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Asie V isions 24

Le développement
du réseau routier en Chine
Incohérences et inégalités

Kun-Chin Lin

Février 2010

Centre Asie Ifri


L'Ifri est en France le principal centre de recherche et de débat sur
les grandes questions internationales. Créé en1979 par Thierry de
Montbrial, l'Ifri est une association reconnue d'utilité publique (loi de
1901). Il n'est soumis à aucune tutelle administrative, définit libre-
ment ses activités, et publie régulièrement ses travaux.

L'Ifri associe, au travers de ses études et de ses débats, dans une


démarche interdisciplinaire, décideurs politiques et économiques,
chercheurs et experts à l'échelle internationale.

Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), l'Ifri s'impose comme


un des rares think tanks français à se positionner au cœur même du
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Le Programme Chine du Centre Asie de l’Ifri s’articule autour de trois


missions :
Rencontrer et écouter les acteurs chinois : au travers de
l’organisation de séminaires à Paris ou à Bruxelles autour
d’intervenants chinois.
Décrypter, analyser et prévoir : par la publication de notes
d’analyse pour la collection Asie. Visions ainsi que de Lettres du
Centre Asie sur l’actualité.
Formaliser des partenariats franco-chinois : par l’organisation
en Chine d’une conférence annuelle en partenariat avec de grands
instituts chinois à Pékin, Shanghai, Wuhan, Xian ou Tianjin.
Ce programme est soutenu par :

Asie. Visions

Asie. Visions est une collection électronique consacrée aux


problématiques asiatiques. Rédigé par des experts français et
internationaux, Asie. Visions traite de l’ensemble des thématiques
économiques, stratégiques et politiques. L’objectif d’Asie. Visions est
de contribuer à l’enrichissement du débat public et à une meilleure
appréhension des enjeux asiatiques. Asie. Visions est publié en
français et en anglais.

Dernières publications :
Guillaume ROUGIER-BRIERRE et Guillaume JEANNET,
« Urbanisation et investissement immobilier en Chine », Asie. Visions
22, décembre 2009.
Jean-Marc CHAUMET et Franck DESEVEDAVY,
« Consommation alimentaire et sécurité sanitaire des aliments en
Chine », Asie. Visions 21, décembre 2009.
Hélène LE BAIL, « Les grandes villes chinoises comme
espace d'immigration internationale : le cas des entrepreneurs
africains », Asie. Visions 19, août 2009.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Résumé

La Chine possède l’un des réseaux routiers les plus denses de tous
les pays en développement. Cependant, les données statistiques aux
niveaux national et régional révèlent deux tendances déconcertantes.
D’une part, la croissance de la longueur totale des routes a ralenti
depuis 2003, malgré l’affichage d’une politique qui vise à produire l’ef-
fet inverse. Cette tendance se retrouve aussi bien dans les régions
de l’ouest, du centre ou de l’est – trois régions différentes en termes
de politique de transports. D’autre part, alors qu’il est avéré que le ré-
seau routier de base a le plus d’impact dans les zones rurales, les ré-
gions du centre et de l’ouest de la Chine continuent de privilégier les
voies expresses et voies rapides, en dépit de leurs besoins urgents
de lutter contre la pauvreté et d’améliorer la circulation des marchés.
À travers une analyse des processus de formulation,
d’acceptation et de financement des projets routiers, nous postulons
que les institutions fiscales fédérales ont fortement influencé les
motivations des dirigeants et bureaucrates des provinces chinoises,
acteurs clés dans la définition des priorités et dans le choix des
moyens de financement. Nous soutenons que trois variables –
insuffisance des revenus fiscaux, biais procéduriers, et qualité de la
participation des capitaux privés – expliquent la discrimination
qu’exercent les dirigeants des provinces à l’encontre de certaines
formes de financement et de certains types de routes. Ces variables
suggèrent un mécanisme vicieux : les provinces de l’intérieur, qui
pâtissent de systèmes fiscaux inadaptés et ne bénéficient que de
médiocres capitaux privés, sont incitées à maximiser leur base fiscale
et les loyers privés en concentrant leurs ressources sur la création de
voies rapides à péage.
Cet article s’appuie sur des données statistiques aux niveaux
national et provincial, sur des informations tirées de journaux chinois
et de sites internet spécialisés dans l’industrie, ainsi que sur une
enquête de terrain menée par l’auteur en 2005 à Guangxi, et sur les
résultats de travaux de recherche réalisés en collaboration avec
l’Académie chinoise des sciences sociales1.


Kun-Chin Lin est chargé de cours au China Institute du King’s College à Londres.
Cet article a été rédigé pour l’Ifri à partir d’une présentation donnée à la conférence
annuelle de l’Association for Asian Studies, du 3 au 7 avril 2008 à Atlanta.
1
La littérature en chinois sur l’économie politique des routes et de la construction
routière est considérablement plus prolifique, mais pas nécessairement plus

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Sommaire

INTRODUCTION ................................................................................... 4

ANALYSE DU BOOM DE LA CONSTRUCTION ROUTIERE EN CHINE


(1998-2006) .................................................................................... 12
Vue d’ensemble du boom routier ......................................................... 12
Fédéralisme fiscal et décentralisation
de la construction des routes ............................................................... 17
Problèmes de classification des routes .............................................. 27

FONDEMENTS FISCAUX DES PROJETS ROUTIERS : ZOOM


SUR LES INSTITUTIONS ET LES PROCESSUS AU NIVEAU PROVINCIAL ..... 28
Différentes approches pour expliquer
les variations régionales et temporelles ............................................. 28
Illustration de l’hypothèse de l’insuffisance des revenus fiscaux ... 29
Illustration de l’hypothèse des biais procéduriers ............................. 34
Illustration de l’hypothèse de la qualité
des capitaux privés investis ................................................................. 39

CONCLUSION .................................................................................... 42

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................ 43

ANNEXE : TABLEAUX ........................................................................ 45

diversifiée dans ses perspectives et ses méthodologies que les publications en


anglais de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement. De
même que les études en anglais, ces ouvrages cherchent tous à documenter et à
expliquer comment les routes contribuent au développement rural. Pour obtenir des
perspectives plus variées, interdisciplinaires et plus complètes, il faut se plonger
dans la lecture des journaux de transports spécialisés tels que 中国交通报 (China
Communications News) et 中国交通 (China Communications), ainsi que des
journaux des secteurs liés au transport comme 建设机械技术与管理 (Construction
Machinery Technology and Management Journal), ou bien se rendre sur des sites
internet officiels. Les publications des districts et des sous-districts sont également
riches en informations, que nous avons exploitées pour préparer les études de cas
qui figurent dans cet article. Des enquêtes domestiques et des évaluations-bilans en
fin de projet ont été réalisées pour la plupart des projets de construction des
principales routes de haute qualité, mais ces documents sont généralement la
propriété des gouvernements locaux et des cabinets d’analyse qui les tiennent pour
confidentiels, et ne sont donc pas facilement accessibles au grand public.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Introduction

Le goulot d’étranglement du système de transports en Chine


constitue un obstacle majeur à la pérennité de sa croissance. Les
routes demeurent particulièrement importantes pour le commerce
régional et la mobilité des hommes, en deuxième position derrière
l’aviation pour la distance totale parcourue, et derrière les chemins de
fer et de mer pour le nombre de passagers et le volume de
marchandises transportées.
Sur les courtes distances et pour les déplacements à faible
tonnage – qui représentent l’avenir proche des transports étant donné
la rapidité de la croissance du marché privé de l’automobile – les
routes semblent être le moyen le plus courant et le plus efficace pour
se déplacer. De plus, elles semblent s’imposer comme outil de
développement pour des dirigeants locaux soucieux d’apporter les
bénéfices de l’économie de marché aux régions reculées sous leur
juridiction.
Dans le même temps, les projets de construction de routes
offrent un terrain favorable à la corruption et à la taxation abusive,
ainsi qu’aux mouvements environnementaux, aux protestations de la
base de la population, aux désaccords sur l’utilisation des terrains, et
aux confrontations violentes entre administrations locales et groupes
sociétaux.
Dans cet article, nous examinerons deux évolutions
intéressantes de la politique économique dans le cadre de l’explosion
de la construction routière en Chine, en particulier au cours de la
période suivant le 15e Congrès du Parti. Nous considérons 2003
comme une année pivot, car l’arrivée du duo Hu Jintao – Wen Jiabao
au pouvoir a provoqué un changement majeur dans la politique de
transports en Chine, avec la définition de nouvelles priorités pour les
infrastructures rurales et des incitations de plus en plus pressantes


Merci à Hélène Le Bail et Valérie Niquet de l’IFRI pour leur intérêt pour ce projet, et
à Chen Shaofeng et Yu Xiao pour leur aide précieuse dans les travaux de recherche
et leurs suggestions d’interprétations.
Le Professeur Li Renqing de la CASS et le Docteur Tao Ran de la CAS ont apporté
une contribution inestimable à mon projet de recherche sur la politique autoroutière
et le développement des zones rurales.
Ce projet a reçu des financements de la part de la British Academy, du
Contemporary China Studies Programme (Oxford), de la Chinese Academy of Social
Sciences, et du Programme interne de soutien à la recherche du Département des
Arts et des Sciences Sociales de l’Université Nationale de Singapour.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

aux instances de gouvernement locales à aller plus loin dans leurs


recherches de ressources financières, alors même que le gou-
vernement central réduisait leurs pouvoirs de taxation2.
Premier constat : depuis 2003, le taux de croissance de la
longueur totale des routes semble avoir diminué (voir tableau 1 de
l’annexe). Les régions de l’ouest, du centre et de l’est de la Chine ont
toutes assisté à une baisse considérable de la croissance annuelle
moyenne des routes. Jusqu’en 2003, les régions de l’est et du centre
annonçaient des taux supérieurs à la moyenne nationale, mais elles
sont depuis tombées sous la moyenne. Les fluctuations d’une année
sur l’autre ont également cessé. Sous l’effet de politiques incitatives,
la construction routière avait connu un pic d’activité majeur en 2001,
celui de 2004 fut beaucoup moins important. Ce phénomène s’est
plus ou moins reproduit dans les trois régions. Ce ralentissement de
la croissance des routes en dépit d’engagements politiques plus
importants de la part des instances du gouvernement central semble
paradoxal.

2
Cette tendance s’oppose quelque peu à la tendance globale prônée par Wen
Jiabao, consistant à ralentir les investissements de capitaux fixes dans d’autres
secteurs économiques en surchauffe.

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Source : Calculs sur la base de données du Year Book of China Transportation &
Communications, Year Book of China Transportation & Communications Press,
différentes années entre 1999 et 2006.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Deuxième constat : en dépit des préoccupations de plus en


plus importantes que suscite le développement rural chez les élites
chinoises depuis 2001 et la conférence importante de Jiang Zemin
sur le travail rural, c’est dans les régions les plus pauvres que l’on
observe un rythme de croissance des routes de plus en plus rapide
(voir tableau 2 de l’annexe). Seule la Chine occidentale a connu en
2001 une certaine croissance des routes de moindre qualité. Depuis
2003, dans les régions de l’ouest et du centre, on assiste à un
développement plus rapide des routes de haute qualité par rapport à
celles de plus basse qualité, à des taux moyens plus élevés que ceux
de la Chine orientale. Cette tendance défie toute logique
économique : les routes de moins bonne qualité sont plus
avantageuses en termes de rapport coût-bénéfice et de contribution
au développement rural, et même à l’équilibre économique des villes,
par rapport aux routes de haute qualité3. Pourquoi alors observe-t-on
ce parti pris contre les routes de campagne, alors que la croissance
économique et la lutte contre la pauvreté sont des priorités
politiques ? Existe-t-il une logique fiscale générale qui irait à
l’encontre du développement de routes de campagne plus efficaces
et performantes ? Cette logique connaît-elle des variations dans les
différentes régions de la Chine ?

