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Cours de M. de Fraguier – Histoire 4e – Année 2022-2023


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Les migrations internationales


Définitions, chiffres et débats

AVERTISSEMENT :
L’étude des migrations est rendue complexe par l’extrême diversité des situations qui rendent
difficiles l’analyse et la synthèse. L’étude de ce sujet fait appel à plusieurs disciplines : la
démographie, la géographie, l’histoire, l’économie, la sociologie, les religions, les cultures, le
droit des États, le droit international, etc. De plus, les définitions ne font pas unanimité, les
données chiffrées sont parfois contradictoires, différentes thèses s’opposent dans le débat
politique.

Définitions
Attention aux homophones :
LES MIGRATIONS au pluriel ou L’ÉMIGRATION avec un accent aigu ?
LES MIGRANTS au pluriel ou L’ÉMIGRANT avec un accent aigu ?

MIGRATION :
Pour les espèces humaines ou animales, déplacements d’un territoire dans un autre pour s’y
établir, définitivement ou temporairement.
Ex. : Le Peuple migrateur, film documentaire (2001) sur la migration des oiseaux qui reçut de
nombreuses distinctions pour la qualité de ses images.

MIGRER :
Pour les êtres humains, comme pour les animaux, effectuer une migration. En parlant des
personnes, émigrer et immigrer.

MIGRATOIRE :
Qui a rapport aux migrations humaines. Mouvement, flux migratoire. Solde migratoire, politique
migratoire.

PAYS DE DÉPART (D’ORIGINE), DE TRANSIT, D’ARRIVÉE (DE DESTINATION)


Ex. : la France peut être un pays d’arrivée, mais aussi un pays de transit comme vers la Grande-
Bretagne.
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MIGRANT :
Dans son sens commun, celui des dictionnaires, un migrant est une personne (ou une
population) qui effectue une migration, donc un déplacement.

Attention ! la définition n’est pas du tout la même pour établir des statistiques

- L’Organisation des Nations unies (ONU), après avoir étudié les différentes définitions du mot
migrant dans les statistiques de chaque pays, a retenu la définition suivante : un migrant
désigne « toute personne qui a résidé dans un pays étranger pendant plus d’une année,
quelles que soient les causes, volontaires ou involontaires, du mouvement, et, quels que
soient les moyens, réguliers ou irréguliers, utilisés pour migrer ». Un migrant, pour l’ONU,
est donc celui qui, étant né dans un pays, vit dans un autre pays, quelle que soit sa nationalité
à la naissance.

- Les statistiques utilisées par la division de la population de l’ONU ne précisent pas la


nationalité à la naissance, seulement le pays de naissance. Si la nationalité à la naissance est
connue, il existe une définition plus restrictive : étranger né à l’étranger. Ceci explique les
différences dans les statistiques comme nous le verrons pour la France.

Ainsi, dans les statistiques, un migrant n’est pas en déplacement d’un pays vers un autre, mais
il vit dans un pays qui n’est pas le sien. Autrement dit, un migrant n’est pas un “nomade”, mais
un “sédentaire” qui a quitté son pays de naissance.

Il faut aussi distinguer les migrants légaux et clandestins. Chaque État est souverain dans la
définition de qui peut entrer sur son territoire. Les migrants légaux sont entrés sur le territoire
d’un État conformément aux lois du pays où ils arrivent. Les clandestins (appelés souvent « sans
papiers ») sont donc « hors la loi » dans le pays où ils se trouvent. Ils sont de ce fait difficile à
comptabiliser dans les statistiques.

Il n’existe donc pas de définition universelle du terme « migrant ».

ÉMIGRER
Quitter son pays pour s’établir dans un autre, provisoirement ou définitivement. Les protestants
français ont émigré en grand nombre après la révocation de l’édit de Nantes.

ÉMIGRANT :
Personne qui quitte son pays dans l’intention de s’établir ailleurs.

ÉMIGRÉ :
Personne qui a quitté son pays pour des raisons religieuses, politiques ou économiques.
Cet émigré garde l’espoir de retourner vivre dans son pays.
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IMMIGRER :
Entrer dans un pays étranger pour s’y établir. Ils ont immigré en France voici bientôt dix ans.

IMMIGRATION :
Action d’immigrer. Dès les années 1840-1850, les États-Unis accueillent des vagues massives
d'immigrants venus d'Europe.
Politique d’immigration. L’immigration clandestine. Les services d’immigration.

