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M1
2018-19
ARIEL PLANEIX
JEANNE BARBIER-SORBA
Aujourd’hui, dans le monde du développement, on ne compte plus les projets mal faits, ratés, pas finis,
abandonnés, etc. A cause de la corruption ou à cause de régimes politiques qui ne favorisent pas le
développement mais aussi souvent parce qu’ils ont été mal pensés. Nous, étudiants du développement,
sommes désormais officiellement engagés dans un sacerdoce : le monde est violent et le
développement est coûteux. Notre propos sera d’avoir un jugement analytique : la question est de
savoir quelle est la cohérence des actions menées.
Le terme développement ramène à certains mots clefs : changement, solidarité, croissance, Nord-Sud,
inégalités, projet, indépendance. Celui inévitablement annexe au développement est le terme
« industrialisation ». La politique ou l’ère du développement, inaugurée par le discours Truman, date de
1948. Des dynamiques différentes voire contradictoires constituent le développement : développement
durable, soutenable, humain, social, économique et social, endogène, intégré.
Le mot développement en lui-même ne signifie effectivement rien. Le linguiste Emile BENVENISTE tire
la théorie qu’un mot tient en lui-même l’ensemble des sens qu’il est susceptible de prendre en fonction
des époques et des concepts. Le terme développement implique un millier de sens, dont un qu’il
prendra peut-être dans des années mais il porte déjà en lui les germe de ce sens futur. Par exemple, on
parle du développement de l’enfant, d’une photo : le développement n’est que le développement de
quelque chose par quelqu’un. Il n’existe donc pas en soi mais est une notion corrélative.
Théories libérales, communistes, etc. sont tant de théories qui se sont saisi de l’interprétation du
développement. Et particulièrement qui se sont attachées à expliquer pourquoi l’Europe et l’Amérique
du Nord se seraient développés contrairement au reste du monde qui est sous-développé.
Pour répondre à cela il nous faut comprendre pourquoi le développement est dénoncé, pour quelles
raisons historiques il a émergé, quelles sont les distinctions qu’ils présente, ses résultats :
o L’arriération culturelle : la première explication historique donnée entre une Europe développée
et le reste du monde dit sous-développé a été basée sur la race. L’arriération culturelle a
longtemps été au cœur du développement. Ce discours existe encore et sa pensée encore plus :
elle n’est pas résiduelle mais bien structurelle et sus-jacente à beaucoup de décisions prises.
Parce que le développement est un terme plastique, un terme valise, : on lui fait dire ce qu’on veut. Il
n’existe que pour désigner, de manière imprécise, ce qu’est une société en bonne santé. Il répond au
besoin d’expliquer et de trouver un sens à l’évolution et au sens des sociétés. Sous ce sens, l’histoire du
développement serait l’équivalent de l’histoire de l’humanité. On a l’habitude de dire que le
développement a trois histoires :
1. L’histoire des rapports Nord-Sud : histoire des contacts humains depuis la préhistoire
L’histoire du développement est à voir selon ces trois approches : à partir des années 1950, d’ailleurs
seront reformulées des questions déjà abordées au XVIe siècle.
DEVELOPPEMENT : DEFINITION
Petit Robert : le développement est la croissance, l’épanouissement, l’essor, l’expansion. (1) Un pays ou
une région en développement est un pays ou une région dont le niveau économique n’a pas atteint le
niveau de l’Amérique du Nord, de l’Europe. (2) « Euphémisme créé pour remplacer sous-développé. »
Le sous-développement est un état ; en développement implique une dynamique.
Julius NYERERE, homme politique tanzanien : le développement est un processus qui permet aux êtres
humains de développer leur personnalité, de prendre confiance en eux, de mener une expérience
épanouie, qui fait reculer l’oppression économique, politique et sociale. Il se présente comme un
processus de croissance, un mouvement qui prend son dans la société qui est elle-même en train
d’évoluer. Libère de la peur, de l’exploitation, de l’oppression économique et sociale, du besoin. Permet
l’indépendance. Se présente comme un processus de croissance.
A propos de ces objectifs : malgré leur ambition, le sort du monde n’a pas profondément changé depuis
50 ans, on observe même des régressions. La communauté internationale dispose pourtant de fonds
massifs. Quels sont alors les freins ? Manque de coordination ? Manque de recul ? Manque de volonté
politique ? La domination européenne occidentale est-elle la cause du sous-développement du reste du
monde ? La solution est-elle de refuser à cette hégémonie ?
Qui parle et pense au développement ?
o Historiens : Fernand Braudel
o Sociologues
o Anthropologues : George BALLANDIER
o Economistes
Les sociologues et anthropologue ont relativement délaissé le développement qui est pensé sous le
prisme de l’économie. N’y a-t-il donc pas un biais idéologique ou méthodologique dans l’approche des
problèmes sociaux ? Il y a un biais économiciste dans le développement. Amartya SEN, philosophe et
économiste, est la première à parler de développement humain.
Anthropologie économiste marxiste : la croissance est une religion de l’économie néo-libérale qui
n’envisage pas les enjeux sociaux et les empêche de voir le jour. Le développement est le théâtre de la
rencontre entre grosses entreprises et milieu local.
Alfred SAUVY, démographe : il invente le mot tiers-monde en 1952. Le terme fait référence au tiers-état
qui n’est rien (paysans, ouvriers, travailleurs pauvres, etc.) et qui veut aussi être quelque chose. On se
rendra compte que ce terme est faussement homogène. De nombreuses distinctions sont alors créées :
(1) les pays arriérés, (2) les pays économiquement arriérés, (3) les pays retardés, (4) les pays sous-
développés, (5) les pays en développement, (6) les pays en voie de développement, (7) le quart-monde ;
(8) les PMA, (9) les PPTE (pays pauvres très endettés), (10) les pays émergents, (11) les BRICS, (12) les
Dragons (Asie du Sud), (13) les Nords et les Suds. Cette succession sémantique a en commun une
distinction principale : l’inégalités d’accession aux biens et aux services.
HISTOIRE
On date le début de l’histoire à -3000 au moment de l’écriture puisque c’est à cette date que l’on
commence à dater les évènements. Les découpages historiques relèvent d’une certaine conception
limitée et orientée de la réalité. L’histoire désigne l’ensemble des façons d’écrire l’histoire.
L’historiographie désigne la méthode d’écriture de l’histoire. L’histoire opère comme une croyance par
une structure complètement aléatoire. Cette structure est légitimée par des biais idéologiques
complètement aléatoires. Une réelle prudence méthodologique est nécessaire. Comme le
développement, l’histoire connaît des biais méthodologiques.
L’histoire est écrite par les vainqueurs.
o Nicolas SARKOZY se lamentait que l’Afrique ne soit pas rentrée assez dans l’histoire.
o Yves LACOSTE : la géographie ça sert à faire la guerre, et l’histoire à célébrer les gagnants.
Biais idéologiques en histoire : historicisme et présentisme
o Conception téléologique : le développement en lui-même est une notion téléologique : autrement dit, cette
notion comprend en elle-même sa propre finalité. La fin supposée du développement vient quand le
développement a atteint son but. [Ndlr : le marxisme en lui-même est une notion téléologique : population
primitive et l’humanité se développe progressivement, de plus en plus, pour aller vers une société sans classe, le
bonheur pour tous.] A une époque, le destin, la fatalité et la volonté de Dieu façonnait l’histoire. En adhérant à
cette idéologie, si l’histoire est téléologique, pourquoi intervenir contre celui qui serait responsable et décideur
de toute chose ?
o L’historicisme est la version téléologique de l’histoire, la vision qui croit que l’histoire pourrait avoir une définition
fermée. Il peut être historicisme développementaliste, social, libéral, etc.
o Le présentisme : considérer l’ensemble de l’histoire humaine à partir de notre époque et de nos modes de pensée.
L’islam correspondait avant au monde de l’exotisme, de l’érotisme, et les musulmans étaient désignés comme
des superstitieux ; aujourd’hui le discours prédominant a changé. Le communisme correspondait avant à la seule
solution pour une sortie vers le haut des difficultés humaines, des milliers d’hommes se sont sacrifiés dans l’espoir
de sortir de l’enfer terrestre grâce à cette idéologie ; aujourd’hui le discours prédominant a changé.
Conclusion : l’histoire et donc l’histoire du développement aussi est truffée de biais idéologiques
inévitables. Elle est aussi multiple dans ses représentations et approches. Il faut donc avoir conscience
de ces éléments pour prendre du recul sur l’histoire qu’on nous enseigne.
27.09.2018
Les migrations de l’humanité sur la planète définissent des parcours incessants : on explique plus ou
moins la mixité de physionomies, c’est-à-dire la présence de personnes à la peau mate et de personnes
blondes aux yeux bleus en Afrique du Nord par les migrations de la dernière glaciation.
Frederick COOPER : l’idée de mondialisation donne l’impression fausse qu’on s’est découvert
récemment. Cette mondialisation soi-disant récente alors qu’elle a toujours est un récit européen.
o IIe millénaire av JC : les premières relations commerciales ont lieu entre Phénicie, Egypte, côte méridionale de
l’Anatolie et Chypre. Des matières premières étaient échangées contre des objets manufacturés. Ces matières
premières étaient transformées par les artisans phéniciens puis les objets manufacturés étaient ensuite
réexportés (ustensiles en bois de cèdre plaqués d’ivoire, coupes en bronze et en argent, etc.). La Phénicie
correspond aujourd’hui à peu près au Liban.
o Ier millénaire avant JC : la grande expansion vers la Méditerranée occidentale, période du grand essor du
commerce phénicien. Ils installent des comptoirs sur les îles de Crète, d’Eubée, du Dodécanèse, en mer Egée,
à Malte, en Sicile Sardaigne, sur les Baléares, etc.
Ve siècle avant JC : Alexandre le Grand décide d’établir un empire sur la moitié du monde et il y établit des
systèmes de routes commerciales. Les denrées voyagent et avec elles des échanges diplomatiques, culturels, des
symboles, gestes, coutumes, pratiques, etc.
166 : la présence d’une délégation romaine a été attestée en Chine à cette date
Les juifs en Arménie
o Ier siècle av JC – première vague d’immigration juive en Arménie : le roi d’Arménie Tigrane II le Grand assiégea
Cléopâtre à Ptolémaïde afin de venger son père Artavazd er mais il dut abandonner le siège lorsque Lucullus
attaqua l’Arménie. Le roi Tigrane II revint alors et établit les juifs qui avaient été capturés dans les villes
grecques à Armavir et sur les rives du Kazakh.
o Ier av JC – seconde vague : Antigonos et Jean Hyrcan Ier étaient tous deux prétendants au trône de Judée.
L’Arménie soutint Antigonos qui l’emporta. Le roi Tigrane décréta alors que les Juifs capturés durant cette
campagne seraient établis dans la région arménienne de Shamiram.
Juifs et arméniens : le propre des populations juives mais aussi d’une partie de la population arménienne est
d’être nomade. Leur nomadisme les rend difficilement contrôlables, rattachables à un Etat, une autorité.
Paradoxalement, dans un monde de libre circulation, le nomadisme nous paraît archaïque et inadapté, on
cherche les populations historiquement nomades à se sédentariser et les diplomates se félicitent quand ils y
parviennent, comme si sédentarisation serait modernité.
52 après JC : la christianisation a été facteur de mondialisation, par exemple avec l’importation de la chrétienté
en Inde à cette date. Aujourd’hui existent encore des communautés chrétiennes issues des migrations de cette
période.
