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UNIVERSITE ALASSANE OUATTARA

U.F.R. Communication, Milieu et Société


Département de Géographie

Année Universitaire 2021-2022

Syllabus
Migration en Côte d’Ivoire

Niveau : Licence 3/ Géographie

Nombre de crédits : 3 /UE majeure

Volume horaire : 36 heures

Nom de l’enseignant : Bi Tozan ZAH

Grade : Maître de Conférences

Contacts : thozane@gmail.com
1. Plan du cours

1. Plan du cours .......................................................................................................................... 1


2. Résumé .................................................................................................................................... 2
3. Objectif.................................................................................................................................... 2
4. Méthodologie ......................................................................................................................... 3
5. Lectures conseillées .............................................................................................................. 3
6. Evaluation ............................................................................................................................... 4
7. Contenu du cours par séance .............................................................................................. 4
7.1. Séance 1 : Généralités sur la migration ......................................................................... 4
7.1.1. Définition de la migration ........................................................................................... 4
7.1.2. Typologie des mouvements migratoires ................................................................... 5
7.1.3. Facteurs de migration .................................................................................................... 7
7.1.4. Lois de migration ........................................................................................................... 8
7.1.5 Les acteurs institutionnels de la migration en Côte d'Ivoire…………………….8

7.2. Séance 2 : Mesure de la mobilité géographique de la population ......................... 10


7.2.1. Données permettant de mesurer la migration de la population ........................ 10
7.2.2. Construction des histoires migratoires .................................................................... 11
7.2.3. Estimation de quelques indicateurs de migration ................................................ 12

7.3. Séance 3 : Politique migratoire de la Côte d’Ivoire................................................... 13


7.3.1. Politique coloniale (deux phases) ............................................................................. 13
7.3.2. Politique postcoloniale (deux phases) ..................................................................... 13

7.4. Séance 4 : Tendance de la migration en Côte d’Ivoire depuis les années 1960 ... 16
7.4.1. Migration interne ......................................................................................................... 16
7.4.2. Migration externe......................................................................................................... 17

7.5. Séance 5 : Conséquences de la migration en Côte d’Ivoire ..................................... 19


7.5.1. Au niveau démographique ........................................................................................ 19
7.5.2. Au niveau de l’urbanisation ...................................................................................... 20
7.5.3. Au niveau économique .............................................................................................. 21
7.5.4. Au niveau social ........................................................................................................... 22

8. Bibliographie ....................................................................................................................... 23

Bi Tozan ZAH Démographe Département de géographie UAO 1


2. Résumé

La migration représente les déplacements de population d’un endroit à un autre avec


changement de résidence. Elle concerne tout le monde d’autant plus que la vie en autarcie
n’est plus possible dans ce contexte de mondialisation. Certaines personnes choisissent de
migrer afin d'améliorer leurs perspectives de carrière (migration volontaire). Par contre,
d’autres sont obligées de migrer du fait des contraintes politique, économique, sociale et
environnementale (migration involontaire).

Avec plus de 5 millions d’étrangers vivants en Côte d’Ivoire, la migration constitue la


caractéristique principale de la population ivoirienne. C’est pourquoi, elle constitue une
préoccupation du gouvernement qui en a fait une des orientations stratégiques du Plan
National de Développement (PND 2016-2020). En effet, ce cours est pertinent et constitue
un fondamental dans la formation en géographie humaine.

Le cours est structuré en cinq séances complémentaires. La première séance présente les
généralités sur la migration : définition de la notion de migration ; notions attachées à la
migration, typologie de la migration ; facteurs de migration, lois de la migration et acteurs
institutionnels de gestion de la migration en Côte d’Ivoire. La seconde séance montre les
mesures de la mobilité géographique des populations en trois points : données permettant
de mesurer la migration des populations ; construction des histoires migratoires ; et
indicateurs de mesures de la migration. La troisième séance aborde l’évolution du contexte
historique de la migration à travers les politiques coloniale et postcoloniale. La quatrième
séance décrit la tendance de la migration interne et internationale en Côte d’Ivoire depuis
les années 1960. Et la dernière séance présente les conséquences de la migration au plan
démographique, urbanistique, économique et social.

3. Objectif

Ce cours aide les étudiants à comprendre le phénomène migratoire en générale, et la


migration en Côte d’Ivoire, en particulier. De façon spécifique, il ambitionne de :

 Définir les différentes notions associées à la migration ;


 Présenter les indicateurs de mesure de la mobilité géographique de la population ;
 Analyser les politiques migratoires en Côte d’Ivoire avant et après les
indépendances ;
 Décrire la tendance de la migration interne et international en Côte d’Ivoire depuis
les années 1960 ;
 Montrer les conséquences de la migration en Côte d’Ivoire.

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4. Méthodologie

L’enseignement se déroulera d’abord en 20 heures de Cours Magistral (CM). Les exposés


seront entrecoupés d’échanges avec les étudiants sur des thématiques importantes du cours.
Pour une meilleure participation, les étudiants sont invités à lire l’article proposé pour
enrichir chaque séance.

La formation magistrale sera complétée avec 16 heures de Travaux Dirigés (TD) permettant
d’initier les étudiants aux activités pratiques. Il s’agit d’approfondir leurs connaissances sur
la migration de sorte à les familiariser avec les notions apprises pendant le CM. A ce niveau,
on privilégiera les aspects explicatifs des concepts clés et des exercices pratiques en rapport
avec ces concepts.

Après avoir bien accompli les 36 heures de CM et de TD, l’étudiant devrait être capable de :

Définir et expliquer la notion de migration de même que les concepts associés ;


Mesurer la mobilité géographique de la population à l’échelle locale ou nationale ;
Cerner les différentes politiques ayant influencé les mouvements migratoires en
Côte d’Ivoire ;
Décrire les tendances de la migration interne et externe en Côte d’Ivoire ;
Cerner les implications de la migration au plan démographique, socioéconomique
et spatial.
5. Lectures conseillées

Pour la séance 1, l’étudiant est invité à lire les théories des migrations : synthèse de la prise de
décision individuelle (E. PIGUET, 2013). Il devra aussi exploiter le chapitre 8 du Dictionnaire
démographique multilingue (L. HENRY, 1981), intitulé mobilité spatiale (pp. 108-115) pour une
meilleure connaissance des concepts associés à la migration.

Pour la séance 2, l’étudiant est invité à explorer le Manuel de Yaoundé, estimations indirectes
en démographie africaine (F. GENDREAU et al, 1985). Consulter notamment les pages 181 à 187
et 263 à 269 sur les indicateurs de mesure de la migration.

