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CHAPITRE DEUXIEME : LA MIGRATION EN REPUBLIQUE


DEMOCRATIQUE DU CONGO

Il est difficile de distinguer la migration internationale des


Congolais en général, et celle des Kinois en particulier. En effet, des
nombreuses stratégies migratoires et le plus souvent concernant
l’immigration irrégulière ont pris naissance à Kinshasa. Kinshasa en tant
que métropole de la République Démocratique du Congo, est le miroir du
pays ; de ce fait, comprendre la stratégie migratoire des Kinois
équivaudrait à maitriser celle de l’ensemble du pays.

Sur ce, nous abordons ce chapitre par la première section qui


donne un aperçu général sur la migration en RDC, ensuite nous
passerons à la deuxième section pour parler des facteurs d’émigration
des Kinois, et enfin à la dernière section nous traiterons de la DV loterie.

II.1 BREF APERÇU DE LA MIGRATION EN RDC

Du point de vue historique, il convient de noter que la mobilité


des Congolais en général a été modeste durant la période coloniale,
aussi bien pour les migrations internes qu’internationales, hormis la
migration des étudiants zaïrois boursiers des années 1970 et 1980
“Belgicains” ainsi que quelques, autre migrants de travail. Pour expliquer
les processus migratoires, les économistes distinguent traditionnellement
deux types de facteur à savoir les facteurs qui poussent les individus
hors de leurs papys et les facteurs d’attraction qui attirent les individus
dans un autre pays. Dans le premier cas, c’est la situation dans le pays
de départ qui est déterminante pour comprendre les mécanismes
migratoires. Dans le second cas, c’est la situation dans le pays de
destination qui est déterminante. Un individu peut se sentir attiré par un
pays en raison des avantages économiques directs; Dans le cadre de ce
2

travail, malgré la diversité des causes de l’émigration, nous allons les


catégoriser en deux.

Commençons par les migrations pour cause d’études Hormis


les périodes précoloniale et coloniale, les migrations proprement dites
dés Congolais vers l’Europe ont commencé au début des années 1960,
après que le Congo ait obtenu son Independence. A cette époque, la
migration vers l’Europe était une migration d’élite. Entre 1960 et 1980, la
principale raison de départ des Congolais à l’étranger, plus
particulièrement en Belgique, était liée à la poursuite de leurs études.
Ceci s’expliquait par la coopération bilatérale entre la République
Démocratique du Congo et la Belgique qui mettait à la disposition des
étudiants congolais des bourses d’études. Cependant, il s’est développé
pendant la même époque une émigration congolaise vers certains pays
limitrophes et d’autre pays africains mais pas pour des raisons d’études
C’était plutôt des migrations de travail.

Au cours des trente dernières années, c’est-à-dire à partir


des années 1980, le profil et la destination des migrants congolais était
constitué principalement d’élites intellectuelles avant les années 1980.
Selon le rapport final sur la crise économique et migrations
internationales en RDC, les Congolais pauvres et les moins instruits ont
participé de manière croissante aux migrations internationales vers des
pays limitrophes. La raison était l’incertitude économique ainsi que
l’instabilité politique et les pillages. Entre 1994 et 2004 environ 25.000
Congolais ont demandé le statut des réfugiés en Afrique du Sud au
début des années 2000 et beaucoup d’autres vivent sans statut des
réfugiés.

C’est donc vers 1980, et surtout 1990 que les Congolais se


sont véritablement engagés sur la voie de la migration internationale. Le
3

recours à l’émigration constitue un phénomène récent dans les


stratégies des ménages congolais, nous renseigne Mangalu MOBHE 1.

En effet, dès la fin de 1990, et surtout au début de 1990, des


nombreux ménages congolais ont eu recours à la migration
internationale comme stratégie de survie, à la suite de la détérioration
des conditions sécuritaires, politiques, économiques, et sociales 2.Et
nombreux prenaient comme destination, les pays africains: la
République du Congo, l’Angola, la République sud-africaine 3.

En ce qui concerne la migration vers d’autres continents, la


Belgique reste la destination privilégiée des Congolais, cela suite aux
liens historiques qui relient ces deux pays. De ce fait, Bruxelles est
utilisée comme le point d’ancrage pour les migrants congolais, à l’instar
de Paris pour les Congolais .de Brazzaville avant leur redéploiement
dans d’autres pays de l’espace Schengen.4

En 1990 la France va devenir le premier pays d’immigration


des Congolais en Europe car elle semblait offrir beaucoup plu
d’opportunités en matière d’emplois et d’intégration que d’autres pays
européens.

En 2000, la Banque Mondiale avait déjà évalué, à environ


739 000, la population totale des migrants Congolais répartis à travers le
monde (ONU, 2006). La migration des Congolais vers d’autres pays est,
dans une large mesure, une migration de proximité. Elle est, en effet,
rattachée plus aux considérations historiques et aux facilités d’intégration
(Mangalu, 2011 ; Solo, 2012). En Afrique, le Congo Brazzaville, l'Angola

1
Mangalu Mobhe, cité par José Bazonzi, op.cit. p160
2
Lututala, Zarnwangana, « RDC terre d’asile ou pays d’exil ? » In Département de Démographie (UNIKIN), DDK-
FNUAP, Kinshasa, 1998 p23.
MBANGI KWAKASA mémoire en sociologie (UNIKIN) p. 21
3
Idem
4
Jasé Bazonzi, op. cit,
4

et l'Afrique du Sud furent les principales destinations. Vers les années


1970, le nombre des Congolais de la RDC résidant au Congo-Brazzaville
était évalué à environ 300 000 personnes (Ndombasi, 2012). Nombre
qui, de nos jours, doit être sensiblement revu à la hausse. Dans
l'hémisphère Nord, la présence remarquée des Congolais est une réalité
relativement récente. Elle date du début des années 1960. La Belgique a
été pendant longtemps une destination privilégiée des Congolais en
Europe. Et les Congolais sont la première population originaire d’Afrique
subsaharienne en Belgique, du point de vue numérique (Martiniello et
Perrin, 2011 : 94), concurrencée aujourd’hui par les Guinées
(Schoonvaere, 2010)

