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Le Proche et Moyen Orient : unité et

diversités
2008, Serge Michel et Michel Beuret : La Chinafrique : Pékin à la conquête du continent noir.
● Affirmation de Pékin en tout genre : les diplomates, chefs d’entreprises, ouvriers, ingénieurs…
● Réactivation d’une diaspora commerçante : « vendeurs de rues et prostituées ».
● Irruption dans la chasse-gardée des Occidentaux passant par des investissements que Beurré
et Michel voient déjà non conditionnés à des changements politiques et contre-proposition
du consensus de Pékin VS/ consensus de Washington. Offre de partenaires alternatifs par
Pékin permettant à Pékin de mettre les autres acteurs en concurrence.
● La progression chinoise se fait au détriment des autres puissances occidentales y compris
puissance française et y compris puissances locales & régionales.
● Chine téméraire : engagement de la Chine auprès de dirigeants accusés de crimes contre
l’humanité, à des régimes particulièrement répressifs (Mugabe…) et de trafics en tout genre
(cornes de rhinocéros ivoire).
● Chronologie : c’est vraiment à partir de 2008 que l’Europe prend conscience de ce qui est en
train de se passer sur le terrain africain, notamment aujd avec la dénonciation de la puissance
financière chinoise. Multilatéral VS/ Bilatéral.
🡺 Dénonciation de ce livre témoigne des angoisses françaises par rapport à l’Asie et à l’Afrique.

INTROUVABLE Thierry Paco, Article dans les cafés géographiques : « Quelle présence chinoise en
Afrique » (janvier 2018) : attaque fermement l’expression de Chinafrique ; trop englobante pour voir
ce qui se passe vraiment en Afrique (expression trop générale et trop globale), critique une expression
au caractère néocoloniale très loin des faits, surjoue l’investissement chinois : seulement 2.4Mds de $
en 2016, donc très insuffisant pour constituer vraiment une Chinafrique. Chine = seulement 12% des
IDE en Afrique, donc derrière l’Afrique, et 0.2% de l’IDE mondial constitué par l’IDE chinois en Afrique.
🡪 marginal. IDE souvent médiatisé mais dans les faits souvent peu tangible. Souvent un mélange
d’intérêts : projet de grande Mosquée d’Alger (2000 Chinois travaillant dessus) mais en même temps
des plans allemands, des actions de support portés par des cabinets de conseil algériens, canadiens &
français, tout ça sous un contrôle politique du gouvernement algérien qui fait qu’il est difficile d’y voir
un projet véritablement chinois.
Dans tous les domaines (éco et militaire mais aussi financier et commercial) : débouchés annexes qui
font que l’Afrique ne s’inscrit pas dans les priorités chinoises réellement.

Apoli Bertrand Kameni. Minerais stratégiques : enjeux africains, 2013.

o Il y a des minerais essentiels pour l’économie mondiale, et ce sont ces minerais qui attirent les
grandes puissances.
o Mais ce n’est pas un phénomène nouveau : habitudes conflictuelles liées à cette extraction de
ressources s’étant développé. Le montre à partir de la GF : essor du nucléaire militaire
pendant la GF. L’entrée de la GF en Afrique est surtout liée à la volonté de dominer l’uranium
par les grandes puissances en prévision d’une potentielle guerre.
Bassin du Niger : affrontement pendant la GF. Changements de régimes en RCA fortement liés à des
conflits autour de la maîtrise de l’uranium pendant la GF.
o Effet de la révolution des NTIC sur le terrain africain : guerre du Kivu.
Grégor Mathias, Les guerres africaines de François Hollande, 2014

Orientations politiques qui ont déterminé les choix d’entrée en guerre et la conduite de la guerre
elle-même. François Hollande apparaissait plutôt comme qqn critique de la Centrafrique, a adopté
une politique très claire de soutien au relais de la France dès la 2e année de son mandat (Idriss Déby
refus de le recevoir en 2012, (finalement le reçoit en 2016)

2015: Ashish Thakkar: The Lion Awakes: Adventures in Africa’s Economic Miracle.
● Caractéristique de l’afro-optimisme notamment dans le monde anglosaxon. Continent open
for business que la décennie de croissance a complètement transformé.
● Transfo depuis 90’s : modernisation qu’il voit dans les grandes villes notamment (Nairobi,
Kampala). Le facteur véritable de progrès est pour lui un leadership politique restructuré. 🡪 Cf
Paul Kagame par exemple : avant tout du leadership politique.
● Retour des diasporas.
● Intégration très spécifique des technologies, notamment de télécommunications : vraie
capacité d’innovation, notamment adaptée aux spécificités du marché africain. La clé de
l’Afrique contemporaine est pour lui dans les hubs technologiques qui produisent de la
télécommunication et notamment dans l’industrie culturelle (Nollywood au Nigéria,
reposant sur un modèle de NTIC différent du classique).
● Pour lui, inadaptation des conceptions occidentales de la croissance qui empêchent un certain
nombre d’acteurs de profiter car difficultés de s’adapter pour les FTN occidentales &
chinoises.

2015: Morten Jerven, Africa, Why Economists Get it Wrong.


● Le récit dominant de l’histoire économique de l’Afrique est celui d’un échec et d’un retour à
l’échec qui est fondamentalement faux, car il regarde systématiquement où l’Afrique en est au
lieu de regarder d’où l’Afrique vient (regard par rapport aux autres VS regard par rapport au
passé).
● Les institutions internationales, les US et les Européens se basent systématiquement sur de
fausses données : biais cognitif sur l’Afrique qui empêche de voir la réalité (ethnocentrisme &
racisme notamment). Par ex on se base souvent sur des données des 60’s, ou données variant
profondément en fonction de l’institution qui la produit, divergence empêchant d’offrir des
bases scientifiques à l’analyse du développement.
● Constate que les économistes raisonnent sur des données officielles. Or il n’y a pas d’endroit
où les données officielles sont moins utiles qu’en Afrique, puisque secteur informel
constituant une part essentielle de la richesse et du développement, donc en ignorant ce
secteur par les grandes données macro-économiques, on passe à côté de la réalité.

2018 : Stephen Smith, La Ruée vers l’Europe : La jeune Afrique en route pour le Vieux Continent.
Cité par Macron.
● Les dynamiques démographiques de l’Afrique ont joué un rôle déterminant dans la
géopolitique mondiale, notamment européenne. Taux de fécondité jusqu’à 7 enfants / femme
VS 2-3 dans les pays intermédiaires. Les records de fécondité sont dans la zone subsahélienne,
notamment Niger, donc là où difficultés climatiques. Niger devrait atteindre 100M d’habitants
d’ici 2060. Lagos : dépasse Le Caire en 2012, prévision à 50M d’ici 2050.
● Une telle croissance est ingérable. Trop exponentielle car fait de la ville = espace auquel on ne
peut pas s’adapter, au point qu’il n’est même pas certain qu’il faille encore parler de ville :
autre réalité géographique que celle connue historiquement.
● Constate que dans cette absence de possibilité de contrôle, il y a un certain nombre de choix
rationnels du côté des acteurs : gangs, trafics, émigration…
● C’est l’exode rural à l’intérieur des pays africains qui produit ensuite l’exode vers le Nord.
Annonce à l’Europe une vague migratoire sans précédent, et une Europe résignée face à une
immigration inéluctable et en même temps une Europe qui rêve de résistance. Incapacité à
trancher entre le dilemme entre l’éthique de conviction (droits & devoirs) et l’éthique de
responsabilité (intégrité de soi-même et d’autrui) théorisées par Weber.

MENA
2009: Vali Nasr: Forces of Fortune. The Rise of the New Muslim Middle Class and What it will mean
for our World.

● Emergence d’une vraie classe moyenne au MENA, laquelle développe des pratiques proches
de l’occidental sur la consommation & aussi sur le rapport à la religion, la sexualité …
Apparence extérieure qui maintient les normes mais un vécu qui les contredit : vrai écart
entre la fidélité et la pratique religieuse (Dubaï sexualité). Cette émergence est libéralisante et
va rapprocher le MO du monde occidental.
● Iran (modèle de conciliation entre l’Etat, l’espace public, et les dynamiques de la classe
moyenne) & Turquie (peuvent aussi constituer un modèle pour cette émergence) VS//
Dubaï (épicentre de cette émergence).
● Contre-modèle de l’AS car pour lui l’économie du pétrole a éviscéré les classes moyennes,
résultat d’une absence de classe moyenne avec riches VS pauvres sans milieu. Riches
s’imposent au reste de la population.

2010, Stephen Kinzer, Reset: Iran, Turkey, and America’s Future.


La politique US au MO est la plus absurde par rapport aux intérêts US et à la logique même de
déploiement de la puissance américaine. La carte plus intéressante à jouer est de s’appuyer sur les
puissances non arabes pour stabiliser la zone et empêcher le cycle de conflit dans lequel les USA sont
embourbés depuis 90’s. Il faudrait tout remettre à zéro (reset) donc. Puisque ces Etats ont une
tradition démocratique, donc pourrait appuyer cette tradition avec leur aide + crédible pour
démocratiser la zone. La seule politique cohérente avec l’alliance avec Israël est celle avec la Turquie et
l’Iran. Les pays potentiellement vecteurs de démocratisation sont ces pays-là car il y existent des
classes moyennes en plein essor.

2012 Amaney Jamal. Of Empires and Citizens: Pro-American Democracy or No Democracy at All?
● Quelle que soit la politique des US, que ce soit celle de Bush d’engagement de conflit de Bush
ou de désengagement d’Obama, leur politique se heurte à un antiaméricanisme désormais
fortement ancré culturellement au MENA. Car rpz un type de modernité politico-sociale à
laquelle le MO est profondément rétif. Si elle a raison, ce serait l’ensemble des politiques qui
reposent sur des prémisses fausses (possibilité d’alliance, de démocratisation…).
● Examine les attitudes populaires en Jordanie & Koweït : s’il y a un clientélisme anti-US, il y a
aussi une hostilité très forte VS/ USA. 🡪 Les tentatives de démocratisation ont plutôt
tendance à nourrir l’hostilité aux USA. Il y a même un intérêt individuel dans les
considérations socio-économiques à jouer la carte de l’anti-américanisme. Montre comment
ne s’est pas du tout activé une balance pro-US pendant les printemps arabes dans ces 2 pays.

2017 : Olivier Hanne, Les Seuils du Moyen-Orient. Histoire des frontières et des territoires de
l’Antiquité à nos jours. (réf à privilégier)
2017 Marc Goutalier, Quand le printemps brouille les cartes : une histoire stratégique des frontières
arabes.
Rapports nation/ frontières / identités nationales & régionales.

● Constate que la nation & la frontière sont des importations coloniales dans le monde arabe.
Revient sur les accords Sykes-Picot (mai 1916) comme un moment de fixation occidentale de
ces conceptions. La frontière est dysfonctionnelle dans le monde arabe : ne produit pas ø de
cohésion à l’intérieur mais désordre à l’extérieur nécessitant des interventions extérieures.
● Néanmoins, la frontière est maintenue. Investie par les acteurs nationaux qui restent attachés
aux frontières et par les puissances extérieures qui en ont fait le gage de la stabilité des
frontières mondiales.
● Double échec de la nation et de la frontière dans le monde arabe : des structures
supranationales ou transnationales pourraient donner de la légitimité aux frontières pour que
les communautés comme kurdes puissent vivre en paix etc, éviter l’émergence de structures
comme l’EI, ou gestion par des accords transfrontaliers… Modèle européen pourrait
constituer un vrai modèle donc, notamment sur le transnational.

2017, Frank Tétart, La péninsule arabique : cœur géopolitique du Moyen-Orient


● Le grand basculement historique du Moyen-Orient est la concentration sur le golfe persique.
● Ce n’est pas qu’une concentration économique, mais aussi géopolitique à la suite du pétrole
et de la constitution du pouvoir politique que le pétrole a donné aux monarchies du golfe, qui
font qu’elles se répercutent dans l’ensemble du MENA.
● Phénomène qui s’accélère à partir de 79, consommé 2000’s lorsque golfe attire ingénieurs.
● Puissances diversifient le mode de leur action en développant de nouveaux outils de
puissances et ne se contentent plus d’une forme de lobbying pour tenir leurs alliés. Politique
saoudienne pour tenir les islams locaux, sunnites de + en + alignés sur le financeur saoudien,
Qatar s’appuyant sur Al Jazeera
● Qatar VS/ AS constitué un des éléments du conflit interne de l’Irak post-retrait US.

2018, Peter Mandaville, Shadi Hamid “The Rise of Islamic Soft Power. Religion and foreign Policy in
the Muslim World” (Foreign Affairs)

● Constate que l’islam est un thème qui obsède complètement les débats publics occidentaux.
Dans quasiment tous les pays occidentaux, l’islam est la seule « ideological currency » = la
seule idée capable de produire véritablement une alternative idéologique.
● Le combat autour de la question idéologique et de la place du religieux ne peut se résumer à
la question de l’acceptation ou du refus de l’islamisme
● Les Etats ont réagi depuis les révoltes arabes de 2011 : s’est installé un islamic soft power, un
islam d’Etat déterminant dans la géopolitique régionale. A obligé les Etats à s’engager sur le
terrain religieux et à définir leur attitude vis-à-vis de l’islam. 🡪 Donc aboutit à un
renforcement de la norme religieuse dans le cadre institutionnel et législatif. Acceptent une
islamisation relative dans l’espace public du moment qu’elle ne conteste pas les formes
politiques en place.
● Pose problème aux Occidentaux car ils ne comprennent pas : soft power servant beaucoup
plus les gouvernements que les opinions publiques.
● La seule solution pour les pays occidentaux est de prendre acte de cette dynamique et
d’essayer de l’influencer et de l’intégrer à l’ordre libéral.

Introduction.

