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Faculté d’Économie et Développement

Kinshasa-Limete
RD Congo

Géographie économique

Notes de cours (L3 FED)

Prof. Dr Grégoire NGALAMULUME TSHIEBUE

gregoire.ngalamulume@gmail.com;
+243 97 216 17 21/+243 81 481 99 35
Introduction
a) Présentation et objectifs du cours

La géographie économique étudie la géographie des activités économiques et leur


insertion dans des circuits qui participent à la production et à la consommation des
richesses. Elle offre un cadre critique pour penser les transformations spatiales
induites par la globalisation et le tournant post-fordiste et néolibéral (innovation,
financiarisation, marchandisation de l’environnement…).
La géographie économique se situe à l’intersection de deux disciplines (la géographie
et l’économie), qui toutes deux ont évolué au gré des courants de pensée, conduisant
à nombre de définitions et de sous-disciplines souvent remises en cause.
La géographie privilégie l’organisation de l’espace, dont l’expression visible est le
paysage. Les questions du géographe sont : où ? et pourquoi là ? ; il tentera de fournir
des analyses utiles pour expliquer les composantes physiques et humaines, visibles
et invisibles, de l’espace. Le document de synthèse privilégié est la carte, mais d’autres
outils spécifiques accompagnent la démarche géographique, dont les nombreuses
formes de modèles qualitatifs et quantitatifs. La géographie cherche à comprendre le
monde dans toutes ses complexités physiques et humaines, via les localisations, leurs
interactions et leurs évolutions spatio-temporelles.
L’objet particulier de la géographie économique est la localisation de l’ensemble des
activités associées à la production et à la consommation de biens et de services, et
aux échanges qu’elles génèrent. Où sont les ressources et comment sont-elles
utilisées ? Où sont les lieux de production, les emplois, firmes, ménages,
infrastructures et équipements, et pourquoi là ? Quelles interactions existent entre les
localisations (flux visibles et invisibles) ? Quel lien entre activités et échanges, entre
environnement physique, humain, social et/ou politique ? La géographie économique
tente d’expliquer l’inégale répartition des richesses et leur circulation en s’appuyant
sur des facteurs économiques, environnementaux, historiques, sociaux, politiques, en
prenant en compte différentes échelles spatiales (monde, continent, pays, région, ville,
quartier).
La science économique a longtemps cantonné l'espace en marge de la discipline. La
nouvelle économie géographique analyse les mécanismes qui expliquent le modelage
de l'espace économique. Quelles sont les forces qui poussent les activités
économiques à se concentrer dans l'espace ? Les zones éloignées des grands
marchés sont-elles condamnées au sous-développement ? Pourquoi certaines
entreprises sont-elles tentées de se délocaliser et pourquoi toutes ne le font-elles pas
? Que peut-on attendre des politiques d'attractivité et d'aménagement du territoire ?
Ce cours vise à familiariser les étudiants à la perspective spatiale pour lire et
comprendre le déploiement des activités économiques. Les étudiants formés seront
ainsi capables de saisir le rôle des composantes géoéconomiques dans l'organisation

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des territoires (les réseaux de transport, les frontières, les bassins de ressources
naturelles, etc.). Aussi, le cours vise à amener les étudiants à comprendre les formes
territoriales qui se dessinent telles que les centres urbains, les technopoles, les zones
spécialisées en agriculture ou dans la transformation (forêt, aluminium, métaux,
produits manufacturés, etc.). Le cours présente l’ensemble des concepts et outils de
la géographie économique et dresse un tableau synthétique et à différentes échelles
des dynamiques des espaces économiques.

b) Contenu du cours
Introduction

a) Présentation et objectifs du cours


b) Contenu du cours

I. Définition, objet, historique et enjeux de la géographie économique

1) Définition
2) Objet
3) Historique
4) Les enjeux de la géographie économique

II. Le rôle des ressources naturelles dans le développement économique

1) Définition et typologie des ressources naturelles


2) Regard sur quelques ressources naturelles en RD Congo
3) La «malédiction des ressources naturelles» ou le paradoxe de l’abondance
4) Conséquences de la répartition inégale des ressources

III. Population et développement économique

1) Croissance de la population
2) Mortalité, fécondité et migration
3) Dynamique de la pyramide des âges
4) Grisonnement mondial
5) La transition démographique
6) Population totale et population rurale en RD Congo

IV. Mobilité, Voies et infrastructures de communication et développement socio-


économique

1) Mobilité
2) Voies et infrastructures de transport
3) Des moyens de transport révolutionnés par la mondialisation

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4) La révolution numérique des NTIC abolit les distances entre les territoires et
accélère la mondialisation

V. Tourisme et Mouvements de populations dans l’espace

1) Le tourisme, indicateur et outil de transformation du Monde


2) Le Tourisme en Afrique
3) Potentialités touristiques en RDC
4) Types de tourisme

VI. L’aménagement du Territoire

1) Introduction
2) Quelques définitions
3) Champ d’intervention et Échelles
4) Acteurs

VII. La Localisation des activités économiques : cas des Zones économiques


spéciales en RDC

1) La localisation des entreprises en un endroit


2) Les Zones économiques spéciales en RDC
Références bibliographiques

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I. Définition, objet, historique et enjeux de la
géographie économique
a) Définition

Il n’existe pas de définition unique et absolue de la géographie économique. Il y a ainsi


plusieurs façons de définir la géographie économique. Une première façon est
d’inscrire la géographie économique au croisement de deux disciplines avec d’un côté
la géographie et de l’autre l’économie.

La géographie économique peut être définie comme étant « la branche de la


géographie humaine qui étudie la répartition spatiale et la localisation des activités
économiques ».

Cette localisation dépend de plusieurs facteurs dont notamment : (i) Importance des
ressources naturelles ; (ii) Le facteur démographique ; (iii) Le rôle des moyens de
communications.

La géographie économique est ainsi une branche de la géographie à la croisée de 2


disciplines :

- L’économie : étude de la production, échange et consommation de biens rares ;


- La géographie : description et interprétation de l’organisation de la surface
terrestre et de la composante spatiale des sociétés humaines.

Comment peut-on croiser la géographie économique, la production et la


consommation des biens rares ainsi que la question de l’organisation de l’espace ?

La géographie organise son cadre conceptuel autour du thème de l’espace (du


territoire). Elle interprète le contenu de différentes disciplines sous l’angle spatial :
science politique (géographie politique), géologie (géographie physique), botanique
(biogéographie).
L’économie recherche comment les hommes en société décident d’affecter les
ressources rares et de les répartir à la production de biens et de services, à des fins
de consommation présente et future, entre différents individus et collectivités ». Elle
renvoie aux logiques d’attribution des ressources (cfr utilité).

La géographie économique met l’accent sur la localisation des activités économiques


–production, consommation et échange de biens et de services. Elle cherche à intégrer
le point de vue spatial de la géographie et la lutte contre la rareté au moindre coût de
l’autre.
D’une autre manière, on peut assigner à l’espace une fonction de rareté.

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Si la géographie économique étudie la répartition spatiale et la localisation des
activités économiques, la modélisation économique liée à la géographie économique
est l'économie géographique, ou économie des territoires.

Parler de géographie économique serait faire de la géographie par l’économie, c’est-


à-dire adopter un raisonnement économique, expliquer des faits géographiques en
faisant appel à des raisonnements économiques. C’est faire une interprétation
économique de la géographie en utilisant des théories économiques pour expliquer
des faits géographiques.

Cette géographie économique va emprunter des raisonnements, des méthodes de


réflexions, des modèles à l’économie pour expliquer des phénomènes géographiques
comme par exemple les villes.
b) Objet

Selon GENEAU et STASZAK (Principes de géographie économique 2000), la


géographie économique s’intéresse à l’étude de la distribution des ressources et de la
richesse, à la localisation de la production, aux régions économiques et à l’orientation
des échanges.

Pour en rende compte elle fait appel à l’économie ; la géographie économique est donc
la rencontre de la géographie et de l’économie. Ainsi, les faits géographiques et
économiques sont interdépendants, qu’il est souvent difficile de les séparer.

Selon A.BELHADI, la géographie économique analyse la configuration, la traduction


et la dimension spatiale de l’économie, du système et de l’activité économique.
L’auteur fait la distinction entre deux types de géographie économique :

- La géographie économique générale : qui traite du fondement économico-


spatial de l’activité humaine dans ses dimensions de production, de
consommation, distribution et interactions et localisation. Selon le même auteur,
la géographie économique étudie la dimension spatiale des activités
économiques et de l’économie en général. Elle traite des distributions et de la
dynamique spatiale des activités économiques. Elle analyse l’architecture
socio-spatiale qui résulte de l’activité de production, de consommation et de
distribution.
- La géographie économique sectorielle : qui traite d’une activité précise comme
l’industrie, le transport, le tourisme, l’administration, le commerce ou
l’agriculture.
La géographie économique tente de répondre à un certain nombre de questions. Ces
questions représentent les cinq préoccupations fondamentales de la Géographie
économique, savoir :

- Quel est l’importance des ressources humaines et naturelles en matière de


localisation des activités économiques ?
- Où sont localisées les activités économiques ?

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- Pourquoi sont-elles localisées de cette manière ?
- Quelle est la meilleure localisation pour une activité donnée ?
- Quelle est la meilleure activité à implanter dans un milieu donné ?
Il s’agit en effet d’une géographie de l’économique. Il existe de l’économique, de la
production, la consommation, l’échange des biens rares et nous allons nous intéresser
à la dimension spatiale de l’économique ; comment est organisée la dimension
spatiale de l’économie, c’est-à-dire où se fait la production, où se fait la consommation,
par où passe l’échange des biens rares ? C’est localiser l’économique, la production,
la consommation et l’échange.

La géographie économique est donc une géographie du monde économique.

- Lieux et territoires
La géographie économique vise à comprendre où et pourquoi certaines activités
économiques se créent et, parfois, prospèrent, et en quoi des lieux proches tendent à
se ressembler et interagissent sur des territoires.
Un lieu est caractérisé par sa localisation (longitude, latitude, altitude), qui permet de
déduire les attributs physiques (sol, sous-sol, relief, environnement, climat) et humains
(politiques, économiques, sociaux, culturels, ethniques) qui se sont combinés au fil du
temps. Cette combinaison est unique en tout lieu, mais certains lieux se ressemblent
plus que d’autres.

Le site se réfère au cadre physique du lieu et constitue un potentiel local pour une
activité économique. La situation est la position du lieu vis-à-vis d’autres lieux ; elle
peut être centrale ou de contact, c’est-à-dire à la frontière entre deux régions
complémentaires – terre-mer (ports), plaine-montagne –, ou au croisement d’axes de
communications. La situation évolue avec le temps, par la création ou la suppression
d’infrastructures. L’importance de la situation dépend de l’échelle spatiale d’analyse et
de la présence de facteurs de polarisation, tels que des aéroports ou des villes. Les
situations ne sont pas équivalentes, ce qui explique que des entreprises refusent de
s’installer en certains lieux malgré les avantages financiers qu’offrent les responsables
publics, et que certaines infrastructures deviennent des enjeux d’âpres négociations.

Les lieux ne sont pas isolés ; ils sont interconnectés par des liens de nature physique
(vallées, fleuves, vents, courants marins), humaine (migrations, relations sociales),
relationnelle (accord …), etc.
c) Historique

On ne trouve pas le terme de « géographie économique » avant la fin du XIXe siècle,


mais cela ne veut pas dire qu’on n’en faisait pas. Pour donner une date de naissance
à la géographie économique, il est possible de remonter à Louis XIV et Colbert au
moment où pour la première fois, un État, l’État français en l’occurrence, s’occupe de
la comptabilité des richesses. La question de faire une comptabilité permet de définir

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les impôts et la guerre. Il y a un moment où les États ont senti le besoin de
comptabiliser et de localiser leurs richesses menant à la production de compte, de
statistiques et de cartes. On ne cherche pas à expliquer, mais plutôt à décrire. Se met
en place une géographie qui tente de décrire, cartographier et comptabiliser les
richesses à des fins productives.

La géographie descriptive est une invention de l’État qui s’est accrue au XIX e siècle
avec la colonisation. Une demande est faite aux géographes de produire une
information sur les richesses, les potentiels de colonies en termes de matières
premières, mais aussi de démographie. Une géographie coloniale produit une
information à propos des colonies dans l’idée d’une exploitation. Cette géographie
existe toujours aujourd’hui ayant pour but de recenser les richesses, leur distribution
spatiale, les facteurs de production à des fins de meilleur développement, de meilleure
production, mais aussi d’enrichissement. C’est une géographie qui produit beaucoup
d’atlas, de tableaux et de statistiques.

Le deuxième courant est plus récent émergeant à la fin des années 1950 avec l’idée
que l’espace économique peut être expliqué. Il y a des lois à chercher comme des lois
qui expliquent le marché, les prix ou encore l’échange. Les géographes en utilisant
ces lois pourraient peut-être expliquer des phénomènes comme l’organisation de
l’espace. Jusqu’à cette période, la géographie était encore très descriptive. Or,
l’approche descriptive est décriée comme étant peu scientifique. Il existerait des
structures communes parce qu’il y a des lois sur le comportement spatial des êtres
humains. Le but de la géographie économique est d’identifier ces structures
universelles de l’espace qui sont liées au comportement économique. Cette
géographie n’est plus descriptive.

Comme on le voit, la géographie économique est une branche récente ; elle s’est
démarquée de la géographie humaine et a forgé ses propres concepts et théories.
C’est une discipline carrefour qui emprunte à plusieurs disciplines comme la science
de la nature, l’économie ou la psychosociologie, ce qui n’exclut pas qu’elle dispose de
sa propre individualité et son outillage propre. Tout en utilisant les catégories de
l’économie, la géographie économique s’en démarque totalement.

Son développent date de la fin des années 1950 quand la géographie économique
s’est détachée progressivement de la géographie humaine. Ce sont surtout les anglo-
saxons qui ont contribué à façonner cette discipline en particulier Edgar HOOVER et
Water ISARD. Ce dernier est considéré comme le père de l’économie spatiale et le
fondateur de « la regional science » dans les années 1960.

Du côté francophone, on note l’apparition de « principes de géographie économique »


de P. GEORGES en 1956. Ce n’est que durant les années 1970 qu’apparaissent les
premiers ouvrages de géographie économique générale avec : Claval, 1976 «
Eléments de géographie économique ». 1985 « Géographie économique et humaine ;
Debié : 1996 « géographie économique et humaine ». « Principes de géographie

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économique » de GENEAU et STASZAK, 2000 et « géographie de la mondialisation »
de L.CARROUE, 2002.

Parallèlement, les ouvrages de géographie économique sectorielle se multiplient :


transport ; industrie…M. wolkowitch, 1973 : « géographie des transports » ;
J.LEBASSE : « l’espace financier » ; MERENNE SHOUMAKER : - « localisation des
indus » 2000. « Localisation des services » 2002.

Dans les années 1970 va se mettre en place un mouvement de contestation contre


cette géographie objective. Les géographes d’inspiration marxiste vont dire que la
géographie économique doit servir à des fins de libération, de développement et de
justice. Il faut voir comment l’organisation de l’espace économique est liée à la lutte
des classes, à des structures d’oppression et à des explications fournies par le
marxisme. Va naitre une géographie contestatrice qui va montrer comment
l’oppression capitaliste passe par des structures spatiales et une explication qui passe
par le matérialisme dialectique.

Dans les années 1990, le postmodernisme réfute les critiques marxistes, tiers-
mondistes et plus rationalistes comme la théorie de l’homo œconomicus. Pour les
postmodernistes, il y aurait une illusion à vouloir tout expliquer par une seule théorie.
La théorie postmoderniste conteste les grands récits. C’est l’idée qu’il y a eu un savoir
produit en occident qui a eu une prétention à avoir une validité universelle. Le monde
est en fait fragmenté et éclaté entre des sociétés qui sont caractérisées par des
discours propres et incommensurables. Pour expliquer comment fonctionne la Grèce
antique, on ne peut utiliser la théorie marxiste. Les postmodernistes insistent sur la
contextualisation des savoirs. Le tournant postmoderniste est lié au tournant culturel
puisqu’il conduit à renvoyer à la spécificité de chacune de ces situations et
l’impossibilité de réduire chacune des situations à un modèle unique. Les quatre
traditions sont encore vivantes.

L’économie géographique (et avant la science régionale, l’économie spatiale, etc.)


s’inscrit dans l’évolution des sociétés occidentales, notamment :

- le passage d’une économie principalement agricole (et rurale), vers des


économies industrielles puis tertiaires (et de plus en plus urbaines) ;
- le passage d’une géographie des activités relativement dispersées (rendement
constant) à une répartition de plus en plus concentrée (rendement croissant)
avec l’introduction de l’espace ;
- les marchés sont séparés: pas de prix unique, il dépend de la localisation des
offreurs (entreprise, commerce, etc.) et des acheteurs (ménage,
consommateur, etc.) ;
- la concurrence spatiale: les firmes vont chercher une localisation optimale
(différente de ses concurrents et qui peut lui fournir un avantage: accès marché,
matière première, etc.) ;
- les entreprises ne sont plus homogènes.

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Disciplines d’interface

 économie régionale/urbaine : l’économie régionale s'intéresse principalement à


l'organisation de vastes territoires alors que l'économie urbaine se penche sur
la structure interne des villes et sur la manière dont les sols y sont affectés
– quartiers résidentiels ou commerciaux, par exemple.
 économie géographique : L'économie géographique ou économie spatiale,
ou Économie des territoires est une conception nouvelle de la géographie
économique. Sous l'impulsion de la nouvelle théorie du commerce international,
Paul Krugman redynamise la science régionale qui devient, au cours des
années 1990 la Nouvelle économie Géographique. Les ressorts de base de
cette nouvelle théorie ne sont plus les avantages comparatifs, mais les
économies d'agglomération (produites entre autres par l'accumulation dans la
même région d'une grande quantité de clients ou de fournisseurs).
 Géoéconomie : Une branche nouvelle, fondée en 1997. La géoéconomie est
une branche des relations internationales, au croisement des sciences
économiques et de la géopolitique. Le concept a été développé aux États -Unis
par Edward Luttwak et en France par Pascal Loriot qui a créé en 1997 la revue
trimestrielle du même nom.

d) Les enjeux de la géographie économique

1) Enjeux scientifiques

Les êtres humains et les sociétés ne sont pas mis dans un espace préalable. L’espace
est quelque chose que l’on fabrique et que l’on produit. L’espace n’est pas un
contenant parce que l’espace est toujours déjà social, c’est une production sociale.
Nous vivons dans un espace plein de significations et de sens, hétérogène, polarisé
et structuré. Ces caractéristiques sont celles des sociétés qui l’ont produit. Certains
auteurs refusent l’idée selon laquelle l’espace serait quelque chose dans quoi
l’économie prendrait place puisque c’est l’économie qui produit l’espace. Ce type de
prise de position a conduit à réévaluer l’importance de l’espace dans les sciences
sociales. L’espace n’est pas un contenant neutre dans lequel les évènements
prendraient place, mais cela participe de la nature des sociétés et de leur activité.
Il y a l‘idée que l’espace en tant que tel est :

- un enjeu économique : c’est quelque chose que l’on peut vendre comme, par
exemple, l’immobilier, les transports ou encore le tourisme ;
- un produit de l’économie : les infrastructures, la spéculation foncière, le zonage
des activités. L’économie est un formidable outil pour produire de l’espace ;
- un déterminant de l’économie : choix des spécialisations, rentes de situation,
coût de transport.

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2) Enjeux de société

L’actualité de la géographie économique et son renouvellement a aussi répondu à une


demande de la société et des questions urgentes qui se posent. Au moins quatre
questions ont acquis une importance essentielle depuis les années 1990 :

- la mondialisation : le débat sociétal s’interroge sur la mondialisation comme


créatrice ou destructrice d’emplois, génératrice de richesses, les impacts de
l’ouverture des marchés, etc. Ce sont des enjeux politiques qui déterminent le
choix des sociétés et qui portent sur l’impact de la mondialisation à mesurer
qualitativement et quantitativement. La géographie économique est attentive à
la variété des phénomènes dans l’espace, d’autre part, la mondialisation est un
phénomène géographique de changement d’échelle, d’ouverture de l’espace,
de diminution des obstacles et de l’opacité de l’espace. Si l’économique a des
réponses à donner sur le plan théorique dans le cadre d’une épistémologie
réaliste où on s’occupe moins du monde comme il devrait être que tel qu’il est,
les géographes ont été bien placés pour répondre à ce qui fait la spécificité de
la mondialisation et sur ses conséquences notamment spatiales. Il y a eu une
énorme inquiétude qui s’est mise en place et encore plus forte suite à la crise
financière de 2008.
- les inégalités de développement : c’était une question très importante à
l’agenda politique et social des années 1970. À l’époque on parlait de tiers-
monde. Dans les années 1950 et 1960, on s’est rendu compte que la
décolonisation ne s’est pas traduite par un décollage économique des
anciennes colonies. Il y avait de théories comme celle de Rostow qui prévoyait
les différentes phases prévisibles qui allaient se faire étape par étape
permettant d’acquérir le développement, l’industrie et la croissance, mais cela
ne s’est pas produit. Pendant longtemps, la lecture qui a prévalu était la lecture
marxiste avec des formes de néocolonialisme qui continuaient à exploiter les
pays du Sud et qui expliqueraient leur sous-développement. Ces explications
ont perdu leur attrait avec l’effondrement du bloc soviétique et l’abandon
progressiste du paradigme marxiste. Cela continue à être une question
importante, parce que très menaçante. À partir du moment où on comprend
quelles sont les raisons des inégalités de développement, on se donne des
leviers pour comprendre où sont les inégalités de développement dans les pays
pauvres et riches. À la question de savoir si la mondialisation est un phénomène
positif ou négatif, il n’y a pas de réponse. Sur les inégalités de développement,
il n’y a pas de réponse non plus, il n’y a pas d’accord général. Dans les années
1970, il y avait encore de nombreux débats alors qu’aujourd'hui on a accepté
l’idée que cela existait et qu’il n’y aurait plus besoin de produire d’explication.
Cela ne va pas de soi que des inégalités de développement aussi majeures se
mettent en place entre les pays.
- les logiques spatiales de la production : dans le cadre de l’époque fordiste avec
la production de masse, la consommation de masse, produits standardisés, les
logiques spatiales sont assez simples à saisir notamment avec le modèle de

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Weber qui permet de comprendre comment une usine va se localiser pour
limiter les coûts de transports. Ces logiques spatiales de production ont changé
avec les modes de production postfordiste qui se mettent en place dans les
années 1980 où les questions logistiques, de stock et de flux tendus deviennent
de plus en plus importantes. Il y a eu une nouvelle façon de gérer la production
qui s’est mise en place au moment d’une vague de mondialisation avec la
question de la localisation de l’usine. A été acquise une sorte de liberté en
matière de localisation qui n’existait pas avant. La question de localisation
jusqu’aux années 1950 se posait relativement peu parce qu’il y avait peu de
choix, les usines ne pouvaient pas se déplacer. Puis cela devient une question,
les entreprises vont s’interroger sur la localisation. La dimension logistique et
de la carte de la production est devenue essentielle se traduisant par des
délocalisations avec des impacts majeurs.
- milieu, risques, ressources et développement durable : dans les années 1970,
avec le club de Rome, se mettent en place des inquiétudes qui ont percolé dans
les esprits. La question des ressources naturelles, des risques naturels, de la
population et de l’environnement a acquis une nouvelle actualité avec la
thématique du développement durable. Ce n’est pas seulement un problème
de l’allocation des ressources dans le temps, mais aussi dans l’espace. À partir
des années 1990, il y a le sentiment que la géographie économique avait perdu
de son prestige se retrouvant au sein de quelques débats de sociétés.