Espaces connectés d’Afrique : de nombreux espaces connectés dans le monde sont devenus des régimes
politiques spécialisé dans la production et l’exploitation de ressources particulières. A la connexion existante
entre pays dotés de ressources se sont connectés ceux non dotés. L’Europe est consciente que la survie de ses
sociétés dépend de métaux, sels, textiles qu’elle ne peut produire puisqu’elle est insuffisamment dotée en
ressources. Elle crée donc des routes de commerce en Afrique renforçant la spécialisation de certaines
populations dans le trafic de marchandises.
En bref : la permanence des processus humains fait finalement plus sens que le découpage de l’histoire. Il s’agit de
reconnecter dans leur histoire commune les objets anciens qui flottent dans l’histoire comme s’ils étaient
déconnectés ; les reconnecté à une histoire commune afin de les reconnecter dans un phénomène de
concaténation (entraînement réciproque à la transformation).
Les ressources qui viennent de l’étranger sont intéressantes pour plusieurs raisons : leur rareté
renouvelle le paysage à la fois de l’économie matérielle et de l’économie symbolique.
Tous les espaces qui ne sont pas difficilement habitables sont habités, civilisés, organisé autour de
l’eau, à proximité de ressources naturelles (du bois pour les mines), de canaux, et développe une
économie de luxe pour se distinguer socialement. En effet, l’absence de diversification des denrées
est signe de pauvreté dans un monde où l’on se distingue par la diversité des choses.
L’Empire Ottoman qui couvre la moitié de l’Europe et une grande partie de l’Orient est en conflit avec
les marchands indiens et va provoquer au XVe la chute de Byzance. Pour ces raisons il va commencer à
développer son commerce intérieur de manière quasi auto-suffisante et réduit beaucoup les
importations et exportations hors de son espace politique.
La Chine en fait de même et ferme du même coup la route de la Soie. Cette dernière, par une culture
internationale, a permis des échanges matériels, culturels, religieux et scientifiques entre peuples aussi
divers et mutuellement lointains que les Turcs, Tokhariens, Sogdiens Perses, Byzantins, Chinois. Dan les
régions que la route traverse, les richesses qu’elle génère représente une force d’attraction et ouvre
des horizons pour des tribus qui vivaient jusque-là de façon isolée.
Elle évoque pour certains un processus assimilable à la mondialisation : elle est pour cette raison un
sujet intéressant pour ceux qui veulent observer un phénomène précoce d’intégration politique et
culturelle, causé par le commerce international.
L’unité politique de cette région ne survit pas à la chute de l’Empire mongol au XIIIe : la culture et
l’économie de la région en souffrent. Les seigneurs turcs extorquent à l’Empire byzantin l’extrémité
ouest de la route et posent les fondations du futur Empire ottoman. De même, l’islamisation de la région
rend les Chinois méfiants : la route de la soie sera alors fermée. Par l’augmentation de ses droits de
douane, elle provoque dans l’espace Européen une crise des échanges méditerranéen. Là où le
commerce normal n’est plus fonctionnel, il est remplacé par la piraterie. Une civilisation
méditerranéenne propre se crée avec une langue spéciale (lingua franca) : des chartes et lois
déterminent le cadre des pillages, leur autorisation.
04.10.2018
Conséquences
Guerre commerciale :
o Violence des conquistadors : on ne remporte pas un marché sans force, sans moyens, sans organisation de base.
Toute action de développement implique une dimension pratique : quand on va chercher du poivre quelque part
on entre en négociations avec d’autres acteurs qui sont déjà sur place, alors il faut mettre en pratique des stratégies
pour remplacer le marché. Quand un comptoir commercial s’installe, il développe les moyens d’organisation de sa
propre survie. Les massacres coloniaux ne sont pas systématiques mais ces stratégies sont souvent mêlées à de la
violence. Un climat de guerre s’instaure dans les territoires que l’on veut conquérir. De plus la conquête Américaine
exporte des virus européens qui vont décimer 1/3 de la population locale.
o Violences entre concurrents : il y a climat de guerre dans les territoire pris d’assaut mais aussi entre les pays
européens qui s’engagent de façon concurrente dans cette course aux comptoirs. Les concurrents s’entretuent
puis cherchent à négocier. Des traités diplomatiques sont négociés de manière à ce que la guerre commerciale
affecte le moins possibles les puissances conquérantes.
Le traité de Tordesillas qui est signé sous l’égide de la papauté au XVe siècle et qui vise à partager le Nouveau Monde
entre le Royaume d’Espagne et le Royaume du Portugal.
Coûts armés : des guerres continues s’organisent autour des filières de production. Le coût armé de ces conquêtes et
de la sécurisation des filières est donc très important.
Peuplement secondaire : les conquistadors sont des explorateurs, négociants, marins, etc., parfois-même des
prisonniers. Bref ce sont des gens qui n’ont pas grand’ chose à perdre puisqu’ils connaissent le risque des maladies,
de se faire découper en morceaux par les armées qui vivent sur les territoires à conquérir. Si les pionniers meurent en
masse une population secondaire se constituent progressivement.
De même les besoins en main d’œuvre nécessitent de densifier la population d’îles souvent peu peuplées. L’esclavage
est un moyen de remédier à cela. En 1440, en effet, on assiste aux balbutiements de l’exportation d’esclaves de la
côte ouest africaine vers des espaces de cultures nouvelles. En Bolivie : on a exigé des villages indiens que chacun
donne ¼ des bras mâles disponibles pour le travail à la mine.
Certains auteurs défendent l’idée que le développement soit le dégagement de main d’œuvre nouvelle pour accéder
à de nouveaux marchés.
Diversification et intensification d’activités secondaires : grâce à la constitution d’une force de main d’œuvre
croissante sont créées de nouvelles routes commerciales. Celles-ci permettent un essor des produits en circulation de
types épices jusqu’à l’or en passant par les textiles.
Changement de la physionomie du territoire : l’exploitation minière a en fait mené à l’épuisement systématique des
mines que l’on avait pensé inépuisables. Elle aura changé la physionomie des territoires en déplaçant des
populations, en arrachant des paysans à leur terre pour les faire travailleurs, en modifiant l’activité économique :
chaque mine épuisée justifiait la création d’un comptoir ailleurs dans le monde.
Las Casas considère l’indien comme un homme dans la mesure où, comme les européens, ils aiment ses enfants.
Il dénonce donc la violence gratuite. Il inaugure le discours de la défense des indiens et la réflexion sur les
conditions de l’exploitation en réclamant la fin des travaux forcés et la destitution des administrateurs en place.
Il va s’ériger en procureur et protecteur universel de tous les indiens des Indes et luttera toute sa vie pour leurs
droits.
Il obtiendra du Pape en 1542 les Lois Nouvelles qui sont une bulle de protection. Elles proclament entre autres
la liberté naturelle des indiens, oblige la remise en liberté d’esclaves, la liberté du travail, le droit de résistance
et le droit aux biens. Elle est proclamée en 1542, ne sera jamais appliquée jusqu’à être annulée en 1544.
Potentiels effets pervers : si les Lois Nouvelles n’ont jamais été appliquées, le discours de Las Casas entraîne une
baisse significative de l’exploitation des indiens dans les fermes. Toutefois, on va chercher à remplacer cette
main d’œuvre, et pour cela le trafic d’esclaves noirs d’Afrique de l’Ouest s’intensifie et se généralise. Las Casas
dira regretter de ne pas avoir inclus les esclaves noirs dans son discours humaniste.
o La compagnie britannique des Indes orientales (1600-1875) est la première des compagnies
européennes. L’Angleterre va passer d’un capitalisme marchant à caractère limité à un capitalisme
semi-nationalisé dont les dispositifs complexes sont négociés entre l’Etat et les banques.
o La compagnie néerlandaise des Indes orientales (1602-1799) est connue comme la première
multinationale au monde. Elle emprunte massivement dans des banques, développe une flotte
phénoménale (leurs techniques maritimes leur permettent de gagner la course contre les
Portugais). La compagnie de hollande devient tellement importante qu’elle a sa propre armée, sa
propre cour de justice, etc.
o La Compagnie Française des Indes orientales (1602-1795) est créée par Colbert. Véritable puissance
dans l’océan indien. Fondée pour faire concurrences aux précédentes.
Le mercantilisme, incarné par les multinationales, repose sur un système d’association entre Etat,
négociants et compagnies : l’Etat se trouve investi par le mercantilisme de la responsabilité de développer
la richesse nationale, en adoptant des politiques défensives (protectionnisme) et offensives (favorisant
l’exportation et l’industrialisation). Ainsi, l’Etat prend donc part à autre chose qu’au strict nécessaire : il
soutient le développement de l’économie de luxe qui est secondaire. Le mercantilisme assimilable sous
certains angles au libéralisme se distingue sur l’intervention de l’Etat dans les affaires extérieures.
Contrairement au libéralisme, le mercantilisme veut que l’Etat intervienne pour éviter les exactions,
réguler les coûts.
Ces compagnies sont toutefois sujettes à des faillites régulières. Une faillite affecte les économies, leur
économies matérielles et politiques ; implique un dégagement de moyens imprévus ; suscite des
querelles entre territoires exploités et exploiteurs ; génère un nouveau rapport de forces entre Eglise,
commerçants et Etat. L’interdépendance des secteurs de production est questionnée.
But des enclosures : préserver les terres du braconnage ; rentabiliser les espaces agricoles ; développer un
commerce nouveau ; et affirmer les privilèges royaux et seigneuriaux.
Conséquence sociale : prive les paysans déjà pauvres de droit ; baisse leurs revenus. Le mouvement des enclosures
peut être vu comme un mouvement de désintégration social. Il s’est accompagné de progrès importants des
pratiques agricoles et est considéré par certains comme marquant la naissance du capitalisme ?
Une faillite du système bancaire anglais à la fin du XVIIIe vient affaiblir certaines compagnies industrielles
alors que le système d’enclosure est bien en place. Si l’économie intérieure s’affaisse, si les paysans ne
peuvent plus vivre de leur travail, s’ils ne trouvent plus de terre, s’ils sont restreints dans leurs droits par
l’Etat : ils n’auront d’autre choix que de se tourner vers l’industrie et devenir ouvriers. Ce faisant, les
ouvriers deviennent figure nouvelle de la pauvreté.
Ainsi, il n’était pas pensable de réfléchir à l’industrie ou à un système commercial qui n’engageait pas
l’ensemble de l’économie (et) de la société.
La transition forcée des paysans implique des questionnements sur la liberté, la nature du travail, le
rôle de l’Etat : tant d’éléments qui aboutissent à la pensée libérale du XVIIIe siècle.
Simon Bolivar est hissé en tant que figure du mythe révolutionnaire : influencé par le philosophe des Lumières
Jean-Jacques Rousseau et surnommé le Libertador, il est une figure emblématique de l’émancipation des
colonies espagnoles. Le mouvement politique du bolivarisme se revendiquera de ses idées. Hugo Chavez
président du Venezuela den 1999 à 2013 prône le bolivarisme : le nouveau Bolivar cherche à rassembler les
peuples dominés d’Amérique latine.
Au XVIIIe et XIXe : l’épuisement des premiers gisements miniers et ressources côtières engagent de
nouvelles conquêtes. En effet, la ruine de beaucoup d’exploitants en plus de la conception nouvelle de
la liberté pousse la bourgeoisie à réclamer plus de droits, plus d’autonomie. Elle se pense moins comme
un sujet du roi que comme un citoyen, sinon autonome, à part entière. Les discours se détache de la
religion.
Le régime économique du mercantilisme est celui privilégié à cette époque : l’Etat se pote garant de la
réussite des affaires. Puisque le colonialisme en est la conséquence du mercantilisme :
l’interventionnisme de l’Etat dans la réussite commerciale est remis en question. Cette pensée, initiée
au XVIIIe et poursuivie au XIXe, va être actée grâce à l’exemple notamment de la Révolution française
et la DDHC. Ces révolutions opèrent car elles ont vu qu’on pouvait se soustraire à des dominations et
devenir un sujet autonome.