Graphique 2.1 - Taux de croissance Graphique 2.2 - Taux de croissance


relatifs du rapport entre routes de classe relatifs du rapport entre routes de
supérieur et de classe inférieur en Chine classe supérieur et de classe
inférieur en Chine
10,0 8,0
8,0
6,0 6,0
4,0
%4,0
% 2,0
0,0
-2,0 2,0
2000 2001 2002
0,0
2003 2004 2005
Change of growth rate
— Evolutionnational
du taux degecroissance
avera — Evolution
Change ofdu taux
growth ratede croissance
national average

— Moyenne nationale — Moyenne nationale

3
Fan S. et C. Chan-Kang (2005), ―Road Development, Economic Growth, and
Poverty Reduction in China,‖ Rapport de recherche 138, International Food Policy
Research Institute. Le Professeur Gregory Noble de l’Université de Tokyo a souligné
que les districts les plus pauvres ont sans doute intérêt à adopter une stratégie
d’investissement tournée vers l’avenir, consistant à développer les routes les mieux
classées pour mieux se préparer à l’urbanisation et au développement économique.
Correspondance personnelle, 26 avril 2009. Il s’agit là d’un contrepoint intrigant, mais
la négligence des routes de campagne est difficile à justifier.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

— Evolution du taux de croissance — Evolution du taux de croissance


— Moyenne nationale — Moyenne nationale

— Evolution du taux de croissance — Evolution du taux de croissance


— Moyenne nationale — Moyenne nationale

— Evolution du taux de croissance — Evolution du taux de croissance


— Moyenne nationale — Moyenne nationale

Source : Calculs sur la base de données du Year Book of China Transportation &
Communications, Year Book of China Transportation & Communications Press,
différentes années entre 1999 et 2006.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

En somme, en termes de tendances de croissance et de


qualité des routes, il existe des convergences entre les trois régions
sur la seconde période de 2003 à 2005. Or, si l’on considère la
dynamique de construction routière comme le résultat d’une
approche décentralisée appliquant une logique de marché aux
réseaux de transports, ne devrait-on pas observer des variations de
plus en plus fortes plutôt qu’une convergence dans les capacités
d’expansion des routes et dans les différents types de routes, en
fonction des différents modes de production et des héritages
géographiques et structurels propres à chaque région ?
En se penchant sur ces énigmes, trois théories classiques
viennent à l’esprit. Premièrement, des variables structurelles telles
que les caractéristiques locales ou régionales et celles de la
circulation des marchés (Comtois 1990, Skinner 1965, 1985,
Murphey 1956, Goodman 1997), ainsi que les orientations à long
terme des comportements politiques ou de la culture politique (Jae
Ho Chung 2000, 1999 and Vivienne Shue 1988, 1990) peuvent avoir
une influence sur l’équipement routier des états locaux.
Deuxièmement, des chocs politiques tels que l’impact de la « Great
Western Development Strategy », les stimuli fiscaux appliqués après
la crise financière asiatique sous Jiang Zemin et Zhu Rongji, et les
campagnes « Relance du Nord-est » et « San Nong » menées par
leurs successeurs ont pu être les déclencheurs financiers et
politiques des variations. Une telle perspective nécessite d’étudier la
question des factions pendant la période de succession4. Enfin, une
approche fiscale fédéraliste (Montinola, Qian and Weingast 1995,
Qian and Xu, 1993) se concentre sur les accords de cofinancement
entre gouvernements central et local dans les projets routiers, ainsi
que sur la dynamique de concurrence à l’intérieur même des
provinces pour attirer les investissements à travers de meilleures
infrastructures5. Une analyse rapide suggère qu’aucune de ces
théories ne fournit d’explication suffisamment solide des variations
dans la croissance des routes. Les variables structurelles en
particulier ne tiennent pas compte des changements rapides qui
interviennent au niveau régional, tandis que la théorie des chocs
politiques et celle du rôle des factions n’expliquent pas le phénomène
de convergence régionale et temporelle ; l’argument fiscal fédéraliste
quant à lui semble être réfuté par la convergence vers des formes
inefficaces de transport rural.
Certains prennent également en compte les caractéristiques
propres au développement des transports. Certaines routes – en
particulier les routes de campagne – sont des propriétés publiques ;
d’autres ont une valeur commerciale claire. Quoi qu’il en soit, les
réseaux de transport sont la production commune des

4
Victor Shih de l’Université de Northwestern et moi-même prévoyons de mener cette
analyse par des tests quantitatifs dans un article à venir.
5
Chung (1999), Treisman (2006) et Treisman et Cai (2006) ont également remis en
question la logique de décentralisation.

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gouvernements central et locaux (Ostrom 1990), assortie de


contributions directes des paysans à travers la taxation, l’épargne
collective ou encore le travail réquisitionné. Ainsi, une analyse
détaillée des dynamiques institutionnelles sous-tendant la répartition
des coûts et des bénéfices dans les projets routiers permettrait
d’identifier les motivations respectives de leurs acteurs principaux. En
particulier, il faudrait se demander si l’analyse, actuellement
dominante, des travaux publics comme étant régis par le cadre
administratif décentralisé caractéristique de la période post-Mao,
assortie d’une méthode de financement fiscale quasi fédéraliste
(Montinola, Qian and Weingast 1995, Wong 1997), suffit à expliquer
les variations cruciales observées aux niveaux régional et temporel.
Les travaux de Kellee Tsai and Lin Shuanglin mettent en évidence les
limites de cette approche, qui ne tient pas compte des moyens de
financement informels – en particulier l’accumulation de revenus hors
budget pour pourvoir aux besoins publics – et sous-estime la
pression permanente que représente la rareté des ressources pour le
gouvernement central, les entreprises publiques et les états locaux6.
Les deux auteurs préconisent d’orienter les recherches du côté des
stratégies mises en place par les gouvernements locaux pour
parvenir à « joindre les deux bouts » malgré un nombre limité de
possibilités de levées de fonds indépendants. Nous y ajouterons une
analyse des conflits d’intérêts entre les responsables politiques
centraux et locaux, et de leurs interactions stratégiques qui affectent
l’élaboration et la mise en œuvre de projets routiers.
Dans les pages qui suivent, nous proposons d’analyser les
politiques institutionnelles qui entrent en jeu dans les processus de
formulation, d’acceptation et de financement de projets routiers dans
un cadre national de quasi-fédéralisme fiscal pour la production de
biens publics. Notre analyse se situe principalement au niveau
provincial : les responsables politiques provinciaux s’avèrent en effet
des acteurs clés dans l’élaboration de projets routiers, et les agences
au niveau provincial sont investies des plus importantes
responsabilités dans la conduite de ces projets et l’entretien des
routes sur le long terme, ainsi que dans la formulation de plans de
développement rural motivés par des réseaux de transports7.

6
Kellee S. Tsai, ―Off Balance: The Unintended Consequences of Fiscal Federalism
in China.‖ Journal of Chinese Political Science, 9(2), 2004 ; Shuanglin Lin, ―Public
infrastructure development in China.‖ Comparative Economic Studies 43(2), Été
2001, pp. 83-109. Voir aussi : Carsten Herrmann-Pillath et Feng Xingyuan,
―Competitive Governments, Fiscal Arrangements, and the Provision of Local Public
Infrastructure in China: A Theory-driven Study of Gujiao Municipality.‖ China
Information, 18(3), 2004.
7
Andy Mertha soutient que les principales bénéficiaires de ce passage récent à une
gestion centralisée sont en fait les provinces et non pas Pékin, car les mécanismes
institutionnels de la répartition des ressources humaines et budgétaires sont
concentrés au niveau provincial : « Bien que le transfert de certains pouvoirs des
gouvernements locaux aux nouvelles bureaucraties centralisées ait quelque peu
freiné le mouvement de décentralisation, il a également contribué à établir une
situation où les provinces nouvellement renforcées ont la possibilité de jouer un rôle

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Ensemble, ces acteurs et leurs travaux constituent un espace


politico-organisationnel cohérent. Au sein de cet espace, nous
soutenons que trois variables – insuffisance des revenus fiscaux,
biais procéduriers et qualité des capitaux privés – expliquent les
motivations des responsables politiques provinciaux pour exclure
certaines formes de financement et certains types de routes.

clé dans l’émergence d’une sorte de fédéralisme pervers » Andrew C. Mertha,


―China’s ―Soft‖ Centralization: Shifting Tiao/Kuai Authority Relations,‖ China
Quarterly, 184, décembre 2005, pp. 791-810.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Analyse du boom
de la construction routière
en Chine (1998-2006)

Vue d’ensemble du boom routier

Le boom qu’a connu la construction routière chinoise dans la durée


représente un succès considérable pour tous les niveaux de
gouvernement du pays. Lorsque la réforme fut initiée en 1978, la
longueur totale des routes dans le pays était seulement de
890 000 km, soit une densité de 9,3 km par cent kilomètres carrés8.
Seuls 91,5 % des cantons et 65,8 % des villages administratifs
(行政村) étaient reliés par des routes9. Dans les premières années de
la réforme, des contraintes de financement et une politique de crédit
stricte avaient entravé la construction routière et entraîné
embouteillages et goulots d’étranglement dans tout le pays10. Après
plus de dix ans de construction, la longueur totale des routes s’élevait
à 1,028 million de km en 1990, dont 33 % et 36 % respectivement de
routes de district et de routes communales11. En 1995, la longueur
totale atteignait 1,157 million de km, et les routes reliaient désormais
97,1 % des cantons et 80 % des villages administratifs.
Une fois les contraintes fiscales et macroéconomiques levées,
la construction routière a pris son envol dans les années 1990. De
1995 à 2000, le nombre de cantons et de villages administratifs reliés
par des routes a augmenté respectivement de 1,2 % et de 9,5 %12.

8
Les données citées sont tirées de : China Transport, ―The developing trajectory and
overall strategies of China’s highways,‖ 22/03/2005, disponible sur :
http://www.iicc.ac.cn/05traffic_planning/t20050322_17216.htm.
9
交通与发展研究课题网站, ―Rural roads’ development status, future prospects and
countermeasures in China,‖ 28/12/2005, disponible sur : http://dev.catsic.com/gzdt-
show.asp?column_id=80&column_cat_id=11&fileName=gzdt
10
Demurger (1999), repris dans Fan and Chan-Kang (2005), pp.16-7.
11
China Transport, ―Highway construction – Total highway mileages in China
according to administrative levels,‖ 01/04/01, disponible sur :
http://www.iicc.ac.cn/05traffic_overview/t20031122_16732.htm.
12
China Transport, ―General situation of infrastructural construction and technical
innovation in 2000,‖ 2/26/2000, disponible sur :
http://www.iicc.ac.cn/05traffic_overview/t20040226_16739.htm.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

En 1999, tous les districts de la Chine étaient reliés par des routes13.
Avec une densité routière de 14,6 km pour 100 kilomètres carrés, la
longueur totale des routes atteignait 1,402 million de km en 2000. La
proportion de routes de haute qualité sur l’ensemble des routes du
pays, seulement de 1,3 % en 1978, faisait un bond à 13,5 % en 2000.
Le 10e Plan quinquennal (2001-2005) s’est caractérisé par
l’achèvement de 24 700 km de routes, soit 1,5 fois la longueur totale
des routes construites sous les 7e, 8e et 9e Plans quinquennaux
réunis14 (voir tableau 3 en annexe). Le montant total des
investissements dans la construction de routes de campagne sous le
10e Plan s’élevait à 417,8 milliards de yuans, soit trois fois celui des
investissements sous le 9e Plan15. En date de 2005, la longueur de
toutes les routes réunies s’élevait à 1,930 million de km, dont 25,6 %
et 50,3 % respectivement de routes de districts et de cantons. La
densité des routes s’élevait à 20,1 km pour 100 kilomètres carrés,
soit 2,6 km par 100 kilomètres carrés de plus qu’à la fin du 9e Plan.
La proportion de cantons et de villages administratifs reliés par des
routes atteignait respectivement 99,8 % et 94,3 %, soit une aug-
mentation de 1,5 % et de 4,8 % par rapport aux chiffres du 9e Plan16.
Hu Jintao et Wen Jiabao ont élaboré une stratégie ambitieuse
pour améliorer la construction des infrastructures dans les
campagnes chinoises. Selon le « Projet de développement des
routes et des voies navigables dans le 11e Plan quinquennal »
(公路水路交通«十一五»发展规划纲要), l’ambition de Pékin n’est pas
seulement d’achever de relier les derniers cantons et les derniers
villages par des routes, mais aussi d’améliorer la qualité des routes
existantes et de celles à venir. L’objectif de ce Projet de
développement est de doter 95 % des cantons et plus de 80 % des
villages administratifs17 en Chine de routes bétonnées. Pékin
souhaite que la totalité des villes et des villages administratifs des
régions de l’Est atteignent cet objectif ; pour les régions du centre et
de l’ouest, les objectifs sont un peu moins élevés : 100 % de routes
bétonnées pour les cantons et 88 % pour les villages dans la

13
Les données citées sont tirées de : China Transport, ―The developing trajectory
and overall strategies of China’s highways,‖ 22/03/2005, disponible sur :
http://www.iicc.ac.cn/05traffic_planning/t20050322_17216.htm.
14
Ministère de la Communication, ―The Statistic Gazette on the Development of the
Transport Sector of Highways and Waterways in 2005,‖ disponible sur :
http://www.moc.gov.cn/06jiaotonggk/fazhanbg/daoluysfzbg/200608/t20060824_7240
2.html
15
Xinhua Agency, ―China has speed up investments on rural road construction in the
Tenth Five Year Plan,‖ 27/02/2006, disponible sur : http://www.gov.cn/jrzg/2006-
02/27/content_212584.htm.
16
Fin 2005, 75 villes et 38426 villages administratifs n’étaient toujours pas reliés par
des routes. Les données citées sont tirées d’une publication du ministère de la
Communication, ―Statistic gazette on the transport sector of highways and waterways
in 2005,‖ 22/05/2006, disponible sur :
http://www.gov.cn/gzdt/2006-05/22/content_287487.htm.
17
Il existe en Chine quelque 680 000 villages reconnus comme le premier niveau
administratif.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

première, et 90 % et 50 % dans la seconde18. En 2005, pour la


première fois depuis le début de la période de réformes, les voies
rapides et les routes de campagne étaient regroupées dans les
directives (zhonghe guihua) publiées par le ministère de la
Communication (M.C.). Depuis 2006, les données officielles
concernant les routes comprennent aussi bien les routes de haute et
moyenne qualité que les routes de campagne19 (voir les différents
tableaux en annexe).
La politique de transports chinoise et les données publiées se
concentrent sur les augmentations de la longueur totale des routes, la
longueur des routes de haute qualité (terme regroupant les « voies
express » et les routes de classe I et II d’après les spécifications
techniques)20, et la densité du réseau routier ou la couverture
géographique. En dehors de ces objectifs quantitatifs, le
gouvernement central joue le rôle clé de planificateur en chef dans le
développement des infrastructures de transport. Sous le 8e Plan
quinquennal (1990-1994), le gouvernement a élaboré le principal
réseau routier du pays – les « cinq verticales et sept horizontales »
(wu zong qi heng) – comprenant douze lignes interurbaines pour une
longueur totale de 35 000 km. Sous le 9e Plan quinquennal (1995-
2000) a été initiée la construction de « deux verticales et deux
horizontales » et de trois nouvelles sections sur d’importants axes
interurbains, pour une longueur totale de 17 000 km. Ces objectifs ont
été atteints à la fin du 10e Plan quinquennal. Pour le 11e Plan
quinquennal (2006-2010), Pékin a mis l’accent sur un nouvel objectif :
constuire 380 000 km de routes, dont 24 000 km de voies express, en
cinq ans. En particulier, le Conseil des affaires de l’État a approuvé
un « Plan de construction de routes de campagne », premier projet
de construction d’infrastructures pour les zones rurales. Ce projet
intègre les objectifs du Plan de développement susmentionné21.
En termes géographiques, les variations dans les efforts de
construction se sont accentuées entre espaces urbains et ruraux,

