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En Introduction
Un sujet portant sur l’Afrique peut porter sur deux ensembles distincts :
1/ L’Afrique : c’est-à-dire l’ensemble du continent. On compte 55 États, 1.3Md
d’habitants.
2/ L’Afrique subsaharienne, soit l’Afrique, moins le monde arabe. On y trouve
47 États, 1.1 Md d’habitants (+2.7%/an, fécondité à 4.7 enfants/femme,
mortalité à 61 ans). Il s’agit de l’Afrique noire, moins développée.
Toute introduction sur l’Afrique peut rappeler quelques idées : l’Afrique a subi
les différentes vagues mondialisatrices : le commerce triangulaire (17E/18E)
puis la colonisation au 19E siècle l’ont maintenu dans une situation périphérique.
Les indépendances n’ont pas réglé la situation, et l’Afrique reste aujourd’hui
le continent du mal-développement, donnant ainsi raison au géographe R. Dumont qui écrivait en 1962, L’Afrique noire est mal partie.
Pourtant, depuis les années 2000, le continent africain semble avoir entamé une dynamique d’émergence, alimentée notamment par
le supercycle des matières premières, à tel point que le pape François a pu parler de l’Afrique comme « le continent de l’espoir » (2016).
Ces deux positions, de R. Dumont et du Pape François, ne sont que deux voix, parmi bien d’autres, qui incarnent deux mouvements
plus globaux, et qui opposent Afro-optimistes et Afro-pessimistes. En réalité, on constate aujourd’hui que loin d’être un bloc
monolithique, l’Afrique est un continent pluriel. Il n’y a pas une unique dynamique d’émergence, ou un mal développement uniforme,
mais des Afriques qui connaissent des trajectoires divergentes voire contradictoires tant les tensions sont fortes entre les zones de
développement réelles, et subsistance de poches de pauvreté. D’entrée de jeu, il faudrait souligner que cette diversité se constate à
toutes les échelles : entre les États évidemment, mais plus encore à l’intérieur de ces derniers, entre métropoles, littoraux et
campagnes.
Bref, les problématiques portant sur un sujet sur l’Afrique peuvent proposer de dépasser le débat afro optimistes/pessimistes, en
essayant de mettre en valeur la diversité des trajectoires du continent, et en se demandant comment les Africains cherchent à faire
en sorte que les déséquilibres causés par le développement – bien réels – ne deviennent pas un frein à l’émergence du continent.
Autre possibilité : On peut également se demander pourquoi la croissance des années 2000 n’a pas semblé entraîner le
développement de l’Afrique ? De fait, l’économiste George Ayittey évoque une « croissance sans développement » - vous pouvez
reprendre cette formule !
à Pendant la première mondialisation, l’Afrique a été largement en marge. En effet, les Européens cherchent de la main d’œuvre
pour travailler dans les plantations et les mines du Nouveau Monde, et ont recours à de la main d’œuvre servile africaine, amenée par
navires entiers, dans le cadre du commerce triangulaire qui culmine aux XVIIe et XVIIIe siècles. Entre le XVe et le XIXe, ce sont 11m
d’Africains qui quittent ainsi le continent, et qui font que sa population stagne, là où la population mondiale est multipliée par x3,5.
à L’Afrique a également été l’un des terrains de jeux privilégiés de la colonisation. Dès le XVIe siècle, les Portugais développent des
comptoirs et initient ainsi le processus de colonisation du continent. Celui-ci reste cependant très mal connu (les Européens restent
surtout sur les littoraux), et il faut attendre 1885 pour que les puissances européennes se réunissent lors du Congrès de Berlin et
définissent les « règles » du partage colonial. C’est le début du « scramble for Africa », qui voit la constitution d’un immense empire
britannique (axe NàS), français (à l’ouest), mais également l’implantation de colonies belges (Congo), allemandes (Cameroun), ainsi
que de tentatives italiennes (Libye, Éthiopie…).
à L’insertion de l’Afrique dans la mondialisation s’est donc faite sur le mode de la DIT coloniale. La colonisation marque
profondément le tissu économique africain : en effet, les Européens sont surtout intéressés par les matières premières qu’ils peuvent
importer en métropoles. Ils développent ainsi des villes littorales, des chemins de fer qui visent à permettre l’envoi des matières
premières vers les métropoles et qui ne répondent par conséquent pas du tout aux besoins des populations locales …
à Ainsi, l’Afrique est le dernier continent à se décoloniser, après les Amériques au début du 19e siècle, le monde arabo-musulman
dans l’Entre-Deux guerres et l’Asie après la Seconde Guerre mondiale. Le gros des indépendances a lieu à la fin des années 1950, et on
peut retenir la date de 1963, que l’Union Africaine retient dans son agenda de développement Africa 2063. Sur les causes de cette
décolonisation tardive, on peut citer le travail de l’historien français [J. Marseille].++
Les indépendances n’ont pas permis à l’Afrique de s’imposer dans la mondialisation
à Dans leur ouvrage, Le temps de l’Afrique (2010), O. Ray et J.-F. Severino montrent que les choix faits aux indépendances n’ont
pas permis d’asseoir un modèle économique viable. Ils écartent l’idée d’un « malheur africain », les causes culturelles, géographiques
ou déterministes, et montrent que l’échec du développement africain est essentiellement la conséquence de l’échec du modèle de
développement choisi, que rien ne laissait prévoir, car dans les années 1950, c’était surtout l’Asie qui inquiétait. Selon eux, au moment
des indépendances, le modèle de développement se caractérisait par un legs colonial, avec une économie basée sur l’exportation de
matières premières, et des États assez importants, avec de nombreux fonctionnaires qu’il fallait rémunérer. Pour que ce modèle
fonctionne, il fallait que 3 conditions soient respectées de manière à permettre l’afflux de devises :
a/ Cours des matières premières élevé
b/ Accès aux prêts internationaux
c/ Modèle pensé dans le contexte de la GF, qui assure une rente de situation : on choisissait un camp (EUA ou URSS) et le parrain
versait des fonds
à Dans les années 70/80, ces conditions se retournent les uns après les autres et expliquent l’échec du développement africain.
