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La colonialité de l’emploi à l’île de La Réunion

Vingt-sixième rapport sur la situation démographique de la France

[…]

Les métropolitains ont plus souvent un emploi que les natifs dans les DOM

|…]

Les métropolitains plus favorisés qu’en métropole, les natifs des DOM défavorisés
dans les DOM et en métropole.

[…]

A diplôme égal, dans les DOM, les “domiens” occupent en moyenne des positions
professionnelles moins favorables que les métropolitains

[…]

Les métropolitains dans les DOM sont généralement dans une meilleure position
professionnelle que ceux resté en métropolitains

[…]

En résumé, les taux d’emploi et la répartition par profession selon le niveau de


diplôme révèlent l’existence d’un marché du travail dualiste, favorisant les
métropolitains dans les DOM et défavorisant les “domiens”. L’activité élevée des
“domiens” en métropole s’explique en partie parce qu’ils acceptent des emplois
inférieurs à leur qualification. Ces conditions du marché de l’emploi dans les DOM
sont un facteur incitatif fort à la migration dans les deux sens entre les DOM et la
métropole.
http://www.sudoc.fr/159680352
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Les tendances démographiques et migratoires dans les régions


ultrapériphériques : Quel impact sur leur cohésion économique, sociale et
territoriale ?

[…]

La migration intense entre les DOM et la Métropole joue également un rôle important.
L’arrivée de métropolitains, de natifs des autres DOM ou de l’UE souvent très
qualifiés a pour effet d’élever la part des diplômés universitaires (cf. ci‐dessus). Ces
arrivées qui constituent une sorte de « brain gain », sont souvent expliquées par le
manque de qualification dans les DOM. Cette approche laisse dans l’ombre un
aspect encore trop méconnu de la migration DOM‐métropole que constitue la part de
natifs des DOM diplômés qui résident hors de leur département45. Les données du
recensement de 2006 DOM et métropole permettent de connaître la proportion des
natifs installés en Métropole selon leur diplôme. Pour lever toute incertitude sur les
retours en fin d’études, nous avons considéré les actifs en emploi âgés de 30‐34 ans,
soit une population déjà installée bien après la fin des études.

[…]

Le manque de qualification n’est donc pas la seule raison de l’immigration


métropolitaine, communautaire et d’outre‐mer en DOM. Il est même surprenant que
les avantages salariaux et fiscaux offerts dans ces départements ne provoquent pas
un retour plus important des diplômés qui semblent choisir majoritairement de
travailler en Métropole. Ce constat nous amène à formuler l’hypothèse d’un marché
du travail cloisonné (« two tier ») ou déséquilibré, où les migrants ont un avantage
sur les natifs, y compris entre Domiens. L’importante circulation entre les DOM et la
Métropole fait qu’on ne peut pas raisonner en milieu fermé. La circulation des
compétences remodèle les niveaux d’études.

[…]

L’analyse par lieu de naissance permet de mieux comprendre les écarts entre les
DOM et la Métropole49. L’exemple des hommes à La Réunion50, qui indique une
situation nettement plus favorable des Métropolitains, est significatif : l’analyse
montre que si leur taux d’activité est proche de la moyenne nationale, leur taux
d’emploi demeure inférieur notamment avant 35 ans (figure 1.3.5), signe qu’ils sont
plus affectés par le chômage à La Réunion qu’en Métropole51. Les étrangers
originaires de l’UE présentent des taux d’emploi qui ne sont pas significativement
différents de ceux des métropolitains. En comparaison de ces deux groupes, les
natifs de l’île affichent une situation beaucoup plus défavorable avec des taux à
peine plus élevés que ceux des étrangers non UE avant 35 ans et inférieurs à partir
de 45 ans.

[…]

Les Métropolitains et les autres originaires de l’UE sont ainsi les seuls à avoir des
taux d’emploi supérieurs à 80 % entre 25 et 54 ans, dépassant même les 85 % entre
35 et 49 ans, quand les natifs atteignent tout juste 65 % à 30‐44 ans.

