UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN

FACULTÉ DE PHILOSOPHIE, ARTS ET LETTRES

HISTOIRE

LHIST 1244 : HEURISTIQUE SPÉCIALE ET EXERCICES SUR DES QUESTIONS

D’HISTOIRE : ÉPOQUE CONTEMPORAINE

« LE VOYAGE DU ROI BAUDOUIN AU CONGO EN 1970 »

Professeur : Vincent Dujardin

Assistante : Claudia Julien

Année académique 2021-2022

Baptiste Masson
HIST 12B

1
Introduction
Alors que les relations entre la Belgique et la République démocratique du Congo étaient
tendues entre 1966 et 1968, la résolution de l’affaire des mercenaires assainit les relations
entre les deux pays. Entre 1968 et 1970, le président Mobutu va effectuer plusieurs voyages à
Bruxelles. Les relations entre les deux pays s’améliorent, en mars 1970 des accords de
coopérations sont signés et la visite royale de Baudouin en juin 1970 vient parachever les
efforts de réconciliation. Le Roi est ainsi invité à participer aux célébrations pour la dixième
année d’indépendance du Congo.1
La visite du roi des Belges est extrêmement attendue et est vue comme une grande avancée
dans les relations entre la Belgique et son ancienne colonie. Les journaux africains titrent la
réconciliation entre les deux pays et prônent la coopération. Mais qu’elle a été l’impact de
cette visite ? Le passage du roi Baudoin a-t-il entraîné des répercussions à long terme sur
l’entente entre les deux nations et sur la coopération technique déjà effective ? Est-ce que la
visite du roi Baudouin a permis de consolider la relation entre la Belgique et le Congo ou bien
cette visite n’a menée à rien de concret ?
De plus comment le roi était-il perçu par les populations locales du Congo ? Que reste-t-il de
l’image du roi Leopold II et quelle influence cette image a-t-elle pu avoir sur celle de
Baudouin ? Le passage de Baudouin marque-t-il réellement un renouveau pour les relations
entre la Belgique et la jeune République démocratique du Congo. Dans plusieurs, travaux et
même sources on fait mention que cette relation est celle de deux pays égaux et plus de celle
de colon à colonisé ou bien une sorte de néo colonialisme dissimulé. Est-ce vraiment la
perception des médias à cette époque ?
Pour analyser ces questions nous allons nous pencher sur le dossier d’archive 18808 I au
ministère des Affaires étrangères. Ce dossier est spécialement consacré à la visite du roi au
Congo. Nous détaillons le contenu du dossier plus loin dans ce travail. De plus, dans notre
analyse nous nous appuyons sur le mémoire de Stéphanie Hocq, « Bwana Kitobo » et les
visigtes d’Etat au Congo : de la découverte à la désillusion, des retrouvailles aux prémices de
la rupture (1955-1959-1960-1970-1985), portant justement sur la visite que nous devons
analyser. Stéphanie Hocq a analysé le même dossier d’archives que nous et le travail qu’elle a
effectué est précis et rigoureux. Bien sur nous ne nous limiterons pas à répéter ce que Hocq a
fait, et nous essaierons de trouver de nouvelles interrogations. En dehors des archives et de ce
travail nous avons trouvé assez peu de références parlant clairement de la visite du roi et des
implications de cette visite.

1
HOCQ Stéphanie, « Bwana Kitobo » et les visigtes d’Etat au Congo : de la découverte à la désillusion, des
retrouvailles aux prémices de la rupture (1955-1959-1960-1970-1985), Université Catholique de Louvain, 2009,
p. 171-175 [Mémoire en Histoire].