Un ensemble dont l’unité paraît évidente vu d’Occident (désert, islam, retard de développement…).
Cela n’est-il pas manifeste dans la formule de « Proche Orient » - il est défini par sa proximité de
l’Europe, le foyer de la modernité et de la puissance au XIXème siècle. Mais la position suffit-elle à
faire l’unité ? Et quelle unité ? En rupture avec l’Occident, ou en s’intégrant à lui ?

N.B. L’analyse s’étendra souvent au MENA dans son ensemble, ce qui inclut l’Afrique du Nord.

I. Trois défis expliquent que le Proche Orient aspire à l’unité.


Ces trois défis ont en fait la même origine : la proximité de l’Europe et le renversement du rapport de
force au XVII-XVIIIèmes siècles. Alors que les Turcs menacent encore Vienne en 1683, leur empire entre
en léthargie au XIXème siècle. D’où un triple défi : de la dépendance (prise d’Alger en 1830), de la
modernisation et de l’identité.

A) Face au défi de l’identité, il répond par l’islam.

Mythe encore très forts dans l(histoire du MENA/ Histoire de la conquête arabe s’étale sur 1 siècle
environ. Structure califale a eu une vraie durabilité et une importance historique. (califat Abbasside
centré sur Bagdad par ex)/.

Califats se heurtent systématiquement aux pouvoirs régionaux. Force des identités et des pouvoirs
régionaux au Moyen-Age notamment : pôles rivaux de pouvoir VS/ pouvoir califal : Damas—>
Palestine.

Egypte n’a cessé d’exister avec sa propre culture, de produire des structures politiques. (pouvoir de
Saladin…)

La mémoire du califat de l’unité et d’impossibilité de l’unité ne cesse de travailler le MENA


contemporain 🡪 l’Islamisme actuel le montre.
Rupture Al Qaïda VS/ EI en raison de l’avenir du califat. Point commun islamisme : considérer que se
battre pour la restauration du califat est un devoir religieux, mais EI considèrent que si l’on ne se bat
pas pour cela, on est un apostat. (reniement de la foi) + Al Qaïda est pour un islamisme qui s’impose
par le haut, charia par les institutions etc VS/ EI au contraire veut cela par le bas, que ce soit les
combattants religieux qui l’imposent aux institutions.

16e siècle = début de la période ottomane = moment de recul de la langue arabe d’où ce ressentiment
envers l’occupation ottomane visible encore aujd.
« Le Siècle Magnifique » 🡪 série turque en l’honneur du sultan ottoman Soliman le magnifique créée
en 2014 qui se veut un instrument de propagande d’Erdogan promouvant la restauration de la
grandeur turque telle qu’elle avait été sous l’empire ottoman.

Nahda (mouvement transversal de « renaissance » culturelle arabe porté par l’Egypte) 🡪 temps de la
renaissance du nationalisme dans laquelle le panarabisme s’ancre très fortement.

Réaction au nationalisme commence fin 19e protectorat de la Tunisie fait renaître la langue arabe,
traduction de textes occidentaux en arabe 1930’s, dimension religieuse y est relativement faible.
Mouvement interconfessionnel dans lequel les arabes jouent un rôle disproportionné : promouvoir
une adaptation culturelle.

La Nahda a des conséquences politiques 1917’s : grand mouvement de révolte incité par les
Européens qui s’appuient sur les Hachémites. Conduisent la grande révolte arabe avec les
Britanniques débutant par l’Arabie Saoudite. Les Hachémites ont un rôle très important car ils
fournissent les leaders. Partout se crée un mouvement de révolte décisif dans l’effondrement de
l’empire ottoman (Damas, Palestine mais compliqué par l’immigration israélienne…) 🡪 affirmation du
nationalisme arabe.

Parti Ennahdha : modelé sur l’AKP turque en Tunisie post-2011. Modèle des frères musulmans,
exemple de pouvoir musulman modéré. Action caritative, éducation, solidarité, etc. Ennahdha sépare
activités politiques et religieuses. Force politique s’inspire de modèle religieux, acceptation des règles
démocratiques pour en voir la condition de réislamisation de la société.

Financements des cultes par l’Etat en Allemagne avec collecte de l’impôt par exemple, comme en
Italie…

1683 : apogée de l’empire ottoman avec le 2e siège de Vienne.

Début déclin avec indépendance de la Grèce 1820’s.

Réislamisation énorme : 1ère rencontre entre Nasser & frères musulmans 1950’s : va au Parlement
pour lui dire que les frères musulmans lui ont demandé que les femmes remettent le voile. Le
Parlement est hilare car ce n’est alors pas du tout la norme en Egypte.

Nationalisme panarabe : apogée après la création d’Israël : Fondation de la ligue arabe a alors une
dimension religieuse faible (arabes chrétiens & musulmans en son sein) 🡪 cf pouvoir nassérien.

Guerre VS Israël cible la création d’une unité notamment avec la Jordanie et la Syrie. Fonctionne en
Syrie et en Jordanie 🡪 création du parti Baath en Syrie & Irak (Hussein, Assad…). Ne l’abandonne
jamais jusque 90’s.

Opposition par les pouvoirs monarchiques car diversité culturelle et religieuse qui tranche avec leur
vision. Paradoxe : aide provenant des pays du Golfe fournisseurs à des pays qui ont défendu ce
panarabisme.

1/ Une histoire prestigieuse et ancienne. La plus vieille ville du monde n’est-elle pas, dit-on, Jéricho
(VIIIème millénaire av. J.C.) ? Lieu de l’invention de l’écriture (vers 3 000 ?), de l’alphabet, des débuts
de l’agriculture et de l’élevage.

De grands empires ont plus ou moins fait l’unité de la région : Sumériens, Assyriens, Mèdes et Perses,
Grecs... Mais les divisions n’en subsistent pas moins expliquant la résurgence, dans le même lieu,
d’états indépendants : cf. la forte identité de la Mésopotamie ou de la Perse (un plateau entouré de
montagnes comme les monts Zagros). Les invasions extérieures créent de nouvelles identités (les
Turcs).

2/ Le principal facteur d’unité est donc l’islam. Hégire en 622, expansion très rapide ensuite qui
s’explique par un phénomène de rejet par les populations de la domination « étrangère » des Grecs.

Sans doute les divisions ne disparaissent pas. Mais l’unité est assurée par les califes (même si leur
pouvoir est souvent théorique) ommeyade (Damas), abbasside (Bagdad), ottoman (jusqu’en 1924).

3/ L’islam contribue de deux façons à l’unité.

• Au sein de chaque nation, il est la référence essentielle. Toutes les constitutions locales (sauf
Israël, la Turquie, le Liban) font de l’islam la religion d’état, ou du moins stipulent que le chef de l’état
doit être musulman (Syrie). Mais la Tunisie a inscrit dans la constitution l’égalité sans discrimination
et rejette la charia comme source principale du droit du pays (janvier 2014) ; en revanche l’islam est
défini comme « religion de la Tunisie » - c’est donc un compromis difficile.

En juin 2016, Ennahda sépare ses activités religieuses et politiques, rompant avec la logique héritée
des Frères musulmans.

• Face à l’extérieur, il sert de ciment contre les « invasions extérieures » vécues comme une
agression, mais aussi comme une entrée inacceptable des infidèles dans le dar-el-islam (maison de
l’islam). Cf. les Croisades – même s’il ne faut pas oublier les alliances complexes qui ont pu rapprocher
des souverains chrétiens de chefs musulmans à l’époque.

De ce point de vue, la création d’Israël est vécue comme une nouvelle « provocation ».

B) Face au défi de la dépendance, il répond par le panarabisme.

1/ L’arabité est une réalité liée à l’islam. Le Coran est rédigé en arabe, commenté en arabe, le prêche
du vendredi est fait en arabe – même s’il existe des traductions anciennes du Coran (persan, berbère
mais cette version a été volontairement détruite) et si dans beaucoup de pays le prêche est fait dans
les deux langues.

2/ Pourtant les Arabes perdent le contrôle politique de l’islam dès 1258 (fin du califat abbasside). Le
relais est pris par les Berbères (en Afrique) et surtout par les Turcs.

La domination turque a été vécue comme une domination étrangère par beaucoup de peuples
arabes, en particulier les Hachémites et de leur chef Hussein. D’où leur soutien aux combats de
Lawrence d’Arabie et leur espoir de la création d’un grand état arabe sur la plus grande partie de la
région. Pour la première fois l’idée que tous ceux qui parlent arabe doivent avoir une nation est
acceptée par une grande puissance, le RU, du moins le fait-il croire.

3/ Las, les Européens se partagent la région. Accords Sykes-Picot (1916) ensuite révisés (San Remo)
Pourtant, fait significatif, les Lieux Saints échappent à la colonisation et Ibn Séoud unifie l’Arabie en
1926 (le pays prend le nom d’Arabie saoudite en 1932). Mais il ne prend pas le titre de calife (les
Anglais n’auraient pas admis la reconstitution du califat).
La région reste donc extrêmement divisée. Mais le nationalisme monte.

- L’exemple vient largement de la Turquie (non arabe) avec Mustapha Kemal (président de 1923
à 1938). Il contribue aussi à rompre le vieux lien entre Turcs et Arabes.

- La Perse (non arabe également) tente de suivre la même voie sous Reza Khan ; mais elle
n’échappe pas à la tutelle de l’AIOC. Reza prend lui aussi ses distances par rapport à la tradition arabe.

- Ces deux pays non arabes influencent de nombreux mouvements arabes réformateurs, en
particulier le Néo-Destour de Bourguiba en Tunisie ou le parti panarabe Baath (parti de la renaissance
socialiste fondé en 1943 par Michel Aflak dont le slogan est Unité, Liberté, Socialisme).

- Les nationalismes dans les pays arabes débouchent sur l’indépendance. Dès l’entre-deux
guerres (Egypte 1922-1936, Iraq 1935) ou juste après (Syrie-Liban 1945, Jordanie 1946, Palestine
1948), un peu plus tard dans le cas du Maghreb (Libye 1951…).

4/ Mais l’indépendance n’empêche pas les puissances de conserver leur influence, et leur rivalité
contribue à diviser la région pendant la guerre froide.

Remarquable le poids des USA. Ainsi l’intervention contre Mossadegh, bien connue maintenant que
les archives ont été ouvertes ; mais ces archives confirment que Washington l’a laissé faire d’abord
(avec des remarques assez méprisantes pour les Anglais), et qu’elle se décide à agir quand le régime
se radicalise.

5/ Le nationalisme panarabe est réveillé par la création d’Israël (1948), la séparation d’avec la Jordanie
(le roi Abdallah rêvait d’un état unifié où les juifs auraient leur place) et la guerre qui s’ensuit et qui se
termine par la défaite des Arabes (1949 armistice de Rhodes). La Ligue arabe avait été créée dès 1945
(elle déborde d’ailleurs le P.O.). Le soutien aux Palestiniens soude le monde arabe contre Israël, du
moins en apparence.

Ensuite les hommes politiques se réclamant du panarabisme sont nombreux. Ce sont des leaders
laïcs, nationalistes mais aussi socialistes, au moins dans les termes. Ils suscitent des agitations au
Liban, en Jordanie (où le roi Hussein est victime de multiples attentats), en Irak où Fayçal tombe en
1958.

Plusieurs tentatives sont faites pour créer un état arabe uni : entre Egypte, Syrie et partiellement
Yémen (1958-1962). Le Baath arrive au pouvoir en Syrie et en Iraq (en 1963 dans les deux pays). Mais
il se scinde en 1966.

L’unité arabe s’est donc faite à différentes reprises contre Israël. Les guerres, mais aussi les attitudes
communes (cf. les boycotts…).

6/ Des régimes qui ont des points communs : autoritaires, volonté de modernisation, laïcité.

Cf. la Tunisie qui place l’islam sous l’autorité de l’Etat. Il adopte le code du statut personnel dès 1956
qui émancipe la femme. Il critique le jeûne du ramadan. Cela provoque la révolte de Salah ben
Youssef qui sera assassiné à Francfort en 1961. Planification coopératives agricoles, nationalisation
des terres des étrangers en 1964. Ben Ali revient sur cela.
C) Face au défi du développement, il répond par le « socialisme
arabe ».

1/ Des éléments d’unité qui tiennent :

- à la continuité méridienne ;

- au caractère difficile du milieu ;

- au rôle des matières premières, et tout particulièrement au pétrole.

2/ Les traits caractéristiques du sous-développement.

3/ Un résultat décevant.

II. Pourtant, la réalité du Proche-Orient est contrastée.

A. Entre riches et pauvres, faibles et puissants.

1/ La continuité territoriale est contrebalancée par une répartition très inégale de la population, en
archipel : littoraux, plaines alluviales, hauts plateaux (cf. le plateau iranien, le mont Liban), oasis du
désert ou des zones subdésertiques (Damas)...

Sans doute assiste-t-on à une certaine appropriation du désert (agricole en Israël, en Libye, pétrole
ailleurs), mais il reste globalement peu peuplé.

2/ La richesse est très mal répartie.

Cf. Arabie/Yémen.

Les premiers PIB : Turquie (800 MM. $), Arabie (750), Iran (430), Israël (300), Egypte (290), Algérie
(210), Maroc (110)…

Les PIB par hab. en PPA : 68 000 $ aux EAU, 52 000 en Arabie, 33 000 en Israël, 19 000 en Turquie, 17
000 au Liban, 4 000 au Yémen (2013) et au Soudan.

On peut penser plus précisément à deux sortes de richesses :

- Le pétrole.

- L’eau, « source » de conflits de plus en plus importants.

