u
139
mais dérivés des formes nominales et qui sont paraphrasables par une
relative centrée sur les verbes avoir ou contenir.
À comparer:
Un livre vendu. ← Un livre qui est vendu.
Un homme blessé. ← Un homme qui est blessé.
Une femme trop poilue. ← Une femme qui a trop de poils.
Du sucre vanillé. ← Du sucre qui contient de la vanille.
Les adjectifs à base nominale se laissent segmenter en radical et
suffixe:
éthère → éthér + -é(e)
barbu → barb(e) + -u(e)
touffu → touff(e) + -u(e)
Dans les adjectifs à base verbale, les éléments -é, -u, -i ont le
double statut de suffixes adjectivaux et de morphèmes qui marquent
une certaine valeur grammaticale, spécifiquement verbale.
En tant que suffixes adjectivaux ils sont en variation avec d’autres
suffixes qui dérivent des adjectifs de bases verbales:
exploité, -ée
exploitant, -ante
exploitable
Le participe passé adjectif se laisse préfixer comme tout adjectif:
vendu, -ue vendable
invendu, -ue invendable
revendu, -ue
Relativement nombreux, les adjectifs résultant de la conversion
de la forme de participe passé expriment des qualités / des caractéristiques
envisagées comme acquises, représentant le résultat d’un processus
accompli:
blessé, blessée
bras blessé , jambe blessée
homme blessé , femme blessée
quitté, quittée
appartement quitté , maison quittée
village quitté , ville quittée
140
fini, finie
spectacle fini, représentation finie
programme fini, séance finie
arrondi, arrondie
compte arrondi , somme arrondie,
visage arrondi, forme arrondie
(b) Le participe présent adjectivé
Le participe présent exprime une action ou un état en déroulement.
Suivant les relations syntaxiques qu’il contracte avec les termes de la
construction dans laquelle il s’insère il est étiqueté comme forme verbale
ou comme adjectif.
Le participe présent-verbe admet des compléments d’objet direct
(lorsque le verbe et transitif) ou des compléments prépositionnels (lorsque
le verbe est intransitif):
Il refusait le dialogue fumant tranquillement sa cigarette.
Une jeune fille s’approcha tremblant de peur.
Le participe présent-verbe présente des formes doubles (simple
et composée) ce qui lui permet de réaliser l’opposition aspectuelle
[-accompli] / [+accompli]: fumant (sa cigarette) / ayant fumé (sa
cigarette).
Le participe présent-adjectif varie en genre et en nombre avec le
nom qu’il accompagne, occupe la position d’attribut dans des phrases
copulatives et se laisse modifier par des adverbes qui marquent des
degrés d’intensité:
Des bûches, des cendres encore fumantes.
Les corvées et les soins ménagers les plus rebutants.
Des bruits particulièrement allarmants.
Des conversations très rassurantes.
Employé comme adjectif, le participe présent se laisse mettre en
relation de paraphrase avec une proposition relative et même avec un
adjectif:
Sa voix discordant avec l’ensemble a créé l’effet d’un
spectacle d’amateurs
Sa voix qui discordait avec l’ensemble a créé l’effet d’un
spectacle d’amateurs.
141
Sa voix fausse / dissonnante a créé l’effet d’un spectacle
d’amateurs.
Les participes adjectifs se laissent aussi préfixer:
prévoyant, -ante
imprévoyant, -ante
Les adjectifs issus des participes présents sont enregistrés par le
dictionnaire, le participe présent étant parfois mentionné comme forme
d’origine:
bruyant, ante adj. (XII-e; anc. p. prés. de bruire).
Qui fait beaucoup de bruit.
«Le va-et-vient bruyant de la rue» (DAUD).
Où il y a beaucoup de bruit.
Une rue bruyante. La réunion a été bruyante.
enveloppant, ante adj. (1771; p. prés. de envelopper).
Qui enveloppe.
La cornée, membrane enveloppante de l’œil.
Géom. Ligne enveloppante.
marquant, ante adj. (1721; adj. part. de marquer).
Qui permet de marquer des points.
Carte marquante.
(1762) Qui marque, laisse une trace, un souvenir.
Particularités marquantes.
Evénement marquant, mémorable.
discordant, ante adj. (XII-e; a. fr. descordant, de descorder,
refait d’après le lat. discordare) .
Qui manque d’harmonie, qui ne s’accorde pas.
Caractères discordants. Couleurs discordantes.
Stratifications discordantes.
désolant, ante adj. (1718; de désoler).
Littér.Qui désole, qui cause une grande affliction.
Nouvelle désolante.
Cour. Qui contrarie.
Il fait bien mauvais temps. C’est désolant.
(Petit Robert)
142
Certaines formes d’adjectif diffèrent graphiquement des formes
correspondantes de participe présent. Ces différences se situent soit au
niveau de la désinence (-ent pour l’adjectif et -ant pour le participe
présent), soit au niveau de la consonne sur laquelle finit le radical.
Cette consonne change de graphie (-cant, dans la forme de l’adjectif
et -quant, dans la forme du verbe) ou d’environnement (-g, dans la
forme de l’adjectif et -gu, dans la forme du verbe):
participe adjectif
coïncidant coïncident, -ente
communiquant communicant, -ante
convainquant convaincant, -ante
provoquant provocant, -ante
fatiguant fatigant, -ante
intriguant intrigant, -ante
Aux formes de participes présent adjectivées en français s’ajoutent
de nombreuses formes d’adjectifs hérités du latin:
adhérant adhérent, -ente
affluant affluent, -ante
confluant confluent, -ente
convergeant convergent, -ente36
(C) La conversion des adjectifs en nom et en adverbes
Des adjectifs hérités du latin, et dont l’emploi a été marqué par
un haut degré de fréquence, ont acquis, dans certains de leurs emplois,
le statut de noms ou d’adverbes.
Dans le cas des emplois nominaux, la qualité ou la caractéristique
appliquées par l’adjectif à la réalité désignée par le nom soit s’est sub-
stituée à cette réalité, la désignant soit s’est constituée en entité concrète
ou abstraite, l’adjectif acquérant ainsi le statut de nom. Il s’agit, dans la
plupart des cas, de certains contextes qui ont favorisé la transformation.
Par exemple: aliment / boisson / temps / atmosphère chaud(e):
Ne pas supporter boire le thé chaud
→ Ne pas supporter le chaud.
_______________
36
Voir la liste complète dans M. Grevisse, Le bon usage, 1988, Duculot,
Gembloux, p. 1342.
143
Les noms résultant de la conversion sont relativement nombreux
et représentent plusieurs clases sémantiques.
doux 1. Ce qui est doux.
Préférer le doux.
Prendre du sec (du vin sec) plutôt que du doux.
2. (Personnes)
C’est un doux.
Fam. Terme d’affection.
Ma douce. Il va voir sa douce.
fort 1. (XIVe) Le côté fort, l’aspect sous lequel une personne,
une chose révèle le plus de puissance, de valeur,
d’efficacité.
Le fort et le faible d’une chose, d’une personne.
2. (1611) Partie forte, résistante d’une chose.
(Archit.) Le fort d’une voûte, d’une poutre.
La plus grande largeur d’un navire.
Largeur au fort.
3. (XIVe s.) d’un ancien sens de l’adjectif’
Le fort de la fôret (le coeur).
Fig. Au fort de l’été, de l’hiver.
(Petit Robert)
Il en est de même de certains adjectifs résultant de la conversion
des formes de participes passé ou de participe présent qui sont employés
aussi comme substantifs:
(adj.) correspondant, -ante: les éléments correspondants
de deux systèmes; des angles correspondants
(nom) un / le correspondant: correspondant diplomatique,
de guerre; avoir des correspondants fidèles.
Un prospectus touristique dépliant.
→ Un dépliant touristique.
La conversion a spécialisé la plupart des formes adjectivales pri-
maires dans des emplois adverbiaux. Ces formes sont enregistrées par
le dictionnaire comme entrées distinctes sous la catégorie d’adverbes:
fort adv. (XVe s.).
1. Adverbe de manière.
Avec de la force physique en fourissant un gros effort.
Frapper fort. Serrer très fort.
144
2. Adverbe de quantité. (avec un verbe. Rare dans la
langue parlée).
Cet homme me déplaît fort.
Vous m’obligeriez fort.
J’en doute fort.
(Petit Robert)
Beaucoup d’adjectifs ont développé les deux emplois de nom et
d’adverbe:
bon 1. (adj.) → Une bonne solution.
2. (nom)→ Cette solution a aussi du bon.
→ Les bons et les méchants.
3. (adv.)→ Sentir bon. Tenir bon.
→ Il fait bon vivre à la campagne.
mauvais 1. (adj.) → Une très mauvaise situation.
2. (nom)→ Les bons et les mauvais.
3. (adv.)→ Sentir mauvais.
→ Il fait mauvais.
D. CONCLUSION
Bien qu’opérant principalement le passage des verbes dans la
classe des noms et dans celle des adjectifs, la conversion transfère
aussi des adjectifs dans la classe des noms ou dans celle des adverbes.
C’est le cas des qualités qui désignent aussi les objets qui les mani-
festent, ce qui fait que beaucoup d’unités lexicales aient le double statut
d’adjectifs et de noms (statut mentionné par le dictionnaire de langue):
beau, belle (adj.) et le beau (n.m.), flou (adj.) et le flou (n.). Certaines
unités adjectivales primaires assument le triple statut d’adjectif, de
nom et d’adverbe: doux, douce (adj.) et doux (adv. et n.), haut, haute
(adj.) et haut (n.m. et adv.).
La conversion s’avère un procédé limité d’une part à certains
types de conversion et d’autre part à la disponibilité des lexèmes
verbaux de changer de statut. Un sondage sur le corpus offert par le
dictionnaire Le Petit Robert a permis de constater:
– que la conversion des formes d’infinitif en noms est réalisée
par une série très restreinte de verbe et représente une série fermée;
– que la plupart des formes de participe passé assument le statut
d’adjectifs;
145
– que certaines des formes qui assument le statut d’adjectif
assument en même temps le statut de nom et d’autres formes, très peu
nombreuses n’assument que le statut de nom.

