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NORMANDIE
Bertrand Gobin
Les coquillages font leur pub
Qui a dit que
les Normands étaient
taiseux ? À l’initiative
du comité régional
de la conchyliculture,
huîtres de Normandie
E n cet après-midi de fin mai, ça
cogite dur à l’étage de l’ancienne
filature de Gouville-sur-Mer. Les
locaux du comité régional de la
conchyliculture (CRC) de Normandie - mer
du Nord accueillent les élus de la commis-
sion communication. Une réunion de la plus
54
300
des
producteurs
normands d’huîtres
adhèrent déjà à
tons aujourd’hui capitaliser sur la meilleure
reconnaissance du nom Normandie et pro-
fiter de la politique régionale de mise en
valeur des productions régionales. »
Côté ostréicole, l’objectif est de sensibili-
ser le public à la marque collective Huîtres
de Normandie, dans l’optique de l’obten-
la marque collective
haute importance à l’heure où les produc- tion prochaine de l’IGP (indication géogra-
et moules de teurs normands, en particulier ceux concer-
Huîtres de Normandie
phique protégée), une reconnaissance offi-
et se confrontent au
bouchot bénéficient nés par l’expédition, entendent mieux valo- cielle que les intéressés espèrent décrocher
futur cahier des charges
cet automne riser les spécificités de leurs cultures marines de l’IGP. d’ici 2020. L’arrivée d’une nouvelle généra-
de deux campagnes sur le marché hexagonal. Et ils viennent de tion d’exploitants a joué un rôle moteur dans
prendre une décision majeure : engager cette démarche. Il s’agit de jeunes entrepre-
de communication.
pour l’automne deux vastes campagnes neurs convaincus des répercussions posi-
de publicité. Télévision pour les huîtres de tives des médailles, qui n’ont aucune diffi-
Normandie et radio pour les moules de culté à s’approprier l’expédition. Ils sont aussi
bouchot. « Jusque-là, nous n’avons jamais aux avant-postes depuis cinq ou six ans pour
trop su nous mettre en valeur, explique adapter les modalités de cultures surélevées,
Thierry Hélie, président du CRC, ostréicul- garantes de belles formes. La côte ouest pro-
Enquête : Bertrand GOBIN teur à Saint-Vaast-la-Hougue. Nous souhai- duit désormais de la spéciale, ce qui n’était
ÉCH S d’ENTREPRISES
pas le cas par le passé. La filière et ses cinq crus
se sont mis en ordre de marche. L’huître de
Normandie est une huître de garde, travaillée
sur la durée sur un estran très grand. Le fait Jouer la carte de l’épicerie fine de la mer
▼
qu’elle soit découverte deux fois par jour, plu-
sieurs heures, lui confère un goût typique et
davantage de longueur de bouche. Grâce au “beaux
Nous trouvons dommage, au sein du comité régional, que parfois, nos
produits se retrouvent vendus sous d’autres marques. La marque
trompage, sa coquille fait moins de dentelle.
collective Huîtres de Normandie, puis l’IGP dans un second temps,
Avec plus de 13 mètres de marnage,
va nous permettre de mieux valoriser nos productions locales
la Normandie présente les plus grandes
et de ne plus nous retrouver tributaires de courtiers banalisant
marées d’Europe. La prédominance de
nos produits. Nous ne voulons plus être considérés simplement
sable, plutôt que de cailloux, joue éga-
comme un grenier de producteurs mais véritablement comme
lement sur la spécificité de ses moules de
l’épicerie fine de la mer. Cette implication vers l’aval contribue
bouchot. Les longues expositions à l’air les
à donner un avenir au secteur ostréicole normand.
rendent plus vivaces, renforcent le muscle.
Dans la même logique, l’IGP va aider à faire valoir
La coquille est moins friable. Autant de spé-
cificités que les mytiliculteurs normands font la singularité des productions issues de nos petits villages. »
valoir en complément du cadre plus global
Thierry Hélie, président du comité régional
du signe européen de qualité STG (spécialité
B.G.
conchylicole de Normandie - mer du Nord
traditionnelle garantie) moules de bouchot.
