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UNIVERSITE ALASSANE OUATTARA

U.F.R. Communication, Milieu et Société


Département de Géographie

Année Universitaire 2023-2024

Syllabus de cours

Intitulé du cours : Mouvements migratoire en


Côte d’Ivoire
Licence 3 Géographie

Nombre de crédits : 03

Volume horaire : 36 heures

Mode : Cours obligatoire/ UE majeure

Modalité de formation : Cours magistral (21 h) et TD (15h)

Mode d’évaluation : En présentiel (QCM, Dissertation)

Localisation de la salle : Campus 2, Amphi A

Nom de l’Enseignant : Bi Tozan ZAH

Grade : Maitre de conférences

Contact : thozane@hotmail.com
Description du cours
Ce cours est fondamental dans la formation en géographie humaine. La migration représente les
déplacements de population d’un endroit à un autre avec changement de résidence. Elle concerne tout
le monde d’autant plus que la vie en autarcie n’est plus possible dans ce contexte de mondialisation.
Certaines personnes choisissent de migrer volontairement. Par contre, d’autres sont obligées de migrer
du fait des contraintes politique, socioéconomique et environnementale (migration involontaire).
Phénomène incontournable, la migration implique l’élaboration de stratégies pour sa régulation. Certains
pays ont développé des politiques restrictives en matière de migration alors que d’autres ont des
politiques moins contraignantes afin d’insuffler la dynamique de leur population. Qu’en est-il de la Côte
d’Ivoire dont la population comprend un stock important des étrangers et qui est devenue durant ces
dernières années l’un des premiers pays pourvoyeur de migrant irrégulier en Europe ?
Objectifs
Ce cours aide les étudiants à comprendre le phénomène migratoire en générale, et la migration en Côte
d’Ivoire, en particulier. De façon spécifique, il ambitionne de :
• Montrer les facteurs de migration et les différents statuts des migrants ;
• Présenter les indicateurs de mesure de la mobilité géographique de la population ;
• Décrire l’évolution du phénomène migratoire en Côte d’Ivoire au regard de la politique ;
• Montrer les conséquences de la migration en Côte d’Ivoire.
Méthodologie
L’enseignement se déroulera en 21 heures de CM. Les exposés seront entrecoupés d’échanges avec les
étudiants sur leur expérience migratoire interne et/ou externe. La formation magistrale sera complétée
avec les TD permettant d’initier les étudiants aux activités pratiques. Il s’agit d’approfondir leurs
connaissances sur la migration de sorte à les familiariser avec les notions apprises pendant le CM.
Après avoir bien accompli ce cours, l’étudiant devrait être capable de :
• Déterminer les différents statuts des migrants.
• Mesurer la mobilité géographique de la population à l’échelle locale ou nationale.
• Connaitre les différentes politiques ayant influencé les tendances de la migration en Côte d’Ivoire.
• Déterminer ses implications au plan démographique, socio-économique et spatial.

Evaluation
L’évaluation se fera sur table (questions- réponses ou dissertation) afin de mesurer la capacité de
l’étudiant à assimiler le cours. Elle compte pour 60% et sera additionnée à la note du travail personnel de
l’étudiant (40%). La note pondérée de validation de ce cours est 10/20. L’étudiant qui a une note inférieure
à 10 devra la compenser avec celle du cours démographie et population en Côte d’Ivoire de sorte à
obtenir une moyenne de 20/40. Dans le cas contraire, il reviendra composer en seconde session.
PLAN DU COURS
Séance 1 : Généralités sur la migration
Séance 2 : Mesure de la mobilité géographique de la population
Séance 3 : Politique migratoire et tendance de la migration en Côte d’Ivoire
Séance 4 : Conséquences de la migration en Côte d’Ivoire
Séance 1 : GENERALITES SUR LA MIGRATION
Objectif général : Comprendre le phénomène migratoire
• Déterminer les différents statuts des migrants
• Montrer les facteurs de la migration
• Présenter les lois de la migration
• Identifier les acteurs de la migration en Côte d’Ivoire
Au cours de cette séance, il s’agit de : définir les statuts des migrants, montrer les facteurs de la migration,
identifier ses facteurs, présenter quelques lois de migration et identifier les acteurs de la gestion de la
migration en Côte d’Ivoire. L’enjeu est de permettre aux étudiants de mieux comprendre ce phénomène.
1.1. Définition de la migration et différents statuts des migrants
La migration représente les déplacements de population d’un endroit à un autre. Ces déplacements ont
pour effet de transférer la résidence du lieu habituelle/lieu de départ, à un lieu de destination/lieu d’arrivée.
Du point de vue statistique, un migrant est une personne qui abandonne son lieu de résidence habituelle
pour aller résider ailleurs pour une durée minimale de six mois. Si la durée est inférieure à 6 mois, il est
un visiteur. En Côte d’Ivoire, la sous-préfecture est le mode de localisation du lieu de résidence.
Quelques statuts des migrants dans le lieu d’accueil