18
Nongmin Ribao, ―新起点新使命新变化——交通部部长李盛霖谈农村公路建设,‖
11/03/06.
19
Les routes de campagne sont des routes de moindre qualité (de classe III et
inférieure, voir note suivante), qui relient les unités administratives rurales. Ce sont
des routes dont les autorités locales sont en charge, en réalité les documents
politiques évitent de définir précisément ce que recouvre la distinction entre routes
rurales ou non.
20
La Banque mondiale propose la classification suivante, mais nous verrons plus loin
qu’en Chine, elle est recoupée par des divisions d’ordre administrif : les voies
express (largeur de 28 m), classe I (25,5m), classe II (12 m), class III (8,5 m) et
classe IV (7 m) :
http://siteresources.worldbank.org/EXTSARREGTOPTRANSPORT/Resources/5795
97-1128434742437/1735263-
1128434796061/China_Study_Tour_Report_Rev3.pdf?&resourceurlname=China_St
udy_Tour_Report_Rev3.pdf
21
Economic Daily, ―China will invest 100 billion yuan to promote rural road
construction in the Eleventh Five-Year Plan,‖ 28/10//2005, disponible sur :
http://www.gov.cn/ztzl/2005-10/28/content_85849.htm.

14
© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

ainsi qu’entre les différentes régions. Même si les chiffres montrent


que les zones rurales sont de mieux en mieux reliées, la proportion
de routes classées y reste faible. Les routes de Classes I et II n’y
représentent que 13,5 % de la longueur totale. Les routes de moins
bonne qualité impliquent des capacités de transport limitées, une
qualité de construction médiocre, et des risques d’accidents et de
pannes plus élevés22. Néanmoins, comme nous l’avons vu en
introduction, ces routes de qualité médiocre permettent un retour sur
investissement plus important, aussi bien pour les villes que pour les
campagnes, que celles de haute qualité. Le gouvernement chinois ne
semble pas avoir pris ces avantages économiques en compte,
puisqu’il continue de favoriser la construction de routes de haute
qualité dans sa politique rurale. Lors de la 3e Assemblée plénière du
15e Congrès du Parti, Jiang Zemin a mis l’accent sur les campagnes
et le Congrès a voté les « Décisions majeures sur l’agriculture et le
travail gouvernemental dans les zones rurales », qui ont ensuite
mené à la formulation par le Conseil des affaires de l’État de
prévisions à long terme pour les routes
(« 关于加快农村公路发展的若干意见 ») en 2000. Ces mesures fixaient des
objectifs quantitatifs essentiels pour le réseau routier : 96 % des
villages administratifs devaient être reliés par des routes en 2005, et
la qualité des routes devait être améliorée dans toutes les régions. En
outre, 90 % des routes de Chine orientale devaient être au minimum
de Classe III en 2005 – les régions de Chine centrale et occidentale
ayant le même objectif pour respectivement 2010 et 2020. Or, en
2000, le gouvernement central n’avait donné que de vagues
directives pour améliorer les capacités de financement locales,
encourageant surtout les responsables politiques locaux à « faire de
leur mieux » pour consacrer une partie déterminée de leur budget
local à la construction routière23.
Le discours du gouvernement Hu-Wen, centré sur la création
d’une « société harmonieuse », et en particulier l’accent placé sur
l’allégement du fardeau des paysans et l’amélioration des revenus
des campagnes (san-nong), ont considérablement renforcé
l’engagement des élites dans le développement des infrastructures.
Un nouvel audit des routes a été ordonné en 2002. Entre 2003 et
2005, le nouveau gouvernement à Pékin a dépensé en tout
50 milliards de yuans dans la construction de routes dans les
campagnes, augmentant ainsi la longueur des routes rurales
bétonnées de 176 000 km – pour se donner une idée, ce chiffre est
presque égal à la longueur totale des routes construites dans les 53
premières années de la République Populaire de Chine24.
17,5 milliards de yuans supplémentaires ont été consacrés à des

22
China Transportation, ―General Situation of Highway Construction in 2000,‖
26/02/2000, disponible sur
: http://www.iicc.ac.cn/05traffic_overview/t20040226_16737.htm.
23
―2001-2010 Waterway and Highway Industrial Policy and Product Development
Overview.‖ Transport Regulation 268 (2001).
24
Xinhua Agency, ―China’s Countryside Bidding Farewell to Dirt Roads,‖ 28/10/2006.

15
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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

projets de construction routière en 200625. La volonté de Wen


Jiaobao de « renouveler les campagnes »26 en Chine se traduit par le
projet d’investir 100 milliards de yuans dans la construction de routes
de campagne au cours de la 11e période quinquennale27. Le
« Document numéro Un » de 2007, publié conjointement par le
Conseil des affaires de l’État et le Comité Central, stipule que le
gouvernement va concentrer ses investissements sur les campagnes,
notamment pour accélérer la construction de routes en zones
rurales28.
En plus de ce recentrage de l’attention politique sur les
campagnes chinoises, Pékin cherche des solutions aux inégalités
croissantes dans l’équipement en infrastructures des différentes
régions du pays. L’augmentation du nombre et de la qualité des
routes a été plus importante à l’est du pays qu’en Chine centrale et
occidentale. La proportion de routes de haute qualité sur le nombre
total de routes était 21 % moindre à l’Est qu’à l’Ouest en 2000, et les
régions de l’Ouest possédaient respectivement deux et trois fois plus
de routes de district et cantonales non bétonnées et de routes de
Classe IV ou inférieure (voir tableau IV en annexe). Le nombre de
cantons et de villages non reliés par des routes à l’Ouest représentait
respectivement 85 % et 50 % du total national29. Dans les dernières
années de leur gouvernement, Jiang Zemin and Zhu Rongji ont tenté
de trouver des solutions à ces disparités en formulant la stratégie de
Développement de la Chine de l’Ouest (« xibu da kaifa »), qui
prévoyait des investissements massifs dans cette région. Depuis
2000, des parts de plus en plus importantes des investissements
routiers sont allouées aux régions de la Chine centrale et occidentale.
Pékin tente également d’inciter à la construction de routes dans les
régions reculées en accordant des durées de taxation plus longues
pour les routes à péage, selon le Règlement pour les routes à péage
entré en vigueur en 2004.
En mai 2006, la Commission d’État pour le développement et
la réforme (SDRC) a divulgué un Plan d’investissement pour les
projets de rénovation des routes de campagne, dans lequel le
gouvernement central s’engageait à consacrer 17,5 milliards de
yuans de subventions, dont 3,5 milliards directement alloués par le
budget central et 14 milliards provenant de « fonds spéciaux » des
ministères du gouvernement central – tel que le ministère de la
Communication. Plus spécifiquement, en Chine orientale et centrale,
le gouvernement central devait consacrer 9,6 milliards de yuans à
27 012 projets visant à relier les villages et les cantons entre eux.

25
Xinhua Agency, ―China’s rural life still harsh,‖26/12/2006
26
Idem.
27
Economic Daily, 28/10/2005, ibid.
28
Voir http://news.xinhuanet.com/politics/2007-01/29/content_5670478.htm
29
China Transportation, ―General Situation of Highway Construction in
2000,‖26/02/2000, disponible sur
: http://www.iicc.ac.cn/05traffic_overview/t20040226_16737.htm.

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Avec un investissement global de 27,4 milliards de yuans, la distance


totale représentée par ces projets s’élèverait à 96 000 km. En Chine
de l’Ouest, 996 projets routiers visent à relier les cantons. Pour une
distance totale de 23,2 milliers de kilomètres, ces projets
nécessitaient un investissement global de 17,6 milliards de yuans,
dont 7,9 milliards de la part de l’État central30. 184 milliards de yuans
ont été investis dans les routes de campagne en 2007, et
205 milliards de plus en 2008.

Fédéralisme fiscal et décentralisation


de la construction des routes

Le cadre général de la réalisation de projets routiers peut être qualifié


de fédéralisme fiscal. Loin d’être une institution figée, ce cadre a
permis des variations dans les termes des accords de
décentralisation et de répartition des coûts au fil du temps – la plupart
du temps en accord avec les intérêts du gouvernement central. En
1958, Pékin a confié la responsabilité de la construction et du
maintien des routes aux gouvernements locaux, tout en créant des
fonds spéciaux pour la construction de routes principalement dédiées
à la défense nationale. Cette décentralisation transférait le fardeau
fiscal de la construction routière sur les épaules des institutions
locales, résultant en un sous-approvisionnement permanent des
ressources pour la construction des infrastructures et l’entretien des
routes31.
Au milieu des années 1980, le gouvernement avait tenté de
dynamiser les incitations fiscales en libéralisant les contraintes
préexistantes sur les levées de fonds des états locaux. Sous
l’économie planifiée, la construction routière avait été principalement
financée par les dotations de l’État, les bénéfices réalisés par les
entreprises publiques, et les impôts locaux32. En 1984, le Conseil des
affaires de l’État a donné son feu vert aux gouvernements locaux
pour la construction de routes à péage et pour prospecter de
nouvelles sources de fonds, y compris des organisations
internationales, des banques chinoises et des investisseurs privés.
Sous le 7e Plan quinquennal (1985-1989), le gouvernement a
également approuvé différentes surtaxes sur les véhicules, des taxes
sur la construction des ports, etc. Encore plus significativement, les
agences de transport locales ont reçu le feu vert pour installer des
péages sur les routes construites grâce à des levées de fonds. En
outre, le gouvernement poursuit sa politique d’expropriation des

30
SDRC, ―Investment Plan for Rural Highway Renovation Projects in 2006,‖
08/06/2006.
31
Banque mondiale, Transport in China – An Evaluation of World Bank Assistance,
Rapport n° 18865, Washington D.C. : Banque mondiale, 1999.
32
Fan et Chan-Kang (2005), p. 19.

17
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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

terres agricoles pour développer les infrastructures à des tarifs


défiant toute concurrence. Ces nouvelles options et incitations
fiscales contribuent largement à la croissance rapide des routes33.
La base fiscale pour la construction des routes est
principalement divisée entre les différents niveaux du gouvernement.
Le terme de « ligne interurbaine » (guodao) fait référence au réseau
routier élaboré par les planificateurs nationaux. Les routes de
province (shengdao) qui relient les capitales provinciales et les
principaux districts sont élaborées au niveau local, en cohérence
avec le cadre national. Ces deux types de voies sont financés
entièrement ou en partie par le budget central, dans le cadre de plans
de cofinancement (peitao) qui peuvent comprendre des fonds levés
localement et des capitaux étrangers. Enfin, les routes locales ou de
campagne (difang), reliant les districts entre eux et aux cantons et
villages, sont financées en partie par des transferts de fonds du
budget central et par le Fonds pour la construction des routes (gonglu
jianshe jijin), une subvention spéciale du gouvernement central. Le
montant de cette subvention varie selon les régions : en 2005, la
Chine orientale a reçu 2 à 4 millions de yuans par kilomètre de route,
tandis que la Chine centrale et occidentale recevaient respectivement
de 4 à 6 millions et de 6 à 8 millions de yuans par kilomètre. Cette
subvention est destinée aux routes conformes à l’élaboration du
réseau routier national et provincial. Pour les routes externes à ce
réseau, le gouvernement central subventionne 4 à 6 millions de
yuans par kilomètre, les fonds pouvant soit couvrir les coûts de
construction, soit constituer un capital de base. En général, les
responsables politiques locaux utilisent ces subventions du
gouvernement central ainsi que les prévisions de péage (le cas
échéant) pour négocier des emprunts bancaires qui viennent
compléter le capital total pour la construction des routes de
campagne34.
Le ministère de la Communication (M.C., rebaptisé ministère
des Transports en 200935), directement en charge des questions
routières, tire son financement de deux sources principales : 1) une
taxe sur l’achat de véhicule (chegoufei, environ 10 % du prix de la
voiture), dont les revenus sont destinés à financer la construction
routière ; et 2) une taxe pour l’entretien des routes (yanglufei, environ
100 yuans par tonne de marchandise transportée, principalement
prélevée auprès des compagnies de transport), collectée par les
autorités de transport locales au nom du ministère central. Les
revenus de la taxe sur l’achat de véhicule ont rapporté 1,4 milliard de