Pour la séance 3, l’étudiant est invité à lire la politique coloniale des travaux publics en Côte
d’Ivoire de 1900 à 1940 (B. Z. SEMI, 1975) pour mieux comprendre la politique coloniale en
matière de migration.

Pour la séance 4, l’étudiant est invité à lire, émigration urbaine, crise économique et mutation des
campagnes en Côte d’Ivoire (C. BEAUCHEMIN, 1999).

Pour la séance 5, l’étudiant est invité à lire, impact de la migration sur la démographie (B. T.
ZAH, 2015). Pour comprendre l’impact de la migration sur l’urbanisation, l’article, Migration
et dynamique des villes de l’intérieur en Côte d’Ivoire (F. DUREAU, 1989) est aussi recommandé.

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6. Evaluation

L’évaluation se fera sur table (questions- réponses) afin de mesurer la capacité de l’étudiant
à assimiler le cours. Elle compte pour 60% et sera additionnée à la note du travail personnel
de l’étudiant (40%).

Au final, la note pondérée de validation de cette UE est 10/20. L’étudiant qui a une note
inférieure à 10 devra la compenser avec le cours «démographie et population en Côte
d’Ivoire» de sorte à avoir une note de 20/40. Dans le cas contraire, il reviendra composer en
seconde session.

7. Contenu du cours par séance

Ce cours est organisé en cinq séances.

7.1. SEANCE 1 : GENERALITES SUR LA MIGRATION

Au cours de cette séance, il s’agira de : définir la migration, faire la typologie de la migration,


d’identifier les facteurs de migration, de présenter quelques lois de migration et présenter
les acteurs de la gestion de la migration en Côte d’Ivoire. L’enjeu est de permettre aux
étudiants de mieux connaitre ce phénomène.

7.1.1. Définition de la migration et différents statuts des migrants

Définition de la migration

La migration représente les déplacements de population d’un endroit à un autre. Ces


déplacements ont pour effet de transférer leur résidence de leur lieu habituelle ou lieu de
départ, à un lieu de destination ou lieu d’arrivée.

Les migrations internes concernent les personnes qui migrent à l'intérieur d'un même pays -
par exemple, le déplacement de la région de Bouaké vers la région d’Abidjan, ou de la sous-préfecture
de Bédiala vers celle de Daloa.

Les migrations externes ou internationales concernent l’entrée des étrangers dans un pays
ou les sorties des nationaux vers d’autres pays étrangers. Ici, il y a franchissement de
frontières (entre Etats) ; c’est-à-dire quand les gens migrent d'un pays à l'autre - par exemple,
le déplacement de la Côte d’Ivoire vers la France ou vice versa.

En fait, la notion de migration n’a de sens que lorsqu’on circonscrit un territoire donnée.
Elle se rapporte à 2 sous phénomènes: l’Emigration ou les départs de population et
l’Immigration ou les arrivées de population.

Notion de migrant, émigré et immigré

Le migrant est celui qui, de façon temporaire ou définitive, se déplace d’un territoire vers un
autre. Du point de vue statistique, il est une personne qui abandonne son lieu de résidence

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habituelle pour aller résider ailleurs dans une autre localité pour une durée minimale de six
mois. Si la durée est inférieure à 6 mois, il est considéré comme un visiteur.

En Côte d’Ivoire, la sous-préfecture est le mode de localisation du lieu de résidence. Tout


individu recensé hors de sa sous-préfecture de naissance est considéré comme un migrant.

Comme la notion de migration se rapporte à 2 sous phénomènes que sont l’émigration et


l’immigration, il convient ici de parler des émigrés et immigrés qui se justifient par rapport
au lieu de départ et d’accueil.

A l’échelle nationale, est considéré comme immigré, celui qui est né à l’étranger, et qui réside
en Côte d’Ivoire. La notion d’immigré implique donc un mouvement migratoire et se fonde
sur le fait d’être natif de l’étranger et ce, quel que soit la nationalité, ivoirienne ou étrangère,
que l’on possède - au moment du recensement.

Quelques statuts des migrants dans le lieu d’accueil

La littérature géo-démographique présente les statuts liés à la migration. Dans le langage


courant, ces statuts sont employés pour faire référence aux migrants ou à leur situation
administrative. Ce sont :

 Migrant économique – personne ayant migré dans le but de trouver du travail ou de


suivre un cheminement de carrière particulier ;
 Migrant sociale - personne ayant migré en vue d’améliorer les conditions sociales
d’existence ou de se rapprocher de la famille ou des amis.
 Migrant politique- personne ayant migré pour échapper aux persécutions politiques
ou à la guerre ;
 Migrant environnementale -personne ayant migré à cause des catastrophes naturelles
(inondations, désertification, montée des eaux, cyclones etc.).
 Migrant en situation irrégulière - personne contrevenant à la règlementation du pays
d’origine, de transit ou de destination, soit qu’il soit entré irrégulièrement sur le
territoire d’un État, soit qu’il s’y soit maintenu au-delà de la durée de validité du titre
de séjour, soit encore qu’il se soit soustrait à l’exécution d’une mesure d’éloignement.
 Migrant illégal - terme parfois employé́ comme synonyme de migrant en situation
irrégulière. Cette expression qui présente un caractère stigmatisant est en
contradiction avec l’esprit des instruments internationaux de protection des droits
humains. Par conséquent, elle doit être évitée ;
 Migrant en situation régulière - migrant dont l’entrée et le séjour sur le territoire d’un
État étranger sont conformes au droit applicable ;
 Apatride - individu sans nationalité, soit qu’il n’en ait jamais eu, soit qu’en ayant eu
une, il l’ait perdue sans en acquérir une autre. L’état d’apatridie prive l’individu des

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droits – et supprime les devoirs – attachés à la nationalité à savoir, notamment, le droit
à la protection diplomatique et le droit de revenir dans son pays d’origine.
 Demandeurs d'asile et réfugiés : Personne demandant à obtenir son admission sur le
territoire d’un État en qualité́ de réfugié et attendant que les autorités compétentes
statuent sur sa requête. En cas de décision de rejet, le demandeur doit quitter le
territoire de l’État considéré́ ; il est susceptible de faire l’objet d’une mesure
d’expulsion, à moins qu’une autorisation de séjour lui soit accordée pour des raisons
humanitaires ou sur un autre fondement.
7.1.2. Typologie des mouvements migratoires
 L’exode rural

C’est le déplacement massif et durable des populations rurales vers les villes ou les régions
urbaines. Il s’accompagne d’un changement d’activité professionnelle du migrant, car le
rural qui émigre abandonne la terre pour aller à la recherche d’un travail salarié dans les
activités secondaires ou tertiaires urbaines.