• Migrant économique • Demandeurs d'asile • Migrant illégal

• Migrant sociale • Migrant en situation irrégulière • Apatride

• Migrant politique • Migrant en situation régulière • Migrant environnementale

1.2. Typologie des mouvements migratoires


• Exode rural
• Migration de retour • Cycle migratoire

• Migration forcée • Migration à la chaîne • Migration étape

1.3. Facteurs de migration


Plusieurs raisons poussent les gens à quitter l'endroit où ils vivent habituellement pour aller s'installer
dans un nouvel endroit. Ces raisons sont appelées facteurs d’incitation. Elles s’opposent aux facteurs
d’attraction exercés par le lieu de chute.
Facteurs d'incitation (Push factors) Facteurs d'attraction (Pull factors)
Le manque de services La disponibilité de meilleurs services
Impôts élevés Impôts moins élevés
L’insécurité, la criminalité élevée La faible criminalité, donc lieu plus sûr
De mauvaises lois (oppressives) Des lois favorables au respect des droits humains
Pauvreté, manque d’emploi Prospérité, faible taux de chômage
Les aléas climatiques Climat moins extrême
L'instabilité politique La stabilité politique
Les mauvaises récoltes Forte productivité
Faible croissance économique Forte croissance économique
Source : ZAH B. T., 2022
1.4. Les lois de migration
▪ La plupart des migrants se rendre à une courte distance ;
▪ Les migrations se font généralement du milieu rural vers le milieu urbain.
▪ Les migrants qui parcourent de longues distances s'installent généralement dans les zones urbaines.
▪ Les migrations se produisent généralement en plusieurs étapes.
▪ La plupart des migrants internationaux sont des hommes adultes tandis que plus de migrants
internes sont des femmes ;
▪ Les célibataires migrent souvent plus que les personnes ayant charge de famille car ils apprécient
différemment les risques de la migration.

1.5. Acteurs institutionnels en charge de la gestion de la migration en Côte d’Ivoire


En Côte d’Ivoire, plusieurs ministères et structures publiques sont impliquées dans la gestion des
questions migratoires.
Ministère Structures chargées de la migration Interventions
Ministère de ONECI Mise en œuvre de la politique de l'état civil et
l’Intérieur et de la identification des personnes résidant en Côte d'Ivoire
sécurité Direction de la Surveillance du Territoire Contrôle des flux migratoires
Ministère des Service d’Aide et d’Assistance aux Aide aux réfugiés et apatrides
Affaires étrangères, Réfugiés et Apatrides (SAARA)
de l’intégration Direction Générale de la diaspora Actions de mobilisation de la Diaspora
africaine et de la Direction Générale de l’Intégration Intégration de la migration dans la politique de
diaspora Africaine développement
Ministère du Plan et Office National de la Population Conception et coordination de la Politique nationale
du Développement de population
Agence d'Etudes et de Promotion de Délivrance des permis de travail aux travailleurs
Ministère de l'Emploi (AGEPE) étrangers
l’Emploi et de la Direction de la lutte contre le travail des Suivre et contrôler l’application des normes, des lois
protection sociale Enfants (DLTE) et règlements en matière de travail des enfants
Source : Bi Tozan ZAH, 2023