Une enquête démographique menée toujours par


Schoonvaere, sur la population congolaise en Belgique, établit à un peu
plus de 16.132 le nombre de personnes de nationalité congolaise
résidant légalement en Belgique ; au 1er janvier 2008. Et à 29.500, le
nombre des Belges d’origine congolaise. A ce nombre d’environ 45.632
Congolais, de nationalité et d’origine, il convient d’ajouter celui des
Congolais en situation d’irrégularité qu’il est assez difficile de dénombrer
et que, de façon plus ou moins consensuelle, on estime à environ
10.000. Après la Belgique, les Congolais ont migré progressivement
dans d'autres pays du Nord, notamment en France, en Grande-
Bretagne, en Allemagne, aux Etats-Unis, au Canada, etc. Ce total
d’environ 55 632 congolais vivant en Belgique (en 2008), un pays 80 fois
moins grand en superficie et six fois plus réduit en population que la
RDC, traduit, de fait, la réalité de la migration congolaise.
5

II.3. CONTEXTE DE LA MIGRATION CONGOLAISE DE 1960 À NOS


JOURS
Comme durant la colonisation, la migration congolaise après
l'indépendance n'est pas une donne gratuite, moins encore une réalité
neutre. Elle est liée à deux contextes complémentaires qui l'exacerbent.
Il s'agit des contextes politique et économique.

II.3.1. Contexte politique

La République Démocratique du Congo a connu un passé


désastreux et éprouve un présent inquiétant, malgré sa dimension, son
histoire complexe et son potentiel inaccompli. Enfermée non seulement
à l’intérieur de ses troubles internes, mais aussi dans ceux de la région
africaine des Grands Lacs, elle a fourni en quantité bien suffisante du
matériel sur les migrations forcées, la violence et les marasmes
politiques (Revue Migrations Forcées, 2010). Ceci revient à dire que la
compréhension de la situation politique de la RDC exige une vision
panoramique diachronique.

Pour une bonne compréhension du contexte politique de la


RDC qui, à coup sûr, a des effets d'entrainement sur la migration
congolaise, six grandes périodes méritent d'être retenues. Il s'agit des
périodes allant de 1960 à 1965, de 1965 à 1990, de 1990 à 1997, de
1997 à 2003, de 2003 à 2006 et de 2006 à nos jours.

II.3.1.1. De 1960 à 1965

Débutent avec l'euphorie dont les Congolais indépendants


ont fait montre le jeudi 30 juin 1960, personne ne pouvait s’imaginer que
juste quelques jours après, le pays soit le théâtre des rébellions de
toutes sortes et des crises institutionnelles. En effet, durant la première
République (1960-1965), le pays se décomposa et fut confronté à des
6

guerres civiles, à des pogroms ethniques, à des tueries et assassinats. Il


a connu deux coups d'Etat, trois rébellions et six chefs de gouvernement
(Lumumba, Iléo, Bomboko, Adoula, Tshombe et Kimba). Bref, Van
Reybrouck (2012) qualifie cette première République des "années
mouvementées" ou de "l'époque apocalyptique" durant laquelle tout ce
qui pouvait mal tourner tourna mal. Sur le plan politique ou militaire, le
pays sombra dans un chaos total inextricable.

Certaines personnes avisées attribuent cette situation à


l'immaturité politique des Congolais, laquelle immaturité découle de
l'impréparation des politiciens et/ou évolués à assumer des charges
publiques de grande envergure. Et ce, dans tous les secteurs de la
vie nationale. Par exemple à l'indépendance, le nombre de cadres
universitaires formés n'était que de 16 pour une population estimée à
environ 13 millions d'habitants (Stengers 1989).

Aussi, l'indépendance mal préparée et précipitée 5 ne


resta-t-elle pas sans conséquence sur le plan migratoire durant la
première République à cause des troubles multiples qui ont
caractérisé cette période. L'on note même l'exil de certains
politiciens dont Tshombe qui s'est abrité au Maroc (Solo, 2004).
Durant la même période, quelques militaires, jeunes étudiants et
cadres des organismes privés, telle que l'Union minière du Haut
Katanga, ont effectué des séjours en Belgique ; principalement pour
des formations. A l'interne, Kinshasa a connu, après l'indépendance,
un afflux massif des gens originaires des campagnes et des villes
secondaires ; à la suite entre autre de la guerre civile qui sévissait à
l'intérieur. Cet exode rural était aussi renforcé par l’abandon des
formalités ennuyeuses et tatillonnes qu’imposait l’Administration

5
. Ce qui est relatif selon le cas.
7

coloniale au départ et à l’arrivée des migrants (Pain, 1984). C'est le


coup d'Etat militaire du colonel Mobutu qui mettra ainsi un terme à la
première République, la nuit du 24 et 25 novembre 1965.

II.3.1.2. De 1965 à 1990

Bien que le règne du Président Mobutu couvre la période


allant de 1965 à 1997, autrement appelée la deuxième République,
nous nous limitons d'abord à 1990 pour des raisons événementielles. En
effet, arrivé au pouvoir le 24 novembre 1965 par un coup d'Etat, le
Président Mobutu mena des actions dans certains domaines clés de la
vie nationale pour la consolidation de son pouvoir.

Sur le plan militaire, l'action a consisté à réorganiser


l'armée pour mâter les rebelles qui multipliaient des assauts surtout à
l'Est du pays et pour d'autres éventuelles guerres. C'est dans ce
contexte, avec l'aide de ses alliés Occidentaux et Africains
(Américains, Français, Belges et Marocains), qu'il réussit à remporter
les victoires militaire et politique de la guerre dite de "80 jours" en
1977, celle de Shaba en 1978 puis celle de Moba en 1984
(Braeckman, 1992, Ndaywel, 1998).