 Migration intra-rurale

Elle est liée à la saisonnalité agricole tandis que l’exode rural connait une grande fréquence
dans le temps. La migration intra-rurale et même inter rurale doit être appréhendée selon
la double perspective du salariat agricole et de l’exploitation pionnières.

 Migration étape

Il s’agit pour une personne, de faire une série de courtes migrations, moins extrêmes d'un
endroit d'origine, à la destination finale. C’est par exemple le cas du déplacement d'une
ferme, d'un village, d'une ville pour arriver enfin à la métropole.

 Migration à la chaîne

Il s’agit d’une série de migrations au sein d'une famille ou un groupe défini de personnes.
Elle commence par un membre de la famille qui émigre et envoie ensuite de l'argent afin de
faire suivre les autres membres vers le nouveau lieu de chute.

 Migration de retour

Il s’agit des mouvements volontaires des immigrés vers leur lieu d'origine. Ceci est
également connu comme la migration circulaire.

 Migration forcée ou transfert de population

Terme utilisé pour décrire le mouvement non volontaire de personnes, causé notamment
par la crainte de persécutions, par des situations de conflit armé, de troubles internes, de
catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme. La notion de migration forcée

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comprend le mouvement des réfugiés et des personnes déplacées (à l’intérieur ou à̀
l’extérieur de leur pays).

 Cycle migratoire

Il s’agit d’un concept fondamental qui répartit le déroulement de la migration en phases de


préparation dans le pays de départ, de séjour dans le pays d'accueil, et de retour au pays
d'origine. Ce qui ne signifie pas que tout migrant passe par ces trois phases, ou que la
migration n'est complète qu'après ce cycle. Les différentes phases peuvent toutefois bien
représenter les questions que les migrants se posent et l'aide dont ils ont besoin.

7.1.3. Facteurs de migration

La migration est une action rationnelle qui amène à maximiser l’utilité. Les acteurs
comparent la satisfaction qu’ils retirent de leur localisation actuelle avec celle qu’ils
pourraient retirer d’un déplacement. Elle apparaît ainsi comme une stratégie permettant à
l’individu de réagir à une insatisfaction. Plusieurs raisons poussent les gens à quitter
l'endroit où ils vivent habituellement pour aller s'installer dans un nouvel endroit. Ces
raisons sont appelées facteurs d’incitation. Elles s’opposent aux facteurs d’attraction
exercés par le lieu de chute.

Facteurs d'incitation (Push factors) Facteurs d'attraction (Pull factors)


Le manque de services La disponibilité de meilleurs services
Impôts élevés Impôts moins élevés
L’insécurité, la criminalité élevée La faible criminalité, donc lieu plus sûr
De «mauvaises» lois (oppressives) Des lois favorables au respect des droits humains
Pauvreté, manque d’emploi Prospérité, faible taux de chômage
Les aléas climatiques Climat moins extrême
L'instabilité politique La stabilité politique
Les mauvaises récoltes Forte productivité
Faible croissance économique Forte croissance économique
Source : ZAH B. T., 2022
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7.1.4. Les lois de migration

Dans les années 1880, le Géographe RAVENSTEIN a développé une série de «lois» de
migration sur la base de l’observation des migrations internes au Royaume-Uni et des
migrations internationales entre 19 pays du monde. Il développe des lois qui constituent la
base de la théorie des migrations modernes. Au nombre de ces lois, on peut citer :
 La plupart des migrants se rendre à une courte distance ;
 Les migrations se font généralement du milieu rural vers le milieu urbain.
 Les migrants qui parcourent de longues distances s'installent généralement dans les
zones urbaines.
 Les migrations se produisent généralement en plusieurs étapes.
 La plupart des migrants internationaux sont des hommes adultes tandis que plus de
migrants internes sont des femmes ;
 les célibataires migrent souvent plus que les personnes ayant charge de famille car
ils apprécient différemment les risques de la migration.

7.1.5. Acteurs institutionnels en charge de la gestion de la migration en Côte d’Ivoire

En Côte d’Ivoire, plusieurs ministères et structures publiques sont impliquées dans la


gestion des questions migratoires. Il s’agit du :
● Ministère de l’Intérieur et de la sécurité, à travers l’Office national de l'Etat Civil et de
l'Identification (ONECI) créé en 2019 par le décret N° 2019-458 du 22 mai 2019 et la
Direction de la surveillance du territoire (DST) ;
● Ministère du Plan et du Développement s’occupe de la conception, du contrôle, du suivi et
de l’évaluation de la Politique nationale de population grâce à l’Office national de la
population (ONP) ;
● Ministère des Affaires étrangères, de l’intégration africaine et de la diaspora est chargé des
relations avec la diaspora et de l’intégration africaine ;
● Ministère de l’Emploi et de la protection sociale est chargé de la délivrance des permis de
travail aux travailleurs étrangers ;

Dans la pratique, la migration est gérée par le ministère de l’Intérieur en collaboration avec
d’autres ministères pour certaines questions générales ou spécifiques.

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Tableau 1 : Acteurs et interventions des structures en charge de la migration
Ministère Structures chargées de la Interventions
migration
Ministère de ONECI Mise en œuvre de la politique de
l’Intérieur et de la l'état civil et identification des
sécurité personnes résidant en Côte d'Ivoire
Direction de la Surveillance du Contrôle des flux migratoires
Territoire
Ministère des Affaires Service d’Aide et d’Assistance Aide aux réfugiés et apatrides
étrangères, de aux Réfugiés et Apatrides
l’intégration africaine (SAARA)
et de la diaspora Direction Générale des Actions de mobilisation de la
Ivoiriens de l’Extérieur Diaspora
Direction Générale de Intégration de la migration dans la
l’Intégration Africaine politique de développement
Ministère du Plan et ONP Conception et coordination de la
du Développement Politique nationale de population
Ministère de l’Emploi Agence d'Etudes et de Délivrance des permis de travail aux
et de la protection Promotion de l'Emploi travailleurs étrangers
sociale (AGEPE)
Direction de la lutte contre le Suivre et contrôler l’application des
travail des Enfants(DLTE) normes, des lois et règlements en
matière de travail des enfants
Source : ZAH B. T., 2022

A retenir

 La migration représente les déplacements de population ayant pour effet de transférer


la résidence du lieu habituelle ou lieu de départ, à un lieu de destination ou lieu
d’arrivée.
 En Côte d’Ivoire, la sous-préfecture est le mode de localisation du lieu de résidence. Tout
individu recensé hors de sa sous-préfecture de naissance est un migrant.
 Est considéré comme immigré, celui qui est né à l’étranger, et qui réside en Côte d’Ivoire.
 Les raisons qui poussent les gens à quitter l'endroit où ils vivent habituellement pour
aller s'installer dans un nouvel endroit sont appelées facteurs d’incitation.

