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Histoire générale du Congo

des origines à nos jours


Couverture : Logo du Cinquantenaire de l’Indépendance du Congo.
Sous la direction du
Professeur Théophile OBENGA

Histoire générale du Congo


des origines à nos jours

III. Le Congo au 20e siècle

Préface par Denis SASSOU NGUESSO


Président de la République du Congo

L’HARMATTAN
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-13628-1
EAN : 9782296136281
PREFACE

Inaltérable conviction, dans l’intelligence pratique de


l’action politique pour bâtir une nation, édifier une patrie,
construire un Etat dans le monde moderne, notre constante
réflexion, par goût personnel (à cause de la prime éducation au
village) et par expérience des affaires publiques (à cause des
nécessités circonstancielles et des responsabilités), est que
l’histoire ne saurait se résoudre en une succession de péripéties
fortuites, mais qu’elle est, assurément, l’expression même de
la relation dialectique entre le présent et l’avenir, le passé
restauré et assumé, les faits connus.
C’est cela la liberté qui garantit et préserve les valeurs de
paix sociale, d’espérance collective, les vertus de démocratie
et de travail qui procurent la prospérité et le bonheur.
Affaire de mémoire et de conscience, l’histoire est également
une affaire d’historicité, c’est-à-dire de valeurs fondamentales
qui sous-tendent toute action humaine remarquable.
Dès lors, il nous plaît de féliciter l’équipe mise en place,
pour ses compétences, en vue de la rédaction de ce premier
ouvrage de synthèse sur l’Histoire générale du Congo, des
origines à nos jours. Ce travail patriotique de science et de
culture, de connaissance et de pédagogie, trouvera
nécessairement, et toujours, grand accueil auprès de tous les
Congolais et de tous les amis du Congo de par le monde. C’est
un des fermes souhaits à la Nation que nous formulons à
l’occasion de la célébration du Cinquantenaire de
l’Indépendance de la République du Congo.

Denis Sassou Nguesso


Président de la République du Congo
PARTIE VII
HISTOIRE POLITIQUE ET INSTITUTIONNELLE
(1958-2010)
CHAPITRE 1er
NAISSANCE, INDEPENDANCE, ET GESTION DE LA
PREMIERE REPUBLIQUE (1958-1963)

Par Jean-Marie MELPHON KAMBA

Le processus de formation de la République du Congo peut


être globalement divisé en trois âges : l’âge de la constitution
formelle du territoire ou de la naissance de la nation
congolaise (décret 26 juillet 1886)1, avec l’agglomération par
la colonisation française des différentes ethnies à l’intérieur
d’un même espace de 342 000 km2, dénommé Moyen-Congo ;
l’âge de la proclamation de la République (28 novembre 1958)
ou l’élévation du territoire du Moyen-Congo au rang d’Etat
autonome, membre de la Communauté française ; l’âge de
l’indépendance (15 août 1960) ou l’âge de l’affranchissement
et de la « décommunautarisation ».
De ces trois moments, la naissance et l’indépendance de la
République du Congo, constituent deux actes tout aussi
historiques que fondateurs, autour desquels culmina le point
d’achèvement de la longue nuit coloniale.

A peine sorti du cauchemar, c’est malheureusement dans un


environnement politique contrasté que le Congo a assumé ses
cinq premières années d’héritage colonial (1958-1963),
fortement marquées par deux tâches noires qui inaugurèrent le
1
Cf. Décret 26 juillet 1886 qui tire son fondement de la Convention du 5
février et de l’Acte général de Berlin du 26 février 1885.
Voir l’explication pertinente de Jérôme Ollandet à ce sujet dans son
ouvrage ; Tchicaya Opangault Youlou. Vie politique au Congo
Brazzaville, 1945-1964, Brazzaville, La Savane, 2007, pp.152-156

-9-
cycle d’instabilité institutionnelle de la vie politique post-
indépendance, caractérisée, comme l’observe judicieusement
Denis Sassou Nguesso, par une logique de violence politique
qui se résume en termes de « Construction-destruction »2.

La nécessité d’apporter un éclairage sur ce processus qui vit


l’avènement, l’indépendance, et la gestion de la République
entre 1958 et 1963, a motivé la rédaction du présent chapitre.