Libéralisme
La physiocratie est une école de pensée économique, politique et juridique, née en France à la fin des
années 1750. En opposition aux idées mercantilistes, ils considèrent que la richesse d’un pays consiste
en la richesse de tous ses habitants et non pas seulement en celle de l’Etat. Cette richesse doit être
produite par le travail. La doctrine physiocrate est un mélange de libéralisme économique et de
despotisme éclairé.
Adam SMITH (1776) Recherche sur la cause et la richesse des nations s’appuie sur la physiocratie dans
sa réflexion : la main invisible c’est-à-dire le libéralisme va repenser la question de l’Etat. La main invisible
est en fait la logique invisible qui gouverne nos actions et qui permettrait, si on la laisse faire, de
satisfaire les besoins de toutes les sociétés du monde. Sa logique repose sur une conception paradoxale
qui a la forme d’une morale égoïste : l’harmonie des besoins et des biens ne repose pas sur la générosité
mais sur l’intérêt de chacun à préserver ses intérêts individuels. L’intérêt individuel mis en concurrence
profiterait à l’intérêt général.
MONTESQUIEU (XVIII) est un autre précurseur du libéralisme moral. Il défend l’idée que par un système
de loi juste, on garantit la liberté des individus donc la paix sociale donc l’épanouissement global de la
société. Il articule loi et liberté. « Chacun va au bien commun en pensant aller vers son bien particulier. »
Bernard MANDEVILLE (1714) et d’autres vont d’autant plus loin qu’ils estiment que le vice, l’avidité, la
satisfaction des appétits personnels conduit à la recherche de richesse et de puissance ; mais produit
involontairement de la vertu par ruissellement du haut vers le bas de la société.
The Fable of the Bees or Private Vices, Public Benefits : la guerre, le vol, la prostitution, l’alcool et les
drogues, la cupidité, etc. contribuent à l’avantage de la société civile. « Soyez aussi avides, égoïstes,
dépensiers pour votre propre plaisir que vous pourrez l’être, car ainsi vous ferez le mieux que vous
puissiez faire pour la prospérité de votre nation et le bonheur de vos concitoyens. ». Sa fable sera
célébrée comme précurseur du libéralisme économique par Friedrich HAYEK.
Communisme
Pendant que le libéralisme est pensé, l’industrialisation perdure et s’intensifie. Cette façon nouvelle de
produire génère des réflexions sur le calcul des prix, des impôts, de la rémunération du travail, de la
conscience nouvelle de l’urbanité, etc.
Critique du capitalisme : la propriété privée régule l’usage des biens de la société capitaliste. Elle est
un régime d’usage des choses. L’usage, la distribution ou la destruction d’une chose revient à celui
qui en a la propriété.
Pierre-Joseph PROUDON XIXe, Qu’est-ce que la propriété ? : « La propriété, c’est le vol » selon lui.
Selon lui, la propriété ne peut être fondée ni sur l’occupation, ni sur le travail, elle est immorale,
injuste, impossible. [Ndlr : son œuvre posthume réaffirmera une bonne partie de ses études
antérieures mais revisitera complètement sa théorie de la propriété puisqu’il dira que « La propriété,
c’est la liberté ! »]
Critique sociale du libéralisme : la classe ouvrière. La distribution du revenu du travail et du capital
apparait à beaucoup inégalitaire. L’ouvrier n’a pas les moyens de faire évoluer sa condition par le
travail. Or si, comme le dit la théorie libérale, le libre travail et la libre exploitation des ressources
permet l’accès à des libertés et des droits nouveaux, alors une classe entière en est privée. Cette classe
sociale est caractérisée par des revenus insuffisants, des conditions de vie sociale insuffisantes.
Au début du XIXe les journées sont parfois de plus de 14h et les rémunérations vont en décroissant
entre 1760 et 1820, c’est-à-dire au moment où le libéralisme attendait à voir la société élever son
niveau de vie. Finalement toute une frange du tiers état va être précarisé.
Critique sociale du libéralisme : les petits bourgeois. Ceux-ci ne sont pas propriétaires des moyens de
production mais ils en bénéficient quand même.
Karl MARX (XIX) analyse les changements de rapports sociaux depuis le système féodal. Il distingue :
o La petite bourgeoisie : commerçants, artisans, héritiers, intellectuels, artistes. Elle vient bien,
bénéficie plus des richesses du libéralismes qu’elle ne pâtit de ses maux mais elle n’est pas
propriétaire des moyens de production. En tant que tel, Marx montre la liberté exceptionnelle des
petits bourgeois qui ont la capacité de penser leur époque : ni ouvriers, ni bourgeois, ils ont une
distance raisonnable à la fois de ceux qui ont tout et de ceux qui n’ont rien, ce qui leur laisse le
loisir de réfléchir à la société capitaliste.
Critique du capitalisme : conscience des maux de la civilisation industrielle. Cette dernière a accéléré
les transformations économiques et sociales mais est considérée comme génératrice de misère. Elle
se situe selon les communistes dans la lignée de tous les événements historiques qui ont jusqu’ici
toujours été accomplis par des minorité et/ou au profit des minorités. Au XIXe siècle le salariat sert
de moyen de dépossession des travailleurs à l’avantage de la minorité bourgeoise : la condition
d’existence du capital est donc le salariat. Le lumpenprolétariat que sont les « voyous, mendiants,
voleurs, etc. » n’ont pas conscience de leur condition et s’en prenne à leur environnement plutôt
qu’à ceux qui organisent sa misère. Le prolétariat, quant à lui, est conscient de sa condition d’exploité.
Le mouvement prolétarien devient mouvement spontané de la majorité au profit de l’immense
majorité.
Benjamin CONSTANT (1815) : toute autorité qui n’émane pas de la volonté générale est
incontestablement illégitime.
XVIe : la conscience de cette lutte des classes remonterait aux premières mobilisations sociales (confréries
franc-maçonnes XVIe, critiques de la monarchie).
Révolution française : des voix s’élèvent, certaines sont radicales et affirme que les improductifs seraient moins
nuisibles que ceux qui héritent et s’enrichissent par le travail des autres.
Après la Révolution française : certains vont dénoncer les privilégiés qui tirent profit de la Révolution. Les
syndicats étant interdits jusqu’à la fin du XIXe et tout dénonciation étant réprimée, des sociétés secrètes seront
constituées pour donner un visage au communisme. Parmi elles : la Conjuration des égaux, la Ligue de la justice,
la Lige de droits.
1831 Révolte des canuts : le 22 novembre éclate à Lyon la révolte, 1 an après l’accession de Louis-Philippe au
trône. Elle se propage dans tous les quartiers ouvriers. Les canuts sont des artisans qui tissent la soie mais ils
sont victimes du progrès technique (métiers à tisser performants) : ils sont dépossédés d’un savoir-faire et
ravalés au simple rang de force de travail. Cette révolte est un échec quant aux revendications mais elle est
considérée par certains comme ayant permis la création d’embryons des futures organisations ouvrières
notamment syndicalistes.
1847 Manifeste du parti communiste : il propose l’abolition du salariat, considéré comme moyen de
domination de la classe bourgeoise sur la classe laborieuse.
1848 Printemps des peuples : le 22 février 1848 éclate à paris une Révolution qui renverse en quelques jours
la monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe 1er. Par peur de la contagion révolutionnaire, les monarques
concèdent des Constitutions à Berlin, Munich, Vienne, Turin.
Bref, l’histoire suit un chemin bien particulier qui aboutira à la dictature du prolétariat. Marx prétend
donc avoir découvert la mécanique de l’histoire, le sens de nos actions. L’histoire suivrait un mouvement
dialectique en trois temps :
1- L’expression d’un certain moment de l’histoire et d’une prise de position d’un secteur de la société ;
2- L’opposition ou le mouvement de contradiction de cette expression ;
3- Le dépassement : l’une des deux parties au conflit prend le dessus et permet la paix dans la société
Faut-il qu’une classe s’enrichisse suffisamment sur une période suffisamment longue pour que les bienfaits de cette richesse
permettent au prolétariat d’acquérir des droits et se révolter ?
Oui : David RICARDO XVIIIe compte sur le ruissellement plutôt que la redistribution.
Non : Marx considère que la classe bourgeoise accumule mais sans redistribution. Ainsi, les prolétaires doivent se saisir de tous les
biens de production, en déposséder les bourgeois qui finiront par s’y faire afin de repartir sur les bases d’une société égalitaire.
Selon lui, si les prolétaires détenaient les moyens de production plutôt que les bourgeois, ils en feraient bon usage, c’est-à-dire
qu’ils agiraient pour une société plus juste.
08.11.2018
Idée générale du cours : aller de droite à gauche (des épices à la démocratie à l’amélioration des
techniques de transport) et faire le lien pour enfin comprendre la pensée contemporaine et ses
soubassements.
Aujourd’hui, continuons l’empilement des strates et processus historiques avec la question de
l’esclavage. Nos ainés ont travaillé à moderniser le tiers-monde, dans l’idée de rompre avec l’idée
antérieure de la supériorité de la race blanche.
L’esclavage au XVIIIe siècle
L’esclavage est-il une forme de travail comme les autres ? Pour répondre à cette question il faut
questionner le sens du travail dans une société. L’esclave et le producteur sont les deux bouts d’un long
spectre. Un ouvrier est un paysan poussé de ses terres, acculés par des méthodes de travail nouvelles
qui lui laissaient peu de droit : quand devient-il esclave ? Quels sont les liens entre travail, esclavage et
développement ? L’esclavage aboli, la traite humaine existe-t-elle toujours sous d’autres formes ? Oui
et pas qu’un peu ! Les proxénètes qui achètent de prostituées envoyées d’Europe de l’Est ont des
pratiques exactement semblables à la mise en esclavage : la différence entre l’esclave et le non esclave
et la capacité et le droit de ce dernier à disposer de son corps.
Etymologiquement, « travail » vient de « tripalium » qui signifie « torture ». De façon contradictoire, le
travail, selon Marx est le moyen par lequel un individu s’émancipe et participe activement à a société.
Nombreux sont les slogans qui témoignent des qualités vertueuses du travail : Travail, famille, patrie ;
Le travail rend libre ; Le travail c’est la santé ; Arbeit macht frei. Pour cette raison, dans le
développement, l’accès au travail est central, au même nom que les activités génératrices de revenu et
la capacité d’une famille à subvenir à ses besoins.
Etymologiquement, « esclave » vient de « Slaves » qui étaient les pays sous-développés et surexploités
par la Russie. L’esclave peut avoir toutes les fonctions sociales : guerrier, soldat, artisan, religieux. Sa
seule fonction n’est pas de travailler au champ. Exemple des zouaves (confédération tribale berbère de
Kabylie) qui ont intégré le corps militaire en Algérie.
Période de l’Antiquité
Spartacus en 80 avant JC est érigé en exemple que : là où il y a esclavage, il y a révolte. Mais il est aussi
l’exemple que contester son statut d’esclave paye rarement : Spartacus est mort et les survivants du
conflit ont tous été crucifiés.
(2) L’Europe n’est pas suffisamment puissante : la Chine, la Mongolie, l’Empire Ottoman sont les
puissances impériales de l’époque, pas l’Europe.