[…]

Pour affiner l’analyse, nous avons tenté de vérifier comment s’opérait l’allocation des
emplois disponibles selon la qualification (niveau de diplôme) et l’origine des
personnes. Une distribution croisant origine, niveau de diplôme et profession montre
qu’à niveau de diplôme égal les Métropolitains résidant en DOM occupent des
emplois de qualification supérieure aux natifs des DOM.

[…]

A diplôme égal, un Métropolitain semble avoir un avantage sur le marché du travail et


accéder plus facilement qu’un natif à une profession de qualification élevée. Le
marché des cadres d’entreprises apparaît leur être particulièrement favorable,
notamment à ceux ayant un diplôme qui semble faible pour ce type de professions.
Une étude conduite en 1999 avait déjà souligné le phénomène (Marie, Rallu 2004).
Les différences ne se sont pas estompées : elles sont au mieux restées stables
quand elles n’ont pas augmenté. Cette situation explique qu’une majorité des jeunes
natifs diplômés migrent vers la métropole ou s’y installent durablement à la suite de
leurs études.

[…]

Le renouvellement semble encore plus rapide en Guyane, avec plus de 40 %


d’arrivées récentes. Les taux d’emploi standardisés soulignent l’avantage de ces
migrants récents métropolitains et communautaires (bénéficiant de contrats
d’entreprises), comparé aux difficultés d’accès à l’emploi de nombre de « natifs de
retour ». L’impact sur le marché du travail est donc important comme l’a montré
l’analyse de l’emploi dans les DOM. Ce bénéfice vaut cependant plus pour les
hommes que pour les femmes, notamment aux Antilles où les « natives » semblent
avoir un avantage sur les métropolitaines. Ces dernières accompagnant souvent leur
époux et ne disposent pas comme lui de contrat de travail préalable et doivent
chercher sur place un emploi.

[…]

Mais, au‐delà, on observe aussi qu’à qualification égale, les métropolitains occupent
des professions plus élevées que les natifs. Cette inégalité peut être une source de
tensions sociales. Si le renouvellement rapide des métropolitains disposant de
contrats de travail à durée limitée permet de l’atténuer, elle constitue tout de même
un facteur d’incitation au départ de natifs qualifiés vers la métropole ou l’étranger et
de non‐retour des étudiants diplômés. Sans disposer de données quantifiées
comparables, le « brain drain » des natifs est aussi reconnu dans les autres RUP,
mais l’avantage des « continentaux » n’est pas vécu de la même manière (ils sont, il
est vrai, en part moins importante que dans les DOM) et l’accès aux professions est
considéré conforme à la qualification.

[…]
Source : http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/studies/pdf/rup_migratory/rapport8rup_shs_2_fr.pdf
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Synthèse de l’atelier 4, Rénovation du dialogue sociale, formation


professionnelle, emploi.

[…]

Un taux d’encadrement local insuffisant, notamment par des jeunes originaires de la


Réunion

[…]

1. AGIR COLLECTIVEMENT EN FAVEUR DE L’EMPLOI


La croissance démographique dépassera largement les capacités d’emploi des
différents secteurs de l’économie réunionnaise. Alors que le taux de chômage est
record, et que notre niveau de compétences s’est considérablement accru, peu de
Réunionnais occupent des postes à responsabilité tant dans le secteur public que
privé. Il importe que toutes les pistes puissent être explorées pour accroître le rythme
de développement, et satisfaire les besoins d’une population appelée à terme à
atteindre 1 million d’habitants. Il est donc proposé les actions suivantes : - le
renforcement des dispositifs de prévision en association avec les partenaires sociaux
pour mieux anticiper sur les emplois à venir - la généralisation des démarches de
GPEC y compris pour les TPE - le développement d’une mobilité accompagnée dans
l’espace européen - la création d’une solidarité générationnelle pour diminuer le
chômage des jeunes (de type congé de solidarité) - la valorisation des métiers
manuels et techniques - une stratégie volontariste d’accès des Réunionnais aux
postes d’encadrement et de responsabilité intégrant notamment la création d’une
antenne de l’APEC et un dispositif de préparation aux emplois de cadres
administratifs en lien avec la diaspora des réunionnais dans le monde

[…]

Alors que le taux de chômage est record, et que notre niveau de compétences s’est
considérablement accru, peu de réunionnais occupent des postes à responsabilité
tant dans le secteur public que privé.

