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Phonétique et enseignement – N5OP105 Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Mineure DFLES 3e année et DUECDF UFR LLD - Département DFLE


Présence Sandrine Wachs

Cours 2
Phonétique et phonologie :
le son et le phonème

2.1. Phonétique et phonologie : définition


2.2. À la recherche des phonèmes : test de commutation – paires minimales
2.3. Tableau synoptique : phonétique/phonologie

Maintenant que vous avez une petite idée de ce que veut dire « enseigner la
phonétique d’une langue étrangère », commençons par l’apprentissage des connaissances
linguistiques nécessaires à l’enseignement/apprentissage de cette discipline. Ce cours va vous
permettre de comprendre la différence entre un son et un phonème. Vous avez certainement
déjà rencontré ces deux mots dans vos cursus mais ne savez peut-être pas véritablement les
opposer. Regardons ensemble.

2.1. Phonétique et phonologie : définition

La phonétique et la phonologie sont toutes deux des disciplines des sciences du langage
(tout comme la morphologie, la syntaxe, la sémantique, la lexicologie, etc.). Ce sont deux
disciplines qui s’intéressent à la parole, mais qui ne travaillent pas sur le même objet.
La phonétique étudie le son sous son aspect physique : elle travaille le son, substance
physique, matérielle.
La phonologie étudie le son sous son aspect fonctionnel : elle travaille le son, forme utile,
qu’on appelle le phonème (cf. 2.2.).

L’étude phonétique peut se faire :


- Du point de vue de la production des sons (émission) : on regarde comment les sons sont
produits, c’est-à-dire articulés. C’est la phonétique articulatoire, dite aussi anatomique
ou physiologique. Elle s’intéresse à la position des organes et au trajet de l’air au moment
de la production des sons.
- Du point de vue de la perception (écoute) : on regarde comment les sons sont perçus,
c’est-à-dire entendus. C’est la phonétique acoustique.

En phonétique acoustique (avec un seul <c> s’il vous plait... !), le son se définit comme une
onde, c’est-à-dire comme un transfert d’énergie dans un milieu élastique. Dit autrement, les
sons sont des variations de la pression atmosphérique que notre appareil auditif enregistre par
l’intermédiaire de notre tympan. Ces variations ont la forme d’ondes qui se propagent la plupart
du temps dans l’air à une vitesse d’environ 330 mètres/secondes. Un exemple simple est l’onde
provoquée par un caillou jeté dans l’eau. En phonétique acoustique, on parle de période, de
fréquence et d’amplitude, termes que je ne définirai pas ici. Tout cela se calcule avec des
machines (du type spectographes ou sonagrammes) et l’unité de mesure est le Hertz.
[biblio] Pour en savoir plus, vous pouvez par exemple regarder les pages 71-76 du chapitre
2 de la 2e partie du livre de Chiss J.-L., Filliolet J. et Maingueneau D. (2001).
Phonétique et enseignement – N5OP105 Sorbonne Nouvelle - Paris 3
Mineure DFLES 3e année et DUECDF UFR LLD - Département DFLE
Présence Sandrine Wachs

Dans ce cours nous privilégierons la phonétique articulatoire puisque c’est en cherchant à


comprendre comment les sons sont articulés que vous aurez plus de facilité à les enseigner.
Nous ne travaillerons pas la phonétique acoustique qui revêt un caractère moins essentiel en
didactique de la prononciation.

Prenons l’exemple d’un phonéticien qui travaille sur les sons d’une langue inconnue : il
veut faire le relevé de tous les sons de cette langue. Pour cela, il part sur le terrain avec son
magnétophone, enregistre tous les sons de cette langue (avant l’invention du magnétophone,
les phonéticiens travaillaient « en direct », c’est-à-dire notaient tous les sons au moment où ils
les entendaient) puis les note (les transcrit) grâce à l’Alphabet Phonétique International,
l’API. Notre phonéticien établit le système phonétique de la langue qu’il étudie. Vient ensuite
le travail du phonologue (souvent la même personne) qui cherche à savoir quels sons, parmi
tous ceux que le phonéticien a relevés, sont des phonèmes.

2.2. À la recherche des phonèmes : le test de commutation – les paires minimales

Le phonologue cherche à établir le système phonologique d’une langue, c’est-à-dire qu’il


veut savoir quels sons sont des phonèmes. Il y a toujours plus de sons que de phonèmes dans
une langue puisque tous les phonèmes sont des sons alors que tous les sons ne sont pas
forcément des phonèmes. (Si vous êtes « largués », c’est normal, si vous me suivez, c’est que
vous avez tout compris avant que je vous explique !!).
Le phonologue ne va pas travailler sur le son isolé tel que le fait le phonéticien (phonétique
articulatoire ou acoustique), mais va s’intéresser à la relation qu’entretiennent les sons les uns
avec les autres dans un système de langue.
Le phonologue va donc se poser la question suivante : est-ce que la différence phonétique
que j’entends entre deux sons (par exemple le « r standard », noté [ȑ] et le « r roulé », noté [r])
est utile dans la langue ? Autrement dit, est-ce que cette différence phonétique permet de
dégager du sens ? En d’autres termes encore : est-ce qu’elle est fonctionnelle, distinctive,
pertinente, phonologique ? (tous ces termes veulent dire la même chose).

