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« De quelques divergences
entre Moishe Postone et la
" Wertkritik " », par
Clément Homs
De quelques divergences
Clément Homs
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(Constelaciones, 2012 [2]). Pour autant, des analyses sur ces questions ont
particulièrement été développées durant les années 2000 et 2010 dans les
revues Krisis et Exit.
Une première divergence de forme qui saute aux yeux, est le style très
différent pris par la formulaton de la théorie critique de la synthèse sociale
capitaliste : Postone est un universitaire, s'il n'a jamais négligé de porter des
critiques sérieuses et sans concessions à de nombreux auteurs (contre Lukacs,
Derrida, Pollock, Horkheimer, Habermas, David Harvey, Giovanni Arrighi,
etc.), sa critique par de nombreux aspects garde tout du débat académique ne
cherchant pas la polémique virulente ; la branche allemande a par contre
toujours été violemment anti-universitaire, privilégiant toujours la polémique
virulente, l'outrance et l'irrespect parfois ordurier envers les courants marxiste
traditionnel, post-moderne, francfortois et bourgeois. Kurz quand il citait ou
étudiait un auteur, c'était toujours dans le seul but de « régler son compte à
quelque salaud » (la dernière cible en date étant le marxiste allemand Michael
Heinrich dans Geld ohne wert, Horleman, 2012, dont la critique sert
simplement de prétexte à un développement théorique propre). A partir du
tournant des années 2000, la pratique chez Krisis de l'intervention publique au
travers du « Manifeste contre le travail », des recueils « Le Lundi au soleil :
Onze attaques contre le travail » ou « Dead Men Working », des nombreuses
chroniques dans la presse de Kurz ou encore les textes à thèses (comme celui
de N. Trenkle dans « Critique de l'Aufklärung : 8 thèses »), distingue
fortement les Allemands avec Postone, dans ce souci d'instiller partout un peu
de poison critique, en se faisant à l'occasion polémistes. Les groupes
allemands (dont le noyau a été le milieu radical de Nuremberg) se sont
toujours donnés pour horizon, la révolution, la radicalisation et l'intervention
pratique dans les milieux de la gauche supposée « radicale ». Alors que
Postone s'il n'a écrit aujourd'hui aucun texte sur cette question , hormis une
courte sous-partie problématique intitulée « Le royaume de la nécessité » dans
TTDS sur laquelle il reprend certains aspects de Marx sur la question du post-
capitalisme, il a toujours esquissé dans des entretiens de vagues perspectives
de transition, allant de réformes graduelles vers le point de mire lointain (il
pense que nous ne sommes pas aujourd'hui dans une période révolutionnaire)
d'une révolution comprise comme abolition des classes, du travail, de la valeur
et de l'argent. Postone esquisse également dans TTDS les conditions de
possibilité historiques d'un dépassement de la forme de vie capitaliste,
d'ailleurs de manière assez traditionnelle (et à mon sens discutable), comme un
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Pour les Allemands finalement, la formule rabâchée que Marx n'aurait jamais
été marxiste, n'est pas totalement exacte ou du moins trop caricaturale. Aux
yeux de la « critique de la valeur », le marxisme traditionnel a très bien
interprété Marx, mais il a seulement interprété - et c'est là ce qui est
fondamental - qu'une ligne argumentative au sein de l'oeuvre de Marx, celle
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Cependant, il me semble que Postone s'est expliqué ces dernières années sur
ce point. S'il ne reprend pas à son compte cette distinction du « Double Marx »
à l'époque de la rédaction de TTDS, dans des entretiens de la fin des années
2000 [4], il semble explicitement défendre l'idée qu'il n'a pas présenté dans
TTDS ce qui serait un « vrai Marx », parce qu'il prétend explicitement ne pas
avoir rendu compte dans sa reformulation théorique, des nombreuses
contradictions dans la pensée de Marx, ce que justement cherche à expliquer la
distinction du « Double Marx » pour la « critique de la valeur ». Dans un
entretien de la fin des années 2000, il a par exemple une formule où il dit
n'avoir pas réfléchi en marxologue sur les contradictions dans l'oeuvre même
de Marx.