Sur le plan politique, il instaura un "pouvoir fort" par sa


première ordonnance signée le 30 novembre 1965 qui lui octroie des
"pouvoirs spéciaux" et celle signée le 22 mai 1966, qui lui octroi le
"plein pouvoir" (Solo, 2004 ; Mangalu, 2011). L'interdiction des
activités des partis politiques, la suspension du droit de grève, etc.
furent les preuves de son "pouvoir fort". La création, le 20 mai 1967
du parti unique le "Mouvement Populaire de la Révolution » ; (MPR)
en sigle, avait pour but de propager son idéologie avec l'aide des
élites universitaires dont certains étaient déjà rodés au collège des
8

commissaires généraux en 1960 (Solo, 2004). La nouvelle


constitution promulguée un mois après a non seulement légitimé son
pouvoir, mais lui a également permis de concentrer tout le pouvoir
d'Etat entre ses mains.

Nonobstant la consolidation du pouvoir du Président


Mobutu et son élection comme Président de la République, il y a eu,
durant cette période, beaucoup de remous politiques et non de
moindres. On signale notamment, les accrochages à répétition entre
les étudiants et les militaires, la lettre ouverte adressée à Mobutu par
les 13 parlementaires dont le défunt Tshisekedi wa Mulumba. Ces
parlementaires frondeurs ont créé, en 1982, l'UDPS (Union pour la
Démocratie et le Progrès Social). Et, suite à l'effondrement du bloc
de l'Est, entrainant ainsi la fin de la guerre froide et d'autres
événements qui ont marqué la fin de la décennie 80 et le début de la
décennie 90, Mobutu prît conscience de la nécessité du respect des
droits de l'homme et de la démocratie qui devinrent les critères
incontournables pour les dirigeants africains (Van Reybrouck, 2014).
C'est ainsi qu'il décida d'organiser une tournée des consultations
populaires à l'issue de laquelle il prononça, le 24 avril 1990, son
discours mémorable de la démocratisation du pays.

Il sied de rappeler que la décennie 80 est caractérisée


par la migration économique. Beaucoup de Congolais ont quitté le
pays (Kinshasa) pour s'établir ailleurs, à la recherche de
l'amélioration de leurs conditions de vie.
9

II.3.1.3. De 1990 à 1997

Le multipartisme annoncé le 24 avril 1990, par le


Maréchal Mobutu, période qui marque le début de la transition et
augura les préparatifs des travaux de la Conférence Nationale
Souveraine (CNS), a donné une lueur d'espoir au peuple Zaïrois de
l'époque (Congolais). L'ouverture de la conférence Nationale le 7
août 1991 et l'installation officielle du Bureau définitif de la CNS le 24
avril 1992 furent des preuves certaines que le processus d'une
ouverture démocratique irréversible s'était réellement déclenché et
que le pays était en train de s'engager sur la voie d'un changement
voulu radical et total (Ndaywel, 1992). Au contraire, ce processus
vint pour le moins envenimer le climat politique avec des
manifestations et des turbulences accumulant des spectacles, des
désordres et la désolation. Au niveau de l'Exécutif, l'on comptabilisa
la succession de 11 gouvernements et ce, de 1990 à 1997. Par
ailleurs, l'on enregistra durant la même période d'importants
massacres, dont les plus connus furent ceux des étudiants de
l'Université de Lubumbashi en mai 1990 ; et ceux des chrétiens le 16
février 1992 à Kinshasa, à l'occasion de la marche de revendication
pour la réouverture de la CNS.

Fixée initialement au 10 juillet 1995, cette échéance de


fin de la transition n'a pas été respectée et a été prolongée de 24
mois. La Commission Electorale Indépendante (CEI) fut mise sur
pied et le calendrier électoral ayant prévu les élections législatives et
présidentielles avant les échéances de juillet 1997. Pendant ce
temps, l'abandon de la capitale et le retrait à Gbadolite du Président
Mobutu après l'échec de la CNS avaient constitué une sorte de
vacance au sommet de l'Etat. Au demeurant, il était devenu
10

démissionnaire sur tous les plans. D'où, l'émergence, à l'Est du pays


de mutuelles ethniques avec des agendas cachés, des groupes
armés, des milices, etc.

C'est dans ce contexte que l'Alliance des Forces


Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL), avec Laurent
Désiré Kabila à sa tête, a déclenché sa rébellion le 19 octobre 1996
à partir d’Uvira ; laquelle alliance accéda au pouvoir le 17 mai 1997,
date de son arrivée à Kinshasa et mettant ainsi un terme aux 32 ans
de règne du président Mobutu.

II.3.1.4. De 1997 à 2003

Arrivé au pouvoir par les armes, le 17 mai 1997, après


une longue lutte et des expériences de guerres commencées vers
1959, L.D. Kabila installe un nouvel ordre politique entériné par le
décret-loi constitutionnel n°003/du 17 mai 1997 à Lubumbashi ; dont
l'essence a constitué, entre autre, à la suppression des activités
politiques sur toute l'étendue du pays. Ayant encore la mémoire
fraîche du passé récent de la RDC, les acteurs politiques et les
membres de la société civile considérèrent cette décision comme
une manœuvre d'instauration d'un autre régime dictatorial (Solo,
2004). L'exclusion des autres filles et fils du pays à la gestion de la
chose publique ainsi que la confiscation de la liberté d'opinion en
disent long.

Par ailleurs, la présence massive des rwandais au sein


des institutions du pays, occupant des postes stratégiques ; à l'instar
de James Kabarebe qui fut chef d'Etat-major, n'a pas laissé naïfs et
indifférents les congolais en général et les acteurs politiques, en
particulier. Deux mois seulement après la prise de pouvoir par
Kabila, Tshisekedi fut arrêté, interrogé et relégué dans son village
11

natal. Beaucoup d'autres opposants furent également arrêtés (Van


Reybrouck, 2014). D'où, l'apparition des contestations contre ce
régime. Ces pressions internes pousseront alors Kabila à se
débarrasser de ses anciens alliés en date du 27 juillet 1998. Ce
manque de cohésion interne du nouveau régime ainsi que la brouille
avec ses parrains (le Rwandais, l'Ouganda, Le Burundi et les autres)
conduisirent au déclenchement d'une nouvelle guerre le 02 août
1998, soutenue par les armées régulières de ces différents pays
(Mangalu, 2011). Pour occulter la thèse de l'agression et donner la
connotation d'une rébellion interne, certains congolais ont joué le rôle
de paravent au sein d'un nouveau mouvement rebelle dénommé le
Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD).