Dans les années 1970, portés par le pétrole, les cours des matières premières explosent. Dans le même temps, l’Occident cherche à
recycler les pétrodollars qui affluent dans les caisses des banques, et encourage les États africains à s’endetter. Ces derniers voient
donc ainsi leurs revenus exploser, et l’accès au crédit se développer. La plupart des dirigeants africains se lancent ainsi dans de grands
projets – les fameux « éléphants blancs » qui ont pour corollaire une explosion de la dette. Dans les années 80, les conditions se
retournent les unes après les autres :
a/ La crise de la dette au Mexique (1982) souligne le risque de défaut des émergents, et pousse les Occidentaux à couper le crédit.
b/ Le contre-choc pétrolier de 1986 fait baisser les cours des matières premières.
c/ La fin de la GF annule du jour au lendemain la rente de Guerre froide.
è L’Afrique est touchée à son tour par la crise de la dette.
à Conséquence de cet échec, la décennie 1990, « décennie du chaos » (S. Brunel). La pauvreté explose en Afrique dans les années
1990. C’est particulièrement net en Afrique orientale, où une sécheresse frappe l’Éthiopie et la Somalie et vient s’ajouter aux difficultés
économiques latentes. Ces difficultés exacerbent les tensions au sein des sociétés africaines – on voit par exemple émerger le concept
d’ivoirité à la mort d’Houphouët-Boigny, père de l’indépendance ivoirienne (1994). Symbole des symboles des difficultés des années
1990 : le génocide rwandais, qui voit 800 000 Tutsis perdre la vie aux mains des Hutus. Mais on pourrait également citer l’explosion
de la Somalie, l’essor du sida …
à L’Afrique reste enfin le continent du mal développement : l’Afrique c’est 1.5% du PIB mondial (4.5% en PPA), un PIB/hab moyen
de 1 800$/hab, un PIB de 2 200Md$ soit environ le PIB français, 27 PMA… même dans les pays en forte croissance, comme le Rwanda
(+8%/an depuis 1994), le PIB reste très faible (800$/hab). Si la pauvreté recule relativement à la population, l nombre de pauvre croît :
280m en 1990, 420m en 2015. Dit autrement, l’Afrique est le seul continent où la pauvreté a doublé en 50 ans (partout ailleurs elle
recule). L’Afrique c’est 50% des pauvres de la planète, et 40% de la population qui vit sous le seuil de la pauvreté. La crise de la Covid
devrait accentuer les difficultés : on parle de 40m de pauvres en plus et des gains de 5 années effacés.
à L’Afrique occupe une place tout à fait mineure dans les circuits économiques mondiaux. Elle reste très peu intégrée aux grands
circuits commerciaux mondiaux, et représente environ 2.5% du commerce international (2019) contre 4% dans les années 1970, et
pour environ 17% de la population mondiale. Cette place périphérique se voit également dans la manière dont l’Afrique est intégrée
dans les circuits internationaux : accords de Yaoundé (1963), de Lomé (1975) qui mettent en place un régime dérogatoire avec l’UE.
En 2000, les Accords de Cotonou prévoient la mise en place d’un nouveau système commercial, les ALE [Accords de Libre Échange],
largement décriés et profondément inadaptés au vu de la structure économique des États africains. K. Nubukpo, dans L’urgence
africaine montre que la dissymétrie entre les économies africaines et occidentales ne peut jouer qu’en défaveur des Africains : quand
un agriculteur américain touche 38 000$ d’aides/an, un Européen touche 11 000$ C’est 750$ au Sénégal, et 45$ en Tanzanie.
à L’Afrique reste également un nain géopolitique. Elle est sous-représentée dans les institutions internationales (6% des voix à
l’ONU) : pas de pays africain au Conseil de Sécurité de l’ONU, faible part au FMI, à la Banque Mondiale … La crise de la Covid a souligné
la fragilité de l’Afrique sur le plan géopolitique : son seul moyen d’accéder aux vaccins est le recours aux institutions internationales et
aux mécanismes de solidarité, notamment Covax. D’ici fin 2021, 20% de la population africaine devrait pouvoir être vaccinée, quand
un pays comme le Canada a acheté de quoi vacciner 5x chaque adulte, le RU 3,5x, l’UE 2,5x …
L’Afrique est un continent extrêmement attractif, qui attire donc les investissements
à L’Afrique est un continent extrêmement riche en matières premières de toutes sortes. Il faut distinguer :
a/ L’or noir & minerais : on compte de nombreux gisements pétroliers (Angola, Algérie, Libye, Golfe de Guinée, Nigéria, Soudan, Tchad)
et gaziers (Mozambique, Mauritanie, Niger…). On peut ajouter toutes les matières premières et minerais : terres rares en RdC, uranium
au Niger, diamants au Bostwana, en Af. Sud …
b/ L’or bleu : 7 fleuves qui irrigent l’Afrique et offrent un formidable potentiel hydroélectrique, très peu exploité, notamment en RdC
(cf projets Inga).