Conclusion
La migration représente les déplacements de population ayant pour effet de transférer la résidence du
lieu habituelle ou lieu de départ, à un lieu de destination ou lieu d’arrivée.
En Côte d’Ivoire, la sous-préfecture est le mode de localisation du lieu de résidence. Tout individu recensé
hors de sa sous-préfecture de naissance est un migrant.
Pour en savoir plus, lire :
HENRY Louis, 1981, Dictionnaire démographique multilingue, Liège, Ordina éditions, 179p. Consulter le
chapitre 7 intitulé mouvement général de la population (p. 99-115)
PIGUET Etienne, 2013, « Les théories des migrations. Synthèse de la prise de décision individuelle, in
Revue européenne des migrations internationales, vol.3, Poitiers, Université de Poitiers, p.141-161
Séance 2 : MESURE DE LA MOBILITE GEOGRAPHIQUE DE LA POPULATION
Objectif général : Comprendre les indicateurs de la mobilité géographique de la population
✓ Identifier les données permettant de mesurer la mobilité géographique de la population
✓ Construire les histoires migratoires des individus
✓ Calculer les indicateurs de la migration
Cette partie se consacre à l’identification des données permettant de mesurer la mobilité géographique
de la population, la construction des histoires migratoires et à l’estimation des indicateurs de la migration.
2.1. Données permettant de mesurer la mobilité géographique de la population
2.1.1. Le recensement général de la population (RGPH)
Tableau 1 : Echange migratoire entre régions
Régions Entrants Sortants Dans le questionnaire des recensements, deux types de questions
Lagunes 92 018 85 224 permettent de mesurer la mobilité géographique de la population à l’intérieur
Haut Sassandra 26 363 26 154 d’un pays :
Savanes 15 608 20 704
• Résidence à une date fixe (au cours des 5 années précédant la date de
Vallée du Bandama 31 926 47 185 la collecte). Cette question permet de calculer les probabilités de
Moyen Comoé 11 361 15 311 migration dans le temps au regard du lieu de naissance)
Montagnes 20 684 18 892 • Résidence antérieure et durée de résidence au lieu actuel. Ces
Lacs 18 697 20 704 questions ne permettent pas d’identifier la résidence de la population à
Zanzan 12 315 19 696 un moment précis avant la collecte.
Bas Sassandra 50 958 25 240 Le recensement de 2014 en Côte d’Ivoire permet de saisir la mobilité liée à la
Denguélé 4 825 5 922 crise militaro-politique de 2002. Pour tout résident né avant cette période, les
N'zi Comoé 18 305 33 943 questions suivantes lui sont posées :
Marahoué 13 295 14 545
Avez-vous déjà été forcé de quitter votre lieu habituel de résidence pour
Sud Comoé 15 551 12 060 cause de de conflit armé ?
Worodougou 14 087 7 537 Si oui, quand êtes-vous parti de votre lieu de résidence habituelle ?
Sud Bandama 17 504 19 744 Quel était votre lieu de résidence habituelle ?
Agneby 12 704 14 641 Etes-vous retourné ou avez-vous l’intention de retourner au lieu de
Fromager 17 822 15 406 résidence habituelle ?
Moyen Cavally 18 034 12 433
La question : y-a-t-il des personnes dans votre ménage qui ont émigré au
Bafing 8 177 4 893 cours des 5 dernières années ? permet d’estimer l’émigration des Ivoiriens
Ensemble CI 420 234 420 234
Source : RGPH 1998

2.1.2. Les enquêtes démographiques


Enquête Ivoirienne sur les Migrations et l’Urbanisation (EIMU) réalisée du 27 juin au 23 septembre
1993. Ont été enquêtés 13 000 ménages totalisant 73 100 personnes et 20 400 itinéraires migratoires
ont été recueillis auprès des enquêtés de 6 ans et plus.
Enquête sur les personnes déplacées internes en 2005. Elle a été menée dans les localités urbaines
et rurales d’Abidjan, de Daloa, de Toulépleu, de Yamoussoukro et de Duékoué. Dans ces 5 départements,
11 713 ménages ont été dénombrés dont 6 149 en milieu urbain et 5 564 en milieu rural.

