Vous êtes sur la page 1sur 12

Cabinet Laboratoire

L’influence des remparts


prothétiques sur la
phonétique en prothèse
adjointe totale
E. TONDOWSKI, prothésiste dentaire

Quelles sont les pièces articulatoires mises en


jeu lors de la phonation ? Comment la langue
intervient-elle dans la prononciation des
voyelles et des phonèmes ? Quelles sont les
et article traite essentiellement de l’analyse

C
surfaces d’articulation utilisées pour l’émis-
sion des consonnes ? Quels sont les éléments des relations entre les pièces articulatoires
des remparts prothétiques qui peuvent gêner lors de l’émission des phonèmes les plus
importants et des corrections à apporter aux
l’émission des phonèmes ? Comment un pala-
extrados prothétiques pour faciliter cette
togramme peut-il contribuer à améliorer les émission. Un prochain article traitera des empreintes
remparts prothétiques. phonétiques et des protocoles correspondants.

EVOLUTION DU LANGAGE
L’homme est seul à parler. Quel avantage sélectif avaient
donc sur leurs congénères ceux de nos ancêtres qui ont
commencé à articuler des sons ? Les scénarios d’émer-
gence du langage s’appuient sur la capacité d’entretenir
des liens sociaux parmi les grands groupes que formaient

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5


371
Phonétique en prothèse totale - E. Tondowski

les ethnies préhistoriques. Les alliances étaient L’émission française de sons est pure, moins
indispensables à la survie des individus. Les capaci- gutturale que dans les langues germaniques. La
tés symboliques comme l’art ou les innovations nasalité y est d’un emploi fréquent. Les correc-
techniques ne peuvent se passer de la communica- tions et palatogrammes varient avec les
tion verbale qui, à l’origine, devait être gestuelle. différents groupes linguistiques. Le meilleur
Ces phénomènes culturels dateraient de –100000 exemple vient du placement articulatoire de la
ans (1). Faisons un saut de géant pour nous intéres- langue en palatal lors de l’émission du T anglais.
ser à l’acte phonatoire contemporain, en particulier Le praticien tiendra compte des placements arti-
chez le patient édenté appareillé. Si une bonne culatoires dans la langue maternelle du patient.
stabilité prothétique et une esthétique acceptée
répondent aux premières exigences, il y a encore PLACEMENTS ARTICULATOIRES
une étape ultime, éventuellement corrective à DES PHONEMES
accomplir avec la prothèse totale : c’est la restitu- Les phonèmes sont caractérisés par des surfaces
tion d’une phonation correcte. Avec quelques tests d’articulation précises donnant la position de la
d’émission de phonèmes lors de l’essai fonctionnel langue dans la cavité buccale en contact avec les
et, si nécessaire, un palatogramme, le rétablisse- remparts prothétiques et l’extrados de la prothè-
ment de la fonction phonatoire complètera la se. On distingue les articulations formées avec le
réussite de la réhabilitation prothétique. dos ou la pointe (apex) de la langue ; cet organe
est constitué par un ensemble complexe de
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DU LANGAGE muscles attachés à l’os hyoïde. Son plus grand
Le centre du langage est situé dans l’hémisphère contour s'établit au niveau des surfaces occlu-
gauche dans une zone nommée aire de Broca. Le sales des dents mandibulaires.
mécanisme de l’appareil phonateur comprend : Les points d'articulations des phonèmes se font
l'appareil respiratoire, le larynx, et les cavités de à différents niveaux : labial, dental, apical, alvéo-
résonance : pharynx, bouche et nez. Le larynx est laire, palatal, dorsal et vélaires (fig. 2). Le mode
une sorte d’entonnoir mû par des muscles et des articulatoire prend aussi en compte la manière de
nerfs. Il comprend les cartilages aryténoïdes, réaliser l'articulation d'un phonème : nasal, oral,
thyroïdes et cricoïdes. Cet entonnoir est tapissé sourd, sonore, occlusif, fricatif ou affriqué.
de lèvres muqueuses extensibles appelées Les voyelles
cordes vocales. Lors de leur émission, l’attitude de la cavité bucca-
L’espace compris entre ces cordes vocales repré- le est quelconque. Il n’y a pas de contact entre les
sente la glotte. Lorsqu’on ne parle pas, la glotte organes buccaux. La pointe de la langue se trouve
reste béante avec les cordes vocales disjointes. derrière les dents antérieures mandibulaires, de
Lors de la phonation ces cordes vocales se sorte que le souffle sonore ne rencontre aucun
rapprochent en se tendant ; l’air rejeté traverse obstacle.
cette glotte, frôle les cordes vocales en les En fonction du mode d'articulation, on distingue
faisant vibrer : la phonation est ainsi créée (fig. 1). plusieurs types de voyelles :
Mais les sons engendrés par le larynx ne pour- Les voyelles buccales
raient se différencier ni se transformer en Le voile du palais est relevé ; le son s’échappe
langage sans les cavités de résonance sises au- totalement par la bouche.
dessus de celui-ci. Le futur son articulé a besoin • La voyelle alvéolo-palato antérieure U (fig. 3).
de la gorge, du nez et de la bouche. Ces cavités Les lèvres sont rapprochées, les dents presque
à géométrie variable créent autant de sons serrées. Le dos de la langue effleure le tiers anté-
qu’elles prennent d’attitudes différentes. On peut rieur du palais au niveau des papilles palatines. La
par exemple émettre des laryngées vibrantes (i) cavité de résonance pharyngienne domine,
des nasales (an) ou des bilabiales (p). comme dans UsUre, tUmUlUs.