I- La naissance de la République du Congo (28


novembre 1958)

Cette naissance prend appui sur un ordonnancement


juridique « révolutionnaire » qui, en l’espace de douze ans
(1946-1958), a vu la transformation du territoire du Moyen-
Congo en Territoire décentralisé, dans le cadre de l’Union
française, et en République, dans le cadre de la Communauté,
2
Cf. Interview de Denis Sassou Nguesso, président de la République du
Congo, à la télévision congolaise en juillet 2010. Dans la foulée des
préparatifs des festivités du Cinquantenaire de l’indépendance du Congo,
Denis Sassou Nguesso a résumé de manière magistrale, ce qu’aurait été
la vie politique tumultueuse congolaise au cours de ces cinquante années
d’indépendance, et dont les premiers signes remontent à la première
République avec deux tâches noires :
- le consensus national obtenu autour de la proclamation de la
République, le 28 novembre 1958, s’est défait le même jour, à la suite
d’une mésentente qui opposa les Conseillers UDDIA aux Conseillers
MSA, à propos de la non prise en compte de l’ordre du jour des débats,
de la motion préjudicielle proposée par le MSA, de la formation du
Gouvernement d’union nationale ;
- trois ans après l’indépendance, d’un banal mouvement syndical
récupéré par des révolutionnaires, vint un coup de force appelé révolution
des 13, 14, 15 Août 1963 (les trois glorieuses), qui vit l’éviction de
l’Abbé Fulbert Youlou, et partant la remise en cause de l’équilibre
institutionnel qu’imposait le défi de succession à l’administration
coloniale.

- 10 -
suivant un processus étagé, et dont l’évolution a connu une
accélération au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
notamment avec les Constitutions françaises de 1946
(Quatrième République) et de 1958 (Cinquième République).

1- L’évolution juridique du statut des colonies sous les


Quatrième et Cinquième République françaises
L’évolution du statut des colonies repose sur une
architecture juridique soutenue par six textes « déclencheurs »,
visant chacun, un type d’aménagement institutionnel :

- le décret n° 46-374, du 25 octobre 1946, portant création


d’Assemblées représentatives territoriales en AEF ;
- la constitution du 27 octobre 1946 (Titre VIII sur l’Union
française) ;
- la loi 52-130 du 6 février 1952 relative à la formation
des assemblées de groupe et des assemblées locales d’Afrique
occidentale française et du Togo, d’Afrique équatoriale
française et de Madagascar ;
- la loi 56-619 du 23 juin 1956 (ou loi-cadre) autorisant le
Gouvernement à mettre en œuvre les réformes et à prendre les
mesures propres à assurer l’évolution des territoires relevant
du Ministère de la France d’outre-mer ;
- le décret n°57-458 du 4 avril 1957 portant
réorganisation de l’Afrique occidentale française et de
l’Afrique équatoriale française ;
- la constitution du 4 octobre 1958 (Titre XII sur la
Communauté française).

Entre 1946 et 1960, le Congo, tout comme les quatorze


autres colonies françaises d’Afrique3 ayant acquis

3
-Pour l’Afrique occidentale française (AOF) : Guinée, Côte-d’Ivoire,
Dahomey, Sénégal, Haute-Volta, Togo, Mali, Mauritanie, Niger ;

- 11 -
l’indépendance en 1960, s’est vu conférer successivement le
statut de :
-Territoire décentralisé, dans le cadre de l’Union française
(1946-1957) ;
-République-Etat fédéré, dans le cadre de la Communauté
française (1958-1960) ;
-République-Etat indépendant, dans le cadre de la
décolonisation (à partir du 15 août 1960).

 La création d’Assemblées représentatives territoriales


en Afrique équatoriale française (AEF)

 De la formation et de l’objet des Assemblées


Le premier signal fort donné par la Métropole quant à la
reconsidération du statut des colonies, est la possibilité donnée
à celles-ci, de disposer d’instances délibérantes locales, sous
l’appellation d’« Assemblées représentatives territoriales ».
Par le décret n° 46-2.374 du 25 octobre 1946 portant création
d’Assemblées représentatives territoriales en AEF4, le
Président du Gouvernement provisoire de la République,
Georges Bidault, institua des Assemblées représentatives
territoriales portant la dénomination de « Conseils
représentatifs », chargés de la gestion des intérêts propres à
chaque territoire (article 1er)5.
Ce texte qui revêt le contreseing de Marius Moutet, Ministre
de la France d’outre-mer, est la matérialisation de la vision du
Général de Gaulle, précocement développée lors de la

-Pour l’Afrique équatoriale française (AEF) : Moyen-Congo, Tchad,


Oubangui-Chari, Gabon ;
-Madagascar.
4
Voir Journal officiel de l’Afrique équatoriale française du 10 octobre
1946.
5
Voir Journal officiel de l’Afrique Equatoriale française du 15
novembre 1946, p.1381