2.1.3. Les projections démographiques des Nations Unies


Elles permettent de connaître l’état d’une population à cours, moyen et long terme. Elles donnent des
informations sur les effectifs annuels des immigrés et des émigrés pur chaque pays. Les taux nets de
migration sont également estimés afin d’apprécier la tendance migratoire de chaque pays.
Tableau 2 : Solde migratoire en Afrique de l’ouest de 1965 à 2010 (en millier de personnes)
Pays 1965-70 1970-75 1975-80 1980-85 1985-90 1990-95 1995-2000 2000-2005 2005-2010
Benin - 24 - 25 - 19 - 11 -9 105 - 29 99 50
Burkina Faso - 145 - 170 - 217 - 217 - 184 - 150 - 137 - 125 - 125
Cap Ver 2 -4 - 57 - 20 - 34 -6 -9 - 11 - 31
Côte d'Ivoire 300 400 420 430 325 375 180 - 420 - 290
Gambie 0 9 -3 19 48 - 15 - 26 - 14 - 14
Ghana - 362 - 164 - 564 206 - 30 - 16 - 113 166 189
Guinée - 18 - 275 - 353 - 38 162 800 - 246 - 368 - 56
Guinée-Bissau - 27 - 25 - 60 - 30 - 25 - 30 - 30 - 30 - 30
Liberia 11 11 12 0 - 400 - 300 450 - 50 176
Mali - 98 - 96 - 175 - 218 - 481 - 173 - 142 - 67 - 101
Mauritanie -3 -6 - 10 - 16 - 30 - 15 10 30 10
Niger - 12 - 14 - 18 - 93 - 92 -3 24 - 28 - 28
Nigeria - 43 - 39 855 - 672 - 91 - 96 - 95 - 170 - 300
Sénégal 87 66 - 135 - 85 - 60 - 70 - 210 - 151 - 166
Sierra Leone 0 0 0 0 63 - 450 - 150 500 60
Togo 139 - 50 - 100 50 - 20 - 95 - 30 - 10 - 10
Source : Nations Unies, World population prospects, 2019

2.2. Construction des histoires migratoires


Lorsqu’on dispose des informations sur le lieu de naissance (LN), le lieu de résidence à une date de
référence fixe (LF) et le lieu de résidence au moment de la collecte (LR), il est possible de distinguer
plusieurs catégories de migrants.
▪ Sédentaires = (LN = LF = LR)
▪ Migrants établis = (LN # LF = LR)
▪ Migrant de premier rang = (LN = LF # LR)
▪ Migrants de retour = (LN # LF ; LF # LR ; LN = LR)
▪ Migrants chroniques = (LN # LF ; LF # LR ; LN # LR)

2.3. Estimation de quelques indicateurs de migration


✓ Le solde migratoire (SM)
𝑆𝑀 = 𝐼𝑚𝑚𝑖𝑔𝑟é𝑠 − 𝐸𝑚𝑖𝑔𝑟é𝑠

✓ Taux d’émigration (TE)


𝐸𝑓𝑓𝑒𝑐𝑡𝑖𝑓 𝑎𝑛𝑛𝑢𝑒𝑙 𝑑𝑒𝑠 é𝑚𝑖𝑔𝑟é𝑠
𝑇𝐸 = 𝑋 100
Population moyenne
✓ Taux d’immigration (TI)
𝐸𝑓𝑓𝑒𝑐𝑡𝑖𝑓 𝑎𝑛𝑛𝑢𝑒𝑙 𝑑𝑒𝑠 𝑖𝑚𝑚𝑖𝑔𝑟é𝑠
𝑇𝐼 = 𝑋 100
Population moyenne
✓ Taux de migration nette (TMN)
𝑇𝑀𝑁 = 𝑇𝐼 − 𝑇𝐸
✓ Taux d’accroissement moyen annuel (TAMA)

