Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
C
surfaces d’articulation utilisées pour l’émis-
sion des consonnes ? Quels sont les éléments des relations entre les pièces articulatoires
des remparts prothétiques qui peuvent gêner lors de l’émission des phonèmes les plus
importants et des corrections à apporter aux
l’émission des phonèmes ? Comment un pala-
extrados prothétiques pour faciliter cette
togramme peut-il contribuer à améliorer les émission. Un prochain article traitera des empreintes
remparts prothétiques. phonétiques et des protocoles correspondants.
EVOLUTION DU LANGAGE
L’homme est seul à parler. Quel avantage sélectif avaient
donc sur leurs congénères ceux de nos ancêtres qui ont
commencé à articuler des sons ? Les scénarios d’émer-
gence du langage s’appuient sur la capacité d’entretenir
des liens sociaux parmi les grands groupes que formaient
les ethnies préhistoriques. Les alliances étaient L’émission française de sons est pure, moins
indispensables à la survie des individus. Les capaci- gutturale que dans les langues germaniques. La
tés symboliques comme l’art ou les innovations nasalité y est d’un emploi fréquent. Les correc-
techniques ne peuvent se passer de la communica- tions et palatogrammes varient avec les
tion verbale qui, à l’origine, devait être gestuelle. différents groupes linguistiques. Le meilleur
Ces phénomènes culturels dateraient de –100000 exemple vient du placement articulatoire de la
ans (1). Faisons un saut de géant pour nous intéres- langue en palatal lors de l’émission du T anglais.
ser à l’acte phonatoire contemporain, en particulier Le praticien tiendra compte des placements arti-
chez le patient édenté appareillé. Si une bonne culatoires dans la langue maternelle du patient.
stabilité prothétique et une esthétique acceptée
répondent aux premières exigences, il y a encore PLACEMENTS ARTICULATOIRES
une étape ultime, éventuellement corrective à DES PHONEMES
accomplir avec la prothèse totale : c’est la restitu- Les phonèmes sont caractérisés par des surfaces
tion d’une phonation correcte. Avec quelques tests d’articulation précises donnant la position de la
d’émission de phonèmes lors de l’essai fonctionnel langue dans la cavité buccale en contact avec les
et, si nécessaire, un palatogramme, le rétablisse- remparts prothétiques et l’extrados de la prothè-
ment de la fonction phonatoire complètera la se. On distingue les articulations formées avec le
réussite de la réhabilitation prothétique. dos ou la pointe (apex) de la langue ; cet organe
est constitué par un ensemble complexe de
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DU LANGAGE muscles attachés à l’os hyoïde. Son plus grand
Le centre du langage est situé dans l’hémisphère contour s'établit au niveau des surfaces occlu-
gauche dans une zone nommée aire de Broca. Le sales des dents mandibulaires.
mécanisme de l’appareil phonateur comprend : Les points d'articulations des phonèmes se font
l'appareil respiratoire, le larynx, et les cavités de à différents niveaux : labial, dental, apical, alvéo-
résonance : pharynx, bouche et nez. Le larynx est laire, palatal, dorsal et vélaires (fig. 2). Le mode
une sorte d’entonnoir mû par des muscles et des articulatoire prend aussi en compte la manière de
nerfs. Il comprend les cartilages aryténoïdes, réaliser l'articulation d'un phonème : nasal, oral,
thyroïdes et cricoïdes. Cet entonnoir est tapissé sourd, sonore, occlusif, fricatif ou affriqué.
de lèvres muqueuses extensibles appelées Les voyelles
cordes vocales. Lors de leur émission, l’attitude de la cavité bucca-
L’espace compris entre ces cordes vocales repré- le est quelconque. Il n’y a pas de contact entre les
sente la glotte. Lorsqu’on ne parle pas, la glotte organes buccaux. La pointe de la langue se trouve
reste béante avec les cordes vocales disjointes. derrière les dents antérieures mandibulaires, de
Lors de la phonation ces cordes vocales se sorte que le souffle sonore ne rencontre aucun
rapprochent en se tendant ; l’air rejeté traverse obstacle.
cette glotte, frôle les cordes vocales en les En fonction du mode d'articulation, on distingue
faisant vibrer : la phonation est ainsi créée (fig. 1). plusieurs types de voyelles :
Mais les sons engendrés par le larynx ne pour- Les voyelles buccales
raient se différencier ni se transformer en Le voile du palais est relevé ; le son s’échappe
langage sans les cavités de résonance sises au- totalement par la bouche.
dessus de celui-ci. Le futur son articulé a besoin • La voyelle alvéolo-palato antérieure U (fig. 3).
de la gorge, du nez et de la bouche. Ces cavités Les lèvres sont rapprochées, les dents presque
à géométrie variable créent autant de sons serrées. Le dos de la langue effleure le tiers anté-
qu’elles prennent d’attitudes différentes. On peut rieur du palais au niveau des papilles palatines. La
par exemple émettre des laryngées vibrantes (i) cavité de résonance pharyngienne domine,
des nasales (an) ou des bilabiales (p). comme dans UsUre, tUmUlUs.
i fermé
6 7
on nasal
8
11 12
Fig. 11 Sur-extension à
rectifier pour une difficulté
d’articulation de T ou D.
Fig. 12 Musculature du
plancher buccal.
Fig. 13 La place de la
langue est différente pour
l’articulation du T.
