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Phonétique et enseignement – N5OP105 Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Mineure DFLES 3e année et DUECDF UFR LLD - Département DFLE


Présence Sandrine Wachs

Cours 5
Critères ar ticulatoires de classification des sons

5.1. Critères articulatoires de classification des consonnes


5.2. Critères articulatoires de classification des voyelles
5.3. Critères articulatoires de classification des glides

Maintenant que vous connaissez (et comprenez !) l’articulation de tous les sons,
intéressons-nous à leur classement : comment peut-on les regrouper ? Sous quelle
terminologie ? Ce classement s’appuie sur celui proposé par l’Alphabet Phonétique
International : je vous renvoie à l’API dans sa dernière version : The International Phonetic
Alphabet (revised to 2018) que vous trouverez en annexe 1 bis.

L’API a été créé en 1888 par l’Association Phonétique Internationale. À la fin du 19 e siècle,
des linguistes du monde entier se retrouvent à Londres pour inventer un alphabet, à base de
symboles, qui permettrait à tous de prononcer tous les sons du monde. C’est une invention
extraordinaire ! On parle de correpondance bi-univoque entre les unités écrites et les unités
orales : on fait correspondre à chaque son un symbole unique et à chaque symbole un son
unique (… ce qui est loin d’être le cas dans l’orthographe française !).
Sur l’API [annexe 1 bis] vous trouverez des symboles pour tous les sons connus, classés
selon des critères articulatoires :
. les consonnes (pulmonic et non-pulmonic : renvoie au trajet de l’air),
. les voyelles,
. le supra-segmental (phénomènes prosodiques),
. les tons et accents,
. les diacritiques,
. et enfin, d’autres symboles.

Je ne vous demande pas de connaitre ce classement (heureusement !), il suffit juste que
vous le compreniez. Cela vous aidera à plus facilement assimiler celui qu’on adopte
généralement pour décrire les sons du français et que je vous présente ici.

5.1. Critères articulatoires de classification des consonnes

Rappelez-vous les critères articulatoires retenus pour les consonnes au cours 4.1. :

Mode d’articulation (trajet de l’air) :


- plus ou moins grande obstruction au passage de l’air (occlusives/constrictives/liquides),
- sonorité (sourdes/sonores),
- nasalité (orales/nasales).
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Point d’articulation (lieu – ou point – dans la bouche où l’air rencontre un obstacle) :


- bi-labiales,
- labio-dentales,
- apico-dentales,
- apico-alvéolaires,
- pré-palatales,
- dorso-palatale,
- palatale,
- vélaires,
- uvulaire.

Pour le mode d’articulation, j’ai précisé, toujours au cours 4.1., que les occlusives et les
constrictives étaient appelées « obstruantes » ; alors que les liquides et les nasales étaient
appelées « sonantes ». C’est une terminologie qu’on peut facilement comprendre. Elle vient de
la phonologie générative américaine : les obstruantes (obstruant) sont des consonnes qui sont
toutes prononcées avec une forte obstruction au passage de l’air mais aussi et surtout ce sont
des consonnes qui fonctionnent en couple : la sourde et la sonore. C’est en cela qu’elles
s’opposent au groupe des sonantes (sonant : sonore) qui sont, elles, toutes sonores.
Le « paquet » des obstruantes s’oppose donc au « paquet » des sonantes.
Les classements en phonologie permettent d’opposer de façon pertinente des groupes de
sons ou encore deux sons. On dit que 2 groupes de sons (ou 2 sons) s’opposent par un ou
plusieurs traits. S’ils ne s’opposent que par un trait, on dit que ce trait est un trait pertinent.

[exemple] quel et le trait qui permet d’opposer [p] à [b] ?


Réponse : C’est le trait de sonorité, parce que la seule différence entre ces deux sons c’est
que [p] est sourd et que [b] est sonore. Sinon, ce sont exactement les mêmes : ils sont
prononcés tous les 2 à l’avant de la bouche avec pincement des 2 lèvres (bi-labiales) et il y a
occlusion totale au passage de l’air (occlusives). Nous reviendrons sur ces traits pertinents au
cours 6.