(𝑃1 − 𝑃0)
𝑇𝐴𝑀𝐴 = [ ] ∗ 100
𝑝0 + 𝑃1
(𝑡1 − 𝑡0) ∗ (
2 )
✓ Population pour une année ultérieure n
𝑃𝑛 = 𝑃0(1 + 𝑡)𝑛
Pn = Population à estimer pour l’année n ; P0 = population de départ et t = TAMA, n = nombre d’années
Conclusion
Le recensement et les enquêtes démographiques sont les données permettant de mesurer la mobilité
géographique de la population. Avec ces données, il est possible de construire les histoires migratoires
des individus d’une part, et d’estimer des indicateurs pour une localité quelconque d’autre part. Des
analyses plus poussées peuvent être réalisées s’il s’agit d’enquête spécifique sur la migration.
Pour en savoir plus, lire :
GENDREAU Francis et al, 1985, Manuel de Yaoundé, estimations indirectes en démographie africaine,
UISP/IFORD/GDA, 276 p. Consulter les pages 181-187 et 263-269 sur les indicateurs de la migration
VANDESCHRICK Christophe, 2004, Analyse démographique, 3e éd., Louvain-la-Neuve, Academia-
Bruylant, Paris, Harmattan, 215 p.

Séance 3 : POLITIQUE MIGRATOIRE ET TENDANCE DE LA MIGRATION EN COTE D’IVOIRE


Objectif général : Comprendre la politique et les tendances migratoires en Côte d’Ivoire
✓ Présenter la politique migratoire de la Côte d’Ivoire pré et post indépendance
✓ Montrer la tendance de la migration interne et externe en Côte d’Ivoire
✓ Faire un focus sur l’émigration (régulière et irrégulière) des Ivoiriens en Europe
Cette partie présente la politique migratoire et les tendances de la migration de la Côte d’Ivoire.
3.1. Politique migratoire de la Côte d’Ivoire
3.1.1. Politique coloniale (deux phases)
✓ De 1893 à 1945 : une migration forcée de travail
Cette période est caractérisée par l’exploitation économique et la mise en valeur de la colonie après sa
pacification. Dans cette vision, le travail obligatoire a été institué dès 1904 comme mode de gestion de la
main-d'œuvre. Les recrutements ont d’abord concerné toutes les régions de la colonie, en particulier le
Nord moins favorisé par la nature.
Figure 1 : Evolution de l’effectif des travailleurs africains employés sur les chantiers de construction du
chemin de fer en Côte d’Ivoire de 1903 à 1933

Source : République de Côte d’Ivoire, 1987


Ensuite, a été mise en place la politique d’approvisionnement de la colonie en main-d'œuvre avec le
recrutement de personnel qualifié dans la zone AOF.
En 1920, l’élaboration du programme de développement de la colonie basé sur l’exploitation des
ressources agricoles et forestières non mécanisées a intensifié le besoin en main-d’œuvre. Ce qui a
contraint l’administration à règlementer la circulation des individus.
✓ De 1946 -1959 : une migration volontaire de travail
Durant cette période, il y a eu un assouplissement des conditions de travail des indigènes avec l’abolition
du travail forcé (loi du 10 avril 1946).
Création par les employeurs de la Côte d’Ivoire en 1951 du Syndicat Interprofessionnel pour
l’Acheminement de la Main-d'œuvre (SIAMO). Environ 247 710 volontaires ont été recrutés entre 1951
et 1959 pour travailler en Côte d’Ivoire.
3.1.2. Politique postcoloniale (deux phases)
✓ De 1960 à 1990 : politique migratoire ultra libérale
• Signature en mars 1960 d’une convention entre la Côte d’Ivoire et la Haute Volta afin de satisfaire
le besoin en main-d’œuvre agricole.
• Signature en 1961 avec la France d’un accord de coopération technique en matière de personnel
visant à combler le déficit de main-d’œuvre hautement qualifiée.
• Adoption du libéralisme économique qui a favorisé la venue massive de la main-d’œuvre et des
capitaux étrangers. Les étrangers occupaient 52,5% des emplois en 1975
• Facilité pour les étrangers d’accéder à la terre pour l’agriculture grâce aux mesures et discours
politiques favorables à l’immigration étrangère « la terre appartient à celui qui la met en valeur »
✓ De 1990 à 2000 : politique de régulation de la migration
• Adoption de la loi n°90-437 du 29 mai 1990 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en Côte
d’Ivoire. Elle fait une distinction entre nationaux et étrangers (article 1).
• Adoption en 1998, de la loi fixant les conditions d’accès au foncier rural.
• Adoption de la loi n°2002-03 du 03 janvier 2002 relative à l’identification des personnes et au
séjour des étrangers en Côte d’Ivoire.
• Instauration depuis le 14 août 2017 de la carte de résident biométrique pour les ressortissants
de l’espace hors CEDEAO résidant depuis plus de trois mois sur le sol ivoirien.
3.2. Tendances de la migration en Côte d’Ivoire depuis 1960
3.2.1. Migration interne
Les villes du sud ont été les principales directions des migrants interne jusqu’au milieu des années 1980
(exode rural, flux inter-villes).
Mais la crise économique a favorisé le ralentissement des flux internes en direction des grandes villes à
partir des années 1990.
Figure 2 : Taux d’accroissement annuel des principales villes de la Côte d’Ivoire
1975-1988