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7.2. SEANCE 2 : MESURE DE LA MOBILITE GEOGRAPHIQUE DE LA
POPULATION

Cette deuxième séance sera consacrée à la présentation des données permettant de mesurer
la mobilité géographique de la population, à la construction des histoires migratoires et à
l’estimation de quelques indicateurs de la migration.

7.2.1. Données permettant de mesurer la mobilité géographique de la population

Le recensement, les enquêtes démographiques et projections démographiques des Nations


Unies sont les données permettant de mesurer la mobilité géographique de la population.

Le recensement

Le recensement permet d’avoir à intervalles réguliers, une image de l’état de la population.


Dans le questionnaire du recensement, deux types de questions permettent de mesurer la
mobilité géographique de la population à l’intérieur d’un pays :

 Résidence à une date fixe (par exemple au cours des 5 années précédant la date de la
collecte). Cette question permet de calculer les probabilités de migration dans le temps ;
 Résidence antérieure et durée de résidence au lieu actuel. Ces questions ne permettent
pas d’identifier la résidence de la population à un moment précis avant la collecte.

De façon spécifique, les questions sur la migration de la population peuvent être adaptées
au contexte national. Dans le cadre du recensement de 2014 en Côte d’Ivoire des questions
ont été posées afin de saisir la migration liée à la crise militaro-politique de 2002. Ainsi, pour
tout résident né avant cette période, les questions suivantes lui sont posées :

Avez-vous déjà été forcé de quitter votre lieu habituel de résidence pour cause de guerre ou de
conflit armé ?
Si oui, quand êtes-vous parti de votre lieu de résidence habituelle ?
Quel était votre lieu de résidence habituelle ?
Etes-vous retourné ou avez-vous l’intention de retourner au lieu de résidence habituelle ?

Au niveau international, la mesure de l’émigration paraît difficile. Dans le cadre du


recensement de 2014 en Côte d’Ivoire, la question « y-a-t-il des personnes dans votre ménage
qui ont émigré au cours des 5 dernières années ? » a permis de mesurer ce phénomène. Pour les
chefs de ménage qui ont répondu par l’affirmative, il leur est demandé le nom, le sexe, l’âge
au départ, la date de départ et le pays de destination afin de mieux connaître les
caractéristiques des émigrants.

Les projections démographiques des Nations Unies

Les projections démographiques ont pour but d’estimer l’état de la population à une date
donnée. Elles permettent de connaître à l’avance l’état d’une population à moyen et long

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terme. De ce fait, elles bénéficient de possibilités scientifiques qui permettent d’estimer le
futur avec beaucoup plus de certitude. Depuis 1951, les experts de la Division de la
population des Nations Unies font ces projections sur différents termes (population,
migration, urbanisation…). Révisées tous les deux ans, ces projections sont réalisées pour
chaque pays séparément puis agrégées afin de concerner la population mondiale. Elles sont
fiables car tiennent compte des évolutions démographiques en cours. Elles permettent de
combler l’insuffisance des données dans les pays africains.

Les enquêtes démographiques

Les enquêtes démographiques permettent de compléter les données de recensement et


d’approfondir des sujets précis. Elles concernent un échantillon de la population
représentatif de la population totale. Dans la plupart des pays africains, certaines enquêtes
ont intégré la variable migration afin de connaître le niveau du phénomène. C’est le cas en
Côte d’Ivoire avec l’enquête Ivoirienne sur les Migrations et l’Urbanisation (EIMU) réalisée
du 27 juin au 23 septembre 1993. Elle fait partie du réseau d'enquête sur les migrations et
l'urbanisation en Afrique de l'Ouest (REMUAO), constitué à Abidjan en 1989 et qui
regroupe huit pays. 13 200 ménages totalisant 73 100 personnes ont été enquêtés et 20 400
itinéraires migratoires ont été recueillis auprès des enquêtés de 6 ans et plus. L’EIMU a
permis de voir l’impact de la crise économique des années 1980 sur les flux de migration.

Il faut aussi parler de l’enquête sur les personnes déplacées internes (PDI) réalisée par
l’ENSEA en 2005. Elle a été menée dans les localités urbaines et rurales d’Abidjan, de Daloa,
de Toulépleu, de Yamoussoukro et de Duékoué. Dans ces 5 départements, 11 713 ménages
ont été dénombrés dont 6 149 en milieu urbain et 5 564 en milieu rural.

7.2.2. Construction des histoires migratoires

Lorsqu’on dispose des informations sur le lieu de naissance (LN), le lieu de résidence à une
date de référence fixe (LF) et le lieu de résidence au moment de la collecte (LR), il est possible
de distinguer plusieurs catégories de migrants.

 Sédentaires qui sont des personnes nées dans une localité donnée, qui ont résidé dans
la même localité x années avant la date de collecte et y résidaient encore au moment de
la collecte (LN = LF = LR)
 Migrants établis qui sont des personnes nées dans une localité donnée, mais qui ont
résidé dans une autre localité x années avant la date de collecte et y résidaient encore au
moment de la collecte (LN # LF = LR)
 Migrant de premier rang qui sont des personnes nées dans une localité donnée, qui ont
résidé dans la même localité x années avant la date de collecte mais résidaient dans une
autre localité au moment de la collecte (LN = LF # LR)

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 Migrants de retour qui sont des personnes nées dans une localité donnée, mais qui ont
résidé dans une autre localité x années avant la date de collecte et résidaient dans la
localité de naissance au moment de la collecte (LN # LF ; LF # LR ; LN = LR)
 Migrants chroniques qui sont des personnes nées dans une localité donnée, mais qui
ont résidé dans une autre localité x années avant la date de collecte et qui résidaient dans
une autre nouvelle localité au moment de la collecte (LN # LF ; LF # LR ; LN # LR)

Notons que ces différentes catégories de migrants ne sont que des approximations car les
recensements et enquêtes ne donnent souvent pas des informations sur d’éventuelles
migrations qui ont eu lieu entre la naissance et la date de référence ou encore entre cette
date et l’année de collecte.

7.2.3. Estimation de quelques indicateurs de migration

Le solde migratoire
Le solde migratoire (SM) est la différence entre les immigrés et les émigrés.