D'août 1998 à juillet 1999, le Rwanda avec l'Ouganda et


une armée autochtone des rebelles ont essayé de renverser L.D.
Kabila, mais sans succès. Cette phase se termina par la signature
de l'Accord de paix de Lusaka qui eut, certes, beaucoup d'effets,
sans toutefois amener la paix (Van Reybrouck, 2014. A la suite du
RCD, plusieurs autres mouvements rebelles vinrent les jours,
soutenus tous par les mêmes pays agresseurs. Il s'agit du
Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean Pierre Bemba
Gombo, soutenu du reste par l'Ouganda, du RCD-ML de Antipas
Mbusa Nyamwisi; soutenu également par l'Ouganda ou du RCD/N
de Roger Lumbala soutenu lui aussi par l'Ouganda, le RCD/K de
Wambadia-Wamba, etc. qui occupèrent plus de la moitié du territoire
national.

Entretemps, le Président Laurent Désiré Kabila sera


assassiné le 16 janvier 2001 et remplacé par son fils Joseph Kabila,
actuellement au pouvoir. Sous la pression de la communauté
12

internationale, des accords de paix furent signés entre les


belligérants et le pouvoir de Kinshasa en vue de mettre fin à la
guerre. Le plus important de ces pourparlers est celui dénommé
"Accord Global et Inclusif", signé à Pretoria en Afrique du Sud le 17
décembre 2002 et adopté à Sun City toujours en Afrique du Sud le
04 avril 2003. C'est cet accord qui a donné naissance au
gouvernement de transition mieux connu sous l'appellation de 1+4 6
et dont l'investiture a eu lieu le 30 juin 2003.

II.3.1.5. De 2003 à 206

Cette période est celle dite de 1+4 ou encore celle de la


transition prévue par l'accord global et inclusif et dont la durée était
fixée à deux ans avec possibilité de prolongation de six mois
renouvelable une seule fois. Durant ce temps, le Président Kabila
était entouré de quatre vice-présidents : l'un d'entre eux relevait du
camp de Joseph Kabila (Yerodia Abdoulaye Ndomasi), deux des
mouvements rebelles (Jean Pierre Bemba Gombo et Azarias
Rubezwa Maniwa) et un issu de l'opposition (Arthur Z'ahidi Ngoma).
Un gouvernement et un parlement de transition constitués des
membres venus de différentes composantes et entités ont été mis
sur pied. Outre la formation d'une nouvelle armée nationale par la
fusion de différentes armées, la restauration de la paix sur toute
l'étendue du territoire national, ces institutions avaient pour mission
principale d'organiser des élections libres, transparentes et
démocratiques. Ces élections eurent effectivement lieu au second
semestre de l'année 2006, à l'issue desquelles le Président Joseph
Kabila a été élu au second tour contre Jean-Pierre Bemba.

6
. C'est le gouvernement de transition du 30 juin 2003 au 30 juin 2006 avec un président de la
république et 4 vices présidents
13

II.3.1.6. De 2006 à nos jours

L'année 2006 marqua la fin d'une longue période de


transition et en même temps le début de la troisième république avec
le Président Joseph Kabila. Sur le plan politique, il eut la mise en
place tant au niveau national que provincial, de nouvelles institutions
et autorités issues des élections. Ce qui a fermé la parenthèse de la
problématique de la crise de légitimité qui avait perduré au pays.
Mais, les élections présidentielles et législatives de 2011, dont les
résultats ont été contestés à plusieurs titres, sont venues ré-ouvrir la
parenthèse de la crise de légitimité fermée pourtant en 2006. Deux
prétendants présidents de la république (Etienne Tshisekedi et
Joseph Kabila) prêtent serment ; le parlement étant bicaméral,
fonctionne avec deux chambres (l'Assemblée national et le Sénat),
dont les membres sont issus de deux cycles électoraux différents.

Il s'en va sans dire que, nonobstant les avancées


notables qui sont observées sur le plan sécuritaire, ce secteur reste
tout de même instable durant les deux mandants consécutifs de
Joseph Kabila. Cette période est particulièrement dominée par les
incursions à répétition des éléments des Forces Démocratiques pour
la Libération du Rwanda (FDLR), de la LRA (Lords and Resistance
Army), les Mbororo, etc. causant des morts d'hommes dans la partie
Est du pays. La présence d'autres mouvements rebelles tels que le
Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), le M23, les
tueries à répétitions et au grand jour à Béni, etc. frisent la non
restauration de l'autorité de l'Etat sur toute l'étendue du territoire
14

national. La situation politique de la RDC est aussi vacillante et


même dominée par des exclusions/démissions récurrentes pour
écarter de la gestion ceux qui ne sont plus loyaux à l'endroit de
l'autorité morale de l’AMP/MP (Kamerhe en 2010, les membres du
G7 et Moïse Katumbi Tchapwe en 2015). L'on enregistre également
des cas de débauchages pour fragiliser le camp adverse (Thomas
Luhaka, Germain Kambinga, Omer Egbake, qui proviennent de MLC
de Jean Pierre Bemba, etc.). Les concertations nationales
organisées en 2013 n'ont donné aucune solution à la crise politique.
Et le gouvernement qui en était sorti une année après n'est resté que
l'ombre de lui-même.

La non tenue des élections, dans le délai constitutionnel,


(19 décembre 2016), a causé et continue à causer des remous au
sein de la classe politique congolaise; faisant ainsi du "19" de
chaque mois7 une date fatidique. Le dialogue convoqué par Joseph
Kabila et tenu à la cité de l'Union Africaine sous la facilitation d’Edem
Kodjo, souffre de l'exclusivité et est perçu différemment selon que
l'on est du camp de la majorité présidentielle ou pro-majorité et selon
que l'on est du camp du rassemblement ou pro-rassemblement. Pour
les uns, le dialogue a violé la constitution en consacrant le
glissement de Joseph Kabila. Pour les autres, le dialogue a évité le
chao au pays et balise le chemin pour la tenue des élections
apaisées. Les regards restent tournés vers le gouvernement dit de
"l'union nationale" chapeauté par Samy Badibanga 8 pour
l'organisation desdites élections.