8,4 1988-1998
7,0 6,4 6,0
5,6 5,0 5,5 5,6 1998-2014
4,5
3,8 3,2 3,2 1,6 3,3 3,2 3,7 3,6 3,3
2,5 2,5 2,4 2,1 2,5 2,2

ABIDJAN BOUAKÉ DALOA KORHOGO YAMOUSSOUKRO SAN PEDRO GAGNOA MAN


Source : Calculer à partir des données des recensements de 1975, 1988, 1998 et 2014
3.2.2. Immigration étrangère
Afflux massif des étrangers depuis les années 1960 avec plus de 700 000 étrangers en 1965. En 1975,
cet effectif a doublé. En 1988, plus de 3 millions d’étrangers vivaient dans ce pays.
A partir des années 1990, il y a eu une diminution des flux de migration en direction de ce pays. Avec un
effectif estimé à 6 435 835 en 2021, les étrangers représentaient 22% de la population ivoirienne contre
28% en 1988, soit une baisse de 6 points de pourcentage.
Même si la crise sociopolitique des années 1990 à 2000 a réduit les mouvements migratoires en direction
de la Côte d’Ivoire, l’effectif des étrangers reste toujours important grâce à sa croissance naturelle.
3.2.3. L’émigration des Ivoiriens

L’émigration s’est amplifiée durant ces dernières décennies avec la crise militaro-
politique de 2002 à 2011.
Les flux migratoires depuis la Côte d’Ivoire se font majoritairement au sein de la
CEDEAO. Le Burkina Faso reste de loin le premier pays de destination des
ressortissants ivoiriens en Afrique de l’Ouest, suivi du Mali.
Les flux d’émigration des ressortissants ivoiriens vers les pays de l’OCDE sont
dirigés vers cinq principaux pays : France, Italie, Canada, États-Unis et
Allemagne, qui ont absorbé en moyenne 91 % des flux de ressortissants ivoiriens
dans les pays de l’OCDE entre 2000 et 2019.
La France et l’Italie sont de loin les deux principaux pays de destination de
l’OCDE des ressortissants ivoiriens, avec plus de 60 % des flux à destination de
ces deux pays.
De nombreux émigrés Ivoiriens sont en situation irrégulière. En 2017, 14 300
migrants Ivoiriens étaient dans cette situation en Europe.
Pour encadrer l’émigration des Ivoiriens, l’Etat a créé en 2001, le Département
des Ivoiriennes de l’étranger au sein du Ministère des affaires étrangères.

Figure 3 : Entrée annuelle des ressortissants ivoiriens dans les pays de l’OCDE de 2000-2019