Tous les pays ne sont pas dans la même situation. Certains pays sont des châteaux d’eau (Turquie,
Liban, Iran, sans oublier des pays extérieurs à la région comme l’Ouganda avec le Nil Blanc et
l’Ethiopie avec le Nil Bleu et le lac Tana ; elle contrôle 86 % des eaux du Nil). D’autres sont très
dépendants.
L’eau représente un enjeu considérable. Cf. l’Egypte qui doit absolument mettre en valeur de
nouvelles terres. Cf. la Turquie et le développement du pays kurde : le GAP en Turquie lancé en 1972
et réalisé à partir de 1984 (Güneydogu Anadolu Projesi) avec 13 grands barrages sur le Tigre et
l’Euphrate (cf. le barrage Atatürk, déjà en fonction) plus des barrages subsidiaires. Cela permet
d’irriguer 1,7 M. ha. Le cas d’Israël, dépendant de ressources venant de ses voisins (Liban, Syrie).

Les prochaines guerres seront-elles des guerres de l’eau ? « La prochaine guerre dans notre région
concernera l’eau » (Boutros Gali). Pourtant il ne faut pas exagérer. Il existe des substituts comme le
dessalement, des possibilités d’importation indirecte (en achetant des produits agricoles). Cela coûte
moins cher que la guerre. Pour Berthelot, le problème de l’eau est en fait un prétexte, en particulier
pour Israël où il renvoie au problème de l’irrigation, de la terre, des mythes fondateurs du sionisme….

– Cf. le Nil : l’Ethiopie ne reconnaît pas le caractère international du fleuve, et l’Egypte a proclamé
qu’elle irait jusqu’à des solutions militaires pour le contrôler (1978). Un accord a été signé entre
Egypte et Soudan qui répartit les eaux (1959), mais l’Ethiopie a ses propres projets. L’initiative du
Bassin du Nil (1999) réunit dix pays pour trouver des solutions concertées.

Mais en mai 2010 4 pays africains signent un accord à Entebbe pour se partager les eaux (Ethiopie,
Ouganda, Rwanda et Tanzanie, le Kenya devant rejoindre). L’Egypte a refusé de participer aux
négociations et menace.

A la fin du mois de mai 2013, l’Ethiopie a entrepris de détourner provisoirement le cours du Nil Bleu
afin de construire le barrage « Renaissance », le plus important du continent avec une capacité de
production de 5 240 mégawatts. Son coût est estimé à 3,2 milliards d’euros. Il s’agit d’un vaste projet
d’aménagement de tout le pays, le premier barrage datant de 2010. L’Ethiopie a profité des troubles
en Egypte pour le lancer. Un énorme emprunt obligataire qui est un moment d’exaltation patriotique
– les fonctionnaires donnent « spontanément » un mois de salaire !

Le pays fournit 80 % des eaux du Nil (par le Nil Bleu) et n’en consomme que 0,3 %.

Pour l‘Egypte c’est inacceptable car la pression démographique est de plus en plus forte. La
sousnutrition a été considérable en 2008 ou pendant l’hiver 2010-2011. Elle est devenue le quatrième
importateur mondial de blé.

Les choses se compliquent encore avec l’entrée en lice du Sud Soudan, assez hostile à l’Egypte qui
avait aidé le Soudan dans la guerre civile.

Un accord est cependant trouvé en mars 2015 entre Égypte, Soudan et Éthiopie sur le partage des
eaux du fleuve (cf. cours envrionnement).

- Cf. le Proche Orient. Opposition entre des zones châteaux d’eau (Anatolie, Yémen, Liban, monts
Zagros en Iran) d’où partent les fleuves (Tigre, Euphrate, Jourdain, Litani) et le reste. Cf. la Turquie et
son projet d’irrigation de l’Est (Great Anatolian Project) : Ataturk en 1990. Plus des aquifères profonds
: Nubie, Arabie, Palestine (côte et collines de Cisjordanie).

1953 ; Israël détourne les eaux du lac de Tibériade vers son territoire.

Plan Johnston (US) pour un partage équitable des eaux, refusé par la Ligue arabe qui
envisage de détourner les eaux du Jourdain à sa source, avant le lac de Tibériade.

1967, les ressources en eau de la région ont été déclarées stratégiques et placées sous l’autorité de
Mekorot, la société de l’eau israëlienne.
1981. Israël annexe le Golan qui fournit en eau le Jourdain et le lac de Tibériade.

1985. Israël occupe de Sud Liban avant de l’évacuer.

80 % des eaux s’abattent en territoire palestinien, et 80 % des eaux sont prélevées au profit d’Israël.
Les Israéliens consomment ainsi 10 fois plus d’eau par personne que les Palestiniens.

3/ Le rapport de force très déséquilibré :

- Entre Etats très peuplés et Etats peu peuplés. L’Egypte a 97 millions d’habitants (en progression très
rapide 80 environ en 2009), l’Iran 81, la Turquie 79, l’Iraq 38. Israël en a 8,7 (contre

7,5 en 2009), l’Arabie 33 , le Yémen 28, l’Algérie 41 (36 en 2009), le Maroc 35,7 (32 en 2009)
- Entre états disposant de ressources (pétrole, eau) et états n’en disposant pas. -
Entre états développés et peu développés.

B. Entre majorité et minorités ethniques, religieuses, culturelles et


sociales.

1/ Le poids de l’islam doit être relativisé.

• Il existe des religions minoritaires, juifs et chrétiens (10 millions environ, dont 5 en Egypte).
Ces derniers sont répartis dans 13 églises différentes ! Les seconds ont joué un rôle important comme
Tarek Aziz, Boutros Ghali, Georges Habbach, Michel Aflak (créateur du Baas). Mais ils sont de plus en
plus marginalisés (attentats en Egypte, en Iraq) et beaucoup partent (chaldéens d’Irak). La chute des
régimes laïcs a été une catastrophe pour eux. Idem au Maghreb (sur un mode non brutal). En Iran, les
églises chrétiennes locales sont protégées, le culte libre, mais avec certaines restrictions, les chrétiens
sont représentés au Parlement ; mais les protestants sont pourchassés car ils opèrent des conversions
et sont suspects d’être proches des USA.

Les juifs, autrefois présents dans toute la zone, ne sont plus guère qu’en Israël.

• L’islam est divisé entre sunnites et chiites (qui se réfère au quatrième calife Ali, assassiné en
661, auquel succède douze – ou sept – imams ; parmi eux Hussein, vaincu à Kerbala en 680 ; et
l’imam caché, le dernier, qui a été occulté en 874 et qui instaurera l’ordre divin à son retour).

Les chiites insistent sur le rôle de l’imam, véritable représentant de Dieu sur terre, sur le martyre (culte
des tombeaux et des saints, interdit par le sunnisme), sur la justice, sur l’ésotérisme (le Coran a un
double sens, apparent et caché, ce qui autorise de larges interprétations), sur la place de la femme (culte
de Fatima, fille de Mahomet de femme d’Ali), sur les pélerinages spectaculaires (Mashhad, en Iran, est le
plus grand lieu de pèlerinage musulman du monde, avant La Mecque, sur la tombe de l’Imam Rezâ. Par
ailleurs le Coran peut-être interprété, la révélation n’est pas terminée puisque le dernier imam n’est pas
revenu, mais il peut inspirer les oulémas. Le chiisme est donc plus évolutif que le sunnisme. Le clergé y a
acquis au fil des temps (dès le XVIème siècle) un pouvoir considérable.
Ils ont le sentiment d’une persécution continuelle, en particulier de la part des sunnites. Cf. le rite de
l’Achoura (en souvenir de la mort d’Hussein).
Ils sont majoritaires en Iran, en Iraq et à Barhein et fortement présents au Liban, au Yémen, en
Azerbaïdjan, en Afghanistan et en Syrie-Turquie. Mais ils sont divisés en duodécimains et septimaniens
(les ismaéliens), sans oublier les cas particuliers des Alaouites et des Druzes (mais sont-ils des
musulmans, car ils pratiquent la dissimulation ou taqya) ou les kharidjites, eux-mêmes descendants des
plus extrémistes partisans d’Ali qui l’accusèrent de mollesse et l’assassinèrent, représentant d’un islam
exigeant et égalitaire (droit de tout croyant à devenir imam, refus du califat... ; se maintient un peu à
Djerba).

• Même le sunnisme est divisé en écoles différentes.

- L’école hanafite, la plus ouverte au départ ; insistant sur la recherche de la meilleure solution,
elle se sclérose peu à peu et met au premier plan la tradition (Inde).

- L’école malékite, qui met l’importance sur le consensus et la coutume (Afrique).

L’interprétation, d’abord recommandée, est peu à peu fermée.

- L’école chaféiste valorise la sunna (Egypte, Arabie, Asie du Sud Est).

- L’école hanbalite repose sur une interprétation littérale du Coran. Elle a donné naissance au
wahhabisme.

2/ La diversité linguistique n’est pas négligeable.

La langue officielle est l’arabe dans la plupart des pays. Mais les dialectes sont nombreux. Et il y a le
turc, le perse (ou farsi), le kurde (proche du farsi, 25 millions), l’hébreu (5 millions).

3/ Il faut tenir compte d’autres oppositions de type social, souvent anciennes.

Ainsi entre nomades et sédentaires, une opposition longtemps essentielle.

Le pastoralisme a souvent été rejeté aux limites de l’oekoumène, sur des marges difficiles, ce qui
suppose des « sorties » périodiques pour que les fragiles pâturages se reconstituent. D’où une
mobilité nécessaire qui prend des formes différentes : existence de paysans-éleveurs (dans les
montagnes) qui ont un habitat permanent et rayonnent aux alentours ; conflits avec domination des
nomades (Sahel) ; éleveurs commerçants (Arabie, Sahara).

Trois activités : élevage (avec un troupeau composite – ovins, caprins, chameaux ou dromadaires,
ânes, chevaux même), commerce et pillage.

Mais le nomadisme disparaît : concurrence ancienne d’autres routes (maritimes), du camion (plus
récemment), suppression de l’esclavage qui ébranle ces sociétés, émergence des Nations et de leurs
frontières qui font éclater les terrains de parcours. La Syrie exige, dans sa Constitution, que les
nomades se sédentarisent, l’Iran les y contraint dès les années 1930 puis en 1963 avec la
nationalisation des pâturages, l’Arabie les y encourage sur les nouveaux périmètres irrigués. Il n’y a
plus que 8 millions de nomades au plus dans le MENA, plus des semi-nomades (Turquie).

C. Entre idéologies

1/ La première rupture a été entre conservateurs et révolutionnaires

Elle s’inscrit, à partir de 1957, dans le cadre de la coupure Est-Ouest (doctrine Eisenhower).
• Les états conservateurs se sont définis par l’anticommunisme. Ils ont été appuyés par les
EtatsUnis. Ils sont dominés par quelques familles comme les Al-Khalifa à Bahreïn. Les tribus et les
traditions gardent un rôle considérable. Cf. les Bédouins de Jordanie. Cf. le Yémen où un homme
digne de ce nom ne peut se promener sans arborer la djambia (poignard recourbé). Ceci s’oppose au
modernisme et à l’étatisme des états révolutionnaires.

Sur le plan économique, ce sont des pays libéraux, mais avec une forte intervention étatique rendue
possible par la manne pétrolière (voir ailleurs).

Leur position est rendue complexe par les relations entre Etats-Unis et Israël.

• Face à eux les pays révolutionnaires, appuyés par l’URSS même s’ils traquent les communistes
(Egypte de Nasser). Ils se caractérisent souvent par leur caractère laïc.

• Entre les deux blocs, un conflit larvé qui débouche parfois sur de véritables affrontements
comme entre Egypte et Arabie au Yémen.

2/ L’échec du nationalisme arabe explique l’essor de l’islamisme.

● Echec à vaincre Israël

Les guerres israélo-arabes. Leur évolution vers une « guerre d’usure » (mouqawama).

Après 1967, Israël change de nature : autrefois refuge des juifs, ensuite véritable puissance qui a
quelque chose à négocier, les territoires. Début de la colonisation, dès la guerre, avec l’expulsion des
habitants du quartier Mograbi à Jérusalem pour y installer des juifs. Immédiatement après sur le
Golan, le Jourdain (67) puis Hébron (68). C’est une politique du fait accompli qui se perpétue ensuite.

● Echec à opérer un véritable développement

L’une des manifestations les plus nettes de cet échec est le chômage des diplômés : car ils ne trouvent
pas d’emploi après leurs études, les postes étant accaparés par les proches du régime. Selon une
étude de la Banque mondiale sur le MENA, plus l’enseignement est développé, plus le chômage est
élevé ! Egalement parce que les diplômés le sont surtout en sciences humaines, lettres et droit.

● Echec à créer un mouvement populaire

● Echec à réaliser l’unité : cf. Iraq et Syrie

● Echec à s’affranchir des puissances extérieures

3/ L’islamisme
• A propos de l’islamisme, Maryse Verfaillie parle « d’idéologie de la frustration ». Il se nourrit du
sentiment que l’échec des pays arabes (ou musulmans) ne s’explique pas par leurs erreurs, mais par
un véritable « complot » et en particulier par l’agression de l’Occident : cf. Israël, les mesures
concernant le voile islamique en France, les caricatures danoises…

Noter qu’il existe des islamismes très différents1 : sunnites ou chiites, prédicateurs (le Tabligh né en
Inde dans l’entre-deux guerres) ou politiques (Frères musulmans fondés par Hassan Al-Banna), plus
ou moins anti-modernistes, terroristes ou non, tournés contre les Occidentaux (Al Qaida) ou contre
les mauvais musulmans (Daech).

Remarquable l’opposition actuelle entre ces deux derniers mouvements. Daech est issu d’Al Qaida,
mais s’en sépare car il veut constituer un Etat islamique en contrôlant un territoire, ce qu’Al Qaida
condamne d’autant plus qu’il voit là une forme de nationalisme2.

Dans tous les cas, il s’agit d’en revenir au message originel du Coran, ce qui peut supposer des
attitudes très différentes, mais en général du littéralisme (école hanbalite d’où découlent salafisme et
wahhabisme).