IMMIGRANT :
Qui immigre. Population immigrante. Personne qui immigre ou a récemment immigré dans un
pays. L’assimilation des immigrants. Refouler des immigrants.
Définition du Haut Conseil à l’Intégration (1989-2012) : personne née étrangère à l’étranger et
résidant en France. Cette définition nécessite donc de connaitre la nationalité à la naissance,
mais ne tient pas compte de l’acquisition ou non de la nationalité française.

IMMIGRÉ :
Qui a immigré. Un travailleur immigré. La main-d’œuvre immigrée.
Un immigré, une personne qui a immigré. Le statut, la naturalisation des immigrés.
N.B. Dans les statistiques de l’Insee (Institut national de la statistique et des études
économique), un immigré continue à appartenir à cette catégorie même s’il devient français.
C’est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l'origine géographique
d’un immigré.

ÉTRANGER :

Le mot immigré n’a pas de définition dans la loi française. Ce n’est pas un terme utilisé en droit
français, mais uniquement dans les statistiques. C’est pour cela qu’il y a un droit « des
étrangers » en France, mais pas de droit des immigrés puisqu’ils peuvent garder le statut
d’étranger ou acquérir la nationalité française. La loi française définit les étrangers comme :
« les personnes qui n’ont pas la nationalité française » (Code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile). En conséquence, l’étranger n’a pas, par définition, les mêmes
droits qu’un Français. Dans une décision de 1993, le Conseil Constitutionnel a jugé, en se
fondant sur la Déclaration de 1789 et la Constitution, que : « Aucune règle de valeur
constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits […] d’accès et de séjour sur le territoire
national » et que « les étrangers se trouvent placés dans une situation différente de celle des
nationaux ». En conséquence, ce n’est pas faire preuve de discrimination que d’appliquer des
règles spécifiques aux étrangers comme dans les contrôles d’identité. Néanmoins, la France doit
appliquer les règles des traités internationaux qu’elle a signés, comme la Convention de Genève
(voir plus loin le statut des réfugiés) et les règlements de l’Union européenne.
En revanche, les droits reconnus dans la Déclaration de 1789 (comme la liberté d’aller et venir)
s’appliquent aux Français, mais aussi à ceux qui résident sur le territoire national, donc les
étrangers.
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RÉFUGIÉ :

Dans son sens commun, celui des dictionnaires, le réfugié est une personne que les guerres, les
révolutions, les persécutions ou les catastrophes naturelles ont contrainte à fuir son pays.

En droit international le réfugié a droit à un statut juridique, le droit d’asile qui découle de la
Convention de Genève sur les réfugiés du 28 juillet 1951, complétée en 19671.

« Le terme de réfugié s'applique à toute personne craignant avec raison d'être persécutée du fait de
sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses
opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette
crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se
trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne
peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. »

En France, le droit d’asile découle du préambule de la constitution de 1946 (IVe République),


repris dans la constitution de 1958 (Ve République), qui affirme que « tout homme persécuté
en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la
République »2.

Cependant, l’Habeas corpus (cours d’EMC) s’applique en France depuis la Déclaration de 1789 :
un migrant ne peut être mis dans un centre de rétention, donc porter atteinte à sa liberté, que
par la décision du juge des libertés et des détentions.

Dans une décision de 1993, le Conseil constitutionnel a considéré « que le respect du droit
d’asile, principe de valeur constitutionnelle, implique d’une manière générale que l’étranger qui
se réclame de ce droit soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il
ait été statué sur sa demande ».

Depuis 1952, c’est l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui a la
charge de statuer sur les demandes d’asile. Toute décision prise par l’OFPRA peut faire l’objet
d’un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) selon le Code de l’entrée et du
séjour des étrangers et du droit d’asile.