[…]

S’agissant des postes d’encadrement, de nombreux Jeunes réunionnais diplômés


évoquent de grandes difficultés pour accéder à des postes de responsabilité que les
entreprises semblent réserver à des candidats venus de l’extérieur. Les règles de
priorité des emplois publics sont également considérées comme insuffisamment
favorables aux candidats locaux puisqu’elles privilégient l’ancienneté dans une offre
nationale

[…]
Source : http://archives.etatsgenerauxdeloutremer.fr/sites/default/files/Synthese-LaReunion-Atelier-4.pdf

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Synthèse des Etats Généraux de l’Outre-Mer, la Réunion, Cinq projet pour un
territoire

[…]

La Réunion surprend par son dynamisme : la compétitivité des entreprises a permis


de faire baisser le chômage de 12 % depuis 1999. Le bilan est toutefois celui d’une
crise autant matérielle que morale, alimentée par la montée des inégalités et le
sentiment d’une discrimination à l’emploi.

[…]

Ceux qui sont handicapés dans leur projet de vie parce qu’ils ne maîtrisent pas les
savoirs de base et n’ont de ce fait aucune perspective d’insertion professionnelle, se
sentent niés dans leur être. Le sentiment que l’égalité des chances est un leurre est
également partagé par les Réunionnais qui, ayant consenti l’effort d’aller se former à
l’extérieur, peinent à trouver un emploi localement. Avec la persistance de
l’illettrisme, la foi en l’école de la République se trouve également mise à mal.

[…]

L’absence de transparence dans les processus de recrutement public et privé crée


aussi un sentiment profond de discrimination, bloque la promotion de la diversité, qui
est pourtant la marque de fabrique de la société réunionnaise.

[…]

L’atelier 4 souligne que la démographie réunionnaise est d’abord un atout pour le


développement de notre territoire. Il recommande même, en ayant évalué que la
grande majorité des cadres supérieurs de l’île n’en sont pas originaires et n’ont pas
vocation à y vivre, « d’améliorer la gestion de la mobilité pour stopper et prévenir une
fuite des cerveaux et des compétences semblable à celle des pays en voie de
développement ». Les pistes nouvelles de lutte contre le chômage imaginées par cet
atelier s’organisent autour de trois propositions-clefs : 1) Créer un outil efficace
d’identification des emplois requis par l’évolution de l’économie réunionnaise à
moyen terme : une GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences)
de branches et des entreprises pour anticiper les formations nécessaires aux besoins
futurs des entreprises locales 2) Développer la mobilité vers la métropole selon la
même logique d’organisation 3) Miser sur la solidarité entre générations pour
diminuer le chômage des jeunes : il est évoqué un congé-solidarité qui pourrait être
précédé d’une forme de tutorat exercée par le salarié partant. En écho aux constats
de l’atelier 7 sur l’égalité des chances, l’atelier 4 propose que l’accès des
Réunionnais aux postes d’encadrement fasse l’objet de mesures anti-discriminatoires
: en sensibilisant les administrations centrales à la nécessité de former et promouvoir
des Réunionnais créolophones, mais aussi en valorisant chez les fonctionnaires
candidats à ces fonctions à La Réunion la connaissance qu’ils peuvent avoir de notre
culture et notre langue. La question de fond que pose l’atelier 4 est bien : « pour quel
espace économique faut-il former, qualifier et professionnaliser les Réunionnais ? »

[…]
Source : http://www.cg974.fr/index.php/Telecharger-document/Synthese-des-Etats-Generaux-de-l-Outre-Mer.html.
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Réponses de l’Etat au COSPAR