- 12 -
conférence africaine française tenue à Brazzaville du 30
janvier au 8 février 1944. Sans attendre la fin de la guerre, le
Général Charles de Gaulle prit sur lui le risque de réunir à
Brazzaville, les Gouverneurs des colonies de l’AEF et de
l’AOF pour échanger sur l’avenir des colonies. Cette tribune
que Laurent Gbagbo6 appréciait comme « un dialogue des
sourds, dans la mesure où elle n’a débouché que sur des
déclarations d’intention, sans cadrage programmatique sur
l’évolution du statut des colonies », a quand même constitué
l’un des déclencheurs de cette évolution progressive.

Considérant que l’évolution du statut des colonies


s’inscrivait dans le temps du devoir de reconnaissance de la
patrie française à l’héroïque rôle joué par les soldats des
territoires d’outre-mer pour sa libération, De Gaulle soutenait
que :

En Afrique française, comme dans tous les autres


territoires où des hommes vivent sous notre drapeau, il
n’y aurait aucun progrès, si les hommes sur leur terre
natale, n’en profitaient pas moralement et
matériellement, s’ils ne pouvaient s’élever peu à peu
jusqu’au niveau où ils seront capables de participer
chez eux à la gestion de leurs propres affaires7.

La notion « de propres affaires » ou « d’intérêts propres » à


chaque territoire, visée à l’article premier du décret suscité, tire
donc son inspiration de la vision du Général de Gaulle.

6
Laurent Gbagbo, 1978, Réflexions sur la conférence de Brazzaville,
Yaoundé, CLE, p. 32.
7
Charles de Gaulle, Allocution prononcée à l’ouverture de la Conférence
africaine française le 30 janvier 1944 à Brazzaville.

- 13 -
Autour de cette idée, s’est opéré un distinguo entre les
intérêts de la Métropole et ceux des colonies. Avant ce décret,
il était difficile de dissocier les intérêts de la Métropole de
ceux des Colonies. Les deux entités étaient liées par un
mariage de raison qui les mettaient dans un régime de « biens
communs », et donc indissociables. La doctrine «d’intérêts
propres » permet donc d’instituer un domaine public et un
domaine privé, ainsi que des institutions propres aux colonies.

 Du siège et du nombre de membres


L’article 1er, alinéa 2 du décret susvisé, détermine le siège
des Assemblées représentatives territoriales ainsi que le
nombre des membres qui les composent suivant le tableau ci-
après :

Territoires Siège du Nombre des Nombre


conseil membres total des
1ère 2e membres
section section
Gabon Libreville 12 18 30
Moyen-
Congo Pointe-Noire 12 18 30
Oubangui-
Chari Bangui 10 15 25
Tchad Fort Lamy 10 20 25

L’article 5 dispose que les membres du Conseil sont élus


pour un mandat de 5 ans rééligibles avec un renouvellement
intégral des assemblées.

 Du fonctionnement et des attributions des assemblées


L’assemblée tient chaque année deux sessions ordinaires. La
première s’ouvre entre le 1er mars et le 11 avril. La deuxième

- 14 -
session appelée session budgétaire s’ouvre entre le 1er juillet et
le 31 août, soit une durée d’un mois à toutes les sessions.
Les décisions de l’assemblée sont rendues sous forme de
délibérations ou d’avis, tel que stipulé à l’article 33 du décret
suscité. L’assemblée délibère sur plusieurs matières qui
touchent à la vie du territoire (acquisitions, aliénations et
échanges des propriétés mobilières et immobilières du
territoire affectées ou non à un service, etc.…). Il s’agit donc
de la mise en place d’une véritable administration
décentralisée, embryon qui préfigure la future administration
post- indépendance.

2-La Constitution du 27 octobre 1946 et l’institution de


l’Union française
Deux mois après l’institution des Assemblées
représentatives territoriales, la France décide de donner un
sens plus constitutionnel à sa nouvelle politique de gestion des
territoires d’outre-mer, en consacrant un titre entier (Titre
VIII) à l’Union française, où les bases constitutives d’un Etat
fédéral français qui ne verra sa concrétisation réelle qu’en
1958 avec l’institution de la Communauté.