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5


372
Cabinet Laboratoire

Fig. 1 Cordes vocales.


Fig. 2 Points d’articulation des phonèmes.

• La voyelle palatale A. La langue s’étale en s’éle- Les voyelles nasales


vant vers le palais, elle touche toutes les dents La nasalité s’obtient par l’abaissement du palais
mandibulaires. Les deux résonateurs, cavité mou, le fond de bouche étant presque fermé. Ce
buccale et pharynx, sont d’un volume égal (fig. 4). sont les muscles péristaphylins internes et
Comme dans tApiocA, mAssAcre, pAnAmA. externes, ainsi que le staphylo-glosse et le
La voyelle palatale E. La langue s’élève en s’avan- staphylo-pharyngé qui sont tenseurs et éléva-
çant vers le palais dur ; ses côtés se pressent sur teurs du voile du palais. En présence d’un voile
les molaires maxillaires ; avec une diminution du atonique, le bourrelet de Passavant aide à la jonc-
volume de la bouche et une augmentation de tion complète de la zone vélo-palatine.
celui du pharynx (fig. 5). Comme dans mErvEillE,
L’incompétence palatine peut être rééduquée à
rEinEttE, pErplExE.
l’aide d’un artifice prothétique. L’entrée des
• La voyelle palatale I. La position de la langue est
fosses nasales est libre et les sons y résonnent.
haute, la voyelle est fermée et le voile fortement
relevé. Les dents sont rapprochées et décou- Il y a peu de langues en Europe où la nasalité ait
vertes. La pointe de la langue s'appuie sur les une telle importance linguistique qu’en français. Il
incisives mandibulaires (fig. 6). Comme dans n’y a que le portugais et le polonais qui possè-
sImIlItude, IntImIté, mIdI. Pour l’émission correc- dent de véritables voyelles nasales.
te de cette voyelle, une concavité doit être La voyelle dorsale ON. Le voile est fortement
aménagée en regard lingual des secteurs posté- abaissé, le dos de la langue monte en reculant
rieurs mandibulaires permettant d'offrir un repère dorsalement. Les lèvres sont projetées en avant.
aux bords latéraux de la langue pour son place- Le son s’échappe principalement par le nez (fig.
ment articulatoire (fig. 7). 8). Comme dans : bON, pOMpON, dONjON.

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5


373
Phonétique en prothèse totale - E. Tondowski

U fermé a ouvert è ouvert


3 4 5

i fermé
6 7

Fig. 3 Circulation de l’air lors de l’articulation du U.


En vert, le volume de résonance.
Fig. 4 Circulation de l’air lors de l’articulation du A.
En vert, les volumes de résonance.
Fig. 5 Circulation de l’air lors de l’articulation du E.
En vert, les volumes de résonance.
Fig. 6 Circulation de l’air lors de l’articulation du I.
En vert, les volumes de résonance.
Fig. 7 Concavité ménagée dans les secteurs postérieurs mandibulaires pour
faciliter le placement lingual lors de l’émission de la voyelle I.