Cette association française dont furent membres Mirabeau (membre de la noblesse mais député du tiers état, fort aimé par les
révolutionnaires mais, longtemps après sa mort, déchu pour ses relations secrète avec la royauté) et Olympe de Gouge (grande
féministe révolutionnaire qui quitte Cahors pour Paris sans connaître le français et qui sera mise à mort par Robespierre après
l’avoir envoyé chier). Elle a pour but :
o L’égalité des Blancs et des hommes de couleur libres dans les colonies ;
o L’interdiction immédiate de la traite des Noirs
o L’interdiction progressive de l’esclavage : progressive pour que l’économie des colonies soit maintenue et que les Noirs
puissent y être préparés
Au-delà de permettre une période de « réinsertion », l’association ne demande pas une interdiction immédiate de l’esclavage car
elle est consciente de l’époque et de ses injustices : pour faire avancer la cause noire efficacement, concentrons-nous d’abord sur
l’interdiction d’actes inhumains.
Pierre-Antoine-Augustin de PIIS (XVIIIe) La liberté des nègres : alors que les Etats-Unis ont mis en place la 1ère République
supposément libre et citoyenne, il réclame dans sa chanson l’égalité aux Etats-Unis entre noirs américains esclaves et blancs.
Les associations, les intellectuels, etc. réclament qu’un homme qui travaille la terre soit rémunéré en
vertu de son travail, c’est-à-dire qu’il soit considéré comme un travailleur. Un esclave travaille et est
nourri mais n’est pas considéré comme un travailleur, plutôt comme du bétail. Ainsi, comme le bétail,
on contrôle les naissances (mise à mort des enfants non désirés), les mariages, le manque de femme
(on en razzie +/- pour assurer la reproduction du contingent d’esclaves).
LA GESTION DE L’ESCLAVAGE
La chiourme comme forme de gestion de l’esclavage
Ce terme d’origine latine désigne les cohortes d’esclaves mâles qui vivent dans des baraquements et
travaillent en groupe dans les exploitations. Ils travaillent de 15h à 17h (NB : temps de travail identique
à celui des mineurs en Europe) par jour tous les jours sauf le dimanche. La durée de vie sur l’exploitation
est de 6 ans, ce qui pose souci pour la reproduction du contingent d’esclaves. Pour garantir sa viabilité
commerciale, l’Etat règle d’un décret la problématique du renouvellement de la main d’œuvre. Ce
décret augmente la ration alimentaire journalière. Les grands producteurs, à la tête de chiourmes, vont
toutefois se soulever pour protester. Ils considèrent ce décret comme un poignard donné par l’Etat aux
esclaves pour tuer leur maître.
Lors de la révolte de Saint Domingue en Haïti, les esclaves se sont soulevés et ont tué tous les blancs,
à l’exception de quelques dirigeants, techniciens, ingénieurs. Le mot d’ordre de l’armée Haïtienne
était : ou bien toute la population meurt ou bien elle gagne sa liberté.
Un des contemporains de la révolte haïtienne dira « Dès qu’un esclave peut subvenir à ses besoins, il
n’y a plus de dépendance. ».
Les coûts de gestion de maintien de l’esclavage augmentent avec le nombre d’insurgés. Leurs tentatives
de fuite imposent la mise en place de brigades qui les traquent jusque dans les montagnes. Les fuites,
révoltes, mutilations, suicides imposent la création de toute une administration pour les gérer, ce qui
génère des coûts.
Les coûts de gestion ne sont pas que des coûts de surveillance. Comme l’exprime Michel FOUCAULT
(XXe) dans son ouvrage Naissance de la prison, sous-titré « Surveiller et punir » la justice ne suffit pas à
exercer le pouvoir, un exercice symbolique de la démonstration de puissance est nécessaire. Les
punitions, raffinées, sont infligées aux esclaves pour montrer la puissance de l’Etat, du maître. Parmi
ces brimades, la mutilation est très commune puisque très pratique : essoriller un esclave, mutiler ses
ou sa femme est douloureux ou fait mal au cœur mais n’empêche pas de travailler. Parfois aussi, les
esclaves étaient soumis pendant une journée à la torture du pilori ou à la suspension par fourche.
[Alice SEELAY 1904, Father stares at the severed hand and foot of his five-year-old » : elle prendra une photo et
réalisera plus tard qu’en arrière-plan, un homme est entouré de 4 petites choses qui ne sont autres que les mains
et pieds de sa fille, que le gouverneur à fait couper.]
Bref, humanistes et esclaves sont contrariés. Ces derniers doivent pourvoir bénéficier de droits. Face à
la menace des insurgés, des formes intermédiaires de gestion de l’esclavage sont développées. Certains
esclaves gagnent le droit de travailler pour gagner de l’argent et satisfaire ses besoins. Un esclave qui
peut subvenir à ses besoins s’émancipe au moins un peu de la dépendance économique qu’il a envers
son maître, il peut donc s’affranchir au moins un peu du joug de celui qui l’opprime. Les esclaves qui
travaillent dans ces systèmes intermédiaires tentent de compléter leurs revenus pour acheter leur
liberté. Les esclaves deviennent des esclaves salariés. Aux Etats-Unis, la loi du ventre libre libère les
enfants d’esclaves promis d’affranchissement.
o Adam SMITH (XVIIIe) dans Richesse des Nations met en évidence que « l’esclave est peu productif
car son seul moteur est la peur de la répression, tandis que l’homme libre est motivé par l’appétit
du gain ». Ainsi, « une personne qui ne peut acquérir de propriété, ne travaillera pas au-delà de ce
qui est nécessaire que sous la pression de la violence. »
o Karl MARX (XIXe) tombe d’accord avec A. Smith en affirmant que « l’esclave travaille sous
l’aiguillon de la peur, non pour son existence ». L’esclavage est moins rentable puisqu’il ne travaille
que pour la satisfaction de ses besoins et non par appât du gain. L’augmentation de la productivité
globale est moins importante dans l’esclavage que dans le salariat, d’autant plus avec les coûts
gestion.
[Si l’on en croit K. Marx, aussi bien les machines que le crédit, l’esclavage direct est le pivot de
l’industrie bourgeoise c’est-à-dire de l’économie capitaliste.]
La production doit augmenter : pour cela, la main d’œuvre et la productivité doivent augmenter. Pour
cette raison, un nombre croissant de travailleurs agricoles blanc, créoles et indiens côtoient les esclaves.
On ne les dit pas salariés parce que faire travailler des salariés et des esclaves ensemble augmenterait
le risque d’une révolte portée par les escales qui réclameraient plus de droits. On va donc créer de
nouvelles catégories de travailleurs : libres, non libres, semi libres où même les travailleurs libres ne
disposent pas des mêmes droits que les propriétaires.
La crainte d’une recrudescence des révoltes des travailleurs non libres pour obtenir le statut de paysan
libre. Pour assurer leur soumission on va en fait progressivement faire de ces populations travailleuses
des consommateurs. Pour cela, on leur permet de générer un surplus de revenu grâce à leur travail afin
qu’ils s’endettent par la suite et qu’ils deviennent ainsi contraints de continuer de travailler.
L’abeille, l’araignée ou n’importe quel autre animal dispose d’un savoir-faire mais ne travaille que
pour sa propre subsistance. C’est le rôle de l’araignée que de construire sa toile afin de permettre la
satisfaction du besoin qu’elle a de se nourrir.
Le travailleur dispose lui-aussi d’un savoir-faire mais il doit concevoir et constituer son travail fini et
c’est son imagination qui lui permet d’avancer et de façonner le fruit de son travail en tant qu’être
pensant. Il n’a d’aliénation à travailler, le travail en lui-même constitue sa propre récompense.
Le salarié en tant que prolétaire (l’araignée) est programmé mécaniquement à travailler (faire sa
toile) pour sa survie. Son imagination n’est pas mobilisée pour façonner son travail puisqu’il n’a que
peu d’accès à l’intégralité de la tâche à laquelle il participe. Ainsi le prolétaire salarié ne peut pas être
un travailleur.
Conclusion et pistes de réflexion : les questions sur les conditions communes aux personnes qui
contribuent à la production de richesses sous l’égide de régimes de propriétés réglementés par les Etats
fait l’objet de controverses récurrentes. Les élites spectatrices des désordres de leur époque en
débattent. Morale mise de côté, si l’esclave est moins productif que le travailleur libre, il est bien
dommage d’avoir torturé si longtemps ces pauvres gens. Il y a plus de 150 l’inutilité de la disqualification
des forces de travail s’est posée avec acuité. Le problème semble s’être déplacé et demeure d’actualité.
L’échelle spatio-temporelle et l’échelle de gravité diffèrent mais aujourd’hui le chômage est une forme
de pauvreté ce qui n’implique pas que le travail soit nécessairement une forme d’enrichissement. Peut-
être pourrait-on tirer comme enseignement qu’il est nécessaire voire urgence de lutter contre la
disqualification des travailleurs et du travail.
15.11.2018
De la colonisation à l’impérialisme au
XIXe siècle
L’impérialisme est la politique d’un pays qui cherche à conserver ou étendre sa domination sur d’autres
peuples ou territoires. Le colonialisme en est une forme. Pour les marxistes l’impérialisme est inhérent au
capitalisme puisque la recherche d’un maximum de profits conduits les différents pays à sortir de leurs
frontières et à s’affronter.
La question sociale se pense sur tous les territoires, avec des mots différents. Il faut étudier les processus
de transformation à toutes les échelles spatio-temporelles pour les comparer : comprendre la diversité
des territoires, leurs interconnexions, bref appréhender l’évolution très lente du système monde. Pour
cela nous allons maintenant nous intéresser à l’impérialisme et sa mise en valeur de la colonisation.
On étudie l’histoire du capitalisme à travers l’histoire des nouveaux produits et nouvelles façons de
produire (les modes de production). Le monde va progressivement glisser d’une dimension massive de
l’esclavage au salarié. S’il est fort de lier les deux, il faut tout de même préciser que la mise au travail du
salarié, avant le salariat, n’a jamais existé sous aucune autre forme que l’esclavage.
Pendant longtemps l’impérialisme est une façon de penser à la fois le développement économique et
la question coloniale. Au cours des années 1860-70, le mot développement va prendre tout son sens.
Les prolétaires vont en effet construire leurs discours autour de l’idée que le prolétariat est le nouvel
esclavage de leur temps. [Voir I am not your negro].
Les intellectuels de l’époque se saisissent pour beaucoup de cette problématique : il faut faire quelque
chose pour changer le sort de la classe ouvrière. Une littérature d’un genre nouveau émerge : elle a des
ambitions démocratiques postrévolutionnaires.
Les ambitions post-démocratiques du XIXe
Les intellectuels et écrivains de l’époque s’interrogent tous sur la paupérisation du monde. Une frange
de la littérature opte pour l’option libérale selon laquelle il faudrait constituer une classe de possédants
éthique mais libre d’accumuler des richesses.
André GODIN (XIXe) est un industriel français, inspiré par le socialisme utopique. A cette époque, des
expériences sociales sont réalisés. Parmi celles-ci A. Godin va organiser la construction de cités ouvrières
financées par des industriels (ancêtres des HLM). Cette politique est volontariste car elle n’obéit à
aucune loi. Elle s’inscrit dans le mouvement hygiéniste puisqu’elle répond à des problèmes sanitaires et
sociaux : l’idée est que la santé individuelle est impossible sans santé globale. Ainsi, des crèches sont
construites, l’accès gratuit à la santé est garanti aux ouvriers.