c/ L’or jaune : L’Afrique dispose d’un potentiel d’ensoleillement particulièrement important, notamment autour du Sahara. Il faut citer
les grands projets marocains Desertec, Noor …
d/ L’or vert : L’Afrique centrale dispose de la 2e grande forêt vierge de la planète, un véritable puit de carbone, mais qui représente
également un immense potentiel de développement économique (export d’essences rares, notamment vers la Chine, terres arables
disponibles….)
L’Afrique semble avoir pris le train de l’émergence, et une classe moyenne africaine se développe
à Essor économique entamé depuis les années 2000 : Dans les années 2000, l’Afrique a entamé son émergence. Entre 2000 et 2015,
la croissance a été de +5%/an sur l’ensemble du continent, avec trois explications :
a/ Hausse des matières premières (70% des exportations)
b/ Hausse des IDE et des rétrotransferts
c/ Consommation intérieure en hausse avec l’essor d’une classe moyenne
è L’initiative PPTE du début des années 2000 a permis de soulager un certain nombre de pays africains du fardeau de la dette (43Md$
effacés) et ainsi de dégager des ressources fiscales pour permettre aux États d’investir.
à Le fait massif de ces dernières années est l’essor d’une classe moyenne africaine. Selon la Banque Africaine, cette dernière aurait
triplé en 30 ans et représenterait, en 2015, 350m d’Africains - on peut citer à titre d’exemple les Black Diamonds sud-africains.
Globalement, on peut retenir que cette classe moyenne émergente est surtout présente dans les métropoles, le Camerounais A.
Mbembe parle d’« Afropolitains ». Il faut ici souligner que le dividende démographique joue à plein, et que l’essor de cette classe
moyenne apparaît extrêmement attractive pour les FTN des Occidentaux et des émergents en quête de débouchés, et confrontés à
des marchés souvent matures.
à L’essor africain se voit surtout par la place croissante qu’occupe l’Afrique dans la transition numérique. S’il est évident que
l’Afrique reste moins bien connectée que le reste du monde (moins de câbles, peu d’ordinateurs personnels…), il faut souligner le
dynamisme du marché de la téléphonie mobile (phénomène de leap frog, l’Afrique passant directement à la technologie la plus
performante). Le numérique apparaît comme un véritable levier de développement, permet de dépasser des difficultés latentes – par
exemple la faible bancarisation – et peut même constituer un levier d’influence. On pense à l’application de paiement mobile M-Pesa,
inventée au Kenya, et qui s’est diffusée dans nombre de pays en développement (Inde, Europe de l’Est…) : on peut parler d’une
« innovation inversée ».
L’Afrique apparaît ainsi comme un marché en croissance, extrêmement attractif pour les puissances étrangères qui s’y précipitent
– « un nouveau scramble for Africa » ?
à L’Afrique est historiquement un marché pour les Européens. C’est évidemment le cas de la France, qui après la colonisation, a
maintenu une présence à la fois économique (Orange, Bolloré…) et politique (soutien à divers régimes de la région, par exemple I.
Déby ; et aujourd’hui, rôle de gendarme militaire, notamment au Sahel). Il faudrait souligner le caractère ambiguë de cette présence
française, souvent contestée (thème de la Françafrique ou « France à fric »).
à Une présence chinoise qui se renforce : le fait massif en Afrique est la montée en puissance de la Chine. Si cette dernière a des
liens anciens dans la région (tournée de Zhou Enlai en 1963-64), sa présence est décuplée depuis quelques années : de 12Md$ en 2000
ses échanges dépassent aujourd’hui les 200Md$ et elle est, de loin, le 1er partenaire du continent. La Chine s’intéresse particulièrement
à l’Afrique pour ses matières premières, joue pleinement la carte du Consensus de Pékin (pas de condition politique aux liens
économiques), et apparaît ainsi fortement attractive – nombre de pays africains font partie du projet BRI. Cette présence accrue ne va
pas sans poser des questions : on parle de plus en plus d’une Chinafrique (question de la dette, du non respect des normes
environnementales, sociales, de formes de sujétion politique…)
à Les autres émergents déploient également une politique dynamique vis-à-vis de l’Afrique : on peut citer la présence :
a/ de la Turquie, particulièrement nette dans les pays musulmans – par exemple le Soudan, où Erdogan joue la carte néo-ottomane,
par exemple en obtenant une concession sur l’île de Suakin, qui ouvre sur la mer Rouge.
b/ de la Russie, qui avait quitté l’Afrique après la GF, mais qui y effectue aujourd’hui un retour en force dans un nombre limité de pays
(Égypte, Soudan, Tchad, Mozambique…), mettant en avant son savoir-faire militaire (groupe Wagner), mais également ses exportations
de blé …
c/ enfin l’Inde, qui n’hésite pas développer ses liens et promet ses compétences en matière agricole (révolution verte) et
pharmaceutiques
à Les États-Unis d’Amérique sont historiquement moins présents dans la région (cf Trump qui parle de « shithole countries »). Ils
l’ont surtout investi dans les années 90/2000 autour de thèmes sécuritaires (question du terrorisme et de la santé, par exemple dans
le cadre de la pandémie de SIDA). Leur présence passe par un commandement militaire mis en place par Bush fils, ainsi que par de
nombreuses ONG (Bil et Melinda Gates Foundation), dont un nombre important ont une vocation religieuse (forte présence des églises
évangéliques).