Voici le tableau qu’on peut proposer pour les consonnes du français : les critères retenus
pour le mode d’articulation (axe vertical) et ceux retenus pour le point d’articulation (axe
horizontal) se croisent. Imaginez le profil gauche d’une bouche pour essayer de visualiser les
points d’articulations : à gauche du tableau sont placées les consonnes prononcées à l’avant de
la bouche (ça commence par les lèvres). Plus la consonne est prononcée à l’arrière de la
bouche, plus on se déplace à droite dans le tableau.

bi- labio- apico- apico- pré- palatale vélaire uvulaire


labiale dentale dentale alvéloaire palatale
occlusives p b t d k g
OBSTRUANTES
constrictives f v s z ʃ ʒ
(fricatives)
nasales m n ɲ ŋ
SONANTES
liquides l ʁ
r
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Remarques sur le tableau

1. Tous les éléments qui apparaisent dans les différentes cases sont des symboles : rien
à voir avec ce que vous croyez reconnaitre dans votre l’alphabet… Ces symboles
doivent normalement apparaitre entre crochets (qui signalent l’entrée dans la
phonétique) mais le tableau en lui-même fait office de frontière d’alphabet
phonétique.

2. Par convention, lorque 2 symboles se trouvent dans la même case, celui de gauche
correspond à un son sourd et celui de droite à un son sonore. Je vous demanderai
donc de retenir les couples d’obstruantes dans le bon ordre, ce qui vous facilitera
l’apprentissage de la sonorité : connaitre le son sourd et son correspondant sonore est
fondamental pour la suite des évènements !

3. Remarques à propos de l’uvulaire [R]


Je n’ai pris la peine de la faire figurer dans le tableau parce que ce son ne s’entend
pratiquement plus aujourd’hui : il ne fait pas partie du système phonologique des
locuteurs des nouvelles générations (je suis par exemple incapable de le
prononcer !). Ce son a la particularité d’être une trille (trill), c’est-à-dire d’être
prononcé avec vibrations d’un articulateur mobile contre un articulateur fixe (la
langue vient battre contre le voile du palais).
Autre exemple de trill : le « r » dit roulé ([r]) : la pointe de la langue vient battre
très rapidement les alvéoles. C’est la raison pour laquelle on l’appelle aussi « r »
battu.
[R] est dit grasseyé ou encore « r » populaire parisien. C’est le « r » d’Arletti (si ça
vous dit !). Ce n’est évidemment pas un son à enseigner parce qu’il n’est pas un
phonème : rappelez-vous, il n’y a qu’un seul phonème /r/ en français qui peut se
prononcer de 3 façons différentes : ce sont 3 allophones du phonème / r /.

4. Le [ʁ] est certes une liquide (dorso-uvulaire très exactement) mais cette consonne est
articulée comme une constrictive puisque la partie supérieure du dos de la langue se
rapproche de la luette (le prolongement mobile du voile du palais). Voilà pourquoi
vous le trouvez classé comme fricative dans l’API.
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5.2. Critères articulatoires de classification des voyelles

Tout comme pour les consonnes, on classe les voyelles avec des critères articulatoires, mais
les paramètres diffèrent. Voici que ce que nous avions retenu au cours 4.2. :
Mode d’articulation :
- nasalité (relèvement/abaissement de la luette = orales/nasales),
- plus ou moins grande aperture du maxillaire inférieur (fermé/mi-fermé/mi-
ouvert/ouvert),
- mouvement des lèvres (projetées vers l’avant/étirées vers les oreilles = labiales/non
labiales).
Point d’articulation :
- mouvements horizontaux de la langue dans la bouche (en avant/en arrière =
palatales/vélaires).

Il existe 3 voyelles communes à tous les systèmes vocaliques des langues : ce sont des
voyelles dites universelles : [i], [a] et [u] (rappelez-vous le miaulement du chat miaou). On
parle de triangle vocalique fondamental.
On va partir de ce triangle fondamental pour présenter toutes les voyelles du français.

Comme pour les consonnes, imaginez le schéma du profil gauche d’une bouche : à gauche
on se trouve à l’avant (les lèvres) et à droite à l’arrière (le voile du palais). En haut, le
maxillaire inférieur est rapproché du maxillaire supérieur (la bouche est presque fermée) et plus
on descend, plus le maxillaire s’ouvre. Tout en bas du triangle, le maxillaire est donc
complètement descendu (la bouche est ouverte).