1.3.4. La dérivation parasynthétique


C’est le procédé qui permet de créer de nouvelles unités lexicales
par l’adjonction simultanée d’un préfixe et d’un suffixe. La suppression
du préfixe seul ou du suffixe seul ont pour résultat des formes non
attestées. Par exemple, le verbe affermir résulte de l’adjonction simul-
tanée du préfixe a- et du suffixe -ir (a- + ferme + -ir → affermir). La
suppression de l’un ou de l’autre des deux affixes entraîne l’annulation
du caractère attesté du mot qui résulte: *fermir ou *afferm.
Dans le processus de dérivation, les deux affixes se partagent les
fonctions: le suffixe entraîne le changement de la classe grammaticale
à laquelle appartient la base de dérivation et le préfixe ajoute, à la
même base, une nouvelle valeur sémantique:
préfixe + base + suffixe → nouvelle unité lexicale
en + caiss + er → encaisser
caisse = grande boîte ou coffre utilisée pour l’emballage, le
transport des marchandises; coffre dans lequel on
dépose l’argent.
encaisser = (rare) mettre dans une caisse, emballer; (mod.)
recevoir, toucher de l’argent, le montant d’une
facture.
Les bases de dérivation appartiennent aux classes du nom, de
l’adjectif et du verbe et se caractérisent par une certaine spécialisation:
• les noms permettent de dériver:
– des noms:
en + bouteill(e) + age → embouteillage
– des adjectifs:
é + dent + é, ée → édenté, ée
– des verbes:
en + boît(e) + er → emboîter
• les adjectifs permettent de dériver des verbes:
a + ferm(e) + ir → affermir
146
• les verbes permettent de dériver des adjectifs:
in + batt(re) + able → imbattable
Les prefixes présentent des affinités combinatoires avec les
différentes bases:
– é- et dé- se combinent avec une seule base, les noms:
effronté,ée; dérouter;
– in- se combine uniquement avec des bases verbales:
inaccordable, intouchable;
– a- et en-, em- se partagent l’emploi entre deux bases, les noms
et les adjectifs:
acouder; encaisser; allonger; enlaidir.
(a) La dérivation des noms
Les suffixes qui dérivent des noms sont: - -age, -ment, -ure, -ée.
Les préfixes: en- ,em-.
La base: des noms.
préfixe base suffixe nom
en-/em- bouteill(e) -age → embouteillage
pièce -ment → enpiècement
table → entablement
col -ure → encolure
fourche → enfourchure
jamb(e) -ée → enjambée
(b) La dérivation des adjectifs
Les suffixes qui dérivent des adjectifs sont: -é, ée ; -able.
Les préfixes: é- et in-, im-.
La base: des noms et des verbes.
préfixe base suffixe adjectif
é- dent -é,-ée → édenté, ée
front → éffronté, ée
flanc → éfflanqué, ée
fil → éffilé, ée
hont(e) → éhonté, ée
in- battr(e) -able → inbattable
accord(er) → inaccordable
appais(er) → inapaisable
147
constat(er) → inconstatable
décoll(er) → indécollable
dépass(er) → indépassable
touch(er) → intouchable
im- manquer → immanquable
mett(re) → immettable
(c) La dérivation des verbes
Les suffixes qui dérivent des verbes sont: -er, -ir.
Les préfixes: a- , e-, dé-, en- / em-.
La base: des noms et des adjectifs.
préfixe base suffixe verbe
a- coud(e) - er, -ir accouder
lun(e) alunir
terr(e) atterrir
long allonger
fol affoler
ferm(e) affermir
grav(e) agraver
mol amollir
soupl(e) assouplir
é- germe égermer
grain égrainer/ égrener
pur épurer
rein éreinter
en-, em- barqu(e) embarquer
boît(e) emboîter
poch(e) empocher
beau embellir
laid enlaidir
noble ennoblir
dé- barqu(e) débarquer
froc défroquer
four défourner
paquet dépaqueter
rout(e) dérouter
terr(e) déterrer

148
CONCLUSION
La dérivation parasynthétique se montre particulièrement pro-
ductive pour la classe des verbes. Les verbes issus de cette double
dérivation expriment diverses valeurs dont les plus fréquentes sont les
valeurs d’inchoatif (le changement d’état dans le sujet du verbe) ou de
causatif (le changement d’état dans l’objet sur lequel est orientée
l’action exprimée par le verbe).
Les structures qui sont à la base de ce type de dérivation sont des
phrases dont l’adjectif attribut (devenir + adj.; rendre + adj.) ou le nom
circonstant (se mettre à + nom; s’engager dans + nom) se transforment
en verbes:
devenir mou, moins ferme → s’amollir
Son courage s’amollit.
– valeur d’inchoatif, le changement affecte l’état du sujet - le
courage.
rendre mou, moins ferme → amollir qqch.
L’émotion amollit les jambes.
– valeur de causatif, le changement affecte l’état de l’objet direct
du verbe – les jambes.
s’engager, s’enfoncer dans la bourbe, dans un bourbier
→ s’embourber
La voiture s’était embourbée.
mettre en prison qqn., enfermer comme dans une prison
→ emprisonner qqn.
Emprisonner un malfaiteur.
Elle se plaignait d’être emprisonnée dans ce couvent.
Les verbes dérivés peuvent avoir des sens propres (voir les exemples
ci-dessus) et des sens figurés: s’embourber dans la sottise; une cravatte
qui emprisonne le cou; se sentir emprisonné dans ses rêves.
Pour l’ensemble des dérivés parasynthétiques, il est important de
les distinguer des créations formées par la préfixation ou par la suf-
fixation d’une base modifiée antérieurement par un des deux procédés.
L’adjectif enragé, ée, par exemple, est dérivé par la suffixation (-é,ée)
du verbe enrager. Le verbe enlacer est dérivé par la préfixation (en-)
du verbe lacer et le nom enterrement est dérivé par la suffixation
149
(-ment) du verbe enterrer. Ce sont des unités qui comportent dans leur
structure un suffixe et un préfixe, qui sont entrés dans un deuxième
cycle de dérivation, mais qui ne sont pas formées par la dérivation
parasynthétique puisque les deux mécanismes ne sont pas intervenus
simultanément.
1.3.5. La derivation préfixale
1.3.5.1. Définition et origine des préfixes
La dérivation préfixale consiste en l’adjonction d’un affixe (pourvu
ou non d’existence autonome) à la gauche d’un mot susceptible d’au-
tonomie dans la phrase.
Dérivation de type syntagmatique, la dérivation préfixale se rap-
proche de la composition par les relations (des relations syntaxiques
de type phrastique) sur lesquelles reposent les transformations qui
génèrent les nouvelles unités lexicales. La différence entre les deux
types de transformations est donnée par le niveau auquel se situe la
relation réalisée par l’unité visée dans la phrase de départ:
– dans le cas de la préfixation, la relation se situe au niveau du
prédicat, étant centrée sur un modificateur réalisé par une préposition
ou par un adverbe: l’unité préfixée présalaire résulte des transfor-
mations suivantes: le salaire est avant le salaire → le salaire qui est
avant le salaire → le présalaire;
– dans le cas de la composition, les deux termes qui entrent dans
la structure du mot composé sont des éléments constitutifs de la
relation prédicative (du sujet ou du prédicat, respectivement des noms,
des adjectifs et des verbes): la chaise est longue → la chaise qui est
longue → la chaise longue37
Le préfixe peut former une seule unité graphique avec le mot -
base de dérivation ou garder une indépendance relative (antéposer,
réaction, malentendu, après-ski).
L’identification et le dénombrement des préfixes sont des aspects
délicats de la créativité lexicale. Les solutions en ont été relativement
différentes suivant le modèle linguistique adopté. La difficulté de tran-
cher quant à la nature et au statut des préfixes vient du fait que, à côté
des formes du type ad-, ac- anté-, anti-, co-, en-, qui n’ont pas
d’autonomie dans la phrase et n’apparaissent que soudées au mot base,
_______________
37
L. Guilbert, Op. cit., p. 217.
150
il y a les formes après-, arrière-, avant-, bien-, contre-, mal-, pour-,
sans-, sous- qui connaissent un emploi autonome en dehors de l’unité
lexicale préfixée. Ces formes, lorsqu’elles ont le statut de préfixes,
peuvent apparaître soudées au mot base ou rattachées à celui-ci par un
trait d’union. Elles peuvent apparaître aussi complètement libres,
séparées du mot qu’elles accompagnent, lorsqu’elles sont prépositions
ou adverbes. L. Guilbert explique le statut de préfixes de ces unités
semi-autonomes par des mécanismes transformationnels appliqués,
dans le plan synchronique, à la phrase comme base de la création lexi-
cale38. Ces unités semi-autonomes peuvent être considérées comme
des prefixes pour deux raisons:
(1) elles répondent aux critères de définition du préfixe: se placent
à gauche du mot – base de dérivation – et n’amènent pas de modifi-
cation dans le statut morphosyntaxique de celui -ci;
(2) elles entrent en relation de commutation avec d’autres préfixes:
surcharger, décharger, recharger; outrepasser, dépasser, repasser.
Ce sont des préfixes qui ont en commun l’identité de forme39 avec les
préposition et les adverbes.
La dérivation préfixale n’entraîne pas de changement dans le
statut morphosyntaxique du mot base. Le mot obtenu par la préfixation
se maintient dans la même classe:
Nom → Nom
avis → préavis
charge → décharge
ski → après-ski
Adj. → Adj.
raisonnable → déraisonnable
abondant → surabondant
dernier → avant-dernier
Verbe → Verbe
voler → survoler
prendre → reprendre
balancer→ contrebalancer
_______________
38
L. Guilbert, Op. cit., p. 205-219.
39
Hervé-D. Béchade, Phonétique et morphologie du français moderne
et contemporain, P.U.F., Paris, 1992, p. 96.
151
Seule la signification du mot base est modifiée par le prefixe.
Sauf quelques exceptions (rebord, recoin, regarder), le préfixe ajoute
au mot base une valeur prépositionnelle (l’orientation, l’origine) ou
adverbiale (le lieu, le temps, l’opposition, la négation) et, dans le cas
de certaines bases verbales, des valeurs aspectuelles:
terrestre (adj.)
Du monde où vit l’homme, d’ici bas (opposé à céleste)
→ extraterrestre / extra-terrestre
Extérieur à la terre ou à l’atmosphère terrestre.
tomber (v.)
Être entraîné à terre en perdant son équilibre.
→ retomber
Tomber de nouveau, faire une seconde chute.
voir (v.)
Percevoir par les yeux.
→ prévoir
Voir, comprendre, deviner à l’avance qqch.
(Petit Robert)
En fonction du sémantisme du mot base, le même préfixe peut
actualiser des valeurs différentes:
a- [+ privatif] → apesanteur
[+ orientation] → abaisser
ante- / anti- [+opposition] → antéchrist , antichar
[+antériorité] → antéposer, antidater
Le même préfixe peut se combiner avec des bases appartenant à
des classes grammaticales différentes:
préfixe + nom / adjectif / verbe / adverbe
avant- avant-guerre avant-dernier - avant-hier
contre- contre-mesure - contrebalancer -
extra- extra-courant extra-fin - -
inter- interconnexion interethnique interposer -
mé- mésalliance mécontent méconnaître -
rétro- rétroviseur rétroactif rétropédaler -