En réalité, il est vrai, dès 1993, dans TTDS, il avait pourtant écrit un passage
très précis, une mise en garde au lecteur, qui se rapproche tout
particulièrement de la position de la « critique de la valeur » et qui rend, il me
semble, le reproche qu'elle fait à Postone, injuste et inopérant :
Ce passage me semble très clair quant aux intentions de Postone, qui de plus
cerne très bien le problème des « tensions internes » et des « éléments
traditionnels » dans le texte même de Marx. Il pointe également aussi, le
problème de cette « tension », en termes de niveau logique touchant à
l'essence (ce que la Werktritik appellera le « Marx ésotérique ») et de
« critique plus immédiate du capitalisme libéral », donc de phénoménalisation
historiquement spécifique de l'essence du capitalisme (niveau de l'apparence)
que Marx pouvait observer au XIXe siècle (ligne argumentative que la
Wertkritik appellera justement, le « Marx exotérique »). Cet
approfondissement sur les « possibles tensions internes et les éléments
"traditionnels" dans ses écrits en s'appuyant sur la théorie, impliquée par ses
catégories fondamentales, de la nature profonde et de la trajectoire du
capitalisme », Postone en a rêvé dans TTDS, la « critique de la valeur » l'a
réalisé.
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Une autre divergence majeure, est l'absence chez Postone d'une théorie de
la crise interne du capitalisme. Récemment, alors que Kurz avait peut-être
toujours un peu épargné Postone sur cet aspect en ne rentrant pas dans la
polémique avec lui, Ernst Lohoff dans son article « Auf Selbstzerstörung
programmiert » paru dans la revue Krisis (2/2013) (le texte est traduit en
français dans la revue Illusio, n°16-17, Bord de l'eau, 2017) vient de
systématiser cette critique faite à Postone [5]. C'est une incohérence à ses yeux
car la théorie de Postone devrait logiquement déboucher sur une théorie de la
crise. On sait combien le premier niveau fondamental du noyau de la
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plus loin que Postone selon Lohoff, dans l'historicisation des catégories/formes
fondamentales du capitalisme. Car ce n'est pas seulement la mesure de la
valeur (qu'est-ce-qu'on produit dans une heure sociale ?) qui est sujet à une
évolution dynamique, c'est également la question de la masse de la valeur, de
la substance de la valeur qu'il faut comprendre dans une trajectoire et non pas
de manière statique. La partie de travail vivant qui crée la valeur devient
toujours plus mince. Même si on constate une expansion de la masse de
travailleurs, le travail productif (au sens marxien) a toujours tendance à
diminuer à cause de l'expansion continuelle des faux frais notamment des
activités d'Etat qui ne sont pas productrices de valeur, ce qui induit une
diminution de la masse totale de valeur au niveau global. On ne retrouve donc
pas chez Postone de théorie de l'évolution de cette masse totale de la valeur.
Quand Postone essaye de tirer des conséquences de sa reformulation théorique,
elle sont trop platement politiques, et formulées en terme de critique de
l'idéologie, critique de l'antisémitisme, critique des limites de la démocratie,
etc. Ces perspectives sont comprises de manière assez statique et n'ont
finalement plus aucun rapport avec la théorie de la dynamique qu'il a fondé.
Les considérations en termes d'action révolutionnaire sont donc faites dans un
registre beaucoup plus traditionnel vis-à-vis du marxisme. Pour Lohoff,
Postone n'arrive donc pas assez à lier la haute théorie élaborée dans TTDS et
les phénomènes plus concrets de l'évolution contemporaine du monde
capitaliste lors de ces dernières années. Il n'y a pas chez Postone cette capacité
de passer du plus abstrait au plus concret voire aux formes empiriques (ce que
faisait magistralement Kurz), justement parce qu'il lui manque une théorie
puissante de la crise interne du capitalisme.
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yeux, il est bien un fait social dans le capitalisme, certes, mais il se constitue
sur la « base réelle » qui est une dépense indifférenciée d’énergie humaine. Et
à ses yeux, cette question de la théorie du travail abstrait n'est pas sans
importance, au contraire, car elle explique l'absence d'une théorie de la crise
chez Postone.
Dans l'espoir que cette brève note qui se veut en aucune manière un compte
rendu approfondi des divergences entre Postone et la wertkritik, donne surtout
courage à quelques traducteurs chevronnés, pour nous traduire les textes « Auf
Selbstzerstörung programmiert » d'Ernst Lohoff et « Die Substanz des
Kapitals. Abstrakte Arbeit als gesellschaftliche Realmetaphysik und die
absolute innere Schranke der Verwertung » de Robert Kurz.
Clément Homs
Notes :
[1] Tout comme le marxiste allemand Michael Heinrich qui reprend à son
compte ce terme de « critique de la valeur » mais qui comme toute la théorie
bourgeoise continue à faire du travail abstrait une catégorie de la circulation,
cf. R. Kurz, « Geld ohne Wert », Horleman, 2012.
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[5] Dans les deux prochains points (3 et 4), je me repose essentiellement sur
une présentation par Anselm Jappe, des articles cités de Lohoff et de Kurz lors
d'un séminaire interne à l'association des amis francophones de la critique de
la valeur, « Crise et Critique ». La volonté de ne pas tout résumer ici, est de
mon seul fait.
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