3) La géographie économique en plein essor


La sphère de l’économique s’est élargie. Tant est que la géographie de l’économie
porte sur l’économie, depuis une trentaine d’années son domaine d’application a
connu une expansion importante. Il y avait des domaines qui ne relevaient pas de
l’économique et qui y sont entrés. Ces logiques sont celles de la réussite de l’économie
de marché et de son extension. Des secteurs qui ne faisaient pas de l’économie de
marché comme l’éducation, la culture ou la santé sont devenus des enjeux
économiques. Les raisons pour lesquels on a essayé de faire entrer ans l’économie
de marché des secteurs qui n’y étaient pas se traduisent par une meilleure allocation
des ressources. Les années 1980 furent les années où l’État a abandonné des
secteurs de l’économie qu’il avait à charge au secteur privé. Le champ de
l’économique s’étant élargi, le champ de la géographie économique s’est étendu
également.
On a cru longtemps que l’espace perdait en importance avec la diminution des coûts
de transports et des modes de télécommunications de plus en plus performants.
Jamais autant qu’aujourd’hui il n’a été facile de transformer des biens matériels et
immatériels. Grâce à la Première, Deuxième et Troisième révolution des transports1,
on a l’impression que l’être humain s’est dégagé de la problématique de la distance.
Cela aurait voulu donc dire la fin de la géographie et de la géographie économique,

1
Le train vers 1830, la navigation à vapeur vers 1850, l'automobile et l'aviation autour de 1900.

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car l’espace ne compterait plus et la question de l’organisation de l’espace ne se
poserait plus.
On communique aussi facilement avec son voisin qu’avec un collègue qui habite à
l’autre bout de la planète est un postulat qui est faux. Les modes de communications
sont différents et adaptatifs. Internet, loin de faire disparaître les logiques spatiales, les
fait apparaître. On peut argumenter l’idée que le transport de l’information est plus
facile aujourd’hui que dans le passé, mais il y a eu une telle augmentation dans la
quantité de l’information transportée et dans la complexité de l’information transportée
que c’est aujourd’hui un plus grand problème qu’hier. L’amélioration des conditions de
transport de l’information ne compense pas l’augmentation colossale de nos besoins
en informations et en informations complexes.
Dans les années 1970, on pensait que les universités étaient terminées. Il y avait l’idée
que dans l’avenir on arriverait à faire des cours à distance. La coprésence matérielle
représente un coût énorme. La complexité de l’information ne résume pas à un
discours. L’information ne passe pas uniquement par la parole, mais par d’autres
aspects. L’incapacité à transporter facilement de l’information complexe explique
certains modes de communications plus classiques qui nécessitent de se déplacer
dans l’espace. La délocalisation nécessite du contrôle.
4) La géographie économique en plein renouveau
La géographie économique a connu un essor lié à ces nouveaux enjeux et ces
nouvelles demandes, mais cela est aussi lié à des mutations épistémologiques et
théoriques qui sont celles d’un tournant culturel de la géographie économique qui fut
pris dans les années 1990. Pendant longtemps, le monde de l’économie a été
considéré comme un monde autonome qui avait ses propres logiques comme des
logiques de la rationalité avec le modèle de Christaller par exemple qui ramenait
l’espace à quelques explications. Ce consensus s’est effrité dans les années 1980 et
ont émergé des approches culturelles dans les années 1990.
L’irruption de la culture dans l’économie est liée au fait qu’on vend de moins en moins
de biens matériels et de plus en plus de biens symboliques. Autrement dit, il y a de
plus en plus de symboles dans les biens que l’on vend et les biens matériels. On
fabrique de moins en moins d’objets et de plus en plus d’idée et que dans les objets
qu’on fabrique, la composante utilitaire est de moins en moins importante que la
composante symbolique qui l’est de plus en plus. La culture est devenue sans doute
le premier bien économique des pays riches. Il y a un phénomène de tertiarisation de
l’industrie, tandis que l’industrie se tourne vers de plus en plus de la manipulation de
symbole. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’il faut analyser ces industries
culturelles d’une nouvelle façon. Lorsqu’on parle d’un tournant culturel, ce sont les
économistes eux-mêmes avec trois grandes tendances :
- une économie « encastrée » (Polanyi [1943], Granovetter [1985] et la new
economic sociology) (dans le social, dans l’espace) : c’est l’idée de marquer
une rupture vis-à-vis des modes de pensées des économistes qui considéraient
le monde de l’économie comme un monde à part qu’on pouvait considérer,
modéliser et théoriser en faisant abstraction du contexte dans lequel il se

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trouvait. C’était l’autonomisation de l’économique. Il était possible de
comprendre le fonctionnement d’une société en la coupant de son
fonctionnement politique ou de son fonctionnement spatial, mais également de
son inscription dans l’espace. Polanyi et Granovetter ont montré que l’économie
est très profondément encastrée dans le social et le politique, il n’y a pas à
distinguer le tissu social, politique et économique. Lorsqu’on regarde le
fonctionnement réel de l’économique et du social, l’économie est profondément
encastrée dans l’économique et le social. Au fond, on ne pouvait pas le
comprendre parce qu’on travaillait sur une fiction dégagée de son caractère
encastré dans le social.
- les économistes hétérodoxes (post-autistic economics) : il y a eu le
développement des économistes hétérodoxes qui acceptent et qui ont
développé d‘autres façons de faire de l’économie. Ces économistes
hétérodoxes ont pris en compte le social, le politique avec l’école des
conventions, l’économie institutionnelle, l’idée du marché comme fiction
notamment. Cela a amené au développement de nouveaux courants
économiques pris en compte par les géographes qui ont essayé de comprendre
dans quelle mesure on peut le théoriser dans le cadre de la compréhension de
l’espace.
- variété des cultures de production et de consommation, des formes de
capitalisme (épistémologie « réaliste ») : pour comprendre les modes de
consommation et de production, il faut regarder la réalité dans l’espace de la
variété des comportements.
On distingue essentiellement trois directions principales :
- l’espace est fondamentalement impliqué dans les processus
économiques (école de Los Angeles, école française de la proximité) : les deux
écoles sont parties d’une même interrogation qui est celle qu’alors que le
transport n’a jamais été aussi bon marché, alors qu’on produit des biens de plus
en plus matériels, l’économie n’a jamais été aussi concentrée dans l’espace
avec l’émergence de districts industriels. L’exemple paradigmatique est la
Silicon valley au sud de San Francisco où se trouve l’université de Sanford. Ce
district est devenu l’hypercentre mondial de la production et de la recherche en
la matière soulevant la question de savoir pourquoi ils se sont tous mis au même
endroit. L’une des réponses est que ce sont des informations tellement
sensibles et complexes qu’il faut se voir. Les districts industriels sont des
endroits où va se concentrer un type de production avec des structures de
production assez particulières. On utilise aussi le terme de district de production
spécialisé (SPL) ou de Zone économique spéciale en RDC. Dans les politiques
d’aménagement du territoire, on essaie de faire émerger des districts
industriels. C’est ce mystère qui a amené à l’école de la proximité de Los
Angeles et française à se développer. C’est une direction dans la recherche qui
est d’autant plus importante qu’elle a un impact direct sur les politiques de
développement.
- les composantes non-économiques de l’économie (modes de régulation,
institutions, cultures d’entreprise, cultures de consommation, etc.) : des

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géographes se sont mis à travailler sur des objets que l’on considérait comme
des objets économiques comme le shopping mall que l’on ne peut comprendre
si on le réduit à un objet économique. Le shopping mall est devenu une forme
de lieu de sociabilité.
- la nouvelle économie géographique : Krugman propose une nouvelle théorie
des échanges internationaux et des inégalités. Contrairement aux deux
précédents, Krugman est dans le modèle de l‘économie libérale. Dans les
grandes hypothèses de l’économie libérale, il va laisser tomber l’hypothèse de
la concurrence pure et parfaite en mettant l’accent sur les rendements
croissants qui permettent de mieux comprendre les inégalités de
développement.

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II. Le rôle des ressources naturelles dans le
développement économique

1) Définition et typologie des ressources naturelles


De manière générale, une ressource naturelle est une substance, un organisme, un
milieu ou un objet présent dans la nature, sans action humaine, et qui fait, dans la
plupart des cas, l'objet d'une utilisation pour satisfaire les besoins (énergies,
alimentation, agrément, etc.) des humains, animaux ou végétaux. On dénomme donc
ressources naturelles les diverses ressources minérales ou biologiques nécessaires à
la vie de l'homme et à ses activités économiques.

Une ressource naturelle peut être définie comme une matière première qui est
reconnue comme nécessaire aux besoins essentiels de l’activité humaine et qui a
acquis, par là-même et en raison de sa rareté, une valeur économique et marchande
sous sa forme originelle ou relativement peu modifiée.
Il peut s'agir :

 d'une matière première minérale (par exemple : l'eau douce, les granulats,
les minerais métalliques, etc.) ;
 d'un produit d'origine sauvage (ex.: le bois, le poisson, le gibier, etc.) ;
 d'un milieu naturel, source de services écosystémiques (ex. : eau, air, sol,
forêt, tourbière, zone humide...) ;
 d'une matière organique fossile (comme le pétrole, le charbon, le gaz
naturel, le lignite ou la tourbe...) ;
 d'une source d'énergie (énergie solaire, énergie éolienne...) ;
 et par extension d'un service écosystémique (la production
d'oxygène fournie par la photosynthèse par exemple).
La géographie économique s’intéresse particulièrement aux ressources naturelles,
pour plusieurs raisons, notamment :

 l'accès à l'eau est primordial pour l'agriculture comme la production


d'énergie l'est pour l'industrie ;
 l'agriculture a besoin de terres arables et de pâtures ;
 l'industrie nécessite matières premières (minerais métalliques, pierre, silice,
pétrole, bois, etc.) et énergie fossile ;
 le tourisme se développe principalement là où il y a un attrait touristique,
qu'il soit naturel (plage, montagne, climat, site remarquable, source
thermale) ou humain (patrimoine, lieu de mémoire, lieu de pèlerinage).

Deux catégories principales permettent de classer les ressources naturelles, selon :

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- Leur caractère renouvelable ou non renouvelable: (i) les ressources
renouvelables sont celles qui peuvent, en principe, être exploitées sans
épuisement, étant capables de se régénérer en permanence. Elles regroupent
l'eau, les sols (terres cultivables) ainsi que les ressources biologiques, qui sont
constituées par les communautés vivantes exploitées par l'homme (forêts,
pâturages, pêcheries maritimes, biodiversité – espèces animales et végétales)
et par les ressources génétiques (variétés de plantes cultivées et races
d'animaux domestiques). Les ressources renouvelables ont la particularité de
pouvoir se régénérer sur une courte période, à l’échelle d’une vie humaine, bien
que leur exploitation excessive puisse ralentir leur renouvellement. Exemples :
eau, bois, poisson. (ii) Les ressources non renouvelables se sont quant à elles
constituées sur des temps géologiques longs (plusieurs millions d’années) et
ne se renouvellent pas sur une courte période. Elles sont constituées par les
matières premières minérales et les combustibles fossiles, qui proviennent de
gisements formés au cours de l'histoire géologique de la Terre et correspondant
à un stock, par essence même, épuisable. Exemples : pétrole, or ou cuivre.
- Leur caractère énergétique ou non énergétique: (i) Les ressources
énergétiques sont celles par lesquelles on produit de l’énergie. Exemples :
pétrole, gaz, charbon ou bois et (ii) Les ressources non énergétiques ne
produisent pas d’énergie. Exemples : diamant, terres cultivables.

Ces catégories ne sont pas figées car certaines ressources peuvent, en raison des
usages multiples qui en sont fait, prendre un caractère soit énergétique, soit non
énergétique. Exemples : le sucre ou le colza peuvent être utilisés comme produits
alimentaires (étant alors non énergétiques) ou comme bio-carburants (énergétiques).
De même pour le bois, utilisé pour le chauffage (énergétique) ou comme matériau de
construction (non énergétique).

Vu l’impact de l’activité humaine sur son environnement, le caractère renouvelable


autrefois évident de certaines ressources, comme l’air, la terre ou l’eau, est aujourd’hui
remis en question.

Concrètement, le groupe de ressources renouvelables ne peut être considéré comme


inépuisable que dans la mesure où son taux de prélèvement est inférieur à la
productivité nette disponible, c'est-à-dire au taux de régénération. C'est une condition
impérative à l'utilisation durable de telles ressources et, donc, à la sauvegarde des
conditions de vie des générations futures.

La vulnérabilité, la faible disponibilité ou le faible renouvellement de certaines


ressources caractérisent les ressources non renouvelables (exemple : le pétrole), par
opposition aux ressources renouvelables (ex. : la biomasse) qui ne sont pas pour
autant inépuisables. Alors que la population mondiale et l'empreinte écologique de
l'humanité s'accroissent inexorablement, la gestion durable des ressources2 est
devenue un enjeu important.

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2) Regard sur quelques ressources naturelles en RD Congo
a) Les potentialités agricoles : terres arables
Selon les statistiques officielles, la RD Congo dispose d’environ 75 à 80 millions
d’hectares de terres arables dont seulement presque 10 % sont effectivement
exploitées avec environ 3,5 millions d’hectares pour l’agriculture et 4,5 millions
d’hectares pour l’élevage. De plus, presque tout le territoire national bénéficie de
conditions agro-climatiques particulièrement favorables aux activités agricoles qui
rendent possible une réelle diversification des productions agro-pastorales. En effet,
le pays est situé de part et d’autre de l’équateur, ce qui garantit un équilibre et permet
à la quasi-totalité du pays de bénéficier d’une saison culturale d’au moins huit mois au
cours de l’année et d’une multiplicité de climats. Conjuguées à un important réseau
hydrographique, ces conditions sont susceptibles de permettre une gamme très variée
de spéculations agricoles, dont notamment les cultures vivrières avec des possibilités
de deux récoltes par an (décembre-janvier pour l’hémisphère Nord et juin-juillet pour
l’hémisphère Sud, l’arboriculture, les cultures de rente, l’élevage (SSADR, 2010 ; Note
de politique agricole, 2009).

Le potentiel des terres irrigables est estimé à environ 4 millions d’hectares ; toutefois,
leur usage est actuellement limité. Il est confiné à la production industrielle de la canne
à sucre et dans une moindre mesure à la riziculture (RDC, Programme Cadre Intégré
Renforcé, 2010).

Ces terres théoriquement abondantes posent d’énormes problèmes en pratique à telle


enseigne que l’on se demande régulièrement où passent ces millions d’hectares
déclarés à travers le territoire, dans la mesure où beaucoup d’agriculteurs en besoin
ne les trouvent pas dans certains territoires pour plusieurs raisons ! D’abord, leur accès
n’est pas aisé en raison d’un droit foncier hybride, entre les règles de droit moderne et
les règles traditionnelles engendrant de multiples confusions sur le terrain ; ensuite,
dans les régions et provinces à forte densité démographique comme à l’Est du pays,
leur accès devient de plus en plus difficile à plusieurs couches de populations ; aussi,
leur exploitation peu rationnelle à partir des pratiques épuisantes et dégradantes est à
la base de leur épuisement et de leur infertilité responsable de faibles rendements et
conduisant la majeure partie des paysans à leur abandon ; enfin, leur accaparement
par des élites économiques, politiques et militaires prive les petits paysans des
espaces exploitables pour leurs activités et menace leur survie.
b) Les forêts
Du point de vue de l’étendue de ses forêts, la RD Congo abrite la plus vaste forêt
d’Afrique et la deuxième forêt tropicale du monde. Selon les estimations qui varient
selon les sources2, les forêts de la RD Congo couvrent environ 109 à 155 millions

2Le World Resources Institute WRI parle de 109 245 millions d’hectares, la FAO avance les chiffres de 135 207 millions alors
que le Ministère de l’Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme parle d’environ 145 000 millions d’hectares
pendant que De Wasseige et al., 2009 sur base de la compilation de données UCL, JRC et CDSU, vont jusqu’à parler de 155 527

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d’hectares, avec un taux de couverture de près de 60 % du territoire, soit 10 % de
l’ensemble des forêts tropicales du monde et environ 45 % de celles d’Afrique (Société
de Développement Forestier, SODEFOR, 2014). Les formations forestières sont
composées de : forêts de cuvette, forêts denses de montagne, forêts denses
tropophiles, forêts claires et galeries forestières, forêts de transition, savanes et de
mangroves. Comme on le voit, la RDC se situe au centre du massif forestier de
l’Afrique, et contient environ la moitié des forêts denses humides du continent.

Les forêts denses humides couvrent environ 37 % du territoire national, les forêts
sèches 19 %, les forêts marécageuses 4 %, et les forêts de montagne 2 %. Il est donc
clair que la RDC est une mosaïque complexe d’écosystèmes (Programme Cadre
Intégré, 2010).

Trois grandes régions naturelles dominent le paysage (Atlas Forestier Interactif de la


RD Congo, 2010 ; Programme Cadre Intégré, 2010) :
- Les forêts denses humides de plaine. Celles-ci couvrent environ 86 millions
d’hectares dont la grande majorité se trouve dans la Cuvette centrale et une
petite partie dans le Bas-Congo. Des forêts marécageuses se trouvent aussi
dans la Cuvette centrale, et des mangroves sur la côte atlantique. À partir
de la Cuvette centrale, des galeries forestières s’enfoncent vers le Sud à
travers les provinces du Kasaï et du Maniema.
- Les montagnes et hauts-plateaux. Ils s’étendent dans la région du rift
albertin, dans la partie orientale du pays. Ils couvrent une partie importante
des deux provinces du Kivu, ainsi qu’une partie de la province orientale, du
Maniema et du Katanga. Cette région parcourt tout le gradient écologique
qui s’étend des forêts de plaine jusqu’aux glaciers et aux volcans.
- Les forêts sèches et la mosaïque des forêts-savanes. Ces écosystèmes
s’étendent en deux blocs situés de part et d’autre de la Cuvette centrale : le
long de la frange Nord dans la province orientale et l’Équateur ; et dans toute
la partie méridionale du pays dans les provinces du Katanga et du Kasaï.
On trouve aussi des savanes dans le Bandundu et le Bas-Congo.
Les principales provinces forestières du pays sont l’Équateur, la province orientale et
le Bandundu avec des couvertures estimées respectivement à 40, 37 et 12 millions
d’hectares (Ministère de l’Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme,
2009).
Le code forestier congolais classe les forêts en trois catégories : les forêts classées,
les forêts protégées et les forêts de production permanente, répondant chacune à une
vocation prioritaire : la conservation de la biodiversité, le développement socio-
économique des communautés locales, la production durable de bois ou d’autres
biens ou services forestiers (Atlas Forestier Interactif de la RD Congo, 2010 :13-14).

millions. Ces différences proviennent, selon l’Atlas Forestier Interactif de la RD Congo (2010), des définitions différentes de
la forêt par les différents acteurs.

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Les forêts classées, souvent appelées aires protégées, mais à ne pas confondre avec
les forêts protégées, sont celles soumises, en application d’un acte de classement, à
un régime juridique restrictif concernant les droits d’usage et d’exploitation ; elles sont
affectées à une vocation particulière, notamment écologique. Les forêts classées
doivent représenter au moins 15 % de la superficie totale du territoire national. Le
classement s’effectue par arrêté du ministre après avis conforme du conseil consultatif
provincial des forêts concernées, fondé sur la consultation préalable de la population
riveraine. Toutefois, la création des réserves naturelles intégrales, des parcs nationaux
et des secteurs sauvegardés relève de la compétence du président de la République.
L’arrêté de classement détermine la localisation et les limites de la forêt concernée, sa
catégorie, sa dénomination, le mode de gestion de ses ressources, les restrictions qui
lui sont applicables, les droits d’usage susceptibles de s’y exercer et l’institution
chargée de sa gestion. Chaque forêt classée fait l’objet d’un plan d’aménagement
(Exemples : parc national, réserve de faune, forêt récréative).