152
Origine des préfixes
La plupart des préfixes sont d’origine latine. Quelques uns ont
été empruntés au grec et la forme me-/ mé- semble être d’origine francique.
Certaines formes qui viennent du latin ont été empruntées par les
deux voies: populaire et savante, ce qui explique l’existence de deux
ou trois variantes:
Latin Forme populaire Forme savante
ante, pop. *abante avant - anté-, anti-
avant-guerre antéposer, antidater
bis bé- bis-, bi-
- biscuit, bilatéral
dis dé-, dés- dis-
délocaliser, désamorcer disharmonie
in en- , em- in-
encadrer, embrigader indiscipliné
pro pour- pro-
pourchasser proconsulaire
sub, bas-lat.subtus sous-, sou- sub-
sous-préfet, soutitre sublingual
super sur- super
surdévelopper superchampion
Dans le cas des emprunts faits par voie populaire les variantes
s’expliquent par l’altération de la consonne finale en contact avec la
consonne initiale du mot base (sous l’effet de l’assimilation régressive
partielle ou totale):
• dé - devant consonne:
déconsidérer, démonter, découler, détourner.
• dés - devant voyelle:
désaccorder, désadapter, désaltérer, désarmer.
• en - devant voyelle ou consonne autre que b, m et p:
enivrer, encercler, engueuler, enlacer.
• em- devant les consonnes b, m et p:
embarquer, emmener, emporter.
153
• ad -préfixe emprunté uniquement par voie populaire. Ce préfixe
connaît plusieurs formes graphiques et plusieurs prononciations:
ab - (abattre); al- (allonger); ar- (arranger);
ac- (accoupler); ap- (apposer); at- (attendrir).
1.3.5.2. Classification des préfixes
Les préfixes se laissent classer:
• suivant la nature du mot base avec lequel ils se combinent,
donc en fonction des latitudes combinatoires avec les différentes classes
de mots (parties de discours). On distingue des préfixes nominaux,
des préfixes adjectivaux et des préfixes verbaux:
– préf. + nom → préfixe nominal:
préavis, sous-préfet.
– préf. + adjectif → préfixe adjectival:
préélectoral, sous-préfectoral.
– préf. + verbe → préfixes verbal:
copartager, sous-traiter.
• suivant le sens qu’ils ajoutent au mot dérivé, les préfixes se
regroupent dans trois grandes zones sémantiques: les relations d’ordre
dans l’espace et dans le temps, la quantité et la négation:
– préf. + nom / adj./ verbe
[+ relation d’ordre dans le temps: antériorité]
→ préhistoire, préhistorique, préexister.
– préf. + nom / adj. / verbe
[+ idée de quantité]
→ hyperacidité, hypercorrect, hypertrophier.
– préf. + nom / adj. / verbe
[+ idée de négation]
→ mécontentement, mécontent, mécontenter.
Aucun des deux critères ne permet un classement rigoureux et
cohérent parce que, d’une part, beaucoup de préfixes ne se combinent
que rarement avec une seule classe de mots, et d’autre part, il y a de
nombreux glissements entre les zones de signification mentionnées.
En plus, beaucoup d’autres nuances sont le résultat de l’influence du
contexte.
154
1.3.5.3. Principaux préfixes
• anté- / anti-, avant-
Hérités du latin (ante, *abante), ces préfixes expriment l’anté-
riorité dans le temps et dans l’espace. Ils sont peu productifs et ont
donné quelques dérivés à base nominale, adjectivale et verbale. Le
préfixe avant- se combine aussi avec une base adverbiale:
nom adjectif
antépénultième antépénultième
antidate antédiluvien, -ienne
avant-guerre avant-dernier
verbe adverbe
antéposer -
antidater -
- avant-hier
• pré-
Préfixe d’origine latine (de prae), pré- se combine avec des noms,
des adjectifs et des verbes. Il exprime l’antériorité dans le temps. Il est
relativement productif et manifeste une certaine disponibilité pour les
bases nominales et adjectivales:
nom adjectif verbe
préavis préclassique prédisposer
préhistoire préhistorique préétablir
pré-orientation préélectoral, ale prédominer
préfloraison prémilitaire préformer
préfabrication préfabriqué, -ée
préformation préglaciaire
préexistance prénuptial, ale
Beaucoup des formes nominales et adjectivales comportant le
préfixe pré- sont des formes dérivées de bases verbale ou adjectivale
préfixées antérieurement:
– prédominant, ante v. 1370; de prédominer.
– prédominance XVIe s.; de prédominant.
– préexistant, ante XVe s.; de préexister (1482; lat. scolast.
præxistere); préhistorien 1874.
– de préhistoire; préromantisme 1923; de préromantique).
155
• arrière- , après- , post-
D’origine latine (de *adretro, adpressum et post), ces préfixes
expriment la postériorité dans l’espace ou dans le temps et se com-
binent de manière préférentielle avec les différentes classes de mots:
nom adjectif verbe adverbe
arrière-plan - - -
arrière-salle - - -
après-ski - - après-demain
postcombustion postclassique postdater -
postcommunisme postscolaire postposer -
postcommunion postnatal postsynchroniser -
• anti- / ant-
D’origine grecque (anti), ce préfixe exprime l’opposition. Il est
productif surtout parce qu’il manifeste une grande disponibilité à se
combiner avec des noms et des adjectifs dérivés par des suffixes qui
marquent la doctrine:
nom adjectif
antéchrist antialcoolique
anticléricalisme anticlérical
anticolonialisme antiatomique
anticommunisme anticommuniste
• inter- / entre-
D’origine latine (inter), ce préfixe à double forme (savante et
populaire) exprime plusieurs valeurs relativement différentes: l’intervalle
entre deux choses (interclasse, entracte), la répartition sur un espace
(entreposer), la relation de réciprocité (s’entrechoquer) ou une action
qui ne se fait qu’à demi (entrebâiller). Les deux formes se combinent
de manière préférentielle avec les trois classes de mots.
La forme savante inter - ne présente pas de restrictions et semble
favoriser les adjectifs:
nom adjectif verbe
interaction interallié, ée interclasser
intercommunication interastral, ale interjeter
interconnexion intercellulaire interpénétrer
interdépendance intercostal, ale interposer
156
interligne interchangeable
intercommunal, ale
intercontinental, ale
interdépendant, ante
La forme populaire entre- semble refuser la combinaison avec
les bases adjectivales:
nom verbe
entracte (s’)entraider
entraide (s’)entrechoquer
entrecôte (s’)entre-déchirer
entre-ligne (s’)entre-frapper
entremets (s’)entremettre
entrepont (s’)entremêler
entre-rail (s’)entreposer
• hyper- , super- , sur- , supra-, sus-
Ces préfixes forment un micro-système de formes synonymes
qui génèrent des unités lexicales préfixées de manière différente, mais
qui renferment les mêmes valeurs: l’idée de supériorité (en sens local
et temporel), de haut degré, d’excès ou de renforcement. Ces préfixes
présentent des disponibilités combinatoires différentes.
L’élément hyper- d’origine grecque se combine avec des noms
et des adjectifs et forme des termes spécialisés pour certains domaines
scientifiques:
nom adjectif
hyperacidité hypercorrect, ecte
hyperchlorhydrie hyperfocal, ale
hypercritique hypernerveux, euse
hyperémotivité hypersensible
hyperespace hypersonique
Les préfixes super- variante savante et sur- variante populaire
du latin super expriment, dans la langue commune, les mêmes valeurs.
Ils se combinent avec les trois classes de mots:
nom adjectif verbe
supercarburant superfin superposer
superciment superfluide -
superfinition supersonique -
157
superréaction - -
superstructure - -
surabondance surabondant, ante surabonder
suralimentation - suralimenter
Le préfixe sus- ne dérive que quelques formes d’un emploi rare
qui sont réservées à des domaines spécialisés:
susdit, dite (dr. Dit, mentionné ci-dessus)
sus-dominante (mus. Sixième degré de la gamme diatonique)
sus-hépatique (anat. Qui est au-dessus du foie)
sus-maxilaire (anat. De la mâchoire supérieure)
susmentionné , ée (adm. Mentionné plus haut)
susnommé, ée (adm. Nommé plus haut)
sus-tonique (mus. Deuxième degré de la gamme diatonique)
• hypo-, sub- , sous-
D’origine grecque (hypo) et latine (sub, subtus), ces préfixes se
partagent plusieurs zones de signification rapprochées: l’insuffisance,
le degré d’infériorité, la position en dessous et l’approximation. Ils sont
relativement productifs et dérivent des mots qui appartiennent aussi
bien à la langue commune qu’au langage scientifique:
nom adjectif verbe
hypocentre hypochloreux -
hypoderme hypophosphoreux, euse -
hypoglycémie hyposulphureux, euse -
hypotension hypotendu, ue -
subconscient subconscient, -ente subdéléguer
subdélégation subalpin subdiviser
- subaigu, -uë submerger
- sublingual, -ale subodorer
sous-aide sous-admissible sous-évaluer
sous-alimentation sous-alimenté, ée sous-exposer
sous-ingénieur sous-prolétaire sous-louer
• mé- / més-
Ce préfixe, qui présente des variantes positionnelles, exprime
l’idée de négation (le contraire) et ajoute, dans certains cas, une valeur
péjorative. Il se combine avec les trois classes de mots et semble assez
158
productif. À l’origine, ce suffixe s’est combiné avec le verbe (rarement
avec l’adjectif) qui se constitue en base dérivationnelle pour les autres
classes de mots (qui sont des suffixés à partir d’une base préfixée):
nom adjectif verbe
méconnaissable ← méconnaître
méconnu, ue ←
mécontentement ← mécontent, ante → mécontenter
médisance ← médisant, -ante ← médire
méfiance ← méfiant, -ante ← se méfier
méprise ← méprisant,-ante ← mépriser
← méprisable
• dé(s)- , dis-
Ce préfixe, qui présente deux variantes pour la forme populaire
et une seule pour la forme savante, indique l’éloignement, la séparation
ou la privation. Il apparaît comme relativement productif parce qu’il
dérive des adjectifs et des verbes. Ces derniers se constituent, dans
certains cas, en base de dérivation suffixale pour les noms:
nom verbe adjectif
déballage ← déballer déloyal, -e
débarbouillage ← débarbouiller déraisonnable
déblocage ← débloquer désagréable
déboisement ← déboiser démontable
débarquement ← débarquer
disparité dissimuler
dissymétrie disparaître
disjoindre
• en- , em-
Ce préfixe, à variante positionnelle, dérive principalement des
verbes et il a différents sens qui se rattachent à l’idée d’intériorité:
nom verbe
enjeu enchausser (couvrir de paille, de fumier)
endurcir (rendre plus dur au mal, plus résistant)
enfermer (mettre en un lieu d’où il est impossible de
sortir)
enfumer (remplir ou environner de fumée)
159
enlacer (entourer plusieurs fois en serrant;
serrer dans ses bras)
enlever (porter vers le haut; ravir, transporter)
entraîner (emmener de force avec soi; conduire,
mener avec soi)
(s’)envoler (prendre son vol, partir en volant)
emmener (mener (qqn.)avec soi, d’un lieu dans un
autre)
emporter (prendre avec soin (qqch.) et porter hors
d’un lieu)
• re- , ré- , r-
La forme de ce préfixe se modifie en fonction de la nature con-
sonantique ou vocalique de l’initiale du mot avec lequel il se combine:
re - devant un mot à initiale consonantique:
refermer, regrouper, replonger.
res - devant les mots à initiale s -:
ressaissir, ressaisissement, ressauter, ressembler.
ré - devant un mot à initiale vocalique:
rééducation, réintégrer.
r -ou ré devant les mots à initiale a-:
ramener, rassurer,rattraper, réabonner, réagir, réarmer.
Certaines bases se combinent avec les deux formes du préfixe:
rajuster / réajuster ranimation / réanimation
ranimer / réanimer rapprovisionner / réapprovisionner
Ce préfixe, qui à l’origine exprime l’idée de ramener en arrière,
a acquis en français d’autres valeurs plus ou moins apparentées à
celle-ci. Il ajoute à la base les nuances de sens suivantes:
– ramener en arrière: rabattre (ramener par force dans une cer-
taine direction); recourber (courber à une extrémité, rendre courbe);
– revenir à un état antérieur: refermer (fermer ce qu’on avait
ouvert ou ce qui s’était ouvert); retracer (tracer, dessiner à nouveau ce
qui était effacé);
– l’idée de répétition: redire (dire de nouveau), réadmettre
(admettre de nouveau);
– l’idée de renforcement: réunir (mettre ensemble pour former
un tout); redoubler (renouveler en augmentant considérablement);
160
– valeur zéro: rebord (bordure, pièce en sailli qui forme le bord).
recoin (coin caché, retiré); réchapper (échapper à un péril pressant;
guérir, s’en sortir vivant); regarder (faire en sorte de voir, s’appliquer
à voir).