Conclusion
De 1960 jusqu’aux années 80, la CI a adopté la politique migratoire libérale. Mais depuis les années 90,
elle a amorcé la politique de régulation de la migration. Ces politiques ont influencé la tendance migratoire
dans ce pays. Le stock important d’étrangers qui y résident et l’émergence de l’émigration des Ivoiriens
nécessitent la mise en place de politique migratoire explicite.
Pour en savoir plus, lire :
BEAUCHEMIN Chris, 1999, « Emigration urbaine, crise économique et mutation des campagnes en Côte
d’Ivoire », in Espace, Population et Société, p. 400-409
REPUBLIQUE de Côte d’Ivoire, 1987, Mémorial de la Côte d’Ivoire. Tome II, Abidjan, Ed. Ami, 303 p.
SEMI Bi Zan, 1975, La politique coloniale des travaux publics en Côte d’Ivoire (1900-1940), Abidjan,
Anales de l’Université d’Abidjan, N° spécial, 359 p.
Séance 4 : CONSEQUENCES DE LA MIGRATION EN COTE D’IVOIRE
Objectif général : Comprendre les enjeux de la migration
✓ Montrer la part de l’immigration étrangère dans la croissance de la population en Côte d’Ivoire
✓ Déterminer la contribution de la migration à la croissance urbaine
✓ Analyser l’apport des immigrés et émigrés à l’économie nationale
✓ Montrer l’impact de la migration au plan sociale
Il s’agit au cours de cette séance de montrer l’impact de la migration en Côte d’Ivoire au niveau
démographique, urbanistique, économique et sociale.
4.1. Au niveau démographique
4.1.1. Croissance rapide de la population ivoirienne grâce à
l’afflux des étrangers
La population ivoirienne a rapidement augmenté depuis les années
1960. De 4 000 000 d’habitants en 1965, elle est passée à 6 709 000
en 1975, à 10 815 694 en 1988 puis à 15 366 672 en 1998, soit des
taux de croissance annuelle de 3,8% entre 1975-1988 et de 3,3%
entre 1988-1998.
L’immigration étrangère explique en partie cette évolution car jusqu’à
cette période un peu plus 1 personne sur 4 résidant en Côte d’Ivoire
était étrangère (figure 4).
En 2021, 6 460 062 étrangers ont été recensés en Côte d’Ivoire
4.1.2. Hausse de la population des Ivoiriens par la naturalisation
La population des naturalisés est passée de 15 146 en 1988, à 88
714 en 1998 et à 95 395 en 2014. Ils augmentent à un rythme plus
rapide que celui de l’ensemble de la population ivoirienne à cause des
dispositions spéciales résultant du décret du 31 mai 2006. Répartition de la population étrangère par pays

4.1.3. Répartition inégale de la population sur le territoire national


La population ivoirienne est inégalement répartie sur le territoire. La zone forestière au sud concentre à
elle seule 78% de la population. Les régions les moins peuplées se situent au nord de l’axe Tonkpi-
Gbèkè-N’dénié-Djuablin où les densités sont inférieures à 42 habitants/km2. En dessous de cet axe,
précisément dans la zone forestière, on enregistre les régions les plus habitées.
Carte 1 : Densité de population selon les régions de Côte d’Ivoire

Source : Bi Tozan ZAH, 2015


4.2. Au niveau de l’urbanisation
4.2.1. Croissance rapide de la population urbaine

En général, à un stade primitif du développement, lorsque les niveaux d’urbanisation sont faibles et que les
taux de croissance naturelle à la campagne et à la ville sont modérément élevés, la migration nette
contribue généralement plus à l’augmentation de la population urbaine que ne le fait la croissance
naturelle. A un stade intermédiaire d’urbanisation, la croissance naturelle prédomine. Au dernier stade, avec
des niveaux d’urbanisation élevés et des taux de croissance faible, le rapport risque de s’inverser à nouveau
en faveur de la migration nette (Obérai, 1991 : 192)

Les migrations en direction des villes ont favorisé la croissance rapide de la population urbaine en Côte
d’Ivoire. Cette population est passée de 2 146 293 en 1975 à 4 220 535 en 1988 et à 6 529 138 en 1998,
soit un doublement en 13 ans. Elle a augmenté de 7% sur la période 1975-1988 avec une période de
forte augmentation entre 1970-1975 correspondant à la période de forte croissance économique. Durant
cette période il y a eu une immigration importante des étrangers. En analysant leur destination, Fargues
(1986) a observé leur installation dans les zones urbaines. Entre 1978 et 1979, 2 étrangers sur 3
immigraient en ville dont 41% à Abidjan.
En 2021, la population urbaine en Côte d’Ivoire a été estimée à 15 428 957 personnes
4.2.2. Augmentation du nombre de villes centenaires
De 2 villes en 1975 (Abidjan et Bouaké), le nombre de ville centenaires est passé à 5 en 1988 (+ Daloa,
Korhogo, Yamoussoukro), à 8 en 1998 (+San-Pedro, Gagnoa, Man) et à 12 en 2014 (+ Anyama, Divo,
Soubré, Abengourou).
En 2021, 17 villes avaient plus de 100 000 hbts : Abidjan (5 616 633), Bouaké( 728 733), Korhogo
(386 586), Daloa (351 670), Anyama (325 209), San Pedro (293 444), Yamoussoukro (279 977), Divo
(215 312), Gagnoa (212 489), Man (198 048), Bingerville (187 192), Soubré (176 870), Duékoué
(126 970), Abengourou (125 143), Grand-Bassam (107 249), Bouaflé (104 838), Bondoukou (102 950).

