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UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN

FACULTÉ DE PHILOSOPHIE, ARTS ET LETTRES


HISTOIRE

LHIST1242 : HEURISTIQUE SPÉCIALE ET EXERCICES SUR DES QUESTIONS


D’HISTOIRE : MOYEN ÂGE :

INTRODUCTION ET BIBLIOGRAPHIE.
« LE CLERGÉ EN ARMES DANS LE MONDE CHRÉTIEN DU 12E AU
15E SIÈCLE »

Professeure: Ruzzier Chiara

Assistente: Bardi Elodie

3 novembre 2021
Baptiste Masson 2794-20-00
HIST 12BA
Masson Baptiste 2794

Introduction
Durant une grande partie du Moyen Âge, et cela est valable presque jusqu’à la fin de l’ancien
régime, la société est organisée de manière tripartite. Cette vision de la société émerge à partir de la
période carolingienne, mais elle est surtout valide pour la période qui nous intéresse ici du 11e siècle au
15e siècle. La société médiévale est donc faite de trois « ordres », ceux qui combattent, ceux qui prient
et ceux qui travaillent. Chaque ordre est défini par le rôle qu’il tient dans la société 1. Nous allons ici
nous intéresser aux cas spéciaux ou cet ordre n’est pas respecté. L’Église a très tôt interdit aux clercs de
porter les armes et de faire la guerre. 2 Mais très tôt aussi cette interdiction n’a pas été respectée et déjà
durant la période carolingienne des gens d’Église, des prélats, prennent les armes pour défendre leurs
villes3.
Les différents contextes dans lesquels nous pouvons voir des membres du clergé prendre les
armes sont très variés. Nous les classerons en deux grandes catégories, les contextes plus « classiques »
et les ordres religieux combattants qui sont un cas plus spécial.
Des membres du clergé ne faisant pas partie d’ordres combattants ont par conséquent pu prendre
les armes dans différentes situations. Au Moyen Âge, une des manières de régler un problème judiciaire
est l’ordalie, le jugement de Dieu, dont une de ses formes est un duel entre les deux personnes
concernées. En théorie, les enfants, les femmes et les clercs sont exemptés de devoir se battre eux-mêmes
et ils peuvent choisir un champion. Malgré cela dans de rares cas des clercs ont pu décider de se battre
eux-mêmes à la place d’avoir à choisir un champion pour les représenter. 4 Les clercs sont aussi appelés
à se battre dans des contextes de défense, de leur personne ou de leur ville si elle est attaquée. Ces cas
sont notamment connus avec le concile de Naplouse qui considère que les prêtres portant des armes pour
se défendre ne sont pas fautifs et le patriarche d’Antioche invitant tous les habitants, et ce y compris les
clercs à défendre les murs de la cité lorsque celle-ci est assiégée. 5
En dehors de ces contextes plus civils, nous pouvons aussi observer des clercs s’engageant dans
les guerres et les conflits. À la fin de la période carolingienne, beaucoup de prélats se retrouvent obligés
de prendre les armes pour défendre leurs villes. Mais d’autres prêtres décident de répondre plutôt à
l’appel de leur seigneur pour la guerre. Certains ecclésiastiques du bas de la hiérarchie s’engagent
comme mercenaires dans des compagnies. 6 Beaucoup des hauts membres du clergé sont des nobles et
ont donc reçu une éducation militaire au maniement des armes. Mais sur les champs de bataille, tous les
prêtres ne se battent pas et beaucoup tiennent des rôles purement religieux.7 Plusieurs évêques et
hommes d’Église sont connus pour leurs exploits guerriers comme Odon, l’évêque de Bayeux, qui
soutient Guillaume le Conquérant et qui décide de se battre avec une masse d’arme pour ne pas faire
couler le sang. 8 Depuis l’époque carolingienne un grand nombre d’ecclésiastiques, comme des évêques
et des abbés, sont obligés de fournir à leur souverain des combattants, voir même de servir le servir