Aussi ne naît-il pas seulement de la misère, voire de l’archaïsme, des milieux ruraux. Il séduit aussi
intellectuels et bourgeois. Il serait même, selon Mohammed Arkoum, l’idéologie d’une classe
moyenne cherchant à affirmer son rôle de lien entre le monde paysan et la classe dirigeante
occidentalisée.

Les terroristes sont souvent issus de milieux aisés, en Occident et peut-être même ailleurs. Claude Berrebi, de la
Rand, estime que 60 % des kamikazes de Palestine ont un niveau scolaire de haut niveau. Alan Krueger, de Pinceton,
fait la même analyse pour le Hezbollah.
Différentes sortes d’islamisme : wahhabites en Arabie, Frères musulmans (créés en 1928 par un instituteur, Hassan
el-Banna, à Ismailya), chiites.
Une évolution d’ailleurs d’Al Qaida, sous l’influence de Al-Zawahiri, dès l’époque où il conseillait Ben Laden : il
privilégie le combat contre « l’ennemi proche » (les musulmans traitres) plutôt que l’ennemi « lointain ».

Noter que la Révolution islamique n’a pas empêché une certaine émancipation des femmes. Elle leur
a conservé le droit de vote. Le « tchador-passeport » permet de sortir plus facilement de la maison ou
de travailler, le départ des hommes à la guerre a conduit les femmes à assumer leur rôle de chef de
famille. Les associations féminines se sont multipliées comme des revues militantes (Zânân). Le
régime a relancé la campagne pour le contrôle des naissances en 1988.

Mais de nombreuses restrictions existent : les femmes célibataires ne peuvent voyager sans un parent
ou sans autorisation de la police, la polygamie a été légalisée (mais ne concerne que 2,2 % des
couples), les mariages temporaires sont autorisés, la mixité a été supprimée dans les écoles. La
question de la mixité fait l’objet de contestations majeures et de phénomènes de contournement.

L’islamisme se veut surtout un contre-modèle face à l’Occident. L’iranien Jalâl Al-e Ahmad en est le précurseur ; fils
d’un clerc obligé de se défroquer par la laïcisation de Rezâ Shâh, membre de Toudeh, puis partisan d’une troisième
voie de type titiste, il félicite le clergé d’avoir combattu les mesures d’occidentalisation engagées depuis la révolution
constitutionnaliste. Il fait de l’islam une composante essentielle de l’identité iranienne. Il est influencé par le
philosophe Ahmad Fardid qui a étudié à Paris, est marqué par Heidegger et forme de très nombreux intellectuels. Il
dénonce la « Westoxication » reproche à l’Occident son anthropocentrisme, son adoration du moi et son «
autofondement ». Il s’attaque aussi à ceux qui veulent rationaliser l’islam parce qu’ils n’ont plus la foi. Il a aussi une

1
Anne-Clémentine Larroque, Géopolitique des islamismes, QSJ 2014
2
Olivier Hanne et Thomas Flichy, L’Etat islamique, Bernard Giovanangeli 2014
relation complexe avec Israël qu’il condamne sans doute, mais qu’il admire aussi pour l’importance attribuée à la
religion et la résolution.
Shari’ati est sur la même voie : pour lui l’islam donne au nationalisme iranien une dimension géostratégique, en le
reliant aux combats du Tiers Monde et permet de toucher les masses illettrées.

A noter que l’islamisme se montre capable de fédérer. Le mouvement islamiste en pointe attire les
membres des autres groupes (cf. Daech aujourd’hui), les tribus sunnites (comme celle des Dulaymi en
Irak) et les anciens baasistes se sont souvent ralliés à lui par hostilité au régime de Bagdad qui les a
humiliés… Une revanche du monde sunnite sur l’histoire (Flichy) ?

III. Les tensions ne semblent pas prêtes de s’apaiser.

A. Les espoirs des années 1990.

1/ La perestroïka, puis la chute de l’URSS laisse les mains libres aux Etats-Unis.

• Les Américains avaient remporté un succès majeur précédemment (revirement de l’Egypte)


et subi plusieurs échecs : révolution iranienne, retrait piteux du Liban (1983). Ils ont dorénavant les
mains libres. D’où leur intervention en Irak (1990) que les Soviétiques laissent faire.

• Ils s’efforcent de fait avancer la paix entre Israël et ses voisins. Ils poussent aux accords d’Oslo
(septembre 1993) paraphés à la Maison Blanche par Rabin. L’OLP reconnaît le droit à l’existence
d’Israël, Rabin reconnaît l’OLP comme représentant les Palestiniens. Suit en 1994 la paix entre Israël
et la Jordanie.

Les USA ont inventé les QIZ (qualified industrial zones) : situées en Jordanie ou en Egypte, elles
peuvent exporter vers les USA sans droit de douane, à condition d’incorporer 11,7 % d’apport
israëlien minimum. Cela encourage le développement des exportations jordaniennes.

2/ Ils interviennent dans la zone.

●En Afghanistan. Ce n’est pas un triomphe. La production de pavot a battu un record en 2013 (150
000 ha, 62 % des cultures du pays). Hamid Karzai est corrompu et remplacé comme président par
Ashraf Ghani en 2014.

●En Iraq

L’intervention en Irak résume tout cela : construire un Grand Proche Orient démocratique, acceptant
Israël, ouvert sur le monde (et les compagnies américaines). « La route de Jérusalem passe par
Bagdad » (Paul Wolfowitz).

Une guerre de 750 MM $ officiellement (au moment du départ) et 5 000 morts. Les dernières troupes
partent fin 2011. On estime les morts irakiens à 1 M. de 19091 à 2003 et 1,5 M. de 2003 à 2013. 5 M.
se sont expatriés, en particulier les chrétiens, mais aussi beaucoup de médecins ou d’enseignants. 11
M. vivent dans les bidonvilles contre 3 M. en 2003.
Au positif : des élections pluralistes auxquelles les sunnites participent en mars 2010, un dirigeant élu
par le Parlement, Nouri al-Maliki, qui s’est exilé en Syrie, puis au Liban. Il est premier ministre depuis
2006. Il joue sur le sentiment national et a insisté pour que les Américains quittent totalement le
territoire. Mais il écarte les sunnites qui ont pourtant joué le jeu en 2010. Il contrôle totalement les
forces armées de 800 000 h. (y compris la police) car il conserve la Défense et l’Intérieur !

Et il se heurte à l’opposition des chiites plus radicaux comme Moqtada al-Sadr très proche de Téhéran,
tandis que les sunnites d’Al-Iraqiyya ont été écartés.

Du coup la rébellion sunnite repart (voir plus loin) ; Maliki sera remplacé par al-Abadi.

Par ailleurs la production de pétrole repart. Mais le problème de la répartition des ressources se pose,
ainsi que le sort de Kirkouk réclamé par les Kurdes qui ont adopté en 2007 leur propre législation et
négocient leurs propres contrats, y compris à Kirkouk. En même temps ils s’efforcent de conserver la
plus grande partie de leur production et ont construit un tube passant par la Turquie vers Ceyhan.
Est-ce la preuve que le pétrole peut rassembler les peuples autant que les diviser : cf. le gaz qui
rapproche Israël, la Turquie, la Grèce et Chypre car il faut l’évacuer (par la Turquie ?).

Les sunnites ont longtemps craint d’être les perdants et se montraient favorables à un Etat centralisé,
mais on a découvert du pétrole à l’ouest (Anbar) ; ils sont donc prêts à se rallier au fédéralisme.

Au négatif : une libanisation et même un émiettement dont témoigne Sadr City. Une évolution qui
semble aller dans le sens d’un rapprochement avec l’Iran.

Une détérioration du sort des minorités religieuses et des femmes. Saddam Hussein avait fait
beaucoup pour elles : baisse du temps de travail pendant la grossesse, long congé maternité,
possibilité d’acheter par elles-mêmes, éducation obligatoire, droit de vote dès 1967… Depuis des
coutumes barbares réapparaissent : 441 immolées par le feu en 2010. Retour du muta (mariage
temporaire) surtout chez les chiites.

L’Irak abrite les villes saintes du chiisme avec Nadjaf où est enterré Ali et Kerbala où repose son fils Hussein, là où
il a été vaincu et tué (680). Le chiisme irakien oscille entre quiétisme et études savantes du Coran. Les experts
chiites ont contribué aux mouvements constitutionnels en Iran, mais aussi dans l’Empire ottoman en 1909.
L’Irak est cependant uni dans son arabité, le rôle des tribus (sunnites, mais aussi chiites). Les Britanniques ont
utilisé les divisions, les chiites étant au cœur de la contestation en vertu de leur tendance à s’assimiler aux
opprimés. Ils passent donc le pouvoir aux sunnites.

• Tout ceci est garanti par la puissance américaine.

- Leurs troupes.

- Leurs alliés. 100 MM. $ de ventes d’armes dans la zone sous Obama.

- Leur argent, qu’il promette lors des accords d’Oslo.

- Leur modèle, qui a montré son attrait au Liban (2005).

3/ L’effort pour développer les échanges

• La zone est un exceptionnel espace de transit. Des routes Nord-Sud qui relient l’Afrique à l’Europe et
Est-Ouest qui relient l’Europe à l’Asie :
- route de la soie au nord reliant les oasis ;

- route de l’Inde au Levant par Ispahan et route des Indes, terrestre puis maritime ; cette dernière
décline lors des Grandes Découvertes, puis rebondit avec le canal de Suez.

• Certains flux ont acquis une grande importance.

C’est le cas des flux humains. Ils peuvent contribuer à l’unité de la zone.

- Sur un plan culturel et religieux. La Mecque, mais aussi la venue d’étudiants dans les
Universités réputées.

- Sur un plan économique. Les pays du Golfe comptent ainsi une dizaine de millions
d’immigrés. Beaucoup viennent de la zone sur contrat, pour un temps limité. D’Egypte, du Yémen
(dans ces deux pays, cela concerne plus de 10 % des actifs) vers le Golfe, sans oublier le cas des
Palestiniens (une diaspora de 5 millions de personnes). Mais les pays du Golfe préfèrent de plus en
plus la main d’oeuvre asiatique qui pose moins de problèmes. Le cas de la Jordanie qui exporte ses
travailleurs qualifiés (médecins, professeurs) et reçoit des manœuvres égyptiens.

Ces migrations représentent des sommes considérables pour les pays de départ. Sans doute est-il
difficile de faire le départ entre ce qui vient des émigrés intra et extra-zone. Les transferts apportent
18 milliards $ par an en Egypte (2014), contre 6 pour le tourisme (2013 et un peu plus en 2014, en
nette chute par rapport à la période avant le printemps arabe) et 5 pour les revenus du canal de Suez
(qui devraient passer à 13 avec les travaux effectués en 2015).

• Il existe aussi des efforts de coopération régionale.

- Ligue arabe, créée en 1945. Elle s’est dotée en 1964-1965 de diverses organisations comme
un conseil de l’unité économique et un conseil économique et social. Projet de zone de libre échange
en son sein (1997).

- Conseil de coopération du Golfe (1981). La motivation est économique (créer un marché


commun) et surtout politique (peser sur la guerre Iran-Irak). Union monétaire en 2003.

- Union du monde arabe (1989) pour le Maghreb. Libre circulation des personnes (1990) sans
grand effet à cause des troubles divers.

- Accord d’Agadir (2003) pour développer le libre échange entre Egypte, Jordanie, Maroc et
Tunisie. Libre échange Jordanie-Egypte (2003) plus des accords avec Israël (QIZ).

4/ En fait la fin de la guerre froide a libéré des forces et des revendications qui étaient gelées,
dans le Caucase, le Kurdistan… Et préparé le terrain à l’islamisme. Vers une islamisation de la zone ?

B. La persistance de tensions fortes

1/ La faiblesse des liens économiques.

• Le réseau de transport démontre l’extraversion de la zone.


Cf. l’importance du trafic maritime, même si les conditions ne sont pas toujours favorables (peu de
bons sites, barrières montagneuses près du littoral coupant de l’hinterland, périls de la Méditerranée,
risques politiques). En particulier certains deviennent des hubs, comme Dubaï (27ème mais 9ème pour le
trafic porte-conteneurs, ou plus loin pour le trafic porte-conteneurs toujours Charjah dans les EAU ou
Salaah en Oman).

De même le transport aérien s’est considérablement développé, avec là encore un rôle important
d’escale (Golfe, avec leurs magasins duty free). Dubaï s’est hissé à la 6ème place mondiale.

De même enfin le transport par tubes (IPC en 1924, Tapline 1950, Petroline à travers l’Arabie jusqu’à
Yanbu, Sumed le long du canal de Suez, aujourd’hui tubes à travers la Turquie). Mais l’essentiel passe
aujourd’hui par la mer.

Le réseau terrestre est axé sur la route, le chemin de fer étant négligé. Fait remarquable, aucune ligne
de chemin de fer ne relie le Maghreb à l’Egypte ni celle-ci au Soudan, ni l’est de l’Arabie à la
Mésopotamie, ni l’Iran à l’Irak.

• Le commerce intra-zone reste peu développé.

Ils ne représentent que moins de 10 % du total (au niveau du MENA).

• L’immigration interne ne sert guère l’unification de la zone.

- Les immigrés sont mal vus, car ils représentent parfois une part considérable de la population
: 40 % en Arabie, la moitié au Koweït et Barhein, plus dans les EAU et au Qatar ! Beaucoup ont été
expulsés, par exemple après la guerre du Golfe (Yéménites chassés d’Arabie).

- Le cas d’Israël est particulier avec trois sortes d’immigrants : les Juifs, les Palestiniens
(migrations quotidiennes de travail), les immigrés d’autres pays (Roumanie…) pour se passer des
Palestiniens. Des mesures très restrictives sont prises actuellement, et d’expulsion (notamment des
Erythréens).

2/ Le conflit en Palestine ne se réduit pas.

- Les problèmes essentiels ne sont pas réglés : Jérusalem, droit au retour, 500 000 colons dont
250 000 après Oslo.