Les forêts protégées sont celles qui n’ont pas fait l’objet d’un acte de classement et
sont soumises à un régime juridique moins restrictif quant aux droits d’usage et aux
droits d’exploitation. Les forêts protégées peuvent faire l’objet de concession
moyennant un contrat dont la durée ne peut excéder vingt-cinq ans. Ce terme est
renouvelable dans les conditions stipulées au contrat. Une communauté locale peut
aussi, à la demande, obtenir à titre de concessions forestières une partie ou la totalité
des forêts protégées parmi les forêts possédées en vertu de la coutume. L’attribution
se fait alors par décret du président de la République (Exemples : permis de coupe
artisanale, permis de récolte).
Les forêts de production permanente sont les forêts soustraites des forêts protégées
par une enquête publique en vue de les concéder ; elles sont soumises aux règles
d’exploitation prévues par le Code forestier et ses mesures d’exécution. (Exemples :
concession forestière, forêt de communauté locale).

Bien que fragile dans ses franges peut-être, la forêt congolaise est d’une richesse
inégalée qui reste encore inexploitée. Son potentiel de régénération est jugé important.
Elle offre des potentialités réelles de développement de plusieurs cultures vivrières et
d’exportation hautement compétitives sur le marché mondial avec possibilité de
générer d’importantes ressources en devises que ce soit en exploitations industrielles
ou familiales.
Ces forêts possèdent une immense diversité d’espèces végétales et biologiques,
constituant ainsi un atout important pour le développement du pays. Cette riche flore
se répartit dans environ onze écosystèmes forestiers. Elle est intégralement ou
partiellement protégée et gérée dans un système d’aires protégées et autres unités de
gestion composées de huit parcs nationaux, cinquante-sept réserves et domaines de
chasse, trois réserves de biosphère, 117 réserves forestières de production, trois
jardins zoologiques et trois jardins botaniques (FAO, 2005).

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Carte n° 1 : Couvert forestier de la RD Congo

Source : WRI et MECNT, 2010, Atlas Interactif de la RD Congo, p. 10.


c) Les ressources pastorales, fauniques et halieutiques
Les ressources pastorales naturelles comprennent essentiellement les pâturages et
les cultures fourragères. Les étendues d’herbage et des savanes disponibles au
Congo sont susceptibles de supporter un élevage de plus de 40 millions de têtes de
gros bétail, contre un cheptel évalué à environ 700 000 têtes dans la deuxième moitié
des années 2000 et 1,5 million en 1990 (Note de Politique agricole, 2009 ; Programme
Cadre Intégré, 2010).
La faune congolaise est riche et variée. Le pays compte parmi les dix pays de la méga
biodiversité du monde avec 480 espèces de mammifères, 1 086 espèces d’oiseaux,
1 000 espèces de poissons, 352 espèces de reptiles, 220 espèces de batraciens et
plus de 10 000 angiospermes dont 3 000 seraient endémiques (DSCRP 1, 2006). L’on
y dénombre 1 596 espèces d’invertébrés aquatiques dont 1 423 d’eau douce et 183
marines ; 544 espèces d’invertébrés terrestres et 1 606 espèces de vertébrés
aquatiques. La faune ichtyologique compte une quarantaine de familles représentant
plus de 1 000 espèces dont près de 800 vivent dans le système du fleuve Congo. Le
pays abrite par ailleurs plus de genres de primates que tous les pays du monde.

Les aires de conservation dont les parcs nationaux, les zones cynégétiques et les
réserves de la biosphère favorisent cette diversité. L’on y retrouve des espèces rares
ou uniques au monde telles que l’Okapi, le Rhinocéros blanc, le Paon congolais, le
Chimpanzé nain (Bonobo), l’Eléphant nain, et le Gorille de montagne.
Un effort est mené en vue de conserver des échantillons représentatifs à travers un
réseau d’aires protégées dont cinq sont inscrites sur la liste du patrimoine mondial de
l’Unesco. Il s’agit de la réserve de faune à Okapi, des Parcs nationaux des Virunga,

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de la Garamba, de Kahuzi-biega et de la Salonga. Ce dernier, avec ses 3 600 000 ha,
est sans doute le plus grand parc forestier du monde et qui a la particularité d’abriter
le chimpanzé nain, communément appelé « bonobo » (MECNT, 2009).

Le potentiel halieutique du pays se trouvant dans les parties congolaises de l’Océan


Atlantique, du Fleuve Congo, de l’ensemble des lacs et des eaux intérieures est estimé
à plus de 707 000 tonnes de poissons par an. Or actuellement, la production interne
de poissons est estimée à moins de 200 000 tonnes (Note de Politique Agricole, 2009).
d) Les ressources en eau
La RD Congo dispose d’importantes ressources et d’abondantes réserves en eau. En
effet, la pluviosité est importante et régulière à travers l’ensemble du territoire où l’on
totalise plus de 1 200 mm de pluies par an en moyenne. Ensuite, le réseau
hydrographique du pays est l’un des plus développés au monde et la recharge
annuelle des nappes représente des volumes d’eau sans commune mesure avec les
besoins. Son fleuve mesurant 4 700 km de longueur, est après le Nil, le deuxième
fleuve le plus long d’Afrique, ou encore le premier fleuve d’Afrique le plus important
par son débit (40 000 à 50 000 m3/seconde) et la superficie de son bassin-versant
(3,80 millions de km²) et le deuxième au monde après l’Amazone. Et ce, sans compter
ses milliers de rivières et ses dizaines de lacs au potentiel économique tout aussi
important. Les plans d’eaux qui comprennent les écosystèmes fluvial, lacustre et marin
couvrent environ 86 080 km2, soit 3,5 % de la superficie du territoire national. La RDC
passe pour le pays le plus arrosé du continent africain, avec une moyenne de
ressources hydriques renouvelables internes de 900 km3/an, ce qui représente
presque le quart des ressources en eau douce du continent ; ses ressources en eaux
représentent 52 % des réserves totales du continent (Étude du Secteur Agricole,
2009). Le système fluvial couvre environ 34 000 km² sur un réseau de plus de
33 000 km² constitué par le Fleuve Congo, ses principaux affluents et rivières
secondaires. Le réseau hydrographique comprend notamment une trentaine de
grandes rivières totalisant plus de 20 000 km de berges.

Quant aux écosystèmes lacustres3, ils sont représentés par les nombreux lacs de l’Est,
ceux de la Cuvette centrale et quelques lacs de dépression. S’agissant des
écosystèmes marins, la RDC possède environ 40 km de façade maritime couvrant une
superficie de plus ou moins 2 000 km² de plan d’eau.
Le pays est également doté de nappes phréatiques facilement exploitables. Aucune
donnée ne semble disponible sur les eaux côtières et marines. Les formations
souterraines aquifères sont nombreuses et les nappes les plus facilement exploitables
se retrouvent dans des alluvions mais on les rencontre également dans des formations
gréseuses et calcaires (Étude du Secteur Agricole, 2009).

3 La situation des lacs se présente à peu près de la manière suivante : Lac Tanganyika (14 8000 km² sur les 32 900 km2 du
bassin), Lac Albert (2 420 km²), Lac Kivu (1 700 km² à 2 055 km² selon les sources et profondeur 485 m), Lac Édouard
(1 630 km²), Lac Moero (1 900 km²), Lac Édouard (2 325 km², profondeur de 112 m), et Albert (6 800 km², profondeur de
56 m), Lac Bangwelo et Lac Mweru (4 413 km², profondeur 37 m) sur la frontière zambienne, Lac Tumba, Lac Mai-Ndombe,
Lac Kamalondo (1 700 km²), le Lac Tshangalele (446 km²), Lac Nzilo (280 m), Lac Upemba, Lac Kisale, Lac Mukamba, etc.

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Les plans d’eau intérieure occupent 3,5 % de l’étendue du territoire national et son
potentiel représente plus de 50 % des réserves d’eau douce du continent africain
constituant une importante source potentielle d’énergie hydroélectrique. Ce potentiel
est estimé à environ 100 000 MW (le plus élevé en Afrique) mais la capacité de
production actuelle est évaluée à environ 2 500 MW, même pas le dixième de la
capacité totale potentielle (Étude du Secteur Agricole, 2009).

e) Les minerais de la RDC

La RDC est « un scandale géologique » tant ses ressources minières sont importantes
et diverses (Cuivre, cobalt, coltan, or, diamants). Premier producteur mondial de
cobalt, une matière première stratégique pour l’industrie automobile, la RDC est
également un important acteur pour le cuivre (1° producteur africain) et l’or. 80 % de
réserves mondiales de tantale (coltan) sont situées en RDC. Le pays est doté d’une
abondance de ressources minérales rares du nord-est au sud-est du pays.

Pays minier par excellence, la RDC est le siège de nombreuses exploitations de


métaux les plus variés répartis dans une multitude de mines et de carrières. Il recèle
une grande diversité d'espèces minérales aux faciès multiples, atteignant souvent une
haute valeur esthétique.

Les gîtes exploités sont répartis dans des massifs précambriens qui bordent au sud, à
l'est et au nord-est une vaste cuvette centrale sédimentaire. Ainsi, en tournant dans le
sens contraire des aiguilles d'une montre, on rencontre successivement du sud au
nord: les exploitations diamantifères du Kasai (Mbuji-Mayi, Tshikapa) ainsi que
quelques gîtes de cuivre (Tshiniama, Lubi); l'arc cuprifère du Katanga méridional, riche
également en cobalt et en uranium, avec les centres miniers de Kolwezi (Cu-Co), de
Likasi (Cu), de Kambove (Cu-Co), de Shinkolobwe (U) et de Lubumbashi (Cu), sans
négliger la mine de Kipushi exploitée pour le zinc, le cuivre et le germanium. Toujours
au Katanga, on croise successivement en remontant vers le nord le granite à étain de
Mitwaba et la pegmatite stannifère de Manono. La région du Kivu, englobant la
province du Maniema, est particulièrement riche en gîtes d'étain (Kalima), souvent
accompagné de columbo-tantalite (coltan). La pegmatite à béryl, columbite et uranium
de Kobokobo y est aussi localisée, ainsi que les placers aurifères de la Mobale. Au
nord de la région du Kivu affleure la carbonatite de Lueshe riche en pyrochlores et, à
la frontière rwandaise, la région des volcans renferme des laves dans lesquelles
plusieurs nouveaux silicates ont été découverts. Au nord du Congo, dans l’ex-province
orientale, se situent les célèbres exploitations aurifères dans la région dont celles de
Kilo-Moto. A l'extrémité occidentale du pays, à l'ouest de la capitale Kinshasa, le Bas-
Congo renferme quelques gîtes de vanadates de plomb et de zinc (Kusu-Senge),
tandis que le massif du Niari est le siège de belles minéralisations en silicates de cuivre
mais principalement sur le territoire du Congo Brazzaville.

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Le pétrole se retrouve à beaucoup d’endroits (Bas-Congo : eaux internationales
(océan atlantique) où il est exploité ; Lac Albert, Parc de Virunga, et ailleurs où il n’est
pas encore exploité.

Il existe dans beaucoup de territoires, des minerais non encore évalués et non encore
exploités.

Production de quelques minerais en 2018 (Banque centrale du Congo) :

- Cuivre : 1.225,2 milliers tonnes ;


- Cobalt : 109,4 milliers tonnes ;
- Zinc : 1.046,7 tonnes ;
- Diamants : 16.000 milliers de carats ;
- Or : 36,8 tonnes ;
- Pétrole brut : 8.392,7 milliers de barils.

3) La «malédiction des ressources naturelles» ou le paradoxe de


l’abondance

Au vu de leurs multiples utilisations dans divers secteurs, les ressources minières


jouent un rôle essentiel dans l’économie mondiale. Il serait donc logique qu’elles
représentent une source de développement à la fois économique et social pour les
pays qui en sont riches. Force est pourtant de constater que, dans de nombreux pays
du Sud dont les sous-sols regorgent de ces ressources, la réalité est tout autre.
Paradoxalement, on constate même souvent que ces pays sont parmi les plus pauvres
du monde. Ce paradoxe ne s’observe pas uniquement dans le cas des ressources
minières, mais également dans des pays dotés d’autres ressources, en particulier le
pétrole (Bolivie, Cameroun, Nigeria, Soudan, Irak, Libye, Indonésie). C’est pourquoi
certains parlent d’une «malédiction» des ressources naturelles: au lieu de profiter de
ces richesses, de voir le bénéfice de leur exploitation, les populations vivant aux
alentours des gisements d’or, de coltan ou de pétrole subissent les multiples impacts
négatifs qui découlent de leur exploitation. Ces impacts représentent chacun l’une des
dimensions de la malédiction des ressources (pollutions environnementales, menaces
sur la santé et les conditions de travail, menaces sur la sécurité et la souveraineté
alimentaires, corruption, fraude et évasion fiscale, conflits et violences armées).

En RDC depuis longtemps, bien avant le conflit de 1998, de telles richesses naturelles
ont fait l’objet de troc, de contrebande et de trafic enrichissant la classe dirigeante de
l’ex-Zaïre. Elles ont toujours exacerbé les convoitises des pays voisins de la RDC,
notamment le Rwanda et l’Ouganda. Elles expliquent l’occupation des provinces dans
l’est du pays par les troupes rwandaises et ougandaises entre 1996 et 2002, durant le
conflit ainsi que les luttes fratricides entre le Rwanda et l’Ouganda sur le sol congolais.

Toutefois, cela ne se passe pas toujours de cette façon! Les gouvernements de


certains pays producteurs de minerais, comme le Canada, la Norvège ou le Botswana,
ont réussi à mettre en place une exploitation de leurs ressources qui a contribué de

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manière significative au développement de leur pays et de la population. La
malédiction des ressources n’est pas une fatalité! Différentes initiatives - en cours,
futures et à prendre - menant à une gestion et une exploitation responsables des
ressources existent.
- Ressources naturelles et conflits armés

Les relations entre guerres et ressources naturelles ont conduit à une écologie
politique de la guerre analysant les guerres de ressources, environnementales, de
pillage ou de sécession liées aux ressources naturelles. Un État détenteur de
ressources en hydrocarbures a neuf fois plus de risques d’être le théâtre de conflits
armés qu’un État non pourvu. Les ressources naturelles peuvent fournir les moyens
de financer les rébellions motivées par d’autres intérêts que les ressources elles-
mêmes. Elles peuvent, étant concentrées dans un territoire délimité, favoriser des
tentatives sécessionnistes. Elles conduisent à des comportements rentiers interdisant
ou retardant des institutions fortes. Les ressources naturelles du sous-sol peuvent, du
fait de leur abondance, attiser des contrôles par la violence (coloniale, impérialiste,
pillage). Les ressources naturelles du sol peuvent, du fait de leur rareté (eau, terre),
raviver les tensions. Il n’y a pas toutefois de lien déterministe même si la malédiction
des ressources naturelles est forte. Les guerres environnementales sont, elles-
mêmes, dépendantes des politiques mises en œuvre.

Les conflits sont selon des degrés différents une combinatoire des quatre
configurations. Le Kivu est à la fois une guerre environnementale et de pillage, le
Darfour une guerre environnementale et énergétique. Au Kivu, une économie militaire
et criminelle s’organise autour des filières du coltan, de l’or et de l’étain. Ces filières
ont elles-mêmes des ramifications régionales et internationales. Une économie
criminelle se constitue autour du travail des enfants sous contrôle des militaires ou
sociétés de sécurité, acheteurs et courtiers, exportateurs clandestins jusqu’à ce qu’au
niveau international ces produits rentrent dans la légalité.

Les richesses naturelles essentiellement du sous-sol permettent le financement des


conflits tout en en étant l’un des principaux enjeux. Déterminés à l’origine par la
captation de ressources, les conflits s’auto-entretiennent. Les rentes minières
permettent l’achat d’armes et le recrutement de rebelles. On peut ainsi différencier les
guerres liées au pétrole dénommé au Nigeria « la merde du diable » (Angola,
Casamance, Congo, République centrafricaine, Ogaden, Soudan, delta du Niger au
Nigeria, Tchad), au diamant (Angola, Guinée, Liberia, Nord Côte-d’Ivoire, République
démocratique du Congo, Sierra Leone), aux métaux précieux (or, coltan [columbite-
tantale] ayant la couleur du bitume, l’odeur de l’argent et le goût du sang) au Kivu en
République démocratique du Congo, à l’uranium (Touareg au contrôle de l’eau,
riverains du Niger et fleuve Sénégal), aux narcodollars, au contrôle des ressources
agricoles (coton au nord de la Côte-d’Ivoire, café et cacao au sud), des ressources
forestières ou des terres (Burundi, Côte-d’Ivoire, Darfour, Rwanda), aux espaces
surdensifiés en voie de stress hydrique et de désertification (Sahel, Corne de l’Afrique,

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Afrique australe), au contrôle des routes maritimes et à la piraterie (mer Rouge, golfe
d’Aden, golfe de Guinée).

Les conflits pour contrôler les ressources s’auto-entretiennent en permettant les


achats d’armes, les recrutements de miliciens. Tel est le cas au Kivu des contrôles des
mines de coltan, d’or, d’étain par les rebelles hutus, tutsis, les troupes loyalistes ou du
Rwanda. Les conflits impliquent des acteurs régionaux et internationaux. On a vu ainsi
se développer en République démocratique du Congo de nouvelles configurations
conglomérales correspondant à des pratiques déloyales face aux règles anciennes
mises en place par les grands oligopoles. Ces nouveaux conglomérats résultent de
joint-ventures entre des sociétés liées aux armées ougandaises ou zimbabwéennes,
ainsi que des intérêts israéliens. L’économie de pillage est assurée par un consortium
d’hommes d’affaires, de mercenaires, de vendeurs d’armes de compagnies de
sécurité face à la défaillance des États. On observe également autour de la drogue
tout un circuit mafieux source de violence
4) Conséquences de la répartition inégale des ressources
La distribution des ressources fait référence à l'occurrence géographique ou à la
disposition spatiale des ressources sur la Terre. En d'autres termes, où se trouvent les
ressources. Un endroit donné peut être riche en ressources que les gens désirent et
pauvre en d’autres.

Les basses latitudes (latitudes proches de l'équateur) reçoivent davantage d'énergie


du soleil et beaucoup de précipitations, tandis que les latitudes plus élevées (latitudes
plus proches des pôles) reçoivent moins d'énergie du soleil et trop peu de
précipitations. Le biome forestier tempéré à feuilles caduques offre un climat plus
tempéré, ainsi qu'un sol fertile, du bois d'œuvre et une faune abondante. Les plaines
offrent des paysages plats et un sol fertile pour la culture, tandis que les montagnes
escarpées et les déserts secs sont plus difficiles. Les minéraux métalliques sont plus
abondants dans les zones à forte activité tectonique, tandis que les combustibles
fossiles se trouvent dans les roches formées par dépôt (roches sédimentaires).
Les conséquences de la répartition inégale des ressources dépendent de l’échelle
spatiale et de la nature des ressources.
- Concentration de la population
Les gens ont tendance à s'installer et à se regrouper dans des endroits qui disposent
des ressources nécessaires pour survivre et prospérer. Les facteurs géographiques
qui influencent le plus l'endroit où les humains s'installent sont l'eau, le sol, la
végétation, le climat et le paysage. Parce que l'Amérique du Sud, l'Afrique et l'Australie
ont moins de ces avantages géographiques, leur population est inférieure à celle de
l'Amérique du Nord, de l'Europe et de l'Asie. Les régions urbaines concentrent activités
et population ; l’urbanisation est un moteur nécessaire, mais non suffisant de
croissance économique. Par voie de conséquence, la croissance s’accompagne
d’inégalités intra-urbaines et interurbaines considérables.

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- Migrations démographiques

En l’absence de ressources indispensables, des groupes de personnes, cherchant une


vie meilleure, déménagent vers un lieu plus propice. Les exemples abondent : la ruée
vers l’or en Amérique du Nord (XIXe siècle), les boat-people vietnamiens (1975-1980)
ou, depuis le début du XXIe siècle, les africains qui vont s’échouer sur de
nombreuses îles de la Méditerranée. Pour qu’il y ait migration, il faut des forces
répulsives à l’origine, et attractives à la destination. Les villes agissent souvent comme
des aimants pour les migrants qui s’entassent en périphérie (bidonvilles). Il existe bien
d’autres types de migrations : les entreprises, étant inégalement réparties, vont
générer des migrations alternantes de travail, entraînant congestion et pollution sur
des territoires de plus en plus vastes (périurbanisation) ; les migrations touristiques,
enfin, sont aussi en constante progression avec le développement du tourisme dans
les pays émergents. On estime le nombre de touristes internationaux à 850 millions.
Toute migration a des impacts socio-spatiaux forts, à l’origine comme à la destination.
- Activités économiques dans une région liée aux ressources de cette région.
Les activités économiques directement liées aux ressources incluent l'agriculture, la
pêche, l'élevage en ranch, la transformation du bois, la production de pétrole et de gaz,
les mines et le tourisme.
- Commerce

Les pays ne disposent peut-être pas des ressources importantes pour eux, mais le
commerce leur permet d’acquérir ces ressources à partir de pays qui en ont. Le Japon
est un pays aux ressources naturelles très limitées et pourtant l'un des pays les plus
riches d'Asie. Sony, Nintendo, Canon, Toyota, Honda, Sharp, Sanyo et Nissan sont
des sociétés japonaises à succès qui fabriquent des produits très recherchés dans
d'autres pays. Grâce au commerce, le Japon dispose de suffisamment de richesses
pour acheter les ressources dont il a besoin.
- Conquête, conflit et guerre.

De nombreux conflits historiques et actuels impliquent des pays qui tentent de


contrôler des territoires riches en ressources. Par exemple, le désir de ressources en
diamants et en pétrole a été la cause de nombreux conflits armés en Afrique.
- Richesse et qualité de vie.

Le bien-être et la richesse d'un lieu sont déterminés par la qualité et la quantité de


biens et de services disponibles pour les habitants de ce lieu. Cette mesure est connue
sous le nom de niveau de vie. Les ressources naturelles étant une composante
essentielle des biens et des services, le niveau de vie nous donne également une idée
du nombre de ressources dont disposent les habitants d'un lieu.

