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Fibres
Juin 2007
Les fibres alimentaires sont parmi les éléments nutritionnels les plus populaires, et ceux que les
consommateurs connaissent le mieux. Pour les scientifiques, le sujet est complexe : comment établir une
définition, une description de ces substances parfois si diverses,
aux effets santé qui se révèlent de jour en jour ?
Aujourd’hui, nous parlons bien des fibres au pluriel, avec tout l’éventail de propriétés sur la santé.
1. Définitions ___________________________________________________________________ 3
a. Définitions officielles _______________________________________________________________ 3
Réglementation Française __________________________________________________________________ 3
Codex Alimentarius _______________________________________________________________________ 4
Règlement européen sur les allégations_________________________________________________________ 6
Autres définitions_________________________________________________________________________ 7
b. Classification biochimique des principales fibres alimentaires _____________________________ 7
c. Solubilité _________________________________________________________________________ 8
d. Fibres synthétiques_________________________________________________________________ 8
2. Rôles ________________________________________________________________________ 9
a. Digestion / constipation _____________________________________________________________ 9
Diminution du temps de transit et augmentation la production des selles _______________________________ 9
Fermentation par la microflore colique_________________________________________________________ 9
b. Métabolisme : des glucides, des lipides________________________________________________ 10
Diminution de la glycémie et/ou de l’insulinémie post-prandiale(s) __________________________________ 10
Diminution de la cholestérolémie totale et/ou du LDL dans le sang__________________________________ 11
c. Cancer __________________________________________________________________________ 11
d. Satiété et perte de poids ____________________________________________________________ 12
3. Sources alimentaires __________________________________________________________ 13
4. Fibres et pathologies digestives (quels aliments privilégier ou éviter ?) ________________ 14
a. Troubles fonctionnels digestifs ______________________________________________________ 14
Constipation ___________________________________________________________________________ 14
Syndrome de « l’intestin irritable » ___________________________________________________________ 14
Colite _________________________________________________________________________________ 15
b. Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin_______________________________________ 15
5. Fibres et effet prébiotique ______________________________________________________ 15
6. Consommation en France et recommandations ____________________________________ 16
Bibliographie ____________________________________________________________________ 18
Annexes ________________________________________________________________________ 19
1. Définitions
La définition des fibres alimentaires a largement évolué au cours des dernières décennies (voir en
annexe 1). Cependant, elle reste parfois floue et ne fait pas l’objet pour le moment d’un consensus
international.
Le Codex Alimentarius tarde à donner une définition, les méthodes de dosages ainsi que les seuils
des allégations. Cependant, il pourrait statuer prochainement.
Au niveau français, l’AFSSA a publié un rapport sur les fibres en 2002, afin de disposer des
éléments scientifiques nécessaires en vue des sessions du Comité Nutrition du Codex Alimentarius.
a. Définitions officielles
Réglementation Française
- Rapport de l’AFSSA
En 2002, l’AFSSA a créé un groupe de travail dénommé « Fibres », chargé de proposer une
définition réglementaire des fibres ainsi qu’une méthode de dosage appropriée, dans le cadre de la
détermination des allégations nutritionnelles «source », « riche » et « très riche » en fibres sur l’étiquetage
ou dans la publicité des denrées alimentaires en vue de la session du Comité Nutrition de la commission
de Codex Alimentarius de novembre 2002.
Le groupe de travail de l’AFSSA a publié en septembre 2002 un rapport intitulé « Les fibres
alimentaires : définitions, méthodes de dosage, allégations nutritionnelles». Une définition des fibres est
proposée dans ce rapport :
EN OUTRE, les fibres alimentaires ne sont ni digérées, ni absorbées dans l’intestin grêle. Elles présentent l’une au moins
des propriétés suivantes :
- Augmentation de la production des selles
- Stimulation de la fermentation colique
- Diminution de la cholestérolémie à jeun
- Diminution de la glycémie et/ou de l’insulinémie post-prandiale(s)
Codex Alimentarius
- Définition actuelle :
On entend par fibre alimentaire, toute matière végétale et animale comestible qui n'est pas hydrolysée
par les enzymes endogènes du tube digestif humain, telle que déterminée selon une méthode connue.