- Assassinat de Rabin en 1995

- Seconde Intifadah en 2000

- 2002. Décision de construire le mur de séparation.

- Mort d’Arafat en 2004 ce qui laisse le champ libre au Hamas qui gagne les élections en 2006 à
Gaza.

Evacuation de Gaza en 2005, mais conflit au Liban (juillet 2006 contre le Hezbollah). En fait Israël veut
fixer elle-même ses limites territoriales. Gaza est une zone invivable : 1,5 M. hab, la plus forte densité
du monde (4 000 hab./km²), la plus jeune (44 % de moins de 15 ans), l’une des plus fortes croissance,
chômage de 40 %, 70 % en-dessous du seuil de pauvreté.
- 2005. Délimitation du mur de séparation d’avec la Palestine (après bien des difficultés de la
part de la CIJ et de la Cour suprême israélienne). Presque achevé aujourd’hui.

- Négociations assez avancées en 2008 où les Palestiniens font de fortes concessions : abandon
de l’essentiel de Jérusalem, de plusieurs territoires colonisés, renonciation au droit au retour en
dehors de quelques cas symboliques (révélé par Al Jazeera en janvier 2011). Mais le retour de
Netanyahu débouche sur l’arrêt de ces négociations.

- Du coup opération Plomb durci (2008-2009) qui avive les tensions.

- Echec d’Obama à faire adopter une attitude plus conciliante par Netanyahu. Il réclame un gel
de la colonisation, en vain. En revanche, Bibi accepte du bout des lèvres l’idée d’un état palestinien.

- 2012 : l’Autorité palestinienne est admise comme observateur à l’ONU.

- 2017 : tensions très fortes autour de la décision américaine de reconnaître Jerusalem comme
capitale d’Israël.

Ce fait nourrit les divisions, y compris entre Arabes.

- Conflit entre le Hamas et le Fatah. En 2007, le Hamas l’emporte dans la bande de Gaza. Mais
en 2014 le Hamas et l’OLP de Mahmoud Abbas se rapprochent : libération des prisonniers, élections
prévues, formation à venir d’un gouvernement de « consensus national ». Or le Hamas d’admet
toujours pas l’existence d’Israël. Cela a-t-il déclenché l’offensive d’Israël à Gaza ? - Conflit interne au
Liban. Assassinat d’Hariri (2005).

3/ Les contentieux restent nombreux

• Les révoltes de peuples sans nation : cf. les Kurdes.

• Les contentieux territoriaux dont les origines sont parfois lointaines.

- Zones limitrophes de l’Arabie et du Yémen, réglées aujourd’hui sur le papier.

- Koweït dont l’indépendance n’a pas été reconnue par l’Irak en 1961.

- Alexandrette rendue par la France à la Turquie, ce contre quoi les Syriens ont protesté (1938).

- Sahara entre Maroc et Algérie (zone de Tindouf qui fait l’objet de la guerre de 1963). Accord à
Ifrane en 1969 qui fixe la frontière et prévoit une coopération, mais les députés marocains refusent
de le ratifier.

- Le Sahara occidental qui devient intéressant avec la découverte de phosphates (1960). Franco
encourage alors les mouvements qui donneront naissance au Polisario (1973) dans l’espoir d’un pays
indépendant qui gardera des liens avec l’Espagne. Marche verte en novembre 1975. La république
sahraouie est reconnue par l’OUA en 1982, ce qui explique le départ du Maroc.

Construction du mur, surveillé par l’ONU depuis le cessez-le-feu de 1991.

- Chott-el Arab entre l’Irak et l’Iran, jusqu’à l’accord d’Alger de 1975.


- Le cas des îles Hanish contestées entre le Yémen et l’Erythrée ; guerre en 1995, puis arbitrage
qui les confie au Yémen.

- Le cas limite du Haut Karabagh, donné par Staline à l’Azerbaïdjan en 1923. S’est libéré de
l’Azerbaïdjan en 1994, mais les accrochages ne cessent pas. Une offensive azérie en mai 2016. Le
groupe de Minsk (de l’OSCE) ne réussit pas à trouver de solution.

Ceci débouche parfois sur de véritables guerres : cf. Iran-Irak.

4/ L’ambiguïté des Américains à l’égard des révolutions arabes.

● Ils sont favorables à une évolution vers la démocratie, mais prudemment. Obama parle d’abord
d’une « opportunité historique pour les USA de « pursue the world as it should be ». Ils espèrent aussi
renouer avec l’islam et cherchent des musulmans modérés pour les mettre au pouvoir. Mais qui ?

Turquie, ASL, Frères musulmans… ? Obama a invité les dirigeants d’Ennahda en mai à Washington, H.
Clinton a affirmé sa volonté de négocier avec les Frères musulmans.

Finalement Obama reste très discret lors du coup d’Etat de l’armée contre Morsi – on refuse même de
parler de « coup d’Etat » car cela contraindrait à couper l’aide de 1,5 MM. $ qui lui est versée chaque
année.

Ce qui est certain c’est que malgré tous les efforts l’anti-américanisme ne régresse pas dans la région :
on leur reproche d’intervenir et de ne pas intervenir (en Syrie). Peut-être parce qu’ils ont longtemps
soutenu les régimes dictatoriaux dans la zone. Mais aujourd’hui ce sont les laïcs qui les accusent
d’avoir soutenu les Frères musulmans !

Pourquoi ces révolutions ?

Elles s’expliquent par les difficultés économiques, le chômage, mais aussi le refus de la dictature. Donc
par les progrès de l’alphabétisation et de l’éducation, la baisse de la natalité qui remet en question
l’islamisme (E. Todd), l’urbanisation (toutes ces révoltes ont été urbaines).

Les valeurs occidentales donnent l’impression de l’emporter. Mais des problèmes : la démocratie
porte au pouvoir les islamistes ! Malgré Comte Sponville qui écrivit « Ce printemps arabe… est une
victoire, au moins provisoire, de la laïcité3 ».

Mais il y a aussi les progrès de l’islamisme que les gouvernements en place ont fini par tolérer,
d’abord face aux communistes, ensuite à cause de leur influence croissante grâce à un travail à la
bases (action sociale…).

Elections pluralistes en Jordanie (1989), en Egypte (2005), au Koweït (avec vote des femmes), en
Arabie (vote des femmes pour les municipales de 2005, possibilité pour elles d’être élues en 2015)…

- Iran en 2009, avec déjà l’utilisation des moyens de communication de l’époque (twitter). Un
soutien américain.

3
Challenges 8 mai 2011.
- Yémen. Un problème ancien. La révolte des sécessionnistes du Sud (où se trouve le pétrole),
des islamistes et des chiites du nord (zaïdites).

- Tunisie. Chute de Ben Ali en 2011 ; il était au pouvoir depuis 1987.

- Egypte. Là encore les USA font pression. Début des manifs en janvier 2011, départ de
Moubarak le 11 février. En fait l’armée l’a lâché, refusant de disperser les manifestants. Les Frères
musulmans ont joué un rôle non négligeable, pas au début, mais lors des heurts les plus importants
(en particulier lors de la contre attaque des partisans du régime).

- Libye avec l’intervention de l’OTAN. Un tiers des infrastructures sont détruites, plus de 3 M.
d’immigrés ont fui, la production pétrolière d’effondre… Tripoli tombe en août 2011.

- Le cas du Maroc. Mouvement du 20 février. La réforme constitutionnelle de 2011 qui laisse de


larges pouvoirs au Roi. Le chef du gouvernement, choisi dans le parti arrivé en tête, pourra dissoudre
l’Assemblée, comme le Roi, la justice sera (en principe) indépendante. Mais de nombreux organismes
vont être créés (Justice, Education) qui seront coiffés par des proches du Roi, le Makhzen. - La Syrie
actuellement. Les USA soutiennent les rebelles modérés.

Le cas des alaouites. Ils font peu le pèlerinage à La Mecque, ils croient en la réincarnation et sont très marqués par le
gnosticisme grec.
Un régime répressif, des espoirs de libéralisation avec Bachar el-Assad, déçus, des difficultés économiques liées à
une relative libéralisation (arrivée de Lafarge, d’Air Liquide, tourisme). Mais prédation par des hommes comme
Makhlouf. Les aides aux régions périphériques sont réduites, ce qui explique le basculement de régions autrefois
favorables au régime comme Deera ou l’Est.
Tout éclate en mars 2011 après l’arrestation de jeunes à Deraa dans le Sud. Al Jazeera soutient immédiatement ainsi
que les Frères musulmans. Bachar réagit en augmentant les traitements, en levant l’état d’urgence (qui date de 1963
!) et en modifiant la Constitution par référendum (février 2012).
Des déserteurs créent l’ASL installée en Turquie, les foyers se multiplient. Mais le régime tient grâce à la solidité des
alaouites et de la majorité de l’armée, aux craintes des minorités et aux hésitations de la bourgeoisie sunnite.
Humiliée après la résolution 1973 qu’elle avait acceptée sur la Libye, la Russie bloque tout et la Chine la suit pour
l’essentiel. La France au contraire pousse à ce que l’on arme les rebelles. Elle est en pointe pour une éventuelle
intervention après l’utilisation de gaz, mais ce sont les Communes britanniques qui refusent et font échouer le
projet. En 2012 L. Fabius proclame qu’Assad « ne mérite pas d’être sur terre ». Il répète que le régime va bientôt
tomber.
Les USA soutiennent la rébellion, mais s’inquiètent de l’influence croissante des islamistes d’al-Nosra qui se font
remarquer par des exécutions sommaires (trois moines décapités en juin 2013). Al-Nosra a officiellement rallié
alQaïda et attire de nombreux djihadistes étrangers. Al Qaida en Irak s’est aussi installé dans la partie « libérée » du
pays. L’embarras américain éclate à propos de l’utilisation de gaz de combat. Obama parle d’abord de « ligne rouge »
en cas de mouvement d’armes chimiques, puis seulement en cas d’utilisation, puis d’utilisation systématique… Mais
les Américains entraînent des rebelles triés sur le volet (pour éviter les islamistes) qui reprennent l’offensive par le
Sud.
Du coup Poutine propose un compromis signé à Genève en septembre. La Syrie promet de démanteler son arsenal
chimique, sous contrôle international.
Surtout en 2015 Moscou intervient directement par un soutien aérien très fort, contre Daech mais surtout contre
l’Armée de la Conquête constituée sous l’égide de l’Arabie avec Al Nosra.
Les USA sont-ils gênés par cette intervention ? D’un côté cela montre les limites de leurs frappes contre Daech, de
l’autre cela met les Russes en première ligne. Mais cela remet en selle Bachar dont on exige plus le départ. Cela
déstabilise les pays proches, en particulier le Liban (1/3 de la population, sur 4 M., est d’origine syrienne maintenant)
et la Jordanie.

Surtout l’Irak. Daesh a réussi à s’imposer. Il n’avait qu’un millier de combattants en 2010. Le
mouvement est né en Irak à partir d’une scission d’Al Qaida. Il privilégie le combat contre les «
ennemis proches », la terreur de masse (et non les seuls attentats), la volonté de créer un Etat. Une
territorialisation du terrorisme ? Il s’appuie sur les sunnites marginalisés par le pouvoir chiite (tribus
des Dulaymi, des al-Djuburi, des Shammar).

Puis il bascule sur la Syrie ; il prend Raqqa en mars 2013. Puis il revient en Irak et s’empare de
Faloujah, puis de Mossoul. Le califat est proclamé en juin 2014, par al Baghdadi, surnommé le
fantôme. Un embryon d’Etat se met en place, avec des ressources importantes (banque de Mossoul,
pétrole, vente d’esclaves sexuelles) et un régime à la fois bienveillant et terrorisant, ce dernier point
servant sa propagande et servant de rupture. La frontière entre les deux pays est ouvertement
supprimée. Il bénéficie de la venue de djihadistes étrangers estimés à 25 000 en 2015.

Jouent contre lui l’axe Iran-Syrie-Hezbollah, et aussi la Russie et la Chine qui tient à la stabilité locale
car elle a beaucoup investi dans les champs pétroliers de l’Irak dont 50 % du pétrole lui sont destinés.

Quant aux Etats-Unis ils paraissent perdants. Ils ont formé des cadres de l’ASL pour rien, ils ont quitté
l’Irak, et le résultat n’est pas probant. Ils ont le choix entre un retournement d’alliance, en se tournant
vers l’Iran, la Russie et (sans le dire) le régime d’Assad, ou la confirmation de l’entente avec l’Arabie
saoudite voire le Qatar et la Turquie, mais cela présente de multiples ambiguïtés (que veut l’Arabie ?)
et suppose de ne plus s’appuyer sur les Kurdes. Finalement le second choix semble l’emporter avec la
formation d’une grande coalition, mais cela rend difficile une action sur le terrain (sans l’Iran) et
hypothèque le soutien de l’ONU (Moscou bloquant toute intervention en Syrie sans l’accord d’Assad).

Les Kurdes en profitent pour mettre la main sur Kirkouk et pour s’émanciper encore plus.

● Qu’est-il sorti de ces révolutions arabes ?

- Les monarchies du Golfe tentent de contrôler le mouvement. Elles intègrent le Maroc et la Jordanie
dans le CCG, elles établissent des liens avec l’Egypte. Mais elles sont divisées entre Qatar, qui
soutient les Frères musulmans, et Arabie qui soutient les salafistes.

Cf. Barhein où Ryad écrase la révolte en mars 2011.

- Un islamisme modéré ? Le modèle turc est pris en référence, ainsi par Ennahdha. Mais il paraît se
radicaliser et avoir du mal à s’exporter.

- Un islamisme radicalisé ? Les salafistes poussent leurs pions. Et de tout cela sort Daech.

- Et pourquoi pas le chaos total. Voir la Libye.