1
Analyse des archives (18808 I)
Le contexte en Belgique lors du voyage du roi est celui du début de la fédéralisation de la
Belgique. L’affaire Louvain et le Walen Buiten en 1968. Période chaotique en politique. En
décembre 1970, les communautés et les régions sont créées.
Les archives de 1970 présentent assez précisément la vision du ministère des affaires
étrangères sur le Congo. Un dossier détaille la situation politique de 1969. Depuis 1965, le
président est totalement central dans la prise de décisions. La figure de Mobutu est
omniprésente. On pourrait presque plus parler de relations entre la Belgique et Mobutu, plutôt
qu’entre la Belgique et le Congo. Les médias belges se réjouissent de la stabilité du Congo et
de la relance économique qui s’amorce. Et l’acteur principal de cette sortie d’une mauvaise
situation est Mobutu pour les journaux belges. 2 Mais les journalistes ne sont pas dupes sur le
risque de dérive autoritaire du pouvoir de Mobutu. Bien sur les médias ne sont pas que
positifs et le Congo doit encore faire faces à de nombreux soucis de pauvreté, de corruption et
l’économie se relève énormément grâce au cours élevé du cuivre mais pour certains experts
celui-ci n’est pas aussi sur que ce que tout le monde pense.
La visite du roi au Congo se fait dans le cadre du dixième anniversaire de l’indépendance du
Congo. Et cette visite vient sceller la réconciliation entre les anciens colons et colonisés. Une
visite de Mobutu à Bruxelles se fait déjà dans un cadre plus serein en 1968.
Mobutu a pris le pouvoir au Congo en 1965 par un putsch et son régime durera 32 ans. Son
apparente stabilité montre en fait une dégradation graduelle de la situation du pays sous
l’autorité de Mobutu. Certes, le Congo ne connait plus alors de guerre civile et semble
reprendre une vie économique normale mais les partis sont interdits et le parti unique de
Mobutu (Mouvement Populaire de la Révolution) remplace peu à peu les institutions. 3 Durant
la même période, Mobutu, ses proches et les grand du régime pillent les finances du Congo.
Ces éléments mènent à l’accumulation d’une immense dette à l’internationale. Dans les
premières années du régime le PIB augmente fortement mais cela ne dure pas éternellement et
il finit par redescendre encore plus bas qu’au début du régime.4
En 1967, les relations entre le Congo et la Belgique sont au plus bas. Des troubles dans le
pays, comme des mercenaires et des mutineries éclatent dans l’est du pays et Mobutu suspecte
des forces occidentales d’en être à l’origine. Des incidents coutent la vie à une vingtaine de
Belges au Congo et l’ambassade belge est mise à sac. Ces tensions s’affaiblissent entre 1968
et 1969 avec deux voyages de Mobutu à Bruxelles et enfin par l’évènement qui nous intéresse
la visite du souverain belge au Congo pour le dixième anniversaire de l’indépendance. Mais
cette normalisation des contacts n’est que temporaire et les tensions reprennent quand en à
partir de 1973 Mobutu lance sa politique de « zaïrianisation » du pays et nationalise les
grandes entreprises détenues par des étrangers dont des belges.5

2
HOCQ Stéphanie, « Bwana Kitobo » et les visigtes d’Etat au Congo : de la découverte à la désillusion, des
retrouvailles aux prémices de la rupture (1955-1959-1960-1970-1985), Université Catholique de Louvain, 2009,
p. 166-167 [Mémoire en Histoire].
3
VANTHEMSCHE Guy, La Belgique et le Congo. L’impact de la colonie sur la métropole, nouvelle éd. revue
et augmentée, Cork, Le Cri, 2017, p. 253 (NOUVELLE HISTOIRE DE BELGIQUE).
4
Ibid., p. 254.
5
Ibid., p. 272.