[* Si elles sont d’origine végétale, les fibres alimentaires peuvent comprendre des fractions de lignine et/ou d’autres
composants s’ils sont associés avec des polysaccharides dans les parois cellulaires végétales et si ces composants
sont quantifiés par la méthode d’analyse gravimétrique qui a été adoptée pour l’analyse des fibres alimentaires
(AOAC) : les fractions de lignine et les autres composés (fractions protéiques, composés phénoliques, cires,
saponines, phytates, cutine, phytostérols, etc.) qui sont intimement "associés" aux polysaccharides végétaux sont très
souvent extraites avec les polysaccharides selon la méthode AOAC 991.43. Ces substances ne sont inclues dans la
définition des fibres que dans la mesure où elles sont effectivement associées à la fraction poly- ou
oligosaccharidique des fibres. Ces substances extraites ou mêmes réintroduites dans un aliment contenant des
polysaccharides non digestibles ne pourront être qualifiées de fibres alimentaires. Lorsqu’elles sont liées à des
polysaccharides, ces substances associées peuvent exercer des effets bénéfiques complémentaires.]
ALLEGATION CONDITIONS
Au moins
Source 3 g par 100 g ou 1,5 g par 100 kcal ou [10% de
l’apport recommandé] par portion*
[(aliments liquides : 1,5 g par 100 ml)]
- Prochaines étapes
La définition proposée ci-dessus doit encore être revue.
La commission du Codex Alimentarius a invité les gouvernements membres et les organisations
internationales intéressées à soumettre des observations supplémentaires sur la définition et d'autres
dispositions concernant les fibres alimentaires sous forme écrite avant le 31 mars 2007.
Le règlement CE 1924/2006, concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les
denrées alimentaires, ne donne pas de nouvelle définition des fibres et renvoie à la directive 90/496/CEE,
qui elle non plus, ne définit pas précisément les fibres alimentaires.
Cependant, il donne les conditions des allégations « source de fibres » et « riche en fibres »
Source de fibres : Une allégation selon laquelle une denrée alimentaire est une source de fibres, ou toute autre
allégation susceptible d'avoir le même sens pour le consommateur, ne peut être faite que si le produit contient au
moins 3 g de fibres par 100 g ou au moins 1,5 g de fibres par 100 kcal.
Riche en fibres : Une allégation selon laquelle une denrée alimentaire est riche en fibres, ou toute autre allégation
susceptible d'avoir le même sens pour le consommateur, ne peut être faite que si le produit contient au moins 6 g de
fibres par 100 g ou au moins 3 g de fibres par 100 kcal.
Les définitions vues ci-dessus ne prennent pas en compte le caractère soluble/insoluble des
fibres alimentaires.
L’OMS, dans son rapport sur la nutrition et la prévention des maladies chroniques (2003), prend
en compte ce facteur :
« Les fibres alimentaires (polysaccharides non amylacés) sont un mélange hétérogène de polysaccharides et de lignine qui ne
peut être dégradé par les enzymes endogènes des vertébrés. Les fibres solubles dans l’eau sont notamment les pectines, les
gommes, les mucilages et certaines hémicelluloses. Les fibres insolubles sont la cellulose et diverses hémicelluloses. »
Produits de fermentation
bactérienne :
- Gomme Xanthane Xanthomonas campestral
- Gomme Gellane Pseudomonas elodea
Exsudats de plantes
- Gomme arabique Plusieurs espèces d’acacia
- Gomme karaya Sterculia (arbre d’Inde)
- Gomme tragacanthe Astragale (buisson - légumineuses)
Extraits de graines
- Gomme guar
- Gomme de caroube
- Psyllium
Extrait de racines
- Poudre de konjac
Cellulose modifiée et Gommes cellulosiques
pectine Pectines (de fruits) Pelures de citrus et marc de pomme
Amidons résistants AR1 : amidon physiquement Légumes secs
inaccessible
C. Solubilité
Les fibres sont insolubles ou solubles, neutres ou chargées. Elles ont la capacité d’incorporer
d’importantes quantités d’eau. Les fibres insolubles restent en suspension et gonflent (3 à 25 g d’eau par
g). Les fibres solubles forment dans l’eau des solutions de viscosité plus ou moins importante ou encore
des gels.
A l’état naturel dans les aliments, les fibres constituent des réseaux denses dans lesquels sont
associés de nombreux autres composants, comme des minéraux, des protéines, etc.
d. Fibres synthétiques
Certaines substances, obtenues par synthèse, peuvent entrer dans la définition des fibres. Ce sont
des polymères glucidiques transformés (physiquement, enzymatiquement ou chimiquement) ou de
synthèse.
L’AFSSA, dans son rapport de 2002 donne une liste de ces substances susceptibles d’être admises
dans la définition (voir liste en annexe 2).