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Favoriser l’emploi local

Les principes républicains sanctionnent toute discrimination à l’embauche. Toutefois,


l’Etat est conscient de la nécessité de mettre en place avant la fin 2009 un
programme d’égalité des chances et de volontarisme républicain en partenariat avec
le monde économique. L’Etat propose qu’un programme soit élaboré avant la fin
2009 en partenariat avec le monde de l’entreprise et aboutisse à : - la signature
d’une charte de l’embauche locale à La Réunion ; - la mise en place d’un programme
porté par l’Etat de formation des cadres du secteur privé et des fonctionnaires
réunionnais pour accéder à des emplois supérieurs dans le cadre de la promotion
interne ; - la création d’un observatoire sur l’égal accès l’embauche à tous les
niveaux d’emploi

[…]

Source : http://aid97400.lautre.net/IMG/pdf/Reponses_Prefet_62_revnd._VERSION_4_bis_S.pdf
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Franck Temporal, Migrations, emplois et inégalités à l’île de La Réunion. Quel


rapport pour la compréhension du développement

Le premier constat lorsque l’on s’intéresse à la catégorie socio-professionnelle de


l’ensemble des travailleurs à La Réunion est que les natifs occupent des emplois
moins qualifiés que les immigrants nés en métropole. Chez les hommes comme chez
les femmes, Les natifs de la Réunion sont nettement surreprésentés dans les
catégories « ouvriers » et « employés » au détriment des catégories supérieures.

Les Réunionnais des retours de migration occupent des emplois globalement plus
qualifiés que les non migrants mais ils sont nettement moins représentés que les
individus nés en métropole dans les catégories supérieures (cadres et professions
intellectuelles supérieurs).

[…]

Enfin, on observe la tendance strictement inverse pour les catégories pour les
catégories supérieures, les immigrants nés en métropole sont majoritairement
classés comme « cadres et professions intellectuelles supérieures » ou « professions
intermédiaires » : plus des deux tiers des immigrants hommes et des femmes
occupant un emploi à la Réunion en 1999. Le niveau de diplôme plus élevé des
métropolitains explique en partie qu’ils occupent des emplois plus qualifiés.

Les natifs de retour de migration, plus diplômés que les Réunionnais non migrants,
accèdent également proportionnellement plus aux emplois des catégories
socioprofessionnelles supérieures. Ils sont cependant nettement moins représentés à
ces postes que les individus nés en métropole installés dans le département.

La différence de réparation des emplois selon l’origine, le secteur et le niveau de


diplôme est telle qu’il est nécessaire d’approfondir ces analyses.

[…]

Le premier constat général quand on raisonne à secteur et à niveau de diplôme


équivalent est que les différentiels dans la qualification des emplois occupés entre
les individus nés en métropole et les natifs de La Réunion se maintiennent largement
chez les hommes et les femmes. Les immigrants nés en métropole semblent être
« valorisés » sur le marché du travail de l’île, ils occupent des emplois plus qualifiés
que les natifs. Les natifs de la Réunion de retour ont une situation intermédiaire entre
les métropolitains et les non migrants.
[…]

Au sein du secteur public et assimilé, la différence de qualification des emplois selon


l’origine des individus à diplôme équivalent reste très marquée. Les individus nés en
métropole occupent toujours un emploi public en tant que « cadre supérieur » ou que
« profession intermédiaire » que les natifs de la Réunion.

Les natifs de la Réunion de retour de migration entre 1990 et 1999 parviennent


globalement à tirer un bénéfice de leur expérience de migration, ils occupent des
emplois plus qualifiés que les non migrants. La qualification des emplois des
Réunionnais de retour est cependant beaucoup plus proche de celle des natifs non
migrants que des individus nés en métropole, cela pour les hommes comme pour les
femmes.

[…]

Les natifs de la Réunion les plus diplômés accèdent donc proportionnellement moins
aux catégories socioprofessionnelles supérieures que les immigrants nés en
métropole.