33
D’après le vice-secrétaire à la Communication, ―The Infrastructural Development of
China’s Highways and Waterways and Investment Policies,‖ Guanli Shijie
(Management World), 2, 1995.
34
Entretien réalisé par l’auteur avec un membre du Conseil des affaires de l’Etat,
juillet 2005.
35
Pour plus de détails sur les changements administratifs, voir :
http://www.caijing.com.cn/2009-03-18/110123414.html

18
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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

yuans au développement des transports en zones rurales en 2001,


10,8 milliards en 2003, 22,7 milliards en 2006, 36,54 milliards en
2007, et 22,07 milliards en 200836. Les responsables des transports
au niveau central prévoyaient de dépenser encore 45,4 milliards en
2009-2010. Notons que ces montants ne représentent qu’environ
40 % des revenus totaux de cette taxe, ce qui invite à s’interroger sur
l’utilisation du reste des fonds37. Le revenu de la taxe pour l’entretien
des routes, investi dans toutes sortes de projets de construction
routière, s’élevait à 86,09 milliards de yuans en 2005, dont seulement
19,69 milliards (soit 23 % de la somme totale) ont servi à financer la
construction de nouvelles routes en zones rurales ou à subventionner
le bon fonctionnement et l’entretien des routes de campagne38. Aussi
impressionnants que puissent paraître ces montants, ils ne
représentent qu’une petite partie de l’investissement prévu pour les
routes en 2005 – 488 milliards de yuans39. Pékin soutient que le
gouvernement central est le « leader », même si d’autres sources
fournissent la majeure partie de l’investissement.
Comme par le passé, les gouvernements provinciaux jouent
un rôle prépondérant dans le financement des routes provinciales :
les dernières directives stipulent que les districts doivent lever 35 %
du capital initial de leurs propres sources de financement (y compris
les péages) et de la vente de bons du Trésor – les 65 % restants
pouvant provenir d’emprunts bancaires40. Même si les transferts de
fonds du gouvernement central (fonds spéciaux du ministère et bons
du Trésor) dépassent rarement 10 % du financement total des grands
projets de voies express et routiers, les gouvernements locaux sont
forcés de faire du lobbying, car toute une série de problèmes plus
importants que les subventions du gouvernement central entrent en
jeu dans ces projets cofinancés par le central et le local (peitao).
Parmi ces problèmes figurent l’acceptation de futurs projets, les
trajets de routes interurbaines nationales, les subventions pour la
lutte contre la pauvreté, les termes s’appliquant aux routes à péages,
l’accès au crédit, etc. Nous allons traiter certains de ces liens dans la
partie suivante.
Le système mis en place pour partager les coûts n’a pas
d’impact significatif sur la construction des routes de campagnes de
classe inférieure, qui relève toujours largement de la responsabilité

36
Données disponibles sur : http://news.chinavoc.cn/Tax/Files/200707/37779.html et
http://www.gov.cn/jrzg/2009-04/17/content_1287925.htm
37
Voir : http://news.chinavoc.cn/Tax/Files/200707/37779.html
38 En 2004, les montants équivalents s’élevaient respectivement à 74,317 milliards
et 3,199 milliards. Voir :
http://www.hebjtinfo.com/UpFiles/Article/专题研究/农村公路管养专题/资金筹措管理/农村公路建设融
资的可行性路径分析.pdf.
39
Ibid.
40
Fan et Chan-Kang (2005), p. 21. Voir aussi :
http://www.hebjtinfo.com/UpFiles/Article/专题研究/农村公路管养专题/资金筹措管理/农村公路建设融
资的可行性路径分析.pdf.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

des autorités locales41. La loi sur les routes de 1997 stipule que les
routes de campagne et de classe inférieure doivent être construites et
entretenues (zijian ziyan) par les autorités concernées, qui reçoivent
l’aval d’une agence planificatrice de leur district ou de leur préfecture
sans avoir à passer par l’autorité supérieure. Comme on peut s’y
attendre, cet abaissement de niveau procédurier a souvent mené à
des attitudes cavalières quant à la faisabilité des projets et dans
l’analyse des projets, ainsi qu’au déploiement de stratégies « de
campagne électorale » (da hui zhan) de la part des élites locales
assimilant le succès à relier des zones administratives à des
« victoires politiques » (zhengji), sans se soucier des conséquences
socio-économiques ni des logiques de marché propres à ces routes.
Le financement des routes de campagne au niveau central s’est
concrétisé dans les trois dernières années du 10e Plan quinquennal,
lorsque le gouvernement s’est engagé à fournir une somme fixe de
subventions par kilomètre. Ces subventions varient en fonction des
régions et du niveau de gouvernement. Auparavant, une subvention
de l’État central était considérée comme une forme de don42. Ces
dernières années, Pékin a commencé à réclamer un remboursement
partiel des prêts43.
Les tableaux 5.1 et 5.2 détaillent les sources de financement
de base pour les principaux projets routiers, y compris des routes aux
niveaux national et des districts. Les graphiques 6 et 7 retracent les
sources de financement des routes de campagne au niveau local44.
Les différentes parts de financement du gouvernement central dans
ces deux types de routes sont facilement vérifiables. Il est à noter
qu’une estimation chiffrée de la valeur de différents types de travail
réquisitionné – dont on observe le déclin au cours de la période de
réforme fiscale – figure parmi les « autres » catégories de
financement pour les routes de campagne. Nous expliquerons ce
phénomène plus bas.

41
Pour une excellente vue d’ensemble des routes dans les campagnes chinoises,
voir : http://dev.catsic.com/ewebedit/UploadFile/2006327163347541.ppt
42
Par exemple, en 2009, la province de Henan a reçu 0,58 milliards de yuans en
plus de la NDRC pour f843 projets (1500 km) concernant 1 590 villages, sur la base
d’une subvention classique de 100 000 yuans/km. Cette somme est ensuite
complétée par les allocations des provinces et des gouvernements locaux. Voir :
http://midchina.xinhuanet.com/2009-04/03/content_16152246.htm. A titre de
comparaison, la province plus riche de Fujian a reçu 0,35 milliards de yuans pour
1 020 projets (3 500km) concernant 950 villages, qui les utiliseront pour recouvrir les
chaussées de ciment. Voir :
http://www.ptfdc.com/html/putianxinwen/20090406/45260.html
43
Entretien de l’auteur avec un membre du Conseil des affaires de l’Etat, juillet 2005.
44
Voir aussi : http://www.lmjx.net/tec/2007/200709/20070924111001.shtml

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Table 5.2. Principaux projets routiers


dont:
Année

Nombre de Projets

(km)
Kilométrage total

des voies express


dont kilométrage

(milliards de yuan)
d’investissements
Montant total

(milliards de yuan)
prévus
Investissements

par la province
Fonds levés
ments Etat
Investisse-

bancaires

étrangers
ou la ville

Capitaux
central

Prêts
2002 209 27700 14600 550 120 5,2 25 63 9
2003 219 26100 14700 580 130 4 25 56 8
2004 371 34800 21400 970 190 5,5 33 115,3 6,2
2005 434 41400 25500 1 227,3 258,5 4,7 54,3 158,5 11
2006 559 43224 22189 1 232,2 299,9 1,2 65,3 197,1 6,2
2007 493 35143 25247 1 369,4 338,2 2,909 78,7 209,6 7,1

Source : Calculs basés sur les données du Yearbook of China Transportation &
Communications, Yearbook of China Transportation & Communications Press,
différentes années entre 2003 et 2008.

21
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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Table 5.2 Major Highway Projects by Region

région Est
Investissements
Nombre Kilométrage Investissement de
année dans l’année
de projets total l’État central (Mld Y)
(Mld Y)
2002 59 5 400 47,5 6,2
2003 68 6 000 48,4 4,2
2004 121 7 840 70 6,5
2005 125 9 200 99,7 6,1
2006 209 11126 115,7 4,5
2007 162 7 402 575,8 8,104
région Centre

Investissements
Nombre Kilométrage Investissement de
année dans l’année
de projets total l’État central (Mld Y)
(Mld Y)
2002 53 7 000 37 7,2
2003 53 7 493 40 7,1
2004 79 8 366 50 8,6
2005 111 9 438 64,8 6,6
2006 155 12389 74,7 8,3
2007 149 9 856 401,2 10,504
région Ouest

Investissements
Nombre Kilométrage Investissement de
année dans l’année
de projets total l’État central (Mld Y)
(Mld Y)
2002 97 15300 33 11,7
2003 98 12670 43 12,4
2004 171 18590 70 20
2005 198 22750 89,5 21,5
2006 195 19710 109,4 18,4
2007 182 17885 465,6 24,301

Source : Calculs basés sur les données du Yearbook of China Transportation &
Communications, Yearbook of China Transportation & Communications Press,
différentes années entre 2003 et 2008.

22
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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Chart 6 Financing Rural Roads (County Level and


Below)
Graphique 6. Financement des routes en zones rurales
(niveau district ou inférieur)

90
80
70 2000
60 2001
50
% 2002
40
2003
30
2004
20
10
0
Budget
Central fiscal Taxes sur
Vehicle Emprunts
Bank loans Levées
Local de
self- Autres
Others
national
funds l’achat de
purchasing bancaires fonds
raised au
funds
véhicules
taxes niveau
local

Source : Données tirées du Tableau 2 dans 交通部科学研究院, "农村公路建养投资机制研究,"


交通与发展研究课题网站,2006年2月,p. 8,
http://dev.catsic.com/ewebedit/UploadFile/2006327161554875.doc
et 交通部科学研究院, "农村公路建养投资机制研究,"
交通与发展研究课题网站,2006年3月, http://dev.catsic.com/ewebedit/UploadFile/2006
327161623778.ppt.

23
© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Graphique 7. Sources de revenus pour


la construction routière (2002-2008)

Budget Taxes sur Emprunts Levées de Capitaux


national l’achat de bancaires fonds au étrangers
véhicules niveau
local et
autres

Note : Sources et catégories de données


différentes du Tableau 6
Sources : 2002 disponibles sur :
www.moc.gov.cn/zhuzhan/tongjixinxi/fenxigongbao/tongjigongbao/200709/t20070926
_409258.html
2003 disponibles sur :
www.moc.gov.cn/zizhan/siju/guihuasi/tongjixinxi/niandubaogao/200810/t20081021_5
29967.html
2004 disponibles sur :
www.iicc.ac.cn/jtzt/jtfz/shuju/200808/23684.html
2005 disponibles sur :
http://www.moc.gov.cn/2006/05zhuzhi/zongheghs/guihuasigzdt/t20060518_33155.ht
m
2006 disponibles sur :
http://www.mot.gov.cn/zizhan/siju/guihuasi/tongjixinxi/niandubaogao/200710/t200710
11_431308.html
2007 disponibles sur :
http://www.stats.gov.cn/tjgb/qttjgb/qgqttjgb/t20070430_402402691.htm
2008 disponibles sur :
www.moc.gov.cn/zhuzhan/tongjixinxi/fenxigongbao/tongjigongbao/200904/t20090429
_577812.html

Tout au long des années 1990 et au début des années 2000,


Pékin s’est concentré sur la production de routes de haute qualité
pour relier les capitales de districts et les villes côtières qui
connaissaient un boom économique. Pendant ce temps, moins de
2 milliards de yuans étaient consacrés chaque année aux réseaux

24
© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

routiers des zones rurales45. Cette discrimination politique a duré


jusqu’en 2003, après quoi la Commission nationale pour le
développement et la réforme (NDRC) a entamé un réel effort pour
élever les routes de campagne au rang de priorité. Ainsi, le nombre
de voies express et de routes de Classe I et II était en augmentation
considérable tandis que le nombre de routes de classe inférieur
augmentait lentement. Entre 1980 et 2002, la longueur des voies
express a augmenté à un rythme de 44,4 % par an ; celle des routes
de Classe I de 28,5 % ; de 14 % pour celles de Classe II ; de 5,1 %
pour celles de Classe III ; et de 3,2 % pour celles de Classe IV.
Jusqu’en 2000, la longueur des routes non classées avait diminué,
mais elle a quelque peu augmenté depuis. Notons que le taux de
croissance moyen de l’ensemble des routes sur cette période était à
peine de 2,9 %, indiquant le poids relatif des routes de classe
inférieure sur le réseau global des infrastructures46.
La loi sur les routes de 1997 de la République Populaire de
Chine a établi une série de critères et de régulations pour les routes
financées par des emprunts qui étaient ensuite remboursés grâce
aux taxes imposées aux utilisateurs des routes, pour les routes à
péage financées par des investissements nationaux et étrangers, et
pour le transfert des revenus nets des droits de propriété des routes.
Grâce à ces améliorations sur le terrain légal, les sources de
financement pour les routes se sont de plus en plus diversifiées (voir
tableaux 5.1 et 5.2 ci-dessus)47. Par exemple, sous le 9e Plan
quinquennal, le revenu des taxes pour l’entretien des autoroutes
représentait 53 % de la totalité des fonds alloués à la construction
des routes, c’est-à-dire bien moins qu’auparavant. 36 %
supplémentaires provenaient d’autres sources de financement
nationales, dont les taxes sur l’achat de véhicule, différents transferts
de fonds gouvernementaux, des prêts contractés auprès de banques
chinoises, et des bons du Trésor. Face au besoin de stimulus fiscal
au niveau national après la crise financière asiatique, Pékin a
commencé à émettre des bons du Trésor public à échéance lointaine.
Près de 87 milliards de yuans en bons ont ainsi été émis entre 1998
et 2002, provoquant un boom majeur dans la construction des routes
de campagne48. Ce montant représentait 13,2 % de la totalité des
bons émis au cours de la même période. Cependant, depuis l’arrivée
au pouvoir de Wen Jiabao, le Conseil des affaires de l’État parle de
réduire la quantité de bons pour les routes à 10 % de la totalité des
bons émis, en cohérence avec une politique macroéconomique
moins inflationniste qui reposerait plutôt sur un investissement

45
China Daily, ―Road to Link Remote Villages,‖ 19/06/2006.
46
Fan et Chan-Kang (2005), p. 7.
47
La loi sur les routes a été révisée en 1999 et en 2004, entraînant une réduction
des options de financement pour les gouvernements locaux. Nous en exposerons les
détails plus bas.
48
Fan et Chan-Kang (2005), p. 19.