IV. L’Afrique reste confrontée à des défis importants
à « Une bombe démographique ? ». On en a déjà beaucoup parlé, l’Afrique est un continent en pleine explosion démographique :
1.2Md d’habitants en 2020, mais 1.8Md en 2050, et un poids dans la population mondiale qui passe de 17 à 25% sur la même période.
En 2050, 2/3 des Africains auront moins de 30 ans – on parle de youth bulge. Cette croissance démographique pose de nombreux
enjeux :
a/ Pression sur les ressources alimentaires, en eau et en hydrocarbures, qu’il faut penser en lien avec la question du réchauffement
climatique. (cf ci-dessous)
b/ Question de l’urbanisation (cf ci-desssous)
c/ Enjeux économiques et sécuritaires, notamment pour la jeunesse, qu’il faut occuper. On peut rappeler que le démographe allemand
Gunnar Heinsohn a mis au point un coefficient de belligérance qui tend à montrer que les sociétés jeunes sont aussi souvent les plus
violentes. Sylvie Brunel, dans L’Afrique est-elle si-bien partie ? (2014) fait pour sa part un lien explicite entre les jeunesses désœuvrés
du Sahel et l’expansion de l’arc de crise en Afrique.
d/ Question migratoire : du fait de cette croissance démographique, l’Afrique est un continent en mouvement. Les mouvements sont
d’abord intra-africains, mais également vers l’Europe – cf S. Smith, La ruée vers l’Europe (2018) [fiche migrations].
à L’Afrique est un continent en cours d’urbanisation accélérée : la transition urbaine est plus rapide en Afrique que partout ailleurs
– on est passé d’une métropole de plus de 1m d’habitants en 1950 à une quarantaine aujourd’hui. Comme partout ailleurs les enjeux
sont liés aux formes de la croissance urbaine, aux inégalités particulièrement fortes, aux questions environnementales… Comme
ailleurs, on voit des smart cities (Eko Atlantic City…) se développer. Dans leur ouvrage, Le temps de l’Afrique, J.M. Severino et O. Ray
rappellent que la forme de l’urbanisation africaine (étale comme aux EUA ou plus concentrée, comme en Europe) sera essentielle pour
déterminer les trajectoires d’émissions de GES du continent africain (pour rappel les villes = 70% des émissions de GES à l’échelle
mondiale).
à Il faut également souligner le poids des migrations. L’Afrique compte 23m de migrants : 70% vont dans les pays voisins, 25% dans
les pays de l’OCDE (=UE), les 5% restants allant vers le Golfe. À cela il faut ajouter 13m de déplacés (à l’intérieur des pays). Parmi les
10 pays ay monde accueillant le plus de réfugiés, 5 sont africains : Ouganda, Éthiopie, Kenya, RdC et Tchad … L’Afrique vérifie donc
parfaitement l’idée selon laquelle les migrations sont d’abord un phénomène sud-sud.
à L’Afrique est le continent qui sera le plus touché par le réchauffement climatique. C’est notamment vrai en Afrique de l’Ouest, où
le réchauffement climatique est 1,5x plus rapide qu’ailleurs. On peut souligner trois conséquences :
a/ Augmentation des températures (impact sur les rendements agricoles, stress hydrique)
b/ Dérèglement des régimes pluviaux
c/ Montée des eaux
è Pour des conséquences concrètes, cf l’exemple du Lac Tchad ou du Sahel. Cf aussi l’exemple du Rwanda avec J. Diamond,
Effondrement [fiche environnement]
à Face au réchauffement climatique, les États africains apparaissent particulièrement vulnérables et dépendants de la coopération
internationale. On peut citer certains grands projets emblématiques – la Grande muraille verte au Sahel – projet lancé en 2007 et qui
devait permettre de restaurer 100m d’hectares de terres dégradées au sud du Sahara et de stopper la désertisation (NB : je n’écris pas
désertification à dessein, cf le cours). Ce projet qui devait offrir des emplois à 10m d’Africains, en parcourant 11 pays et 7 500km, ne
parvient à pas à rassembler les fonds internationaux, maintes fois promis. Sur les 4Md$ prévus par les Accords de Paris (sur 30Md$ au
total), entre 150 et 850m$ auraient été versés au début 2021… De fait, ce projet illustre plusieurs difficultés de la région : son caractère
vertical et déconnecté des demandes des populations, l’instabilité chronique dans la région qui freine les investissements, la faiblesse
des États africains qui reposent sur la solidarité internationale ….