2
La relative force et stabilité du régime de Mobutu sur le plan extérieur et intérieur permet au
Congo de poursuivre son rapprochement avec la Belgique. Et Bruxelles se trouve assez
conciliante avec le régime. Mobutu a deux raisons qui le poussent à ce rapprochement. Il a
besoin des capitaux et de la compétence technique des Belges et il a besoin d’être assuré dans
sa légitimité par le roi des Belges ce qui se fera fait durant le voyage de ce dernier ou on
entend « Baudouin et Mobutu ne sont plus qu’un seul homme ». Mobutu est alors assuré
comme « souverain » du Congo.6
Un Traité d’amitié entre le Royaume de Belgique et la République démocratique du Congo
est signé en présence du roi Baudouin et du président Mobutu le 29 juin 1970. Ce traité
succède à un autre qui n’avait pas été ratifié en 1960.7
Le voyage du roi doit sceller la réconciliation mais les diplomates belges ne sont pas
totalement convaincus. Un député congolais dit « Le Congo est le pays des surprises ». Le
redressement du pays est très fragile. Si le cours du cuivre chute ce serait une catastrophe car
l’économie du pays s’appuie énormément dessus. Ce qui se produira en 1971 puis en 1974.
De plus l’économie du régime de Mobutu est large et ouverte sur le capital étranger mais les
milieux d’affaires belges n’auront pas la capacité de répondre aux attentes.8
Dossier sur la politique du Congo en 1969. L’état passe avant le citoyen dans l’amélioration
des conditions de vie. Trois objectifs. Discipliner le gouvernement et les ministres pour qu’ils
ne fassent qu’exécuter les décisions du président ; utiliser le parti pour convaincre la
population à adhérer au régime et continuer de le reconduire ménager les appuis traditionnels
du chef de l’état et principalement le haut commandement de l’ANC. 9
Le dossier d’archives commence par des documents reprenant des données plutôt factuelles
sur le Congo, sa politique intérieure, extérieure, le gouvernement et le président Mobutu. La
description du régime est accompagnée d’un itinéraire sur le fleuve Congo. Suivi d’une note
sur l’Institut national d’études agronomiques au Congo. Un petit dossier reprend chaque
province du Congo, en répertoriant la superficie, le climat, la population, les ethnies, la
division administrative, les autorités, autorités religieuses, principaux centres,
communications, l’agriculture, l’industrie, historique (bref historique des évènements s’étant
déroulés dans la province comme les guerres, …), l’avenir de la province (prévisions pour le
futur de la province), chef coutumier, le gouverneur, personnalités originaires de la province.
Ces dossiers rapportent des informations diverses et assez précises. On peut aussi trouver un
rapport sur les parcs nationaux du Congo. Une légère description des parcs suivi d’une
description de la visite que fera le roi de ces parcs. Une note sur l’aménagement hydro-
électrique du site d’INGA fait aussi partie du dossier, ce site est visité par le roi. Un rapport
sur les mines et les carrières de la Gecomines (société minière au Congo). Le rapport reprend
les tonnages des différentes régions minières. Une note sur la MIBA. Cette notre reprend,
l’objet et le siège social, le capital de la société, l’origine et les antécédents, le volume et la
qualité de la production, l’origine du diamant, les caractéristiques de l’exploitation, sources
d’énergie, main d’œuvre, importance économique, plus une liste des membres de la MIBA
qui seront présentés aux souverains. Un rapport est aussi consacré sur à la ville de Kinshasa
6
De VILLERS Gauthier, De Mobutu à Mobutu : trente ans de relations Belgique-Zaïre, Bruxelles, De Boeck,
1995, p. 33 (Politique & Histoire).
7
Ibid., p. 38.
8
Ibid., p. 45-46.
9
P. 1 et 2.

3
décrivant la population, les quartiers, les tribus, l’éducation, le travail et les lieux
d’importance comme le Mont Stanley.
D’autres dossiers sont consacrés à différents thèmes comme la situation économique de la
république démocratique du Congo, la coopération technique belgo-congolaise, et l’assistance
technique militaire belge à la république démocratique du Congo.
La suite du dossier d’archives est composée de différents journaux datant du voyage de
Baudouin. La tribune africaine qui titre « Sous le signe de l’amitié retrouvée ». Ce numéro
n’est pas consacré à la visite du roi mais plutôt aux dix ans de l’indépendance du Congo en
parlant sport, diplomatie ou monde des affaires congolais depuis l’indépendance. L’Etoile
traitant plus de la visite qui rapporte le passage pat le site d’INGA, le voyage de Fabiola ou
commentant le discours de Mobutu lors d’un diner de Gala en l’honneur des souverains
belges. Le Progrès qui titre « Un voyage… de bon augure… » revenant aussi sur différents
moments du voyage. Globalement les journaux semblent favorables à la visite et cette parait
être un succès.
Un dossier est consacré au spectacle son et lumière et à son organisation. Le gouvernement
congolais a demandé de l’aide financière au ministère des affaires étrangères belges mais ce
dernier n’a pu répondre à la demande.
Un programme détaillé de la visite des souverains est aussi mis dans le dossier. Plusieurs
versions des discours qui seront faits par Baudouin au Congo au Rwanda et au Burundi sont
aussi présents.
Avant que le roi ne fasse le voyage au Congo, le Grand Maréchal a effectué le même trajet
afin de prendre des renseignements et être sûr qu’il n’y aurait pas de soucis quand le roi
viendrait. Un dossier de documentation reprend le trajet effectué par le grand Maréchal suivi
d’une note pour améliorer ce programme. Un rapport annexe et confidentiel nous apprend que
le grand Maréchal conseille aux souverains de se rendre à Lovanium pour les universitaires.
Une note sur la presse s’y trouve aussi, mentionnant que le président Mobutu aimerait que les
journalistes arrivent deux semaines avant le roi. Il soulève aussi le problème du fait que le
souverain belge ne se rende pas au Burundi.
Des papiers sont ensuite consacrés aux demandes congolaises pour recevoir des distinctions
belges et une liste des différentes personnes qui recevront ces décorations.
Le reste du dossier d’archives est beaucoup plus chaotique et éclectique. Il comporte un grand
nombre de lettres et de télégrammes échangés lors de l’organisation du voyage du roi
Baudouin. Tous ces télégrammes ne possèdent donc pas un intérêt pour nous dans la
réalisation de notre travail. Beaucoup de ces papiers parlent d’organisation très pratique
comme les menus des repas, les places autour de la table, les problèmes d’horaires d’avions,
etc.