Il est important de comprendre que si les ressources sont TRÈS importantes, ce n’est
pas la présence ou le manque de ressources naturelles dans un pays qui rend un pays
prospère. En fait, certains des pays les plus riches manquent de ressources naturelles,

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alors que beaucoup de pays plus pauvres disposent de ressources naturelles
abondantes!

Alors de quoi dépendent la richesse et la prospérité? La richesse et la prospérité


dépendent: (i) des ressources auxquelles un pays a accès et (ii) de ce que le pays en
fait (efforts et compétences des travailleurs et de la technologie disponible pour la
plupart de ces ressources).

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III. Population et développement économique
L'activité économique a besoin de main-d'œuvre, et par exemple une main-d’œuvre
qualifiée se trouve dans les grandes villes, les villes universitaires, une main-d'œuvre
ouvrière dans des régions industrielles, une main-d'œuvre à bon marché dans les
milieux ruraux et les pays pauvres, une main-d'œuvre docile dans des États
dictatoriaux…L'activité économique a besoin de consommateurs, plus nombreux dans
les régions urbanisées, et au pouvoir d'achat plus élevé dans les pays développés ;
l'activité économique provoque des nuisances (risques d'accidents, pollution, bruit), et
les décideurs, économiques comme politiques, peuvent être poussés à éloigner ces
activités de l'habitat, sous la pression des citoyens.

Avec le développement de l'économie du savoir, les activités à


forte technologie tendent à se développer près des sources de recherche et
d'éducation (universités réputées).
« La démographie, c’est le destin » : cette formule souvent invoquée suggère que la
taille, la croissance et la structure de la population d’un pays déterminent son tissu
socioéconomique et politique à long terme. Elle met en évidence le rôle de la
démographie dans la configuration des questions nombreuses et complexes
auxquelles sont confrontées les sociétés, dont plusieurs se rapportent à la croissance
et au développement économiques. Il est toutefois exagéré de dire que la
démographie détermine tout : c’est minimiser le fait que les trajectoires
démographiques, tout comme leurs incidences sur le développement, réagissent aux
incitations économiques, aux réformes politiques et institutionnelles, ainsi qu’à
l’évolution des technologies, des normes culturelles et des comportements. Le monde
connaît aujourd’hui un bouleversement démographique considérable constitué de trois
volets : croissance de la population, évolution de la fécondité et de la mortalité, et
modifications correspondantes de la pyramide des âges.
a) Croissance de la population

Il a fallu plus de 50 000 ans pour que la population mondiale atteigne le milliard
d’habitants. Depuis 1960, des milliards d’habitants supplémentaires se sont ajoutés
tous les dix ou vingt ans. La population mondiale était de trois milliards en 1960 ; elle
a atteint six milliards au tournant du siècle et, selon les prévisions de l’Organisation
des Nations Unies (ONU), elle dépassera neuf milliards d’ici 2037. Ce taux de
croissance de la population s’est toutefois ralenti : après avoir culminé à plus de 2 %
par an à la fin des années 60, il avoisine aujourd’hui 1 %, et devrait diminuer de moitié
d’ici 2050. Bien que le revenu mondial par habitant ait plus que doublé, que l’espérance
de vie ait augmenté de 16 ans, et que la scolarisation des enfants en primaire soit
devenue pratiquement universelle entre 1960 et 2000, la rapide croissance de la
population pose d’innombrables défis redoutables tant sur le plan public que
privé, notamment : répondre aux besoins croissants de nourriture, vêtements,
logements, d’éducation et d’infrastructures ; intégrer des effectifs considérables dans
des emplois productifs ; et protéger plus rigoureusement l’environnement. Même si la

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nature explosive de la croissance démographique mondiale s’atténue en termes
relatifs, les augmentations d’une décennie sur l’autre demeurent considérables et
partent de chiffres chaque fois plus élevés. Les anciennes craintes d’une explosion
démographique mondiale ont, dans une certaine mesure, cédé le pas à celles d’une
croissance rapide de la population en particulier dans certains pays et certaines
régions.

Le ralentissement général du taux de croissance démographique mondial masque en


effet de différences considérables dans la répartition de la population de la planète
selon l’état de développement et la région géographique. Les pays classés par l’ONU
comme pays moins développés comptaient 68 % des habitants de la planète en 1950 ;
ils en représentent aujourd’hui 84 %. Cette proportion va continuer d’augmenter, car
sur les près de 2 milliards nets d’habitants qui devraient s’ajouter à la population
mondiale au cours des trente prochaines années, pratiquement tous naîtront dans des
régions moins développées. C’est là un enjeu majeur puisque les régions moins
développées ont tendance à être plus fragiles — politiquement, socialement,
économiquement et écologiquement — que les régions plus développées. Avec
1,44 milliard d’habitants, la Chine est actuellement le pays le plus peuplé au monde,
suivi de l’Inde, avec 1,38 milliard d’habitants. Mais d’ici la fin de la décennie, l’Inde
arrivera en tête, avec des projections de 1,5 milliard d’habitants, contre 1,46 milliard
pour la Chine. Entre 2020 et 2050, le Nigéria (qui devrait dépasser les États-Unis pour
devenir le troisième pays le plus peuplé de la planète) et le Pakistan (déjà parmi les
dix pays les plus peuplés) connaîtront un bond spectaculaire. L’Asie continuera
d’abriter une proportion dominante mais décroissante de la population mondiale (60 %
aujourd’hui et 54 % en 2050). Enfin, malgré la croissance continue de la population
mondiale, 61 pays et territoires qui abritent actuellement 29 % de la population
mondiale devraient connaître une croissance démographique négative entre 2020 et
2050, le déclin le plus prononcé (-23 %) étant prévu en Bulgarie.
b) Mortalité, fécondité et migration

La taille et la croissance d’une population témoignent des forces sous-jacentes de la


mortalité, de la fécondité et des migrations internationales. Ces forces varient
considérablement d’un pays à l’autre et peuvent contribuer à expliquer les principaux
écarts d’activité et de résultats économiques, en termes de capital physique, travail et
d’accumulation de capital humain, de bien-être et croissance économiques, et de
pauvreté et inégalités. Ces forces réagissent en général aux chocs économiques ;
elles peuvent aussi réagir à l’évolution de la situation politique, notamment au début et
à la fin de conflits et de crises de gouvernance. Dans nombre de pays en
développement, la croissance démographique a été liée à un phénomène de
« transition démographique », soit le passage d’un fort à un faible taux de mortalité,
suivi d’une évolution correspondante du taux de natalité.

Durant la plus grande partie de l’histoire de l’humanité, un individu vivait environ


30 ans. Mais entre 1950 et 2020, l’espérance de vie est passée de 46 à 73 ans et
devrait encore augmenter de quatre ans d’ici 2050. En outre, d’ici 2050, l’espérance

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de vie devrait dépasser 80 ans dans 91 pays et territoires au moins, qui abriteront alors
39 % de la population mondiale. Cet accroissement de la longévité est une réussite
humaine colossale, conséquence de l’amélioration des perspectives de survie tout au
long du cycle de vie, mais surtout chez les nourrissons et les enfants. La convergence
de l’espérance de vie d’un pays à l’autre reste forte. À titre d’exemple, l’écart
d’espérance de vie entre l’Afrique et l’Amérique du Nord était de 32 ans en 1950 et de
24 ans en 2000 ; il est de 16 ans aujourd’hui. La diminution historique et prévisible des
disparités entre pays en matière de santé témoigne de l’amélioration des revenus et
de la nutrition dans les pays à revenu faible et intermédiaire, de la diffusion des
innovations dans les technologies et dans les établissements de santé et de la
distribution de l’aide internationale.

Dans les années 50 et 60, une femme avait environ cinq enfants durant ses années
de fécondité. Aujourd’hui, elle en a un peu moins de 2,5, ce qui s’explique sans doute
par le coût croissant de l’éducation des enfants (y compris le coût d’opportunité,
comme en attestent essentiellement les salaires des femmes), l’accès accru à une
contraception efficace, et peut-être aussi l’insécurité croissante des revenus. Cette
baisse de la fécondité a d’incalculables incidences socioéconomiques. Elle a
notamment contribué à soulager nombre de femmes de la charge d’engendrer et
d’élever des enfants. Elle a aussi contribué à autonomiser les femmes dans leur foyer,
leur communauté et leur société et leur a permis de participer plus activement au
marché du travail rémunéré. Tous ces facteurs plaident en faveur d’une faible
fécondité. Entre 1970 et 2020, le taux de fécondité a baissé dans tous les pays du
monde. Il a eu tendance à diminuer davantage dans les pays où il était initialement
élevé, autre aspect de la convergence démographique. Géographiquement, l’Afrique
et l’Europe sont aujourd’hui les régions où les taux de fécondité sont respectivement
les plus élevés (4,3) et les plus faibles (1,6). Si la pyramide des âges d’une population
est suffisamment concentrée sur les années les plus fécondes, la croissance de la
population pourra être positive à court et à moyen termes même avec un taux de
fécondité de 2,1, car la faible fécondité par femme sera largement compensée par le
nombre de femmes ayant des enfants. Cette caractéristique de la dynamique de la
population est qualifiée d’élan démographique et permet d’expliquer (avec les
migrations) pourquoi la population augmente actuellement dans 69 pays et territoires,
alors que leur taux de fécondité est inférieur à 2,1.

Les migrations internationales ont aussi leur importance pour la croissance


démographique. Elles ont une très forte incidence dans un certain nombre de pays,
tels que le Guyana, les Samoa et les Tonga, qui ont connu une forte émigration nette
au cours des trente dernières années. Le Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar
ont enregistré les taux les plus élevés d’immigration nette. Parmi les dix
superpuissances démographiques du monde, les migrants ont la présence relative la
plus forte aux États-Unis (15 % en 2019). Pour la plupart des pays, toutefois, les
migrations internationales n’ont pas été une force démographique dominante, car plus
de 96 % de la population mondiale vit aujourd’hui dans son pays de naissance.

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c) Dynamique de la pyramide des âges

La pyramide des âges d’une population reflète essentiellement son historique de


fécondité et de mortalité. Dans les populations à forte mortalité, la hausse du taux de
survie a tendance à se produire en prédominance chez les enfants, ce qui se traduit
dans les faits par un boom des naissances. Tôt ou tard, cette explosion prend fin, car
la fécondité ralentit à mesure que s’installe le sentiment d’une meilleure survie des
enfants et que le nombre désiré d’enfants baisse avec le développement économique.
Toutefois, lorsque ces cohortes relativement grandes de « baby-boomers » passent
de l’adolescence à l’âge adulte, la tranche de population la plus apte à travailler et à
épargner augmente considérablement. Cette situation renforce la capacité productive
de l’économie par habitant et donne l’occasion d’augmenter les revenus et de réduire
la pauvreté rapidement. À en juger par les événements de ces dix dernières années,
des soulèvements dans le monde arabe aux grandes manifestations plus récentes au
Chili et au Soudan, il est clair également que les pays ne parvenant pas à créer
suffisamment d’emplois pour de grandes cohortes de jeunes adultes s’exposent à une
instabilité sociale, politique et économique.

Le concept de « dividende démographique » désigne le processus par lequel


l’évolution de la pyramide des âges peut stimuler la croissance économique. Il dépend,
bien sûr, de plusieurs facteurs complexes, notamment de la nature et du rythme de
l’évolution démographique, du fonctionnement des marchés du travail et des capitaux,
de la gestion macroéconomique et des politiques commerciales, de la gouvernance et
de l’accumulation de capital humain. Toutefois, selon le modèle de dividende
démographique, il est possible d’expliquer bien des écarts de résultats économiques
antérieurs entre différents pays et régions (Asie de l’Est par rapport à l’Amérique latine
par rapport à l’Afrique subsaharienne, par exemple) et de déterminer les paramètres
nationaux plus ou moins annonciateurs de croissance économique future. Ainsi, entre
2020 et 2030, le Népal, la Jordanie, le Bhoutan et l’Eswatini devraient connaître la plus
forte progression au monde de la proportion d’actifs par rapport aux non-actifs.

Le rapport de dépendance économique (l’inverse du rapport actifs/inactifs) la pression


économique exercée sur les actifs pour subvenir non seulement à leurs propres
besoins, mais aussi à ceux des personnes qui ne sont pas en âge de travailler. En
1990, ce rapport était nettement inférieur dans les régions plus développées que dans
les moins développées (0,68 contre 1,04). Dès 2020 toutefois, en raison de différentes
tendances à la baisse de la fécondité et au vieillissement de la population, ce rapport
a augmenté à 0,70 dans les régions plus développées et diminué à 0,75 dans les
régions moins développées. Et d’ici 2050, il devrait être supérieur dans les régions
plus développées (0,89) à celui des régions moins développées (0,77).

Cette inversion semble indiquer que dans les décennies à venir, la démographie sera
plus favorable au bien-être économique dans les régions moins développées que dans
les régions plus développées, ce qui sera surtout vrai en Afrique, seule région où ce
rapport devrait diminuer d’ici 2050. Pour les pays qui n’ont pas encore connu de
véritable transition démographique (République centrafricaine, Sierra Leone, Somalie

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et Tchad), les politiques économiques sont judicieusement orientées pour la faciliter :
elles prévoient notamment des investissements en faveur de la survie des nourrissons
et des enfants, tels que l’élargissement de la couverture vaccinale et de l’accès à des
systèmes de soins de santé primaires bien équipés et dotés d’un personnel approprié.
Pour les populations qui ont vu s’améliorer la santé et augmenter le taux de survie, les
pays gagneraient à mettre en place des politiques permettant une baisse de la
fécondité, notamment en favorisant l’éducation des filles et l’accès aux services de
santé génésique et de planification familiale. Et dans les pays où une part relativement
importante de la population est concentrée dans les tranches d’âge à forte capacité de
travail et d’épargne, il convient d’instituer des politiques visant à tirer parti des
avantages potentiels d’une démographie favorable, notamment : encourager le
fonctionnement de marchés compétitifs du travail et des capitaux, équiper les
travailleurs en capital humain, bâtir des infrastructures, assurer une solide gestion
macroéconomique, élaborer de judicieuses politiques commerciales et garantir une
bonne gouvernance.

De telles politiques sont toujours souhaitables, mais lorsque la tranche de population


en âge de travailler est significative, les enjeux sont d’autant plus importants. Un
certain nombre de pays risquent d’avoir des difficultés à investir dans ces différents
trains de mesures, car leur revenu par habitant est actuellement plus faible en termes
réels qu’il ne l’était dans un certain nombre de pays aujourd’hui avancés lorsqu’ils en
étaient à un stade démographique comparable.
d) Grisonnement mondial

Le vieillissement de la population est la tendance démographique dominante du


XXIe siècle — résultat de l’accroissement de la longévité, de la baisse de la fécondité
et de la progression de grandes cohortes vers le troisième âge. Jamais auparavant de
tels nombres de personnes avaient atteint les âges de 65 ans et plus (seuil traditionnel
de la vieillesse). Un nouveau milliard de personnes âgées devrait s’ajouter dans les
trente à quarante prochaines années aux plus de 700 millions d’aînés existant
aujourd’hui. Parmi cette population, le groupe des 85 ans et plus augmente
particulièrement vite et devrait dépasser un demi-milliard au cours des 80 prochaines
années. C’est une tendance significative, car les besoins et les capacités de cette
tranche d’âge ont tendance à être sensiblement différents de ceux des 65 à 84 ans.
Même si tous les pays du monde vont connaître ce phénomène de vieillissement, celui-
ci progressera de façons considérablement différentes. Le Japon est actuellement le
chef de file mondial, avec 28 % de sa population âgée de 65 ans et plus, le triple de la
moyenne mondiale. D’ici 2050, 29 pays et territoires auront une proportion d’aînés plus
élevée que celle du Japon aujourd’hui. En effet, la République de Corée dépassera le
Japon pour atteindre le taux record de 38,1 % de personnes âgées. L’âge médian au
Japon (48,4) est également aujourd’hui le plus élevé au monde et plus du double de
celui en Afrique (19,7), mais d’ici 2050, la Corée (âge médian de 56,5 en 2050) devrait
aussi dépasser le Japon (54,7) pour cette mesure. Il y a trente ans, le monde comptait

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plus de trois fois plus d’adolescents et de jeunes adultes (15 à 24 ans) que de
personnes âgées.

Dans trente ans, ces tranches d’âge seront pratiquement au même niveau. Par
catégorie de revenu, la plus forte augmentation du nombre de personnes âgées se
produira dans les pays actuellement classés comme pays à revenu intermédiaire, ce
qui n’est pas surprenant dans la mesure où ces pays représentent 74 % de la
population mondiale. Ce qui peut surprendre est que la proportion de personnes âgées
dans ces pays augmente beaucoup plus rapidement que dans les pays à revenu faible
ou élevé. En outre, par rapport aux pays à revenu élevé, les pays à revenu
intermédiaire d’aujourd’hui devraient connaître des revenus réels sensiblement plus
élevés lorsque leurs proportions de personnes âgées auront augmenté à des niveaux
comparables : l’argument courant selon lequel les pays en développement vieillissent
avant de devenir riches est ainsi démenti. Le principal défi pour les pays à revenu
intermédiaire n’est pas une insuffisance de revenu pour subvenir aux besoins de leurs
aînés, mais plutôt l’efficacité avec laquelle leurs institutions et leurs politiques peuvent
favoriser la sécurité socioéconomique des personnes âgées de façon financièrement
pérenne. Le vieillissement de la population alarme le monde entier. Savoir si cette
longévité accrue signifie de vivre plus ou moins longtemps dans la fragilité, telle est
l’une des questions sans réponse les plus fondamentales à laquelle sont confrontés
les décideurs publics et privés de la planète.

Les économistes continuent de s’interroger sur la croissance économique qui risque


d’être tirée vers le bas par des pénuries de main-d’œuvre et de capitaux et par la chute
des prix des actifs à l’avenir, lorsqu’une cohorte de plus en plus nombreuse et âgée
cherchera à subvenir à ses besoins en liquidant ses investissements. Autre grande
question, celle des contraintes budgétaires : les finances des États seront mises à rude
épreuve par la hausse des engagements de retraites et le coût des soins de santé et
de longue durée résultant de l’augmentation prévue de l’incidence et de la prévalence
de maladies chroniques, telles que le cancer, entre autres. Ces problématiques seront
toutefois partiellement compensées par la valeur croissante, mais généralement
négligée, créée par le troisième âge sous forme d’activités productives non
marchandes, comme le bénévolat et les prestations de soins. En l’absence
d’enseignements historiques d’un monde peuplé de tant de personnes âgées, notre
avenir collectif est d’autant plus incertain. Il serait toutefois irresponsable de faire
comme si de rien n’était face aux défis du vieillissement démographique.

Diverses solutions pourraient atténuer le poids économique de ce vieillissement,


notamment des réformes visant à favoriser la viabilité financière et l’équité
intergénérationnelle du financement des systèmes de santé et de retraite. Le
relèvement de l’âge légal de la retraite, resté relativement stable dans presque tous
les pays depuis plusieurs décennies pourrait aussi alléger la charge. Des incitations
fiscales à la natalité constituent également une option à long terme, bien que leur effet
sur la fécondité reste encore à prouver. D’autres stratégies consistent notamment pour
les systèmes de santé à privilégier la détection précoce et la prévention des maladies,

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en sensibilisant davantage la population, par exemple, aux bienfaits de l’activité
physique et en la subventionnant. Atténuer les obstacles institutionnels et
économiques à l’immigration internationale en provenance de régions dotées de
grandes populations en âge de travailler pourrait réduire les pénuries de main-
d’œuvre.

Enfin, les innovations technologiques rendront probablement plus tolérables les effets
du vieillissement de la population. De nouveaux médicaments de nature à ralentir le
processus de vieillissement et à prolonger la vie en bonne santé, ainsi que l’invention
et l’utilisation de dispositifs d’assistance, tels que les robots, en sont deux exemples
parmi tant d’autres. Des innovations institutionnelles se profilent également à l’horizon,
notamment les nouveaux modèles de soins de santé à domicile, de réseaux de
transports publics, de conception des aménagements urbains et d’instruments
financiers.

Concrètement, les indicateurs démographiques mondiaux, régionaux et nationaux ont


considérablement évolué depuis le début des années 50 et sont appelés à connaître
des changements tout aussi radicaux dans les prochaines décennies. Parmi les
phénomènes démographiques mondiaux, l’enjeu prioritaire reste le vieillissement, et
non plus la croissance de la population. Toutefois, ces deux phénomènes et leurs
facteurs sous-jacents ont eu et continueront d’avoir de profondes répercussions sur
une multitude d’indicateurs et de paramètres du bien-être économique et du progrès.
Les données démographiques ne sont pas figées, leurs implications pour le bien-être
individuel et collectif non plus.

e) La transition démographique

Par transition démographique, l’on entend le passage d’un régime des taux de natalité
et de mortalité élevés à celui avec des taux bas. La transition démographique
commence par la baisse de la mortalité (grâce à une meilleure alimentation surtout,
en Europe, au 18ème siècle). Au début, la mortalité reste élevée, du fait de l’inertie des
comportements démographiques et donc l’écart entre natalité et mortalité s’accroît,
provoquant la hausse de la population (le taux de croissance démographique est la
différence entre le taux de natalité et de mortalité). En fait, la transition démographique
est bien à l’origine de l’explosion démographique. Puis, les comportements changent,
les gens ont moins d’enfants, du fait d’un mode de vie industriel et urbain
complètement différent, et le taux de natalité baisse à son tour. On retrouve, une fois
la transition terminée, un rythme d’accroissement comparable à celui du départ, mais
avec des taux de natalité et de mortalité bien inférieurs. L’Amérique latine, l’Asie et
l’Afrique suivent la même évolution au 20ème siècle, avec comme différence que les
progrès alimentaires ne sont pas le facteur principal à l’origine de la baisse de
mortalité, mais bien plutôt les progrès médicaux apportés de l’extérieur. La transition
démographique en Europe est donc endogène, en ce sens où ce sont les progrès
locaux de l’agriculture qui en sont l’origine, elle est exogène dans le Tiers-Monde.