Friedrich ENGELS (XIXe) – La situation de la classe ouvrière (1845) : dénonciation du capitalisme
o F. Engels invente le terme de révolution industrielle : il considère que la façon dont l’industrie
affecte la société à cette époque est de l’ordre d’une révolution
o F. Engels montre que cette révolution née du capitalisme induit un développement auquel
l’exploitation et la misère sont inhérents
o F. Engels dévoile que l’histoire a montré qu’aider les pauvres est inutile si la pauvreté continue
d’être produite. Le prolétariat est en lutte sociale car pour sortir de la misère il ne peut attendre
sa libération que de lui-même. Le prolétariat est donc une classe qui entre inévitablement dans
une lutte sociale contre le système si elle veut sortir de sa souffrance.
o Dans cette lutte il tend à la suppression des antagonismes de classes. En prenant le contrôle des
moyens de production et en refusant les droits de propriétés ni exploiteurs ni exploités
n’existeront plus : seule une classe universelle, représentante de l’humanité entière subsistera.
o Révolte des Canuts (1830) : soulèvements des soyeux (ouvriers tisserands) lyonnais qui sabotent
les machines à tisser. Ces dernières précipitant la disparition de leur savoir-faire au profit d’une
modernisation technique. Cette révolte est un échec quant aux revendications mais elle est
considérée par certains comme ayant permis la création d’embryons des futures organisations
ouvrières notamment syndicalistes.
Les révoltes n’auront pas pour effet de soustraire les ouvriers aux machines et auront même pour effet
de précipiter le phénomène de délocalisation de la production qui est déjà moins chère ailleurs. K. Marx
dénonce la bourgeoisie qui envahit donc le globe : elle s’implante, exploite et établit des relations
partout.
Le marxisme
Le Manifeste du Parti Communiste expose les revendications communistes du XIXe siècle :
- L’éducation publique et gratuite pour tous ;
- L’abolition du travail des enfants ;
- L’impôt progressif proportionné au revenu ;
- L’abolition du capital ;
- L’abolition de la propriété privée ;
- L’interdiction d’embauche de travailleurs étrangers en cas de grève
La guerre sociale
A partir de 1864, une révolte permanente et virulente fait violence. Son histoire n’est que peu écrite ou
racontée. La théorie de la guerre sociale renvoie aux théories de la libération : on parle de guerre sociale
mais celle-ci colore le but d’émancipation des ouvriers.
o En 1864 a lieu la première Internationale : cette organisation ouvrière internationale est créée à
l’initiative de travailleurs et de militants français, anglais, allemands et italiens. Elle a pour objectif de
coordonner le développement du mouvement ouvrier naissant dans les pays européens récemment
industrialisés. La constitution de l’Internationale va donner une force à la mobilisation ouvrière : cette
classe apparaît sur la place publique et historique en tant que force indépendante capable d’œuvrer
pour la paix.
o En 1871, la semaine de la Commune est sanglante : 20 000 Parisiens insurgés sont massacrés alors qu’ils
dénonçaient l’incapacité du gouvernement. Les égouts débordaient de sang. Le Sacré-Cœur, d’ailleurs,
honore la victoire du gouvernement puisqu’elle aurait été construite pour « expier les crimes des
communards ». Cette tentative de révolution est soutenue par les intellectuels et va inspirer Rosa
Luxembourg.
o En 1886 une grande manifestation aux Etats-Unis rassemble 200 000 travailleurs et leur permet
d’obtenir une journée de 8h. La victoire est amère puisque les affrontements avec la police entraînent
des dizaines de morts ; depuis on commémore ces martyrs lors de la « Fête du travail ». En réponse à la
répression meurtrière une réplique par bombes va tuer plusieurs policiers. La guerre entre la classe
ouvrière et les forces de l’ordre (l’Etat) est déclarée. La montée en puissance des affrontements mène
en 1882 à l’explosion d’une bombe posée à la chambre des députés à Paris ; et ira en 1884 jusqu’à
l’assassinat du président français par Sadi Carnot, un anarchiste italien.
o En 1905 une tentative de Révolution Russe a lieu mais échoue.
o En 1910 une tentative de Révolution Mexicaine contre le fond des réformes agraires échoue aussi. Celle-
ci, menée par des paysans révolutionnaires éduqués, est qualifiée d’étonnante, de moderne et de
sanguinaire.
o En 1917 la Révolution d’Octobre en Russie survient. Les bolcheviks en sortent victorieux est font de la
Russie le premier pays socialiste (au sens marxiste) de l’histoire.
o En 1925 la République de Weimar est mise en place en Allemagne : cette nouvelle république vise à
pacifier l’Allemagne après la guerre mais aussi les populations européennes et les différences classes.
Elle tente de passer par la voie de réformes douces.
Il considère que le capitalisme est un progrès majeur de l’histoire. Progrès qui doit toutefois
s’achever. Le prolétariat en justifiera la chute puisque la condition d’existence du capitalisme est le
salariat. Il se considère lucide sur la marche du monde : le capitalisme continuera de se développer
jusqu’à ce qu’il implose en raison de ses contradictions internes.
En 1927 a lieu le premier Congrès International contre l’Impérialisme et le Colonialisme Le congrès est
porté par l’internationale communiste. Il se réfère à une brochure célèbre de Lénine.
LENINE (fin XIXe-début XXe) dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (1917) décrit sa vision de
l’organisation de l’Etat :
« Il s’agit de construire un capitalisme d’Etat industriel, sur le modèle de l’Allemagne et des trusts, en
s’appuyant sur des spécialistes techniciens ou organisateurs, moyennant des salaires élevés et à l’aide de
méthodes barbares, seules aptes à combattre la barbarie. »
Quand il rédige cette brochure en 1917, il souhaite industrialiser le pays, trop rural, pour pousser le
capitalisme d’Etat à son paroxysme pour qu’il s’effondre.
Le progrès social doit donc être expérimenté jusqu’à atteindre son paroxysme. Le boulet du progrès
social et donc du développement du capitalisme et du communisme : c’est le paysan. La paysannerie
est le siège de la pensée conservatrice. K. Marx et Lénine s’accorde sur le fait que le paysan est
antirévolutionnaire par essence. Mao est celui qui liera la classe paysanne au mouvement
révolutionnaire.
Le dirigisme communiste
Le dirigisme est un système dans lequel un gouvernement exerce le pouvoir d’orientation ou de décision
sur l’économie et la société afin de l’organiser selon certaines fins.
Le léninisme : pensée scientifique du travail et de l’organisation du territoire de l’URSS
Le léninisme est empreint de dirigisme puisqu’il porte sur la question d’un Etat centralisé et d’une
classe dirigeante informée pour orienter la transformation de la Russie. Pour que le prolétariat russe
puisse intervenir dans le grand renversement mondial, le Parti communiste doit incarner le
changement et établir des lois pensées comme scientifiques.
o Gestion spécifique des espaces ruraux : des fermes d’Etat sont créées. Le dirigisme en zone rurale
crée de grandes exploitations sous la domination d’une classe éclairée. Des Sovkhozes où les
ouvriers salariés travaillent pour la production nationale ; et des Kolkhozes qui sont des
coopératives agricoles à caractère spontané vont être créées.
A partir de la fin du XIXe, les Etats-Unis vont donner un caractère impérialiste à la doctrine Monroe. C’est la
preuve que l’impérialisme doit être pensé à la lumière de la colonisation.
Joseph Schumpeter (XXe) sur l’impérialisme : comme l’histoire est remplie d’épisodes où des peuples
recherchent l’expansion pour l’expansion, il en vient à considérer que l’impérialisme c’est la disposition,
avec ou sans objectif, que manifeste un Etat à l’expansion par la force, au-delà de toute limite définissable.
Joseph Schumpeter (XXe) sur le capitalisme : le capitalisme n’est pas un système économique au service
des riches. Les riches sont déjà riches, la production de masse n’améliore que peu les conditions de vie
de la classe bourgeoise alors qu’elle révolutionne celles des pauvres (accès à l’eau courante, conditions
d’hygiène améliorées, etc.). Il illustre ainsi son propos :
« L’éclairage électrique n’est pas nécessaire pour quiconque est assez riche pour acheter un nombre
suffisant de bougies, et de domestiques pour les éteindre. »
L’évolution capitaliste a permis ces améliorations non pas par coïncidence mais en vertu de ses
mécanismes. La croissance, au fond, nous dit Schumpeter, rend la révolution sans objet. La croissance
ne garantit pas que le chômage disparaisse mais, en réduisant la pauvreté grâce à une production accrue,
elle fournit de quoi rendre ce chômage supportable. Il ne s’illusionne pas non plus sur les souffrances
sociales : la pauvreté est une condition d’existence des sociétés, le système est cruel, injuste, agité, mais
il fournit des biens. S’il perdure encore 60 ans, alors la richesse créée aura permis la satisfaction des
besoins de l’ensemble des acteurs de la planète. S’il perdure 100 ans, la situation économique des
individus sera en moyenne 8 fois meilleures.
De plus, Schumpeter préfère un despotisme appliqué à son compte en banque plutôt que subi par ses
concitoyens. L’intérêt au sens économique du terme ne mènerait pas à la guerre puisque celle-ci
ponctionne les revenus. La guerre est donc anticapitaliste par nature.
Joseph Schumpeter (XXe) et le lien entre impérialisme et capitalisme : partout où règne le libre-échange,
aucune classe sociale n’a intérêt à l’expansion militaire (à l’impérialisme), puisque chaque nation est en
mesure de pénétrer économiquement dans les pays étrangers. Ainsi, le protectionnisme encourage
l’impérialisme alors que le capitalisme et le libre-échange le décourage.
PISTES DE REFLEXION : l’impérialisme (les colonies) est soutenu par Lénine et Jules Ferry en tant que
moyen de développement de soutenir le capitalisme en soutenant la croissance. Rosa Luxembourg
s’oppose aux colonies et à l’impérialisme qui ne sont pas selon elles le moyen d’expansion capitaliste en
raison d’un déficit structurel entre Nord et Sud. Atkinson Hobson confirme que les ouvriers des pays
colonisés ont un revenu trop faible pour consommer. Enfin Schumpeter affirme que l’impérialisme et la
colonisation ne sont que de l’expansion sans objectif économique et qu’elle est inutile au capitalisme.
Max Weber va montrer que la réalité donne tort à Schumpeter : l’économie de la guerre est de la
reconstruction est utilisée comme un moyen de développement de l’activité économique. Preuve en
est : les banques financent les prêts de guerre et qu’une grande partie de l’industrie lourde a un
véritable intérêt économique à ce que ces guerres soient menées, d’autant plus qu’une guerre perdue
augmente la demande de ces industries aussi bien d’une guerre gagnée. Cette vision ne contredit pas J.
Ferry, Lénine, R. Luxembourg ni A. Hobson mais réajuste leur vision en se détachant de la motivation de
l’impérialisme par la consommation.
La question d’ailleurs n’est pas de donner raison ou tort à une vision mais de comprendre comment se
développe les théories du développement. Les taux d’alphabétisation n’ont pas significativement
augmenté, le niveau de vie et celui de la mortalité fluctuent, la lutte contre les formes variables
d’inégalité et d’insécurité perdurent. Et ceci malgré le début des politiques de développement daté aux
années 1950 : tous les pronostics ont été déjoués.
Comment accéder à la paix quand le développement repose sur une exploitation des ressources de
matières premières, d’une main d’œuvre et de la redistribution des profits au différents bouts de cette
chaîne productive. L’anti-développementaliste se base sur cet argument : le développement n’est que
la transformation de ressources en biens marchands pour l’intérêt économique d’une minorité ; le
développement ne serait que vecteur de guerre et d’exploitation.
Ferdinand BRAUDEL (XXe) pense le capitalisme et l’impérialisme comme moyen de distinction sociale.
La pensée civilisationnelle émerge : l’Europe se représente que le reste du monde l’attend et lui est
nécessaire.