13
laires. Le voile est relevé. Le larynx est muet pour Par ailleurs, l’emploi de préformes pour un palais
le T (consonne sourde), il vibre pour le D consonne sculpté gène l’émission des apico-dentales par la
sonore.T et D comme dans Thé et Dé. création d’une sur-épaisseur. Il faut veiller à abais-
Un premier test nous permet de régler le joint ser le collet palatin des dents antérieures sous le
sublingual : le patient place la langue entre ses cingulum afin de permettre le placement correct
lèvres et émet les sons T et D. Cette action a de la pointe de la langue dans cette zone. Une
pour effet de mobiliser le génio-glosse et le sur-épaisseur conduit la langue à glisser vers l’ex-
génio-hyoïdien qui auront tendance à soulever la térieur de la bouche. Des dents artificielles de
prothèse mandibulaire en cas de sur-extension à petit diamètre vestibulo-palatin aident à corriger
ce niveau. La correction se fait au niveau lingual ce défaut. Les dents antérieures Candulor®
des premières prémolaires (fig. 11) Le test offrent ce profil morphologique.
suivant lors des mêmes émissions a pour but de • Particularisme anglophone : (fig. 13). L’émission
régler le bord latéro-postérieur au niveau de la du T anglais sera plus fortement influencée par le
ligne oblique interne. S’il existe une sur-extension relief des papilles palatines, celle-ci se faisant
à ce niveau, la prothèse se soulève distalement plus en arrière, au niveau palato-alvéolaire. C'est
par l’action du muscle génio-glosse sur le muscle alors un avantage de pouvoir employer des dents
mylo-hyoïdien, qui constitue le véritable plancher antérieures présentant de fort diamètre cingulai-
buccal. La correction prothétique se fera au re, de façon à reculer le placement articulatoire.
niveau des première et deuxième molaires L’emploi des dents antérieures Vitapan® permet
mandibulaires en réduisant le bord (fig. 12). de répondre à cette situation.
m’
14 15
Fig. 16 Une
surépaisseur pala-
tale en regard des
prémolaires et
molaires nuit à l’ar-
ticulation des
dorso-velaires.
Fig. 17 Articulation
du R roulé.
Fig. 18 Articulation
du R uvulaire.
16 17
Fig. 19 Articulation
des V et F.
Fig. 20 Articulation
des S et Z.
v’ et f’ s’ et z’ Fig. 21 Articulation
du CH.
19 20
22
23a 23b
24a 24b
laires. Le dos s’élève et rejoint le fond du palais, de confiance en la rétention des bases due à une
le voile est relevé. Il ne faut pas construire un D.V.O. excessive ;
volume nuisible en zone rétro-incisive mandibu- • il éprouve une gêne à l’émission des labio-
laire. Une double concavité aide au placement dentales F et V à cause d'une position verticale et
articulatoire correct ; comme dans Cou et Goût. sagittale erronée des incisives maxillaires ;
• il existe un zézaiement ou sifflement : on doit
LE PALATOGRAMME EN PROTHESE TOTALE revoir les points d’appuis rétro-incisifs ou dimi-
Un palatogramme est l’empreinte de la langue nuer la D.V.O. ;
sur la voûte palatine lors de l’articulation d’un • il existe une gêne à l’émission du AH : l’endi-
son. Il permet par son mode articulatoire de guement postérieur est insuffisant ;
guider la suppression ou l’ajout d'appuis phona- • il existe une gêne à l’émission des bilabiales
toires au niveau des remparts prothétiques. On P-.B-.M. : envisager une surévaluation de la D.V.O.
peut utiliser l’Occlu plus spray®. Prenons pour ou un volume rétro-incisif trop important ;
l’exemple l’émission des apico-dentales T et D, et • il existe un problème à l’émission des guttu-
un recouvrement erroné du cingulum des inci- rales GUEU et QUEU : envisager un chuintement
sives maxillaires : une trace soustrait la poudre par une sur-épaisseur du joint postérieur ou une
d’articulation et indique l’abaissement du collet zone molaire latérale trop épaisse ;
pour un placement articulatoire avec un contact- • il existe un problème à l’émission des liguo-
mémoire dans la concavité ainsi créée (fig. 23). dentales D et T : la face palatine du bloc
Un autre exemple peut être donné pour l’émis- incisivo-canin est mal située sagittalement.
sion des apico-alvéolaires S et Z. Le palato- L’approche phonétique exige une étroite collabo-
gramme montre une nécessité de placement arti- ration entre le praticien et le laboratoire qui
culatoire plus large. En plus de l’abaissement de apportera sa compétence dans la construction
la ligne des collets, un meulage sélectif aménage des surfaces articulatoires correctes en regard
une zone concave dans la face palatine des des placements de la langue. La collaboration
prémolaires maxillaires (fig. 24). avec le patient (connaissance précise en anato-
mie et en myologie) est tout aussi importante.
CONCLUSION L'emploi de protocoles phonétiques bien compris
Les dernières étapes correctives dans l’élabora- est un atout pour régler le porte-empreinte, pour
tion des prothèses adjointes totales destinées à la prise d’empreintes secondaires, et pour régler
pallier les principales doléances du patient la longueur des bords prothétiques et la forme
peuvent être normalisées : des remparts alvéolaires.
• il peut parler les dents serrées par un manque
BIBLIOGRAPHIE
1. Coppens Y, Picq P. Aux origines de l’humanité. 4. Malmberg B. La phonétique. Presses Universitaires
Fayard Edit. Paris 2001. de France Edit Paris, 1954.
2. Deffez JP, Fellus P, Gérard C. Rééducation de la 5. Sobotta Atlas d’anatomie humaine. Editions médi-
déglutition salivaire. CdP Edit Paris, 1995. cales internationales, Paris, 1994.
3. Hagond H. Traité de diction française. Office de
publicité Edit., 1951.
Adresse de l’auteur :
Edward TONDOWSKI 98 rue d’Hoves 7830 Graty - email : tondowskie@easynet.be