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5


374
Cabinet Laboratoire

OCCLUSIVES NASALES CONSTRICTIVES


Médianes Latérales Vibrantes
Bilabiales P B M
Labio-dentales F V
Apico-dentales
Apico-alvéolaires T D N S Z L R
Prédorso-alvéolaire S Z
Dorso-Palatales J W
Dorso-post palatales K G N
Post-dorso velaires K G N R
Post-dorso
Post-velaires W
9

on nasal
8

Les consonnes (fig. 9)


Elles naissent des modifications produites dans la
bouche lorsque deux organes se joignent en un
point pour créer une fermeture ou un rétrécisse-
ment du passage de l’air. Il existe des consonnes
momentanées qui supposent une occlusion
complète suivie d’une ouverture brusque (appe-
lée explosive) et des consonnes continues qui b’ et p’
peuvent être prolongées tant que l’air pulmonaire
le permet. Les premières sont appelées en 10
phonétique des occlusives, parce que la phase la
plus importante de leur formation est l’occlusion Fig. 8 Circulation de l’air lors de l’articulation du ON.
momentanée du passage de l’air. Toute articula- Fig. 9 Classification des consonnes.
tion consonantique peut être accompagnée de Fig. 10 Circulation de l’air lors de l’articulation B et P.
vibrations laryngiennes ou se faire sans participa-
tion des cordes vocales. Nous en concluons
qu’une consonne occlusive peut donc être sono- appliquées l’une contre l’autre sur toute leur
re ou sourde. étendue ; la langue et la mâchoire ne participent
Toute consonne se définit donc d’après son pas à l’articulation ; celle-ci s’achève quand les
mode articulatoire et d’après son point d’articula- lèvres s’écartent. La pointe de la langue est
tion. Un T sera une occlusive sourde pour le posée en arrière des dents antérieures mandibu-
mode d’articulation et une apico-alvéolaire pour laires. Ce sont les consonnes P et B comme dans
son point d’articulation. Peau et Beau (fig. 10).
Classification des consonnes selon le point d'arti- • Les apico-dentales
culation. On distingue : La pointe de la langue monte derrière et tout contre
• Les occlusives bilabiales les dents et les gencives maxillaires. Les bords
L'occlusion est réalisée avec les deux lèvres latéraux sont en contact avec les molaires maxil-

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5


375
Phonétique en prothèse totale - E. Tondowski

11 12

Fig. 11 Sur-extension à
rectifier pour une difficulté
d’articulation de T ou D.
Fig. 12 Musculature du
plancher buccal.
Fig. 13 La place de la
langue est différente pour
l’articulation du T.
13

laires. Le voile est relevé. Le larynx est muet pour Par ailleurs, l’emploi de préformes pour un palais
le T (consonne sourde), il vibre pour le D consonne sculpté gène l’émission des apico-dentales par la
sonore.T et D comme dans Thé et Dé. création d’une sur-épaisseur. Il faut veiller à abais-
Un premier test nous permet de régler le joint ser le collet palatin des dents antérieures sous le
sublingual : le patient place la langue entre ses cingulum afin de permettre le placement correct
lèvres et émet les sons T et D. Cette action a de la pointe de la langue dans cette zone. Une
pour effet de mobiliser le génio-glosse et le sur-épaisseur conduit la langue à glisser vers l’ex-
génio-hyoïdien qui auront tendance à soulever la térieur de la bouche. Des dents artificielles de
prothèse mandibulaire en cas de sur-extension à petit diamètre vestibulo-palatin aident à corriger
ce niveau. La correction se fait au niveau lingual ce défaut. Les dents antérieures Candulor®
des premières prémolaires (fig. 11) Le test offrent ce profil morphologique.
suivant lors des mêmes émissions a pour but de • Particularisme anglophone : (fig. 13). L’émission
régler le bord latéro-postérieur au niveau de la du T anglais sera plus fortement influencée par le
ligne oblique interne. S’il existe une sur-extension relief des papilles palatines, celle-ci se faisant
à ce niveau, la prothèse se soulève distalement plus en arrière, au niveau palato-alvéolaire. C'est
par l’action du muscle génio-glosse sur le muscle alors un avantage de pouvoir employer des dents
mylo-hyoïdien, qui constitue le véritable plancher antérieures présentant de fort diamètre cingulai-
buccal. La correction prothétique se fera au re, de façon à reculer le placement articulatoire.
niveau des première et deuxième molaires L’emploi des dents antérieures Vitapan® permet
mandibulaires en réduisant le bord (fig. 12). de répondre à cette situation.

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5


376
Cabinet Laboratoire

m’
14 15

Fig. 14 Articulation de la consonne M.