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La différence majeure entre les PED aujourd’hui et les pays riches au 19 ème siècle est
que, chez ces derniers, la baisse de la mortalité a été le résultat des progrès
économiques et sociaux, et s’est faite de façon progressive. Dans le Tiers-Monde, au
contraire, elle n’a pas résulté d’abord du développement économique, mais des
améliorations sanitaires et médicales, apportées de l’extérieur dans le cadre de la
colonisation, et qui ont entraîné une hausse rapide de la population. La hausse de
l’espérance de vie et la baisse de la mortalité infantile sont parmi les manifestations
les plus évidentes des progrès médicaux issus de l’ère coloniale.
Fig. 1 : Transition démographique

Source : Gilles Pison, 2008, « L’avenir démographique des pays du Sud. Les certitudes et les
interrogations », Revue économique, 2008/5-Vol 59, p. 869-891.

Le débat sur la relation entre la croissance démographique et le développement


économique reste vif à travers la littérature. Dans les années qui suivent les
indépendances, les thèses les plus pessimistes étaient défendues à propos de l’effet
de l’explosion démographique sur la situation économique des PED, avec l’idée
générale que l’augmentation de la population absorbait toute augmentation de la
production, et que le revenu par tête était condamné à stagner. Cette crainte avait déjà
été formulée au 19ème siècle en termes simples par Mill : « la croissance de la
population talonne les améliorations agricoles et efface ses effets aussitôt qu’ils sont
produits ». On avançait même que la thèse de Malthus, qui s’était révélée fausse pour
les pays développés, allait se vérifier au niveau planétaire. Ainsi donc, fallait-il, selon
une formule frappante, « accroître la fertilité des sols et diminuer celle des humains ».
C’est à partir de là qu’ont été développées les politiques antinatalistes dans le Tiers-
Monde. Les plus notables étant les stérilisations forcées en Inde dans les années 1970
et la politique de l’enfant unique en Chine.
D’autres arguments étaient présentés en faveur de ces politiques :

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- La proportion de la population active diminue par rapport à la population totale,
et la charge des inactifs s’alourdit (40% de la population a moins de 15 ans
dans le Tiers-Monde, contre 20% pour les pays développés) ;
- L’accroissement de la population entraîne la nécessité d’investissements en
infrastructures du type logement, éducation, santé, moins productifs à court et
moyen terme que les investissements agricoles ou industriels et absorbent
l’essentiel de l’épargne ;
- La hausse continue de l’offre de travail est un facteur de chômage et rend les
problèmes urbains plus aigus.
Les arguments en sens inverse (économies d’échelle réalisées grâce à une population
élevée, demande potentielle des nouveaux consommateurs) semblaient faibles face
aux inconvénients d’une croissance démographique rapide, et des politiques de
limitation des naissances ont été mises en place. Elles ont plus ou moins réussi dans
le sens où une baisse de natalité a été enregistrée, notamment en Chine et en Inde.
Mais, elles ont échoué dans la mesure où elles n’ont pas été les facteurs de
l’amélioration de la situation économique du Tiers-Monde. En effet, leur mise en place
résulte d’une analyse contestée des relations causales, qui semblent plutôt s’agencer
de la façon suivante :

- L’introduction de progrès médicaux dans les PED a entraîné une augmentation


rapide de la population ;
- Celle-ci, contrairement aux thèses pessimistes évoquées ci-haut, a finalement
eu des effets favorables sur la croissance économique ;
- Ce sont ces progrès économiques, liés aux progrès du système éducatif, qui
sont à l’origine du reflux de la natalité constaté dans le Tiers-Monde

La croissance démographique a stimulé la croissance économique

Albert Hirschman notait déjà en 1958 que la croissance de la population constituait un


défi permettant finalement la hausse du produit par habitant.

Outre les raisons déjà invoquées (économies d’échelle, hausse de la demande), on


peut avancer les arguments suivants :
- La hausse de la durée de vie, liée à la baisse de la mortalité, notamment
infantile, modifie les comportements, dans un sens plus favorable à l’épargne,
à l’accumulation du capital, et à l’investissement humain ;
- Le dynamisme est souvent lié à une population jeune, mieux formée et prête à
adopter de nouvelles idées. Le baby boom de l’après-guerre dans le monde
développé a été suivi de trente années de croissance forte. Les PED peuvent
également profiter de ce « dividende démographique » ;
- La tendance au surpeuplement pousse à l’adoption de techniques modernes
dans le domaine agricole (Boserup, 1970). On passe ainsi d’une agriculture
extensive à une agriculture intensive : « dans un peuple de chasseurs, chaque
individu a besoin de quelques kilomètres carrés pour pouvoir survivre, les

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agriculteurs ont besoin de beaucoup moins d’espace, et plus les techniques
employées seront perfectionnées, plus on pourra nourrir de gens avec une
même superficie cultivée (…). Sur le plan mondial, il existe un énorme potentiel
d’accroissement de la production alimentaire ».

Certains économistes se sont demandés si des effets de seuil ne jouaient pas dans
les relations entre croissance et population. Ainsi, en dessous d’un certain seuil de
revenu, la croissance démographique freinerait la croissance économique (cas de
l’Afrique), et elle ne jouerait favorablement qu’au-delà de ce seuil. Le modèle de
l’équilibre de bas niveau de Leibenstein (1954) soutient que dans les pays pauvres,
une augmentation du revenu due à des circonstances favorables, entraîne une hausse
de l’épargne et de l’investissement, mais que l’accroissement de la population va
ramener le revenu par tête au niveau antérieur, à l’équilibre de bas niveau. Seule une
hausse très élevée du revenu, un « effort critique minimum » peut provoquer un
processus cumulatif d’amélioration du revenu par tête.

D’autres économistes ont cherché à établir un taux de croissance démographique


optimal, celui qui permettrait le taux de croissance du produit par tête le plus élevé.
Cependant, selon Patrick Guillaumont, les résultats ne sont guère concluants et Ian
Little, en bon libéral, se demande ironiquement si la population optimale ne serait pas
tout simplement celle qui résulte du libre choix du nombre d’enfants par les parents…
La croissance économique entraîne une baisse de la natalité

- La hausse des revenus fait perdre de l’importance au nombre des enfants,


ceux-ci étant de moins en moins considérés comme une association pour les
vieux jours (« les enfants, sécurité sociale du Tiers-Monde ») ;
- Dans le monde rural, le coût des enfants est faible ; ils sont même considérés
très tôt comme une main-d’œuvre supplémentaire. Par contre, les phénomènes
d’urbanisation et d’industrialisation suscitent une augmentation des dépenses
liées à l’éducation et au soin des enfants ;
- La hausse du niveau d’éducation et surtout l’amélioration du statut social des
femmes – qui peuvent se valoriser par le travail et plus seulement par la
maternité – se traduisent également par une baisse de la fécondité. Le recul de
l’âge du mariage et la diffusion des pratiques contraceptives agissent dans le
même sens.
En réalité, l’accroissement de la population se ralentit. En tout état de cause, cet
accroissement constitue un succès puisqu’il a été accompagné par une hausse plus
rapide de la production et une amélioration du niveau de l’éducation, du moins si on le
considère globalement, car les situations sont certes très différentes selon les pays du
Tiers-Monde.

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f) Population totale et population rurale en RD Congo

À l’heure actuelle, l’effectif de la population totale de la RD Congo n’est pas connu


avec exactitude. En effet, depuis le dernier recensement scientifique qui a eu lieu en
1984, les chiffres de la population du pays sont estimés à la suite de projections faites
par les différents services. Quand on sait comment fonctionnent certains de ces
services, sans ressources humaines adéquates et sans moyens de leur politique, il y
a lieu de supposer que, souvent, les chiffres présentés ne soient pas si proches de la
réalité. La preuve en est que très souvent, l’on se retrouve avec des données
contradictoires, présentant d’énormes décalages, émanant toutes des services
supposés les produire mais qui ne parlent pas le même langage. C’est pourquoi l’on
recourt régulièrement à des arbitrages et à des harmonisations pour limiter les dégâts.
Il est clair que beaucoup de services et administrations ont perdu des données à la
suite des pillages qui ont eu lieu dans la décennie 1990. Aussi, les registres de
population ne sont pas convenablement tenus, les naissances et les décès n’étant
déclarés et enregistrés que de manière très clairsemée, sans parler des migrations.

Ainsi, selon des chiffres disponibles, la RDC est le troisième pays le plus peuplé
d’Afrique subsaharienne et le plus peuplé d’Afrique centrale avec une population
estimée à plus de 90 millions d’habitants en 2020, variablement et inégalement
répartie sur le territoire. La répartition de la population entre le milieu rural et le milieu
urbain évolue très rapidement. Ainsi, selon l’Enquête 1-2-3 de 2005, près de sept
personnes sur dix, soit 69,6 % de la population vivait en milieu rural contre environ
trois personnes, soit 30,4 % en milieu urbain, alors que celle de 2012 fixe la population
rurale à 61,2 % contre 38,8 % en milieu urbain. Aussi, sur les 38,8 % de la population
urbaine congolaise en 2012, la population résidente de Kinshasa représente plus du
tiers, soit 11,7 % contre 27,1 % dans le reste du milieu urbain constitué des chefs-lieux
des provinces, des villes secondaires et des cités (INS, 2014). Le taux de croissance
démographique est estimé à plus de 3 % (3,1 % suivant le DSCRP2 (2011) et 3,4 %
selon l’Enquête 1-2-3 de 2012 (INS, 2014)), ce qui constitue une préoccupation pour
le développement économique du pays, car il implique que la population double en
moyenne chaque 25 ans (DSCRP2, 2011).

Suivant les mêmes sources, la population congolaise est très jeune avec 50 % des
personnes âgées de 16 ans ou moins4. Cet âge médian augmente légèrement en
milieu urbain (18 ans) et davantage dans la ville de Kinshasa (21 ans) (Enquête 1-2-
3, 2014, 19).

Évaluée à 13,5 millions d'habitants en 1958, la population du pays a crû rapidement


pour atteindre 21,6 millions d'habitants en 1970 et 30,7 millions lors du recensement
scientifique organisé en 1984 (INS, 1992 ; EDS 2, 2014). La taille toujours croissante
de la population résulte de sa forte fécondité. En effet, l’Indice Synthétique des
Femmes (ISF) reste encore élevé dans le pays, avec 5,6 enfants par femme, même

4Selon l’EDS 2 (2014), la population de la RDC se caractérise par son extrême jeunesse avec la proportion des personnes de
moins de 20 ans estimée à 61 % de la population totale du pays dont 52 % ont moins de 15 ans. La population d’âge
économiquement actif (20-64 ans) représente 37 % de la population totale.

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s’il s’améliore constamment, passant de 7,1 enfants par femme (MICS 2, 2001) à 6,3
en 2007 (EDS 2007). La pression sur les ressources et sur les services sociaux et
l’emploi reste dans ce contexte de plus en plus vive.

La densité de la population est toutefois faible, avec seulement 23 à 26 habitants au


km2. Le pays étant très vaste, avec 2 345 000 km2, il ressort donc qu’il est sous-
peuplé. La densité varie de 8 habitants par km2 dans la province de Maniema à plus
de 50 habitants au km2 dans la province du Nord-Kivu, et plus de 570 habitants au
km2 dans la ville-province de Kinshasa.

Les fortes densités sont enregistrées dans les grandes villes et les grandes
agglomérations suite à la concentration des infrastructures économiques, scolaires,
universitaires et sanitaires ainsi que des institutions administratives et politiques d’une
part, et dans les régions de concentration des populations déplacées en raison des
conflits armés d’autre part. Cette concentration des infrastructures et des services
dans certains coins, notamment dans les villes et les grandes agglomérations est à la
base de l’exode rural qui dépeuple les campagnes de leurs forces vives en raison
surtout de la dégradation des conditions de vie et des conflits armés. Ces derniers sont
responsables de la fuite et du déplacement massif des populations à l’intérieur du pays
engendrant de nouvelles zones de concentration de ces populations déplacées et y
créant de nombreux problèmes socio-économiques.

Kinshasa, ville-province et capitale du pays, est sans conteste l'agglomération la plus


importante en termes de superficie et d'habitants (plus de 12 millions). Elle est
d'ailleurs « la deuxième agglomération de l’Afrique noire, après Lagos ».

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IV. Mobilité, Voies et infrastructures de
communication et développement socio-
économique

a) Mobilité

Toutes les activités humaines sont sensibles à la distance et aux coûts du transport.
Les échanges économiques, les mouvements migratoires et les contacts
interpersonnels ont tendance à diminuer d’intensité avec la distance, c’est-à-dire au
fur et à mesure que les coûts de transport augmentent (Polèse et Shearmur, 2005,).
Cette situation se justifie amplement pour le cas du Congo. En effet, il a été reconnu
que l’insuffisance quantitative et qualitative de l’offre des services de transport
accentuée par le mauvais état des infrastructures de transports, constitue le principal
problème prioritaire du pays. Elle constitue une entrave à une croissance économique
durable et ne facilite pas les échanges commerciaux, ni l’accès des populations aux
autres services sociaux de base.

Les transports constituent, un des facteurs fondamentaux du développement socio-


économique d’un pays. Principal vecteur d’intégration économique, les infrastructures
et les services de transport sont le préalable à la facilitation des échanges et à la
circulation des biens et des personnes. Les infrastructures de transport sont
indispensables pour accéder aux marchés sous-régional et mondial, renforcer
l’intégration régionale et attirer les investissements étrangers.

Dans son acception la plus générale, la mobilité désigne un changement de lieu


accompli par une ou des personnes. Les individus et les groupes humains sont
confrontés à l'exigence de maîtrise de la distance par la mobilité (Lévy, Lussault,
2003). Celle-ci ne se limite pas au déplacement physique effectif et aux techniques de
transport, à l'accessibilité, mais elle embrasse les idéologies et les technologies du
mouvement en cours dans une société. Elle rassemble donc à la fois : un ensemble
de valeurs sociales ; une série de conditions géographiques ; un dispositif
technologique et son arsenal de techniques et d'acteurs. Chaque acteur (individu,
groupe social) dispose, du fait de ses compétences et de son insertion spatiale, d'un
capital de mobilité, il structure et régule son propre « système de mobilité ». La
circulation des biens, des personnes, est à la source de processus d'échange,
de diffusion (valeurs, idées, technologies, etc.), moteur essentiel du développement
de l'humanité.

Toute création d'une nouvelle offre de transport transforme les mobilités. Tout d'abord
par des effets de détournement : le chemin de fer détourna à son profit une part du
trafic fluvial, le trafic routier une part du ferroviaire, le TGV une part de l'avion, etc. Mais
aussi en générant un trafic induit révélant des déplacements latents qui ne pouvaient

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se faire (temps ou durée excessifs) : grâce aux innovations techniques, il devient
possible de faire des déplacements qui n'étaient pas envisageables auparavant.

Depuis 1850 environ, les sociétés industrielles, entrées dans un processus continu
d'accroissement des mobilités, ont pu modifier radicalement les conditions de vitesse
de leurs déplacements. Plus récemment (avènement des télécommunications), nous
sommes passés à l'ère généralisée de l'instantanéité, de l'immédiateté, pour les biens
immatériels : capitaux, informations, images, sons. Mais les réseaux qui assurent ces
mobilités, la localisation de leurs nœuds (sites d'hébergement, services en ligne,
bases de données, etc.) sont inscrits dans l'espace géographique. L'espace des
sociétés contemporaines hyper-mobiles est relatif, relationnel, marqué par la co-
spatialité. Les micro-échelles, où se déploient les pratiques télécommunicationnelles,
méritent l'intérêt. La course à la vitesse des déplacements n'est pas terminée. Ces
évolutions, loin de produire des conditions généralisées d'isotropie5, produisent des
organisations de l'espace, des spatialités et des interactions spatiales inédites.

La mobilité 'est l'expression d'un besoin et d'une nécessité, elle peut être choisie ou
subie. Une mobilité élevée est caractéristique des sociétés développées. On observe
depuis plusieurs années une stabilisation du temps consacré aux déplacements et de
leur nombre dans ces sociétés. Par contre, la vitesse et donc les accessibilités ont
considérablement augmenté. De nouvelles formes de mobilité se sont développées
sur des modes virtuels, fondés sur les technologies des télécommunications et de
l'informatique.
L'aménagement des territoires doit prendre en compte ces données en distinguant
la mobilité choisie par les individus et les entreprises, qui est l'exercice de la liberté, et
la mobilité subie du fait de l'organisation de l'espace et des activités.

L'accès à un plus juste niveau de développement de populations très nombreuses


comme en Asie (Inde, Chine notamment) va provoquer, si elle se confirme, une
croissance de la demande de mobilité sans précédent dans l'histoire. Pour le
développement durable les défis sont essentiels. Comment satisfaire ces aspirations
en termes d'approvisionnements énergétiques ? Comment assurer les
approvisionnements en matières premières ? La pression sur les ressources terrestres
ne peut qu'augmenter, l'humanité devra se mobiliser et s'organiser pour y faire face.

Pour les géographes, la mobilité se décline de différentes façons : mobilité sociale,


mobilité professionnelle, mobilité de travail, s'inscrivant ainsi clairement dans le champ
de la géographie sociale.

De manière générale, la mobilité est la faculté ou la possibilité, de se mouvoir ou de


se déplacer dans l’espace. Au sens concret, la mobilité désigne l’ensemble des
déplacements et des transports, de leurs modes et de leurs infrastructures.
L’accessibilité, quant à elle, désigne la possibilité ou la facilité d’accès. La mobilité se

5
S’applique à l’univers observable pour désigner que sa structure à grande échelle reste la même quelle que
soit la direction d’observation.

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présente comme une composante insécable de notre société. Elle est considérée
comme une valeur, un droit individuel acquis, qui doit être accessible à tous et souligné
comme tel dans la politique de l’Union européenne2 . Le présent chapitre se penche,
d’une part, sur le transport des personnes et d’autre part, sur le transport des
marchandises. Le transport de personnes découle de processus décisionnels et
comportementaux d’individus face à la dispersion de leurs activités. Le transport des
marchandises, quant à lui, est un vecteur intrinsèque du développement économique
permettant aux entreprises, à travers les infrastructures de transports, de se
développer et d’être concurrentielles au sein d’une aire de chalandise prédominante
en termes de population potentiellement captée. Le secteur des transports est au cœur
des préoccupations en matière de développement durable, notamment par son rôle
critique concernant les problèmes de pollution, de santé publique, de consommation
d’énergie, de consommation d’espace et d’autres ressources non renouvelables.
b) Voies et infrastructures de transport

Les voies de communications sont d’une importance capitale pour le développement


de nos villages. Nous les empruntons tous les jours sans jamais se poser la question
de leur histoire. A l’origine de simples pistes qui se forment naturellement et qui
n’exigent aucun entretien. La sédentarisation amène l’humain à façonner des chemins
quand le besoin s’en fait sentir. Sans le savoir, certains d’entre eux remontent parfois
à plusieurs millénaires.

Pour éviter au maximum les détours, les utilisateurs élaborent des d'aménagements
pour franchir les obstacles de la nature comme les cours d'eau, les marais (passage
à gué, pont…). Le transport des charges va modifier ces chemins pour déboucher sur
de véritables voies de communication. Des « engins » sont imaginés et réalisés pour
faciliter ces tâches (travois, barques, chariots...). D’importants axes se créent ponctués
de noyaux d’habitations.

Ouvrages construits par l'homme de façon durable, les voies de communication


servent aux déplacements de personnes, de marchandises ou d’informations et
peuvent être utilisées par divers moyens de transport. Il s’agit d’un ensemble des voies
de communication et de transport, matériels ou immatériels, et des installations
terminales telles que les aérogares, les ports, les gares. Elles organisent, structurent
et irriguent l’espace. Mais leurs effets structurants sont inégaux : gazoduc et oléoduc
(pipelines) en ont peu par exemple. Les axes seuls, sans les pôles (ou nœuds) des
réseaux, peuvent également être sans effets sur les territoires qu’ils traversent (TGV
en zone rurale par exemple) : on parle, dans ce cas, d’effet - tunnel. Les grands projets
d’infrastructures supposent des phases d’étude et de concertation parfois longues et
délicates.

Le transport des personnes et des marchandises se fait via quatre grands types de
réseaux (route, rail, voies navigables, air). L’utilisation de ces réseaux induit des
impacts environnementaux et de santé publique.

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a) La route

La géographie et l’économie des transports, encouragées par la sphère politique, ont


donné aux routes une dimension structurante pour la localisation des activités
économiques et des populations, dépassant largement le cadre de la problématique
des déplacements..

En effet, la route joue un rôle important dans le développement socio-économique d’un


pays. Les pays européens, les USA, les pays émergents (Singapour, Brésil, Inde,
Afrique du Sud, Ile Maurice, etc.) ont mis un accent particulier sur le développement
de leur réseau routier. Plusieurs raisons expliquent ce choix.

- Routes internationales : elles permettent le développement des échanges


commerciaux (transport des biens et des marchandises), et la réduction des
coûts de transport ;
- Routes urbaines : elles ont une importance capitale : (a) réduction du coût de
la vie, (b) diminution des accidents de la route, (c) fluidité des activités
économiques ;
- Routes rurales : elles permettent de désenclaver les zones de production en
améliorant l’écoulement des marchandises vers les villes réduisant ainsi les
coûts de transport, améliore l’accessibilité aux services de base (services de
santé, les écoles), et l’accès aux marchés des produits agricoles.

Un réseau routier bien construit et bien entretenu est essentiel à la croissance


économique et à la lutte contre la pauvreté dans les pays en développement. « La
route du développement passe par le développement de la route ».

Un mauvais réseau routier ou une insuffisance de routes a un effet néfaste sur l’activité
économique et les conditions de vie des populations. Aussi, un réseau routier mal
entretenu, entraîne une augmentation du coût de transport qui conduit à son tour à
l’augmentation des prix des produits alimentaires. Ce dernier est source d’inflation qui
a pour conséquence la diminution du pouvoir d’achat des populations. Il est donc
certain qu’investir dans les routes pourrait avoir un impact positif sur les conditions de
vie des populations.