25
© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

modéré de capitaux fixes49. Cet objectif est en cours de discussion,


car les dirigeants politiques redoutent des conséquences sur le
financement de l’ensemble des routes ; en particulier, une diminution
de l’aide de l’État via les bons du Trésor pourrait rendre les banques
de dépôt chinoises plus frileuses à accorder des prêts. Avec une
participation accrue de la Banque mondiale, de la Banque asiatique
de développement et des investisseurs étrangers, les emprunts à
l’étranger et les IDE représentent respectivement 8 % et 3 % du
montant total.
Avec des flux de trésorerie en augmentation et des pressions
pour le désengagement de l’État d’entreprises publiques, les routes
de district attirent de plus en plus de convoitises. Pour les banques
de dépôt, ces routes sont le meilleur investissement après
l’immobilier : elles sont assurées politiquement, et permettent un fort
retour sur investissement50. Des organisations financières
internationales se sont lancées avec enthousiasme dans
l’investissement de projets routiers en cohérence avec les objectifs
de réduction de la pauvreté, et s’impliquent en profondeur dans la
gestion à l’échelle locale des questions environnementales, de
rémunération, de relocalisation et autres aspects sociaux inhérents
aux projets routiers. Plus problématique en termes de gouvernance,
les gouvernements locaux encouragent des processus de
« recombinaison des ressources » (recombinant property, Stark
1996), ou la création d’entreprises « quasi privées » (Barbara-Francis
2001) à la recherche de gains privés et de souplesse de financement.
On peut citer deux exemples typiques de telles mesures : les
entreprises routières publiques cotées en bourse, et les sociétés de
construction privatisées, anciens bureaux des routes de district
(gongluju) ou ex-agences du département de la communication
(jiaotongting) cherchant à acquérir des parts dans les projets routiers.
Comme on le verra plus bas avec les études de cas, ces sociétés
dotées d’un bon réseau de contacts exercent une influence
considérable sur la destination des ressources et des revenus nets
des droits de propriété décidée par les districts, ainsi que sur la
qualité des contributions privées et sur les forces du marché dans le
secteur des transports.
Pour résumer, dans un cadre fiscal fédéraliste, les
gouvernements central et locaux ont la principale responsabilité des
différentes juridictions appliquées aux routes, alors qu’ils se partagent
les coûts des axes interurbains et des routes provinciales. Cet
arrangement implique plusieurs types de rôles et de responsabilités
administratifs décentralisés : délégation par l’État central de sa
propriété et de ses fonctions administratives aux localités, rapports

49
Jianshe Jixie Jishu yu Guanli, ―Current State and Developmental Goals of Road
Constructions in China,‖08/2004.
50
Entretien de l’auteur avec un membre du M.C., juillet 2005. L’interlocuteur affirmait
que les banques ne se donnent même pas la peine de faire des recherches
approfondies sur les risques pour les investissements routiers.

26
© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

hiérarchisés et asymétriques entre les différents niveaux de


l’administration, et responsabilités dévolues et déléguées par les
états locaux – en tant que propriétaires – aux entreprises semi-
publiques et aux sociétés du secteur privé – en tant qu’entre-
preneurs51. Dans les pages suivantes, nous allons examiner les
complications émergeant de tels rapports.

Problèmes de classification des routes

Étant donné que les statistiques officielles catégorisent les routes à la


fois en termes de spécificités techniques et de niveaux administratifs,
et que nous ne disposons pas de données suffisantes pour
déterminer dans quelle mesure ces deux types de catégories se
recouvrent, il nous faut appuyer notre démonstration sur deux
hypothèses. Premièrement, celle selon laquelle les deux types de
catégories ne se recouvrent pas : les routes de classe supérieure
auront tendance à être assimilées aux voies express de district (xian)
et aux axes interurbains, et celles de classe inférieure aux routes de
district ou de niveau inférieur. Deuxièmement, puisque les routes de
district et de niveau inférieur perçoivent une subvention de l’État
central d’un montant forfaitaire par kilomètre tandis que les routes de
niveau plus élevé sont financées dans le cadre de systèmes plus
complexes de partage des coûts, nous ferons l’approximation que
ces différences fiscales et procédurières s’appliquent également aux
routes de classe inférieure – par opposition à celles de classe
supérieure. Dans les parties suivantes, nous nous proposons d’illus-
trer ces deux types de catégorisation avec les données disponibles.

51
Pour des définitions précises des différentes formes de décentralisation, voir
Robinson et Stiedl (2001).

27
© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Fondements fiscaux
des projets routiers :
zoom sur les institutions et
les processus au niveau provincial

Différentes approches pour expliquer


les variations régionales et temporelles

Dans cette partie, nous voulons étudier la logique de politique


économique derrière trois hypothèses en concurrence – qui pour
autant ne s’excluent pas entre elles – pour expliquer l’impact de
certains aspects des systèmes décentralisés de cofinancement de la
production routière en Chine. Sans évaluer le degré de validité de
chacune de ces hypothèses, nous exposerons les divergences dans
leurs manières respectives de rendre compte des tendances
surprenantes à la baisse de la croissance de la construction
autoroutière et aux variations entre les régions dans la durée. Après
avoir exposé ces trois hypothèses, nous présenterons des études de
cas pour étayer leurs arguments respectifs.

Hypothèse n° 1, « insuffisance des revenus fiscaux »


Lorsque le gouvernement central a élaboré le premier projet de loi sur
le réseau national des infrastructures de transport en 1998, son
intention était de préserver le système décentralisé de production des
routes établi dans les années 1980. Cependant, à partir de 1999, les
institutions locales ont subi des revers inattendus dans leurs
processus de levée de fonds, car les sources de revenus
traditionnelles se sont taries sans que de nouvelles ne commencent à
affluer. Ainsi, le déclin total de la capacité des localités à dégager des
fonds, en particulier pour les routes de classe inférieure dans les
zones rurales, serait à l’origine du déclin de la production routière.
Les principales variations régionales s’expliqueraient par la meilleure
situation fiscale des régions côtières de la Chine orientale, permettant
à ses provinces de répondre aux exigences de Pékin en construisant
plus de routes de campagne depuis 2003.

28
© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Hypothèse n° 2, « biais procéduriers »


Les gouvernements des provinces ne sont pas aussi pauvres qu’ils le
prétendent dans le but de soutirer davantage de ressources du
gouvernement central. Les responsables des provinces préfèrent
soupeser les avantages relatifs de chaque type de route, avantages
qui sont institutionnalisés dans les processus de gestion des projets
routiers, ce qui mènerait à des stratégies politiques de discrimination
envers les routes de campagne de classe inférieure. Ce serait donc
une question de choix politiques et de définition des priorités parmi
les différentes options dans la recherche de revenus. Les variations
régionales les plus importantes s’expliquent par les différences entre
les provinces dans la manière dont la bureaucratie politique gère les
projets routiers, qui influent sur les interprétations spécifiques de
chaque responsable politique des opportunités offertes par le
système général décentralisé.

Hypothèse n° 3, « qualité des capitaux privés investis »


Étant donné la pénurie – absolue ou relative – de financements pour
certains types de routes, on ne peut parvenir à un niveau de
construction routière suffisant qu’en faisant des appels d’offres pour
financer certains projets routiers, soit en partie soit dans leur
intégralité. L’échec à obtenir des investissements privés fiables serait
à l’origine des variations observées dans la construction routière. Cet
argument s’appuie fondamentalement sur une logique de marché, et
considère que les complications proviennent de luttes entre état et
société autour des termes de la coopération. Par rapport aux autres
hypothèses, cette dernière privilégie l’étude des dynamiques
procédurières « ascendantes » et des pressions des groupes
d’intérêts ayant un impact sur les préférences des provinces pour la
construction routière et pour certains types de routes. La précipitation
des responsables politiques de provinces à obtenir des
investissements privés dans une logique de profits serait un
contrepoids négatif à la construction de routes d’intérêt public.

Illustration de l’hypothèse
de l’insuffisance des revenus fiscaux

Le déclin absolu de la capacité des institutions locales à dégager des


fonds expliquerait le ralentissement de la construction des routes,
ainsi que la lenteur particulière du développement des routes de
campagnes de qualité inférieure à la classe III par rapport aux voies
express et aux routes de classe plus élevée. Des reportages dans les
journaux provinciaux entre 2000 et 2005 suggèrent que les grands
coupables du déclin des capacités fiscales locales sont l’évolution de
la base fiscale, les pressions des réformes fiscales (« de la taxe à
l’impôt ») et de la taxe agricole, et des incidents de plus en plus
nombreux liés à des mouvements sociaux locaux de résistance aux

29
© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

actions collectives coercitives dirigées par les cadres. Nous


n’évoquerons pas ici les causes complexes de ces changements ;
nous nous concentrerons plutôt sur leurs effets sur les capacités des
localités à lever des fonds.
Tout au long des années 1980 et 90, la source principale de
financement des projets routiers pour les provinces ainsi qu’aux
niveaux administratifs inférieurs était la taxe pour l’entretien des
routes (yanglufei), collectée par tous les niveaux de gouvernement
local. Par définition, les revenus de cette taxe ne devaient pas servir
à construire de nouvelles routes mais à entretenir celles qui
existaient. Parmi les véhicules concernés par cette taxe figuraient les
tracteurs agricoles, les véhicules de passagers et les camions de
marchandise. Dans les zones rurales, les tracteurs agricoles
fournissaient le plus gros des revenus. Les autorités routières locales
perçoivent la taxe au nom du ministère de la Communication (M.C.),
et, depuis 1996, elle fait partie de la gestion au niveau local. Pour
résumer, les revenus de la taxe passent d’abord par la trésorerie
locale, et une partie du montant serait reversée au M.C., tandis que
les institutions locales puisent également directement dedans pour
couvrir leurs dépenses. Avant 2006, les planificateurs économiques
de l’État ne connaissaient pas les montants exacts des revenus de la
taxe pour l’entretien des routes reversés aux autorités centrales et
ceux gardés pour les besoins des institutions locales – ces opérations
étaient classées confidentielles par le M.C. En 2006, sous la pression
de différentes sources gouvernementales, le M.C. a rendu publiques
les données sur l’utilisation des fonds issus de la taxe pour l’entretien
des routes pour l’année 2003. Il semblerait que 45 % de ces fonds
aient été consacrés à l’entretien et à l’amélioration des routes, 15,5 %
à la construction de nouvelles routes, et 15 % supplémentaires ont
été spécifiquement dédiés à la construction et à la maintenance de
routes en zones rurales. Les 24,5 % restant ont principalement servi
à couvrir les frais généraux52.
Avec le temps, les revenus de la taxe pour l’entretien des
autoroutes se sont faits plus rares, du fait de l’évolution de la nature
du trafic et de l’évasion fiscale pratiquée par les propriétaires de
tracteurs53. Plus sérieusement encore, les autorités des transports

52
Zhongguo Jiaotong Bao, 24/11/06, publié sur le site officiel du M.C. :
www.moc.gov.cn/06jiaotongbaoxw/lishixw/06nian11y/200611/t20061124_125372.ht
ml. Ces taxes étant censées être supprimées avec la mise en place de la taxe
nationale sur le carburant en 2009, les données des autres années peuvent être
introuvables.
53
Renda Yanjiu, Vols. 98 et 99, 2000, p. 22. La province de Gansu signalait un
déclin de 12% – de 544,3 à 522,7 millions de yuans – dans les revenus collectés de
la taxe pour l’entretien des routes sur les trois premiers quartiles de 1999 comparé à
la même période en 1998. Parmi les raisons invoquées, on a cité une baisse du trafic
des tracteurs agricoles due à la sécheresse cette année-là, que les représentants de
la province de Gansu n’ont pas été capables de compenser les années suivantes,
les autres sources de trafic étant limitées. Ce déclin a été particulièrement rapide
dans le premier quart de l’année, le montant total des revenus du yanglufei ayant

30
© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

ont dénoncé le relâchement des comportements des conducteurs :