SM = Effectif des Immigrés (I) – Effectif des Emigrés (E)


Le taux d’émigration (TE)
Il est le rapport de l’effectif annuel des émigrants par la population moyenne.
E (Effectif annuel des émigrants)
TE =
Pm (Population moyenne)

Le taux d’immigration (TI)


Il est le rapport de l’effectif annuel des immigrants par la population moyenne.
I (Effectif annuel des immigrants)
TI =
Pm (Population moyenne)

Le taux de migration nette (TMN)


Il est la différence entre le taux d’immigration (TI) et le taux d’émigration (TE).
TMN = TI - TE
TMN = (I-E) / Pm

A retenir
Le recensement et les enquêtes démographiques sont les données permettant de mesurer la
mobilité géographique de la population. Avec ces données, il est possible de construire les
histoires migratoires des individus d’une part, et d’estimer des indicateurs pour une localité
quelconque d’autre part. Des analyses plus poussées peuvent être réalisées s’il s’agit d’enquête
spécifique sur la migration qui fournit plus d’informations sur le phénomène.

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7.3. SEANCE 3 : POLITIQUE MIGRATOIRE EN COTE D’IVOIRE DEPUIS 1960

Cette séance sera dédiée à la présentation de la politique migratoire de la Côte d’Ivoire.

Rappel des deux séances précédentes

7.3.1. Politique coloniale (deux phases)

De 1893 à 1945 : une migration forcée de travail

Cette période est caractérisée par l’exploitation économique et la mise en valeur de la colonie
après sa pacification. Du fait de ses richesses en ressource naturelle, la Côte d’Ivoire est
indiquée pour servir de réservoir de matière première et de déversoir de produits
manufacturés de la métropole. Dans cette vision, le travail obligatoire a été institué dès 1904
comme mode de gestion de la main-d'œuvre.

Ensuite, a été mise en place la politique d’approvisionnement de la colonie en main d’œuvre


avec le recrutement de personnel qualifié dans toute la zone AOF. Ces recrutements ont concerné
les lettrés afin de servir d’intermédiaires pour acheminer les marchandises jusqu’aux
indigènes et de collecter les matières premières locales (Sémi Bi Z., 1983).

En 1920, l’élaboration du programme de développement de la colonie basé sur l’exploitation


des ressources agricoles et forestières non mécanisées a contraint l’administration à
règlementer la circulation des individus. Ainsi, une politique visant à freiner les mouvements
de population hors des zones forestières a été mise en œuvre. Des mesures ont été prises afin
d’empêcher les ressortissants de l’AOF d’émigrer vers les colonies britanniques.

De 1946 -1959 : une migration volontaire de travail

Durant cette période, il y a eu un assouplissement des conditions de travail des indigènes.


Abolition du travail forcé grâce à la loi du 10 avril 1946. Création en 1951 du Syndicat
Interprofessionnel pour l’Acheminement de la Main-d’œuvre (SIAMO) par les employeurs
de la Côte d’Ivoire. 247 710 volontaires ont été recrutés entre 1951 et 1959 pour travailler en
Côte d’Ivoire (Vrih P., 1984). Cette main-d’œuvre était dominée par les Voltaïque qui en
représentaient plus de 90%. La formalisation des recrutements avec l’implication du SIAMO
explique leur forte présence puisque 60% de ces travailleurs ont été recrutés par cette
structure durant la période. Les autres territoires pourvoyeurs de main d’œuvre à la Côte
d’Ivoire sont le Soudan, la Guinée, le Sénégal et le Dahomey.

7.3.2. La politique postcoloniale (deux phases)

De 1960 à 1990 : politique migratoire ultra libérale

Signature en mars 1960 d’une convention entre la Côte d’Ivoire et la Haute Volta pour satisfaire le
besoin en main-d’œuvre agricole. Elle permet à l’OMOCI de recevoir les demandes de main-
d’œuvre des planteurs, de les regrouper par région et de les transmettre à l’office voltaïque.
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De 1960 à 1965, plus de 15 000 travailleurs ont transité par les structures mises en place dans
le cadre de cette convention (Kouadio B. et Charbit Y., 1994).

Signature avec la France en 1961 d’un accord de coopération technique en matière de personnel visant
à combler le déficit de main-d’œuvre hautement qualifiée. Il a permis l’immigration des cadres
moyens et supérieurs, surtout dans le domaine de l’enseignement.

La politique économique (libéralisme) adopté dès les indépendances favorable à la libre circulation des
biens et des personnes. Elle a permis au gouvernement de solliciter les compétences et la main-
d’œuvre étrangère. En effet, les étrangers occupaient en 1975, 52,5% des emplois. Ils sont
actuellement présents dans tous les secteurs d’activité.

La politique agricole a favorisé l’afflux des migrants. Discours du Président Houphouët en


octobre 1970 ((la terre appartient à celui qui la met en valeur) qui fut une loi tacite qui favorisera
l’accès libre à la terre à de nombreux migrants.

La politique sociale encourage la venue des étrangers. Elle a donné d’autres formes à l’immigration
des étrangers en Côte d’Ivoire. De l’étape individuelle, elle est devenue familiale impliquant à
la fois les hommes, les femmes et les enfants.

De 1990 à 2000 : politique de régulation de la migration

La loi n°90-437 du 29 mai 1990 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en Côte d’Ivoire a été
adoptée. Dans son article 1, elle fait une distinction entre nationaux et étrangers. Les articles
4 et 5 déterminent les conditions d’entrée des étrangers en Côte d’Ivoire. L’article 6 introduit
la carte de séjour des étrangers: « Tout étranger de plus de 16 ans doit, s’il séjourne en Côte
d’Ivoire et après l’expiration d’un délai de 3 mois depuis son entrée sur le territoire ivoirien, être mini
d’une carte de séjour… ». L’article 11 donne une liste des étrangers qui ont obtenu
automatiquement un permis de séjour : les étrangers mariés à des ressortissants ivoiriens ;
les parents étrangers d’un enfant ivoirien résidant en Côte d’Ivoire ; l’épouse et les enfants
de moins de 21 ans de migrants dans le cadre d’un programme de regroupement familial ;
les étrangers qui ont résidé de manière régulière en Côte d’Ivoire pendant plus de dix ans,
etc. L’article 15 prévoit le refoulement pour les étrangers qui entrent et/ ou séjournent dans
le pays sans les documents requis.