● Une nouvelle géopolitique mondiale. Les pays émergents ont traîné des pieds, se sont même
opposés aux interventions occidentales. La Chine est plus prudente que la Russie, car elle dépend
beaucoup du pétrole arabe. La Turquie qui pourrait retrouver son rôle de leader d’autrefois, se
rapproche de Moscou puis se heurte à elle après la destruction d’un avion russe en novembre 2015.

5/ Les progrès de l’islamisme.

• Faut-il croire que l’islamisme perd du terrain aujourd’hui ? Ce sont les analyses de Gilles Kepel et
d’Alexandre Adler, peu avant le 11 septembre. Le même Adler ne cesse de prédire que les modérés
progressent en Iran et que les islamistes sont marginalisés.
Les nouveaux pouvoirs issus des révolutions arabes.

Egypte : victoire des Frères musulmans, mais aussi des salafistes. Nombreuses manifestations contre
Israël, contre le traité de paix. Du coup Israël autorise l’armée égyptienne à remilitariser le Sinaï pour
lutter contre les groupes islamistes qui pullulent sur place.

Crise fin 2012 car le président Morsi veut faire adopter une constitution assez islamique et qu’il tente
de se faire attribuer les pleins pouvoirs – il recule sur ce dernier point à cause des émeutes et sans
doute sous la pression de l’armée – certains parlent d’un coup d’état discret. Puis cela devient moins
discret et l’armée dirigée par Abdel Fattah al-Sissi dépose Mohamed Morsi le 3.7.13 ; l’intervention
serait due à la volonté de Morsi de déclencher le djihad contre la Syrie. La situation économique était
difficile avec l’effondrement du tourisme et des IDE, la dépréciation de la monnaie et l’inflation. Un
nombre de morts estimé à 1 400 en tout, et 15 000 arrestations. La répression continue, Morsi doit
passer en procès avec les principaux dirigeants de la confrérie. Sissi est élu président en 2014.

L’Occident ne proteste guère ; il est vrai qu’il a peu de moyens de pression, l’Arabie ayant annoncé
qu’elle se substituerait à lui en cas d’arrêt de l’aide. Elle fournit immédiatement 4 MM. $, les autres
pays du Golfe 7 MM.

Kerry commente : «Et l'armée n'a pas pris le pouvoir, d'après ce que nous comprenons jusque...
jusqu'ici. Il y a un gouvernement civil. En fait, ils restauraient la démocratie.»
Mais au passage on estime à 300 000 les coptes qui ont quitté le pays, souvent l’élite.

Tunisie : victoire d’Ennahda. Mais assassinat en 2012 de l’opposant Chokri Belaïd, puis en 2013 du
député d’opposition Mohamed Brahmi, ce qui déclenche des manifestations réclamant le départ
d’Ennahda. Du coup le régime discute avec l’UGT. Finalement, c’est là que tout semble se terminer le
mieux, avec l’adoption d’une Constitution modérée et l’élection du président Beji Caïd Essebsi en
2014. Mais Ennahda fait un bon score et reste au gouvernement.

Libye où le président du conseil de transition, un « modéré » (Abdel Jelil) proclame le retour à la


charia (polygamie autorisée à nouveau, divorce interdit), sans parler du gouverneur de Tripoli
Albdelhakim Belhadj, un islamiste qui a combattu en Afghanistan contre les US. Le 11 septembre
2012, le consulat américain de Benghazi est pris d’assaut et l’ambassadeur J. Christopher Stevens est
tué. Puis le pays éclate, un gouvernement contrôlé par les islamistes et les milices de Misrata s’installe
à Tripoli (Aube de la Libye), le gouvernement légal part à Tobrouk, les islamistes contrôlent Derna et
Daech s’installe à Syrte. En 2016 la communauté internationale pousse à une réconciliation (accords
de Skhirat) ; Fayez-al-Sarraj est le premier ministre, mais il ne s’impose pas : Haftar à l’est refuse de le
reconnaître. En revanche Daesh est chassé de Syrte.
L’Algérie a résisté à la vague de contestation, mais elle est fragilisée par la maladie d’Abdelaziz
Bouteflika. A venir un « coup d’état médical » comme celui par lequel Ben Ali a écarté Bourguiba ? Le
« clan d’Oujda », en un mot l’ALN au pouvoir depuis 19624, est en bout de course.

En fait, il y a des islamismes.

4
Il s’agit des hommes du FLN qui s’étaient réfugiés dans l’Est du Maroc. Parmi ses membres on compte Boumedienne, Boutflika, Zerhouni
ministre de l’Intérieur jusqu’en 2010, Nezzar général et ministre de la Défense qui est le principal responsable de l’arrêt du processus
électoral en 1991, Laroussi Khalifa, père de l'homme d'affaires Rafik Khalifa… Ils ont évincé les Kabyles pendant la guerre d’Algérie
(assassinat d’Abane Ramdane), puis les combattants de l’intérieur, puis Ben Bella. Selon Ferhat Abbas : « Semant des cadavres sur sa route,
Boumedienne faisait la conquête de l'Algérie. C'était la seule guerre qu'il fit. »
● Plus à l’est, l’islamisme entretient le chaos.
- En Afghanistan.
- Au Pakistan.

Rupture entre le pouvoir (Zardiri) et les talibans. D’où l’intervention de l’armée dans la vallée de Swat, puis dans
les zones tribales (Waziristan). L’ISI coopère maintenant avec la CIA dans la lutte contre le terrorisme, du moins
celui qui est propre au Pakistan. Mais il continue à manipuler les talibans afghans.
Le Pakistan est un pays fragile avec trois sécessionnismes animés par des hommes de gauche (Baloutchistan,
Sind des Bhutto et Bengale). L’armée, issue du Pendjab en ce qui concerne ses cadres, a assuré l’unité de
l’ensemble. Mais l’alliance renforcée avec les USA provoque un rejet d’une partie de la population, en particulier
le conditionnement de l’aide américaine (le Pakistan ne doit pas aider les islamistes indiens, doit fournir un
certain nombre de personnes recherchées comme A.Q. Khan, père de la BA pakistanaise)… Les attentats se
multiplient, y compris contre le QG de l’armée à Rawalpindi (octobre 2009).

C. Les ambitions des différentes puissances

# Les puissances extérieures

Le PO reste un enjeu important.

- Pétrole

- Troubles : « J’ai la conviction que, en ce début de siècle, si le Proche Orient ne parvient


pas à se réveiller, bientôt l’Occident ne pourra plus dormir » (Amin Maalouf dans son roman
Samarcande).

Des divisions passées :

RU/Fce

USA/Europe

USA/URSS

Aujourd’hui les Américains paraissent avoir beaucoup de cartes en mains.

Ils ont des priorités : la stabilité de l’Arabie, la sécurité d’Israël, leur base à Bahrein.

Mais que veulent-ils ? Une politique très hésitante sous Obama qui a cherché à s’appuyer sur un islam
qu’on a considéré comme modéré et arrivé au pouvoir de façon démocratique (Turquie, Égypte) ; puis
une étonnante passivité face à Daesh (apparu en 2006, s’installant en Libye en 2012) – Obama parle
en 2014 d’une « équipe de remplaçants » par rapport à Al Qaïda ; enfin le rapprochement avec l’Iran,
sans doute dans l’intention d’un équilibre des forces (Marc Lynch) : la « vision ascétique impériale
d’Obama » (Dario Fabbri).

Mais aussi parce que l’Iran pourra exporter vers l’Europe par des tubes passant par la Turquie,
combattre les talibans en Afghanistan et l’Etats islamique. En revanche il inquiète sur certains sujets.

Sur l’attitude à l’égard de Daesh, Fulvio Scaglione estime que les USA le tolèrent à condition qu’il
agisse en Syrie ; on le repousse d’Iraq pour mieux l’amener à s’étendre vers l’ouest.

Mais ils doivent tenir compte du retour de la Russie. Longtemps évincée, elle revient. Elle soutient le
régime syrien et se donne le beau rôle en septembre 2013 en évitant une guerre, puis en intervenant
en 2015. Elle renforce ses positions à Chypre, lui prêtant de l’argent pendant la crise et restructurant
sa dette en août 2013. Mais tout cela n’est-il pas imprudent ? Cf. le heurt avec la Turquie.

En revanche un rapprochement avec l’Égypte, peut-être même avec l’Arabie (nucléaire par Rosatom
?). Les dossiers du Qatar et de l’Iran ont permis ce rapprochement.

La Chine est surtout présente économiquement.

Et les USA ont-ils toujours autant d’intérêt à rester ici ?

# Les puissances locales

Cinq puissances peuvent aspirer au rôle de centre.

1/ L’Arabie, « centre premier ».

Elle est née de la rencontre entre Mohammed bin Saoud et l’imam Mohammed bin Abdelwahab dont
le Livre de l’unification est le fondement du wahhabisme.

Ses frontières sont floues, déterminées par des accords divers parfois remis en question (Yémen),
entre autres au rythme des découvertes pétrolières. Elle reçoit deux millions de pèlerins chaque
année pour le grand pèlerinage. 28 M. hab.

Au centre-est les plateaux du Nedj d’où viennent les Saoud, au cœur de l’arabité plus encore que le
Hedjaz (La Mecque). La famille royale : 4 400 adultes mâles officiellement, 10 000 peut-être
(Basbous). La Garde nationale, armée dans l’armée de 100 000 hommes, est composé de Bédouins du
Nedj, et le GID (services secrets). Le conseil des oulémas (150 000 personnes avec les familles) qui
encadre le pays, mais se démarque aussi parfois. Ses forces :

- La Mecque. 6 M. de touristes religieux (dont 2 pour le grand Hajj), 16 MM. € de recettes


(2014). D’énormes aménagements qui n’empêchent pas des catastrophes (1 600 morts en
2015).

- Le pétrole. Un cinquième des réserves mondiales.


10 Mbb/j à partir de 1980, 10,6 en 2006, 9,2 en 2008, retour à 10,6 en 2016

- L’armée, ou plutôt le matériel militaire.


- L’alliance avec les USA (Quincy, février 45) dit « pétrole contre sécurité », renouvelé en
2005 pour 60 ans. Un pays essentiel pour les USA qui fait le lien avec les islamistes (Frères
musulmans, contre l’URSS). Mais il y a eu le 11 septembre.

Un pays qui vit dans la peur : des husseinites autrefois, des nationalistes arabes et entre autres de
l’Irak, de l’Iran… Le problème des chiites du Hasa. Qui se fige alors que la société réclame un peu plus
de libertés. Et qui craint le rapprochement entre les USA et l’Iran, qui s’irrite des hésitations des USA
face au général al-Sissi, qui s’oppose maintenant à un nouveau rival, le Qatar.

Sa crainte majeure est d’être lâché par Washington. Faut-il interpréter ainsi la baisse des prix du
pétrole qu’elle suscite ?

La religion prime en Arabie. Sur les 35 heures d’enseignement par semaine, 14 sont consacrées à l’étude de
l’islam. Il est interdit de fumer, de voir des films, d’exposer des objets d’art – pour le tout venant. La télé n’est
autorisée qu’encadrée : elle s’interrompt pendant les prières, la météo est accompagnée de la formule « Si Dieu
le veut bien ». Les programmes d’enseignement n’ont pas changé depuis 1953 – une tentative de réforme en
1996 échoue.

Aujourd’hui fragilisée car ses dirigeants sont vieillis et malades : le roi Abdallah meurt en 2015, les lui
succède le prince Salmane, mais il a 79 ans et est malade.

Rivalité entre (1) Mohamed ben Nayef dit « MBN », ministre de l’Intérieur qui passe pour un dur,
proche des USA, et a été nommé premier prince héritier en mai 2015. On le dit aussi très hostile aux
islamistes et à l’EIIL, comme à l’Iran. (En fait c’est le retour en force du clan des Soudaïris, l’un des
deux plus puissants du royaume) (2) MBS (Mohamed ben Salmane) qui dirige aussi le ministère de la
Défense et le Conseil des affaires économiques. C’est lui qui a mis au point le plan Vision 2030.
Nommé prince héritier, il s’empare du pouvoir en 2017 et s’engage dans une opération de liquidation
des clientèles adverses, notamment en initiant une vague sans précédents d’arrestations (4 ministres,
11 princes) au nom de la lutte contre la corruption. En novembre, il engage aussi la répression de
certains prédicateurs islamistes.

Par ailleurs le pays souffre de la baisse des prix du pétrole. Le déficit budgétaire atteint 20 % du PIB en
2016, d’autant plus que les dépenses militaires augmentent. Le pays conserve des réserves
importantes (650 MM. $), mais elles chutent. Elle va instaurer la TVA (à 5 %).

Enfin le pays a engagé en mars 2015 une offensive au Yémen qui empêche la victoire des Houthis,
mais ne les écrase pas. Et il provoque une grave crise avec l’Iran en exécutant Al-Nimr. Les pays du
Golfe suivent et rompent avec l’Iran, mais de façon différente. Bahreïn est aligné sur Ryad, Oman et le
Qatar, isolé dans son soutien aux Frères musulmans, plus proches d’un compromis. Après des propos
favorables à l’Iran, au Hamas et au Hezbollah. MBS annonce en juin 2017 la rupture des relations
diplomatiques, suivie de la mise en place d’un blocus (exigence de fermeture d’Al Jazeera ; été 2018
menace d’intervention militaire, projet de canal Salwa pour en faire une île). Iran dans la foulée
envoie rapidement de l’aide alimentaire.

Importations militaires saoudiennes en hausse de 225% (entre 2013 et 2017 par rapport à 2008-

2012 ; 166% au Qatar)

.
2/ L’Egypte, centre de second rang. Elle compte par son héritage, sa position (Suez), sa superficie (1
M. km²), sa population, son rôle dans le panarabisme. Mais elle a été hors course pendant un long
temps, à cause de la paix avec Israël et de l’éviction de la Ligue arabe qu’elle ne réintègre qu’en 1989.
Puis elle s’est focalisée sur ses problèmes intérieurs et son développement. Va-t-elle revenir
maintenant ?