Conséquences des deux déséquilibres précédents, l’Afrique est particulièrement touchée par les problématiques du
développement : alimentation, accès à l’eau, enjeu sanitaire …
à La question de la faim : L’Afrique reste dépendante des importations, et 260m de personnes souffrent encore de faim à travers le
continent en 2019, alors même que 60% de la main d’œuvre du continent travaille dans le secteur primaire. Globalement, l’agriculture
africaine est peu productive et souffre de la concurrence des pays du Nord. Sur les enjeux alimentaires, il faut évidement citer les
risques liés au réchauffement climatique (diminution de la production), à l’augmentation de la population et au développement
(augmentation de la demande), le tout dans un contexte où la révolution verte reste à faire, et où les terres africaines sont convoitées
par les puissances étrangères (question du landgrabing). [cf fiche alimentation, affaire Daewoo etc…].
à La question de l’eau : L’Afrique a 9% des ressources en eau potable de la planète. 25% des Africains ont accès a de l’eau potable,
30% a des installations sanitaires de base… L’Afrique illustre l’idée selon laquelle l’accès à l’eau est fonction du niveau de
développement : témoin la RdC, l’un des pays les plus arrosés de la planète, où seule 30% de la population a accès à l’eau faute
d’infrastructures suffisantes. Dans un contexte de réchauffement climatique, le manque d’eau peut être un accélérateur de tensions
entre les communautés – c’est assez net autour du Lac Tchad [cf fiche eau].
à La question sanitaire : en quelques mots, on peut rappeler que l’Afrique est l’un des continents les plus vulnérables face aux
maladies. Sans revenir sur les chiffres liés aux sanitaires, on peut rappeler la persistance de la peste à Madagascar, de l’épidémie de
Sida particulièrement virulente en Afrique du Sud, ou par la réémergence périodique d’Ebola depuis 2014. De manière générale,
l’Afrique est particulièrement exposée face aux maladies – en cause notamment sa pauvreté, et l’incapacité des Africains d’accéder
aux coûteux traitements développés par les pays du Nord (question des brevets). De manière générale, la question sanitaire pose de
façon particulièrement aiguë la question de la solidarité N-S.
Le développement des inégalités est également un défi important pour les sociétés africaines, d’autant plus que ces dernières
alimentent l’instabilité politique
à La croissance africaine n’est pas synonyme de développement pour tous les Africains. Sans revenir sur les chiffres de la pauvreté,
il faut insister sur le fait que les chiffres concernant l’émergence d’une classe moyenne africaine sont fragiles (les seuils retenus par la
Banque Africaine de Développement sont plus bas que ceux de la Banque Mondiale) et plus qu’une classe moyenne, c’est une classe
flottante qui a fait son apparition, et qui reste donc très vulnérable face aux retournements de l’économie – ce que la Covid a
douloureusement mis en valeur. La caractéristique majeure du développement africain est donc son inégalité. On a une réelle
croissance en sablier, avec un des très hauts revenus qui explosent, des classes flottantes qui émergent … et une absence de classes
moyennes, au sens de la banque mondiale – en 2010, le segment de la population gagnant entre 10-20$/jour est d’environ 5/7% de la
population africaine.
è Retenir l’idée d’une « croissance sans développement » (George Ayittey).
à Les inégalités ne sont pas uniquement sociales, elles sont également territoriales. Dans son ouvrage, L’urgence africaine (2020),
K. Nubukpo montre que l’on peut opposer, à gros traits, une Afrique métropolitaine et connectée, à une Afrique rurale qui reste en
difficulté. C’est également la thèse de S. Brunel dans L’Afrique est-elle si bien partie ? (2014). Si on considère l’exemple sud-africain,
on peut citer les populations qui vivent dans les anciens bantoustans, largement ruraux, où la redistribution agraire promise par l’ANC
après la fin de l’apartheid n’a toujours pas eu lieu, où 27m de Sud-Africains vivent sans accès à la terre, et où le chômage dépasse les
50% (30% en ville). Partout les inégalités villes/campagnes sont criantes : en RdC, 50% des urbains ont accès à de l’eau potable, mais
10% de ruraux… et on ne parle pas de l’accès à l’électricité, à internet…
à Ces inégalités alimentent l’instabilité sous toutes ses formes. S. Brunel dans L’Afrique est-elle si bien partie ? (2014) montre que
les métropoles africaines sont des machines à créer de la frustration du fait des inégalités qu’elles créent et mettent en valeur. En
effet, les métropoles juxtaposent la richesse à l’occidentale avec la pauvreté la plus profonde. Les frustrations ainsi créées sont un
moteur d’instabilité, et expliquent en grande partie, selon elle, la croissance des mouvements fondamentalistes dans la région du Golfe
de Guinée. C’est assez net avec Boko Haram par exemple dont le nom « l’éducation occidentale est un péché » dit bien le rejet de
l’occidentalisation et des modes de vie qui y sont attachés.
Face à ces défis les gouvernements africains apparaissent fragiles et suscitent peu d’adhésion
à Des États faibles aux infrastructures fragiles. L’un des immenses problèmes des États africains est qu’ils manquent de ressources
pour financer les dépenses publiques. De fait, les recettes fiscales des États africains sont notoirement faibles, d’une part parce que la
population imposable est faible (trop pauvre). De ce fait, les États africains n’ont pas pu développer les infrastructures nécessaires au
développement : nombre d’États souffre d’insuffisances en matière énergétique (2/3 des pays font face à des pénuries d’électricité),
idem pour l’eau, les transports (200km de routes pour 1 000km2 en moyenne, contre 950km dans le reste du monde…), dans le
numérique – 25% de la population a accès à internet, évidemment juste dans les métropoles très peu dans les territoires ruraux… Le
manque d’infrastructures serait responsable, selon la Banque Mondiale, d’un déficit de croissance de-2%/an.