L’arrêté n°4810 MEFPPS AGEPE du 21 avril 1997 qui présente quelques restrictions à l’accès
des immigrés au marché du travail formel. Leur embauche est soumise aux conditions
suivantes :

 Fournir la preuve qu’aucun autochtone ayant les compétences nécessaires pour


l’emploi n’est disponible ;

 Fournir la preuve qu’il s’agit d’une catégorie professionnelle confrontée à une


pénurie de main-d’œuvre ;
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 Fournir la preuve que le travailleur dispose de fonds suffisants pour subvenir à ses
propres besoins (arrêté interministériel n° 093/MEMIS/MEMAE/MPMEF du 15
mars 2013 fixant les conditions d’établissement et de délivrance du visa biométrique).

En revanche, selon la loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015 sur le code du travail, la fixation du
salaire est libre, sous réserve du respect du SMIG (salaire minimum interprofessionnel
garanti, fixé à 60 000 XFO). Le recrutement du personnel est libre et aucun examen
linguistique n’est exigé pour les travailleurs immigrés.

Aussi, la loi fixant les conditions d’accès au foncier rural, adoptée en 1998 (loi n°98-750 du 23
décembre 1998) manifeste explicitement la volonté du gouvernement de réduire l’accès de
la propriété foncière aux étrangers.

Loi n° 2002-03 relative à l’identification des personnes et au séjour des étrangers en Côte d’Ivoire a
prévu des garanties supplémentaires pour le séjour des étrangers en prolongeant à cinq ans
la durée du permis de séjour.

Loi n° 2004-303 du 3 mai 2004 portant modification de la loi n° 2002-03 du 3 janvier 2002 fait une
distinction entre les ressortissants des États membres de la CEDEAO, qui bénéficiaient
d’une carte de résident et les autres étrangers, qui devaient demander une carte de séjour.
Selon l’article 15, un séjour irrégulier constitue un délit pénal, passible d’une peine de prison
allant de un à cinq ans et d’une amende. Les étrangers menaçant l’ordre public peuvent être
expulsés et les criminels bannis du pays pour une période de cinq ans, voire, en cas de
récidive, de manière définitive. D’après l’article 16, Faciliter le séjour des étrangers en
situation irrégulière et leur permettre de réaliser tout type d’acte civil est passible d’une
peine de prison et d’une amende.

Instauration depuis le 14 août 2017, de la carte de résident biométrique pour les ressortissants de
l’espace hors CEDEAO résidant depuis plus de trois mois sur le sol ivoirien pour maîtriser le flux
migratoire et faire face au phénomène migratoire intercontinental. Ce document dont le coût
d’acquisition est de trois cent mille francs (300 000 FCFA) pour une validité de 5 ans
remplace le titre provisoire de séjour jusque-là en vigueur.

A retenir
Avant les années 1960, le colonisateur a d’abord mis en place la politique migratoire forcée
devenue par la suite, la migration volontaire de travail.
De 1960 jusqu’à la fin des années 1980, la Côte d’Ivoire a adopté la politique migratoire
libérale. Mais depuis les années 1990, elle a amorcé une politique de régulation de la
migration.

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SEANCE 4 : TENDANCE DE LA MIGRATION EN COTE D’IVOIRE DEPUIS 1960 (4h)
Au cours de cette séance, la tendance de la migration en Côte d’Ivoire sera analysée.

Rappel de la séance 3 sur la politique migratoire en Côte d’Ivoire

Cette politique a-t-elle un lien avec la tendance de la migration ?

7.3.3. La migration interne

Les villes du sud : principale direction jusqu’au milieu des années 1980

Les migrations internes sont souvent motivées par des raisons économiques. Elles ont
concernées les régions économiquement faibles vers les régions mieux nanties. Leurs
directions s’expliquent par des opportunités offertes par différentes régions du pays. Il a
s’agit de migration rural-rural.

Avec le développement du café et du cacao au début des années 1960, les mouvements se
sont orientées vers le Centre-Est du pays, devenu plus tard la boucle du cacao. Dans les
décennies 1960 à 1970, la réalisation des projets de développement (ARSO, AVB, complexes
sucriers) a intensifié les mouvements migratoires internes. Ainsi, à côté des migrations
internes rurales-rurales, s’est développé l’exode rural.

Parallèlement, les flux inter-villes se sont développés. Au cours des trois premières décennies
d’indépendance, ils ont été principalement dirigés vers la capitale économique, Abidjan. En
1975, 62 170 individus sont venus de Bouaké, deuxième ville du pays (Fargues Ph., 1982).
Selon C. Nissack (1999), Abidjan a accueilli 84% de migrants urbains internes et
internationaux entre 1987 et 1988 et 16% de migrants ruraux.

De manière générale, l’afflux de migrants internes vers le sud répond aux potentialités
d’emploi dues à l’installation des centres administratifs et commerciaux le long du littoral
et à l’essor de l’économie de plantation. L’ampleur de la migration interne est révélée par
les recensements. En 1975 près d’un résident sur deux vivait hors de sa localité de naissance.
En 1988, 42% de la population a été recensée hors de la sous-préfecture de naissance. La
proportion est restée les mêmes en 1998 (42,8%).

Ralentissement des flux internes en direction des grandes villes à partir des années 1990

Echanges sur l’article conseillé

 Quelle enquête a été exploitée dans le cadre de cet article ?

 Quels sont les facteurs explicatifs de la migration de retour en Côte d’Ivoire ?

 Quels sont les caractéristiques sociodémographiques des migrants de retour ?

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Depuis les années 1990, on a assisté à la réduction des migrations en direction des
principales villes de la Côte d’Ivoire. Le Graphique 1 l’atteste avec la baisse drastique du
rythme d’augmentation de la population dans ces villes entre 1988 et 1998, hormis la ville
portuaire de San Pedro qui a connu une légère baisse.

Graphique 1 : Taux d’accroissement annuel des principales villes de la Côte d’Ivoire

1975-1988

8,4 1988-1998
7,0
6,4 6,0
5,6 5,5 5,6 1998-2014
5,0
4,5
3,8 3,7 3,6
3,2 3,2 3,3 3,2 3,3
2,5 2,5 2,4 2,1 2,5 2,2
1,6

ABIDJAN BOUAKÉ DALOA KORHOGO YAMOUSSOUKRO SAN PEDRO GAGNOA MAN

Source : estimation à partir des données des recensements de 1975, 1988, 1998 et 2014

Le ralentissement de la population des grandes villes est lié aux mesures administratives
nées de la crise économique et qui visaient à freiner l’afflux des nouveaux migrants vers les
villes et à favoriser la "migration de retour ". Selon Beauchemin (1999), la croissance
migratoire dans le milieu rural s’est montrée positive entre 1988 et 1993

7.3.4. Migration externe

Afflux massif des étrangers depuis les années 1960

Le libéralisme adopté comme modèle de développement a permis l’ouverture du pays aux


capitaux et à la main-d’œuvre étrangère. A cela s’ajoutent les grands projets des années 1960
à 1970. Les migrations internationales se faisant généralement des pays pauvres vers les
pays riches, la destination Côte d’Ivoire a été durant la période de « miracle économique »
l’objet de convoitise des ressortissants des pays limitrophes.