4.3. Au niveau économique


4.3.1. Transfert de compétences vers la Côte d’Ivoire
L’immigration étrangère permet d’apporter des compétences pour le développement des activités
économiques du pays. C’est ainsi que les Européens, Libanais et autres étrangers résidant en Côte
d’Ivoire participent chacun dans son domaine de compétence, à l’industrialisation du pays. L’industrie
ivoirienne est caractérisée par la forte présence des entreprises étrangères. Les entreprises françaises
sont les plus nombreuses et couvrent des domaines variés.

4.3.2. Transfert de fonds en direction de la Côte d’Ivoire


La migration contribue au développement de la Côte d’Ivoire puisque les fonds transférés par les Ivoiriens
de l’étranger constituent une opportunité de revenu et d’investissement dans le pays. De 1975 à 2008,
les fonds transférés sont passés de 12 millions de dollar à 215 millions de dollar. Sur cette période, leur
cumul est de 2807 millions de dollar. Ces fonds proviennent principalement de la France.
La part des transferts de la diaspora ivoirienne dans le PIB selon les statistiques de la CNUCED est
estimée à 0,85% en 2018, loin derrière le Liberia (13,93%), les Comores (11,86 %), la Gambie (15,26 %),
le Lesotho (15,29 %) et le Sénégal (9,15 %).
Figure 3 : Fonds personnels reçus de la diaspora en % du PIB de 2010 à 2018
40

30

20

10

0
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018

Algeria Comoros Côte d'Ivoire Gambia


Lesotho Liberia Senegal

Source : CNUCED, 2019

4.4. Au niveau social


▪ Changement de la structure de la population
En CI, la migration a contribué à la modification de certaines caractéristiques culturelles, notamment au
plan religieux où 43% de la population ivoirienne pratique désormais la religion musulmane. La plupart
des migrants étrangers étant de cette religion, il en ressort qu’elle est en train de s’imposer
progressivement dans l’organisation sociopolitique et culturelle de la Côte d’Ivoire.
▪ Conflits sociaux
La présence importante des étrangers en CI a pour corollaire les tensions sociopolitiques observées au
cours de ces dernières années. Il s’agit surtout des conflits fonciers résultants de la loi n°98-750 du 23
décembre 1998 sur le foncier rural. Cette loi a favorisé la reprise des terres déjà cédées aux étrangers.

Conclusion
La migration influence la répartition spatiale de la population ivoirienne et contribue à sa croissance
rapide. Les transferts de fond et de compétences sont un atout pour l’économie. Elle est par contre source
de tension sociale si elle n’est pas bien gérée par les pouvoirs publics.

Pour en savoir plus, lire :


DUREAU Françoise, 1989, « Migration et dynamique des villes de l’intérieur en Côte d’Ivoire », in
L’insertion urbaine des migrants, Paris, ORSTOM, p. 119-134
OBERAI A. S. 1991, « Croissance de la population urbaine, emploi et pauvreté dans les pays en
développement : un cadre conceptuel pour l’analyse », In TAPINOS G. et al., Conséquences de la
croissance démographique en Afrique, Paris, INED.
Ministère D’Etat, Ministère de Plan et du Développement, 2008, Migration et développement : défis et
perspectives en Côte d’Ivoire, REPCI 2007-2008, Abidjan, DGPRC, 149 p.
ZAH Bi Tozan, 2015, « Impact de la migration sur la démographie en Côte d’Ivoire », in Revu de
Géographie du laboratoire Leidi, Université Gaston Béranger, Dakar, 18 p.

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