7
. Le 19, 20 et 21 janvier 2015 ; le 19 et 20 septembre 2016 ; le 19 novembre 2016 et le 19
décembre 2016.
8
. Membre de l'UDPS mais contesté par certains de membres de cette famille politique.
15

Depuis l'accession de la RDC à la souveraineté tant


nationale qu'internationale, les conditions sociale, économique et
sécuritaire, etc. de ce pays sont toujours régentées par sa donne
politique. Ainsi, ce tumulte politique a certainement des liaisons avec
la migration congolaise.

II.3.2. Contexte économique

Durant la première République (1960 à 1965), la situation


économique n'était guère brillante. Toutefois, le pays bénéficiait
encore d'un tissu économique de bonne facture légué par le colon
belge (Ndaywel, 1998). La deuxième République, qui elle s'étale de
1965 à 1997, peut être économiquement scindée en trois grandes
périodes. Pendant les premières années du régime du feu président
Mobutu, l'économie zaïroise avait fourni des preuves d'une santé
florissante avec un taux de croissance moyen de PIB de l'ordre de
7% (Nzisabira, 1997). Cette croissance est soutenue par des
facteurs internes et externes. A l'interne, il y a le succès de la
réforme monétaire du 24 juin 1967 (Mangalu, 2011) et à l'externe, la
hausse constante du cours du cuivre entre 1965 et 1969 ainsi que
l'aide financière et technique des USA (Ndaywel, 1998). En effet, ce
régime s'était donné comme priorité, la réorganisation de l'appareil
économique hérité de l'Etat colonial afin de le rendre plus rentable et
plus performant dans la mise en valeur des ressources du pays en
vue de son développement (Ndaywel, 1998). C'est cette période que
nous appelons "période d'espoir et de joie".

En effet, l'élan économique, pourtant pris par le régime


de Mobutu aux premières années, commence à perdre sa vitesse
suite aux actions soit mal conçues, soit bien conçues ; mais mal
16

appliquées, étouffant ainsi la fragile prospérité dans l'œuf. La


Zaïrianisation, décrétée le 30 novembre 1973, improvise ainsi une
classe économique non aguerrie à la gestion des affaires. Van
Reybrouck (2014) écrit, à ce sujet, qu'au Zaïre se développa une
véritable bourgeoisie d'Etat où un groupe de personnes s'enrichit aux
frais de l'Etat. Cette nouvelle classe économique ne s'empêchait pas
d'exhiber des richesses fraichement acquises, par des dépenses
ostentatoires (voitures de luxes, voyages en Europe pour se faire
consulter par son médecin à cause d'une simple toux, etc.).

Les conséquences néfastes de la Zaïrianisation se


manifestèrent sur le plan socioéconomique par le chômage, à la
suite de la faillite de la plupart des entreprises nationalisées et de la
réticence des Occidentaux à réinvestir à nouveau, entrainant ainsi ce
que Sabakinu (1999) a appelé « la pauvreté au quotidien » qui selon
lui, s’est manifestée à partir de 1975. En effet, la situation devint
intenable avec la fin de la guerre du Vietnam qui entraîna une chute
spectaculaire du cours du cuivre et le début de la crise pétrolière
commença à se faire sentir au Zaïre avec la flambée de prix (Van
Reybrouck, 2014 ; Ndaywel, 1998). Tous les espoirs que la
deuxième République donnait aux Zaïrois s'évaporent avec le temps,
des années et les événements. L'échec de la politique agricole du
régime, la crise économique qui se fait remarquer dans le panier de
la ménagère par un faible pouvoir d'achat, etc. sont des faits qui
prouvèrent que l'avenir du Zaïre était devenu sombre. C'est donc, la
"période de la perte d'espoir".

La décennie 80 inaugure la période dite de la misère totale


pour les Zaïrois avec les effets d'entrainement de la baisse des cours
des matières premières, de la Zaïrianisation et d'autres facteurs politico-
17

socio-économiques. A ceux-ci, s'ajoute la Politique d'Ajustement


Structurel (PAS) imposée par les Institutions de Bretton Wood (Banque
Mondiale et le Fonds Monétaire International), laquelle a consisté en la
coupe drastique des budgets dans le secteur social, occasionnant la
rupture de certains équilibres fondamentaux (Mangalu, 2011). Face aux
promesses non tenues de développement et de réalisation du bonheur
du peuple, ce dernier est devenu maître de son destin en développant
plusieurs mécanismes de survie. D'où le fameux "article 15", un article
fictif de la constitution Zaïroise qui se résumait en ces simples mots : «
débrouillez-vous » ; où les infirmières ramenaient les plaquettes des
médicaments de l'hôpital à la maison pour les revendre, les
fonctionnaires négociaient chaque service, signature et coup de tampon,
les militaires devaient leur existence sur le dos de la population, etc.
Bref, l'Etat se dérobait face à ces citoyens et les citoyens se dérobaient
face à l'Etat (Van Reybrouck, 2014).

Dans les années 1985-1996, les violences se


généralisent progressivement surtout dans les villes. Les pillages de
1991 et de 1993 engendrent le chômage et la pauvreté qui affectent
la masse de gens et vont rendre encore plus précaires leurs
conditions d’existence (Sabakinu, 2000). La décennie 90 sera, quant
à elle, marquée dans les annales comme l'une des périodes les plus
sombres de l'histoire politico-économique de la RDC. Cette période a
été caractérisé, d'après Villers (2002 : 12), par une crise engendrée
par la "désalarisation" massive de l'activité économique, liée à la
suppression de nombreux emplois du fait de la fermeture
d'entreprises et de la réduction d’activités ; mais également à la
valeur dérisoire de rémunérations dans le secteur public qui, en
outre, ne sont plus assurées qu'irrégulièrement. C'est ce qui a
18

poussé Mpiana (2008 : 8) à affirmer, non sans raison, que le


"paroxysme de la misère de la population congolaise" est atteint au
cours de la décennie 90.