Lewis Henry MORGAN (1877) dans Ancien society développe la théorie évolutionniste selon laquelle
l’évolution de l’humanité suivrait un schéma unique caractérisé par trois stades civilisationnels
successifs : la sauvagerie, la barbarie et la civilisation.
L’Amérique latine a été conquise par les blancs, civilisée, convertie au christianisme, organisé politiquement :
Pourquoi n’est-elle pas devenue une seconde Europe après les indépendances ?
Pourquoi l’Occident s’est-il arrêté aux USA ?
Les indépendances d’Amérique latine au XIXe siècle ont généré un immense mouvement de rachat de terres
si bien qu’en 1900 on comptabilisait 85% des terres appartenant à 1% de la population. Aucune terre
cultivable quasiment n’est pas une terre cultivée par des travailleurs au profit de grandes fortunes.
L’Amérique latine, bien qu’indépendante, a hérité du système des grandes propriétés terriennes
caractéristique de la période des conquêtes : esclaves et ouvriers cohabitent. Les révoltes paysannes
appellent à la révolte. Pour les réprimer les Etats développent la mise au travail contrainte par les corps armés.
Exemple de la révolte paysanne massive colombienne en 1890 dont la répression a fait 100 000 morts. La
répression des révoltes paysannes par une militarisation des Etats remonte à la genèse des indépendances.
Aujourd’hui au Brésil, le mouvement des agricultures se situe dans la droite lignée de leur héritage.
Au XIXe siècle les Etats-Unis construisent leur histoire autour d’un mythe qui leur est propre : celui
de la ruée vers l’or. Ce mythe va justifier tout un ensemble de conquêtes intérieures aux terres. On
se déplace dans les terres pour chercher plus loin une supposée mine inépuisable. Ce mythe va
justifier le déplacement forcé des amérindiens par les Etats-Unis. La Piste des Larmes est le nom
donné à la déportation de 1/5 de la population des Cherokee, dont une partie fut aussi décimée. En
Australie aussi, on déplace les aborigènes pour exploiter l’or.
Les villes d’extraction de l’or enflent : San Francisco se multiple par 25 et devient un cimetière à
bateaux, bateaux dans lesquels les paysans qui viennent de l’intérieur logent. Les minerais sont
source de richesse et permettent le développement de villes nouvelles. Mais la main d’œuvre est
insuffisante : les Chinois vont s’installer en masse, dans des conditions de vie caractérisées par leur
insalubrité, leur insécurité.
Après l’indépendances des Amériques : de nouveaux rapports de domination
Finalement les indépendances ont simplement transféré la domination : les travailleurs d’Amérique
latin étaient assujettis à l’empire ; les indépendances les ont assujettis aux propriétaires terriens.
C’est après les indépendances que la pensée du racisme va être développée : une justification
scientifique vient expliquer les rapports de domination. Au temps des esclaves, la domination était
expliquée par le besoin de main d’œuvre. Les populations autochtones comme les amérindiens et les
aborigènes dérangent parce qu’elles sont sur des territoires où on a localisé des minerais. Mais les
amérindiens (cherokee) les aborigènes, les paysans d’Amérique du Sud, et les migrants chinois
dérangent aussi par leur pauvreté et leurs origines.
Durant de longues années, l’intérieur du continent africain, souvent difficile d’accès, n’intéresse pas les
puissances européennes qui se contentent d’y établir des escales ou des comptoirs de commerce.
Pendant la seconde moitié du XIXe, la découverte de richesses insoupçonnées rend l’Afrique
intéressante : à compter de 1880, les visées colonisatrices européennes s’intensifient jusqu’à créer des
tensions entre les différentes puissances.
La Conférence de Berlin (1884) organise le partage officiel du continent Africain entre les puissances
européennes. Le personnage de Tarzan fait partie des imaginaires qui justifient cette conquête
désormais officielle du territoire africain. Le partage se veut apaisant : entre l’Allemagne et ‘Angleterre ;
mais aussi entre la France et l’Angleterre puisque pour calmer les tensions la France fait don de l’Egypte
à l’Angleterre après qu’elle ait renoncé au Maroc pour la France.
A la suite de son succès aux élections législatives, le partit radical socialiste devient pivot de la IIIe
République et se trouve à l’initiative de plusieurs grandes réformes :
- En 1901 on proclame la liberté d’association ce qui constitue une immense avance en termes
de droit des individus puisqu’avant et dans encore de nombreux pays cette liberté est
subversive et peut entraîner torture et prison.
o Pour la colonisation au XIXe : les communistes, les progressistes, les grands industriels et les expatriés la
voit comme le moyen d’améliorer les salaires, la jouissance des biens de consommation, l’assurance
d’une diffusion civilisationnelle. Les expatriés forment un lobby pour maintenir les colonies.
[Ndlr : le progressisme veut instaurer ou imposer un progrès social par des réformes ou par la violence
en opposition au conservatisme. Dès la IIIe République, le mot progressiste en France tend à signifier le
contraire de son sens littéral. On trouve ainsi des députés, journaux, groupes parlementaires qui se
qualifient de républicain progressiste et qui comprennent en général des républicains qui se proclament
de gauche, mais qui sont antisocialistes.]
« il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Il y a un
droit parce qu’il y a un devoir pour elles : elles ont un devoir de civiliser les races inférieures. »
« L’œuvre civilisatrice consiste à relever l’indigène, lui tendre la main. Le civiliser c’est l’œuvre
quotidienne d’une grande nation. La question coloniale c’est la question des débouchés. »
En bref, on justifie scientifiquement la domination des indigènes par les européens. J. Ferry symbolise
la naissance d’un discours raciste, scientifique et organisé. Discours apparent à celui porté aux Etats-
Unis contre les amérindiens et en Australie contre les aborigènes.
En 1894 on crée le ministère des colonies qui deviendra en 1948 le ministère du développement. Le
ministère des colonies va créer un corps nouveau d’ingénieurs, de scientifiques, il va inventer la figure
de l’instituteur républicain. Ce dernier devient un élément pivot puisqu’il transmet aux générations les
bienfaits des colonies françaises et assurer le transfert de compétences européennes vers les colonies.
La mise en place de taxes et impôts par le ministère. Chaque village est rendu responsable de collecter
l’impôt par capitation. Mais peu de monnaie y circule donc une partie de l’impôt est restitué en argent
et le reste en biens de production. Les villages qui s’opposent à payer sont sévèrement réprimés par
l’armée française qui les brûle parfois en guise de sanction.
Le développement de l’économie minière au Maroc est aussi commandité par le ministère. Mais le
manque de main d’œuvre justifie des rafles dans l’arrière-pays de 1910 à 1920. Le patronat de l’époque
est aidé par l’armée et nie le caractère forcé de cette mise au travail : il ne s’agirait pas d’esclavage mais
d’un engagement à travailler consenti et à durée limitée.
Le partage des terres entre entreprises est géré par les entreprises au Congo.
Les colonies qui tentet de se révolter sont violemment réprimées. En 1908 le génocide perpétré par les
allemands contre les Herero en Namibie est justifié par les tentatives de révolte contre le travail forcé.
Ce génocide a d’ailleurs récemment été reconnu comme le 1er génocide de l’histoire.
o Léon BLUM (1936) reste en ligne avec les idées de la IIIe République qui considère la mission civilisatrice
comme essentielle, toujours dans cette idée de devoir des races supérieures. Mais il critique les moyens
mis en œuvre qui ont justifié les horreurs coloniales.
« Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne sont
pas parvenues au même stade de culture et de les appeler au progrès grâce à la science et l’industrie.
Tous tant que nous sommes, nous avons trop l’amour de notre pays pour ne pas désirer l’expansion de
la pensée, tous nous souhaitons le développement, la propagation de la pensée française, et de la
civilisation française.
Mais nous n’avons jamais admis que l’occupation militaire soit le véhicule sur et fécond de la pensée ou
même de la force colonisatrice.
Ce devoir ne doit s’exercer que par l’influence, l’attrait, la conscience donnée aux races dites
inférieures, du bienfait matériel ou moral que nous leur apportons. »
Ce programme prend en compte les problèmes structurels liés à l’exploitation économique des colonies.
Il concerne la colonie française d’Extrême-Orient (Indochine). Elle est étendue aux territoires où elle a
des intérêts : au Japon, au Siam et en Chine. Ses objectifs sont divers et marquent le début d’une
nouvelle approche :
>> à une mise en valeur des colonies par association et participation des populations aux progrès
scientifiques et économiques
Valorisation scientifique et technique des territoires : mouvement du tropicalisme
o La maîtrise des territoires tropicaux est assurée par des ingénieurs et naturalistes formés et envoyés
dans les colonies. Ils sont spécialistes des plantes, de leurs maladies, de leurs difficultés d’adaptation et
sensibilité selon le contexte. Des expérimentations sur les plantes et les insectes sont menées et
accompagnées de leur lot de scandales. Exemple des tests du vaccin contre la maladie du sommeil de la
mouche tsé-tsé qui tuera les cobayes. Ces échecs expliqueront la méfiance (finalement pas si
irrationnelle) des populations coloniales et rurales vis-à-vis de la « science occidentale ».
o La maîtrise des corps tropicaux est assurée par des médecins formés et envoyés dans les colonies. On
est en plein dans la période de l’hygiénisme en Europe et celle-ci s’étend jusque dans les colonies où
sont ouverts des dispensaires.
o La maîtrise de la psychologie tropicale est assurée par des études menées sur des questions comme
l’impact du climat sur le travailleur. On cherche par exemple à expliquer pourquoi les noirs travaillent
moins bien et avec moins d’enthousiasme que les ouvriers européens.
La loi de 1921 va engendre un système de prix massifs de la part notamment de la Caisse des dépôts et
de consignations. Cette dernière, placée sous le contrôle direct d’une commission de surveillance qui
rend compte au Parlement, exerce des activités dites d’intérêt général pour le compte des Etats et des
collectivités territoriales.
L’approche du développement des colonies par investissement est inspirée par le plan Sarraut qui
considère que (1) puisque l’on est développés, (2) il serait criminel de ne pas apporter les bienfaits de
la civilisation technique. En se référant au plan Sarraut les investisseurs argumentent l’intérêt des
colonies à entrer dans l’économie de marché capitaliste : elle est le moyen d’accéder à la santé,
l’éducation bref le progrès technique et scientifique.
A la fin des années 20 on se rapproche de la fin des colonisations d’Afrique et d’Extrême-Orient. Les
indépendances se feront plus ou moins violemment. A cette époque, l’Angleterre consacre 47% de ses
capitaux à ses colonies ; la France consacre 10% à l’Empire. L’Angleterre, plus que la France, a établi des
infrastructures et formé des cadres locaux dans les colonies. Ces différences d’investissement vont avoir
une influence majeure dans le processus de décolonisation et dans les rapports post-coloniaux. La
décolonisation anglaise sera plus douce que la décolonisation française.
Conclusion et pistes de réflexion : pendant toute la IIIe République, si on fait fi des discours
civilisationnels, la priorité est donnée à l’économie. La civilisation sert d’outil de légitimation de la
colonisation des XIXe et XXe siècle au même titre que les mythes pour la colonisation du XVe au XVIIIe.
Après la Seconde Guerre mondial, un tournant social est opéré dans la question coloniale.
Changement de posture après la guerre :
plus jamais ça !
En 1940, l’Angleterre promulgue le Development and Welfare Act qui cherche à établir une planification
plus sociale et réprimer les abus des cadres coloniaux. Celui-ci fait suite à son aîné de 1928 qui
appréhendait la mise en valeur par l’économie.
