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Certadhil - Essai n° 1 

Confronter le passé, accepter le présent, envisager le futur.

Il est dit que sur les berges du Lac Brumeux, le jour où Avalon s’éveillera, une digue se révèlera aux
yeux de certains voyageurs. Amarrée à cette digue, une barque, qui les mènera en la cité millénaire.
Ces voyageurs, choisis parmi les êtres du multivers pour leurs compétences, et ce quel qu’ait pu être
leur passé, auront alors la lourde tâche de défendre l’équilibre du multivers tel qu’il nous est connu,
afin d’en assurer la pérennité. S’ils venaient à faillir à cette mission, ceux que l’on connaitrait
désormais comme les Protecteurs d’Avalon, et de l’Existence-même, seraient les seuls responsables
de la disparition de tout ce qui est.

Althâr avait été l’un de ces voyageurs, et avait pendant les quelques centaines de Lunes qu’avait duré
l’éveil d’Avalon contribué à l’accomplissement de cette tâche si ardue. Il avait participé à
d’innombrables quêtes, à d’innombrables batailles dont le but, plus que la victoire, était la
préservation de la structure même du multivers.

Un jour, sur les berges du Lac Brumeux, personne ne fut en mesure de trouver la digue. Et personne
ne put plus embarquer vers la cité millénaire. Les protecteurs, furent renvoyés à leurs vies d’avant,
s’ils n’avaient pas péri. De même que les vestales, bibliothécaires, jardiniers et toutes ces personnes
qui avaient participé, comme beaucoup d’autres au cours de l’Histoire, à cette formidable aventure.
Ceux-là même grâce à qui la légende d’Avalon perdurerait.

C’était il y a plus de 400 Lunes. Mais récemment, après avoir visité l’Enfer et vaincu Baal aux côtés de
son compagnon d’armes Celimbrimbor, Althâr avait décidé de mettre fin à tout ça, lassé qu’il était de
ces incessantes batailles. Ne prévenant personne, pas même ceux qui l’avaient accueilli sous la
bannière de la Chimère, il s’était retiré du monde et avait alors entreprit de réunir tous ceux qu’il
avait pu côtoyer à Avalon. Alors, sur les berges du Lac Brumeux, loin des turbulences qui agitent le
monde, les vestales, bibliothécaires, jardiniers et toutes ces personnes qui portaient encore Avalon
en leur cœur furent réunies dans un palais qu’érigèrent Althâr et sa fille Alyssa, le Beit Anthâar.

Depuis de nombreuses Lunes, loin du tumulte de la guerre, Althâr profitait d’une vie paisible auprès
de gens qui avaient comme lui été marqués par l’incroyable expérience Avalon. Puis, les choses
changèrent.

À un improbable lecteur.

Si j’ai un nom, cela fait bien longtemps que je ne l’ai prononcé, et quand bien même vous seriez à même de me forcer à vous
le révéler, vous ne l’entendriez pas, ou ne parviendriez pas à vous en souvenir. Si j’ai un visage, il est dissimulé dans l’ombre,
et même en pleine lumière il reste invisible à vos yeux. Si j’ai un corps, vous ne pouvez le toucher ou le sentir tant il est léger
et discret. Vous ne pouvez y toucher, mais il peut vous ôter la vie. Si j’ai une voix, elle est inaudible, ou si puissante qu’elle
se mêle aux murmures de la nature jusqu’à les dominer et s’éteindre dans un tumulte de sonorités. Si j’ai une mémoire, elle se
révèle à vous aujourd’hui.

Car si, bien qu’impalpable, j’existe concrètement, c’est parce que je me souviens de ce que j’ai été.

Je me nommais Helen. J’étais Roy. Roy Helen. Ca sonne bien. Dans une contrée lointaine nommée Ildynia, je dirigeais mon
peuple, rendu docile par les chaînes de l’esclavage, d’une poigne de fer. Le fer… C’est encore brûlant que je le préférais.
J’aimais tant voir mes soldats se jeter dans la mêlée, le sabre chauffé au rouge, sentir cette odeur de chair brûlée. Et du haut
des remparts d’Ildynastia, l’épicentre des mes actions inhumaines, j’incantais fanatiquement. Des monstres déchaînés, des
sorts oubliés. Puis je sautais dans le vide, rejoignant mes hommes au sol et les galvanisant avec force coups et exploits. Seul
le sang qui coulait encore dans mes veines murmurait à mon oreille que j’étais encore vivant. L’ivresse aussi. Cette ivresse
carnassière qui me poussait à exterminer ceux qui ne m’étaient pas soumis. Je tuais, je pillais, je régnais.

Tant et si bien qu’Il s’intéressa à moi. Il m’observa, sans se manifester, pendant plus d’un siècle. Un siècle qui s’acheva par
la consécration. J’étais un Dieu ! Plus rien ne menaçait de renverser l’ordre que j’avais établi. La planète entière, sa faune, sa
flore, m’obéissaient au doigt et à l’œil. Les chétifs humains – et je ne pouvais me résoudre à accepter que j’en avais autrefois
été un – étaient mes moutons et, en brave berger, je les envoyai à la mort, nourrir le flot de ma puissance inégalable.

Mais Il l’avait égalée, surpassée. Et Il m’attira à lui. Ou plutôt, il s’empara de moi. Il aspira le monde sur lequel je régnais, le
plongeant dans une éternelle nuit : Ildynia avait sombré dans le néant. Il m’amena en un endroit qui ne ressemblait à rien, tant
il était improbable qu’il ait une existence physique. Une sombre lumière, émanant d’un Soleil aussi noir que le jais, apportait
une glaciale obscurité à ce non-être qui, pourtant, me réchauffait le cœur. Je ne le voyais, ni ne l’entendait, pas plus que je ne
le sentais. Mais je le comprenais, et c’était amplement suffisant. Car le destin qu’Il m’avait offert était autrement plus
excitant que celui que je m’étais promis.