Cinq ans après son indépendance, la Côte d’Ivoire comptait 700 000 étrangers. Dix ans plus
tard, cet effectif a doublé. En 1988, plus de 3 millions d’étrangers vivaient dans ce pays.
Cette population est composée en majorité d’hommes (55%) et provient à plus de 95% de la
CEDEAO.

Diminution des flux de migration étrangère dans les années 1990

La tendance à l’immigration en Côte d’Ivoire s’est considérablement réduite du fait de la


crise sociopolitique. En effet, la part des étrangers dans la population ivoirienne s’est réduite
durant ces trois dernières décennies. Si cette proportion a augmenté de six (6) points sur la
période 1975-1988, elle a rapidement baissé par la suite au cours des différentes périodes
intercensitaires.

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Avec un effectif estimé à 5 491 972 en 2014, les étrangers représentaient 24% de la
population ivoirienne contre 28% en 1988, soit une baisse de quatre (4) points.

Même si la crise sociopolitique des années 1990 à 2000 a réduit les mouvements migratoires
en direction de la Côte d’Ivoire, l’effectif des étrangers reste toujours important grâce à sa
croissance naturelle. Selon le recensement de 1998, près de la moitié (47,3%) des étrangers
sont nés en Côte d’Ivoire.

L’émigration des Ivoiriens

La Côte d’Ivoire est un pays essentiellement d’immigration. Ainsi, le phénomène


d’émigration est longtemps resté marginal. C’est à partir des années 1990, avec la crise
économique et l’instabilité politique que certains Ivoiriens ont été amenés à aller résider
dans d’autres pays.

L’émigration s’est amplifiée durant ces dernières décennies avec la crise militaro-politique
de 2002 à 2011. De ce fait, il est difficile de disposer des données exhaustives sur ce
phénomène.

En 2015, l’effectif d’émigrés Ivoiriens était estimé à 841 241 personnes.

De nombreux émigrés Ivoiriens sont en situation irrégulière. En 2017, 14 300 migrants


Ivoiriens étaient dans cette situation en Europe.

Pour encadrer l’émigration des Ivoiriens, le gouvernement a créé en 2001, le Département


des Ivoiriennes de l’étranger au sein du Ministère des affaires étrangères.

A retenir

Les migrations interne et externe ont quasiment connu les mêmes rythmes d’évolution
en Côte d’Ivoire. De 1960 à 1980, elles ont été intenses. Mais depuis les années 1990, elles
connaissent un ralentissement dû aux crises économique, sociales et politiques.

Le stock important d’étrangers résidant dans ce pays en 2014 (5 491 972) et l’émergence
de l’émigration des Ivoiriens nécessitent la mise en place de politique explicite en
matière de migration

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7.4. SEANCE 5 : CONSEQUENCES DE LA MIGRATION EN COTE D’IVOIRE

Au cours de cette, il s’agira de montrer l’impact de la migration en Côte d’Ivoire au niveau


démographique, urbanistique, économique et sociale.

7.4.1. Au niveau démographique

Croissance rapide de la population grâce à l’afflux massif des étrangers

La population ivoirienne a rapidement augmenté depuis les années 1960. De 4 000 000
d’habitants en 1965, elle est passée à 6 709 000 d’habitants en 1975, à 10 815 694 d’habitants
en 1988 puis à 15 366 672 d’habitants en 1998, soit des taux de croissance annuelle de 3,8%
entre 1975-1988 et de 3,3% entre 1988-1998. Au recensement de 2014, cette population a été
estimée à 22 671 331 habitants.

La population ivoirienne a augmenté à un rythme beaucoup plus rapide que celle de


l’ensemble des pays africains. L’immigration massive des ressortissants des pays
limitrophes explique en partie cette évolution.

Augmentation de la population des Ivoiriens par la naturalisation

La population des naturalisés a rapidement augmenté au cours de ces dernières décennies.


Aux recensements de 1988, 1998 et 2014 on a enregistré respectivement 15 146, 88 714 et
95 395 naturalisés. Cet effectif augmente à un rythme plus rapide que celui de l’ensemble de
la population ivoirienne à cause des dispositions spéciales résultant du décret du 31 mai
2006. Ce décret exige la naturalisation spéciale des étrangers qui :

 étaient mineurs (moins de 21 ans) à la date du 20 décembre 1961 ;


 sont nés entre le 20 décembre 1961 et le 25 janvier 1973 ;
 avaient leur résidence principale sans interruption en Côte d’Ivoire avant le 07 août 1960.

Une population inégalement répartie sur le territoire national

La population ivoirienne est inégalement répartie sur le territoire. La zone forestière au sud
concentre à elle seule 78% de la population.

Les régions les moins peuplées se situent au nord de l’axe Tonkpi-Gbèkè-N’dénié-Djuablin


où les régions ont des densités inférieures à 42 habitants/km2. En dessous de cet axe,
précisément dans la zone forestière, on enregistre les régions les plus habitées avec des
densités dépassant parfois les 110 habitants/km2.

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Carte : Densité de population selon les régions de Côte d’Ivoire

Source : INS, 2014 Réalisation : B. T. ZAH, 2016

7.4.2. Au niveau de l’urbanisation

Croissance rapide de la population urbaine

Les migrations en direction des villes ont favorisé la croissance rapide de la population
urbaine en Côte d’Ivoire. Les recensements indiquent que la population urbaine est passée
de 2 146 293 en 1975 à 4 220 535 en 1988 et à 6 529 138 en 1998, soit un doublement en 13 ans
et un triplement en 23 ans. Elle a augmenté de 7% sur la période 1975-1988 avec une période
de forte augmentation entre 1970 et 1975 correspondant à la période de forte croissance
économique. Durant cette période il y a eu une immigration importante des étrangers. En
analysant leur destination, Fargues (1986) a observé leur installation dans les zones
urbaines. Entre 1978 et 1979, 2 étrangers sur 3 immigraient en ville dont 41% à Abidjan.

Augmentation du nombre de villes centenaires

Les migrants internes se sont dirigés vers les villes régionales qui ont connu une croissance
démographique rapide. A l’indépendance, seulement les deux principales villes que sont
Abidjan et Bouaké, avaient plus de 100 000 habitants. Au recensement de 1988, ce nombre
est passé à cinq contre huit en 1998. Désormais, 12 villes ivoiriennes sont centenaires.