Les politiques liées au développement vont très lentement évoluer vers une prise en compte de la
question sociale : politique coloniale, politique coloniale de développement, politique coloniale de
développement et de bien-être, politique de développement économique et social. Toujours est-il que
le social émerge dans la question du développement, mais on ne renonce jamais à l’économie. La seule
remise en cause économique porte sur la répartition. Le social vient aménager les conditions de travail
et de production, sans els remettre en cause.
La paralysie d’après-guerre
Alors qu’on pensait que le commerce permettait le développement économique et que celui-ci
permettait la paix : l’Europe a été le théâtre de massacres. Dans des pays où on disposait de la liberté
d’association, de rassemblement, où la laïcité avait été consacré et où des mouvements progressistes
faisaient pression pour que les droits de certains soit valorisés : on assiste à la pire guerre de l’humanité.
L’efficacité politique du développement encouragé pendant la IIIe République se pose.
o Primo LEVI dans Si c’est un homme et Robert ANTELME dans L’espèce humaine écrivent noir sur blanc la
pensée prédominante d’après-guerre : l’Homme est incapable d’être humain.
L’école de la pensée critique est celle de Francfort. Elle est abstraite : elle se demande comment l’intérêt
d’éviter un raisonnement fallacieux ; et concrète : elle suppose de vérifier ses sources, croiser les
opinions des spécialistes pour échapper à la crédulité et encourager la libre-pensée.
L’école de la pensée sociale qui se développe sur la base du besoin de remédier aux horreurs que
l’Europe pourtant civilisée et démocratique a pu commettre. L’Europe est le plus grand territoire
criminel du moment.
o Hannah ARENDT (XXe) accuse l’impérialisme comme raison de la montée des totalitarismes.
L’homme moderne enfermé dans l’obsession de la croissance au service du progrès technique
(et vice-versa) oublie la nature de l’humain et ne pense son existe plus que dans la société.
o L’expérience de Milgram (1960) repose sur l’interrogation de savoir jusqu’où un homme est
capable d’infliger à un autre des décharges électriques sous couvert d’un unique discours
scientifique pas vérifié (et effectivement fallacieux). A la vue des résultats, on s’inquiète de la
capacité d’un homme à en torturer un autre sans raison évidente.
o Jean-Claude MILNER (2003) dans Les penchants criminels de l’Europe expose l’idée que l’Europe
porte en elle-même la capacité de destruction de toutes les autres formes de civilisation. Cette
capacité n’est pas tant matérielle qu’elle repose sur la fascination de l’homme moderne pour la
technique. Le danger de cette fascination repose dans la portée déshumanisante de la technique
et de l’organisation pourtant toutes deux proclamée comme facteur de développement
économique et donc facteur d’amélioration des conditions de vie.
En 1945 la Conférence de Yalta réunit J. Staline, W. Churchill et F.D. Roosevelt. Elle vise à hâter la fin de
la guerre, régler le sort de l’Europe après la défaite allemande et garantir la stabilité du nouvel ordre
mondial après la victoire. A l’image de la doctrine Monroe (XIXe) elle garantit à l’Europe libérale-
conservatrice, aux Etats-Unis et au monde communiste une autonomie de leur territoire en échange de
la coopération commerciale.
A la sortie de la guerre, l’ordre mondial d’abord pensé avec trois pôles sera finalement partagé entre un
bloc occidental et un bloc communiste. Finalement l’issue reste la même : les puissances coloniales
européennes ; la puissance américaine qui s’est affirmée en tant que telle depuis la doctrine Monroe ;
et la puissance coloniale également de l’URSS sont celles qui décident du nouvel ordre mondial. Les
colonies et les pays fraîchement indépendants restent les grands absents de ce partage du monde.
Tocqueville (XIXe) dit : « Quand on apprend à massacrer les autres, on apprend à massacrer chez soi ».
La peur de la répétition d’une telle horreur devient obsédante : plus jamais ça !
Mais comment s’en prémunir ? Le nouvel ordre mondial va s’en charger pardi !
La doctrine Truman (1948) : l’écriture du « récit contemporain moderne »
En 1948 le président Harry TRUMAN va faire une élocution au cours de laquelle il énonce (à ce moment-là sans conscience de
sa portée) ce qui va devenir la doctrine Truman.
1. La volonté de la majorité : des institutions libres, un gouvernement représentatif, des élections libres, la garantie des
libertés individuelles et de l’absence d’oppression politique.
2. La volonté d’une minorité imposée à la majorité : la terreur, l’oppression, le contrôle de la presse, la suppression des
libertés individuelles.
Le choix de tous se dirige naturellement vers le choix 1 ce qui permets à Truman d’affirmer qu’il croit que « Les Etats-Unis
doivent pratiquer une politique d’aide aux peuples libres qui résistent à des minorités armées ou à la pression extérieure. »
La doctrine Truman va dessiner les contours du développement, contours qui sont encore les siens
aujourd’hui. Il oppose le monde libre au monde qui n’est pas libre ; et considère d’ailleurs que le monde
libre est le monde moderne ; et implique ainsi pour que le monde pas libre devienne libre il doit se
moderniser.
Le plan Marshall qui a précédé le discours de Truman opère selon les mêmes objectifs mais à échelle
seulement européenne, là où les pays ont été détruits par la guerre. La doctrine Truman va élargir au
monde ses modes d’action. Le discours Truman n’invente pas le développement ni la capacité de celui-
ci à garantir une surface d’influence : mais il la formule et lui donne une résonnance mondiale.
Anecdote : Le contexte de rédaction du point IV peut paraître anecdotique mais est révélateur des
arrière-pensées de ceux qui ont dessiné le développement. Le point IV n’a été ajouté que quelques jours
seulement avant le discours. L’URSS a ce moment-là opère des transferts de capitaux importants vers
certains pays. Vient alors l’idée qu’une politique d’aide pourrait contrecarrer l’influence soviétique.
Ainsi le point IV acte le développement comme moyen de lutte contre l’influence soviétique ainsi que
la promotion de la domination des Etats-Unis dans la politique d’aide mondiale. Truman veut arracher
les hommes à la tentation communiste en relevant leur niveau de vie. La diplomatie du dollar va
désormais œuvrer pour empêcher le communisme d’abrutir les populations.
Discours libéral : les Etats-Unis doivent indiquer le chemin de la liberté et constituer un exemple pour les autres
peuples en quête de liberté.
Mais l’Amérique moderne est devenue puissance par l’accaparement des terres et les massacres des populations qui
préexistaient sur le territoire.
L’économiste Rostow va participer à l’élaboration du plan Marshall de 1947. Il est théoricien de la lutte
anti-communiste et rédige l’ouvrage Les Etapes de la croissance économique, un manifeste non-
communiste. Cet ouvrage a guidé a pensée du développement dans les années 1960 : il serait la recette
miracle de la construction d’une économie industrielle.
Sa vision est linéaire : les pays en sous-développement sont le passé des pays développé ou encore les
pays développés sont l’avenir des pays sous-développés.
1. Société traditionnelle : elle est rurale et agricole et ressemble au Moyen-Âge européen. Son économie
repose sur des dépenses de survie ce qui empêche l’épargne et donc l’investissement. Les mentalités
sont réticentes au changement parce qu’elles ne sont pas cultivées, qu’elles se reposent sur un confort
de vie, qu’elles sont réticentes à l’effort, et qu’elles manquent de maîtrise technique.
3. Décollage : il a lieu 20 ans après que les mentalités se soient ouvertes au développement au sens de la
croissance économique. En effet 20 ans sont nécessaires pour s’affranchir de l’obstacle principale du
développement : les mentalités. Après quoi, les débuts de la hausse du niveau de vie et donc de la
hausse de l’épargne et des investissements s’opèrent progressivement et permettent progressivement
l’innovation technique afin d’entamer la…
5. Ere de la consommation de masse : biens et services sont consommés en masse et l’offre augmente
proportionnellement à la consommation, l’une entraîne l’autre.
Ces étapes décrivent assez justement le système capitaliste et son schéma selon lequel la ruralité est
considérée comme un frein au développement.
Les critiques : problème d’hétérogénéité des territoires
o Anthropologues : l’idée qu’on puisse appliquer un modèle unique en 5 étapes à l’humanité entière fait
doucement sourire, ou pleurer.
o Alfred SAUVY (XXe) : créateur du terme Tiers-Monde, il va lui-même préciser qu’il n’y a pas un Tiers-
Monde mais des Tiers-Monde. La pluralité des pays empêche la singularité de ce modèle.
o La critique de l’impérialisme apparaît en même temps que les étapes de Rostow font un tabac dans les
années 1960-70. Son application et les critiques qui vont avec coexistent.
Lewis est un économiste métis, et c’est important de le savoir. Il obtiendra un Prix Nobel pour sa théorie
dont le modèle est simple mais innovant. En effet il préconise que les théories de la croissance
traditionnelles soient adaptées aux spécificités des pays en développement.
Les pays en développement sont caractérisés par une économie duale : deux secteurs coexistent
o Le secteur traditionnel : caractérisé par des activités agricoles et informelles et surtout par un
surplus de main d’œuvre
o Le secteur moderne : caractérisé par les industries capitalistes qui fonctionnent sur le mode du
profit qui permet de financer l’investissement et de développer les activités économiques.
(1) Le secteur traditionnel sert de réservoir au secteur industriel jusqu’à prendre le tournant de
Lewis qui désigne le moment où la majorité de la main d’œuvre bon marchée du secteur
traditionnel a été absorbée par l’industrie moderne.
(3) Par effet de ruissellement, la croissance permette la revalorisation du travail de cette main-
d’œuvre bon-marché. Les inégalités vont être réduites.
A. Lewis va théoriser la théorie du ruissellement qu’il désigne en tant que tricle down effect. Selon lui,
l’enrichissement des plus riches leur permet d’investir, créer de l’activité et recruter de la main d’œuvre
sous-payée pour créer un capital suffisant et progressivement, par effet de ruissellement, se détacher
des contraintes liées à la faim et aux maladies.
Les ajustements et alternatives à la
théorie moderne du développement
LA CRITIQUE OBJECTIVE DE L’ECONOMIE DE MARCHE : DE KARL POLANY
K. Polanyi est un anthropologue et économiste qui rédige La Grande Transformation (1944). Il y étudie
les logiques de développement économique européennes depuis les prémices anglo-saxonnes jusqu’à
la fin de la guerre de 1945.
1. L’économie du marché libre est une construction socio-historique et non un trait de la nature humaine :
les concepts de « l’homo economicus » et du « marché » ne sont pas universels.
Le coût social est trop important pour que l’utopie du marché autorégulateur s’applique effectivement.
La société va forcément réagir pour protéger ses membres en développant des systèmes de protection
sociale ou des mesures protectionnistes. Le problème ne vient pas en soit des mesures mais vient de
l’entrée en contradiction de celles-ci avec les exigences du marché : contradictions qui ne peuvent que
mener à des effondrements de systèmes monétaire, à la montée des autoritarismes, à un
interventionnisme excessif des Etats, etc. Autrement dit, par un travail anthropologique : il accuse le
libéralisme d’avoir mené à la guerre et d’avoir livré aux mains des bureaucrates la responsabilité de
l’économie.
Ainsi K. Polanyi ne critique pas l’industrie mais l’idéologie du développement des sociétés par le
développement industriel : sa critique est radicale car elle est objective et elle est objective car elle est
anthropologique.
Il est donc essentiel de réencastrer l’économie dans le social : concrètement il veut dire que le marché
doit être domestiqué par une construction économique plurielle qui reposerait à la fois sur le marché
et le troc. La redistribution et la réciprocité doivent être mots d’ordre d’une économie de marché
sociale. Il s’agit du seul moyen pour rattacher l’économie de marché au réel.