Désormais, je serais – et je le suis toujours à l’heure où je pense ces lignes – le Champion du Non-être. Combattre
inlassablement les Champions de l’Être, telle serait désormais ma destinée. Je n’aurais pas à combattre Merlin lui-même,
mais ses champions. Car souvent les Champions du Tout, comme les nomment ces faibles mortels, sont choisis dans les rangs
d’Avalon. Et à l’époque où j’accédais à cet improbable statut qui est le mien, Merlin avait quitté les plans d’existence depuis
quelques vies déjà. C’est dans l’ordre des choses. Mais le Néant est né pour l’emporter, et si ma mémoire venait à disparaître
avant cette échéance, alors un autre prendrait ma place, qui durant sa vie, comme moi, aurait agit contre nature en combattant
son propre père, l’Être.

L’Être, quintessence de l’existence. Mais je n’existe pas. Et pourtant, inlassablement, je me dresserai au travers de la route
qui mènera à leur accomplissement les Champions qu’enverra Avalon. À jamais, pour l’éternité, ce combat nous opposera et,
toi, lecteur hypothétique, tu es peut être mon successeur, ou alors mon adversaire, sans encore le savoir à ce jour.

Ce qui est sûr, c’est qu’à la fin il n’y aura plus rien.
Texte anonyme.

« Il n’y aura plus rien…- Tu as dit quelque chose, papa ?

- Hein ?

- Je t’ai entendu parler… Il n’y aura plus quoi ?

- Ah… Non, rien. Tu veux bien faire quelque chose pour moi, Alyssa ?

- Oui bien-sûr !

- Vérifie que tout le monde rentre au Palais avant la nuit. Nous partons. »

Anna,

Je sais que tu l’as su avant même qu’on ne te le dise. Ces quelques mots ne feront que confirmer les rumeurs. Althârïs n’est
plus. Onze mille et cent trente-deux années de ma vie, effacées par ma faute.

Je ne sais si tu as entendu parler de cette histoire de Champions. Des personnes qui protégeraient l’Être des assauts du Néant.
Je trouvais cette histoire ridicule, jusqu’à en devenir le héros malheureux.

Celle qui avait régné avec moi sur Althâris plusieurs milliers d’années avant que j’aie le bonheur de te rencontrer a voulu me
tuer. Et tout mon Royaume y est passé. Maywen était là, devant moi, à m’assaillir de tout l’amour qu’elle me portait avant
que la vieillesse ait raison de notre union. Pâle reflet de ce qu’elle avait été, elle ne m’a pas dupé. Mais c’était elle. Elle a été
désignée, j’en suis persuadée, par cette entité qui se prétend insaisissable, pour devenir le fer de lance de ce que nous
combattons depuis qu’Avalon nous a appelés à elle. Ils ont bougé le premier pion, et on détruit une première tour. Ma tour.
J’espère ne pas avoir à combattre seul. J’espère qu’Avalon n’aura pas à subir les conséquences de mes actes. J’espère que ce
qui arrive aujourd’hui serait arrivé même si jamais je n’avais existé. J’espère que je ne suis pas celui qui enfin parviendra à
réduire Avalon au silence. Et permettre ainsi la disparition de tout ce qui fait qu’un jour, je t’ai rencontrée.

Et j’espère que tu vas bien, que les enfants vont bien, que ton amant va bien, que tous ceux que tu connais vont bien. Vous
savoir heureux me sauvera peut-être, car en ce jour je ne vais pas bien.

Avec tout l’amour que tu sauras accepter,

Althâr.
Lettre d’Althâr à son ancienne compagne Anna-Belle Negan.

Althâr était perdu dans ses pensées. Il avait ressenti une force. Quelque chose de terrible. Et la
dernière fois qu’une telle aura s’était manifestée, plus de 400 Lunes auparavant, son Royaume avait
disparu. Il n’avait aucune idée du rôle qu’il pouvait avoir à jouer en pareille circonstance. Il ne savait
pas si c’était encore à lui qu’incombait de préserver ce fameux Être qui lui avait tout pris par le passé.
Et puis, Avalon ne s’était pas éveillée, et il se demandait pourquoi. Il était seulement sûr d’une
chose : il devait se rendre sur place afin de mieux comprendre, de saisir l’étendue de la menace et, si
besoin accepter le rôle qu’il pourrait avoir à jouer dans l’inévitable bataille à venir. Et reprendre le
cours d’une vie qu’il avait essayé de stopper pendant trop longtemps…

« Tout le monde est là, papa.

- Bien, nous allons pouvoir partir.

- Nous tous ? Mais nous n’avons même pas préparé de bagages ! Et ce n’est pas avec une poignée de
vestales et quelques jardiniers que nous allons aller guerroyer !

- Qui t’a dit que nous allions nous battre, Alyssa ?

- Je l’ai lu dans ton regard…

- Je ne sais pas ce qui nous attend, mais tout le monde vient.

- Mais tu n’as pas convoqué tes troupes ! Et nous n’avons pas d’embarcation !

- Pas le temps. On réveillera quelques morts sur place.

- Mais qui te dit que tu auras de quoi lever une armée ?

- Là où nous allons, les cadavres sont plus nombreux que les grains de sable du désert…

- Bien ! Enfin… Je crois… Et pour l’embarcation ?

- Pas le temps je t’ai dit ! »

Soudain, sur les berges du Lac Brumeux, un palais disparut. Au même moment, dans une clairière en
retrait des champs de bataille de Certadhil, un palais apparut.

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