Pour répondre à cette question, le phonologue va effectuer le test suivant : il va remplacer


(dans un même contexte), un son par un autre. C’est le test de commutation. Si le fait de faire
cette manipulation aboutit à 2 mots de sens différents, c’est que la différence phonétique entre
ces 2 sons est fondamentale dans la langue puisqu’elle génère des mots de sens différent. Si un
apprenant n’arrive pas prononcer ces deux sons (mais par exemple un seul), il peut être amené
à prononcer un mot qui n’a pas le sens qu’il voulait lui donner : prononcer il boit, alors qu’on
voulait dire il voit ne veut pas dire la même chose.
Le phonologue en conclura alors que ces 2 sons sont 2 phonèmes distincts dans la langue
étudiée (ici /b/ et /v/ en français) car leur différence est utile (elle permet de dégager des mots
de sens différent) = fonctionnelle (elle a une fonction dans la langue).

[exemple] En français, la différence phonétique entre les 2 « r » présentés supra n’est pas
fonctionnelle : le fait de remplacer un "r" par un autre ne donnera jamais deux mots de sens
différents. La différence ne sera que phonétique ([mǫȑ] et [mǫr] par exemple). On appelle ces
deux « r » des variantes libres. En espagnol, il existe aussi plusieurs prononciations de « r ». À
l’inverse du français, la différence phonétique entre 2 prononciations de « r » est utile en
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espagnol : le fait de commuter ces 2 « r » dans un même contexte entrainera des mots de sens
différents (pero et perro par exemple : mais et chien).

[exemple] Prenons un autre exemple en français : si je dis mère au lieu de père (je n’ai fait
que remplacer dans un même contexte [p] par [m]), alors je risque fort de donner une
information erronée puisque je dis un mot qui n’a pas le sens que je voulais lui donner au
départ. Ces deux mots de sens différents qui ne se différencient que par un son ([p] et [m]) sont
appelés une paire minimale (mère et père ; tout comme mais et chien en espagnol).
On comprend mieux alors les implications que cela va avoir en enseignement de la
prononciation.

[exemple] Si on prend l’exemple d’apprenants qui n’arrivent pas à prononcer [y] (<u>) – et
ils sont nombreux ! – et qui disent dessous au lieu de dessus, cela peut poser des problèmes de
compréhension dans la communication. On va donc tout faire pour qu’ils arrivent à prononcer
[y].
On verra au moment de l’élaboration d’une unité didactique (cf. cours 11) que très souvent,
si votre apprenant a du mal à prononcer un son, c’est qu’il n’arrive pas à l’entendre. On va donc
commencer par lui apprendre à entendre la différence entre les 2 sons, puisque cette différence
phonétique est fonctionnelle dans la langue qu’il apprend, ce qui n’est généralement pas le cas
dans sa langue maternelle (soit le son qu’il n’arrive pas à prononcer n’existe pas dans sa
langue, soit les 2 sons existent mais la différence n’est pas – partout – fonctionnelle).

2.3. Tableau synoptique : phonétique/phonologie

Voici un tableau récapitulant les éléments de base en phonétique/phonologie. Je sais qu’il y


a beaucoup d’informations à assimiler, des concepts plus ou moins nouveaux en fonction de
vos cursus, mais – rassurez-vous – le plus important est que vous sachiez ce qu’est une paire
minimale (à quoi ça sert) puisque vous devez rapidement être capables de les utiliser en
situation d’enseignement (conception d’exercices).

Phonétique Phonologie

unité de travail : le son unité de travail : le phonème


le son = substance physique le phonème = forme utile
le son peut être étudié du point de vue : le son est étudié en fonction de la relation
- de sa production = phonétique articulatoire qu’il entretient avec les autres sons du
- de son émission = phonétique acoustique système (i.e de la langue)
API : chaque symbole correspond à un son API : chaque symbole correspond à un
mis entre crochets – ex. [r] phonème mis entre barres obliques – ex. /r/
chaque son est différent d’un autre son : un symbole mis entre barres obliques
chaque symbole de l’API correspond à un (phonologie) peut correspondre à plusieurs
son unique sons (plusieurs prononciations)
ex. [r] = « r » roulé ex. /r/ = [r], [ȑ] ou [R]
transcription phonétique : ne peut se lire que transcription phonologique : peut se lire de
d’une façon (une seule prononciation) différentes façons (cf. les variantes libres)
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le français a un système phonétique qui le français standard a un système


comprend aujourd’hui 39 sons : 16 voyelles, phonologique qui comprend 32 phonèmes :
20 consonnes et 3 glides 11 voyelles, 18 consonnes et 3 glides
si la différence entre 2 sons n’est pas si la différence entre 2 sons est fonctionnelle
fonctionnelle (i.e. ne permet pas de dégager (i.e. permet de dégager du sens, cf. les paires
du sens), alors les 2 sons sont des variantes minimales), alors les 2 sons sont des
du même phonème phonèmes distincts

Faire les exercices 1 à 3

Exercice 1
1. Qu'appelle-t-on test de commutation ?
2. Expliquez méthodiquement comment cette procédure permet d'identifier les phonèmes
repérables dans la série suivante :
mer ; par ; messe ; paire ; patte ; pâte ; mare ; part ; père

Exercice 2 - Soient les paires de mots suivantes :


pâle/paille - bol/bosse - coup/goût - haï/ail - oiseau/naseau - west/peste - suave/slave
1. Dites en quoi elles se distinguent
2. Par quel terme précis les caractérise-t-on en linguistique ?
3. Que permettent-elles de dégager ?
4. Précisez pourquoi ces autres paires de mots ne pourraient pas faire partie de la liste
précédente :
oeuf/oeufs - - malle/halle - oeil/yeux - voie/voix - bon/bonne - lasser/laser

Exercice 3
1. Les consonnes [p] et [b] sont-elles deux phonèmes du français ? Justifiez votre réponse
par une démonstration illustrée d’exemples et expliquez clairement la procédure que vous
utilisez.
2. Prononcez le mot abcès. Que se passe-t-il ?

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