[…]

Globalement, les natifs de la Réunion sont dévalorisés alors que les immigrants nés
en métropole les moins diplômés du secteur public accèdent plus largement aux
emplois à haut niveau de qualification.

[…]

Les immigrants nés en métropole installés à La Réunion parviennent ainsi à tirer un


bénéfice de leur installation à la Réunion, ils accèdent très largement aux catégories
d’emplois les plus élevés et cela y compris pour les individus ayant des niveaux de
diplômes bas (inférieur ou égal au BEP) qui parviennent plus que les natifs à des
emplois qualifiés.

Les immigrants nés en métropole installés à La Réunion semblent parvenir à


valoriser leur formation et leur expérience professionnelle sur le marché du travail
réunionnais. A l’inverse, à diplôme égal, les natifs de La Réunion salariés du secteur
public occupent des emplois d’un niveau de qualification toujours inférieur. Les natifs
de La Réunion de retour de migration accèdent en plus grand nombre aux catégories
supérieures que les non migrants, ils semblent néanmoins pénalisés en comparaison
des individus nés en métropole installés dans le département.

[…]

L’approche de la qualification des emplois selon le niveau de diplôme détaillé des


individus met en avant des différentiels également très nets. Ces écarts ne
s’expliquent donc pas par une variation des niveaux de diplôme au sein des
catégories regroupées.

[…]
Ainsi la migration est à l’origine de marchés de l’emploi dualistes où certains
individus sont favorisés et d’autres défavorisés. Les émigrants sont pénalisés par
rapport à la moyenne de métropole alors que les immigrants métropolitains
parviennent à accéder aux emplois à haut niveau de qualification à leur arrivée sur le
marché du travail de La Réunion. Les Réunionnais de retour ont une situation plus
favorable que les non migrants mais moins que les arrivants métropolitains de la
dernière période.

Le marché du travail de l’île est sélectif, la concurrence semble entraîner un


déclassement de la valeur des diplômes des natifs de la Réunion qui occupent des
emplois d’une qualification inférieure à leur niveau de formation en comparaison de
la moyenne de métropole. Inversement, on constate une valorisation des
compétences des individus nés en métropole et dans un moindre mesure des natifs
de retour qui parviennent proportionnellement plus que les Réunionnais non migrants
aux emplois les plus qualifiés à diplôme égal.

Ces inégalités dans la qualification des emplois occupés selon l’origine sur le marché
du travail de La Réunion ont été observées dans les autres DOM. Nos résultats sont
très similaires à ceux des travaux de Rallu sur la Guadeloupe et la Martinique aux
recensements précédents (Rallu 1997b) ou sur l’ensemble des DOM au cours de la
dernière période (Rallu & Marie 2004). Il semble ainsi que l’exemple de la Réunion
puisse être étendu à l’ensemble des DOM.

[…]

Enfin, le changement de la dimension migratoire des natifs de La Réunion qui se


caractérise plus que dans le passé par une circulation accrue entre ce département
et la métropole, explique que les départs nets soient moins nombreux. Les départs
sont plus souvent temporaires, ils sont suivis en plus grand nombre par des retours
dans le département. A ce titre, les dispositifs d’aides au départ, qui prévoient pour la
plupart une aide au retour, ont pu soutenir cette circulation et faciliter les allers-
venues entre La Réunion et la métropole. Le développement de la migration pour
études illustre cet élargissement de l’espace de vie de Réunionnais qui sont amenés
à quitter temporairement l’île, à revenir et pour un certain nombre d’entre eux à
repartir. L’élévation du niveau d’éducation et la hausse rapide du nombre d’étudiant
laisse supposer que ces flux sont amenés à croître dans les années à venir, les
capacités d’accueil de l’université de La Réunion, bien qu’en progression reste
limitées.

En sens contraire, plusieurs facteurs peuvent expliquer la hausse des arrivées dans
le département des immigrants non natifs et des Réunionnais de retour.