Fig. 15 Montage mandibulaire trop lingual empêchant l’articulation du GN.

• La consonne latérale L • Consonne apico-dentale nasale N


Seule la pointe de la langue touche légèrement le La pointe de la langue monte contre les dents
palais dur immédiatement au-dessus du collet maxillaires antérieures de façon à barrer complè-
des incisives maxillaires. Le passage du souffle tement le passage de l'air. Les commissures
est donc stoppé au milieu du palais ; alors que les s’écartent, le voile est abaissé ; le souffle
bords latéraux de la langue ne touchent pas les s’échappe longuement par le nez. L’articulation
molaires supérieures. C’est par les deux côtés se termine quand la langue se sépare des dents,
que l’air expiré s’écoule aussi longuement que comme dans NaiNe, aNaNas, NomiNal.
l’on veut. Cette consonne est appelée glissante • Consonne dorso-palatale nasale GN
latérale. Comme dans Lit, Loup, aLLer. Les lèvres n’ont pas de part active à cette articula-
Les consonnes nasales tion. La partie médiane et le dos de la langue
Lors de leur émission, il y a fermeture du canal rejoignent le palais dur et s’y étalent, la pointe
buccal par la position abaissée du voile du palais reste en arrière des incisives mandibulaires. Il y a
et un passage libre de l’air par le nez. Les lèvres occlusion buccale complète par la langue et le voile
se touchent. qui est abaissé. Le souffle s’échappe par le nez.
• Consonne bilabiale nasale M (fig. 14) Comme dans oiGNon, gaGNer, siGNal. Un monta-
La langue ne participe pas à l’articulation. Les ge prothétique mandibulaire hors des crêtes et à
lèvres se touchent, le voile est abaissé, le souffle direction linguale empêche l’élévation naturelle de
peut s’écouler par les narines. Comme dans la langue, contrariant cette émission (fig. 15).
MoMie, MaMan, MiMer. Les dents artificielles postérieures anatomiques

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5


377
Phonétique en prothèse totale - E. Tondowski

Fig. 16 Une
surépaisseur pala-
tale en regard des
prémolaires et
molaires nuit à l’ar-
ticulation des
dorso-velaires.
Fig. 17 Articulation
du R roulé.
Fig. 18 Articulation
du R uvulaire.
16 17

Kilo, Kopeck, Coquille, une surépaisseur palatale


au niveau de prémolaires et molaires maxillaires
nuit à l’émission correcte des dorso-vélaires (fig.
16). Une concavité de cette zone améliore le
placement articulatoire.
Consonnes constrictives
• La constrictive vibrante R
Elle est émise de telle façon que l’organe articu-
lant, la pointe de la langue ou la luette, forme une
série d’occlusions très brèves. Nous prendrons
en exemple deux sortes de R : l'un antéro-apical
18 et l’autre postéro-uvulaire. Le premier est
prononcé de telle sorte que la pointe de la
langue, touchant les procès alvéolaires, est pres-
permettent un bon placement de la langue en sée en avant par le courant d’air. Grâce à son
créant un relief favorable au placement de son élasticité, la langue retourne à sa première posi-
bord latéral pour une occlusion buccale complète. tion ,et le même mouvement est répété quatre
Leurs collets seront situés sous le plus grand ou cinq fois de suite : c’est le R roulé (fig. 17). Ce
contour de la dent. L’emploi des dents posté- R apical vibrant est la forme primitive de ce
rieures de la marque Vita physiodens® est adapté. phonème en Europe. Cette forme se conserve
Un palais découpé nuit au bon placement de dans beaucoup de régions françaises. Elle a été
cette articulation ; en effet le dos de la langue remplacée à l’époque moderne par une pronon-
prend alors une forme de voûte qui empêche ciation uvulaire. Ce n’est plus la pointe de la
l’occlusion buccale complète. langue, mais la luette qui vibre et qui forme des
• Consonnes dorso-vélaires KI, KA, KO contacts répétés avec la partie postérieure du
La pointe de la langue se trouve contre les inci- dos de la langue. Cette nouvelle prononciation du
sives mandibulaires, le dos s’élève et rejoint le R est un phénomène urbain et qui n’a pénétré
fond du palais, ou palais mou. Le voile étant rele- que lentement dans les campagnes, comme
vé ces consonnes sont buccales. Comme dans dans boRduRe, teRtRe, oRdRe (fig. 18).