à Une corruption endémique qui sape la confiance. Au cœur de la faiblesse des États, la problématique de la corruption, bien
identifiée par J.F. Bayart, qui évoque en 1989 La politique du ventre, c’est-à-dire le fait que les États africains sont assez largement
prisonniers d’une élite qui appuie son pouvoir sur la redistribution des diverses rentes, et qui par conséquent n’utilise pas du tout cette
dernière pour développer l’État. Cette question de la corruption est, de manière générale, bien identifiée par tous les auteurs (K.
Nubukpo, S. Brunel) qui insistent sur la responsabilité des élites africaines dans l’échec du développement du continent. K. Nubukpo
montre notamment que ces derniers captent la richesse du pays et la thésaurisent (l’Afrique exporte 6% de son PIB chaque année en
flux illégaux, soit autant que l’APD). Conséquence importantes : les populations africaines n’ont pas confiance dans leurs États – et par
conséquent ne sont pas encouragées à payer leurs impôts.
à La question de la dette, un éternel recommencement ? Dans L’Afrique est-elle si bien partie ? S, Brunel montre que dans les années
2000, l’effacement de la dette (initiative PPTE) a permis de dégager des fonds pour les États africains. Elle constate toutefois que
nombre d’entre eux aient profité de la montée en puissance de la Chine pour recommencer à s’endetter (les Occidentaux continuaient
à mettre en place des règles de gestion des finances publiques). Après une période de désendettement dans les années 2000, l’Afrique
a recommencé à s’endetter (endettement a triplé entre 2006 et 2009). La différence avec la situation au début des années 2000 est
qu’aujourd’hui les créanciers sont plus divers, et que par conséquent la dette est beaucoup plus compliquée à effacer/restructurer. La
crise de la Covid a bien montré les difficultés causées par cet excès d’endettement, puisqu’il a fallu négocier un moratoire sur la dette
africaine au cours du printemps 2020.
V. Les situations en Afrique sont en réalité extrêmement diverses
Tout devoir sur l’Afrique peut s’efforcer de montre qu’il n’existe pas une mais des trajectoires africaines – et procéder à une analyse
scalaire pour illustrer cette idée.
Les pays ont des trajectoires extrêmement diverses – pour cette partie, vous pouvez voir des exemples développées dans le cours.
à Des États rentiers, en échec : Il s’agit des États dotés d’une forte rente, souvent liée aux hydrocarbures, et qui sont prisonniers de
logiques rentières. Citons : Nigéria, Algérie, Angola, Gabon, Congo, Tchad, Guinée Équatoriale, Namibie
à Des pays relativement diversifiés: Il s’agit d’un groupe de pays qui a atteint un certain niveau de développement (>3 000$/hab)
et qui se caractérise par des économies relativement diversifiées, en misant sur des secteurs non touristiques, par exemple le
tourisme, la finance. On peut citer le Maroc, la Tunisie, le Cap Vert, Maurice, les Seychelles, le Botswana – bref, ce sont les véritables
success stories africaines. Il faut notamment insister sur le rôle de l’État dans le développement de ces États. L’exemple du Botswana
est particulièrement intéressant [cf fiche matières premières].
à Des pays en phase de décollage : Il s’agit des États africains encore pauvres (PIB/hab < 2000$), mais qui ont mis en place des
politiques d’émergence, similaires à celles du groupe précédent (diversification, renforcement du rôle de l’État), même si leur niveau
de développement est encore assez bas. Ce sont les États les plus prometteurs : Kenya, Sénégal, Côte d’Ivoire, Ghana, Cameroun et
évidemment Éthiopie et Rwanda. Ces deux derniers exemples sont particulièrement intéressants, car ils posent assez explicitement
la question de l’attraction d’un modèle autoritaire (clairement chinois dans le cas de l’Éthiopie) pour permettre le développement.
à Des États faillis : on pense évidemment à la Libye, au Mali, à la Rdc, à la Somalie, la Guinée Bissau ou le Zimbabwe…. Bref les États
déchirés par des luttes intestines, en proie à des guerres civiles, et qui restent bloqués dans la catégorie des PMA …. Alors même
qu’ils peuvent être extraordinairement riches (RdC, « scandale géologique, mais scandale politique ».
Bilan : L’élément essentiel à souligner est que le facteur clé de développement est la présence d’un État fonctionnel. Inversement,
on pourrait souligner l’échec relatif des Lions Africains, et notamment de l’Afrique du Sud, empêtrée dans une croissance molle depuis
quelques années.