Parallèlement à la campagne de commu-
nication, le CRC de Normandie - mer du
Vers une meilleure gestion de la biomasse mytilicole
▼
B.G.
des mytiliculteurs sur bouchot
des pétoncles noirs qui font l’objet d’un
essai, en suspendu. Le plus souvent, il s’agit
de producteurs de moules ou de palourdes
souhaitant se diversifier.
Intégrer l’expédition plutôt que de vendre en gros
▼
L
février dernier. Au début de l’été, envi-
ron un tiers des bulots vendus à la criée de
L.F.
a Normandie produit les deux tiers Granville étaient identifiés IGP. « Mais ce
des coquillages français. Sa contri- pourcentage va augmenter, analyse Elsa
bution à la production nationale
a encore progressé au cours des 30 000
à 40 000 t de coquille
À cet égard, l’exemple du bulot est très
révélateur. Pour le coup, pas d’explosion
Ledru, chargée de communication à NFM.
De nouveaux pêcheurs rejoignent régu-
deux dernières années à la faveur de l’aug- des volumes mais une production stable, à lièrement la démarche. » L’adhésion des
mentation phénoménale des quantités de Saint-Jacques pêchées 9 000 ou 10 000 tonnes selon les années, mareyeurs et des structures commerciales
cette saison 2018-2019
coquilles Saint-Jacques débarquées. Selon en dépit d’un intérêt croissant pour l’espèce suit la même pente. Parallèlement à l’IGP et
en Normandie.
les premières estimations communiquées manifesté par de nouveaux pêcheurs sur au MSC, la demande de bulot est aussi sou-
par Normandie Fraîcheur Mer (NFM), les
volumes dépasseraient les 30 000 tonnes. 9 000 à
de nouvelles zones d’exploitation. Pêché
au nord de la Bretagne dans les années
tenue par une image plus festive, plus culi-
naire, selon Elsa Ledru. En matière de per-
« Mais on ne serait pas surpris d’atteindre
les 40 000 tonnes… C’est plus de deux 10 000 t
de bulot pêchées par an
1990, le bulot l’a ensuite été en baie de
Seine à partir des années 2000, puis sur
ception des consommateurs, la référence
reste néanmoins la coquille Saint-Jacques,
fois les volumes de 2012 », commente la côte d’Albâtre au tournant de 2010. Et avec ses deux Labels rouges : le premier en
Arnauld Manner, directeur de ce groupe- dans la région, tout récemment, des pêcheurs boulonnais 2002 pour la coquille entière ; le second en
ment qualité fédérant des pêcheurs, criées dont 6 000 en baie s’y sont intéressés. 2009 pour la noix de saint-jacques.
de Granville.
et mareyeurs de Normandie. On aurait pu s’attendre à une forte crois- Autre coquillage historiquement emblé-
Avec ses fonds peu profonds, sableux ou sance des volumes au global. Il n’en a rien matique de la pêche normande, la moule
gravillonneux, et ses importants secteurs été car dans le même temps, les contraintes de Barfleur est pour sa part au creux de la
alluvionnaires générant un fort dévelop- mises en place à Granville dans le cadre de vague. La plupart des gisements sont fer-
pement planctonique, les côtes régionales l’obtention de l’écolabel MSC ont contri- més depuis trois ans, sans que les soupçons
offrent un environnement naturel propice bué à ramener les volumes de la seule baie de mortalité n'aient pu être confirmés. Sur
aux coquillages. Il n’empêche, la forte pro- de Granville à 6 000 tonnes contre 12 000 ces zones de captage, les pêcheurs se sont
lificité est aussi le résultat de la bonne ges- à la fin des années 2000. Parmi les princi- rabattus sur le vanneau, en passe d’ailleurs
tion des gisements. pales mesures de gestion : la diminution du de devenir la troisième espèce régionale. n
d’espèces de coquillages. »
B.G.