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5


378
Cabinet Laboratoire

Fig. 19 Articulation
des V et F.
Fig. 20 Articulation
des S et Z.
v’ et f’ s’ et z’ Fig. 21 Articulation
du CH.
19 20

• Consonnes constrictives médianes S, Z.


La pointe de la langue se trouve derrière
les incisives mandibulaires, la partie
antérieure (celle faisant suite à la pointe)
est bombée vers les incisives maxillaires
sans les toucher. Les bords latéraux
touchent les molaires maxillaires. Les
lèvres sont affinées et roulées en
dedans contre les gencives. C’est
l’émission du S qui provoque souvent
un sifflement ; pour le neutraliser nous
CH évitons une sur-épaisseur dans la zone
21 antérieure palatale, comme dans
aSSocier, Zéro, ZiZanie (fig. 20).
• Consonne constrictive CH
• Consonnes fricatives La pointe de la langue est dirigée vers le palais
Elles sont caractérisées par un rétrécissement du dur sans le toucher, les bords latéraux de la
passage de l’air, qui produit un bruit de friction en langue sont en contact avec les dernières
passant par la mince ouverture formée par l’orga- molaires maxillaires. Le milieu de la langue se
ne articulant. Cette ouverture peut avoir une creuse, les dents sont rapprochées et les lèvres
forme plate comme pour la labio-dentale F, ou s’avancent fortement (fig. 21). Pour la construc-
une forme ronde comme pour S. tion des châssis métalliques, c’est l’entretoise
• Consonnes constrictives dento-labiales V, F palatine qui fait souvent entrave à l’émission
Les incisives maxillaires touchent l’intérieur de la correcte du CH. La partie métallique montant
lèvre inférieure, la lèvre supérieure s’avance plus vers le collet des dents postérieures doit limiter
fortement que la lèvre inférieure. Le voile est le volume de la résine : ceci évite un rétrécisse-
relevé, comme dans ViVier, VerVe, ForFait, ment de la cavité buccale lors de l’étalement des
FrouFrou. Cette émission permet de contrôler la bords de la langue (fig. 22), comme dans CHou,
bonne position du bord libre des incisives niCHe, poCHe.
centrales supérieures, qui doivent effleurer la Les occlusives dorso-palatales K, G La pointe de
lèvre inférieure (fig. 19). la langue se trouve contre les incisives mandibu-

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5


379
Phonétique en prothèse totale - E. Tondowski

22

23a 23b

24a 24b

Fig. 22 Optimisation du tracé des châssis pour optimiser l’articulation du CH.


Fig. 23 a et b Palatogramme de l’articulation T et D avec indication d’une modification de la cire rétro-incisive.
Fig. 24 a et b Rectification du montage des prémolaires maxillaires par l’utilisation du palatogramme de l’articulation
des S et Z.

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5


380
Cabinet Laboratoire

laires. Le dos s’élève et rejoint le fond du palais, de confiance en la rétention des bases due à une
le voile est relevé. Il ne faut pas construire un D.V.O. excessive ;
volume nuisible en zone rétro-incisive mandibu- • il éprouve une gêne à l’émission des labio-
laire. Une double concavité aide au placement dentales F et V à cause d'une position verticale et
articulatoire correct ; comme dans Cou et Goût. sagittale erronée des incisives maxillaires ;
• il existe un zézaiement ou sifflement : on doit
LE PALATOGRAMME EN PROTHESE TOTALE revoir les points d’appuis rétro-incisifs ou dimi-
Un palatogramme est l’empreinte de la langue nuer la D.V.O. ;
sur la voûte palatine lors de l’articulation d’un • il existe une gêne à l’émission du AH : l’endi-
son. Il permet par son mode articulatoire de guement postérieur est insuffisant ;
guider la suppression ou l’ajout d'appuis phona- • il existe une gêne à l’émission des bilabiales
toires au niveau des remparts prothétiques. On P-.B-.M. : envisager une surévaluation de la D.V.O.
peut utiliser l’Occlu plus spray®. Prenons pour ou un volume rétro-incisif trop important ;
l’exemple l’émission des apico-dentales T et D, et • il existe un problème à l’émission des guttu-
un recouvrement erroné du cingulum des inci- rales GUEU et QUEU : envisager un chuintement
sives maxillaires : une trace soustrait la poudre par une sur-épaisseur du joint postérieur ou une
d’articulation et indique l’abaissement du collet zone molaire latérale trop épaisse ;
pour un placement articulatoire avec un contact- • il existe un problème à l’émission des liguo-
mémoire dans la concavité ainsi créée (fig. 23). dentales D et T : la face palatine du bloc
Un autre exemple peut être donné pour l’émis- incisivo-canin est mal située sagittalement.
sion des apico-alvéolaires S et Z. Le palato- L’approche phonétique exige une étroite collabo-
gramme montre une nécessité de placement arti- ration entre le praticien et le laboratoire qui
culatoire plus large. En plus de l’abaissement de apportera sa compétence dans la construction
la ligne des collets, un meulage sélectif aménage des surfaces articulatoires correctes en regard
une zone concave dans la face palatine des des placements de la langue. La collaboration
prémolaires maxillaires (fig. 24). avec le patient (connaissance précise en anato-
mie et en myologie) est tout aussi importante.
CONCLUSION L'emploi de protocoles phonétiques bien compris
Les dernières étapes correctives dans l’élabora- est un atout pour régler le porte-empreinte, pour
tion des prothèses adjointes totales destinées à la prise d’empreintes secondaires, et pour régler
pallier les principales doléances du patient la longueur des bords prothétiques et la forme
peuvent être normalisées : des remparts alvéolaires.
• il peut parler les dents serrées par un manque