La valeur dominante du préfixe re- est l’itération (l’idée de répé-
tition, de reprise d’une action), ce qui en fait un moyen de base du
système des marques aspectives du verbe:
verbe verbe verbe verbe
abonner → réabonner apparaître → éapparître
absorber → réabsorber armer → réarmer
adapter → réadapter assigner → réassigner
admettre → réadmettre agir → réagir
applatir → raplatir appliquer → rappliquer
Le statut de marque aspective du préfixe est confirmé aussi par
la valeur du nom dérivé ultérieurement de verbe préfixé:
nom verbe
réabonnement ← réabonner
réabsorbtion ← réabsorber
réadaptation ← réadapter
réadmission ← réadmettre
réanimation/ ranimation ← réanimer / ranimer
réapparition ← réapparaître
CONCLUSION
La préfixation est un procédé productif qui intervient dans la
dérivation de trois classes de mots: les noms, les adjectifs et les verbes.
Les opérateurs de préfixation sont soit des affixes non auto-
nomes en dehors de la base préfixée, soit des unités autonomes (des
préposition ou des adverbes). Les préfixes sont relativement nombreux
et certains d’entre eux se combinent avec des bases appartenant aux
trois classes de mots.
Dans certains cas, où la dérivation préfixale se surajoute à la
dérivation suffixale, la préfixation se rapproche de la dérivation para-
synthétique.
Les préfixes, tout comme les suffixes, ont le double statut d’élé-
ment constitutif de la forme nouvellement créée et de modificateur de
sens (lexical).
161
2. LA COMPOSITION
2.1. Définition et procédés
La composition est le procédé par lequel on forme une nouvelle
unité lexicale en unissant deux ou plusieurs mots qui existent déja
dans la langue et qui fonctionnent comme unités autonomes: arc-en-
ciel, timbre-poste, passe-partout, portemanteau.
La tradition reconnaît deux types de composition, distiguées par
l’origine des mots base: la composition savante (les mots agencés
sont d’origine grecque ou latine) et la compostion française ou popu-
laire (les mots agencés sont d’origine française).
La langue contemporaine a développé de nouveaux modes de
composition:
– à partir de bases françaises ont été crées des unités syntag-
matiques, appelées synapsies;
– à partir des procédés spécifiques de la composition savante
ont été développés des formations marquées par l’abréviation et par
la troncation;
– beaucoup d’unités syntagmatiques ont été réduites aux lettres
initiales des termes constitutifs, formant ainsi des sigles, un autre type
de mots composés.
Le mot composé s’inscrit dans le lexique de la langue comme
unité lexicale à valeur dénominative. Il designe une réalité unique.
Les mots-base qui forment le mot composé entretiennent des
relations syntaxiques de type déterminé – déterminant, relations
explicitées par la proposition – base de la transformation. Les mots-base
apparaissent dans la phrase avec le statut de syntagme nominal, syn-
tagme verbal ou élément de syntagme. Ils sont distribués dans les
différentes fonctions syntaxiques de sujet, attribut ou complément. La
transformation suppose la réduction de la proposition de base à une
relative qui comporte l’élément auquel sera assigné le statut de déter-
minant dans le mot composé.
Cette lampe ne s’éteint pas par grand vent (tempête).
→ Cette lampe est une lampe qui ne s’éteint pas par grand vent
(tempête)
→ C’est une lampe-tempête. → (une) lampe-tempête
162
Cette boule est faite de neige.
→ Cette boule est une boule qui est faite de neige.
→ C’est une boule de neige. → (une) boule de neige
Dans cette boule on peut mettre du riz / du thé.
→ Cette boule est une boule dans laquelle on peut mettre du riz /
du thé.
→ C’est une boule à riz / à thé. → (une) boule à riz / à thé
Ce dispositif (accessoire d’un véhicule) est destiné à recevoir
(porter) des bagages.
→ Ce dispositif est un dispositif qui est destiné à porter des
bagages.
→ C’est un porte-bagages. → (un) porte-bagages
La cohésion de la nouvelle formation est assurée, au niveau
formel, par la suppression de certains éléments spécifiques de la
syntaxe de la proposition: prédéterminants, pronom relatif et verbe. La
préposition qui marque la relation syntaxique entre le nominal et le
terme régissant se maintient dans le nom composé: arme à feu, ligne
d’horizon, arc-en-ciel.
Reposant sur la relativisation, la seule transformation de nomi-
nalisation, la composition produit des substantifs et des adjectifs. La
formation des verbes est exclue parce qu’il est impossible d’avoir
deux verbes dans la même phrase noyau – la base de la transfor-
mation. Les verbes qui semblent être le résultat de la composition
(maintenir, saupoudrer, colporter, culbuter, bouleverser) sont des for-
mations anciennes et «ont la valeur d’un moyen aggloméré au verbe
dans un ordre emprunté au latin et maintenu dans la syntaxe primitive
du français sans qu’intervienne une transformation par verbalisation à
partir d’une phrase de base»40. En français contemporain il existe des
locutions verbales qui comportent un seul noyau verbal, la cohésion de
l’ensemble n’étant pas le résultat d’une véritable transformation mais
d’un agencement syntagmatique confirmé par l’usage41. Cependant,
certains linguistes classent parmi les mots composés aussi bien des
verbes que des adverbes, des préposition et des conjonctions42.
_______________
40
L. Guilbert, Op. cit., p. 222.
41
L. Guilbert, Op. cit., p. 261.
42
M. Riegel, J.-C. Pellat, R. Rioul, Op. cit., p. 548-549; Hervé -D. Béchade,
Op. cit., p. 143-147.
163
L’ordre des termes qui constituent le mot composé peut être soit
progressif déterminé – déterminant (qui correspond à l’ordre normal
de la syntaxe du français): député-maire, bateau-pilote, sang-froid,
pare-choc, porte-drapeau, laissez-passer, soit régressif déterminant
– déterminé (qui correspond au modèle latin ou qui est calqué sur le
modèle anglais): bas-fond, haut-fond, rond point, sauf-conduit, haut-
parleur, libre-service.
Les éléments réunis dans le mot composé se présentent :
– soudés, lorsqu’il s’agit de formations de date ancienne: bon-
homme, gentilhomme, lieutenant,maintenir, portemanteau;
– réunis par un trait d’union: abat-jour, porte-clés, rouge-gorge,
sauf-conduit;
– en groupement libre, séparés par des blancs typographiques:
billet doux, salle à manger, dents de laits, poids lourd.
La tendance de la langue est à l’agglutination, tendance confirmée
par les mots créés de longue date et d’usage général. Le dictionnaire
enregistre des mots composés agglutinés graphiquement, attestés de
date ancienne: passeport (1520), plafond (1559), vinaigre (1200),
marchepied (1330).
Dans les rectifications de l’orthographe française approuvées par
l’Académie Française et publiées le 6 décembre 1990, il est proposé,
entre autres, de supprimer le trait d’union dans certains noms composés
qui connaissent un emploi généralisé et qui sont relativement fréquents.
Cette décision se justifie par le besoin de simplifier la graphie de la
langue française et s’appuie sur le fait que le procédé de la composition
avec trait d’union coexiste et est en concurrence avec la composition
par agglutination ou par soudure (portemanteau, betterave) mais aussi
avec la composition par le figement d’expressions dont les termes sont
autonomes dans la graphie (pomme de terre, compte rendu). Les éditions
récentes du dictionnaire le Petit Robert enregistrent les modifications
approuvées par l’Académie. Pour le moment, pour certains mots, les
deux graphies coéxistent:
porte-feuille / portefeuille
porte-crayon / portecrayon
porte-clé(s) / porteclé(s)
basse-cour / bassecour
mille-feuille / millefeuille
sage-femme / sagefemme
164
Dans certains composés (formés par téléscopage), appelés aussi
mots-valises ou mots-portemanteaux, les mots qui entrent dans leur
structure sont tronqués et on retrouve, comme termes constitutifs, la
tête d’un mot et la queue d’un autre:
français + anglais → franglais
automobile + omnibus → autobus
transfer + resistor → transistor
biologie + électronique → bionique
Dans tous les types de composition, l’ensemble se comporte
comme un mot simple et forme une unité de sens nouvelle dont la
signification est différente de celle de chaque élément constitutif pris
séparément. La signification du mot composé est donnée par le statut
morphosyntaxique de celui-ci et par la nature sémantique des termes
constitutifs, étant marquée aussi par l’ordre des termes.
Les mots composés sont identifiés et distingués des combinai-
sons libres (groupes de mots réunis selon les règles du discours),
dans plusieurs plans.
Dans le plan référentiel, le mot composé, tout comme le mot
simple, renvoie à une réalité unique (objet matériel ou abstraction).
Les images évoqueés par les éléments constitutifs, pris séparément,
s’effacent en faveur d’une seule réalité. Les mots chou-fleur, frein à
air comprimé, relation d’équivalence, par exemple, évoquent un seul
élément de la réalité, respectivement un certain légume, un certain
dispositif et un certain type de relation.
Dans le plan sémantique, le mot composé présente plusieurs
particularités données par le rapport qui s’établit entre le sens des
composants et le sens du mot qu’ils forment.
Dans certains cas, on retrouve le sens des éléments constitutifs
mais modifié par des éléments particuliers qui s’ajoutent de manière
arbitraire. Par exemple, un grand magasin n’est pas uniquement «un
magasin de grandes dimensions» mais aussi et surtout «un magasin où
est vendue une riche variété de produits».
Dans d’autres cas, il n’y a aucun rapport avec le sens habituel
des mots pris séparément. Le chou-fleur, n’est ni chou ni fleur, mais
«une variété de chou dont les inflorescences forment une masse blanche,
charnue et comestible».
165
En règle générale, le sémantisme du mot composé est donné par
les relations qui s’établissent entre ses termes, le déterminé dictant la
structuration du sens:
• dans un mot formé de deux substantifs (N1 + N2 ) ou d’un
substantif et d’un adjectif (N + Adj.), le plus souvent, le déterminé –
premier terme dans la structure à ordre progressif et second terme
dans la structure à ordre inversif, inscrit la réalité désignée dans une
classe plus générale qui est spécifiée par le deuxième terme – le déter-
minant, attribut ou complément:
– papier-calque (papier transparent permettant de décalquer)
– papier filtre (papier filtre destiné à la filtration des liquides)
– papier-linge (papier cellulosique servant à fabriquer des
mouchoirs, des couches)
– salle de séjour (pièce où l’on se tient habituellement)
– salle à manger (pièce disposée pour y prendre les repas)
– aide-comptable (personne qui aide un comptable et travaille
sous ses ordres)
– expert-comptable (personne qui est chargée d’organiser,
vérifier, apprécier ou redresser les comptabilités).
• dans les mots formés d’un verbe et d’un nom, le sémantisme
du nom et la nature de la relation qu’il entretient avec le verbe oriente
le sens de l’ensemble vers l’agent ou vers l’instrument de l’action,
rarement vers l’action elle-même:
– porte-croix (personne qui porte la croix – devant le pape,
devant une procession)
– porte-drapeau (officier qui porte le drapeau d’un régiment)
– porte-parole (personne qui prend la parole au nom de
quelqu’un d’autre)
– chauffe-eau (appareil producteur d’eau chaude)
– coupe-papier (instrument servant à couper le papier)
– portemanteau (dispositif pour suspendre les vêtements)
– casse-tête (travail qui demande un effort soutenu, qui
fatigue)
– lèche-vitrines (action de «lécher les vitrines», de flâner en
regardant les étalages).
166
Dans le plan syntaxique, les mots composés s’individualisent
par leur comportement face à certaines manipulations, dont on doit
mentionner:
– la résistance de l’ensemble à l’insertion de déterminants incidents
seulement à l’un des éléments constitutifs; seules les déterminations
globales sont acceptées:
bonhomme → *un très bonhomme /
un bonhomme sympathique, un petit bonhomme.
pomme de terre → *des pommes précoces de terre /
des pommes de terre précoces.
boîte de nuit → une boîte fréquentée de nuit /
*