Une étude la Banque Mondiale a montré que le coût de transport dans les pays en
voie de développement est environ le triple de celui des pays développés disposant
d’un réseau routier important et bien entretenu (12, 7% contre 5,1% en valeur du
pourcentage des importations).

En RDC au moment de l’Indépendance, « le réseau de transport du Congo était un


réseau multimodal comportant 152 400 km de routes et pistes (58 385 km de routes
nationales, 86 615 km de routes rurales et 7 400 km de routes urbaines, sans compter
d'autres routes d'intérêt local et secondaire), 16 200 km de voies navigables et
5 000 km de chemin de fer. Ce réseau peut se décomposer en trois axes intérieurs et
cinq corridors d’accès à l’extérieur comme on peut le constater sur les cartes ci-
dessous. Les trois axes intérieurs forment un triangle qui interconnecte les trois plus

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grandes villes du pays : Kinshasa, Lubumbashi et Kisangani. Ils sont essentiels à la
fois pour approvisionner ces centres de consommation et pour évacuer les productions
des principales provinces agricoles du pays. Les cinq corridors extérieurs relient le
pays aux principaux marchés régionaux et internationaux : Kinshasa-Pointe noire ;
Lubumbashi-Durban, Lubumbashi-Dar es Salam et Lubumbashi-Lobito, ouvrant le
Katanga minier sur l’Afrique Australe, l’océan indien et l’océan atlantique ; et
Goma/Bukavu- Mombasa ou Dar es Salam, ouvrant l’est du pays sur l’océan indien ».

À ce jour, une grande partie de ce réseau est impraticable car ayant atteint un niveau
de délabrement indescriptible, faute d’entretien. Les routes, principales voies d’accès
dans la plupart des provinces et des villages sont généralement inutilisables, avec des
difficultés particulières dans chaque province : embourbement, flaques d’eau, érosion,
éboulements, glissements ici et bandes de sable parfois très denses et longues là.
Certaines pistes ne sont plus fréquentées depuis de longues années et se sont parfois
transformées en sentiers envahis par de hautes herbes. À ces multiples problèmes de
praticabilité du réseau routier s’ajoute celui de l’insuffisance et de la vétusté du charroi
automobile sans oublier la rareté et le coût élevé du carburant et des lubrifiants ainsi
que des pièces de rechange.
b) Le chemin de fer

Apparu dans la première moitié du XIXème siècle avec la révolution industrielle, le


chemin de fer connaît un développement spectaculaire en Europe et en Amérique,
jouant un rôle essentiel dans les domaines économiques et militaires et améliorant
considérablement les déplacements. Son usage se répand ensuite au monde entier
tant pour le trafic de voyageurs que pour le commerce.

La RDC dispose de 5 033 km de voies ferrées non interconnectées et n’ayant pas les
mêmes standards. 858 km de voies électrifiées desservent la région minière au sud
du Katanga,

Le chemin de fer en RDC est actuellement organisé en 4 réseaux distincts, à savoir


une ligne permettant de relier Matadi et Kinshasa d'une part, ainsi qu'un réseau plus
étendu, en liaison avec la Zambie, l'Angola et le lac Tanganyika,
avec Lubumbashi comme point central, une ligne reliant Kisangani et Ubundu, pour
pallier les Stanley Falls sur le Congo, et enfin une ligne à voie étroite dans la région
de l'Uele (nord). Il existe par ailleurs des projets de prolongement des lignes
existantes, dont une liaison entre Kinshasa et Ilebo, ce qui permettrait de joindre les
deux réseaux les plus importants.

La ligne qui relie le port de Matadi à Kinshasa est longue de 366 kilomètres. Son
écartement est depuis 19311 de 3½ pieds ou 42 pouces (voie cape; 1,067 mètre).
Cette ligne de la SNCC est exploitée par la Société commerciale des transports et des
ports (SCTP, anciennement ONATRA) selon un accord, signé par les deux
compagnies. Mais cette ligne a perdu de grandes parts du marché, dû à son état
lamentable, à l'insécurité sur le rail (certains trains sont attaqués) et à la remise en état
de la route le long du rail en 2000.

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Le pont de Matadi, le plus grand pont-rail suspendu du monde, n'est pas actuellement
exploité pour le chemin de fer. Il existe par ailleurs un vague projet de création
d'un pont entre Kinshasa et Brazzaville, pour lequel une option ferroviaire pourrait être
retenue, et permettrait de relier Kinshasa pour la première fois avec un port en eaux
profondes de Pointe-Noire (Congo-Brazzaville).

Le réseau Katanga-Kasaï-Benguela s'étend sur 3 641 kilomètres de voies ferrées


(dont 858 kilomètres électrifiés) au Katanga, au Kasaï, Kasaï central, au Kasaï-
oriental et au Maniema. Son écartement est en voie cap de 3½ pieds (42
pouces/1 067 mm). Ces lignes sont exploitées aujourd'hui par la Société nationale de
Chemins de fer Congolais SNCC.
c) Le transport fluvial et maritime

Le transport maritime international est un mode de transport utilisé pour le


déplacement de marchandises (principalement) en empruntant la voie maritime plutôt
que la route (transport routier) ou les airs (transport aérien). Puisqu’il s’agit dans la
plupart des cas de relier deux pays séparés par une mer ou un océan, le transport
maritime est par définition international. Depuis plusieurs années, le transport maritime
international s’est imposé comme le premier mode de transport de marchandises sur
la scène internationale.

La mondialisation et l’explosion des échanges commerciaux entre les pays ont


largement favorisé l’essor du fret maritime. Les principaux acteurs du transport
maritime international ont su développer une offre de transport économique et toujours
plus importante. Alors que les premiers modèles de porte-conteneurs dans les années
1960 pouvaient transporter jusqu’à 1 700 EVP (Equivalents Vingt Pieds), les porte-
conteneurs de la dernière génération peuvent embarquer jusqu’à 20 000 conteneurs.
Responsable de 3 % des émissions de gaz à effet de serre, le transport maritime
international entre progressivement dans une période de mutation. Après avoir
participé à une course au gigantisme, les acteurs du fret maritime international se sont
lancés dans une course à l’innovation pour conjuguer leur activité de transport sur mer
avec les enjeux du développement durable. Il s’agit, plus concrètement, de rendre
moins polluante cette activité qui ne cesse de se développer au fil des années.
Les spécificités du transport maritime international
Le transport maritime international séduit les candidats à l’export de marchandises
pour :

- Le coût du transport, nettement moins élevé que celui du transport aérien


notamment ;
- Sa capacité de transport (entre 5 000 et 10 000 EVP6 pour la plupart des porte-
conteneurs qui naviguent aujourd’hui) ;
- La régularité du trafic et de l’activité maritime ;

6
Équivalent Vingt Pieds

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- La facilité de manutention.

À noter qu’on distingue dans le milieu du transport maritime international deux grands
types d’offres :
- Le tramping (ou transport à la demande) : l’expéditeur requiert la mise à
disposition d’un navire pour le transport de sa marchandise d’un point A à un
point B ;
- Le fret maritime avec lignes régulières : comme un particulier qui prend le bus
sur terre pour aller d’un point A à un point B, l’expéditeur engage sa
marchandise sur un navire ayant un itinéraire fixe et des escales régulières.
Exemples et mise en pratique
Il faut en moyenne 22 jours à un navire marchand pour parcourir le trajet Europe-Chine
avec un chargement de 15 000 conteneurs (18 jours Anvers-Pointe Noire et 23 jours
Anvers-Luanda).. À noter qu’en Europe, le port de Rotterdam fait figure de destination
incontournable pour le fret maritime international (il figure dans le top 10 des ports
mondiaux pour le commerce international).

Les routes qui relient la mer de Chine méridionale aux États-Unis et l’Europe à
l’Amérique centrale représentent deux des routes maritimes internationales les plus
importantes.

Les compagnies spécialisées dans le transport maritime international s’appuient sur


une flotte de navires adaptés au transport de diverses marchandises avec des cargos
polyvalents, des porte-conteneurs, des vraquiers, des pétroliers ou encore des
chimiquiers.
Le transport maritime international en chiffres

Le fret maritime représente aujourd’hui 90 % du commerce international de


marchandises. Plus de 50 000 navires de commerce naviguent à travers la planète,
parmi lesquels près de 40 % de pétroliers. Plus de 60 % de la flotte mondiale dédiée
au transport maritime international est placée sous pavillon de complaisance (libre
choix du pays d’immatriculation). L’activité de fret maritime international emploie plus
de 1,3 million de marins de commerce à travers le monde.

Comme on le voit, le transport maritime est le mode de transport le plus important pour
le transport de marchandises en termes de capacités (marine marchande). Le
transport de personnes par voie maritime a perdu beaucoup d'importance du fait de
l'essor de l'aviation commerciale ; il subsiste de manière significative dans seulement
deux créneaux importants : les traversées courtes et les croisières. On peut y ajouter
les voyages d'exploration scientifiques et les courses sportives, qui ne relèvent
cependant pas à proprement parler du transport.

En RDC, le réseau des voies navigables est d’une longueur de 16 238 km subdivisé
en trois biefs :

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- le bief maritime, long de 150 km de Banana à Matadi ;
- le bief moyen comprenant le fleuve Congo (Kinshasa – Kisangani), la rivière
Kasaï et leurs affluents totalisent 13,458 km ;
- le bief supérieur comprenant le Lualaba (fleuve Congo au Katanga) et les Lacs
totalise 2,630 km.
Ports fluviaux

- Port de Kinshasa – ONATRA


- Port d'Ilebo – SNCC
- Port de Kalemie – SNCC
- Port de Kisangani – ONATRA
- Port de Mbandaka – ONATRA
- Port d'Ubundu
- Port de Kindu CFL
- Port de Mushimbakye à Baraka - ONATRA
Ports maritimes

- Port de Banana
- Port de Boma – ONATRA
- Port de Matadi - ONATRA

d) Transport aérien

Le transport aérien est une activité économique et règlementée qui regroupe toutes
les opérations de transport de marchandises de toutes sortes de volume en avion à la
fois au niveau d'un pays et au niveau international. Il représente 3% des marchandises
transportées en volume mais 10% des marchandises transportées en valeur. Le
transport aérien est caractérisé par sa rapidité, par son niveau de sécurité, par sa
régularité et sa fiabilité.
Les avantages et les inconvénients du transport aérien.
Avantages :
- Rapidité et adaptation : Pour les produits périssables, animaux...
- Sécurité pour la marchandise ;
- Régularité et fiabilité du transport ;
- Emballage peu coûteux ;
- Frais financiers et de stockage moindres : Adapté aux flux tendus ;
- Nombreuses zones géographiques desservies ;
- Avantage du Poids/Volume pour le tarif.
Inconvénients :

- Prix élevé ;
- Rupture de charges ;
- Saturation des infrastructures ;

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- Gène des populations riveraines / survolées ;
- Consommation de kérosène ressource non renouvelable ;
- Pollution : Emission gazeuses (CO2, NOx, SOx) ;
- Interdit à certains produits dangereux.

La RDC dispose de plus de 200 aéroports et aérodromes dont la gestion est assurée
par la Régie des Voies Aériennes (RVA), par la Direction de l’Aviation Civile (DAC) et
par le secteur privé. La plate-forme la plus importante est l'Aéroport international de
Kinshasa, la première porte d'entrée et de sortie du pays.
c) Des moyens de transport révolutionnés par la mondialisation

Les FTN fabriquent des biens de consommation, et pour les vendre il faut souvent les
transporter sur des centaines, voire des milliers, de kilomètres.
La mondialisation se nourrit et génère énormément de flux (de personnes, de
marchandises, d’informations, de capitaux, etc.). Pour que la mondialisation soit
possible, il a donc fallu que les moyens de transport et de communication soient à la
hauteur de ses immenses besoins.

La modernisation des moyens de transport a-t-elle été à l’origine de l’accélération de


la mondialisation ?
a) Des bateaux de plus en plus spécialisés

Le premier type de transport est le transport maritime. Il représente aujourd'hui les 2/3
des échanges internationaux, assure les 2/3 des échanges en valeur et couvre
l’ensemble des mers et océans. Plus de 750 ports sont répertoriés dont 50 ont un trafic
de plus de 50 millions de tonnes. Les trois premiers, en progression régulière,
sont Shanghai, Singapour et Rotterdam.

- La conteneurisation se généralise. Le porte-conteneur est aujourd'hui le


principal outil du commerce mondial et le mode de transport de marchandises le
plus employé. Issu du système de largage utilisé par l’aviation américaine
pendant la Seconde Guerre mondiale, le conteneur est une immense boîte
métallique aux dimensions normalisées, d’une capacité de 20,3 tonnes,
particulièrement adapté au transport des produits manufacturés variés
(électronique, textile, nourriture, ameublement). Il existe même des conteneurs
réfrigérés ou des cuves. Tous les grands ports du monde sont équipés de
terminaux à conteneurs.

-Le conteneur favorise l’inter-modalité


Il va directement du navire sur la plateforme d’un camion ou le plateau d’un
wagon pour être acheminé sans délai vers l’entreprise destinataire. C’est donc
un élément important de l’accélération des échanges.
- La conteneurisation permet de rationaliser le transport des marchandises
Le transport des marchandises en conteneurs coûte moins cher aux entreprises

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et les quantités embarquées sont bien plus importantes que dans un avion.
Ces navires énormes ont permis de multiplier les échanges mondiaux de
marchandises par 20.
b) Le fret aérien abolit les distances et le temps de transport

Le transport aérien a connu des évolutions significatives, aussi bien dans le transport
des marchandises que dans celui des personnes. Toute une flotte d’avions
spécialisés pour le transport des marchandises à haute valeur ajoutée a vu le jour.
Les principaux aéroports se sont agrandis ou ont été dédoublés. Certains se sont
spécialisés et sont devenus des hubs qui centralisent et redistribuent le trafic
passager. L’aéroport d’Atlanta aux États-Unis est le premier aéroport mondial avec
100 millions de passagers par an, et le premier hub mondial avec 243 destinations
desservies.
Un hub est un aéroport international qui sert de plateforme de correspondance et de
redistribution entre les lignes longs courriers et les lignes intérieures.

Le transport aérien se développe très vite. Chaque jour, de nouvelles liaisons


aériennes apparaissent. L’apparition de compagnies bon marché (low cost) et
la généralisation des vols charters ont démocratisé le transport aérien. L’augmentation
de la capacité des avions vise également à faire baisser le coût unitaire du billet.
c) L'intermodalité favorise la mondialisation

En fonction de la complexité du parcours, les moyens de transport peuvent être


coordonnés dans le cadre des plateformes multimodales qui permettent aux
marchandises ou aux passagers de passer directement d’un mode de transport à
l’autre.

Au niveau des transports maritimes, l'intermodalité correspond à un système de


transbordement des conteneurs qui permet aux vendeurs d'utiliser des moyens de
transport complémentaires sans rupture de charge ou presque. Par exemple, un
produit lambda est conçu en Allemagne. Pour bénéficier de coûts de fabrication moins
élevés, la société le fait fabriquer dans une usine de Corée du Sud. Une fois les milliers
de produits achevés, le fabricant doit les expédier dans les différents pays du monde
où ils seront vendus. C'est là qu'intervient le transport multimodal : les objets fabriqués
sont emballés dans des conteneurs, chargés sur des camions grâce à des grues. Les
camions les acheminent de l'usine au port. Une fois dans le port, d'autres grues les
chargent sur des porte-conteneurs et les marchandises effectuent ainsi leurs voyages
jusqu'aux ports où les attendent des trains ou des camions qui vont à nouveau les
transporter jusqu'à des entrepôts.

Quant aux transports aériens, avec les plateformes multimodales, les flux
aériens peuvent être redistribués. En France par exemple, l’aéroport de Roissy-
Charles-de-Gaulle – 1er d’Europe pour le trafic et le volume de fret, 2e pour le nombre

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de passagers – dispose d’une gare TGV en liaison avec les lignes Nord, Est et Sud,
d’une liaison RER, d’une gare pour le fret et d’un accès à l’autoroute A1 Paris-Lille.
Cette plateforme offre la possibilité d'associer plusieurs modes de
transports (ferroviaire, routier, aérien...).

d) La révolution numérique des NTIC abolit les distances entre les territoires
et accélère la mondialisation
Les NTIC sont les nouvelles techniques d’information et de communication.
a) Des infrastructures

Le premier câble à fibre optique transatlantique a été installé en 1988. Aujourd’hui,


plus d’un milliard de kilomètres de câbles sont déployés sur la planète.
En effet, le monde des communications rapides, qui a permis à la mondialisation de
s’accélérer (Internet, téléphonie mobile pour l’essentiel) existe grâce à des réseaux
d’infrastructures spécialisées. Ces dernières peuvent être terrestres, sous-
marines (dans ces cas-là, il s’agit de câbles)ou satellitaires.

Les déplacements d'informations et de capitaux – s'ils sont


totalement dématérialisés – sont cependant très mobiles. Seules les infrastructures
qui permettent leur transmission sont visibles dans le paysage (antennes d'opérateurs
en téléphonie mobile, câbles terrestres ou sous-marins).

b) Les NTIC permettent une diffusion de l'information à l'échelle planétaire

- Internet

Avec Internet, la circulation des informations a connu un spectaculaire accroissement.


La mise en réseau de l’ensemble des abonnés met instantanément en relation des
correspondants éloignés de plusieurs milliers de kilomètres et leur permet d’échanger
en temps réel textes, idées et images.

Un nouvel espace géographique se dessine : le temps et la distance y sont abolis. Les


événements les plus lointains sont connus immédiatement, parfois plus vite que ce qui
se passe à notre porte. On parle de « village mondial ».

En même temps, de nouvelles formes d’activités apparaissent, comme l'e-


commerce qui permet d’acheter partout dans le monde en restant chez soi ou
le télétravail qui relie le salarié à son entreprise sans que sa présence physique soit
nécessaire. La planète est devenue une sorte de cyberespace accessible à tous en
n'importe quel point.

- L’information à l’ère numérique

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La numérisation de l’information permet d’acheminer des flux importants et d’en
assurer une diffusion quasi-instantanée. Les grandes agences de presse et les
chaînes de télévision interviennent à l'échelle de la planète grâce à leur réseau de
correspondants et d’envoyés spéciaux. La transmission des informations par satellite
permet d’assister aux événements mondiaux dans l’immédiateté.
c) Un monde adapté aux besoins des différents types de flux

On assiste, depuis les années 1960, à une extraordinaire croissance des échanges
commerciaux internationaux, des flux migratoires, des flux financiers et de toutes
sortes de flux invisibles, licites ou non. La proximité géographique est rendue plus
aisée par la baisse généralisée du coût des transports et par les NTIC.

Par flux, on entend le déplacement de personnes, de biens, de données immatérielles


(flux financiers ou d’informations) plus ou moins importantes quantitativement. Ces flux
empruntent des réseaux et circulent à différentes échelles : du local à l’international.

S’agissant du réseau, ce terme désigne ici les infrastructures qui mettent en relation
des territoires. Par exemple, les réseaux ferrés, les réseaux aériens, les réseaux
routiers… Il peut également désigner des liens immatériels comme des relations
d’informations.

Un processus historique. Les réseaux et les flux existent depuis que l'homme se
déplace. Même aux temps de la Préhistoire et des chasseurs nomades, les migrations
existaient et certaines routes (terrestres ou fluviales) étaient plus empruntées que
d'autres au cours de déplacements de populations qui parcouraient de courtes,
moyennes ou longues distances.

Des flux en forte croissance. La très forte croissance des flux migratoires et marchands
mondiaux est constitutive de la mondialisation. Les marchandises et les hommes n'ont
jamais été aussi mobiles qu’aujourd’hui et cette mobilité s'opère à toutes les échelles
grâce à des réseaux interconnectés qui fonctionnent à plusieurs niveaux (local,
national, international). En effet, si la mondialisation est bien un processus historique
de très longue durée (bien que le terme de mondialisation soit récent), ce qui change
aujourd'hui, c'est l'échelle, l'ampleur de la mobilité des hommes, l'importance des flux
et l'intensification des réseaux. La circulation des biens et des hommes connaît un
essor qui s'étend à l'espace mondial. Cette accélération se traduit par
une densification et une modernisation des réseaux.

Une desserte planétaire qui n'est cependant pas homogène. La production et la


circulation croissante des flux renforcent les interdépendances entre les territoires,
tissent des réseaux à toutes les échelles et engendrent une différenciation des
espaces. L'accessibilité aux réseaux conditionne en effet les rapports de pouvoir et de
puissance entre les régions du monde et les États.

Des flux quantitativement importants (matériels ou immatériels, licites ou illicites)


constituent, pour un pays, un bon indicateur de son degré d'intégration dans la

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mondialisation. Avoir un territoire connecté au reste du monde et aux plus importants
réseaux internationaux est donc essentiel pour le dynamisme d'un État.

Toutefois, les différentes régions du monde ne sont pas concernées de manière


égale par ce phénomène de densification et de modernisation des moyens de
transport et de communication. Par exemple, si on peut affirmer aujourd’hui que
l'information est planétaire, il faut cependant nuancer cette portée « planétaire » car il
existe des milliers de villages, des millions de personnes dans les pays du Sud qui
n'ont pas accès à l'information qu'offrent les chaînes de télévision internationales, ni à
Internet. De même, à côté des régions bien dotées en infrastructures de transport et
de communication, des pans entiers de l’Afrique, de l’Amérique latine ou de l’Asie sont
enclavés faute de moyens ou d’un accès maritime.

Les réseaux de transport sont donc un élément majeur de la mondialisation mais aussi
un facteur déterminant des échanges. Toutefois, les différentes régions du monde ne
sont pas concernées de manière égale par ce phénomène de densification et de
modernisation des moyens de transport et de communication. Par exemple, si on peut
affirmer que l'information est planétaire, il faut cependant nuancer cette portée
« planétaire » car il existe des milliers de villages, des millions de personnes dans les
pays du Sud qui n'ont pas accès à l'information qu'offrent les chaînes de télévision
internationales, ni à Internet. De même, à côté des régions bien dotées
en infrastructures de transport et de communication, des pans entiers de l’Afrique, de
l’Amérique latine ou de l’Asie sont enclavés faute de moyens ou d’un accès maritime.