Tout d’abord, la sur-rémunération des fonctionnaires dans les Dom et plus


globalement l’ensemble des avantages des salariés de la fonction publique travaillant
en outre-mer, expliquent, aujourd’hui comme dans le passé, un nombre important
d’installations dans le département. Ces mesures ont un effet incitatif certain qui
encourage les salariés de la fonction publique à demander un poste en outre-mer.
Ces avantages à l’installation concernent les métropolitains comme les natifs de La
Réunion de retour, ils expliquent un nombre non négligeable d’arrivées dans le
département. Par ailleurs, certaines sociétés privées nationales et internationales se
sont inspirées de ces mesures incitatives et proposent des avantages salariaux ou
non salariaux qui ont pour effet de favoriser l’arrivée de cadres français et européens
qualifiés. Plus généralement, le niveau moyen élevé de rémunération des catégories
supérieures du secteur privé peut encourager les individus à venir travailler à La
Réunion.
Enfin, l’analyse de la situation d’emploi des immigrants a indiqué que les
métropolitains avaient intérêt à venir occuper un emploi à La Réunion. Ils ont des
taux d’emploi très élevés, parfois supérieurs à ceux observés pour l’ensemble
métropole et ils sont relativement peu touchés par le chômage en comparaison de la
population des natifs. Les métropolitains à La Réunion occupent des emplois dont le
niveau de qualification est très élevé, la différence avec les natifs est nette. Les
analyses réalisées à caractéristiques équivalentes indiquent que les immigrants nés
en métropole sont favorisés sur le marché du travail de l’île. Ils occupent des emplois
d’un niveau de qualification supérieur à celui des natifs de La réunion à secteur
d’activité et diplôme équivalents.

Par ailleurs, les métropolitains ne sont pas tous fonctionnaires, il ne s’agit pas non
plus uniquement d’individus très diplômés, un nombre non négligeable a un niveau
équivalent ou inférieur au bac. Ces derniers parviennent à tirer un bénéfice important
à leur installation sur l’île, ils sont nombreux à gravir l’échelle sociale et accèdent à
des emplois de niveaux de qualification élevés par rapport à la valeur de leur
diplôme.

Les immigrants nés en métropole parviennent ainsi à valoriser leur diplôme et leur
savoir-faire sur le marché du travail local, ils ont la situation d’emploi la plus
favorable. Cette situation, qui traduit l’existence d’un marché du travail dualiste où
certains individus sont favorisés au détriment d’autres, présente un intérêt pour les
immigrants arrivants de métropole mais aussi, dans une moindre mesure, pour les
natifs de La Réunion de retour. Ces derniers tirent un bénéfice de leur expérience de
migration sur le marché du travail de l’île mais de manière moins prononcée que les
métropolitains. Ils accèdent plus largement au travail et occupent des emplois plus
qualifiés que les non migrants à diplôme et secteur d’activité égaux.

En outre, les analyses ont indiqué que les immigrants de métropole et les natifs de
retour arrivés au cours de la dernière période avaient une situation d’emploi
équivalente voire plus favorable à ceux dont l’installation est plus ancienne, ce qui
laisse supposer qu’une partie d’entre eux s’installent avec un contrat de travail
préétabli, l’emploi constitue donc la cause de leur migration. Cette situation peut
donc expliquer la hausse des arrivées à La Réunion, on peut néanmoins se
demander pourquoi faire appel à une main d’œuvre extérieure quand l’élévation du
niveau de qualification des travailleurs à La Réunion pourrait permettre de trouver
ces compétences sur place ?