LES AMENDEMENTS DES MOUVEMENTS CHRETIENS DE GAUCHE
Le catholicisme social va fonder la base de l’organisation des ONG qui œuvrent au développement, dans
une logique qui n’est pas économique. Ce mouvement incarne la théologie de la libération qui désigne
la façon dont les hommes d’Eglise se mobilisent aux côtés des populations autochtones, paysannes,
ouvrières, pour supporter leurs causes.
o L’Abbé Pierre fait partie des figures mythiques du mouvement : il crée pendant l’hiver 1954 une
fondation pour loger les pauvres qui dorment dans la rue.
o Le Père Lebret exprime en 1958 la possibilité qu’un développement des anciennes colonies dans le
respect des populations et de leur culture. Il crée le comité contre la faim. Et, suite à une rencontre avec
le Pape, il appelle les Africains à prendre leur destin en main.
o François PERROUX, un économiste proche de l’Abbé Pierre crée l’IEDES en 1957 : l’idée-même qu’il faille
étudier l’économie du développement est marginale à cette époque.
Théoriser et étudier permet d’ancrer le développement dans la réalité. Ces figures religieuses ne
renoncent pas à leur croyance, mais ils évitent grâce à la théorisation un surcroit d’aveuglement. Ils
se refusent ainsi à s’obstiner dans des erreurs au nom de croyances sans les examiner, les
questionner. Ce qui ne les empêche pas, comme tout un chacun, de faire des erreurs.
Cette forme de mobilisation des acteurs religieux aux côtés des populations déshérités a un effet
aimant : nombreux sont ceux qui s’engageront. Nous faisons d’ailleurs partie de leurs descendants.
Pistes de réflexion : il est sans doute très dur de résoudre les problèmes économiques de cette terre,
mais il est sûr que nous n’y parviendrons pas si on se repose sur une forme de complaisance et la non-
objectification de notre position. Si se tromper est notre destin à tous : il est sain de partir de ce principe
plutôt que de s’enfermer dans sa conviction et se tromper sans remise en question. Une mystique de
l’action dans le développement invoque à l’action dans l’espoir que quelque chose de bien ait lieu. Le
développement est une action qui ne se fait pas seulement pour soi mais pour les autres et sans les
autres : je vais vous aider, ne bougez pas. [Question : le développement aujourd’hui est dans une
situation de conscience qu’il se trompe ou dans une obstination convictionnelle ?].
Les populations des pays en développement voient les catholiques s’engager à leurs côtés. Aux
catholiques s’engagent des acteurs communistes qui poussent les prolétaires à prendre leur sort en
main. L’idéologie communiste est précisée par deux idéologies importantes :
o Trotskisme : les communistes qui se souciaient de développement étaient trotskistes. Les communistes
se divisaient en effet entre ceux qui considère que les luttes prolétaires doivent être soutenues à un
niveau mondial et ceux qui considère que le soutien doit d’abord se concentrer sur l’URSS pour en faire
un modèle de révolution mondial. Trotski soutient la première thèse tandis que Staline et R. Luxembourg
soutiennent la deuxième.
o Maoïsme : il succède au trotskisme chez ceux qui se soucient du développement. Il a une interprétation
de l’histoire révolutionnaire, et du monde. Il fait reposer la révolution sur les paysans et non pas les
ouvriers. Cette pensée qui ne considère pas les ruraux comme les boulets du développement prend le
contre-pied de la critique communiste.
13.12.2018
Ainsi dans le même temps qu’on s’offusque de l’horreur de la seconde guerre-mondiale et qu’on
développe des théories de développement : l’histoire continue autour de la poursuite des violences
coloniales et des guerres de décolonisation et d’indépendance. Le contraste est choquant entre théorie
et réalité. Schématiquement : ces violences sont perpétrées par le Nord, aux dépends du Sud.
Dans cette nébuleuse idéologique et soumis à la réalité : les seuls qui cherchent à écarter à la bipolarité
Nord-Sud sont les non-alignés.
LA TENTATIVE DE REFUSER LA BIPOLARITE NORD-SUD : LES NON-ALIGNES
La Conférence de Bandoeng en 1955 est organisée par les pays qui ne veulent pas subir l’influence de
l’un ou l’autre corps. Ils sont portés par la puissance Indienne. La conférence fait émerger de nouveaux
leaders du tiers-monde : Nehru en Inde, Mao en Chine, Tito en Yougoslavie, Ho-Chi-Min au Vietnam,
Ghandi en Inde et Sankara au Burkina Faso.
Ils construisent leur idée de l’indépendance par la lutte contre l’envahisseur colonial, et construisent
leurs idées sur une économie socialiste plutôt que capitaliste. De ce point de départ commun des
leaders non-alignés, des formes de résistance différentes se dessinent.
Résistances différentes
Le refus de coopération : Gandhi propose un programme de non coopération. Il refuse toute
participation au programme de développement européen.
L’indépendance dans l’interdépendance : Georges Balandier est soutenu par ceux qui se rangent dans
une conscience mondialiste. L’indépendance et notre vision du développement devrait nous aider à
accéder à la modernité. Nous devons être interdépendant dans notre dépendance. Les puissances
européennes, sont des puissances mais indépendantes puisqu’elles ont des besoins mutuels. Ceux-là se
considèrent lucides dans leur vision de l’indépendance des blocs.
En 1956, lors de la seconde conférence des non-alignés, l’Egypte annonce la nationalisation du Canal de
Suez. Nasser va ainsi causer l’évacuation des trust internationaux, portés par les intérêts européens dit
impérialistes.
Les théories de la dépendance sont très influentes dans les années 1960-70. Elles s’inscrivent dans le
sillage des mobilisations politiques anti-impérialistes et naissent en Amérique latine. Elles théorisent à
l’échelle du monde pourquoi les sociétés en développement ne se développent en fait pas.
L’idée des théories de la dépendance veut que les pays du Sud vivent sous la dépendance des pays du
nord. A l’époque, une telle affirmation est révolutionnaire puisqu’elle accuse la politique de
développement de ne pas permettre le développement. Autrement dit, on accuse le développement
dit moderne de conserver la dépendance économique des pays du sud aux pays du nord, en dépit des
indépendances politiques.
Cette critique qui est la plus radicale des théories de la dépendance est formulée par l’économiste et
sociologue AD. Gunder Franck.
Il est en contradiction directe avec A. Lewis : plutôt que de compter sur la théorie du ruissellement, il
veut donner immédiatement des moyens de stabilité économique et sociale aux plus pauvres des
pauvres. C’est-à-dire un accès à la santé, l’éducation, la terre, des garanties de travail, etc.
LE DEVELOPPEMENT ENDOGENE
La critique du développement comme un instrument de la domination impériale est à l’origine de la
théorie selon laquelle la pauvreté est le résultat de l’application de modèle de développement conçu par
et adapté à d’autres sociétés. Il faut moderniser les structures et cadres de pensée déjà existants, il ne
faut pas en créer de nouveaux. Les populations doivent participer pour le que développement soit adapté,
fonctionne et qu’elles se « conscientisent ». Chaque société a sa stratégie et trajectoire de
développement.
L’approche de ce développement est culturaliste et donc plutôt apolitique voire anhistorique. Il
présuppose le « retour à l’authenticité » or ce retour quasiment contraint est une réinvention moderne
de l’authenticité.
o Joseph KI-ZERBO promeut la question du développement endogène en appliquant une nuance
importante et qui répond à la critique d’une authenticité feinte. Ce qui fait la réussite du développement
ne serait pas l’abandon d’une technique externe mais le choix pondéré du réinvestissement de
techniques extérieures pour qu’elles correspondent au mieux aux besoins et enjeux définis dans l’espace
d’intervention.
La question du rôle de l’Etat est évoquée ici et permet d’enchaîner sur des questionnements plus larges
sur les théories de protectionnisme, interventionnisme et libéralise de l’Etat : quel a été son rôle dans
le développement.
Les idéologies dans la pensée du
développement : penser le rôle de l’Etat
Le rôle de l’Etat est une problématique très ancienne. Les révolutions s’expriment en général contre
une certaine organisation de l’Etat.
1. L’économie du marché libre est une construction socio-historique et non un trait de la nature
humaine : les concepts de « l’homo economicus » et du « marché » ne sont pas universels.
Politiques présentées et planifiées par le FMI ou la Banque mondiale pour permettre aux pays
touchés par de grandes difficultés économiques de sortir de leur crise.
Il s’agit d’un ensemble de dispositions dont certaines agissent sur la conjoncture et d’autres sur les
structures. Ces dispositions résultent de négociations entre le pays endetté et l’institution pour
modifier le fonctionnement économique du pays. Le FMI conditionne son aide à la mise en place de
réformes à caractère libéral qu’il considère pérennes : marchandisation des biens, dérégulation de
l’économie, ouverture au libre marché mondial.
Cependant que sociologues, politologues, etc. ne s’intéresse plus au développement, Rist et d’autres se
saisissent du sujet. Dans le contexte néo-libéral mettent en avant des problématiques majeures qui
empêchent la réussite de ces objectifs :
∆ La technicisation : le problème majeur de l’idéologie néo-libéral est qu’elle sectorise et divise pour être
efficace mais elle ne replace pas par la suite ses théories dans un contexte de rapports sociaux.
∆ La dépolitisation : l’idéologie néo-libéral, dans son rejet de l’Etat, opère par extension un oubli du
politique. Désormais, personne ne penserait plus le développement politique et social comme processus
de l’histoire. Une technique parfaite, et dépolitisée est parfaitement inutile car inapplicable. Ne jamais
s’interroger sur la débilité de l’Etat, ne pas anticiper la situation : c’est s’assurer un échec.
Exemple : lecture technique et descriptive de comment le Maroc peut investir dans certains secteurs plutôt
que d’autre, mais oubli des raisons sociales pour lesquelles le pays refuse tout simplement d’investir depuis
des années dans certains secteurs.
La politique de la Banque Mondiale est donc parfaitement inutile puisque parfaite sur le plan technique
mais aveugle de la réalité politique. De plus, celle-ci se refuse à intervenir dans la souveraineté des
Etats : des mesures appliquées dans des Etats débiles sont inutiles. Les plus cyniques disent que ni la
paix ni l’égalité sociale ne seront jamais. Ceci pour dire que l’opposition au développement se justifie
au moins pour cette dénonciation.
L’Île de Nauru se situe dans le Pacifique entre la Chine et l’Australie. Elle est aussi appelée Bird Shit
Island parce qu’on y extrait du guano (fiente d’oiseau) pour produire du phosphate.
Nauru est découvert au moment de la colonisation par les Anglais qui identifient la capacité extractive
de l’île. Elle sert d’abord de refuge à des déserteurs et des pirates. Quand une nouvelle population
s’installe sur une île, des relations et des conflits s’installent. Conflits, guerres, ressources.
Depuis le XIXe les Chinois viennent prélever du Guano. Les allemands arrivent, le conflit dure et
l’empire allemand récupère la possession de l’île et développe l’extraction massive de phosphate. Les
chinois qui ont un pied sur l’île depuis longtemps négocie et les australiens font valoir leur proximité.
Les allemands perdent la possession et chinois et australiens s’en partagent l’exploitation. Dans les
années 70, la montagne de Guano n’est plus, tout a été extrait.
L’activité extractive se finissant, Nauru invoque l’ONU pour se voir reconnu son statut de victime :
celui-ci lui sera accordé mais sans réparation matérielle à la clef, un droit de siège lui sera accordé.
Aujourd’hui, Nauru travaille en vendant son vote à la Russie au CS de l’ONU. Nauru l’allié fidèle de la
Russie est rémunéré pour cette raison.