Les réseaux de transport sont donc un élément majeur de la mondialisation mais aussi
un facteur déterminant des inégalités de développement.

Retenons que les nouvelles technologies permettent aux flux humains, matériels ou
immatériels générés par la mondialisation de circuler mieux et plus vite. Le monde est
parcouru de réseaux, hiérarchisés et connectés entre eux. Ce maillage fonctionne de
l'échelle locale à l'échelle internationale. Les progrès dans les NTIC renforcent cette
mise en réseau.

Celle-ci peut néanmoins constituer un facteur discriminant. En effet, les États de la


Triade7 concentrent l’essentiel des trafics, autour d’eux coexistent quelques

7
La triade désigne en géographie économique les trois pôles qui dominent l'économie mondiale qui étaient en
1985 le Japon, la CEE (composée de dix membres) et les États-Unis mais qui sont actuellement l'Asie orientale,
l'Union européenne — ou l'espace économique européen — et l'Amérique du Nord. La notion a été définie par
l'économiste japonais Kenichi Ohmae en 1985. Il y désigne sous ce nom les trois marchés majeurs de la planète
que sont alors le Japon, la CEE (composée de dix membres à cette date) et les États-Unis, où toute grande
entreprise multinationale se doit d'être présente. La « triade » ainsi délimitée regroupe la majeure partie
du PIB mondial (d'alors 75 % au début des années 1990). Les trois régions qui la composent réunissent les
principaux acteurs de la mondialisation contemporaine et entretiennent des relations étroites avec leurs périphéries
respectives : Amérique latine, Asie du Sud-Est, Europe de l'Est et Afrique.

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périphéries intégrées, mais des pays et des espaces restent complètement
marginalisés (États d'Afrique, d'Amérique latine, Asie de l'Ouest).

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V. Tourisme et Mouvements de populations dans
l’espace
La définition du tourisme, selon les normes internationales retenues par la commission
statistique de l’ONU, englobe tout voyage hors du domicile habituel pour au moins une
nuit et au plus un an. Le motif du voyage n'importe pas : affaires, vacances, santé, ...
Les loisirs ont des temporalités différentes : journée, soirée par exemple.
Le tourisme est le système d’acteurs, de lieux et de pratiques permettant aux individus
la recréation par le déplacement et l’habitat temporaire de lieux autres. Ce système
est constitué d’entreprises proposant différents services (de l’agence de voyage aux
restaurateurs et hôteliers, en passant par les transporteurs et les tours opérateurs), de
normes et de valeurs (pour certains, le tourisme est positif, pour d’autres, il est négatif),
de lois (sur les mobilités, les congés payés, la fiscalité, etc.), de touristes (qui se
distinguent par leurs pratiques), de lieux touristiques de qualités différentes et pouvant
être de différents types (station touristique, site touristique, lieu de villégiature, ville
touristifiée, métropole touristique, etc.), de marchés plus ou moins segmentés. Le
système du tourisme met aussi en jeu des relations non-marchandes (prêter ou
échanger un logement, regarder un paysage, etc.), d'autres institutions sociales (la
famille comme lieu d’apprentissage des pratiques touristiques, le mariage et son
voyage de noces, etc.), de l'imaginaire et des images (véhiculées par les catalogues,
la télévision, les photos et les diapositives des autres touristes etc.), et des discours
(les guides, les scientifiques, les émissions radiophoniques ou télévisées etc.).

Le tourisme de masse individualisé est le système touristique le plus récent, fondé à


la fois sur l’accès du plus grand nombre au tourisme et sur l’individualisation des
pratiques, standardisées ou personnalisées, répétitives ou innovantes. Le tourisme de
masse individualisé caractérise une société au sein de laquelle la majeure partie des
individus peut choisir d’être touriste ; dès lors, c’est le mode d’être touriste qui les
distingue.

Forme particulière de migration, le tourisme s'analyse classiquement en termes


de flux d'échanges et de personnes et en termes de zones d'émission et de réception.
Les mobilités qui lui sont associées sont essentielles au fonctionnement des systèmes
touristiques : durées et distances, modalités des transits. Les mobilités touristiques et
de loisirs pourront aussi être à la source de processus de diffusion de pratiques
culturelles, de modes de vie ainsi que de transferts de technologie et de capitaux par
exemple.

Par les déplacements qu'il met en jeu, le touriste exprime un certain rapport au
territoire, celui d'où il vient autant que celui où il va. Les pratiques de déplacement
touristique des populations urbaines favorisées ne sont pas les mêmes que celles de
catégories plus populaires. Le tourisme des populations d'Asie ou d’Afrique est
différent du tourisme pratiqué par les Européens.
Les pratiques de mobilité des touristes évoluent au cours du temps :

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- par leur durée, des séjours plus courts semblent en vogue de nos jours ;
- par leur distance, les transports aériens sur de longues distances étant devenus
plus abordables ;
- par leur mode, on relève par exemple la vague des paquebots de croisière qui
a fait la fortune des Chantiers de l'Atlantique au cours des années 1990 et 2000.

a) Le tourisme, indicateur et outil de transformation du Monde

Le tourisme est désormais une activité d'importance mondiale reconnue comme telle
: avec environ 5% du PIB mondial et 6 à 7% des emplois dans le Monde à la fin des
années 2000, son poids économique n'est plus à démontrer. En outre, les projections
continuent de pronostiquer une croissance accélérée des flux touristiques (presque un
doublement à l'international pour la décennie 2010). Le nombre des "arrivées
internationales" est désormais proche du milliard et le nombre total des touristes, en
prenant en compte le tourisme qui se pratique à l'intérieur de chaque pays, est
probablement compris entre 2,5 et 3 milliards. Des flux aussi considérables ont
évidemment des conséquences de plus en plus visibles et profondes sur le
fonctionnement des sociétés comme sur les territoires les plus affectés par ces
déplacements. Le tourisme est un système qui agit puissamment sur l'espace et les
sociétés, qu'il contribue à transformer en profondeur. Aujourd'hui, des régions entières
vivent du tourisme et affichent un paysage modelé par lui : Côte d'Azur, littoral belge,
Costa Blanca espagnole, Sud-Est de la Floride, Gold Coast australienne, vallées
alpines, centres historiques de Bruges, Tolède ou Venise, quartiers de Londres, New
York, Paris, Prague, Rio de Janeiro ou Rome.

Ainsi, le tourisme est un indicateur de plus en plus prégnant et pertinent pour


comprendre le Monde qui est le nôtre, même si les statistiques sont fondamentalement
insatisfaisantes car à la fois trop englobantes et limitées au seul tourisme international,
alors même que nous savons que le tourisme national ou tourisme domestique est
majoritaire. La prise en compte des questions touristiques dans les différents
programmes éducatifs permet désormais de l'envisager en géographie à différentes
échelles, locale, régionale, nationale, internationale et mondiale. Il ne faut donc pas
négliger la construction historique de la pratique, sans laquelle on ne comprend pas
les formes urbanistiques qu'elle révèle encore aujourd'hui, et de ne pas davantage
hésiter à saisir la dimension historique et temporelle d'un phénomène qui n'est pas né
d'hier, puisqu'en Europe occidentale, suivie de près par le Nord-Est des États-Unis,
les lieux spécialement créés pour satisfaire les besoins des touristes fonctionnent
depuis parfois plus de deux siècles.
b) Le Tourisme en Afrique

En Afrique, 4 touristes internationaux sur 10 sont africains, selon le Rapport 2017 de


la CNUCED sur le développement économique en Afrique, intitulé « Le tourisme au
service d’une croissance transformatrice et inclusive ». En Afrique subsaharienne, ce
sont deux touristes sur trois qui sont originaires du continent. Les données sur
lesquelles s’appuie cette importante conclusion montrent que contrairement à ce que

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l’on pourrait croire, ce sont les Africains qui tirent de plus en plus la demande
touristique en Afrique.

Le tourisme est un secteur en plein essor en Afrique qui représente plus de 21 millions
d’emplois (soit un emploi sur 14) sur le continent. Ces vingt dernières années, l’Afrique
a affiché une croissance dynamique ; chaque année pendant la période 1995-2014, le
nombre d’arrivées de touristes internationaux a augmenté de 6 % et les recettes
touristiques de 9 %.

Le Rapport de la CNUCED encourage les pays africains à tirer parti du dynamisme du


secteur touristique afin de le mettre au service d’une croissance transformatrice et
inclusive.
Le Rapport présente et compare des données relatives à deux périodes distinctes, à
savoir 1995-1998 et 2011-2014, et montre que le nombre d’arrivées de touristes
internationaux en Afrique est passé de 24 millions à 56 millions. Les recettes
d’exportation du tourisme ont plus que triplé, passant de 14 milliards de dollars à près
de 47 milliards de dollars. Ainsi, le tourisme représente maintenant environ 8,5 % du
produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique.

Le premier Plan décennal de mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine


vise à doubler la contribution du tourisme au PIB de l’Afrique. La réalisation de cet
objectif exige une croissance plus rapide et plus importante du secteur du tourisme.
Le tourisme est donc un secteur dynamique qui dispose d’un extraordinaire potentiel
en Afrique. Bien géré, ce secteur peut largement contribuer à la diversification et
faciliter l’inclusion des communautés vulnérables.

Pour mettre le potentiel du tourisme intrarégional au service de la croissance


économique du continent, les gouvernements africains devraient prendre des mesures
pour libéraliser les transports aériens, promouvoir la libre circulation des personnes,
garantir la convertibilité des monnaies et, surtout, reconnaître la valeur du tourisme
africain et l’intégrer dans leurs plans. Ces mesures stratégiques peuvent produire des
effets assez rapides et concrets. Au Rwanda, la suppression, en 2011, des formalités
de visa pour les membres de la Communauté d’Afrique de l’Est a contribué à la hausse
du nombre de touristes intrarégionaux, qui est passé de 283 000 en 2010 à 478 000
en 2013.

La relation mutuellement bénéfique entre la paix et le tourisme figure parmi les défis
majeurs du continent. La paix est bien évidemment essentielle au tourisme. Le fait
qu’une région semble instable peut suffire à dissuader les touristes de s’y rendre et
avoir, pendant longtemps, des répercussions économiques désastreuses. Toutefois,
la perception d’un danger ne correspond pas toujours à la réalité. L’épidémie d’Ebola
qui a éclatée en 2014 en Afrique de l’Ouest a coûté très cher à l’Afrique tout entière
du point de vue du nombre de touristes et des recettes touristiques. Bien que cette
épidémie ait touché un nombre relativement faible de pays situés dans la partie
occidentale du continent, le nombre d’arrivées de touristes et de réservations a baissé

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dans des pays qui n’étaient pas concernés par l’épidémie, tels que l’Afrique du Sud et
la République-Unie de Tanzanie. L’instabilité politique peut avoir des répercussions
très importantes et persistantes sur l’économie. En Tunisie par exemple, en 2009-
2011, l’instabilité politique a entraîné une baisse du montant total des recettes du
tourisme de 27 % en moyenne, le faisant passer de 3,5 milliards de dollars en 2009 à
2,5 milliards de dollars en 2011.

Pour assurer la croissance du tourisme en Afrique, il est capital que les gouvernements
africains et les institutions régionales règlent les problèmes de sûreté et de sécurité et
répondent rapidement aux crises. Il est également indispensable de promouvoir des
stratégies permettant d’améliorer l’image que les médias du monde entier donnent de
l’Afrique si l’on veut garantir la reprise du secteur après un conflit ou une période
marquée par des troubles politiques.

Des millions d’emplois devraient être créés en Afrique grâce à la croissance


persistante du tourisme. Aussi, lorsque le secteur est florissant, les femmes
prospèrent. En Afrique, plus de 30 % des entreprises touristiques sont dirigées par des
femmes; et 36 % des ministres du tourisme du continent sont des femmes (2017), ce
qui représente le pourcentage le plus élevé au monde.

En créant des liens solides entre les secteurs du tourisme, de l’agriculture et de


l’infrastructure, l’écotourisme et les segments médical et culturel du marché touristique
peuvent favoriser la diversification vers des activités à plus forte valeur ajoutée et
permettre une répartition plus large des revenus. Pour exploiter ce potentiel, les
gouvernements africains devraient adopter des mesures visant à favoriser
l’approvisionnement local, encourager les entités locales à participer à la chaîne de
valeur touristique et stimuler le développement de l’infrastructure. S’il bénéficie de ces
investissements pérennes, le secteur du tourisme pourrait sortir des millions de
personnes de la pauvreté tout en contribuant à la paix et à la sécurité de la région.
c) Potentialités touristiques en RDC

La RDC offre une gamme variée d’attraits touristiques à travers différentes provinces
qui présentent des particularités multiformes à même d’être exploités pour le
développement de plusieurs types de tourisme (balnéaire, culturel, loisirs, découverte,
affaires, safaris…).
Il s’agit de :
- 25 millions d’hectares, soit 12% du territoire national constitué en aires
protégés ;
- 7 parcs nationaux et 57 Réserves et Domaines de Chasse dont 5 figurant sur
la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO (VIRUNGA, KAHUZI BIEGA,
GARAMBA SALONGA et la Réserve de faune à OKAPIS (RFO) ) ;
- 4 espèces endémiques : Gorille de montagne, Okapi, Bonobo (chimpanzé
nain), Paon congolais ;

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- Une variété d’écosystème couvrant près de 145 millions d’hectares, soit le
second massif de forêts tropicales du monde après l’Amazonie et une des
réserves de biodiversité de la planète ;
- Sites naturels ((le Fleuve Congo, le littoral Atlantique (37 km), les chutes
impressionnantes, les lacs et leurs contours, les zones montagneuses de l’Est) ;
construits (monuments du patrimoine, édifices religieux ; et culturels (un riche
mixage des cultures et traditions autour de 450 ethnies), marchés d’œuvres
d’arts, les sites historiques ;
- la population congolaise, cible privilégiée des promoteurs de tourisme, plus
particulièrement la jeunesse en quête de loisirs ;
- Des infrastructures d’accueil : 284 plates formes aéroportuaires dont 5
aéroports internationaux, 349 agences de voyages réparties en trois catégories
dont celles affiliées à IATA et d’autres locales ; 3.235 hôtels non classés et
classés avec une capacité d’accueil globale installée de 27.963 chambres ;
4.500 km de voies navigables ;
- Plusieurs services d’appui au déploiement des activités touristiques, au nombre
desquels figurent : le transport, les agences de voyage, l’hébergement et la
restauration.

d) Formes de tourisme

- Tourisme durable

Le tourisme durable est une forme de tourisme qui s’inscrit dans une démarche de
préservation et de mise en valeur des ressources naturelles et du patrimoine culturel
d’un territoire. L’Organisation Mondiale du Tourisme le définit comme un tourisme qui
« satisfait les besoins actuels des touristes et des régions d’accueil tout en protégeant
et en améliorant les perspectives pour l'avenir ». Il est vu comme menant à la gestion
de toutes les ressources de telle sorte que les besoins économiques, sociaux et
esthétiques puissent être satisfaits tout en maintenant l'intégrité culturelle, les
processus écologiques essentiels, la diversité biologique, et les systèmes vivants. »

Aujourd’hui, le tourisme durable permet de partir en voyage tout en limitant son impact
sur l’environnement. Cela passe par le choix du mode de transport, mais également
par le choix du logement sur place et de toutes les activités. Il existe des conflits entre
les touristes étrangers qui demandent beaucoup d’énergie (notamment en eau) et la
population locale (surtout les agriculteurs) qui en ont eux aussi besoin. Ainsi, un adepte
du tourisme durable privilégiera par exemple les commerces faisant vivre les
populations locales.

Le "tourisme durable" regroupe donc les différentes formes de tourisme qui, inspirées
par l’idéologie de la conservation, mettent en valeur en les respectant voire en les
préservant, les ressources patrimoniales (naturelles, culturelles, sociales) d’un
territoire à l’intention des touristes accueillis de manière à minimiser
les impacts négatifs qu’ils génèrent immanquablement. La recherche de "durabilité"

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est donc une affaire : a) de prise de conscience ; b) de définition de principes à
respecter en prenant soin de ne pas considérer la "ressource" touristique comme une
ressource qui s’épuise lorsqu’elle fait l’objet d’une mise en valeur touristique ; c) de
mise en œuvre de ces principes de façon à entretenir le potentiel touristique du lieu en
fonction de la succession des pratiques et des sensibilités dominantes.
- Tourisme solidaire

Le tourisme solidaire regroupe les formes de tourisme « alternatif » qui mettent au


centre du voyage l’homme et la rencontre s’inscrivant dans une logique de
développement des territoires. Le tourisme solidaire s’inscrit dans les principes
du tourisme responsable et du tourisme équitable, il est un type de tourisme alternatif.

Dans ce sens, l’activité touristique est respectueuse de l’environnement naturel et


culturel, privilégie la rencontre et l’échange, participe de manière éthique au
développement local. Toutefois, le tourisme solidaire va plus loin : l'activité ne profite
pas qu'à un seul individu, elle concerne un groupe de personnes impliquées dans un
projet. Pour qu'un projet soit réellement solidaire, donc profite à toutes les personnes
impliquées, la distribution des ressources et des tâches doit être discutée localement
de manière collective entre tous les membres du projet.

D’après le réseau d’information et de documentation pour la solidarité et le


développement durable Ritimo, les fondements du tourisme solidaire sont :

- l’implication des populations locales dans les différentes phases du projet


touristique ;
- les rencontres et le respect de la personne, des cultures et de la nature ;
- une répartition plus équitable des ressources générées ;
- une sensibilisation des voyageurs et la préparation au voyage (gestion des
déchets, gestion des ressources) ;
- les retombées économiques locales.

La « Garantie d’un Tourisme Équitable et Solidaire » est un label avec un processus


d’évaluation et 54 critères clés pour la garantie d’un voyage durable : par exemple,
évaluation de la gestion des Ressources Humaines, économie d’énergie, juste
rémunération & autonomisation, transparence, sécurité…

Comme exemple, il existe des agences de voyages solidaires et équitables qui


proposent des voyages équitables et solidaires où la découverte d'une culture rime
avec rencontre de la population locale et solidarité à travers les projets de
développement. Elle permet entre autres d’impliquer les populations locales, de limiter
la taille des groupes pour favoriser les échanges, d’aider les prestataires locaux pour
la mise en place d’un tourisme durable.
- Tourisme médical (ou tourisme de santé)

Le tourisme médical, ou tourisme de santé, ou encore tourisme hospitalier, se réfère


au déplacement dans un pays autre que le pays de résidence, dans le but de bénéficier

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d’un acte médical non disponible ou difficilement accessible dans son propre pays, soit
pour des raisons de législation soit pour des raisons relatives à l’offre de soins
(compétences, coût). La relative démocratisation du transport aérien, l'instantanéité et
la facilité des mises en relation, par Internet notamment, l'internationalisation des
normes sanitaires ont généré de nouvelles proximités entre patients et offres de soins.
Le ressort de cette mobilité est d’exploiter un différentiel international de coût de soins,
son objectif étant avant tout d’améliorer sa santé et non pas de se distraire. D’ailleurs,
quand les soins reçus sont lourds et que la période postopératoire est délicate, les
patients sont dans l’incapacité de faire du tourisme.
- Tourisme sexuel

La définition du "tourisme sexuel" reste floue et saturée de valeurs morales, alors


même qu’elle est très utilisée. Il regroupe les touristes ayant, lors de leur séjour, des
rapports sexuels négociés, ces derniers constituant un motif à part entière de leur
déplacement. Ces premiers éléments de définition posent cependant plus de
problèmes qu’ils n’en résolvent. Tout d’abord, ce terme sous-entend qu’il y aurait du
tourisme avec et du tourisme sans sexe, différence aussi insensée qu’illusoire, ou
encore du bon et du mauvais sexe, entendu tarifé, ce qui relève davantage du
jugement de valeur que du discours scientifique. Le plus souvent, ce terme désigne
autant qu’il dénonce le fait que des hommes blancs aient recours à des prostituées
construites unilatéralement comme victimes dans des pays pauvres, pratique
devenant alors honteuse non seulement parce qu’elle est sexuelle mais aussi parce
qu’elle constitue un symbole facile de l’exploitation néocoloniale et masculine.

Dans les faits pourtant, les hommes, les femmes et les couples peuvent être
concernées par ces pratiques, comme le montrait notamment en 2005 le film de
Laurent Cantet Vers le Sud. Des études issues des Gender Studies ou portant sur la
prostitution ont démontré la complexité et la diversité de pratiques ne pouvant être
raisonnablement rassemblées sous ce même vocable homogénéisant. En effet, du
trafic illégal d’êtres humains parfois mineurs et toujours contraints à la prostituée tirant
volontairement bénéfice de cette activité, l’éventail des acteurs, des pratiques, des
motivations et des lieux concernés est très large.