une boîte de nuit fréquentée.


– la résistance de l’adjectif, élément constitutif du mot composé,
à la variation en degré de signification:
bonhomme → *un assez bonhomme.
bons mots → *de très bons mots.
petit salé → * un assez / très petit salé.
– la résistance à la substitution par des synonymes ou des
antonymes: petit salé / *petit sucré.
des bons mots / *d’agréables mots, *de justes mots.
– la résistance de l’adjectif en position d’attribut:
*
ce salé est petit.
*
ces mots sont bons.
– la résistance à la suppression de l’adjectif (procédure possible
dans les constructions libres):
Les gros-becs sont dévastateurs de cerisiers.
*
Les becs sont dévastateurs de cerisiers.
– la traduction par un mot simple (losque cela est possible) dans
une autre langue:
chou-fleur = conopida
pomme de terre = cartof
167
Les unités formées par la composition se laissent regrouper,
suivant l’origine des termes qui entrent dans leur structure, en com-
posés savants et composés français ou populaires. Suivant les méca-
nismes qui sous-tendent l’agencement des termes constitutifs, ils se
laissent grouper en mots composés (proprement-dits), synapsies, mots-
valises et sigles. La classe syntaxique à laquelle appartient l’unité lexicale
nouvellement créée se constitue elle aussi en critère de classification
opérant pour la description de ces unités linguistiques.

2.2. La composition savante


La composition savante désigne l’ensemble des mots formés de
bases empruntées directement au grec et au latin et agencés selon les
mêmes règles qui régissent la composition dans ces langues. L’absence
d’autonomie des éléments formatifs rapproche ce procédé de la déri-
vation affixale. Ils jouent un rôle pareil à celui des suffixes et des
préfixes. Dans la plupart des mots on peut facilement identifier les
deux éléments constitutifs du mot composé:
leucocyte ← leuc(o) + cyt(e) [leuc(o)- = blanc; - cyt(e) = cellule]
misanthrope ← my + anthrop(e) [my- = haïr; - anthrop(e) = homme]
Parfois le même élément, marqué phonétiquement, peut occuper
les deux positions:
[algos = douleur]
algo- -algie
algophobie [= crainte de la douleur] nostalgie [= douleur en
songeant au retour]
[kardia = cœur]
cardio- -carde
cardiopathie [= maladie du cœur] myocarde [= muscle du cœur]
[thermos = chaud]
thermo- -therme
thérmomètre [= qui mesure la chaleur] isothèrme [+ à chaleur
constante]
Le procédé de formation par voie savante se retrouve tout le
long de l’évolution du français. Il est très productif parce qu’il est à la
base de la création du vocabulaire scientifique dans tous les domaines.
168
On distingue plusieurs types de substantifs étiquetés comme
composés savants:
• des mots empruntés tels quels au grec et au latin:
aqueduc philosophie
amphibie philologie
• des mots formés en français d’éléments grecs ou latins:
anthropologie photographie hydrogène
sociologie topographie juxtaposition
démocratie thalassothérapie parataxe
• des mots formés d’un mot français combiné avec un élément
savant:
anglomanie ← anglo (du mot français anglais) + -manie (mot grec)
agriculture gazoduc
bioesthéticienne hydroavion
bureaucratie multinational
cancérigène minéralogie
2.3. La composition française (populaire)
2.3.1. La composition des noms
Ce procédé regroupe les mots dont les éléments constitutifs sont
d’origine française. Ils sont agencés conformément aux règles de la
syntaxe française.
Les noms formés par la composition ont une structure peu
homogène: ils comportent des mots appartenant aux trois classes
principales (substantifs, adjectifs et verbes) agencés en combinaisons
diverses, directement ou par l’intermédiaire d’une préposition:
N+N N + prép. N
année-lumière arme à feu
bateau-pilote panier à salade
bracelet-montre lampe à arc
cheval-vapeur agent de liaison
porte-fenêtre cheval de bois
wagon-lit chemin de fer
arc-en-ciel
bout-en-train
169
N + Adj. Adj. + N
coffre fort bonhomme
colle-forte bonheur
main-forte court-circuit
papier-fort rand-avenue
sang-froid petit- pain
V + N: V + pronom
coupe-circuit brise-tout (brisetout)
coupe-cigare fait-tout (faitout)
couvre-feu fourre-tout (fourretout)
couvre-lit
garde-barrière
Il existe aussi quelques noms composés formés de deux verbes,
les deux formes étant à l’infinitif ou à des formes conjuguées:
V+V
savoir-être cache-cache
savoir-faire pousse-pousse
faire-valoir laissez-passer
laisser-aller savoir-vivre
Le nom composé emprunte le genre du nom centre (le terme qui
a le statut de déterminé dans la phrase – base de la transformation) s’il
s’agit d’un nom formé de nominaux (deux noms ou un nom et un
adjectif):
masculin féminin
bateau-mouche année-lumière
bracelet-montre langue-mère
wagon-lit montre-bracelet
agent de liaison arme à feu
coup de feu ligne d’horizon
pot de vin salle à manger
court-circuit grand-avenue
petit-pain nouvelle-vague
Si le nom est formé sur un verbe, il est, à quelques exceptions
près, du masculin, choix qui s’explique par le sens global d’agent ou
d’instrument:
170
masculin féminin
garde-malade (occupation et homme) garde-malade (femme)
garde barrière passe-rose (plante)
lance-bombes perce-muraille (plante)
porte-bagages
presse-fruits
La variation en nombre est dictée par plusieurs facteurs dont le
sens global de l’ensemble (tel qu’il est perçu par les locuteurs et fixé
par l’usage) est déterminant. Seuls les éléments nominaux sont sus-
ceptibles de prendre la marque du pluriel. Beaucoup de mots sont
invariables (qu’ils portent la marque du singulier ou du pluriel). Il y a
aussi des noms composés dont la variation en nombre est flottante.
On distigue, par conséquent, les types suivants:
• des noms composés dans lesquels les deux termes varient en
nombre:
un bateau-phare / des bateaux-phares
une porte-fenêtre / des portes-fenêtres
un bonhomme / des bonshommes
un gentilhomme / des gentilshommes
• des noms composés dans lesquels un seul terme varie:
une année-lumière / des années-lumière
un cheval-vapeur / des chevaux-vapeur
un chef-d’oeuvre / des chefs-d’oeuvre
une salle à manger / des salles à manger
• des noms composés invariables:
un abat-jour / des abat-jour
un abat-son / des abat-son
un brise-fer / des brise-fer
un lance-fusées / des lance-fusées
un garde-corps / des garde-corps
un porte-bagages / des porte-bagages
• des noms composés à forme flottante:
un arrache-racine(s) / des arrache-racines
un brise-glace(s) / des brise-glaces
un coupe-cigare(s) / des coupe-cigares
un lance-pierre(s) / des lance-pierres
171
Sauf quelques exceptions (grande-duchesse et grands-parents),
dans les substantifs formés sur l’adjectif grand le substantif est le seul
qui varie. L’adjectif reste invariable aussi bien au point de vue du
genre qu’au point de vue du nombre:
singulier pluriel
une grand-mère / des grand-mères
un grand -père / des grand-pères
une grand-tante / des grand-tantes
un grand-oncle / des grand-oncles
Certains mots formés sur l’adjectif grand n’ont que la forme de
singulier:

grand-chose → ce n’est pas grand-chose


→ il n’en sortira pas grand-chose
la grand-rue (la rue principale)
la grand-route (la route principale)
avoir grand-faim / grand-soif / grand-peur.
2.3.2. La composition des adjectifs
La transformation impliquée dans la formation des adjectifs
repose sur le mécanisme de relativisation appliquée à deux phrases en
relation de coordination:
Cette personne est sourde et cette personne est muette.
→ Cette personne est [une personne qui est] sourde et [une
personne qui est] muette.
→ Cette personne est sourde et muette .
→ Cette personne est sourde-muette.
→ sourd-muet, sourde-muette
Les adjectifs composés sont des formations réalisées par un
adjectif et un autre adjectif (aigre-doux, aigre-douce), un adjectif et un
participe (premier-né) ou un adjectif et un substantif (rouge cerise;
vert amande). Les éléments formatifs sont soit rattachés par un trait
d’union soit en combinaison libre. Dans quelques unités seulement les
deux éléments constitutifs sont soudés graphiquement (clairsemé, ée;
clairvoyant, ante).
172
Dans la composition des adjectifs se retrouvent (a) des éléments
français et (b) des éléments savants refaits en français ou pris directe-
ment au grec et au latin, et combinés entre eux ou avec un mot français:
(a) clairsemé, ée ← (1175; de clair + semé)
clairvoyant , ante ← (1265; de clair + voyant)
(b) démocrate-chrétien, ienne ← ( 1960; de démocrate + chrétien)
démocrate ← (1361; de démocratie < gr. dêmokratia
chrétien, ienne ← (XIIe s.; de chrestien, 842; christian
< lat. ecclés. christianus < gr. khristianos).
coxalgique ← (1863 de coxalgie (de lat. coxa [cuisse] +
gr. algos [douleur]).
Dans l’ensemble, le procédé de formation des adjectifs composés
n’est pas productif. Certaines sous-classes présentent cependant plus
de disponibilités que d’autres.
•• Formes composées de deux adjectifs: Adj. + Adj.
Cette sous-classe regroupe des formations résultant de la juxta-
position d’adjectifs primaires ou dérivés. Les séries les plus riches sont
celles des adjectifs qui associent des éléments savants (le vocabulaire
scientifique) ou des adjectifs qui désignent la nationalité ou la prove-
nance (derivés de substantifs – noms propres géographiques):
aigre-doux, aigre-douce sud-africain, aine
sourd-muet,sourde-muette sud-américain, aine
social-démocrate sud-coréen, enne
démocrate-chrétien,enne centrafricain, aine
bleu-vert gris foncé
gris clair gris moyen
L’agencement des éléments savants et de certains adjectifs dérivés
des noms propres géographiques entraîne parfois des modifications
phonétiques à la finale du premier terme:
cérébro-spinal, ale latino-américain, aine
logico-déductif anglo-américain, aine
physico-chimique franco-allemand, ande
physico-mathématiques franco-roumain, aine