« dans certaines régions, le niveau de résistance à la loi est passé de
simples actes de désobéissance individuelle à des actions
collectives, des attaques en bandes, et des agressions verbales sur
les percepteurs »54. Dans de telles circonstances, les percepteurs ont
visiblement perdu toute motivation pour leur travail.
La réforme fiscale n’a fait que renforcer la tendance aux
évasions fiscales. Bien que la mise en place de cette réforme
majeure et les suppressions d’impôts spectaculaires ne soient pas
intervenues avant 2003, les pressions politiques pour diminuer les
taxes locales étaient de plus en plus fortes les années précédentes55.
En réalité, la révision en 1999 de la loi sur les routes aurait dû mettre
un terme officiel à la perception de la taxe pour l’entretien des routes
– « les conducteurs ne doivent plus payer de frais d’entretien des
autoroutes, et les agences routières ne pourront pas leur faire payer
ces frais ou les réclamer rétroactivement »56. Dans la ville de
Quzhou, province de Zhejiang, les institutions locales se plaignent du
fait que des pressions politiques pour « alléger le fardeau des
paysans » (jianfu) et « rationaliser le système fiscal » (guifan) ont
mené à des suppressions d’impôts sur les trajets de bus et à des
diminutions annuelles des prélèvements de taxes sur les petits
véhicules. Vu la stabilité du montant des subventions versées aux
cantons et aux communes pour financer les routes provinciales –
environ 30 millions de yuans par an pour la ville de Quzhou – les
institutions locales sont confrontées à des écarts budgétaires de plus
en plus importants.
En plus de réduire la base fiscale à l’échelle locale, la réforme
fiscale a donné libre cours à la résistance sociale face à toute une
variété de mesures fiscales et à la participation forcée aux travaux
publics. Ceci est assez ironique si l’on considère que le but principal
de la réforme était précisément de réduire ce type de comportements.
La désobéissance sociale était souvent liée au fait que des
responsables locaux s’opposent à la réforme et continuent
d’appliquer des taxes illégales. Au Gansu, on a reproché à la réforme
fiscale de « diminuer la tendance psychologique des conducteurs à
obtempérer de leur plein gré »57 face aux percepteurs. Dans la
province du Liaoning, la réforme a mené au démantèlement de
programmes liés à la construction routière tels que la corvée
obligatoire (nongmin yiwugong), la participation aux travaux collectifs

chuté de 45.2% sur la même période l’année dernière. Grâce aux efforts dignes de
campagne politique déployés par les cadres provinciaux, le montant total des
revenus de la taxe en 1999 ont pu être sauvés de la catastrophe. Au final, le montant
n’a chuté que de 50 millions de yuans par rapport à 1998.
54
Idem.
55
Jiaotong Caihui,―农村税费改革对我国县乡公路建设和养护资金的影响,‖Vol. 187,
No. 2, 2003.
56
―Yanlufei has been illegally collected in the past six years,‖ Jiancha Ribao,
24/08/2006.
57
Renda Yanjiu, Vols. 98 et 99, 2000, p. 22.

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© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

en guise de moyen de paiement des impôts, et les systèmes de


levées de fonds collectives dans les villages. En conséquence, les
options de financement pour la construction et l’entretien des routes
de campagne se sont raréfiées, les gouvernements locaux
s’appuyant davantage sur les solutions traditionnelles – taxe pour
l’entretien des routes et transferts de fonds des gouvernements
provinciaux58. Ce résultat va à l’encontre de la stratégie de
diversification financière poursuivie dans le cadre de la
décentralisation des années 1980 et 90. Dans le cas de Quzhou,
dans la province de Zhejiang, au cours du 9e Plan quinquennal, le
travail obligatoire avait contribué à plus de la moitié du financement
total des routes et les levées de fonds collectives auraient généré
l’équivalent de 400 à 500 millions de yuans. Cependant, à partir de
2000, ces mesures se sont raréfiées. Entre 1999 et 2000, les
montants issus de levées de fonds collectives sont tombés de 64,5 à
48,4 millions de yuans59.
Du fait de l’insuffisance des revenus fiscaux, les provinces les
plus pauvres se sont endettées davantage pour pouvoir se conformer
aux exigences du gouvernement central en matière d’extension des
infrastructures de transport60. Face au rétrécissement de la base
fiscale au niveau local et aux transferts permanents de fonds du
gouvernement central (s’élevant seulement au quart du capital total
nécessaire, et n’en excédant jamais les 30 %), le Gansu s’est endetté
de plus en plus vis-à-vis des banques et de prêteurs étrangers,
organisations internationales ou particuliers : en 2000, le montant de
tous les prêts contractés s’élevait à environ 7 milliards de yuans61. La
province du Henan a, elle, accumulé 32 milliards de yuans de dettes
pour les seules routes de province, générant un taux d’intérêts à
2,5 milliards par an en 2006. La somme totale des revenus des
péages pour cette même année n’était que de 2 milliards de yuans,
rendant le remboursement impossible. En conséquence, 87 stations
de péages dans la province du Henan ont dû être remises aux mains
des créanciers62. Sur l’ensemble du pays, dans environ 17 provinces,
la gestion des routes est déficitaire, et monopolise une quantité de
ressources estimée à près d’un tiers des fonds transférés par le
gouvernement central pour financer des projets routiers63.
Comme on pouvait s’y attendre, les régions les plus durement
touchées par l’insuffisance des revenus fiscaux qui résulte des

58
Liaoning Jiaotong Keji, Vol. 4, 2005.
59
―加快县乡公路建设的途径与措施,‖ Journal of Zhejiang Vocational and Technical
Institute of Transportation, Vol. 13, N° 13, sept. 2002.
60
Fazhan ,Vol. 7, 2002, p.5
61
Renda Yanjiu, Vols. 98 et 99, 2000, p. 22.
62
―Henan’s Total Toll Collection Cannot Pay off Loan Interests, Problems of Over-
Investment Exposed,‖ Zhongguo Jinji Zhoukan, 11/09/2006.
63
―世行报告称中国高速公路通行费和国际相比偏高,‖ Zhongguo Qingnian Bao,
13/02/2007,
disponible sur : http://news.tom.com/2007-02-13/OI27/84574022.html

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© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

évolutions de la base fiscale, des pressions politiques et de la


résistance sociale opposée à la perception des impôts sont surtout
les zones agricoles les moins développées. En particulier, les
difficultés à lever des fonds à l’échelle locale ont des répercussions
directes sur les routes de campagne de mauvaise qualité, mais ne
posent pas nécessairement problème pour les voies express et les
routes de meilleure qualité aux niveaux national et provincial, celles-ci
étant principalement cofinancées par les gouvernements central et
provinciaux. Ainsi, on pourrait s’attendre à ce que, dans un premier
temps, les provinces côtières de l’est de la Chine, qui bénéficient de
meilleurs financements, aient un excédent de routes de classe
supérieure et un déficit de routes locales dans les zones rurales, mais
sous l’effet de la pression de Pékin, ces provinces peuvent améliorer
ce dernier point. D’autre part, les régions de la Chine centrale et
occidentale tentent de se conformer aux exigences du gouvernement
central aux points de vue quantitatif et qualitatif, mais elles sont sans
doute de moins en moins en mesure de financer des routes de
campagne non lucratives de leur propre poche. En conséquence, on
pourrait s’attendre à ce que les provinces de Chine centrale et
occidentale exercent une pression de plus en plus forte sur Pékin
pour obtenir des fonds transférés du gouvernement central, même
pour des routes sous la responsabilité des états locaux.
Enfin, la réforme controversée de l’impôt sur le carburant
devrait avoir un impact spectaculaire similaire à celui de la réforme
fiscale, lorsqu’elle sera généralisée. Proposée pour la première fois
en 1994, débattue, rejetée, puis acceptée sous une autre forme par
l’Assemblée nationale populaire en 1999, l’impôt sur le carburant a
été introduit pour remplacer différentes taxes, dont la taxe pour
l’entretien des routes, par une taxe unique sur le pétrole prélevée au
moment de l’achat. Mais l’introduction de l’impôt sur le carburant a
été retardée du fait de la résistance collective des gouvernements
locaux qui craignaient de voir sapée leur capacité à lever des fonds
pour le financement des routes sous leur juridiction. Les institutions
locales continuent d’appliquer une taxe pour l’entretien des routes, et
le gouvernement central a été forcé de fermer les yeux sur cette
réalité. En 2000, un document du Conseil des affaires de l’État sur la
réforme de la taxation du trafic routier et des véhicules stipulait
qu’avant la mise en place de la taxe sur le carburant, les institutions
locales pouvaient continuer d’appliquer différentes taxes pour
l’entretien des routes. Cinq ans plus tard, le Conseil des affaires de
l’État encourageait vivement les institutions locales à utiliser les
revenus de la taxe pour l’entretien des routes pour financer
réellement l’entretien des routes64. Une fois seulement cet objectif
atteint, les fonds restants peuvent être consacrés à d’autres usages,
comme la construction de nouvelles routes. Ces derniers mois, les

64
Zhongguo Jiaotong Bao, 24/11/06, publié sur le site officiel du M.C. :
www.moc.gov.cn/06jiaotongbaoxw/lishixw/06nian11y/200611/t20061124_125372.ht
ml

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© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

représentants du M.C. ont martelé que « face à une énorme


insuffisance de fonds publics pour financer les routes, [nous n’avons]
d’autre choix que d’accepter de maintenir les routes à péage »65.
Clairement, il s’agit là d’une bataille fiscale dont la victoire échappe
au gouvernement central.
On comprend aisément la résistance qu’opposent les
gouvernements locaux à l’impôt sur le carburant. Celui-ci représente
une menace majeure pour le remboursement des investissements
dans les infrastructures de transport et pour l’emploi au niveau local.
Un entretien anonyme avec des représentants du gouvernement
chinois révèle que, pendant les débats autour de l’impôt sur le
carburant en 2000, les institutions locales dans tout le pays ont posé
la question du devenir des emplois des quelque 270 000 percepteurs
de taxes routières. Étrangement, avant que la question de l’impôt sur
le carburant soit mise sur la table, les institutions locales ne
déclaraient que 120 000 emplois de cette nature. Plus sérieusement
encore, les localités critiquaient la recentralisation de la collecte des
impôts qu’entraîne la taxe sur le carburant, à travers les stations-
service et les compagnies pétrolières nationales. Les gouvernements
locaux devraient renoncer à tout contrôle sur cette source de
revenus. Pour la même raison, les représentants du M.C. se sont
également opposés à cette réforme, car ils y perdraient aussi la base
fiscale indéfinie, mais vraisemblablement immense, de leur taxe pour
l’entretien des routes66. En outre, sans cette source de revenus, les
institutions locales auraient encore plus de difficultés à obtenir des
crédits auprès de banques de dépôt et de sources étrangères.

Illustration de l’hypothèse
des biais procéduriers

Bien que, dans la partie précédente, nous ayons dressé le portrait du


jeu fiscal à somme nulle entre les gouvernements central et locaux
dans la levée de fonds pour financer les routes, ces derniers sortant
vaincus du fait de leurs bases fiscales et des leurs mécanismes
dépassés ; on pourrait argumenter que les contraintes absolues ne
sont pas aussi importantes pour les représentants locaux que les
contraintes relatives. Indicateur important de cette supposition, la part
relative de fonds du gouvernement central dans le total des
investissements dans les routes de campagne décline avec le temps,
tandis que la part de ressources dégagées par les autorités locales
n’a fait qu’augmenter dans les années 2000. En même temps, on

65
―交通部有关负责人:公路收费政策不会动摇,‖ 17/11/2007, disponible sur :
http://business.sohu.com/20061117/n246450615.shtml
66
Zhongguo Qingnian Bao, 04/02/05, disponible sur :
http://news.xinhuanet.com/auto/2005-02/04/content_2545298.htm

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

observe un souci permanent d’investir dans les routes de meilleure


qualité, bien que celles de basse qualité qui offrent des avantages
économiques et un retour sur investissement bien plus importants.
Plus spécifiquement, les processus de formulation,
d’acceptation et de financement des projets routiers attribuent des
coûts et des bénéfices différentiels aux différents niveaux de routes,
menant à des stratégies politiques de discrimination envers certains
types de routes de campagne de mauvaise qualité. Les études de
cas ci-dessous présentent trois sources de biais procéduriers : 1° la
fragmentation bureaucratique au sein des gouvernements de
province, qui mène à la poursuite de divers intérêts particuliers à
travers la construction de routes de classes supérieure et inférieure ;
2) des retours sur investissements plus élevés et plus immédiats pour
les routes de classe supérieure, en particulier sous la forme des
péages, qui peuvent être utilisés alors pour financer d’autres projets
routiers ; 3) des bénéfices politiques tangibles pour les inves-
tissements dans les routes de classe supérieure.
Le principal biais dans la politique routière provient de cette
fragmentation croissante, du chevauchement des juridictions, et de
l’interdépendance opérationnelle des différentes agences au sein du
Département de la communication dans les provinces (jiaotongting)
tandis que les projets routiers ont gagné en complexité et en poids
fiscal. Le Département de la communication de la province de
Guangxi avait autorité sur plusieurs agences, telles que le Bureau
des routes (gongluju), le Bureau de la construction des infrastructures
(jijianju), la Section des capitaux étrangers (waizichu), et l’Institut pour
la création des projets (shejiyuan), etc. En gros, le Bureau des
autoroutes est responsable des routes de qualité inférieure en zones
rurales, tandis que le Département de la communication tout entier
s’occupe des autoroutes nationales et provinciales de classe
supérieure et des projets cofinancés avec les banques de dépôt et
les investisseurs étrangers. Au quotidien, le Bureau des autoroutes
fonctionne en relative autonomie par rapport aux autres activités de
Département de la communication. Il est notamment chargé d’une
mission de haute importance : tenir le carnet de bord interne
(nianbao) des routes, qui compile les meilleures informations
disponibles sur les nouvelles routes et celles qui ont été réhabilitées
au niveau des cantons et des districts67. Le gouvernement central
accorde des subventions à ces routes en fonction des chiffres
consignés dans le carnet de bord. En conséquence, le Bureau des
routes est souvent tenté d’exagérer la longueur ou les coûts d’un
projet de construction routière afin de réclamer plus d’argent pour
financer d’autres projets routiers68. Dans les faits, ce type de

67
Même les données des routes de village sont consignées dans le carnet de bord,
bien qu’elles ne soient pas comptabilisées dans les statistiques officielles des routes
nationales.
68
Entretien de l’auteur avec un membre du Conseil des affaires de l’Etat, 28 juillet
2005.