On peut émettre plusieurs hypothèses. Il est possible que certaines entreprises


localisées à La Réunion s’y installent avec leur propre personnel, notamment
d’encadrement et continuent de faire appel à leurs réseaux nationaux ou
internationaux situés à l’extérieur de l’île pour recruter leur main d’œuvre. Ce
système peut perdurer soit en raison d’une logique de recrutement interne à
l’entreprise, soit parce que certains employeurs valorisent les compétences ou
diplômes venant de l’extérieur. Un autre élément d’explication peut être cherché du
côté de la modernisation du marché du travail réunionnais qui nécessite des
compétences et des qualifications professionnelles et techniques spécialisées, de
plus en plus « pointues », qui ne trouvent pas d’équivalent localement en raison de la
faible diversité de l’offre éducative locale.
Quoi qu’il en soit, si à l’origine cette situation est issue de la faible qualification des
travailleurs réunionnais qui a nécessité l’arrivée d’une main d’œuvre qualifiée en
provenance de métropole, il semble qu’aujourd’hui des mécanismes de
« valorisation » et de « dévalorisation » se maintiennent malgré une réduction
sensible de la différence de qualification selon l’origine.

Ces inégalités dans l’accès au travail et la qualification des emplois, ces


discriminations supposées, entre préférences et désavantages, ne touches pas
seulement les natifs de La Réunion et le métropolitains. L’exemple de la situation
d’emploi très défavorable des originaires de Mayotte installés à La Réunion semble
indiquer des pratiques de sélection qui dépassent le seul critère de la qualification ou
de la compétence.

Ces inégalités de traitement à l’avantage des immigrants nés en métropole et des


natifs de retour peuvent ainsi les encourager à venir travailler dans l’île.

En outre, ces immigrants et ces natifs de retour venant occuper un emploi à La


Réunion s’installent très souvent en famille ce qui décuple l’effet des arrivées. En
outre, si leur installation reste le plus souvent temporaire, les tendances indiquent un
allongement de la durée de séjour des immigrants dans l’île ce qui a pour effet
d’accentuer l’impact net de l’immigration.

Cet ensemble de préférences et de désavantages peut ainsi avoir un effet incitatif


important à la migration entre La Réunion et la métropole et contribuer à influencer
les flux.

Dans le même temps, l’effet de la migration sur le développement à La Réunion est


positif à plusieurs titres.

Tout d’abord, l’arrivée d’immigrants et de Réunionnais de retour très diplômés


permet d’élever le niveau de qualification de la main d’œuvre dans le département ?
L’effet de la migration sur le niveau de formation de la population résidant à La
Réunion est réel ce qui a un impact positif sur le développement de l’île dans son
ensemble. Les immigrants et les natifs de La Réunion participent aux activités
économiques, ils sont proportionnellement plus nombreux que les natifs de la
Réunion non migrants à participer aux activités productives en tant que créateurs
d’entreprises, qu’employeurs ou que travailleurs indépendants. L’immigration et les
retours ont donc un effet bénéfique sur le développement économique de l’île. Par
ailleurs, si la sur-rémunération présente de nombreux effets pervers elle permet un
haut niveau de consommation ce qui est favorable à la croissance.

Enfin, si la migration ne permet pas de réduire la pression sur l’emploi, l’émigration


des natifs de La Réunion vers la métropole leur permet d’élever leur niveau
d’éducation et de qualification mais aussi d’acquérir une expérience professionnelle
hors de l’île. En ce sens, l’émigration exerce un effet positif sur le développement du
point de vue des individus car elle renforce leurs capacités et réduit leur vulnérabilité.
Ces qualifications et compétences acquises à l’extérieur leur permettent de tirer profit
de leur expérience de migration à leur retour et à un impact positif sur le
développement de l’île. A ce titre, la mobilité des étudiants, dont un certain nombre
poursuivent leur séjour en métropole et acquièrent une expérience professionnelle
avant leur retour, constitue une dimension essentielle de la politique de
développement de l’île.

Cet effet positif de la migration sur le développement doit néanmoins être relativisé
car elle est à l’origine de la formation d’un marché du travail dualiste, elle vient donc
renforcer les inégalités entre les individus. La valorisation dont font l’objet les
immigrants et les natifs de La Réunion de retour constituent un handicap
supplémentaire pour tous ceux qui n’ont pas fait le choix de la migration car ils sont
soumis à une concurrence extérieure plus forte et ils sont pénalisés dans leur emploi
à diplôme et à secteur d’activité identiques.