conchyliculteur dans le but pre-
mier de commercialiser sa produc-
tion, a aujourd’hui une toute autre Les approvisionnements sont diversifiés. Parmi les part des enseignes de grande distribution,
dimension. Dans ses installations de la zone La société manchoise travaille avec une achats annuels sous marque de distributeur (Système U,
conchylicole de Blainville-sur-Mer (Manche), quarantaine d’ostréiculteurs et de mytilicul- de Kermarée : Carrefour, Intermarché) ou sous sa propre
l’entreprise emploie une cinquantaine de teurs établis entre Pirou et Bréville. Pour les marque (Leclerc, Auchan). L’entreprise du
personnes, réparties sur quatre ateliers :
coquillages (bulot, amande, praire, bigor-
bulots, elle se fournit en direct, de gré à gré,
auprès de 24 bateaux allant de Saint-Malo
3 000
de bulot
t
Cotentin fournit aussi Grand Frais et Lidl,
et des grossistes dont les clients revendent
neau), huîtres, moules et enfin un atelier à Port-en-Bessin. Des achats complémen- sur les marchés traditionnels.
cuisson, couplé à une petite unité de surgé- taires sont effectués à la criée de Granville, Le sujet de la contribution des labels à une
lation. « Nous proposons tout ce qui est sus-
ceptible de se retrouver sur un plateau de
notamment pour les praires et les amandes.
Avec 3 000 tonnes de bulots par an,
1 600 t
de moule de bouchot
meilleure valorisation des produits arrive vite
sur la table. Pascal Lecardonnel le dit franche-
fruits de mer », résume Pascal Lecardonnel Kermarée est l’un des principaux opéra- ment, il n’est pas convaincu que l’IGP géné-
et 600 à 700 t d’huître.
(photo), directeur commercial de Kermarée. teurs sur ce marché. En moules de bou- rera un supplément de prix sur le bulot de
Y compris, donc, des langoustines ou des chot, ses achats annuels représentent Granville. « On ne sait pas, à ce stade, si les
pinces de tourteau importées d’Écosse, d’Ir- 1 600 tonnes, et 600 à 700 tonnes pour consommateurs y sont sensibles. Nous avons
lande ou de Norvège. les huîtres. Kermarée travaille avec la plu- toujours travaillé dans le sens de la qualité des
produits, cette reconnaissance européenne
vient le confirmer. Il faudra voir à l’avenir l’ar-
ticulation avec les autres labels, notamment
[Cornic-Novamer veut se développer à l’export ] le MSC. » Le responsable commercial est en
revanche plus affirmatif sur la nécessité d’al-
Les entreprises familiales d’importation de produits de la mer surgelés Cornic et Novamer ler chercher de nouveaux clients, plus jeunes,
ont fusionné en 2018 au sein d’une seule et même entité juridique. Néanmoins, les deux par exemple sur le marché des huîtres, très
noms ont été conservés afin de bien distinguer les deux activités : l’approvisionnement vieillissant. « La filière doit faire de vrais
des grandes surfaces et de la restauration hors foyer pour Cornic ; la revente aux transfor- efforts pour renouveler la clientèle. Même si
mateurs pour Novamer. L’an passé, la société a écoulé 7 800 tonnes de produits pour pour nous, communiquer à destination des
un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros. jeunes via les réseaux sociaux ou les smart-
Les quatre piliers de la gamme sont le cabillaud, la coquille Saint-Jacques, phones n’a rien d’évident. »
les moules et le colin. Une gamme plutôt courte mais proposant pour chaque Depuis un an, Kermarée fait partie du
espèce l’ensemble des formes. Le catalogue Cornic-Novamer associe diffé- groupe Mericq. Cela a-t-il eu des impacts
rentes provenances (coquilles du Pérou et de Normandie, moules du Chili sur la politique commerciale de l’entreprise
et de bouchot, etc.) afin de pouvoir répondre aux attentes spécifiques des manchoise ? « Côté commerce, nous avons
clients. Actuellement, Cornic-Novamer cherche à développer son porte- gardé notre autonomie. Les changements
feuille de clients à l’export, principalement en ciblant des industriels sont intervenus du côté des structures où le
ou des grossistes. « Nous travaillons déjà avec le Royaume-Uni et groupe Mericq nous a accompagnés pour
l’Italie. Nous sommes sur le point de démarrer avec l’Espagne », moderniser nos outils et nos process. Les
déclare Bruno Deshayes, directeur commercial. synergies au quotidien sont de bon augure
B.G.
pour l’avenir. » n
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