En réalité, l’Afrique qui émergence est surtout celle des métropoles – les territoires ruraux africains restent largement à l’écart du
développement
à L’Afrique qui réussit est avant tout celle des métropoles. Plus d’1/3 des Africains vivent en ville (>40%). Les villes concentrent la
richesse des pays : un exemple par tant d’autres : Dakar représente 20% de la population, 50% des fonctionnaires, 97% des salariés
du commerce, 96% des employés de banque, 95% des entreprises industrielles et commerciales, 90% des emplois permanents … et
80% de l’économie du Sénégal. C’est dans les métropoles que l’on développe les grands projets urbains, et notamment les smart
cities. Ainsi d’Eko Atlantic City à Lagos : île artificielle de 10km2 sur le modèle de Dubaï, qui doit accueillir 500 000 résidents aisés…
à À l’inverse, les territoires ruraux (campagnes) africains apparaissent à l’écart. Elles représentent 60% de la population (donc 2/3),
et concentrent tous les indicateurs de la pauvreté :au Sénégal, plus de 65% de la population rurale est pauvre, l’insécurité alimentaire
touche 15% des ménages ruraux contre 8% des ménages urbains, la malnutrition 20% des enfants ruraux contre 9% des enfants
urbains, 50% des villages n’ont pas accès à une infrastructure sanitaire fonctionnelle à moins de 7km, 75% de ménages ruraux doivent
marcher 30m pour aller chercher de l’eau potable quand 70% des urbains ont accès à des toilettes améliorés …
à Attention tout de même :l’une des caractéristiques des villes africaines, est l’interpénétration villes/campagnes. Le géographe
J.L. Chaléard montre que les Africains ont « un pied dedans, un pied dehors ». À Dakar toujours, 70% de la population a des relations
avec sa zone rurale d’origine, 85% des familles envoient de l’argent dans les villages … On accueille les jeunes pendant la saison sèche
(ils retournent dans les campagnes pendant la saison des pluies).
Bilan : Pour reprendre S. Brunel, on peut retenir l’idée que « L’Afrique est fondamentalement un continent riche, peuplé de
pauvres ».
Face à ces défis, l’unité du continent africain reste une perspective lointaine, souvent invoquée, mais peu suivie d’effets concrets
à Le panafricanisme est une idée ancienne … Le panafricanisme est une idée ancienne, portée par plusieurs pères de l’indépendance
africaine – Nkrumah, Houphouët-Boigny… Pour Senghor, « L’unité africaine est la seule réponse historique aux redoutables
contradictions de l’Afrique noire ». En 1963, l’Organisation de l’Unité africaine voit le jour, entérine les frontières issues de la
colonisation, mais prévoit l’intégration politique à terme. Elle devient, en 2002, Union africaine. En 2015, un Agenda 2063 voit le
jour et propose de relancer le chantier de l’intégration du continent.
à … qui peine à se concrétiser. En effet, au-delà du discours politique, les élites semblent défendre jalousement leur indépendance
nationale. Au-delà du discours sur l’artificialité des frontières africaines, qui seraient issues de la période coloniale, force est de
constater que les 60 années d’indépendance ont été marqués par des échecs d’intégration flagrants (Fédération du Mali,
Sénégambie…). De manière générale, des auteurs comme K. Nubukpo (L’urgence africaine) tendent à montrer que les frontières
africaines font partie du quotidien des populations qui se les sont appropriées et en ont fait une ressource. Ainsi de la frontière
Sénégal-Gambie, géographiquement absurde, mais qui est au cœur de multiples échanges et réseaux, et dont la remise en cause a
toujours échoué. Plus encore, le commerce intra africain reste très faible.
Face à ces défis, l’unité du continent africain reste une perspective lointaine, souvent invoquée, mais peu suivie d’effets concrets
à Le panafricanisme est une idée ancienne … Le panafricanisme est une idée ancienne, portée par plusieurs pères de l’indépendance
africaine – Nkrumah, Houphouët-Boigny… Pour Senghor, « L’unité africaine est la seule réponse historique aux redoutables
contradictions de l’Afrique noire ». En 1963, l’Organisation de l’Unité africaine voit le jour, entérine les frontières issues de la
colonisation, mais prévoit l’intégration politique à terme. Elle devient, en 2002, Union africaine. En 2015, un Agenda 2063 voit le
jour et propose de relancer le chantier de l’intégration du continent.
à … qui peine à se concrétiser. En effet, au-delà du discours politique, les élites semblent défendre jalousement leur indépendance
nationale. Au-delà du discours sur l’artificialité des frontières africaines, qui seraient issues de la période coloniale, force est de
constater que les 60 années d’indépendance ont été marqués par des échecs d’intégration flagrants (Fédération du Mali,
Sénégambie…). De manière générale, des auteurs comme K. Nubukpo (L’urgence africaine) tendent à montrer que les frontières
africaines font partie du quotidien des populations qui se les sont appropriées et en ont fait une ressource. Ainsi de la frontière
Sénégal-Gambie, géographiquement absurde, mais qui est au cœur de multiples échanges et réseaux, et dont la remise en cause a
toujours échoué. Plus encore, le commerce intra africain reste très faible.
Bilan : De manière générale, on peut retenir l’idée que ces défis ne concernent pas que l’Afrique, mais bien l’ensemble du monde. On
l’a vu, les modalités du développement africain auront un impact sur les émissions globales de GES, et donc sur la question de la lutte
pour le réchauffement climatique. De même, l’instabilité en Afrique est une question essentielle pour l’Europe (migrations,
terrorismes). Plus généralement, la crise de la Covid montre que la vulnérabilité des sociétés les plus fragiles peut se répercuter dans
le monde développé - et l’Afrique n’est pas épargnée par les pandémies. Enfin, et plus prosaïquement, au vu de ses ressources, et
notamment de ses terres rares, il est évident que l’Afrique constituera un enjeu essentiel pour les grands acteurs géopolitiques du
XXIe siècle, soucieux de sécuriser leurs chaînes de valeur.