Par ailleurs, le maintien des inégalités face aux choix de l’émigration qui, malgré une
généralisation des aides au départ, continue de concerner prioritairement les
individus les plus diplômés et ne concerne que faiblement les moins diplômés,
perpétue les clivages existants. En effet, seuls les plus diplômés, les mieux armés,
utilisent la migration comme un outil au service de leur insertion sociale et
professionnelle ce qui conduit à renforcer leurs capacités. Inversement, les
personnes moins diplômées et/ou les plus éloignées du marché du travail (chômeurs
de longue durée, allocataires du RMI) sont peu enclins au départ. La migration peut
sembler être une solution bien lointaine chez ces individus en situation de précarité
économique qui éprouvent des difficultés à construire un projet professionnel et
privilégient une vision de plus court terme.

Il s’agit à présent de conclure sur la durabilité sociale du modèle de développement


de La Réunion.

Actuellement, c’est-à-dire au moment où la parité sociale avec la métropole est


acquise, on observe un tassement des progrès dans de nombreux domaines
(NdBdP). Ce constat nous amène à penser que le développement de la société dans
son ensemble n’est plus possible au-delà d’un certain seuil d’inégalités entre
individus et groupes sociaux est un obstacle au développement de La Réunion toute
entière.

Un seuil semble atteint dans le traitement social de la pauvreté, à présent seule une
amélioration sensible de la situation, à présent seule une amélioration sensible de la
situation d’emploi des individus et une diminution des inégalités sociales paraît
pouvoir soutenir les progrès futurs.

La réduction des inégalités et la lutte contre l’exclusion apparaît d’autant plus


nécessaire que la persistance d’un contexte économique difficile et la généralisation
des difficultés d’emploi aux jeunes ayant suivi une scolarité complète peut en amener
certains à rejeter ce modèle de développement et les valeurs qu’il propose (réussite
scolaire, accès à l’emploi salarié du secteur formel). Les échecs d’insertion peuvent
se traduire par des phénomènes de renoncement, d’abandon et d’exclusion mais
aussi être sources de frustration, de ressentiment, de rejet qui peuvent à terme
mener jusqu’à des tensions sociales et des conflits.

Les inégalités entre individus sur des critères d’âges, de sexe ou encore d’origine
peuvent être plus inacceptables pour les jeunes Réunionnais qui à la différence de
leurs aînés, ont dans leur majorité intégré le processus individuel de la réussite, sont
porteurs d’un projet de promotion sociale, ont suivi des études, obtenus un diplôme
mais ne parviennent pas tous à avoir un emploi stable.

Les inégalités et les processus de déclassement, qui sont amplifiés par l’effet de la
migration, peuvent donc être sources de réactions plus vives chez ces jeunes qui
visent l’ascension sociale que dans les générations antérieures.

Aussi, le risque de remise en cause de la paix sociale est d’autant plus grand que les
inégalités ne baissent plus et que les difficultés se généralisent aux jeunes diplômés.
Pour conclure, il ne nous appartient pas ici d’apporter une réponse univoque à cette
question délicate de la durabilité sociale du développement à La Réunion mais plutôt
de constater que la dimension sociale doit constituer aujourd’hui, plus que dans le
passé, un des objectifs importants des politiques mises en œuvre dans ce
département.

L’emploi et la lutte contre les inégalités constituent deux enjeux majeurs des
politiques de développement de La Réunion. Dans ce domaine, les migrations ont un
rôle important à jouer car elles constituent une variable d’ajustement essentielle des
déséquilibres de main d’œuvre et permettent de renforcer les capacités des
individus. Ce rôle de la migration pour les natifs de La Réunion pourrait être plus
important encore s’ils n’étaient pas soumis à des processus de dévalorisation sur le
marché de l’emploi. La politique de mobilité doit s’accompagner d’une politique de
lutte contre les inégalités et l’exclusion.
http://www.sudoc.fr/150740360

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