1
DUBY Georges, Les trois ordres ou L’imaginaire du féodalisme, Paris, Gallimard, 1980, (Bibliothèque des
histoires), p. 327-331.
2
BOFFA Sergio, « Le clergé et le maniement des armes au Moyen Âge », dans Revue belge de Philologie et
d’Histoire, vol. 96, Persée - Portail des revues scientifiques en SHS, n o 1, 2018, p. 177-191
3
Ibid., p. 177-191.
4
Chabas Monique et Timbal Pierre-Clément, Le duel judiciaire en France : XIIIème - XVIème siècles, Saint-
sulpice de favieres, Jean-Favard, 1973, p. 69-70.
5
BOFFA Sergio, op. cit., p. 178.
6
CONTAMINE Philippe, Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge. Tome 1 : Études sur les armées des rois de
France 1337-1494, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 26 juillet 2013, p. 171.
7
Ibid.
8
BOFFA Sergio, op. cit., p. 188.
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personnellement lors de ses expéditions. Pléthore de chartes, de registres peuvent mettre en évidence la
présence des évêques dans les armées des rois de France. 9
Maintenant, il serait impossible d’aborder le sujet des prêtres combattants sans parler des ordres
combattants. Ces premiers ordres naissent au début du 12e siècle après la conquête de la terre sainte par
les croisés. Il y a alors un besoin d’une force militaire permanente pour défendre les territoires des états
latins. Pendant longtemps, les seules forces militaires permanentes sont les ordres combattants. Ils sont
les troupes d’élite de la défense de l’orient chrétien. 10 Leur originalité est qu’ils « brisent » le système
tripartite de la société en réunissant les combattants et les religieux. 11
Comme il est dit dans l’article de Sergio Boffa12, ce thème, mis à part les ordres religieux, n’a
jamais fait l’affaire d’un seul grand travail de synthèse. Ce sujet est par conséquent assez peu travaillé,
mis à part ici et là quelques monographies. Il a été assez compliqué de trouver un grand nombre de
références parlant du clergé en armes. La plupart des travaux s’intéressent plutôt au jugement que
l’Église pose sur la guerre et sur sa conduite. Les religieux allant au combat restent une minorité et c’est
donc un phénomène assez marginal qui a été peu étudié.
Au vu de toutes ces informations la première question qui me vient à l’esprit est pourquoi, en
dehors des contextes de défense, des ecclésiastiques en viennent à prendre les armes ? Leur rôle dans la
société n’était clairement pas le combat et malgré les interdictions certains insistent tout de même pour
se battre. Quelle raison les pousse à se battre ? Mais mon deuxième questionnement plus profond est
celui de l’appréciation sociale de cette pratique. Ces clercs vont à l’encontre de la loi, mais aussi de leur
rôle idéal dans la société. Ils abandonnent la prière pour le combat armé. Comment sont-ils vus par la
justice ? Et enfin que pensent leurs contemporains ? Le contexte de la prise des armes a-t-il un impact sur
la façon dont est vu un prêtre combattant ? Les ordres militaires sont-ils admirés ? Un prêtre se battant
pour sa légitime défense est-il bien vu ? Nous nous posons donc la question de l’acceptation sociale des
prêtres en armes dans une société tripartite aux ordres bien définis. 13

9
ROUCOLE Fabien, « Les pratiques : pourquoi et comment s’impliquer dans les conflits armés », dans Prélats et
hommes de guerre dans la France du XVe siècle, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 15
octobre 2021, (Le temps de l’histoire), p. 11-87, [En ligne], <http://books.openedition.org/pup/47453>,
(Consulté le 2 novembre 2021).
10
DEMURGER Alain, Chevaliers du Christ : les ordres religieux militaires au Moyen-Age (XIe - XVIe siècle),
Paris, Seuil, 2002, p. 11.
11
Ibid., p. 17-18.
12
BOFFA Sergio, op. cit., p. 180.
13
DUBY Georges, op. cit., p. 327-331.
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Bibliographie