La révolution de 2011 aboutit finalement à un aller-retour. Les relations avec Israël, refroidies sous
Morsi, se sont réchauffées, même si Morsi avait été très prudent (il avait refusé de couper le gazoduc
vers Israël).

Sissi semble disposé à redonner au pays son lustre. Le doublement du canal de Suez a été réalisé
rapidement et devrait permettre d’atteindre 12 MM. de redevances contre moins de 5 aujourd’hui –
en 2023. Par ailleurs on a découvert un gisement de gaz considérable en Méditerranée (en août 2015,
par l’ENI), celui de Zohr.

Le pays est intervenu en Libye contre les islamistes.

Le conflit Arabie-Egypte
En 1953 Saoud Bin Abdelaziz succède à son père mais se heurte à son frère Fayçal. Quatre princes se réfugient au
Caire et rallient Nasser son Ben Talal, ancien ministre des Finances. Fayçal chasse le roi Saoud en 1964 grâce au
soutien du Réformateur et devient roi. Saoud se réfugie lui aussi en Egypte ; des bombes éclatent en Arabie, les
services égyptiens s’agitent. Mais la guerre des Six Jours atteint Nasser. Un sommet à Khartoum conduit au
retrait des troupes égyptiennes du Yémen.

La Turquie, l’Iran et Israël, centres excentrés non arabes.

3/ La Turquie regarde de plus en plus vers d’autres horizons.

Une politique « néo-ottomane » et orientée vers l’orient, mais aussi vers l’ouest.

La stratégie est résumée par Ahmed Davutoglu, ministre des AE puis Premier ministre, dans La
Profondeur stratégique. Pour lui, grâce à la victoire de l’AKP, le peuple turc renoue avec ses valeurs et
sa culture. C’est le néo-ottomanisme.

Il décrit la Turquie au centre de trois cercles : 1/Balkans, mer Noire et Caucase ; 2/ Proche Orient et
Méditerranée orientale 3/ golfe Persique, Afrique et Asie Centrale. Il prône le refus de toute friction
avec les voisins.

Par ailleurs l’expérience AKP bénéficie d’une certaine bienveillance des USA, favorables à l’émergence
d’un islam modéré et sensibles à ses choix libéraux.

- Elle réclame son adhésion à l’Union européenne. Mais refus très résolu, et même surprenant
dans sa fermeté, de reconnaître Chypre ! Veut-elle vraiment l’adhésion ? Les négociations ont du
moins permis d’affaiblir l’armée.

- Elle s’ouvre à l’Asie centrale (panturquisme). Première réunion des chefs d’Etat des pays
turcophones à Ankara (1994).

- Elle est de plus en plus présente dans le MENA, à l’occasion des révolutions arabes : premier
partenaire économique de l’Iraq, modèle pour les révolutions arabes (Morsi s’en réclame). Mais le
vent a tourné. Elle entretient dans un premier temps de bonnes relations avec la Syrie.
Elle cherche même à normaliser ses relations avec la province autonome du Kurdistan, mais veille en
même temps sur Kirkouk (Turcmènes). La crise syrienne a largement remis en cause ces tentatives.
Nottament l’offensive à la frontière syrienne de début 2018.

- Elle s’intéresse aussi aux Balkans. « Déclaration d’Istanbul » avec la Bosnie et la Serbie dans
laquelle chacun s’engage à aider les autres pour l’entrée dans l’UE (2010). La Turquie crée des
Universités à Sarajevo, restaure les mosquées et offre des voyages aux étudiants. Cela inquiète les
Serbes de Bosnie qui craignent d’être isolés et se tournent vers Israël. Maintenant elle investit
considérablement au Kosovo, avec entre autres l’autoroute entre Pristina et Tirana, l’aéroport
international de Pristina…

- Elle s’est efforcée aussi de tisser des relations plus fortes avec la Russie qui est son premier
partenaire commercial depuis 2008, dont les touristes partent majoritairement chez elle et qui peut
l’aider à renforcer son rôle de carrefour dans le domaine des hydrocarbures. Elle n’a pas vraiment
soutenu la Géorgie en 2008, elle a accepté en 2009 le passage de South Stream qui est un rival de
Nabucco.

Les gazoducs passant par la Turquie : Bakou-Tbilissi-Erzerum ; Blue Stream ; projets South Stream, Blue Stream II et
Nabucco.
Les tubes sont BTC (de Bakou à Ceyhan, pétrole, sur la côte sud, en évitant l’Arménie), de Samsun - côte nord - à
Ceyhan (pour le pétrole passant par la mer Noire), et Kirkuk-Ceyhan. Il est urgent de réduire le trafic dans le
Bosphore, donc de développer les tubes alternatifs, comme Samsun-Ceyhan (Transanatolien) alimenté par du
pétrole russe.

- Mais une certaine radicalisation. Elle prend ses distances à l’égard des USA : refus de la guerre
contre l’Irak voté par le Parlement (mars 2003), critiques contre l’ambassadeur des USA amené à
démissionner (2005)… En 2010 le comité des AE du Congrès propose de condamner le « génocide
arménien », ce qui provoque la fureur de la Turquie, mais cela n’a pas lieu finalement.

Surtout elle s’éloigne d’Israël. Israël était utile autrefois contre la Syrie qui soutenait le PKK et l’ASALA.
La Turquie a critiqué vertement « Plomb durci » (Erdogan à Davos), accueilli en Turquie Ahmanidejad
et le psdt du Soudan, refusé de voir l’aviation israélienne participer à des manœuvres communes
(habituelles avant), tout cela en 2009. En 2010, l’arraisonnement du convoi humanitaire à destination
de Gaza par Israël aggrave les tensions. Ankara annule les accords militaires entre les deux pays,
expulse l’ambassadeur d’Israël.

Les USA ont tendance à rendre l’Europe responsable de cette évolution : ce serait à cause de la
déception provoquée par le refus de l’entrée dans l’UE.

Après des premières tensions dans la crise syrienne, et même un incident militaire (nov 2015)., la
Turquie se rapproche de la Russie, qui en retour accepte la fermeté turque face aux Kurdes. Iran,
Turquie et Russie patronnent ensemble des négociations de paix en 2018. Tensions avec les EUA
autour de la protection des Kurdes fin 2018.

Puis les choses s’aggravent La situation économique se dégrade. Sur le plan extérieur, alors que
Davutoglu prônait le « zéro problème avec tous ses voisins », il se brouille avec presque tous.

Le point de départ est sans doute une erreur d’appréciation : la certitude qu’Assad va tomber.

D’où un engrenage.
- Une attitude ambiguë envers l’Etat islamique.

- Un heurt finalement avec l’EI, d’où des attentats comme Suruk (juillet 2015). La Turquie
annonce alors qu’elle bombardera l’EI et autorise les US à le faire à partir de la base Incirlik

- Une gêne face aux Kurdes de l’YPG qui sont proches du PKK (à l’inverse du Kurdistan
autonome). Elle ne les soutient pas à Kobane. Début 2018 elle entame une offensive limitée sur Arfin
tenue par les kurdes.

Un rôle de pivot entre Occident et Orient à tous points de vue, géographique, idéologique,
géopolitique. Mais avec quelle intention ?

Et les problèmes internes. Le heurt avec la confrérie Gullen.

4/ L’Iran

Une double identité, perse et chiite.

Longtemps proche des Occidentaux et d’Israël. Même encore après, car les deux pays ont comme
ennemi commun l’Irak. Cela change après la chute de Saddam Hussein, car Israël se met alors à
attaquer le programme nucléaire iranien.

C’est grâce à des renseignements israéliens que les Iraniens ont conduit en 1981 une attaque destructrice
contre l’aérodrome H-3, près de la frontière jordanienne, où étaient entreposés de nombreux Mirage F-1 livrés
par la société Dassault à l’Irak !

Pourtant un long isolement. La guerre contre l’Iraq, dans lequel l’agressé (l’Iran) a été condamné par
la communauté internationale et isolé. Une tentative d’ouverture avec Khatami (président de 97 à 05)
qui échoue.

Un pays qui se sent donc menacé et injustement traité. Il fait un excellent bouc émissaire, permettant
aux Occidentaux de faire oublier la Palestine et d’avoir le soutien des pétromonarchies.

Il a construit une centrale nucléaire civile à Bushehr (sud) avec l’aide de la Russie ; mise en service en
2009. La Russie s’est engagée à fournir le combustible et à le récupérer après usage et la centrale sera
sous contrôle de l’AIE. En février 2010, Ahmadinejad annonce que l’Iran va commencer à enrichir de
l’uranium (à 20 % - ce qui est justifié par les besoins des soins anticancéreux). Or pour les centrales un
enrichissement à 3 % suffit, et 120 kg pour le médical c’est beaucoup… On le soupçonne donc de se
préparer à l’enrichir à 85 %, ce qui est nécessaire pour un programme militaire.

Il dispose pour cela de deux usines d’enrichissement à Natanz et à Qom et de la centrale à eau lourde
d’Arak. Mais la plus grande incertitude règne sur les délais qu’il lui faudrait pour fabriquer une bombe.

Mais selon un rapport des agences de renseignement US (décembre 2007), il l’aurait gelé depuis 2003 ; la publication
de ce rapport par les USA a surpris. On ne sait donc pas combien de temps il faudrait à l’Iran pour fabriquer ces
armes5. Selon le rapport de l’AIEA de novembre 2011, le programme continuerait cependant de façon plus discrète.
Les USA se méfient du président de l’AIEA, ElBadarei, un égyptien.

Il développe aussi ses missiles à moyenne et longue portée : les Shahab 3 peuvent frapper Israël,
comme les Sejil 2. Ce programme est aidé par la Corée du Nord et les pièces détachées passeraient
par la Chine. En février 2009, il lance un satellite avec l’un de ces missiles6. En janvier 16 il dévoile une
usine jusqu’alors secrète de fabrication de fusées.

Il devrait aussi recevoir des missiles sol-air S-300 de Moscou, mais la livraison intervient seulement
maintenant.

Les missiles à plus courte portée sont massés en face des émirats et peuvent les détruire. Une flottille
de vedettes capables de couper la route des pétroliers. Et la capacité de nuisance en Irak, au Liban, à
Gaza, en Erythrée (où sont présents des militaires iraniens), en Palestine, au Yémen… Populations
chiites au Barhein (où sont basés des soldats saoudiens et pakistanais pour maintenir l’ordre), au
Koweït, en Arabie.

Quel moyen de pression ?

- Des sanctions économiques.

Elles ont été renforcées et ont eu une certaine efficacité. L’économie iranienne est en difficulté. e PIB
diminue en 2012 et 2013, le rial s’effondre, l’inflation atteint 25 % - car il a fallu compenser le recul
des recettes pétrolières en émettant de la monnaie. Le pays est de plus en plus obligé de payer cash,
ce qui ralentit ses importations. Et les exportations de pétrole se sont effondrées, au point que le pays
n’est plus en 2015 que 16ème exportateur mondial (elles ont baissé de moitié depuis 2011). L’accord
sur le nucléaire de Vienne 2015 [L’accord se fait le 14 juillet 2015. L’Iran renonce à l’arme atomique (il
avait déjà pris cet engagement, en paroles), il diminue ses centrifugeuses (à 5 000), il renonce à
enrichir à plus de 5 % et le fera sur un seul site, le stock d’uranium enrichi est plafonné (300 kilos),
l’AIEA pourra mener des inspections inopinées même sur les sites nucléaires. En échange il peut
exporter du pétrole et des produits chimiques, les nouvelles sanctions sont retardées], suivi de la
levée de l’embargo a signalé l’intérêt économique de l’Iran à la négociation. Menace de non validation
de l’accord (encore un suspens) par Trump : réactivation de l’arme économique.

Une intervention militaire ? Cf. Israël contre l’Irak en 1981 (Osirak)7. Création en Israël d’un
Commandement pour la profondeur stratégique dédié à une telle opération (déc. 2011). « L’idée la
plus stupide que j’ai jamais entendue » (Dagan, ex dirigeant du Mossad). Cela devient très difficile
depuis que la Russie a décidé de livrer à Téhéran les missiles SS 300. Les USA auraient arrêté à trois
reprises une intervention israélienne (selon Ehud Barack, de 2010 à 2012).

- Ralentir le programme ? Virus Stuxnet (en 2010, unité 8200 de l’armée israélienne, 30 000
ordinateurs infectés, la centrale de Bushehr et l’usine d’enrichissement de Natanz étaient visées
entre autres), mais aussi virus Flame (infectant les ordinateurs des dirigeants iraniens), assassinats
de responsables du programme nucléaire.

- L’encouragement à l’opposition ? Cf. les émeutes de 2009. Mais cela échoue.

5
En 1992 déjà Netanyahu annonçait que l’Iran aurait l’arme atomique avant 3 ou 5 ans.
6
En fait, il s’agit d’un missile civil Safir 2, très proche du Sahab 3.
7
Cheney poussait à une telle attaque, mais Buh s’y est opposé en 2006.
- Jouer la division ethnique ? Les Persans sont 50 % de la population ; les Azéris font 20 %, les
Kurdes 8 % plus les Turkmènes, les Arabes, les Baloutches (attentats récents)… De plus Kurdes et
Baloutches sont sunnites. Des groupes terroristes encouragés par les USA et Israël comme le
Jundallah (Baloutches, leaders formés au Pakistan et proches des talibans) ou les Moudjahidines.

- Laisser faire ? Article de Kenneth Waltz (« Why Iran should get the bomb », 2012) dans Foreign
Affairs qui y est favorable, car cela stabiliserait la région. C’est au contraire le monopole israélien
qui est facteur de troubles. L’Iran veut la bombe pour les mêmes raisons qu’Israël – il est entouré
de pays hostiles.

D’autant plus que l’Iran pourrait se tourner vers l’Occident en cas d’évolution du régime.