i u

Triangle vocalique fondamental

Reprenons cette visualisation des voyelles dans la bouche pour mieux comprendre la forme de
quadrilatère des voyelles du français :
- à gauche = à l’avant (comme pour [i])
- à droite = à l’arrière (comme pour [u] qui est la voyelle la plus à l’arrière)
- en haut = bouche fermée (comme pour [i] et [u])
- en bas = bouche ouverte (comme pour [a] qui est la voyelle la plus ouverte)
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Quadrilatère simplifié des voyelles du français


iy u

eø ø o õ

ɛœ ɔ ɔ̃
ɛ̃ œ̃
a ɑ ɑ̃

avant = antérieure = palatale arrière = postérieure = vélaire


(langue à l’avant de la bouche) (langue à l’arrière de la bouche)

Remarques
1. Les voyelles nasales ont exactement les mêmes points d’articulation que les voyelles
orales correspondantes. Elles ont également la même aperture du maxillaire et le même
mouvement des lèvres. Seule la nasalité (position de la luette) permet de les distinguer.

2. Les voyelles non labiales (étirées) apparaissent en rouge : toutes les autres (en bleu et en
noir) sont labiales (arrondies). Rappelons ici que certains manuels définisse la voyelle
[a] comme une voyelle moyenne (ni étirée, ni arrondie), raison pour laquelle elle
apparait en vert sur le quadrilatère.

3. Les voyelles en bleu sont les correspondantes labiales des voyelles étirées en rouge (ce
sont exactement les mêmes voyelles sauf que les lèvres sont projetées vers l’avant) :
[y] est la correspondante labiale de [i]
[ø] est la correspondante labiale de [e]
[œ] est la correspondante labiale de [ɛ]
[œ̃] est la correspondante labiale de [ɛ̃]

Ce sont ces voyelles en bleu qui posent le plus de problème à la grande majorité des
apprenants parce qu’elles cumulent 2 traits rarement cumulés : antériorité et labialité.

4. Les voyelles palatales (d’avant) apparaissent en bleu et rouge alors que les voyelles
vélaires (d’arrière) sont en noir (axe horizontal : avant/arrière). Il n’y a pas de voyelles
centrales en français, sauf peut-être schwa /ǝ/ qui connait un timbre instable : entre [ø]
et [œ] (cf. cours 9.5.).

5. Sur l’axe vertical, les 4 lignes correspondent aux 4 degrés d’aperture en français :
fermé/mi-fermé/mi-ouvert/ouvert. De nombreux systèmes vocaliques n’ont que 3
degrés d’aperture. La tendance du français actuel est un écrasement des degrés
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intermédiaires : on tend vers un système à 3 degrés d’aperture, ce qui signifie que la


différence phonétique que nous entendons (pas tous !) entre [e] et [ɛ], entre [ø] et [œ],
ou encore entre [o] et [ɔ] n’est presque plus phonologique. Essayez de trouver des
paires minimales avec [e]/[ɛ] ; [ø]/[œ] ou [o]/[ɔ] !
Pour votre info, seule l’opposition [o] et [ɔ] reste vivace en français standard –
paume et pomme par exemple – mais pas en français méridional ! Cf. Cabrel
chantant la Dame de haute Savoie avec haute prononcé avec un [ɔ] ouvert.

6. La forme quadrilatèrale et non triangulaire tient au fait que le français connait 2 « a » :


[a] qui est le « a » d’avant et [ɑ] qui est le « a » d’arrière. L’opposition phonétique n’est
plus phonologique aujourd’hui (il n’y a plus de paires minimales avec ces 2 « a ») :
patte et pâte ne forment plus une paire minimale (mais elle a existé jusqu’au début du
20e siècle).

5.3. Critères articulatoires de classification des glides

Les glides apparaissent dans le tableau des consonnes. Ils sont, du point de vue du trajet de
l’air, classés soit dans les constrictives (puisqu’il y a une constriction au niveau de la glotte au
moment de l’émission), soit dans les approximantes (puisque la constriction est plus resserrée
que pour les voyelles).

En ce qui concerne leur point d’articulation, ils sont articulés de la même manière que les
voyelles qui leur correspondent. Souvenez-vous, ils sont tous les 3 fermés et :
. [j], comme [i], est palatal étiré,
. [ɥ], comme [y], est labio-palatal,
. [w], comme [u], est labio-vélaire.

Si, dans un mot bi-syllabique (qui comporte 2 syllabes), on remplace une voyelle par son
glide correspondant, le mot ne comportera plus qu’une seule syllabe (et inversement :
remplacer un glide par sa voyelle correspondante rajoutera une syllabe au mot). Pour la
transcription phonétique/phonologique, c’est un bon moyen de vérifier si on a bien utilisé le
bon glide (cf. cours 7).

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