Ces polymères, le plus souvent connus sous leurs noms commerciaux, sont utilisées comme
ingrédients et ont des propriétés physiologiques reconnues ou non, parfois validées par un organisme
public (comme l’AFSSA).
a. Digestion / constipation
Les fibres peuvent avoir un effet laxatif (accélération du transit intestinal). Ce sont en général les
fibres les moins fermentées, insolubles (fibres de céréales, le son de blé par exemple). Leur action est due
principalement à leur capacité à augmenter le poids des selles, notamment grâce à leur pouvoir de
rétention d’eau. Elles agissent également sur la plasticité des selles et la fréquence de l’exonération.
Mais ces fibres peuvent avoir un effet irritant mécaniquement. L’inflammation provoquée peut
provoquer une diarrhée.
L’accélération du transit peut également se faire par la réduction du temps de passage dans le gros
intestin. Trois mécanismes sont responsables de cet effet :
- Augmentation du volume intracolique (rétention d’eau, augmentation de la masse bactérienne,
production de gaz…)
- Action sur l’activité contractile et sécrétoire du côlon (effets mécaniques)
- Effet osmotique de certains oligosides et polyols (appel d’eau dans l’intestin).
Qu’elles soient solubles ou insolubles, les fibres sont, pour la majorité, fermentescibles par la flore
bactérienne du côlon. Selon leur nature et leur structure, les fibres sont plus ou moins fermentées.
Certains des polysaccharides algaux ou appartenant à des parois végétales lignifiées sont peu
fermentescibles, les oligosaccharides sont à l’inverse très rapidement fermentés.
Dans tous les cas, les fermentations des fibres aboutissent à la formation de gaz (gaz carbonique,
hydrogène et parfois méthane) mais également d’acides gras à courte chaîne (AGCC - acétate, propionate,
La fermentation colique a pour intérêt de stimuler la flore bactérienne (effets prébiotiques) d’une
part, et de participer à des réactions métaboliques via les substances produites (gaz et AGCC). La
fermentation joue également sur le transit grâce à la production de gaz et à l’augmentation de la masse
bactérienne qui participe à la distension de la paroi intestinale.
Il semblerait que la diminution de la cholestérolémie concerne les deux types de fibres, solubles et
insolubles, et que ces effets soient dus à plusieurs mécanismes d’action complémentaires.
Ces mécanismes concernent l’absorption du cholestérol alimentaire, mais aussi la modification de divers
métabolismes comme celui des sels biliaires ou celui des lipides.
+ solubilité -
+ eau + eau
c. Cancer
Les potentiels effets bénéfiques des fibres sur la réduction du risque du cancer du côlon sont trop
controversés pour entrer dans la définition officielle des fibres alimentaires.
Plusieurs études ont montré que la satiété est plus durable après un repas riche en fibres que celle
après un repas comparable pauvre en fibres.
Il a aussi été établi que l’ingestion d’un repas riche en fibres réduit la quantité énergétique totale de
la journée suivant le repas.
En effet, pour obtenir une sensation de satiété avec une alimentation pauvre en fibres, il est
nécessaire d’ingérer une quantité importante d’aliments ayant une forte densité énergétique (lipides,
glucides, protéines), ce qui favorise la prise de poids.
Les fibres sont ainsi pressenties pour le maintien du poids.
L’étude SUVIMAX1 a montré qu’une plus grande consommation de fibres est associée à un indice
de masse corporel (IMC) plus bas.
Il est pertinent de constater que rapporté à la portion, les légumes et les fruits sont les
aliments les plus riches en fibres :
30 g de pain complet = 2,25 g de fibres
200 g de carottes cuites = 6,4 g de fibres
1 pomme (200 g) = 4,2 g de fibres
A ces fibres naturellement présentes dans les aliments, s’ajoutent d’autres fibres extraites et
purifiées qui peuvent être introduites dans l’aliment en tant qu’ingrédients. Beaucoup de ces agents
polysaccharidiques ou oligosaccharidiques sont utilisés par les industries agro-alimentaires, pour leur
propriétés technofonctionnelles ou leur finalité nutritionnelle. Les agents technofonctionnels les plus
utilisés sont les produits épaississants-gélifiants. Cependant, d’autres applications, telles que les
substituts de matières grasses, sont en pleine expansion. Certaines fibres (FOS) ont des propriétés
exhausteurs de goût sur les produits sucrés.
Constipation
L’une des causes le plus courantes de la constipation est une alimentation déséquilibrée et trop
pauvre en fibres alimentaires.