- Espérer un changement de l’Iran à cause des différentes pressions exercées. En 2013 est élu
président Hassan Rohani, qui a été le négociateur en chef sur le dossier nucléaire de 2003 à 2005.
Il passe pour modéré, a été élu grâce au soutien de Khatami, libère des prisonniers politiques,
prône la création de partis politiques – ce qui pourrait réduire le pouvoir des religieux. Il a pris
directement en main le dossier du nucléaire.

Donald Trump prend le risque de la relance de l’affrontement en contestant l’accord signé sous
Obama et en imposant un retrait forcé aux entreprises européennes. Espère provoquer une crise de
changement de régime.

L’évolution de l’Iran dépend en réalité de Khamenei.

Khamenei a 79 ans, une succession compliquée s’annonce. Assemblée des experts chargée de
l’élection ne s’est pas réunie depuis 89 et ne s’est pas renouvelée. 2015 Rafsanjani évoque possibilité
de l’élection d’un conseil collégial plutôt que d’un seul guide ;

Un « arc chiite » ?

- Domination des chiites en Iraq. Un rigorisme croissant (interdiction des ventes d’alcool à
Bagdad…). Influence de l’armée du Mahdi (de Al Sadr) et de la brigade Badr (dans le Sud),
encadrée par les gardiens de la Révolution. Mais des contentieux lourds concernant le
Chott-el-arab. Le nationalisme irakien peut se renforcer dans un affrontement avec l’Iran.

Les échanges commerciaux se développent rapidement entre les deux pays.

- Le Hezbollah.

- Les Alaouites en Syrie.

- Les Houtistes au Yémen.

- Non chiite, le Hamas.

Projet de gazoduc de l’Iran à la Méditerranée en passant par les pays alliés.

Mais l’Iran se veut en général un porte-parole de l’islam.


Cf. le soutien au Hamas sunnite

Cf. le soutien ancien aux musulmans bosniaques. Leur chef, Alija Isetbegovic, était proche de Téhéran,
les Bosniaques étant peu sensibles aux coupures du PO. L’Iran leur a fourni des armes, des hommes et
a formé des combattants aux méthodes terroristes. Ensuite la présence se fait plus « soft », mais l’Iran
encourage le développement d’une petite communauté chiite8.

5/ Israël constitue un cas particulier.

C’est le seul véritable pays développé de la zone. Un pays ouvert, ayant des accords de libre
échange avec tous. Son premier partenaire est les USA.

Une puissance militaire, qui s’est dotée d’une véritable industrie militaire et est devenue le
cinquième exportateur mondial, le premier pour les drones.

- Une alliance exceptionnelle avec les USA. Cela vient de Ben Gourion qui est
persuadé qu’Israël ne pourra pas survivre sans soutien et qui ne croit pas à celui
de l’URSS – même si beaucoup de juifs pensent plutôt à elle. Pourtant les USA
hésitent au départ et c’est Truman qui impose en 1948 la reconnaissance d’Israël
à laquelle sont hostiles George Marshall ou George Kennan. Le 14 février il
explique aux diplomates : « Je suis désolé, mais je dois répondre à l’attente de
centaines de milliers de gens qui veulent le succès du sionisme ; je n’ai pas des
centaines d’Arabes parmi mes électeurs ». L’aide est longtemps modeste et
suspendue en 1956. On ne demande pas non plus à Israël d’entrer dans le pacte
de Bagdad. Le vrai soutien d’Israël alors est la France.

L’alliance se renforce peu à peu. La chute de l’Iraq fait perdre un allié important aux USA,
l’URSS appuie de plus en plus les pays arabes. C’est Kennedy qui opère le tournant en
acceptant de vendre des missiles antiaériens (1963) puis des chars. Puis les victoires
d’Israël le crédibilisent, la victoire de Khomeiny prive les USA d’un autre allié de poids, la
montée des chrétiens fondamentalistes va dans le même sens. Israël devient le premier
bénéficiaire de l’aide US à partir de 1976, devant l’Egypte et la Jordanie récompensées
d’avoir signé la paix. Israël était un allié important et fiable face au communisme, face à
l’islamisme maintenant.

Il faut tenir compte aussi des liens économiques, en particulier dans la haute technologie.
Intel s’y installe dès 1974. Troisième pays au Nasdaq (après USA et Chine), une des
destinations importantes du capital risque US.

Mais cette alliance a-t-elle le même intérêt pour les USA aujourd’hui ?

- Elle brouille les relations avec les producteurs de pétrole. Cf. Moshe Dayan dans
ses Mémoires : « Il aurait mieux valu pour les USA qu’ils soutiennent les Arabes ».

- Un « allié encombrant » (Bernard Lewis) à cause de son durcissement. - Une


communauté juive moins mobilisée qu’on le croit. L’AIPAC. Mais 40 % des juifs
américains déclarent ne pas se sentir concernés par Israël. Ils votent d’ailleurs
Obama lors des présidentielles, alors qu’Israël soutient les républicains plus
proches d’eux. Et il y a maintenant JStreet.

8
Mario Pugliese, « L’Iran nei balcani », Limes sept. 2015
- Rôle à droite du lobby pétrolier (Bush père).

- Des couacs : affaire Pollard qui démontre qu’Israël espionne les USA.

- Obama. Il avait voulu imposer le gel de la colonisation mais a été humilié sur ce
sujet. Il nomme Chuck Hagel à la Défense, mais remplacé par Ashton Carter.

Mais il accepte une loi de juillet 2012 renforçant le soutien US et promettant de


l’augmenter « dès que la situation l’exigera ». Les USA aideront à la construction du «
Dôme de fer » pour protéger le pays d’une attaque de missiles. Il s’efforce d’empêcher la
Palestine de devenir observateur à l’ONU.

Israël hésite :

- La recherche de la paix par des accords. Paix, coopération économique. Mais cela
ne règle pas le problème palestinien.

Sur ce sujet Israël est paralysé pour des raisons internes. Montée d’une droite radicale.
Assassinat de Rabin (1995), massacre d’Hébron en 1994 (29 Palestiniens par Baruch
Goldstein), poids des colons qui sont maintenant 500 000, parfois religieux mais la plupart
laïcs pour des raisons économiques, regroupés dans le Gush Emunim. Une tradition
martiale : tous les premiers ministres sont des anciens militaires, comme Barak ou
Netanyahou ; c’est un puissant facteur de cohésion, mais aussi de manque de souplesse9.

Cela est aggravé par les faiblesses de la démocratie israélienne. Une proportionnelle absolue qui
rend difficile la formation de majorités. Le poids aussi des haredim (« ceux qui tremblent devant
Dieu ») auxquels on a accordé des privilèges lors de la création de l’Etat (en particulier l’exemption
du service militaire, mais la Cour constitutionnelle l’a déclarée illégale en 2012) car ils étaient peu
nombreux et qu’il s’agissait d’une réparation envers les communautés d’Europe orientale
exterminées, mais qui représentent aujourd’hui 10 % de la population.

- La recherche de la paix par la force (ou « paix par la sécurité » de Netanyahou).


Cf.
l’intervention de Sharon (min. de la Défense) au Liban en 1981. Les rivaux arabes ont été
vaincus, mais cela ne règle pas le problème palestinien relancé par les Intifada.

En fait Israël est satisfait du statu quo et ne cherche pas à le modifier. Cf. cette formule
d’un dirigeant israélien : « Pourquoi devrais-je me suicider aujourd’hui pour avoir à éviter
de le faire demain ? » Une économie prospère, des succès dans la haute technologie, une
domination d’une droite à la fois libérale et religieuse…

D’où une politique de fermeté extrême, avec Plomb durci à Gaza (2008-2009, entre 1000 et
1400 morts, dont beaucoup de civils), puis l’arraisonnement des navires de ravitaillement
de Gaza, puis Bordure protectrice (été 2014).

Parallèlement Israël s’entourent de murs, avec l’Egypte, le long de la Palestine et bientôt


sur le Golan. Sans oublier le Dôme de fer.

9
Voir Ami Perhazur, The Thiomph of Israel’s Radical Rigth, Oxford University Press 2012
- Aujourd’hui la menace iranienne. Est-ce un moyen de conforter le soutien américain ?
L’Iran est un adversaire commode – cela permet de faire oublier le problème palestinien.
Mais finalement les USA choisissent l’accord.

Cela rejoint la crainte du Hamas et du Hezbollah, ce qui explique aussi l’hostilité envers
Assad. 2018 Israel frappe des cibles iraniennes en Syrie après le survol du Golan par un
drone. Perte d’un F16 dans la conduite des opérations.

- Un rapprochement avec les pays qui visent aussi le statu quo, comme l’Arabie, et qui sont
anti-iranien.

- La logique de tout cela est-elle de balkaniser toute la région ?

Les guerres opposant l’État d’Israël, soutenu par le monde anglo-saxon, au monde musulman
conduisent à l’élaboration de nouveaux concepts comme celui du « choc des civilisations »
élaboré par l’islamologue Bernard Lewis dans son ouvrage « Islam » paru en 1957. Travaillant en
liaison avec le géopolitologue Zbigniew Brzeziński, il élabore une théorie poussant à la
balkanisation du monde musulman (« l’arc de crise »), projet présenté par la revue Time le 15
janvier 1979.

Selon Eric Denécé, Israël est confronté à un nombre maximum de défis (Géoéconomie). -
Les Palestiniens dont certains réclament toujours sa destruction.

- Le Hezbollah.

- Les nouveaux djihadistes.

- Le nucléaire iranien.

- Les attaques cybernétiques dont il est l’une des cibles principales. Le premier de grande
ampleur a eu lieu en novembre 2012 de la part d’Anonymous lors de l’offensive à Gaza.
Israël réagit avec l’Unité 8 200 (offensive) et la Division des technologies de l’information
(défensive).

- Les Arabes d’Israël et le problème démographique. L’immigration russe a permis de le


régler pour l’instant. Mais demain.

L’Alya a été essentiel (loi du retour de 1950). Il a absorbé jusqu’à la moitié du budget, mais
a permis aux juifs d’être majoritaires chez eux. Mais les sépharades ont vécu une vie
difficile, dans des camps de transit où les familles se décomposent, où l’alcool et la drogue
se répandent (cf. l’œuvre d’Ephraïm Kishon) ; ils sont très défavorisés par rapport aux
ashkénazes, premiers arrivés. C’est par la politique qu’ils s’émanciperont, avec la victoire
du Likoud en 1977 : « Israël, le seul pays au monde où la droite est de gauche » (Kishon) :
car Begin prend toute une série de mesures sociales.

Mais l’Alya baisse. Le rythme était de de 100 000 par an à la fin des années 1980 (venant
beaucoup d’URSS), de moins de 20 000/an maintenant. Tentatives de relance jouant sur les
craintes sécuritaires en Europe.

- Les ruptures au sein de la société. En particulier le problème des ultra-orthodoxes qui sont
exemptés de service militaire – avec les Arabes, ce sont la moitié des jeunes de 18 ans qui
sont exemptés ! Mais une loi de 2013 les y soumettra en 2017. De l’autre côté les critiques
contre la politique menée venant de militaires.
Sur son site Tsava Haganah L’Yisrael (Tsahal, l’armée israélienne) a posté un texte intitulé Les 5 Principales
menaces auxquelles Israël doit faire face.
- La frontière égyptienne : calme illusoire au Sud. Les islamistes se sont ralliés à l’EI, ils ont démontré leurs
capacités en détruisant l’avion russe.
- La Bande de Gaza. Le Hamas reconstruit ses structures détruites lors de « Bordure protectrice ».
- Judée-Samarie. L’agitation a repris. « L’Intifada au couteau ».
- La frontière syrienne. Menaces et du régime, et des rebelles. - La frontière Libanaise : la menace du Hezbollah.

L’intransigeance d’Israël risque de l’isoler, comme cela s’est produit à propos de l’admission
de la Palestine à l’UNESCO en 2011, puis à l’ONU (comme observateur) en 2012. Neuf états
seulement votent contre - Canada, Etats-Unis, République Tchèque, Israël, Iles Marshall,
Micronésie, Nauru, Palau, Panama. L’Europe se partage entre abstention (Allemagne, RU)
et vote pour (France, Europe du Sud).

Le plus grave pourrait être une délégitimation d’Israël.

Cf. Finkielkraut : « Israël cristallise aujourd’hui la haine même à laquelle sa création devait
mettre fin » (Causeur, février 2012).
Cf. même Carter publiant un ouvrage intitulé La paix pas l’apartheid (2007).

Cf. l’ouvrage de John J. Mearsheimer (Univ. Chicago) et Stephen M. Walt (Harvard) que « Le
lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine », qui a fait scandale et qui insiste
sur l’idée que le soutien à Israël ne correspond pas aux intérêts américains et ne s’explique
que par l’influence de ce lobby. [The Israel Lobby and US Foreign Policy, 2007]

Le fait est que Netanyahu a gagné. Le Likoud a le quart des sièges et des voix, il progresse.
Mais l’extrême-droite régresse, il dépend donc du centre. Il est surtout depuis 2018 le
premier ministre a voir connu la plus longue longévité dans l’histoire israélienne.

6/ Le reste est composé de périphéries.

- Intégrées.

- Oubliées (Yémen, Soudan).

- Lointaines (Maghreb).

Le Maroc qui veut accroître son influence en Afrique. En 2000, il annule la dette des PMA
d’Afrique et ouvre ses frontières à leurs produits. Ses entreprises investissent sans le
continent : Attijawarafa Bank (Sénégal). Chantiers (Sénégal, Guinée). Être un trait d’union
entre l’Europe et l’Afrique.

Conclusion.
En fait, le Proche Orient doit son unité à son statut de « marge » ; en marge des continents européens
et asiatiques auquel on le rattache, en marge des grands blocs géopolitiques qui se constituent
après-guerre, bloc soviétique ou Communauté européenne, en marge du développement. Mais c’est
une marge stratégique ce qui explique qu’il soit un enjeu, et donc en partie ses divisions.

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