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Tableau 2 : Evolution de la population des grandes villes ivoiriennes

Villes 1975 1988 1998 2014


Abidjan 951 216 1 929 079 2 877 948 4 395 243
Bouaké 175 264 329 850 461 618 536 719
Daloa 60 837 121 842 173 107 245 360
Korhogo 45 250 109 445 142 039 243 048
Yamoussoukro 37 253 106 786 155 803 212 670
San Pedro 31 606 70 611 131 800 164 944
Gagnoa 42 285 85 563 107 244 160 465
Man 50 288 89 575 116 657 148 945
Anyama 26 406 57 065 79 548 103 297
Divo 35 610 72 494 86 569 105 397
Abengourou 100 910
Soubré 101 196
Source : RGPH 1975, 1988, 1998 et 2014

7.4.3. Au niveau économique

En Côte d’Ivoire, la contribution de la migration au développement est captée à travers le


transfert des compétences et l’envoie de fonds de la diaspora en direction de la Côte d’Ivoire.

Transfert de compétences vers la Côte d’Ivoire

L’immigration étrangère permet d’apporter des compétences pour le développement des


activités économiques du pays. C’est ainsi que les Européens, Libanais et autres étrangers
résidant en Côte d’Ivoire participent chacun dans son domaine de compétence, à
l’industrialisation du pays.

L’industrie ivoirienne est caractérisée par la forte présence des entreprises étrangères. Les
entreprises françaises sont les plus nombreuses et couvrent des domaines variées. Les
étrangers d’origine africaine travaillent généralement dans les secteurs primaires et
tertiaires. Certaines nationalités excellent dans des domaines de compétence bien précis.

Transfert de fonds en direction de la Côte d’Ivoire

La migration contribue au développement de la Côte d’Ivoire puisque les fonds transférés


par les Ivoiriens de l’étranger constituent une opportunité de revenu et d’investissement
dans le pays.

De 1975 à 2008, les fonds transférés sont passés de 12 millions de dollar à 215 millions de
dollar. Sur cette période, leur cumul est de 2807 millions de dollar. Ces fonds proviennent
principalement de la France.

Malgré leur hausse au cours de ces dernières années, ces fonds ne sont pas orientés vers
l’investissement afin de produire la croissance économique. Ils sont destinés essentiellement

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à l’entretien de la famille (78%), ce qui explique pourquoi ils contribuent faiblement (1%) à
la croissance du PIB.

7.4.4. Au niveau social

Changement de la structure de la population

Dans un pays en développement où la proportion des étrangers est élevée, l’impact de la


migration au plan social est généralement perçu de façon négative.

En Côte d’Ivoire, elle a contribué à la modification de certaines caractéristiques culturelles,


notamment au plan religieux où 43% de la population ivoirienne pratique désormais la
religion musulmane.

La plupart des migrants étrangers étant de cette religion, il en ressort qu’elle est en train de
s’imposer progressivement dans l’organisation sociopolitique et culturelle de la Côte
d’Ivoire. Ce qui a des implications au niveau des comportements reproductifs.

Conflits sociaux

La présence importante des étrangers en Côte d’Ivoire a pour corollaire les tensions
sociopolitiques observées au cours de ces 35 dernières années. Il s’agit notamment des
conflits fonciers résultants de la loi n°98-750 du 23 décembre 1998 sur le foncier rural. Cette
loi a favorisé la reprise des terres déjà cédées aux étrangers.

Pour réduire ces conflits, certaines dispositions, tel que l’amendement de l’article 26 relatif
aux héritiers étrangers a été fait en 2004 en vue d’une sécurisation de leur droit. Il s’agit de
la loi n°2004-412 qui stipule que les droits de propriété de terres du Domaine Foncier Rural
acquis antérieurement à la loi de 1998 par des personnes physiques ou morales ne
remplissant pas les conditions d'accès à la propriété fixées par l'article 1 sont maintenus.
Ainsi, les personnes concernées peuvent désormais transmettre leur propriété à leurs
héritiers.

A retenir
En Côte d’Ivoire, les mouvements migratoires ont un impact sur la répartition spatiale de
la population. La migration étrangère contribue à la croissance rapide de la population
ivoirienne d’une part, et de la population des Ivoiriens grâce à la naturalisation, d’autre
part. Au niveau économique, elle favorise le transfert de compétence. Elle est par contre
source de tension sociale si elle n’est pas bien gérée par les pouvoirs publics.

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8. Bibliographie

Pour en savoir plus sur ce cours, lire les ouvrages ci-dessous :

BEAUCHEMIN Chris, 1999, «Emigration urbaine, crise économique et mutation des


campagnes en Côte d’Ivoire », in Espace, Population et Société, pp. 400-409

DUREAU Françoise, 1989, « Migration et dynamique des villes de l’intérieur en Côte


d’Ivoire », in L’insertion urbaine des migrants, Paris, ORSTOM, pp. 119-134., en vue de
comprendre l’impact de la migration sur l’urbanisation en Côte d’Ivoire

GENDREAU Francis et al, 1985, Manuel de Yaoundé, estimations indirectes en démographie


africaine, UISP/IFORD/GDA, 276 p. Consulter les pages 181 à 187 et 263 à 269 sur les
indicateurs de mesure de la migration

HENRY Louis, 1981, Dictionnaire démographique multilingue, Liège, Ordina éditions, 179p.
Consulter le chapitre 7 intitulé mouvement général de la population (pp. 99-115), en vue
d’une meilleure connaissance des concepts et de la typologie de la migration

Ministère D’Etat, Ministère de Plan et du Développement, 2008, Migration et développement:


défis et perspectives en Côte d’Ivoire, REPCI 2007-2008, Abidjan, DGPRC, 149p.

PIGUET Etienne, 2013, « Les théories des migrations. Synthèse de la prise de décision individuelle»,
in Revue européenne des migrations internationales, vol.3, Poitiers, Université de Poitiers,
pp141-161

SEMI Bi Zan, 1975, La politique coloniale des travaux publics en Côte d’Ivoire (1900-1940),
Abidjan, Anales de l’Université d’Abidjan, N° spécial, 359 p. Pour un aperçu de la politique
coloniale matière de migration

ZAH Bi Tozan, 2015, « Impact de la migration sur la démographie en Côte d’Ivoire », in


Revu de Géographie du laboratoire Leidi, Université Gaston Béranger, Dakar, 18p.

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