BIBLIOGRAPHIE
1. Coppens Y, Picq P. Aux origines de l’humanité. 4. Malmberg B. La phonétique. Presses Universitaires
Fayard Edit. Paris 2001. de France Edit Paris, 1954.
2. Deffez JP, Fellus P, Gérard C. Rééducation de la 5. Sobotta Atlas d’anatomie humaine. Editions médi-
déglutition salivaire. CdP Edit Paris, 1995. cales internationales, Paris, 1994.
3. Hagond H. Traité de diction française. Office de
publicité Edit., 1951.

Adresse de l’auteur :
Edward TONDOWSKI 98 rue d’Hoves 7830 Graty - email : tondowskie@easynet.be

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5


381
Phonétique en prothèse totale - E. Tondowski

GLOSSAIRE CE QU’IL FAUT RETENIR


Affriqué : se dit de consonnes constituant un phonème double,
occlusives au début de l’émission et constructives à la fin (exemple :
ts, dz). • L’appareil phonateur comprend l’ap-
Articulation : 1- Mode d’union des os entre eux, Ensemble des pareil respiratoire, le larynx et les
parties souples ou dures qui unissent les os entre eux. cavités de résonance : pharynx,
2- Action de prononcer distinctement les différents sons d’une langue
bouche et nez
à l’aide des mouvements de la langue et des lèvres.
Articulatoire : qui concerne l’articulation phonétique • Les phonèmes sont caractérisés par
Articuler : 1- Réunir des os par une articulation. des surfaces d’articulation spécifiques
2- Emettre les sons de la voix à l’aide de mouvements de la langue et
entre la langue et les différents
des lèvres.
éléments de la cavité buccale
Aryténoïde : cartilages latéraux du larynx sur lesquels s’insèrent les
cordes vocales • La réalisation de prothèses amovibles
Consonantique : qui se rapporte aux consonnes étendues, en particulier les prothèses
Consonne : son produit par un rétrécissement ou un arrêt du passa-
totales, risquent de perturber les habi-
ge de l’air, généralement lors de l’expiration.
Fricative : consonne dont l’articulation comporte un resserement du tudes articulatoires des patients
canal vocal, tel que l’air expié détermine un bruit de frottement ou de • Le volume des remparts prothétiques
souffle doit être adapté aux nécessités articu-
Palatal : se dit des phonèmes dont l’articulation se fait dans la région
latoires des patients en fonction de la
antérieure du palais.
Phonation : fonction permettant l’émission de l’ensemble des langue utilisée
phonèmes aboutissant à la production de la voix et du langage articulé. • Un palatogramme permet d’objecti-
Phonatoire : qui concourt à la phonation. Syn : phonateur
ver l’articulation des phonèmes sur
Phonèmes : ils sont caractérisés par un point d’articulation précis qui
donne la position de la langue dans la cavité buccale. les surfaces prothétiques
Phonétique : 1- qui a rapport aux sons des langages. 2- Branche de
la linguistique qui étudie les sons des langues naturelles.
Résonant : qui est le siège d’un phénomène de résonance
Résonateur : appareil où peut se produire un phénomène de réso-
nance

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5


382

Vous aimerez peut-être aussi