1) ARNOLD Benjamin, « German Bishops and their Military Retinues in the Medieval
Empire », dans German History, vol. 7, no 2, 1 avril 1989, p. 161-183.
2) AVERKORN Raphaela, « Les clercs face aux émeutes urbaines au Bas Moyen Âge dans
le nord-ouest, nord et nord-est de l’Allemagne », dans Le clerc au Moyen Âge, Aix-en-
Provence, Presses universitaires de Provence, 17 janvier 2014, (Senefiance), p. 11-29.
3) BACHRACH David Stewart, Religion and the conduct of war, c. 300-1215, Rochester,
Boydell press, 2003, (Warfare in history).
4) BATES David R., « The Character and Career of Odo, Bishop of Bayeux (1049/50-
1097) », dans Speculum, vol. 50, no 1, 1975, p. 1-20.
5) BOFFA Sergio, « Le clergé et le maniement des armes au Moyen Âge », dans Revue
belge de Philologie et d’Histoire, vol. 96, no 1, 2018, p. 177-191.
6) BROWN R. Allen, BARTHÉLEMY Dominique et EDWARDS Graham Robert, « The Peace
of God and Bishops at War in the Gallic Lands from the Late Tenth to the Early
Twelfth Century », dans, LEWIS C.P. (éd.), Anglo-Norman Studies XXXII :
Proceedings of the Battle Conference 2009, Boydell & Brewer, 2010, p. 1-23.
7) CHABAS Monique et TIMBAL Pierre-Clément, Le duel judiciaire en France : XIIIème -
XVIème siècles, Saint-sulpice de favieres, Jean-Favard, 1973.
8) CHAMBERS David, Popes, Cardinals and War: The Military Church in Renaissance
and Early Modern Europe, London, I.B. Tauris, 2007.
9) CONTAMINE Philippe, Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge. Tome 1 : Études
sur les armées des rois de France 1337-1494, Paris, Éditions de l’École des hautes
études en sciences sociales, 2013.
10) DEMURGER Alain, Chevaliers du Christ : les ordres religieux militaires au Moyen-Age
(XIe - XVIe siècle), Paris, Seuil, 2002.
11) DEMURGER Alain, Les templiers : une chevalerie chrétienne au Moyen Age, Paris,
Seuil, 2014, (Points, 404).
12) DUGGAN Lawrence G., Armsbearing and the Clergy in the History and Canon Law of
Western Christianity, Boydell & Brewer, 2013.
13) FIRTH Matthew, « [Review] The Church at War: The Military Activities of Bishops,
Abbots and Other Clergy in England, c. 900–1200 by Daniel Gerrard », vol. 4, 2017.
14) FLORI Jean, Chevaliers et chevalerie au Moyen Age, Paris : Hachette Littératures,
1998, (La vie quotidienne).
15) FLORI Jean, Croisade et chevalerie (XIe-XIIe siècles), Bruxelles, De Boeck, 1998,
(Bibliothèque du Moyen Âge (De Boeck), 12).
16) GAIER Claude et JORIS André, Armes et combats dans l’univers médiéval, 2e tir. (cop.
1995), Bruxelles, De Boeck, 2004, (Bibliothèque du Moyen Âge (De Boeck), 5,22).
17) GÉRAUD Hercule, « Le comte-évêque. », dans Bibliothèque de l’École des chartes, vol.
5, no 1, 1844, p. 8-36.
Masson Baptiste 2794

18) HEINZELMANN Martin, « Friedrich Prinz, Klerus und Krieg im früheren Mittelalter.
Untersuchungen zur Rolle der Kirche beim Aufbau der Königsherrschaft, 1971 », dans
Francia, vol. 3, 1975, p. 746-749.
19) JAQUET Daniel, L’art chevaleresque du combat Le maniement des armes à travers les
livres de combat (XIVe-XVIe siècles), 1re édition, Éditions Alphil-Presses
universitaires suisses, 30 octobre 2013.
20) LOUD G.A., « The Church, Warfare and Military Obligation in Norman Italy », dans
Studies in Church History, vol. 20, Cambridge University Press, 1983, p. 31-45.
21) MCNAB Bruce, « Chapter 20. Obligations of the Church in English Society: Military
Arrays of the Clergy, 1369–1418 », dans Order and Innovation in the Middle Ages,
Princeton University Press, 2015, p. 293-314.
22) MÜLLER Wolfgang P., « Violence et droit canonique : les enseignements de la
Pénitencerie apostolique », dans Revue historique, vol. n° 644, no 4, 2007, p. 771-796.
23) RILEY-SMITH Jonathan, « Kirche und Krieg im 12. Jahrhundert. Studien zu
kanonischem Recht und politischer Wirklichkeit », dans The Journal of Ecclesiastical
History, Cambridge University Press, vol. 33, no 2, avril 1982, p. 290-291.
24) ROUCOLE Fabien, « La mort d’un prélat au combat. Jean de Montaigu, archevêque de
Sens, et la bataille d’Azincourt », dans Autour d’Azincourt. Une société face à la
guerre, 2017, p. 69-89.
25) ROUCOLE Fabien, « Quand porter les armes pouvait favoriser une carrière
ecclésiastique : Les clercs de cour et le service armé au XIVe siècle », dans Francia,
vol. 47, 2020, p. 59-76.
26) ROUCOLE Fabien, Prélats et hommes de guerre dans la France du XVe siècle, Aix-en-
Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2020, (Le temps de l’histoire).
27) RUSSELL Frederick H., The just war in the Middle Ages, Cambridge, Cambridge
university press, 1975, (Cambridge studies in medieval life and thought, 8).
28) SEWARD Desmond, The monks of war: the military religious orders, London, Eyre
Methuen, 1972.
29) SOT Michel, « DES Evêques à la guerre (VIIIe-XIIIe siècle) », dans BARTHÉLEMY
Dominique et CHEYNET Jean-Claude (éd.), Guerre et société au Moyen Âge : Byzance
– Occident (VIIIe-XIIIe siècle), Paris, Association des amis du Centre d’histoire et
civilisation de Byzance, 2010, (Centre de recherche d’histoire et civilisation de
Byzance, 31).
30) VAUCHEZ André, XI. L’Église et la guerre du Moyen Âge à la Renaissance, Hermann,
2016, (L'Homme et la Guerre).

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