Il est par ailleurs important de contextualiser l’apparition de ce terme pour mieux


comprendre les enjeux qu’il cristallise. Apparue dans les années 1970 chez les
féministes japonaises, l’expression sex tourism dénonce d’abord la pratique
du Kisaeng chez les hommes japonais se rendant en groupe en Corée à des fins
prostitutionnelles. Cependant, la mobilisation contre le tourisme sexuel ne débute à
proprement parler que dans les années 1980, lorsque l’OMT organise son sommet à
Manille. Des contre-manifestations parallèles, emmenées notamment par des
féministes thaïlandaises et japonaises, dénoncent les pratiques d’hommes riches
blancs à l’égard de jeunes femmes pauvres de la région. À partir de 1984, l’indignation
dépasse le cadre régional avec la parution du livre de K. Barry, Female Sexual Slavery.
À partir des années 1990 cependant, le regard sur le tourisme sexuel change avec la

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propagation du SIDA. Faisant systématiquement des prostituées des populations
cibles, celles-ci sont alors davantage envisagées dans un cadre de santé publique,
suspendant le jugement moral. Parallèlement, des affaires de pédophilie éclatent et
on assiste à un déplacement progressif des acteurs ayant pris position pour les
prostitués à partir des années 1970 vers les questions relatives à l’exploitation sexuelle
des enfants. Le système d’alerte orchestré par les associations a donc fonctionné :
des ONG se sont institutionnalisées et des programmes pérennes de lutte contre le
trafic d’êtres humains et la pédophilie ont été mis en place.
- Tourisme de la dernière chance (last chance tourism)

Le tourisme de la dernière chance, en anglais last chance tourism désigne une


pratique touristique morbide consistant à observer des écosystèmes qu'on sait
potentiellement condamnés à disparaître à moyen terme sous l'effet des changements
globaux. On parle aussi de doomsday tourism ou tourisme de l'apocalypse (Joliet et
Chanteloup, 2020). Les premières occurrences de l'expression proviennent de la
littérature anglophone, sous la plume de Eijgelaar et al. (2010) et de Lemelin et
al. (2012).

Paradoxalement, si elle est pratiquée de façon excessive, cette pratique peut aggraver
les pressions sur l'environnement. L'observation des glaciers arctiques ou celle
d'espèces menacées d'extinction comme les tortues de mer peuvent dans certains cas
être classée dans cette catégorie. Dans certains cas cependant la pratique touristique
peut contribuer à financer des programmes de préservation environnementale.

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VI. L’Aménagement du Territoire

a) Introduction

L’aménagement est cette action volontaire, consciente, programmée d’une collectivité


sur son territoire qui consiste à modifier, rectifier, corriger, adapter et transformer un
espace donné en vue d’un objectif déterminé. Aménager une salle, un bureau, une
chambre, une ville ou une région…. L’aménagement se définit toujours par rapport à
un objectif bien clair. On n’aménage pas sans une finalité précise. L’aménagement
correspond à une volonté, notamment collective, de corriger les déséquilibres d’un
espace, local, régional, national voire supra-régional et s’appuie sur le volet appliqué
de la géographie à côté des autres disciplines comme l’économie, la sociologie, le
droit… Il suppose une conception globale de l’ensemble d’un territoire, une analyse à
la fois rétrospective (bilan) et prospective (perspectives). C’est une véritable synergie
des disciplines et des compétences comme la géographie, l’économie, la sociologie,
l’urbanisme, le droit, le paysage, l’agro-économie…. L’aménagement est
transdisciplinaire ou du moins multi-disciplinaire qui regroupe plusieurs savoirs-faires.
Il concerne aussi toutes les sphères de la collectivité qu’elle soit locale, régionale ou
nationale.
Le terme territoire provient lui du latin territorium, lui-même dérivé de terra, la terre
(globe terrestre, matière, sol, continent, contrée). Il signifie « morceau de terre
appropriée ». Il a donné naissance au mot « terroir » et territoire. Trois sens peuvent
être donnés au terme « territoire » dont les deux premiers sont neutres qui ne renvoient
pas au rapport à la société et le terme territoire est plutôt l’équivalent à celui d’espace,
voire pays : analyse, dynamique territoriale = spatiale
- Un découpage administratif donné : un espace ayant une autorité compétente
mais n’ayant pas une forte homogénéité de population : on parle du Territoire
de Kazumba par exemple.
- Un espace délimité et contrôlé par une autorité (un Etat) qui forme souvent une
nation et/ou un pays. On parle du territoire national, du territoire congolais…
L’Etat possède l’autorité territoriale qui s’exprime par des lois territoriales qui
s’appliquent à l’ensemble du territoire.
- Un espace socialisé, approprié par ses habitants quelle que soit sa taille avec
une mémoire, une pratique et une représentation de cet espace. Il est l’œuvre
de la société indépendamment de sa nature physique, la présence de ville…
Les territoires du quotidien correspondent aux parcours habituels des individus
ou des catégories sociales. Les processus de socialisation et d’appropriation
sont sollicités en intégrant la temporalité (représentation du temps vécu à
travers l’expérience par la conscience). L’appropriation peut être datée, elle
commence dès qu’on se réclame d’un tel ou tel territoire. Le terme territoire
n’est pas neutre et fait de la géographie par exemple une science sociale avant
tout.

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Le territoire évoque l’idée de domination et de gestion d’un espace par une puissance
dont l’autorité, la légitimité et la puissance découlent de ce contrôle territorial. Le
caractère interventionniste se retrouve derrière les opérations d’aménagement
territorial. Le territoire a un sens juridique fort auquel trois idées peuvent être associées
: la domination liée à un pouvoir du prince, l’aire dominée par ce contrôle territorial, les
limites matérialisées par des frontières. C’est de ce sens que dérive l’utilisation
géographique du terme empruntée à l’administration : aménagement du territoire. Tout
groupe social assure sa reproduction sexuelle et spatiale, il s’approprie et organise
une portion de l’espace pour permettre cette reproduction, voire sa survie.
Le territoire est ainsi la portion de l’espace terrestre, appropriée par un groupe social
pour assurer sa reproduction et la satisfaction de ses besoins vitaux. L’appropriation
peut être sous forme d’une auto-référence culturelle adoptée et intériorisée par le
groupe social et souvent positivée (ce qui rejoint un peu la notion de terroir). Elle peut
résulter aussi d’une représentation externe avec son versant négatif) : le côté
recherche de profit, calculateur… L’appropriation peut être naturelle, historique,
politique.
L’aménagement suppose la présence d’un territoire, d’une collectivité exprimée par un
pouvoir ou une autorité qui dirige l’action de transformation et assure les arbitrages
nécessaires. L'aménagement du territoire désigne à la fois l’« Action d'une collectivité
sur son territoire, et le résultat de cette action. C’est l’ « action volontaire et réfléchie
d’une collectivité sur son territoire, soit au niveau local (aménagement rural, urbain,
local), soit au niveau régional (grands aménagement régionaux, irrigations), soit au
niveau national (aménagement du territoire) ». C’est aussi le « résultat de cette
action». L’aménagement est une action raisonnée de la collectivité sur son territoire.
C’est l’action de re-structurer un espace donné en exploitant les atouts et limitant les
contraintes et les gaspillages par une utilisation rationnelle de l’espace et des
ressources, afin d’assurer le bien-être du groupe social et l’équité territoriale. Le
gaspillage est à la fois économique, spatial et humain tandis que l’équité se situe au
niveau de l’homme, du citoyen, du producteur, du consommateur…
Plusieurs dimensions ou composantes contradictoires se dégagent de cette définition
de l’aménagement et coexistent au sein de sa problématique : a) La dimension
économique : Utiliser les atouts revient à favoriser les points forts, la croissance là où
elle est et ne pas casser le processus amorcé ce qui accroît les déséquilibres. C’est
en termes de croissance, de développement et d’efficacité que l’aménagement doit
être pensé, conçu et mené. L’espace en tant que étendue et ressources devient de
plus en plus rare, comment assurer une utilisation rationnelle, efficace sans gaspillage
et sans sous-utilisation aussi ?
Il s’agit ici d’utiliser rationnellement l’espace et les ressources en cherchant la
distribution optimale de la population, des villes, des activités et des infrastructures sur
l’ensemble du territoire en exploitant les atouts et en limitant les contraintes. b) La
dimension sociale : Assurer l’équité territoriale reviendrait souvent à sacrifier la
croissance d’où le gaspillage des ressources et des moyens qui sont souvent limités.
L’aménagement du territoire est « L’action politique ayant pour but d’harmoniser le
développement des régions, de lutter contre les déséquilibres industriels ou culturels

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et les inégalités ». Il s’agit d’instaurer un rapport, convivial, du moins acceptable, entre
l’homme et son espace. c) La dimension environnementale : elle consiste à préserver
l’environnement et les ressources an vu de permettre un développement durable et un
bien être pour la population concernée. Jusqu’aux années 1980, l’environnement était
le parent pauvre du développement et de l’aménagement et ce n’est qu’au début des
années 1970 qu’on a commencé à prendre en compte la question de l’environnement.
d) La dimension spatiale : l’espace devenu lui-même une ressource rare, il convient
de bien l’utiliser pour accompagner les trois premières composantes. En outre, il s’agit
de doter le territoire concerné d’une structure spatiale viable. C’est une optimisation
des répartitions spatiales. e) La dimension stratégique : L’aménagement est avant tout
une conception du futur, une vision stratégique de la société de demain, c’est une
projection de la société de demain sur l’espace. L’aménagement est aussi une
projection géographique de la société de l’avenir permettant d’offrir à chacun un cadre
de vie et d’activité décent dans un éclairage long terme permettant les décisions à
court terme.
b) Quelques définitions de l'aménagement du territoire
« On entend par aménagement du territoire, l’ensemble des choix, des orientations et
des procédures fixés à l’échelle nationale ou régionale pour organiser l’utilisation de
l’espace et même d’assurer notamment la cohérence dans l’implication des grands
projets d’infrastructures, d’équipements publics et des agglomérations »
La définition que donne Eugène Claudius-Petit (1950) de cette nouvelle politique est
la suivante : « L’aménagement du territoire, c’est la recherche dans le cadre
géographique d’une meilleure répartition des hommes en fonction des ressources
naturelles et de l’activité économique ». Trois idées sont contenues dans cette
définition : - L’aménagement du territoire apparaît comme une exigence de justice
spatiale : la correction des disparités - L’aménagement du territoire apparaît aussi
comme une exigence économique en termes de croissance d’efficacité et de
développement. - L’aménagement du territoire est une exigence technique qui introduit
l’idée d’une spécialisation fonctionnelle des territoires (« en fonction de… »). Ralliant
la polyfonctionnalité et la diversité, la technique avancée, propre et la moins coûteuse.
c) La finalité et les objectifs de l’aménagement
L’aménagement du territoire suppose une perception et une conception de l’espace à
la fois. Les premiers aménageurs ont été les militaires et les politiques où la défense
du territoire est au centre de la problématique. Il a pour objet de corriger ou
d’accompagner les effets spatiaux des activités humaines et en particulier des agents
économiques. L’espace à aménager est souvent perçu comme un espace
déséquilibré, désorganisé, mal ou peu équilibré. L’aménagement consiste donc à
réorganiser cet espace. La finalité et le but de l’aménagement du territoire sont
essentiellement la réorganisation de l’espace.
L’aménagement du territoire peut avoir des objectifs différents qu’il faudrait associer
pour en assurer la cohérence, ces objectifs supposent une philosophie de l’agir et non
du laisser-aller :
- mieux distribuer les activités et les populations sur le territoire,

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- réduire les disparités,
- améliorer la performance globale ou celle de certains lieux.
Cette nécessité de l’action s’impose même dans les systèmes les plus libéraux afin de
corriger les effets pervers ou les aspects négatifs. Les deux objectifs majeurs, et
parfois contradictoires, des politiques d'aménagement du territoire consistent en
l'accompagnement du développement économique des territoires, et en la réduction
des inégalités spatiales en termes économiques ou sociaux. Ces objectifs sont réunis
dans la formulation d'un développement équilibré du territoire, qui est énoncé dans
nombre de documents de planification et de textes de loi. On peut distinguer quatre
objectifs complémentaires pour l’aménagement du territoire qui ne sont pas toujours
compatibles : 1- Le développement : c’est la recherche d’un développement cohérent
et global des espaces en fonction des aptitudes et les données propres. 2- L’équité : il
s’agit d’assurer à chaque citoyen un cadre de vie respectable en tant qu’être humain,
citoyen, producteur, consommateur… 3- L’éclairage à long terme afin de justifier les
décisions et les actions à entreprendre à court et moyen terme. 4- L’amélioration des
conditions de vie du citoyen en matière d’habitat, emploi, transport…
d) Les échelles de l’aménagement
L’aménagement du territoire est multiscalaire, il touche plusieurs échelles à la fois.
C’est le cas d’un quartier, d’une ville, d’une région, du pays, voire même à l’échelle
continental comme est le cas européen à travers les axes routiers, les réseaux de
conduite… Cet emboîtement des échelles pose un double problème : le problème de
la compétence, le pouvoir des différents aménageurs et des acteurs. Le second
problème est celui de la concurrence : un schéma autoroutier peut se heurter à un
choix communal ou régional, ce qui nécessite une volonté commune, un consensus
des différents acteurs impliqués et un arbitrage constant entre les choix et les intérêts.
L'aménagement du territoire existe : - à l'échelle nationale ; - à l'échelle supra-nationale
comme dans le cas de la politique spatiale européenne; - aux échelles sub-nationales,
l'aménagement du territoire fait partie des compétences sur lesquelles les Provinces
interviennent conjointement avec l'État. A l'échelle plus réduite des agglomérations, on
entre dans le domaine de l’aménagement urbain ou l'urbanisme. Selon le degré de
décentralisation, les actions majeures se déplacent du niveau national au provincial et
au local parallèlement aux moyens d’actions mis en œuvre.
d) Les champs d'intervention de l'aménagement
Dans une perspective de développement durable, l'aménagement du territoire
intervient dans différents secteurs pour parvenir aux objectifs :
- le développement local, le développement régional, le développement urbain ;
- le développement territorial ;
- les politiques sociales spatialisées ;
- les politiques du logement ;
- le développement des infrastructures, notamment de transport et de
communication ;
- la gestion des déchets et des ressources de proximité ;

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- la disponibilité des ressources en eau et leur gestion intégrée afin d'assurer leur
durabilité ;
- la préservation et la mise en valeur de l'environnement comme on la conçoit par
exemple dans la gestion intégrée des zones côtières

e) Les acteurs de l’aménagement du territoire


Ils sont en général: L’Etat ; Les collectivités locales ; les entreprises :
A/ L’Etat : L’aménagement du territoire est en premier lieu l’affaire de l’Etat c’est à
celui-ci qu’incombe la responsabilité d’assurer l’équité entre la population de
l’ensemble du territoire. La politique de l’aménagement du territoire de l’Etat est confiée
selon les pays, à un ministère spécifique ou bien à des institutions créées au niveau
de l’Etat.
B/ Les collectivités locales .L’Etat se charge de l’aménagement du territoire au niveau
national (les collectivités locales s’occupent, quant à elles, de l’aménagement régional
urbain ; elles s’intéressent à l’espace local. Cependant, les orientations de
l’aménagement régional et local doivent être cohérentes avec la politique nationale
d’aménagement du territoire.
C/ Les entreprises. Les entreprises représentent un acteur primordial de
l’aménagement du territoire. D’une part, elles contribuent au développement du
territoire et ce, par : _La création d’emplois par les projets à réaliser. _La création de
richesse par la réalisation de la valeur ajoutée. D’autre part, elles renforcent la position
du territoire et contribuent à former son offre car la localisation des entreprises
existantes sur un territoire attire d’autres entreprises. C’est pour ces raisons, que les
politiques d’aménagement du territoire donnent un grand intérêt à la localisation des
entreprises

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VII. La Localisation des activités économiques :
cas des Zones économiques spéciales en RDC
a) La localisation des entreprises en un endroit

Chaque localisation économique est unique, mais il existe des ressemblances et des
théories pour les expliquer ainsi que des outils d’aide à la décision, tels que les
modèles de localisation optimale d’industries ou de commerces. On observe
également que la mobilité accrue des personnes et des marchandises et la rareté des
espaces intra-urbains ont engendré l’exurbanisation, spontanée ou planifiée, de
nombreuses activités industrielles et commerciales. Ces activités se redistribuent en
périphérie urbaine, souvent pas trop loin du lieu initial afin de conserver clients, main-
d’œuvre et sous-traitants. Cette relocalisation engendre des friches en centre-ville,
mais aussi une plus grande circulation des personnes et des marchandises, et
l’accentuation de l’étalement urbain. Cette périurbanisation des activités s’opère en
couronnes successives, sauf dans certains pays qui ont adopté une politique
d’aménagement du territoire adéquate.

Pour des raisons urbanistiques et/ou pour favoriser le développement régional, les
parcs d’activités offrent terrains viabilisés, accessibilité et visibilité aux entreprises. Ces
parcs varient selon leur taille, la nature de leur promoteur, privé ou public, leur statut
financier (zone franche ou non) ou le type d’activités. Ils sont souvent localisés en
périphérie urbaine, mais ils peuvent aussi se trouver en ville, en région rurale ou dans
des zones portuaires. Il ne faut pas confondre les parcs d’activités avec les districts
industriels, qui résultent du rassemblement spatial d’entreprises complémentaires ou
spécialisées dans la même production (coopération intra-sectorielle ou
intersectorielle). Par définition, un district industriel ne répond pas à une opération
d’aménagement du territoire et est plus vaste qu’un parc d’activités.
b) Les Zones économiques spéciales en RDC

La RDC était l’un des plus industrialisés du continent africain à son accession à
l’indépendance. Mais soixantaine ans plus tard, la désindustrialisation a fait des
ravages, sous les effets combinés de longues années de mauvaise gouvernance et
de deux vagues de pillages initiées dans plusieurs villes au début des années 1990
par des militaires en furie.

Pour tenter de remédier à la dégradation continue de la situation, les autorités ont


décidé de mettre en place des zones économiques spéciales (ZES). Ces ZES, dont
l’essaimage sera progressivement entrepris dans le cadre d’un partenariat privé-public
ou privé-privé, sont des espaces dotés d’un régime juridique particulier en vue d’attirer
des investissements. Les entreprises qui s’installeront dans ces zones bénéficieront
de facilités fiscales et douanières, d’une certaine souplesse administrative et de
diverses exemptions, de manière à les rendre plus compétitives.

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L’idée d’implanter les ZES a été lancée en 2012. Après la mise en place en 2014 d’un
cadre législatif fixant le régime des ZES en RDC et la création de l’Agence des zones
économiques spéciales (AZES) en 2015, le gouvernement a lancé le processus de
recrutement de l’aménageur privé de la ZES Pilote de Maluku en 2018. Ce processus
a été piloté par la Cellule d’exécution des financements en faveur des États fragiles
(CFEF), l’agence d’exécution du Projet de développement des pôles de croissance
(PDPC) financée par la Banque mondiale.

Au bout du compte, le groupe Strategos a été retenu et a signé le contrat


d’aménagement de la ZES Pilote de Maluku avec l’AZES en janvier 2020. Le groupe
a surclassé ses concurrents, dont une société chinoise et un consortium congolo-sud-
africain. Si le projet pilote de Maluku est un succès, l‘expérience sera étendue à
d’autres provinces, comme le Lualaba, le Haut-Katanga et le Kongo-Central. Dans le
Haut-Katanga, le site de Kiswishi (Lubumbashi) a acquis le statut de ZES en décembre
2020. Son aménagement sera réalisé dans le cadre d’un partenariat privé.

- Cadre juridique

1. La loi n° 14/022 du 07 juillet 2014 fixant le régime des Zones économiques spéciales
(ZES) en République démocratique du Congo (RDC). Cette loi a pour objet de
« promouvoir les investissements par la création des zones économiques spéciales,
conformément aux articles 34, point 3 de la Constitution ».
Cette loi a pour objectifs :

- Améliorer le cadre juridique et institutionnel susceptible d’attirer et de préserver


les investissements privés nationaux et étrangers, en vue de promouvoir le
développement du pays ;
- Simplifier les procédures administratives afin d’améliorer davantage le climat
des affaires et d’attirer les investissements ;
- Renforcer les mécanismes de résolution des différends liés aux
investissements ;
- Offrir un environnement des affaires incitatif, transparent et cohérent, en vue
d’encourager les investissements privés nationaux et étrangers générateurs de
croissance et d’emplois et d’augmenter le jeu de la concurrence en République
Démocratique du Congo ;
- Fixer les règles d’organisation et de fonctionnement des zones économiques
spéciales, leurs missions et leurs délimitations ;
- Déterminer les pouvoirs d’encadrement de l’Agence des zones économiques
spéciales, y compris ses compétences exclusives et privatives ;
- Préciser le régime applicable aux entreprises pouvant exercer leurs activités
dans les zones économiques spéciales, sauf en ce qui a trait aux dispositions
fiscales et douanières qui seront énoncées dans la Loi des finances.

2. Décret n° 20/004 du 5 mars 2020, fixant les avantages et facilités à accorder aux
investisseurs opérant dans les Zones 2conomiques Spéciales en RDC.

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Pour les aménageurs :

- Exonération totale de l’impôt foncier, mobilier et professionnel sur les bénéfices


pendant 10 ans renouvelables une fois après évaluation ;
- Réduction de 50% du taux d’imposition fixé dès la 21ème année ;
- Exonération totale de droits et taxes à l’importation sur les machines, l’outillage
et les matériels neufs ou d’occasion, les biens d’équipements… pendant 10
ans, …
Pour les entreprises :

- Exonération totale de l’impôt foncier, mobilier et professionnel sur les bénéfices


pendant 5 ans renouvelable une fois après évaluation ;
- Réduction de 50% du taux d’imposition fixé dès la 11ème année ;
- Application du système d’amortissement exceptionnel ;
- Exonération totale de droits et taxes à l’importation sur les machines, l’outillage
et les matériels neufs ou d’occasion, les biens d’équipements… pendant 10
ans ;
- Exonération de droits et taxes à l’exportation sur les produits finis pendant 10
ans ; …
Espaces d’implantation des Zones Economiques Spéciales identifiés :

 Espace Kinshasa :

A été créée par décret n°12/021 du 16 juillet 2012. Ce site présente les caractéristiques
suivantes :

- Superficie : 885 ha dont 244 ha pour la zone pilote ;


- Filières industrielles concernées :
 L’agro-industrie ;
 Les matériaux de construction ;
 Les emballages ;

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 La transformation métallurgique
- Situé à proximité de Kinshasa, un marché de plus de 12 millions d’habitants ;
- Bonnes connexions de transport nationales et internationales ;
- Situé à proximité du Fleuve Congo, ce qui permet un accès vers le vaste marché
intérieur ;
- Potentiel pour le développement d’une plate-forme agro-industrielle pour
l’Afrique centrale ;

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Références bibliographiques

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