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© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

comportements échappe au contrôle des représentants provinciaux


et nationaux, qui ne peuvent au mieux que dépêcher des équipes
d’inspection occasionnellement.
Le Département de la communication délègue les tâches de
construction et de supervision des prestataires au Bureau de la
construction des infrastructures, tandis que l’Institut pour la création
des projets et la Division des capitaux étrangers remplissent des
tâches spécialisées en amont et en aval des projets. Cette répartition
des tâches varie selon les provinces ; ainsi, les différents types de
routes et les options de financement qui leur correspondent
représentent des groupes d’intérêt et une sensibilité politique
différents69. Les provinces diffèrent également dans leur manière de
déléguer l’autorité à ces agences et à des niveaux inférieurs du
gouvernement, et dans leur coordination des relations entre les
chaînes de commandement horizontales et verticales (tiaokuai). Par
exemple, la province de Liaoning met en avant la dimension
horizontale (yi kuai wei zhu), c’est-à-dire qu’elle laisse chaque niveau
de son gouvernement élaborer ses propres plans et trouver ses
propres sources de financement70. En conséquence, les projets de
construction routière se sont concrétisés rapidement et la motivation
des représentants de la province a augmenté visiblement. Dans le
même temps, les représentants ont dû faire face au désordre
administratif, aux constructions faisant doublon, et à la fréquente
inflation des coûts des projets. Autre exemple, en 2001, la province
du Jiangxi s’est lancée dans un effort majeur de décentralisation avec
l’arrivée d’un nouveau Secrétaire du parti et d’un nouveau
gouverneur, ayant tous deux travaillé auparavant dans des zones
côtières. Le gouvernement de la province a choisi de déléguer la
gestion du personnel et des finances ainsi que la gestion matérielle
des projets routiers aux niveaux des villes et des districts. En
conséquence, la construction routière a connu un pic d’activité cette
année-là, mais depuis, les représentants de la province sont
préoccupés par des questions de coordination, de solvabilité fiscale,
de contrôles de qualité et de gestion du personnel. Le Département
de la communication de la province du Jiangxi a cherché à passer
d’un statut de propriétaire absolu et d’entrepreneur à celui de
gestionnaire et de régulateur à plus grande échelle71.
Les différents types de routes présentent différents types
d’incitations pour les responsables provinciaux72. Les autoroutes à

69
Des travaux de recherches plus approfondis fourniront plus de détails sur les
autres provinces.
70
―论辽宁省农村公路发展对策,‖ Liaoning Jiaotong Keji, Vol. 4, 2005.
71
―Paying Attention to Institutional Reform in Jiangxi Road Management,‖ Zhongguo
Gongluwan, disponible sur : http://www.jxlib.gov.cn/xxzx/jdsj/jxjj/jxjj03.htm
72
Les autroutes génèrent également de considérables opportunités d’emploi au
niveau local dans les secteurs de la construction, administratif et autres professions
liées. Pour une analyse détaillée passionnante de l’impact des activités de
construction autoroutière sur l’emploi et les revenus dans la province d’Henan entre
1996 et 2001, voir : Hangye Guanli, ―Multiplier Effects on the Henan Economy of

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

péages sont celles qui rapportent le plus d’argent et aident les


provinces à rentabiliser leurs investissements, tout en permettant aux
institutions locales d’éponger leurs dettes grâce au trafic routier. La
stratégie consistant à « utiliser les routes pour payer les routes » (yi
lu yang lu) n’avait pas de limites clairement définies jusqu’en 2004.
En principe, les péages devaient cesser ou être rééchelonnés une
fois la dette d’un projet routier particulier remboursée, mais en réalité
les provinces ont continué d’appliquer des taxes élevées pour
financer de nouveaux projets et des routes moins rentables. Les
revenus étant tous mélangés dans les budgets des provinces, il est
facile de transférer des subventions d’un projet à un autre. En
particulier, les représentants des provinces ont montré de
l’enthousiasme pour les autoroutes de classe II, qui nécessitent un
capital moins important que les voies express et les routes de Classe
I, et présentent donc un risque financier moindre pour les autorités
provinciales. De plus, les routes de classe II reliant souvent des villes
actives et des centres d’activité commerciale représentent
d’excellentes opportunités pour les péages. En outre, la classe II est
le niveau le plus bas pour lequel les planificateurs du gouvernement
central et les politiques de transport manifestent leur préférence dans
la perspective d’une amélioration de la « qualité » des routes
chinoises73. À la fin 2008, 95 % des voies express, 60,77 % des
routes de classe I, et 44 % des routes de classe II sur l’ensemble du
pays étaient des routes à péage74. Cependant, dans la province
pauvre du Hunan, 94,25 % des routes de classe II sont payantes ; ce
qui suggère un phénomène d’interaction entre l’insuffisance des
revenus fiscaux des provinces et les biais procéduriers.
Néanmoins, les routes de classe II ne sont pas très
performantes du point de vue fiscal. Selon le M.C., les dettes
relatives à ces routes financées par des prêts gouvernementaux
s’élèveraient à 500 milliards de yuan aujourd’hui. Dans la seule
province du Hunan, le montant total de la dette envers le
gouvernement et les particuliers issue de projets de construction de
routes de classe II s’élèverait à près de 30 milliards de yuans, dont
60 % imputables au gouvernement de la province75. Pour alléger ce
fardeau financier, Pékin a proposé de mettre en place des transferts
de revenus de la taxe sur le carburant pour solder 50 % de la dette
en échange d’un engagement des gouvernements de la province et
de ses villes à résorber les 50 % restant dans les dix années à
venir76.

Highways,‖ (2003) Vol. 3. Pour une analyse plus ancienne au niveau national, voir :
―公路投资对国民经济的拉动作用有多大,‖ Zhongguo Jiaotong Bao, 6/6/1998.
73
Voir http://news.xinhuanet.com/politics/2009-05/05/content_11316346.htm
74 Voir http://unn.people.com.cn/GB/14778/21707/9216467.html
75
Ce chiffre sous-estime probablement l’étendue des dégâts, car la plupart des
provinces sont encore en pleine analyse de dettes. Voir :
http://news.csonline.com.cn/hn/200904/t20090430_940258.htm
76
Ibid.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Dans les deux prochaines années, on pourrait bien assister à


un effondrement des attentes financières des gouvernements locaux
pour les routes de classe II. Avec la mise en place de l’impôt national
sur le carburant en 2009, les péages sur les routes de classe II
construites par les gouvernements locaux grâce à des prêts vont
disparaître progressivement, tandis que les routes de classe I et les
voies express continueront d’être payantes. Les termes de cette
disparition progressive ne sont pas encore clairs, mais elle s’adaptera
vraisemblablement à chaque modèle régional. La révision en 2004 de
la loi sur les routes avait fourni des instructions générales pour mettre
fin aux péages sur les routes publiques financées par l’endettement.
Dans les régions de la côte Est, les péages sur les routes avaient 15
ans pour disparaître ; en Chine centrale à l’Ouest, la limite était fixée
respectivement à 20 et 25 ans77. Le calendrier pour l’élimination des
péages sur les routes de classe II est plus serré – 3 à 5 ans pour les
provinces de Chine orientale, 5 à 10 ans pour celles de Chine
centrale, et une période indéterminée pour les régions de l’Est – ce
qui montre que Pékin est conscient des motivations mercantiles des
gouvernements locaux pour ce type de routes78. En même temps, le
gouvernement central a décidé de ne consacrer que 26 milliards de
yuans issus de la taxe sur le carburant aux gouvernements locaux
pour les dédommager du manque à gagner occasionné par la
suppression des stations de péages sur les routes de classe II en
200979. De nouvelles incitations à la régulation vont altérer les
potentiels de recherches de rentes sur différents types de routes.
Ce jeu de négociations politiques est loin d’être terminé. Le
calendrier le plus récent mentionné ci-dessus est un compromis entre
Pékin et les intérêts locaux – en 2006-2007, Pékin décrétait que
toutes les routes de classe II en Chine orientale devaient cesser
d’appliquer des droits de péages immédiatement, et que les routes de
classe II en Chine centrale et occidentale en cours de réparation ou
d’amélioration ou donnant lieu à des projets de construction
inachevés devaient également cesser d’appliquer des péages80.
Autrement dit, seules les routes de classe II flambant neuves dans
les régions les moins développées de la Chine seraient autorisées à
imposer un péage. Pékin a également adressé plusieurs
avertissements face aux niveaux insuffisants d’entretien et aux taxes
trop élevées alors que les représentants locaux se tournent de plus
en plus vers des stratégies de fin de partie81. Évidemment, chaque
province réagit en fonction de ses moyens – celle du Guangdong a
annoncé officiellement son intention de supprimer tous les péages

77
―世行报告称中国高速公路通行费和国际相比偏高,‖ Zhongguo Qingnian Bao,
13/02/2007, disponible sur : http://news.tom.com/2007-02-13/OI27/84574022.html
78
Voir :http://politics.people.com.cn/GB/30178/9023008.htm
79 Voir : http://news.sina.com.cn/c/2009-03-25/105317479085.shtml
80
―交通部新闻发言人:收费公路政策暂时不会变,‖ 02/02/2007, disponible sur :
http://finance.people.com.cn/GB/71364/5357450.html
81
―必须完善公路投融资体制,‖ 13/05/05.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

d’ici 201982 ! Il n’est pas garanti que la mise en place de la taxe sur le
carburant génère un élan politique suffisant pour amener à la
suppression des péages, cette source cruciale de revenus pour les
gouvernements provinciaux et locaux.

Illustration de l’hypothèse
de la qualité des capitaux privés investis

Face à des contraintes fiscales absolues et à la difficulté des


échanges entre les différents objectifs politiques, les gouvernements
locaux se sont tournés vers les investissements privés pour la
construction de routes qui devraient normalement dépendre de fonds
publics. En faisant ce choix, les représentants des provinces
répondent à une dynamique procédurière aux niveaux provincial et
inférieur, et à des pressions « verticales » de groupes d’intérêts83. Il
existe en fait deux types de capitaux privés : les levées de fonds
collectives dans les villages mentionnées ci-dessus et le travail
collectif d’une part, et les systèmes de BOT (Build-Operate-Transfer –
Construction-Opération-Transfert) d’autre part. Dans cette section,
nous nous proposons d’analyser un exemple de BOT dans la
province du Guangxi pour expliquer comment les représentants des
provinces parviennent à générer activement des intérêts privés tout
en étant eux-mêmes absorbés84.
Le BOT est une forme de délégation du financement d’un
projet, dans laquelle une entreprise privée est mandatée par le
gouvernement d’une province pour financer, faire les plans, mener à
bien la construction et assurer le bon fonctionnement d’une route
pendant une période spécifiée, à l’issue de laquelle la province
récupère la propriété de la route. Pendant cette période, l’entreprise
privée conserve le droit d’appliquer des droits de péage pour
rentabiliser son investissement au plus vite et pour couvrir les
dépenses de fonctionnement et d’entretien du projet. Bien

82
―广东2019年将全部撤销政府还贷公路收费站,‖ Xinxi Ribao, 07/02/07, disponible
sur : http://politics.people.com.cn/GB/14562/5375576.html. Des entretiens réalisés
par l’auteur à Pékin en juillet 2005 révèlent que les provinces de l’Anhui et du
Shandong ont continué d’appliquer des droits de péages – dans le cas de l’Anhui
jusqu’en 2009.
83
Il semblerait que, dans les régions où s’exerce une importante concurrence et un
sens des responsabilités politiques, les élections locale ont permis d’améliorer la
gouvernance des projets publics. Xiaobo Zhang, Shenggen Fan, Linxiu Zhang, et
Jikun Huang, ―Local Governance and Public Goods Provision in Rural China‖ EPTD
Discussion Paper No. 93, 2002. Sur la base une enquête réalisée dans un village de
la province de Jiangsu en 2000, les auteurs soutiennent que les représentants élus
ont tendance à appliquer moins d’impôts dans leur circonscription et à l’équiper d’un
meilleur niveau de services publics.
84
Sauf indication contraire, toutes les données ci-après sont tirées d’entretiens
réalisés par l’auteur avec des représentants gouvernementaux à Pékin et au
Guangxi en juin et juillet 2005.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

qu’impopulaire dans les pays occidentaux jusqu’à récemment, le BOT


a été accueilli par les provinces chinoises comme une alternative
attrayante aux procédures qui traînent en longueur dans le système
public de financement des routes. Des projets routiers BOT ont
commencé à se mettre en place en 1992, et ont rapidement pris de la
vitesse. Ces dernières années, environ 50 à 60 % de nouveaux
projets sont sous ce régime, ce qui provoque des inquiétudes du côté
de Pékin vis-à-vis de leur gestion. Naturellement, les projets BOT ne
concernent que les routes présentant déjà un certain potentiel
commercial, et non pas celles d’intérêt public.
Comparées aux projets entièrement financés par le secteur
public, les procédures d’acceptation et de supervision des projets
BOT sont beaucoup plus souples. L’entreprise privée qui obtiendrait
le marché d’un projet routier BOT peut conserver ses droits de
propriété sur la route pour trente ans maximum. L’entreprise remet un
rapport de faisabilité au Département de la communication de la pro-
vince, qui le transmet ensuite à la Commission nationale de réforme
et de développement pour révision et acceptation. Pékin conduit
également un audit pour s’assurer que la partie légale responsable
dispose d’un capital de base suffisant : 35 % minimum du coût total
du projet sont requis. En général, les projets BOT ne reçoivent pas de
subventions gouvernementales ni d’investissements directs de
capitaux, ainsi, le taux de retour sur investissement est plus élevé –
environ 17 % – pour compenser une prise de risque plus importante.
Le problème des projets BOT est principalement lié aux
imbroglios politiques et au peu de fiabilité des acteurs, conséquences
d’un héritage de réformes visant à séparer le gouvernement des
entreprises et à désengager l’État des entreprises publiques85. En
2005, environ 60 % des projets BOT avaient fait faillite. Dans la
province du Guangxi, les entreprises entretiennent des réseaux de
relations importants avec le Département de la communication, bien
qu’aucun représentant officiel ne soit prêt à en révéler les détails en
entretien86. Ces relations transparaissent dans l’institutionnalisation
des marchandages – par exemple, le Bureau de construction des
infrastructures a reçu des financements pour des projets avant même
que le « gagnant » d’un appel d’offre ne soit annoncé. Lorsqu’une
entreprise remporte l’appel d’offre pour un projet BOT, elle verse une
caution de 240 000 yuans et signe un accord avec le Département de
la communication. Après cela, elle est plus ou moins livrée à elle-
même, et jouit d’une autonomie liée à son rôle de financement
indépendant.