4
Conclusion
Nous avons vu que pour les journaux présents dans le dossier d’archives du ministère des
Affaires étrangères et pour un grand nombre de travaux traitant des liens entre la Belgique et
le Congo, ce voyage semble être tout t’abord une grande réussite. Il est vu comme le
renouveau des relations entre les deux pays et le début d’une nouvelle amitié d’égal à égal
entre deux nations. Mais nous avons aussi vu que cette entente ne serait pas longue et que
quelques années plus tard il en est déjà fini de la belle entente entre ancien colon et ancien
colonisé.

5
Bibliographie
Travaux

1. DEVELTERE Patrick, MICHEL Aristide, Chronique d’un demi-siècle de Coopération

Belge au Développement, Bruxelles, SPF Affaires étrangères.

2. « Les relations se détériorent entre la Belgique et le Congo-Kinshasa », dans Le

Monde.fr, 2 décembre 1970, [En ligne],
<https://www.lemonde.fr/archives/article/1970/12/02/les-relations-se-deteriorent-
entre-la-belgique-et-le-congo-kinshasa_2640545_1819218.html>, (Consulté le 9 avril
2022).

3. BRAECKMAN Colette, Congo-Zaire: la colonisation, l’indépendance, le régime

Mobutu, et demain?, GRIP, 1989.

4. BRAECKMAN Colette, Le dinosaure : le Zaïre de Mobutu, Paris, Fayard, 1992.

5. BRASSINNE Jacques, « L’ASSISTANCE TECHNIQUE BELGE AU CONGO

JUILLET 1960 — JUIN 1968 », dans Chronique de politique étrangère, vol. 21,
Egmont Institute, no 3/4, 1968, p. 289-518.

6. BRASSINNE Jacques, « La coopération belgo-zaïroise 1960-1985 », dans Courrier

hebdomadaire du CRISP, vol. 10991100, no 34, 1985, p. 1-78.

7. BRASSINNE Jacques, « La coopération technique entre la Belgique et le Congo - 1968 à

1970 (II) », dans Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 532, no 27, 1971, p. 1-25.

8. CHOMÉ Jules, L’ascension de Mobutu: du sergent Désiré Joseph au général Sese

Seko, F. Maspero, 1979.

9. De VILLERS Gauthier, De Mobutu à Mobutu : trente ans de relations Belgique-Zaïre,

Bruxelles, De Boeck, 1995 (Politique & Histoire).

10. HOCQ Stéphanie, « Bwana Kitobo » et les visigtes d’Etat au Congo : de la découverte
à la désillusion, des retrouvailles aux prémices de la rupture (1955-1959-1960-1970-
1985), Université Catholique de Louvain, 2009 [Mémoire en Histoire].

11. STUDER Benoit, Analyse de l'évolution du traitement médiatique de la figure de

Mobutu dans La Libre Belgique (1965-1997), Université Catholique de Louvain, 2011
[Mémoire en Communication].

6
 12. VAN EECKENRODE Marie et al., Belgique, Congo, Rwanda et Burundi. Guide des
sources de l’histoire de la colonisation (19ème-20ème siècle). Vers un patrimoine
mieux partagé. Le dinosaure : le Zaïre de Mobutu, Bruxelles, Brepols, 2021.

13. VANTHEMSCHE Guy, La Belgique et le Congo. L’impact de la colonie sur la

métropole, nouvelle éd. revue et augmentée, Cork, Le Cri, 2017 (NOUVELLE HISTOIRE
DE BELGIQUE).

14. HASQUIN Hervé, Dictionnaire d’histoire de Belgique : les hommes, les institutions, les
faits, le Congo Belge et le Ruanda-Urundi, Bruxelles, Namur, Didier Hatier, 2000.

Archives
1. BRUXELLES, Archives du Ministère des Affaires étrangères, 18808 I.