173
demi-circulaire semi-précieuse
semi-circulair semi-public
•• Formes composées d’un adjectif et d’un participe:
Adj. + Participe
clairsemé, ée clairvoyant, ante
nouveau-né, nouveau-née
premier-né, première-née
dernier-né, dernière-née
demi-mort, demi-morte
Certains des adjectifs de cette classe ont aussi le statut de subs-
tantifs. Il revient au contexte syntaxique de les distinguer:
Adjectifs Noms
Enfant dernier-né. / Le dernier-né.
Une gloire nouveau-née. / Les cris du nouveau-né.
Enfant premier-né. / Les premiers-nés.
Verbes semi-auxiliaires. / Les semi-auxiliaires modaux.
Propriétés semi-conductrices. / Utilisation des semi-
conducteurs dans les transistors.
Populations semi-nomades./ Les semi-nomades et les
sédentaires.
(Petit Robert)
•• Formes composées d’un adjectif et d’un nom:
Adj. + N.
La plupart des formations de cette classe se situent dans la zone
sémantique des couleurs. Les adjectifs de couleur se combinent avec
des substantifs pour désigner des couleurs intermédiaires.
gris ardoise noir anthracite rouge rubis
gris anthracite noir ébène rouge framboise
gris fer noir jais rouge lie-de-vin
gris souris rouge cerise rouge bordeaux
gris perle rouge coquelicot rouge brique
En conclusion, la composition savante ou populaire est un
procédé qui s’individualise principalement par le fait qu’il génère des
noms et des adjectifs.
174
Les composés formés d’un verbe et d’un nom sont les plus
nombreux et sont enregistrés dans toutes les étapes de l’évolution du
français. En règle générale, le verbe à statut de noyau de la forme
composée est à la forme la plus simple (3-e personne du présent de
l’indicatif). Les verbes faire et savoir se maintiennent à la forme de
l’infinitif dans les composés qu’ils génèrent: un faire-part, un faire-
valoir, le savoir-être, le savoir-faire, le savoir-vivre.
Cohésifs au niveau du contenu, les termes qui entrent dans la
structure du mot composé gardent, au niveau de la forme, une indé-
pendance relative, marquée parfois par la variation en nombre du mot
composé: dans les noms qui sont formés sur un adjectif et un nom les
deux termes varient en nombre: un petit-fils / des petits-fils; un gentil-
homme / des gentilshommes.
Répondant au besoin de désignation, la composition, qu’il s’agisse
de formation à éléments français ou à éléments savants, est très pro-
ductive dans les domaines spécialisés43.

2.4. La composition des unités syntagmatiques


On désigne par le terme de composition syntagmatique (ou
synapsie), le procédé par lequel plusieurs lexèmes sont reliés par des
éléments différents pour former une structure (un «syntagme») spécifique
à valeur de désignation constante44ce qui lui permet de s’inscrire dans
l’inventaire lexical de la langue. Il s’agit du transfert d’un syntagme
du plan syntaxique dans le plan lexical, transfert réalisable lorsque
_______________
43
En voilà quelques exemples: a/ dans le domaine de l’architecture et
des constructions: arc angulaire, arc brisé, arc droit, monte-béton, monte-charge,
monte-sacs; b/ dans le domaine de l’environnement: écologie, écosystème,
écotype, écométrie; c/ dans le domaine de l’informatique – l’internet: cyberavocat,
cyberespace, cyberpolice, cybertémoin.
44
Ces syntagmes désignent des concepts et des objets qui présentent
une certaine complexité qui n’est pas couverte par un seul mot ou par un mot
composé. Par exemple, l’unité syntagmatique (ou la synapsie) machine à
écrire désigne un objet fabriqué, relativement complexe, qui sert à transformer
un travail (l’action de taper sur un clavier) en un autre (la mise en texte des
informations); prise de position – désigne une déclaration qui précise une
opinion, une ligne de conduite; prendre position – renvoie à la signification
«prendre partie dans une discussion» (Bordas).
175
l’ensemble des éléments renvoient à un référent unique. Pour la
distiguer, d’une part, de la composition classique et, d’autre part, du
syntagme qui se défini comme tout groupement de mots par des
moyens syntaxiques, la nouvelle structure a été appelée «synapsie»45.
La formation de ces unités repose sur le mécanisme de réduction
d’une phrase centrée sur le verbe «être» à un groupe nominal complexe.
Pour les unités à statut de noms, le syntagme nominal sujet se
constitue en base (déterminé) et le syntagme verbal en adjoint (déter-
minant). La transformation s’opère par la relativisation:
La pompe est à jet. → La pompe [qui est] à jet.
→ pompe à jet
Les cartes sont pour jouer. → Les cartes [qui sont] pour jouer.
→ cartes à jouer
Le pont est pour le décollage. → Le pont [qui est]pour le décollage.
→ pont de décollage
Les unités synaptiques diffèrent des mots composés dans le plan
du comportement synaxique. Elles présentent un degré de cohésion
moins fort entre les éléments constitutifs. En ce sens, on peut faire les
remarques suivantes:
– les unités synaptiques se forment autour d’un noyau qui permet
l’expansion (à la suite d’une transformation du même type)46 :
travail mécanique
travail mécanique de freinage
pompe à jet
pompe à jet de vapeur
pompe à jet de vapeur et d’eau
maçonnerie au mortier
maçonnerie au mortier de ciment
_______________
45
E. Benvéniste, Problèmes de linguistique générale, Gallimard, t. II,
p. 174.
46
Pour la présentation en détail des mécanismes qui soustendent la
formation des unités syntagmatiques complexes voir Al. Cuniţă, Op. cit.,
p. 214-220.
176
– les éléments qui constituent l’ensemble ont une autonomie
relative qui permet l’insertion à l’intérieur de l’unité synaptique de
déterminants incidents au noyau:
frein à sabot four à gaz
frein à air comprimé à sabot four céramique à gaz
Pour les unités verbales, la transformation a pour base le syntagme
verbal de la phrase et suppose la suppression de la relation syntaxique
qui détache le nom (complément d’objet direct) du verbe qu’il
détermine (noyau du syntagme). Le nom se transforme en base de la
verbalisation47, la forme verbale assumant le rôle d’opérateur de ver-
balisation: avoir / prendre soin (de qqn.); donner raison; donner tort
(à qqn.); donner l’air; donner la mort (à qqn.); avoir envie (de faire
qqch.).
Dans les constructions ci-dessus, les noms soin, raison, tort, air,
mort, envie ont le statut de complément d’objet direct (avoir la préoc-
cupation / le souci de faire qqch., considérer que X a raison, ….).
Cette relation syntaxique s’efface et les noms deviennent siège du
procès impliqué par «la préoccupation de fournir ce dont qqn. a
besoin», «l’opinion / la conviction»… Le support du procès est réalisé
par les verbes avoir, prendre, donner qui sont des opérateurs de
verbalisation au même titre que les suffixes -er , -ir qui opèrent la
dérivation verbale à partir d’une base nominale (soin → soigner, soif
→ assoiffer, terre → atterrir). Le verbe support conserve ses caracté-
ristiques de verbe (il se combine avec les marques de temps, de mode
et de personne) et maintient sa position devant le nom (position qu’il a
normalement dans le groupe verbal où le nom est complément d’objet:
avoir soin, avoir soif).
Les principaux verbes opérateurs de la verbalisation syntagmatique
sont: avoir, être, donner, faire, prendre, rendre.
Les noms qui assument le statut de siège du procès appartiennent
à plusieurs classes sémantiques: les phénomènes de la nature: jour,
nuit, soleil; les sensations: faim, soif, peur, plaisir, envie, mal; les
_______________
47
Les noms se constituent, en principe, en base de dérivation pour les
verbes (dans la dérivation suffixale ou parasynthétique): coup → couper, soif
→ assoiffer (voir les chapitres La dérivation à base nominale et La dérivation
parasynthétique).
177
procès (concrets et abstraits) nominalisés: avis, connaissance, intérêt,
opinion, chasse, lecture, vol 48.
Les nouvelles formations se distinguent des locutions verbales49
(qui présentent un plus haut degré de cohésion et de fixité) et des syn-
tagmes verbaux (qui sont des constituants de phrase) par le compor-
tement face à certaines manipulations. Il s’agit de:
– l’absence, dans la plupart des cas, du prédéterminant devant le
nom (les constructions où apparaît l’article défini ou l’article partitif,
ils ont une valeur générique). Exceptionnellement, dans d’autres cons-
tructions, on trouve aussi le prédéterminant possessif ou la préposition:
avoir soin (de qqn.) avoir de la fièvre faire ses comptes
faire peur (à qqn.) avoir du plaisir prendre son essor
donner raison (à qqn.) avoir du courage prendre son vol
donner tort (à qqn.) donner l’air être en marche
prendre soin (de qqn.) prendre l’air mettre en cause
– la possibilité de substituer à la forme complexe une forme
simple équivalente sémantiquement:
faire peur (à qqn.) / apeurer (qqn.)
faire connaissance (avec qqn.) / connaître (qqn.)
donner l’air / aérer
prendre l’air / se promener
prendre son vol / s’envoler
– la possibilté de nominaliser la construction verbale (là où le
support verbal le permet):
prendre position (prendre parti dans une discussion) /
prise de position (déclaration qui précise une opinion, une
ligne de conduite).
mettre en cause (impliquer, mêler qqn. à une affaire au sujet de
laquelle il aura à s’expliquer) /
mise en cause (implication de qqn. dans une affaire….)
_______________
48
Pour la description des mécanismes et pour les listes complètes, voir
L. Guilbert, Op. cit., p. 261-268 et Al. Cuniţă, Op. cit., p. 218-220.
49
Voir L. Guilbert, Op. cit. p. 161 , Al. Cuniţă, Op. cit., p. 219.
178
La composition d’unités syntagmatiques est un procédé rela-
tivement productif, surtout pour les unités nominales. Dans les différents
domaines de la vie sociale (surtout dans les domaines spécialisés de la
sphère technique et politique-administrative), les usagers créent des
termes au fur et à mesure qu’ils sont en situation de désigner des
réalités nouvelles (objets et concepts) de plus en plus complexes:
– dans le domaine de la fiscalité:
impôt direct impôt sur les successions
impôt indirect impôt sur la consommation
impôts locaux directs impôt sur le revenu
impôst locaux indirects impôt assurance-vie
declaration d’impôt impôt assurance-vie à terme
taxes fiscales taxe d’habitation
taxes parafiscales taxe foncière50
– dans le domaine de la sécurité aérienne:
inspection de sécurité licence d’exploitation
inspection de routine visite d’entretien
plaquette d’instruction panne d’ordinateur51
– dans le domaine politique (la migration internationnale)
flux migratoires courants migratoires
flux d’immigration mouvements migratoires
Haut Commissariat pour Réfugiés
Organisation Internationale pour les Migrations (OMI)
Agence nationale pour l’emploi (ANPE)
Programme codéveloppement/migrations (PCDM)52
2.5. L’abréviation et la troncation
La forme écrite ou sonore des mots d’une langue peut subir des
modifications qui s’expliquent par les conditions concrètes dans
lesquelles les usagers se servent de la langue, notamment par le niveau
_______________
50
L’expansion no 570 /1998.
51
L’expansion no 570 /1998.
52
Mouvements. Magazine trimestriel des migrations internationales
no 23/ 2000.
179
de langue (soutenu ou familier), par le niveau d’instruction (soutenu,
standard ou populaire) ou par les intentions qui marquent la com-
munication (langue commune ou argotique). Ces modifications consistent
en la réduction de la forme du mot par la suppression de syllabes ou
de lettres finales ou initiales. Les mots ainsi modifiés deviennent soit
des lexèmes autonomes et peuvent s’inscrire dans d’autres mécanismes
de composition (dans le cas de l’abréviation), soit de simples éléments
formatifs de mots composés (dans le cas de la troncation).
2.5.1. L’abréviation
L’abréviation se définit comme le mécanisme linguistique qui
fait qu’une unité lexicale, parfois même une suite d’unités lexicales
soient représentées seulement par une partie du mot ou de la suite de
mots en question. On distingue, par conséquent:
– l’abréviation d’un mot;
– l’abréviation d’un syntagme (unité syntagmatique / synapsie).
L’abréviation du mot (dérivé ou composé), est le procédé par
lequel les mots de plus de trois syllabes sont raccourcis par retran-
chement d’une ou de plusieurs syllabes finales :
bac ← baccalauréat impec ← impeccable
fac ← faculté extra ← extraordinaire
manif ← manifestation météo← météorologie
Il arrive aussi que le retranchement porte sur les syllabes initiales:
car ← autocar
bus ← autobus
stop ← autostop
Beaucoup de mots abrégés se terminent par la voyelle -o:
colo ← colonie photo ← photographie
expo ← exposition vélo ← vélocipède
Sentie comme un suffixe, la voyelle -o se substitue à d’autres
finales de mots tronqués, ayant parfois une valeur péjorative:
apéro ← apéritif mécano ← mécanicien
dico ← dictionnaire prolo ← prolétaire
directo ← directement proprio ← propriétaire
intello ← intellectuel romano ← ronamichel
180
L’abréviation apparaît comme un procédé qui accompagne
l’évolution des composés savants. Les mots auto, télé, kiné repré-
sentent l’abréviation des composés savants automobile, télévision,
kinésithérapie. Les bases abrégées sont devenues des lexèmes auto-
nomes. Elles peuvent se combiner avec d’autres mots (savants ou fran-
çais) pour former de nouveaux mots composés selon le même modèle:
auto + biographie → autobiographie
auto + rail → autorail
télé + spectateur → téléspectateur
télé + film → téléfilm
kiné + thérapeute → kinésithérapeute.
L’abréviation est un procédé très fréquent dans la langue familière
et populaire. Les formes abrégées sont utilisées dans le langage de
tous les jours et par toutes les catégories de locuteurs. Beaucoup de
ces formes sont enregistrées par les dictionnaires. C’est le cas des mots:
auto de automobile, dont l’abréviation est attestée au début du
XX-ème siècle; la forme abréviée a été empruntée aussi par les do-
maines de spécialité: (mécanique) Autos électriques des foires. Les autos
tamponneuses.
bus de autobus, est attesté en 1907.
cinéma de cinématographe, est attesté vers 1900. Ce mot a
connu un emploi tellement fréquent qu’il a pratiquement remplacé le
mot dont il a été obtenu. Le mot cinématographe ne s’emploie plus
que pour désigner «l’appareil capable de reproduire le mouvement par
une suite de photographies, inventé par Lumière». On dit encore «Le
cinématographe des frères Lumière.» (Petit Robert). Dans le sens de
art, de projection ou de réalisation de spectacle par la technique
inventée par les frères Lumière, le terme d’origine est remplacé unani-
mement par le terme cinéma.
ciné (de cinéma), attesté vers 1900, est employé dans le langage
populaire: «Aller au ciné. Qu’est-ce qu’on donne au ciné?»
télé (de télévision), attesté en 1952, est réservé au langage
familier et manifeste la tendance de généralisation dans le langage
standard et même soutenu. Le terme fonctionne aussi comme abréviation
181
du mot téléviseur: regarder la télé (les programme diffusés par les
canaux de télévision), acheter une télé (un poste de télévision, un
téléviseur).
(Petit Robert)
L’abréviation de l’unité syntagmatique consiste à supprimer,
dans certains contextes, les déterminants. Ce procédé est utilisé pour
la désignation de certaines réalités, notions ou institutions, par les gens
qui s’y rapportent et / ou les représentent dans des conditions de
communication où tous les participants savent de quoi il est question.
Les locuteurs raccourcissent ainsi la dénomination qu’ils doivent
employer fréquemment. On dit ainsi:
payer les impôts, alléger les impôts, prélever les impôts
pour payer, alléger, prélever les impôts sur le revenu.
le recteur pour le recteur de l’Université de …
le doyen pour le doyen de la Faculté de….
le concierge pour le concierge de l’immeuble.
le Parti pour le Parti Socialiste, le Parti Communiste, le Parti
Libéral.
le Mouvement pour le Mouvement Écologiste, le Mouvement
de Libération.