85
Depuis 1997, dix-sept membres de direction de Départements de la
communications de provinces ont été condamnés pour corruption, y compris à Pékin
et dans les provinces du Henan, Hunan, Sichuan, Guangxi, Guangdong, Guizhou,
Xinjiang, Anhui, Jiangsu, Heilongjiang et du Yunnan. ―Name list of 17 corrupted
provincial transportation officials in China since 1997,‖ Xinhua, 31/03/2005.
86
Certains ont cependant révélé que seule une poignée d’entreprises avaient fait des
offres sur ces projets routiers, toutes des entreprises publiques ou affiliées à l’Etat.

40
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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Le profil financier de la plupart de ces entreprises de BOT est


inquiétant. Les fraudes sont fréquentes, car les entreprises
commandent des études de faisabilité à des cabinets de consultants
(zixun) payés pour revoir les coûts à la hausse, afin de justifier des
emprunts supplémentaires. Ce type de comportement ne perdure que
du fait de la collusion et de la corruption qui sévissent dans le secteur
de la construction. Typiquement, les entrepreneurs de BOT enrôlent
des unités de travail gouvernementales respectables (shiye or qiye)
dans un partenariat d’affaires symbolique. Mais lorsque les
problèmes surviennent, les cadres dirigeants de ces unités sont
réticents – pour des raisons bien compréhensibles – à aider à sauver
le projet. Dans le même temps, les entrepreneurs de départ ou les
patrons derrière eux (muhou laoban) se moquent royalement des
pertes d’argent de l’entreprise. En réalité, les fonds des BOT sont
souvent réinvestis par des spéculateurs sur le marché de l’immobilier
et de la consommation privée. Au final, la responsabilité des faillites
retombe sur les épaules des banques de dépôt chinoises et des
investisseurs privés vulnérables (y compris les actionnaires des
entreprises de BOT cotées en bourses). Le projet routier en question
croupit, retombe entre les mains du secteur public, ou est tout
simplement abandonné. Dans les faits, le risque se répercute sur la
société entière.
Des études de cas d’autres routes et d’autres régions offrent
des images des relations public-privé dans les projets routiers
différentes de celle donnée ci-dessus. À Quanzhou, au Fujian, les
décisions concernant les routes publiques tendent à rechercher des
rentes sur le dos des efforts privés. Tandis que les autorités locales
accueillent les capitaux étrangers comme des « réussites politiques »
(zhengji), elles considèrent les ressources privées comme de la
concurrence. En conséquence, après avoir encouragé les
investissements de capitaux privés, les autorités des transports se
sont mises à imposer toutes sortes d’amendes et de contraintes,
voire à construire des routes alternatives pour saper la rentabilité des
routes privées87.

87
―Studies on Problems in Privatization of Highway Infrastructure,‖ Zhonghe Yunshu,
10/2004.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Conclusion

Dans cet article, nous avons montré que les incitations


institutionnelles et procédurières ancrées dans un cadre de
production routière décentralisée, qui a mené à des problèmes de
sous-approvisionnement en routes de campagnes entre 1999 et
2003, sont en partie à l’origine des efforts de Pékin pour recentraliser
la planification routière et réduire le champ d’options financières à
partir de 2003. Cette décision n’était ni facile à prendre, ni inévitable,
et n’est pas le symbole d’un pouvoir central fort. Alors que l’État
central préfère déléguer la responsabilité du financement des routes
aux gouvernements provinciaux et locaux, les capacités fiscales
actuelles des gouvernements locaux des régions pauvres et la
dynamique de négociations entre les ministères nationaux et les
gouvernements provinciaux génèrent des pressions pour que le
gouvernement central subventionne des projets routiers pour des
raisons politiques. Dans ce contexte, le maintien de restrictions
strictes de la part de l’État central sur les levées de fonds
indépendantes des états locaux – avec pour toile de fond l’impact des
mesures drastiques conséquentes aux réductions d’impôts dans le
secteur agricole – ne peut que renforcer le caractère de redistribution
des projets routiers les plus coûteux, alors que les institutions locales
cherchent à transférer les bénéfices tirés des routes commerciales
lucratives à des projets routiers de nature publique en échec. Loin
d’être optimal, ce résultat politique a pour conséquences une forte
résistance contre les réformes fiscales, une mauvaise utilisation des
fonds, et des relations tendues entre autorités et société.

42
© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

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44
© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Annexe : tableaux

Tableau 1.1. Taux de croissance du kilométrage de routes


par région (%)

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007


_
Régions Est 3,57 10,99 2,65 3,12 5,08 4,07 2,80
_
Régions Centre 3,97 22,11 5,14 2,72 2,96 2,74 2,27
_
Régions Ouest 3,78 29,19 3,90 1,89 2,39 2,94
6,06
Ensemble
de la Chine 3,77 21,05 3,96 2,53 3,36 3,20 3,34 3,67

Tableau 1.2. Taux de croissance kilométrage de routes de classe supérieure


par région (%)

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007


Régions Est 10,27 16,60 7,07 6,62 8,93 6,53 _
7,02
Régions
Centrale 11,22 22,70 15,40 11,07 12,46 11,66 _
7,34
Régions Ouest 16,21 23,84 9,08 9,77 9,69 8,82 _
9,71
Ensemble
de la Chine 11,69 19,93 10,14 8,74 10,29 8,78 _
7,67

Source : Calculs sur la base de données du Year Book of China Transportation &
Communications, Year Book of China Transportation & Communications Press,
différentes années entre 1999 et 2007.

45
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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Tableau 2. Taux de croissance du ratio routes


de classe supérieure/de classe inférieure,
par région

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007


_
Régions Est 8,20 6,49 5,59 4,46 4,84 3,18
4,94
Régions Centrale 7,96 0,56 11,31 9,60 10,99 10,57 _
5,50
Régions Ouest 12,96 -4,47 5,44 8,39 7,85 6,26 _
3,73
Ensemble
de la Chine 8,80 -1,09 6,94 7,10 7,99 6,51 _
4,39

Source : Calculs sur la base de données du Year Book of China Transportation &
Communications, Year Book of China Transportation & Communications Press,
différentes années entre 1999 et 2007.

N.B. À partir de 2006, la longueur additionnelle des routes de campagnes est prise
en compte dans les calculs.

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K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Tableau 3 – Kilométrage total des routes

Année Longueur totale de routes (en milliers de km)


1952 127
1957 255
1962 464
1965 515
1970 637
1975 784
1978 890
1979 876
1980 883
1981 898
1982 907
1983 915
1984 927
1985 942
1986 963
1987 982
1988 1 000
1989 1 014
1990 1 028
1991 1 041
1992 1 057
1993 1 084
1994 1 118
1995 1 157
1996 1 186
1997 1 226
1998 1 279
1999 1 352
2000 1 403
2001 1 698
2002 1 765
2003 1 890
2004 1 871

47
© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

2005 1 931 (ou 3 345,2 en comptant les routes de campagne)


2006 3 457 (en comptant les routes de campagne, ibid pour les années suivantes)
2007 3 583,7
2008 3 730,2

Source : Year Book of China Transportation & Communications, Year Book of China
Transportation & Communications Press, différentes années.

48
© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

Tableau 4. Kilométrage et notation technique des routes, par région

routes de Classe I

classe supérieure
Rapport route de
Voies express et

Classes III, IV ou

/inférieure (%)
Routes de
inférieure
Voies Routes
Kilo- express infé-

et II
Année Région métrage et routes rieures
total Voies
de Classe Classe à la
ex-
Classe I II Classe
press
I à IV IV

1999
427 880 395 856 6 193 13 782 64 262 32 024 84 237 343 643 24,51
2000
443 134 412 542 9 073 15 093 68 725 30 592 92 891 350 243 26,52
2001
491 845 434 267 10 056 18 246 80 007 57 578 108 309 383 536 28,24
Chine
2002 Est 504 856 448 162 12 634 19 583 83 751 56 694 115 968 388 888 29,82
2003
520 621 465 644 14 690 21 116 87 841 54 977 123 647 396 974 31,15
2004
547 060 496 998 15 988 23 596 95 103 50 064 134 687 412 373 32,66
2005
569 312 522 326 18 497 25 417 99 570 51 618 143 484 425 828 33,70
2006
993 491 738 075 20 279 29 980 108 665 140 814 158 924 834 571 19,04
2007
1 021 315 894 561 22 524 32 631 114 920 126 753 170 075 851 238 19,98

1999
454 985 390 761 2 883 2 349 47 793 64 224 53 025 401 960 13,19
2000
473 036 412 370 3 564 2,951 52 462 60 666 58 977 414 059 14,24
2001
577 639 470 664 5 014 3 960 63 393 106 975 72 367 505 272 14,32
Chine
2002 Centre 607 315 486 263 6 995 4 777 71 742 121 052 83 514 523 801 15,94
2003
623 829 506 463 8 315 5 324 79 123 117 366 92 762 531 067 17,47
2004
642 316 531 530 10 151 6 169 88 003 110 786 104 323 537 993 19,39
2005
659 921 556 328 12 977 8 429 95 080 103 593 116 486 543 435 21,44
2006
1 331 308 869 953 14 593 9 713 98 837 461 354 123 143 1 208 164 10,19
2007
1 361 591 966 935 18 144 11 244 102 798 394 654 132 186 1 229 401 10,75

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© Ifri
K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

routes de Classe I

Rapport route de
Voies express et

Classes III, IV ou

inférieure (%)
supérieure/
infé-rieure

Routes de
Voies Routes

classe
Kilo- express infé-

et II
Année Région métrage et routes rieures
total Voies
de Classe Classe à la
ex-
Classe I II Classe
press
I à IV IV

1999
468 826 370 119 2 529 1 585 27 902 98 707 32 016 436 810 70,33
2000
486 528 391 101 3 677 2 044 31 485 95 427 37 206 449 322 80,28
2001
628 528 431 113 4 367 3 008 38 702 197 415 46 077 582 451 70,91
2002 Chine
Ouest 653 051 448 501 5 501 3 108 41 650 204 550 50 259 602 792 80,34
2003
665 378 466 631 6 740 3 463 44 965 198 747 55 168 610 210 90,04
2004
681 282 487 297 8 147 3 757 48 612 193 985 60 516 620 766 90,75
2005
701 310 513 138 9 529 4 537 51 790 188 174 65 856 635 454 10,36
2006
1 132 202 560 238 10 463 5 597 55 176 571 961 71 236 1 060 964 60,71
2007
1 200 809 673 886 13 243 6 217 58 695 526 925 78 155 1 122 655 60,96

1999
1 351 691 1 156 736 11 605 17 716 139 957 194 955 169 278 1 182 413 14,32
2000
1 402 698 1 216 013 16 314 20 088 152 672 186 685 189 074 1 213 624 15,58
2001
1 698 012 1 336 044 19 437 25 214 182 102 361 968 226 753 1 471 259 15,41
Total
Natio-
2002 nal 1 765 222 1 382 926 25 130 27 468 197 143 382 296 249 741 1 515 481 16,48
2003
1 809 828 1 438 738 29 745 29 903 211 929 371 090 271 577 1 538 251 17,65
2004
1 870 661 1 515 826 34 288 33 522 231 715 354 835 299 525 1 571 136 19,06
2005
1 930 543 1 591 791 41 005 38 381 246 442 338 752 325 828 1 604 715 20,30
2006
3 456 999 282 872 45 339 45 289 262 678 1 174 128 353 306 3 103 695 11,38
2007
3 583 715 2 535 383 53 913 50 093 276 413 1 048 332 380 419 3 203 296 11,88

Source : Year Book of China Transportation & Communications, Year Book of China
Transportation & Communications Press, différentes années entre 1999 et 2008.

N.B. À partir de 2006, la longueur additionnelle des routes de campagnes est prise
en compte dans les calculs.

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© Ifri

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