Des dates Des chiffres
Afro-optimisme/pessimisme ; Afropolitains (A. Mbembe) ; Boko Haram ; Black Diamonds ; Classe flottante ; Coefficient de belligérance (G.
Heinsohm) ; Colonisation/Impérialisme ; Commerce triangulaire ; Covax ; « Décennie du chaos » (S. Brunel) ; Éléphants blancs ;
Françafrique/Chinafrique ; Ivoirité ; Landgrabing ; Leap frog ; Scramble for Africa ; Youth bulge
Quelques exemples
Dans cet article de 2012, le sinologue montre que la Chine et l’Éthiopie ont développé, depuis 1995, des relations
économiques très fortes, pour des considérations diplomatiques, stratégiques, économiques, voire idéologies.
Revenons sur ce partenariat privilégié en Afrique.
L’Éthiopie est un pays enclavé, avec très peu de ressources stratégiques. Elle était isolée durant la guerre froide
(ralliée aux Soviétiques en 1977), et en proie à des tensions et rébellions multiplies – elle a notamment été
marquée par une immense famine en 1985-86. La chute de l’URSS précipite la chute du régime marxiste : en
1991 le Front Populaire de Libération de l’Érythrée et le Front Populaire de libération du Tigré, unis dans le Front
démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (FDPRE) prennent le pouvoir et mettent en place un
régime fédéral, qui bascule vers l’économie mixte, afin de moderniser le pays. Dès 1995, l’arrivée au pouvoir de
Meles Znawi, permet un accord de coopération avec la Chine et accorde à l’Éthiopie le statut de « nation la plus
favorisée ». Il faut souligner ici les similitudes PCC/FDPRE, le second étant un parti marxiste qui cherche à s’ouvrir.
è Les liens n’ont cessé de se renforcer au fur et à mesure que le pouvoir du PM Meles se faisait plus autoritaire
– en 2005 le PM se rapprochait de la Chine qui ne le critiquait pas lors d’élections truquées alors que l’Occident
se désengageait et en 2010 le vice PM, Desalegn, futur dirigeant du pays, vantait le « modèle chinois » de
développement. Cabestan montre donc une véritable influence du modèle asiatique de développement
(developmental state), et insiste sur le fait, qu’en matière politique, on peut même chercher à suivre le modèle
chinois, autoritaire.
Ce modèle éthiopien a permis un indéniable développement du pays : +9%/an, c’est l’un des pays qui croît le
plus vite, et un pays avec un potentiel indéniable (100m d’habitants : modernisation d’Addis-Abeba, barrage de
la Renaissance (plus grand d’Afrique), multiplication des parcs industriels, développement du tourisme, de la
compagnie aérienne Ethiopian Airlines, qui est une véritable success story.
On rejoint ainsi les conclusions de S. Brunel (L’Afrique est-elle …) montre que le naturel est revenu au galop, et
que les États africains ont recommencé à s’endetter, simplement en changeant de créanciers : la Chine, les pays
arabes et la Russie plutôt que l’Occident. L’un des dangers pour l’Afrique serait ainsi de s’insérer dans la
mondialisation en devenant l’atelier du monde, c’est-à-dire en prenant la place que la Chine occupait jusqu’à
récemment. À l’heure où les travailleurs asiatiques revendiquent de meilleures conditions de vie et de travail,
on ne peut pas souhaiter que les Africains prennent leur place. Le made in Africa doit aussi être made for Africa.
La Chine a bien conscience de ces limites et multiplie les initiatives pour tenter d’améliorer son image : envoi de
2000 casques bleus au Mali, au Soudan, base militaire à Djibouti pour lutter contre la piraterie et le terrorisme
(discours officiel), soutien pendant la Covid avec envoi de masques et de vaccins…
Quelques auteurs
Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français. Histoire d’un divorce. (1984)
Dans cet ouvrage controversé, J. Marseille constate que le capitalisme français a connu son apogée après les
indépendances – de fait, le pics des 30 glorieuses en France a lieu dans la décennie 1960. Partant de là, il se
demande si les colonies ont été « une bonne affaire » pour la métropole ? Il en vient à soutenir l’idée que les
colonies ont fini par représenter un fardeau pour l’économie française, notamment parce qu’il fallait concentrer
les capitaux dans la modernisation du pays. Ainsi selon lui, c’est le fait que le patronat a cessé de soutenir la
colonisation – et a rejoint ce faisant une partie importante de la classe politique (pour de Gaulle, « la colonisation
est notre intérêt, donc notre politique »), qui expliquerait que la France ait fini par laisser filer ses colonies.
S. Smith, La ruée vers l’Europe, 2018 c/ F. Héran ou B. Tertrais, Le choc démographique, 2020
Pour un sujet Afrique et migrations : Cf fiche migrations
Sujets à envisager :
- Défis d’hier et opportunités africaines pour la prochaine décennie
- L’Afrique, un enjeu pour les puissances extérieures
- L’Afrique est-elle l’avenir de l’Europe ?
- L’Afrique, un continent riche peuplé de pauvres
- L’Afrique subsaharienne est-elle à l’écart du monde ? (ESSEC, 2014)