La période allant de l'an 2001 à 2003 était plus dominée


par des accords qui ont permis la mise en place d'un gouvernement
de transition appelé "1+4", qui avait pour but, entre autre, d'unifier le
pays, de ramener la paix sur toute l'étendue du territoire national et
de préparer les élections. Toutefois, l'on observe une timide reprise
économique et une très légère amélioration des conditions de vie de
la population. Cette reprise économique est, certes, due à la
réunification du pays à la suite de la fin de la guerre 9, à la reprise de
la coopération internationale et à une relative bonne tenue des
finances publiques, etc. (Mangalu, 2011). Cependant, la situation
était déplorable à la suite d'un gouvernement éléphantesque avec
des dépenses faramineuses. En 2004, par exemple, chacun des
vice-présidents dépassa son budget annuel de plus de 100%. Le
budget, pour 2005, accordé au chef de l'Etat était un montant huit
fois plus supérieur à celui consacré à la santé pour tout le pays et
treize fois supérieur à l'enveloppe pour l'agriculture (Van Reybrouck,
2014).

En dépit des efforts fournis par le gouvernement issu des


élections de 2006, à travers son programme appelé " Cinq chantiers", et
ceux qui sont fournis par la législature finissante 10, à travers le
programme dit de "Révolution de la modernité"; ces différents
gouvernements, bien que porteurs d'espoir, n'ont fait que miroiter le
bonheur aux congolais sans transformer, de manière perceptible et
durable, leurs conditions sociales. Ainsi, nous affirmons avec Mangalu
9
. Une fin toujours relative
10
. Constitutionnellement, le second mandat du chef de l'Etat prend fin le 19 décembre 2016.
19

(2011 : 23) que les conditions de vie de la grande majorité de la


population congolaise restent toujours précaires. L'accès aux services
publics tels que l'eau potable, l'électricité, l'assainissement, le transport,
le logement décent est en constante régression. De grandes disparités
dans la distribution du revenu national subsistent encore, malgré
l'atteinte du point d'achèvement de l'initiative Pays Pauvres Très
Endettés (PPTE) en 2010 ainsi que la maitrise du cadre
macroéconomique. L'affairisme des acteurs politiques, qui se fait sentir
par leurs manœuvres visant à se maintenir au pouvoir sans le moindre
souci du peuple, serait une de principales causes.

II.2. FACTEURS D’EMIGRATION DES JEUNES EN RDC

Il est question ici d’épingler quelques faits qui ont occasionné


l’attrait massif des Congolais en général et des jeunes Kinois en
particulier vers l’émigration.

II.2.1. Facteurs politiques

Le climat politique ensemble avec la conjoncture économique


sont des facteurs importants pour la stabilité ou le renforcement de la
paix dans un pays. En ce qui concerne la RDC, les différents
événements politiques qui ont émaillé la politique congolaise ont laissé
leurs traces à telle enseigne que même après leur disparition, le pays
continue de subir la conséquence des erreurs du passé et ne parvient
toujours pas à soumettre sur les rails.

Politiquement, les événements qui ont caractérisé la RDC


vers la fin du 20ème siècle ont été à l’origine de l’éclosion de la migration
des Congolais, et ont fait naitre une culture migratoire dans le pays 11, par
ce fait, une multitude de stratégies ont été développées.

11
jose bazonzi, op. ct.
20

La zaïrianisation, un fait politique marquant de notre pays, et


que nous n’oublierons jamais, avait entrainé le pays dans une énorme
crise à la fois politique, économique et sociale. Les faits néfastes de la
zaïrianisation ont occasionné une résurgence de la famine au pays, une
baisse des investissements, l’instabilité politique, qui plus tard poussera
les peuples à la révolte populaire en 1991 et en 1993. Cette situation de
crise infernale où on ne savait pas comment s’en sortir, a amené la
population (les jeunes kinois en particulier à se prendre en charge par ce
fait, changer de milieu de vie.

La débrouillardise qui était perçue comme une réponse aux


enjeux politiques de l’heure, a poussé de nombreux Congolais (jeunes
Kinois) vers l’émigration de proximité et de là, vers la migration
internationale.

Si l’entrée de I’AFDL, pour beaucoup de Congolais, était


perçue comme une libération, celle-ci n’était que politique et non
économique car la population a continué à vivre dans La misère.
Cependant, elle a occasionné en même temps, la reconstitution des
nombreuses familles en Europe et la fuite d’autres, ce qui a permis à une
vague des Congolais d’émigrer soit comme exilés, soit comme
refugiés.12

Actuellement, les tendances migratoires des Congolais en


général et en particulier celles des jeunes Kinois ont profondément
changé. Le renforcement de politiques migratoires des pays du nord, a
bouleversé les différentes stratégies que les nombreux acteurs congolais
utilisaient pour émigrer irrégulièrement vers l’occident. Parmi lesquelles,
la duplicité des passeports, le phénomène ngulu, et actuellement la
stratégie de la DV loterie, dont il est question dans ce travail.

12
Jose Banzonziop.citp.
21

II.2.2 Facteurs économiques de la migration

Les analystes économiques de la migration à l’instar de Marc


Termete, soutiennent que l’émigration représente un processus
nécessaire de l’équilibre économique international. Pour eux, comme
d’ailleurs pour de nombreux chercheurs en sciences sociales,
l’émigration est la conséquence d’un mal fonctionnement du système
économique et social. Cette analyse considère le migrant comme un
marginal, comme le reflet d’un déséquilibre13.

Considérant la responsabilité qu’occupe la politique dans le


processus de la stabilité socioéconomique d’une nation, notre
argumentation dans le point précédant démontre à suffisance que, sur le
plan économique, le pays n’est pas au point pour assurer un équilibre
économique en facteur de sa population.

En effet, dans un environnement, politique presque pas


démocratique, l’Etat est incapable de relancer l’économie pour pouvoir
améliorer les conditions de vie de la population et la pauvreté atteint
toutes les catégories sociales dont les grandes victimes sont le petit
peuple, le chômage touchant en grande majorité les jeunes.