Les recommandations sont d’augmenter la consommation d’aliments sources de fibres (par
exemple des produits céréaliers à base de farines complètes, deux plats de légumes et deux fruits par jour
ainsi que des légumes secs une ou deux fois par semaine), pratiquer une activité physique régulière et boire
beaucoup d’eau.
Ces mesures suffisent généralement à augmenter la masse fécale et l’hydratation des selles et à
combattre la constipation simple.
Colite
La colite – inflammation du côlon – peut être provoquée par un excès de fibres insolubles ou par
des substances irritantes. Les sujets concernés se verront prescrire un régime à teneur réduite en résidus.
Pour la plupart des sujets, un régime avec des fruits et légumes pelés, cuits et réduits en purée
permet d’éviter la colite et d’avoir une alimentation équilibrée.
Les fibres sous leur forme « substances glucidiques non hydrolysées » ont une influence forte sur la
flore colique. En effet, ces substances nutritives épargnées par les sucs digestifs de l’hôte, vont être
dégradés comme substrat privilégié par la flore colique. En conséquence, cet apport va permettre le
développement bactérien : c’est le renouvellement de la flore acidophile qui est alors privilégié. On parle
d’effet bifidogène. Les fibres sont qualifiées de prébiotiques (permettant le développement des
probiotiques).
Effet bifidogénique
Cet effet a pu être mis en évidence lors de diverses études cliniques (§ notamment les travaux pour
l’obtention de l’allégation « fibres bifidogènes » proposés par une société d’ingrédients).
De nombreuses substances ont, depuis, revendiqué un effet prébiotique : l’inuline, les xylo-
oligosaccharides (XOS) et les galacto-oligosaccharides (GOS), certaines gommes, et finalement la presque
totalité des fibres solubles, mais aussi des sucres-alcool (polyols : lactitol, xylitol, sorbitol, etc.).
Toutefois, ces fibres solubles étant fermentées par la flore colique, les gaz produits peuvent
provoquer des douleurs, ballonnements, flatulences désagréables et même des diarrhées.
Exemple :
Un sujet qui consomme volontiers des produits allégés, des confiseries « sans sucre », des produits de régime peut voir son
niveau de consommation de fibres solubles monter à plusieurs dizaines de grammes par jour. Les flatulences et l’effet laxatif
sont alors inévitables.
Certains sujets sont particulièrement sensibles à ces effets indésirables : ils doivent être mis en garde2.
2
Une mention obligatoire est précisée sur les emballages pour certaines de ces substances.
Basées sur des résultats des études épidémiologiques montrant un abaissement des risques relatifs
au-dessus de 25 g par jour, la recommandation est d’atteindre au moins 25 g/j et si possible 30 g/j
dont 10 à 15 g de fibres solubles.
Décret n°93-1130 du 27 septembre 1993 concernant l'étiquetage relatif aux qualités nutritionnelles des
denrées alimentaires
Les fibres alimentaires : définitions, méthodes de dosage, allégations nutritionnelles. Rapport du comité d’experts
spécialisé Nutrition humaine. AFSSA, 24 septembre 2002.
Rapport de la vingt-sixième session du Comité du Codex sur la nutrition et les aliments diététiques ou de
régime. Bonn (Allemagne) 1er-5 novembre 2004 (ALINORM 05/28/26)
Rapport de la vingt-septième session du Comité du Codex sur la nutrition et les aliments diététiques ou de
régime. Bonn (Allemagne) 21-25 novembre 2005 (ALINORM 06/29/26)
Rapport de la vingt-huitième session du Comité du Codex sur la nutrition et les aliments diététiques ou de
régime. Chiang Maï (Thaïlande) 30 octobre – 3 novembre 2006 (ALINORM 06/29/26)
Régime alimentaire, nutrition et prévention des maladies chroniques. Rapport d’une Consultation
OMS/FAO d’experts. OMS, série de rapports techniques 916. Genève, OMS, 2003.
Enquête INCA (Individuelle et nationale sur les consommations alimentaires), Tec&Doc 2000
Lairon D, Bertrais S, Vincent S, Arnault N, Galan P, Boutron MC, Hercberg S; French Supplementation
en Vitamines et Minéraux AntioXydants (SU.VI.MAX) Adult Cohort. Dietary fibre intake and clinical
indices in the French Supplementation en Vitamines et Minéraux AntioXydants (SU.VI.MAX) adult
cohort. Proc Nutr Soc. 2003 Feb;62(1):11-5.