2.5.2. La troncation
La troncation est le procédé d’abréviation qui produit des formes
tronquées qui ne sont pas lexicalisées sous la forme réduite, mais se
combinent avec des mots savants ou des mots français pour former
d’autres mots composés.
Des mots comme: antibiogramme, photocopillage, sont formés
des bases tronquées antibio- et photoco- (des mots antibiotique et
photocopie) agencés avec les mots gramme et copillage.
La troncation permet de former un type spécial de mots, appelées
mots-valises, caractéristiques pour certains vocabulaires spécialisés.
Le procédé de formation repose sur le télescopage de deux bases
tronquées (la première ayant la partie finale retranchée et la deuxième
182
la partie initiale) et le maintien dans le mot nouvellement créé d’un
élément commun aux deux bases:
informa(tion) + (auto)matique → informatique
ima(gination) + machination → imachination
fiction + (dicti)onnaire→ fictionnaire53
Au point de vue sémantique, ces formations se caractérisent par
le fait qu’elles expriment deux relations de prédications en une seule
unité lexicale: «X est à la fois A et B»54, autrement dit l’imachination
est en même temps imagination et machination.
À côté des formations qui respectent les règles de réduction de
syllabes et de télescopage, il y a des formations étiquetées comme
mots-valises qui ne respectent pas intégralement ces règles, mais qui
satisfont à la condition d’exprimer deux prédications:
éléphant + fantôme → éléphantôme
connect(ion) + (automa)tique → connectique
document(ation) + (automa)tique→ documentique
Le procédé s’avère productif aussi bien pour la langue commune
que pour certains domaines spécialisés et se constitue en source de
création de néologismes.