C’est pourquoi Marc Termete note que lorsque les structures


économiques d’un Etat ne sont plus capables de répondre aux massives
13
Marc Termote, « Causes et conséquences économiques de la migration internationale - théorie et réalité »
http://id.erudit.org/iderudit/703127ar
22

offres du travail de sa population, cette dernière se tourne vers là où elle


trouve la possibilité de vendre ses services 14. Par là nous notons que
l’augmentation du taux de chômage des personnes à capacité de
travailler, entraine une fuite importante de la main-d’œuvre dans un Etat
pour des Etats offrant des services aux travailleurs.

Ainsi, nous disons qu’en RDC comme partout ailleurs, les


besoins économiques mobilisent de milliers et des milliers d’individus à
recourir à la migration. Du coup, l’émigration se présente comme une
panacée pour de nombreux Congolais, en l’occurrence les jeunes Kinois,
qui souffrent de l’exclusion économique.

II.2.3.Facteurs socio-culturels d’émigration des jeunes kinois

Nous ne pouvons parler de la migration des Congolais en


général et des jeunes Kinois en particulier comme étant la conséquence
de la mauvaise conduite de la politique et de l’économie du pays. Car,
au-delà de cette version des faits, émigrer vers l’Europe ou l’Amérique,
est l’empreinte qu’on trouve, si pas chez tout jeune Kinois, mais chez la
majorité de jeunes Kinois.

En effet, pour l’ensemble des migrants (ici des migrants


Congolais), de l’intérieur tant comme ceux de la capitale, la migration
constitue un espoir, une délivrance pour eux. En cela, ceux qui vivent à
l’intérieur du pays croient que venir à Kinshasa, est la meilleure option
pour trouver la solution à leur problème ; ce qui justifie l’augmentation au
jour le jour du nombre des ruraux dans la ville de Kinshasa. Ce
comportement qu’on trouve chez un rural Congolais de tout faire pour
s’établir à Kinshasa, se retrouve aussi chez les jeune Kinois, pour qui
vivre en Europe (Belgique ou France) ou « aux Etats-Unis », reste le
rêve suprême de la plupart d’entre eux.
14
idem
23

Cependant, cette disposition mentale de migrer à tout prix


vers l’Europe ou l’Amérique qu’on retrouve chez les jeunes Kinois est le
fruit de certains faits que cette section cherche à scruter. Parmi ces
facteurs, nous citons la musique populaire comme vecteur d’esprit
migratoire des jeunes Kinois et, l’influence de la mondialisation auprès
des jeunes Kinois sur la migration.

II.2.3.1. Musique populaire et émigration des jeunes Kinois

Avant d’entrer dans le vif de ce point, disons un mot sur


l’imaginaire migratoire du jeune Kinois. En effet, pour la plupart de
jeunes Kinois, l’Europe est le lieu sûr de la réalisation des rêves.

En cela, José Bazonzi pousse une réflexion selon laquelle les


jeunes Ndjilois (par ce fait Kinois en général pour notre cas), croient en
un eldorado européen et à une image paradisiaque, à l’enrichissement
immédiat au pays de l’oncle Sam, au salut octroyé divinement par le
départ de la terre infernale « Kinshasa considérée comme l’enfer », vers
la terre où coule le lait et le miel, ce qui constitue une véritable délivrance
qu’offre l’occident qui s’enchâsse dans leur mémoire 15.

Cette vision de l’Europe chez les jeunes Kinois ‘est plus


nourrie dans leur mémoire, en observant les expériences heureuses
d’autres compatriotes migrants lors des vacances, avec un
comportement exhibitionnisme, ostentatoire (véhicules, habillement,
achat de la parcelle, etc.). Et sur ce terrain, ce sont plus les artistes
musiciens qui mettent ces migrants en vedette avec des mabanga 16. Ce
qui fait de la musique un des vecteurs du sentiment migratoire auprès
des jeunes Kinois.

15
José BAZONZI, op.cit. p183
16
Dédicace que les musiciens font à certaines personnes à travers leur chanson
24

En effet, la musique congolaise par le biais des acteurs «


artistes musiciens »ont depuis toujours, fait la propagande de l’Europe;
la polémique entre musiciens a fait de sorte que si un groupe musical fait
une tournée européenne, à leur retour au pays, les musiciens de ce
groupe s’en vantent, et affichent leur supériorité par rapport à d’autres
groupes musicaux. Par cette occasion, ils montrent les hôtels, les villes
européennes où ils sont passés, les tenues vestimentaires qu’ils ont
achetées, et tant d’autres biens matériels renforcent leur prestige.

José Bazonzi l’explicite plus amplement quand il aborde la


question de ta musique populaire congolaise, le phénomène de la sape
et l’imaginaire migratoire chez les Kinois. En analysant les différents
contenus des chansons de ces artistes, il y a lieu de se rendre compte
de l’apologie que ces musiciens font aux mikilistes vantant ainsi leurs
tenues vestimentaires, avoirs, en montrant dans leur clip des endroits
mythiques des villes européen nes comme le quai d’Orsay, à Paris etc. 17

C’est dans cette vision d’une Europe paradisiaque que la


musique congolaise a incité un sentiment migratoire dans l’imaginaire
des jeunes Kinois. Nous n’avons qu’ à voir dans les années de gloire de
certains artistes jusqu’à en 2005, où la musique congolaise a constitué
un catalyseur pour amener une vague des jeunes migrants Kinois vers
l’Europe, même à l’aide des fausses identités pourvu qu’ils atteignent
leur paradis.

II.2.3.2.Mondialisation et émigration des jeunes Kinois

Dans un monde où la mondialisation se fait sentir dans tous


les domaines de la vie, même émigrer vers un autre pays, n’est plus une
décision personnelle. De plus en plus, la mondialisation trouve aussi sa
place dans ce débat, nous voulons dire, qu’elle influence aussi la
17
José Bazonzi, op.cit. Pp.185-195.
25

position des jeunes, qui sont très souvent tentés par l’émigration. Cette
section cherche d’une certaine manière à rapprocher la mondialisation et
l’émigration des jeunes.