1 Ce droit d’asile était déjà reconnu dans la Déclaration universelle des Droits de l’homme (1948) qui, à la
différence de la Déclaration de 1789, n’a pas de valeur constitutionnelle en France.
2 Historiquement, le droit d’asile est aussi ancien que l’histoire de la France. Le concile d’Orléans, convoqué par
Clovis en 511, réaffirme le droit de l’Église : toute personne poursuivie, y compris pour meurtre, peut se
réfugier dans un lieu de culte ou chez un évêque (se reporter au cours une monarchie de droit divin, note 16).
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En 2015, le Parlement a voté une loi relative à la réforme du droit d’asile et en 2018, une loi dite
« loi sur l’immigration et l’asile ».
En 2023, le gouvernement soumet au vote du Parlement une nouvelle loi (il s’agit du trentième
texte de loi sur l’immigration depuis 1980) appelée « Projet de loi pour contrôler l’immigration,
améliorer l’intégration » qui prévoit, entre autres, de reformer la Cour nationale du droit d’asile.

Comme membre de l’Union européenne, la France s’est engagée à appliquer les différentes
directives européennes sur les réfugiés ainsi que par la Charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne (2000).

Depuis 1990, l’ONU a adopté une Convention internationale sur la protection des droits de
tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Ce texte ne crée pas un statut
juridique comme pour les réfugiés.

Il existe un Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR)

MIGRANTS (90% ) RÉFUGIÉS (10%)

Migration par choix Migration par contrainte

La personne a le choix de rester dans son pays, La personne est obligée de quitter son pays.
de le quitter et d’y revenir. Elle est « à la Elle fuit son pays sans espoir d’y revenir.
recherche d’un avenir meilleur ».

Principaux motifs : Plusieurs motifs :

- Économique (pays en voie de - Guerres : civile ou entre États


développement) - Recherche d’un travail
- Persécutions :
- Regroupement familial
- Opinions politiques (dictature Ex. Syrie)
- Études
- Raciale (origine ethnique Ex. Kurdes)

- Religieuse (y compris l’athéisme)

- Catastrophes naturelles.

- Changement climatique
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DIASPORA :
(Du grec « dispersion ») : dans son sens historique, dispersion du peuple juif hors de la
Palestine au cours des siècles, provoqués par les persécutions et les déportations dont il a été
victime. Désigne donc l’ensemble des communautés juives ainsi dispersées. Dans un sens plus
contemporain, dispersion d’un peuple à travers le monde. La diaspora arménienne, grecque,
chinoise.

APATRIDE :
Est apatride celui qui est dépourvu de toute nationalité en droit international selon la
Convention de New York relative au statut des apatrides adoptée en 1954. Elle qualifie
d’apatride « toute personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par
application de sa législation ». « Les États contractants n’expulseront un apatride se trouvant
régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public.
L’expulsion de cet apatride n’aura lieu qu’en exécution d’une décision rendue conformément à
la procédure prévue par la loi. »

Les chiffres
Rappel : les pays recensent les personnes vivant depuis un certain temps sur leur territoire et
non ceux qui y entrent (se reporter à Définitions)

Les migrants (au sens de l’ONU) ne représentent que 3,5 % de la population mondiale.
Par voie de conséquences, 96,5 % des habitants de la terre vivent là où ils sont nés. Ce
pourcentage n’a que très peu évolué depuis 30 ans3. En 1990, il y avait 153 millions de migrants
pour une population mondiale de 5,3 milliards soit 2,9 %. En 2020, il y avait 270 millions de
migrants pour une population mondiale de 7,8 milliards soit 3,5 %4. Si le nombre de migrants
augmente, c’est parce que la population mondiale connaît une très forte croissance. Mais en
proportion, cela reste marginal.
Contrairement à ce qu’affirme le programme de 4e, nous ne sommes pas dans un « monde de
migrants » dans lequel « il est essentiel de montrer aux élèves l’importance des grands
mouvements transnationaux de population que le monde connaît et qui sont d’une ampleur
considérable. » C’est au contraire, tout l’inverse !
L’analyse des chiffres montre que la population des pays les plus peuplés dans le monde
n’émigre que très peu. Ainsi la Chine et l’Inde ont un taux de 1% d’émigration en moyenne (en
revanche la migration à l’intérieur de ces deux pays est très importante). Ce taux est du même
ordre de grandeur pour les 6 pays les plus peuplés dans le monde qui représentent la moitié de
la population mondiale.

3 C’est-à-dire la fin de la guerre froide qui en coupant le monde en deux pôles rivaux (le monde libre sous le
leadership des États-Unis et le monde communiste sous l’emprise de l’Union soviétique) avait rendu très
difficiles, voire impossibles, les migrations internationales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
4 Sources : Banque mondiale, ONU.

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