2.6. La siglaison
La siglaison est le procédé par lequel une unité syntagmatique
(synapsie) – est réduite aux lettres initiales des mots qui la composent.
Ces lettres sont, en principe, séparées par des points mais il se peut
qu’elles ne le soient pas:
O.N.U. (Organisation des Nations Unies).
P.S. (Parti Socialiste).
C.G.T./ CGT (Confédération Générale du Travail).
OMS (Organisation Mondiale de la Santé).
_______________
53
Mot créé par Alain Finkielkraut pour désigner son dictionnaire de
mots-valises, Le Petit Fictionnaire illustré, Editions du Seuil, collection «Points»,
1981.
54
Cf. Marie-Françoise Mortureux, La lexicologie entre langue et discours,
Editions SEDES, 1997, p. 52-53.
183
La formation qui en résulte est appelée sigle55.
Les sigles ont le statut d’un nom et empruntent le genre au nom
principal sur lequel est formée l’unité synaptique :
T.G.V. (Train à Grande Vitesse): le train → le T.G.V.
C.G.T. (Confédération Générale du Travail):
la confédération → la C.G.T.
A l’époque contemporaine, le procédé est très productif. Il répond
au principe général d’économie qui agit aussi bien dans l’expression
orale que dans l’expression écrite.
La siglaison s’applique aux synapsies qui désignent des structures,
des organismes et tout autre institution ou même objet ou notion nommés
par un groupe de mots:
– pour les partis et les organismes politiques les initiales les plus
fréquentes sont:
P. (Parti), M. (Mouvement), O. (Organisation), F. (Front),
U. (Union), A. (Alliance), R. (Rassemblement),
initiales auxquelles s’ajoutent d’autres qui représentent les noms ou
les adjectifs déterminant le nom centre:
S. (Socialiste), C. (Communiste), (Démocrate), E. (Ecologiste),
N. (National), L. (Libéral), R. (Républicain):
P.S.F. – (le) Parti Socialiste Français
P.C.F. – (le) Parti Communiste Français
– pour les organismes internationaux:
O. (Organisation), C. (Convention):
O.N.U. – (l’) Organisation des Nations Unies
O.M.C. – (l’) Organisation Mondiale du Commerce
_______________
55
Le Dictionnaire Petit Robert (P.R.) définit le sigle comme «initiale
ou suite d’initiales servant d’abréviation» et le Nouveau Petit Larousse Illustré
(N.P.L.I.) comme le «groupe de lettres initiales constituant l’abréviation de
mots fréquemment employés» et logotype ou logo le «groupe de lettres, abré-
viations, etc. fondues en un seul bloc pour accélérer la composition typo-
graphique».
184
O.I.T. – (l’) Organisation Internationale du Travail
C.I.D.E. – (la) Convention Internationale des Droits de l’Enfant
– pour les organismes financiers et économiques:
B. (Banque), F. (Fond), C. (Compagnie), S. (Société), R. (Régie):
B.N.P. – (la) Banque Nationale Populaire
F.M.I. – (le) Fond Monétaire International
S.N.C.F. – (la) Société Nationale des Chemins de Fer
C.F.P. – (la) Compagnie Française du Pétrole
R.A.T.P. – (la) Régie Autonome des Transports Parisiens
– pour les structures et organismes administratifs:
M. (Ministère), D. (Direction), DG (Direction Générale),
S. (Service), O. (Office):
M.E.N. – (le) Ministère de l’Education Nationale
D.G.S.E. – (la)Direction Générale de Sécurité Extérieure
D.G.T. – (la) Direction Générale de Télécommunications
O.R.T.F. – (l’) Office de Radio-télévision Française
– pour les structures universitaires et les maisons d’édition:
E. (Ecole;Enseignement), I. (Institut), D. (Diplôme), C. (Centre),
R. (Recherche), U. (Unité), S. (Section):
U.E.R. – (l’) Unité d’Enseignement et de Recherche
H.E.C. – (les) Hautes Etudes Commerciales
I.U.T. – (l’) Institut Universitaire de Technologie
I.U.F.M. – (l’) Institut Universitaire de Formation des Maîtres
D.U. – (le)Diplôme universitaire
D.E.U.G. – (le) Diplôme d’Études Universitaires Générales
S.T.S. – (la) Section de Techniciens Supérieurs
La prononciation des sigles se fait, dans la plupart des cas, par
l’épellation successive des lettres qui les composent:
H.L.M. (hachélemme) [aΣεlΕ]
C.G.T. (cégété) [seΖete]
S.N.C.F. (essencéeffe) [εsεnseεf]
O.R.T.F. (oertéeffe) [oε{teεf]
I.U.F.M. (iueffemme) [iyεfεm]
185
Lorsque l’agencement des lettres le permet, les sigles sont pro-
noncés comme les mots ordinaires:
E.N.A [ena], O.V.N.I. [ovni]
Certains sigles sont formés sur la première syllabe des mots qu’ils
réduisent56:
DIREP – [di{εp] Direction du Personnel
DIREN – [di{εn] Direction Regionale de l’Environnement
USINOR – [yzin {] Union Sidérurgique du Nord
SOFRES – [s f{Εs] Société Française d’Etudes et de Sondages
LIBER – [libΕ{] Ligue des Bibliothèques Européennes de
Recherche
Les sigles intégrés complètement au système de la langue peuvent,
au point de vue lexical, se constituer en base de dérivation suffixale
(ils permettent de dériver des adjectifs) et, au point de vue syntaxique,
se constituer en déterminant à valeur adjectivale:
CGT → cégétiste (membre du syndicat «la Confédération
Générale du Travail»)
CAPES → capétien, enne (titulaire du Certificat d’Aptitudes
à l’Enseignement Second degré)
ENA→ énarque (étudiant/ étudiante à l’Ecole Nationale
d’Administration)
un député cégétiste
un maire cégétiste (membre de la Confédération Française
Démocratique du Travail)
La siglaison apparaît actuellement comme un procédé très
productif. Elle s’applique à toutes sortes de structures dénominatives
en vertu du seul principe de l’économie. On dit couramment: la RTT
_______________
56
Les mots formés des syllabes initiales de plusieurs mots sont appelés
des acronymes (>gr. acros «extrême»). C’est le terme dont on désigne aussi
certains mots composés de l’élément initial d’un mot et de l’élément final
d’un autre ou d’un autre mot utilisé dans sa totalité: camescope Å (caméra
+ magnétoscope), restoroute Å (restaurant + route), alcootest Å (alcool +
test). Les mots formés sur ce dernier modèle sont appelés aussi des mots-
valise.
186
(la Réduction du temps de travail), les CPGE (les Cours préparatoires
pour les grandes écoles). Diffusés par les médias et surtout par la presse,
les sigles connaissent une très large diffusion. Ils sont entrés dans le
vocabulaire de tous les jours, de toutes les catégories de locuteurs .
Les deux types de formation de mots nouveaux par l’abré-
viation, sous forme de sigles ou par la réduction des syllabes finales,
représentent une des caractéristiques du français de longue date et de
grande ampleur et l’individualise par rapport aux autres langues.

187
EXERCICES

1. Introduction

A.
• Donnez la définition du mot.
• Dites en quoi consiste la différence entre le lexique et le voca-
bulaire.
• Quels sont les plans sur lesquels les mots peuvent être identifiés ?
• Quelles sont les classes de mots qu’on peut distinguer du point de
vue de la structure ?
• Quelles sont les perspectives dont on peut décrire le lexique ?
• Quelles sont les classes de mots du point de vue du contenu ?

B.
1. Précisez la nature des mots ci-dessous:
maison (a) mot dénotatif, (b) mot métalinguistique, (c) mot-outil.
mais (a) mot dénotatif, (b) mot métalinguistique, (c) mot-outil.
syntagme (a) mot dénotatif, (b) mot métalinguistique, (c) mot-outil.
pourquoi (a) mot dénotatif, (b) mot métalinguistique, (c) mot-
outil.
fête(a) mot dénotatif, (b) mot métalinguistique, (c) mot-outil.

2. Précisez le statut des mots ci-dessous:


(a) mot graphiquement et morphologiquement simple (b) mot
graphiquement simple et morphologiquement complexe (c) mot
graphiquement et morphologiquement complexes.
2.1. arbre
2.2. reposer
2.3. repas
2.4. fonctionnement
2.5. bon marché
2.6. crayon
2.7. grands-parents

188
Solutions
(a) ; 1.2. (c) ; 1.3. (b) ; 1.4 (c) ; 1.5. (a)
2.1.(a) ; 2.2. (b) ; 2.3. (a) ; 2.4. (b) ; 2.5. (c) ; 2.6. (a) ; 2.7. (c)

2. Dérivation

A.
• Quels sont les opérateurs de dérivation ?
• Quels sont les éléments qu’on doit prendre en compte dans le
mécanisme de dérivation ?
• Quels sont les types de dérivation ?

B.
1. Les mots dérivés ci-dessous résultent de la dérivation para-
digmatique. Dites si c’est Vrai ou Faux
livre → livresque
calme → calmement
maison → maisonnette
porte → portière
rouge → rougir
parfait → imparfait

2. Précisez la nature des éléments qui s’ajoutent aux bases des


mots ci-dessous:
courageux (a) suffixe; (b) préfixe; (c) suffixe et préfixe
recommandation(a) suffixe; (b) préfixe; (c) suffixe et préfixe
encouragement (a) suffixe; (b) préfixe; (c) suffixe et préfixe
refaire (a) suffixe; (b) préfixe; (c) suffixe et préfixe
formation (a) suffixe; (b) préfixe; (c) suffixe et préfixe

3. Précisez le statut des formes soulignés dans les contextes ci-


dessous:
On veut dîner à 20 heures. (a) verbe, (b) nom, (c) adjectif
Le dîner est servi à 20 heures. (a) verbe, (b) nom, (c) adjectif
Il y a beaucoup de gens curieux. (a) verbe, (b) nom,
(c) adjectif
Les curieux se sont déjà rassemblés. (a) verbe, (b) nom,
189
(c) adjectif
Je l’ai vu embêtant les gens. (a) verbe, (b) nom, (c) adjectif
Il est embêtant d’attendre tant. (a) verbe, (b) nom, (c) adjectif
On a voté la loi de l’environnement. (a) verbe, (b) nom,
(c) adjectif
La loi votée sera publiée dans le Journal Officiel. (a) verbe,
(b) nom, (c) adjectif

4. Dans les mots suivants identifiez la base de dérivation:


4.1. embouteillage (a) embouteiller; (b) bouteille; (c) bouteillage
4.2. effronté (a) front; (b) effronter; (c) effront
4.3. indépassable (a) passable; (b) passer; (c) dépasser
4.4. allonger (a) long; (b) longer; (c) allong
4.5. dérouter (a) déroute; (b) route; (c) router

5. Ajoutez aux bases données le préfixe correspondant.


5.1. blocage (a) dé(s); (b) en /em; (c) sur
5.2. mener (a) dé(s); (b) en /em; (c) sur
5.3. traîner (a) dé(s); (b) en /em; (c) sur
5.4. abondance (a) dé(s); (b) en /em; (c) sur
5.5. armement (a) dé(s); (b) en /em; (c) sur
5.6. abonder (a) dé(s); (b) en /em; (c) sur

Solutions
1.1. Vrai 2.1. (a)
1.2. Vrai 2.2. (c)
1.3. Faux 2.3. (c)
1.4. Faux 2.4. (b)
1.5. Vrai 2.5. (a)
1.6. Faux
3.1 (a); 3.2. (b); 3.3. (c); 3.4. (b); 3.5. (a); 3.6. (c) : 3.7. (a); 3.8. (c).
4.1. (b); 4.2. (a); 4.3. (c); 4.4. (a) ; 4.5. (b)
5.1. (a); 5.2. (b); 5.3. (c) (b); 5.4. (c); 5.5. (a); 5.6. (c)

190
1. La composition

A.
• Donnez la définition de la composition en tant que mécanisme
de formation de nouveaux mots.
• Combien de types de composition y a-t-il en français suivant
l’origine des éléments constitutifs ?
• Quelles sont les classes de mots dans lesquelles il y a des mots
composés ?

B.
1. Précisez la nature des termes qui entrent dans la structure des
mots composés suivants:
1.1. porte-drapeau (a) N+N ; (b) N+Adj.; (c) V+N
1.2. pont-route (a) N+N ; (b) N+Adj.; (c) V+N
1.3. coffre-fort (a) N+N ; (b) N+Adj.; (c) V+N
1.4. mainmorte (a) N+N ; (b) N+Adj.; (c) V+N
1.5. chef-d’œuvre (a) N+N ; (b) N+Adj.; (c) V+N
1.6. garde-malade (a) N+N ; (b) N+Adj.; (c) V+N

2. Précisez dans quel type de composition s’inscrivent les mots


ci-dessous:
2.1. multilinguisme (a) composition française; (b) composition
savante.
2.2. bonhomie (a) composition française; (b) composition savante.
2.3. bon marché (a) composition française; (b) composition
savante.
2.4. philologie (a) composition française; (b) composition savante.
2.5. gentilhomme (a) composition française; (b) composition
savante.
2.6. sociologie (a) composition française; (b) composition savante.

Solutions
1.1. (c); 1.2. (a); 1.3. (b); 1.4. (b); 1.5. (a); 1.6. (c)
1.2. (b); 2.2. (a); 2.3.(a); 2.4. (b); 2.5. (a); 2.6. (c)

191
BIBLIOGRAPHIE

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contemporain, PUF, 1991, Paris.
• CRISTEA T., Structures signifiantes et relations sémantiques en français
contemporain, Editura Fundaţiei România de Mâine, Bucureşti, 2006.
• CUNIŢĂ, Al., LA FORMATION DES MOTS. La dérivation lexicale en
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