En effet, la mondialisation qui a comme mission de supprimer


les barrières qui séparent les nations, offre aux prétendants à
l’émigration d’innombrables opportunités à s’établir dans un pays de leur
choix, et cela grâce à l’avancée de nouvelles technologies de
l’information et de la communication (NTIC).

En effet, l’internet à l’ère actuelle rend possible ce qui, hier,


ne pouvait pas se produire. De nos jours comme le démontre l’étude
d’Arsène MANKOU, à travers l’internet, on peut arriver à émigrer vers
l’Occident18, et par le biais de la cyber migration, trouver un mari.

En ce qui concerne les bourses d’études, nombreux sont les


jeunes qui tentent leur chance d’obtenir des bourses en ligne non
seulement pour des raisons d’études, mais également, une fois leur
demande acceptée, émigrent pour ne jamais revenir au pays et vivre une
autre vie ailleurs.

Il faut aussi souligner le rôle joué par le cinéma de nos jours


qui montre l’image d’une Europe ou d’une Amérique raffinée: cela
constitue autant des faits de la mondialisation qui viennent marquer le
schème mental du jeune Kinois qui fait tout pour quitter son pays et se
rendre en Occident.

C’est à travers tous ces facteurs, que nous remarquons que


les jeunes kinois, bien qu’ils vivent en majorité dans un état de pauvreté,
dans leur débrouillardise, font de petites économies qui vont leur
permettre d’émigrer, plus tard, premièrement dans un pays limitrophe

18
Pour plus de connaissance sur ce phénomène lire Arséne Mankou, op.cit.
26

pour enfin et petit à petit se retrouver en Europe ou en Amérique. C’est


ce que José Bazonzi a théorisé dans sa thèse sous le concept de
dynamique migratoire à gradient tripolaire

C’est ainsi que devant une celle opportunité comme celle de


DV loterie, on observe une approbation massive des jeunes Kinois en
particulier, et de l’ensemble de jeune Congolais en général.

II.3. HISTORIQUE ET FONCTIONNEMENT DE LA DV LOTERIE

II.3.1. Historique de la DV loterie

La DV loterie trouve son fondement juridique dans l’article


203 (c) de la loi des États-Unis sur l’immigration et la Nationalité, « the
Immigration and Nationality Act (INA) ». Cet article rend disponible une
catégorie de visa dénommée “Immigrants Divers”, concernant les
personnes venant des pays ayant un faible taux d’immigration vers les
Etats-Unis. Ce programme était lance depuis 1987 par le gouvernement
américain.

Comme c’est un programme d’une politique migratoire, le


Congrès américain a légué la responsabilité à son département d’Etat de
le gérer sur une base annuelle. Ce programme a pour but demain tenir
une certaine diversité parmi les populations immigrantes aux États-Unis.
C’est ainsi que, le gouvernement américain organise une loterie gratuite
permettant à environ 50 000 étrangers de recevoir le fameux sésame.

Cette loterie a lieu entre le mois d’octobre et le mois de


novembre de chaque année. L’inscription est gratuite et nécessite d’avoir
une photo numérisée à soumettre pour entrer dans la loterie. Elle n’est
ouverte qu’aux ressortissants de certains pays chaque année. Les pays
considérés à forte admission d’immigrants, c’est-à-dire plus de 50 000
27

ressortissants se sont installés aux États-Unis dans les cinq dernières


années, sont exclus de la loterie.

II.3.2. Fonctionnement de la DV loterie

Toutes les années, les Etats-Unis délivrent de façon


aléatoire, et par tirage au sort, 50 000 « green cards » (la carte est jaune
pâle avec un reflet vert) permettant de travailler et de devenir résident
permanent. Les pièces à joindre au dossier et sa date de dépôt varient
d’une année à une autre.

Tous les pays autorisés à y participer reçoivent un


contingent. Le requérant doit avoir achevé des études de niveau
secondaire ou avoir exercé au cours des cinq dernières années une
activité professionnelle exigeant au moins deux ans de formation ou
d’expérience. L’enregistrement se fait en ligne sur le site Internet du
Département d’ Etat. Les conjoints et les enfants de moins de 21 ans
peuvent être intégrés à la demande. Une carte verte est valable dix ans
et doit être renouvelée dans les délais (formulaire l-90).

II.3.3. Participation à la DV loterie

Ces différents critères sont à considérer ; il s’agit de :

 Peuvent jouer à la loterie, les candidats nés dans l’un des pays
dont les ressortissants sont éligibles. A titre d’illustration, pour
l’année 2017, en Afrique, le Nigeria est le seul pays dont les
ressortissants ne peuvent pas jouer car, il y a plus de 50.000
Nigérians ayant immigré aux Etats- Unis durant ces cinq dernières
années.
28

Chaque candidat doit remplir les conditions de niveau


d’études ou d’expériences professionnelles requises pour être qualifié
pour le programme de Visa de Diversité (DV)

Les candidats au programme de Visa de Diversité une fois


sélectionnés par tirage au sort électronique, seront encore soumis à
d’autres critères de qualification simple mais stricte.

Après avoir été sélectionné, le candidat doit démontrer que


son profil est conforme aux conditions d’éligibilité du programme. C’est-
à-dire, il va démontrer qu’il ne deviendra pas une charge publique aux
États-Unis. Il faut démontrer pour cela deux choses :

1. la preuve de l’existence de moyens financiers;


2. la prise en charge (Formulaire l-134) de la part d’un membre de
votre famille ou d’un ami résidant aux États-Unis, une offre
d’emploi de la part d’un employeur qui se trouve aux États-Unis, ou
toute autre ressource financière.
 Un dossier est à constituer et doit être renvoyé au Kentucky
Consulat Center dans les plus brefs délais afin d’augmenter ses
chances d’obtenir une carte verte.
 Une visite médicale doit également être effectuée afin de garantir
que le candidat ne souffre pas d’une maladie trop coûteuse pour le
gouvernement américain. Enfin, le candidat doit se rendre à un
consulat ou une ambassade américaine afin de passer une
entrevue en vue de l’obtention de la carte verte.

La question du niveau d’étude : il faut au moins avoir terminé


les études secondaires ou les humanités, être diplômé et être un citoyen
dont le pays est sélectionné.

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