C’est dès 1946 que l’on parle d’Etat fédéral à travers


l’Union française. La préoccupation de la France est dominée
par cette peur de voir les colonies entrer en conflit ouvert avec
la Métropole autour des idéaux d’indépendance, d’où la sage
stratégie d’anticipation et d’adoucissement des élans
« indépendantistes » des colonies à travers des palliatifs, dont
la mise sur pied de cet artifice institutionnel élégamment taillé,
de manière à les décomplexer et à les gérer avec plus de
circonspection comme des alliés .

- 15 -
 De la composition de l’Union française
L’article 60 de ladite constitution dispose:

L’Union française est formée, d’une part, de la


République française qui comprend la France
métropolitaine, les départements et territoires d’outre-
mer, d’autre part, des territoires et Etats associés.

Il y a donc un premier bloc formé de la France et de ses


colonies, un deuxième bloc formé des Territoires et d’autres
Etats dits associés. L’appel du pied fait à cette dernière
catégorie de partenaires participe du souci de maintenir la
dynamique de l’alliance des vainqueurs de la Guerre
Mondiale.

 De l’organisation
L’Union française comprend trois organes centraux (article
63) : la Présidence, l’Assemblée et le Haut conseil d’office
assuré par le président de la République française.
L’assemblée est composée, par moitié, des membres
représentant la France métropolitaine, et par moitié de
membres représentant les départements et territoires d’outre-
mer. Les membres de l’assemblée de l’Union sont élus par les
assemblées territoriales en ce qui concerne les départements et
territoires d’outre-mer.

 L’élargissement des compétences des assemblées


territoriales
Quoique ressemblant à une surenchère juridique, car un
texte similaire (décret n°46-2-374 du 25 octobre 1946)
instituait déjà des assemblées représentatives territoriales, la
loi n°52-130 du 6 février 1952 relative à la formation des
assemblées de groupes et des assemblées locales d’AOF,
d’AEF, du Cameroun et de Madagascar, se distingue du

- 16 -
premier par le renforcement des compétences des assemblées
territoriales ainsi que par l’élargissement de leur
représentativité. Elle introduit clairement en son article 1er, les
notions de décentralisation et de déconcentration
administratives, ce qui permit aux colonies de prendre des
initiatives propres à la gouvernance des affaires locales.
En outre, les nouvelles assemblées instituées se sont
substituées aux assemblées créées par les décrets du 25 octobre
1946 et par la loi du 31 mars 19488. C’est donc à travers la loi
susvisée qu’il a été décidé du changement d’appellation des
assemblées représentatives en assemblées territoriales.

De même, il a été procédé à l’élargissement du nombre des


membres qui composent ces assemblées. Pour le Moyen-
Congo notamment, de 12 et 18 membres pour la première et
deuxième section9, tel que prévu dans le décret du 25 octobre
1946, le nombre des membres de l’assemblée territoriale fût
porté à 13 et 24, soit un total de 37 membres contre 30 en
1946. Il est par ailleurs indiqué que pour les première et
deuxième sections, la répartition du nombre des conseillers à
élire dans chaque circonscription électorale devrait être
proportionnelle au chiffre de la population, soit, au minimum,
un conseiller par circonscription.

3-La loi n°56-619 du 20 juin 1956 (loi-cadre)


La loi n°56-619 du 20 juin 1956, communément appelée
« loi-cadre », fait partie des plus grandes réformes entreprises
par la Quatrième république en faveur de l’autonomie des
colonies. C’est sur initiative de Gaston Defferre, Ministre de la

8
Voir Journal Officiel de la République française du 7 février 1952, p.
1587
9
Les premières et deuxièmes sections correspondent aux chambres
françaises et africaines

- 17 -
France d’outre-mer, que de profondes réformes tendant à
renforcer les compétences des institutions territoriales furent
entreprises. C’est donc au travers de cette loi que la politique
de décentralisation s’est rendue véritablement manifeste. Les
institutions territoriales devaient bénéficier des pouvoirs
d’initiative étendus. En substance, la loi suscitée visait quatre
objectifs principaux :
- modifier le rôle des pouvoirs d’administration et de
gestion des gouvernements généraux en vue de les transformer
en organismes de coordination ;
- instituer dans tous les territoires des conseils de
gouvernement ;
- doter d’un pouvoir délibérant élargi notamment pour
l’organisation et la gestion des services territoriaux, des
assemblées de territoire et des assemblées représentatives ;
- déterminer les conditions d’institution et de
fonctionnement, ainsi que les attributions des conseils de
circonscriptions administratives et des collectivités rurales et
les modalités d’octroi de la personnalité morale à ces
circonscriptions sans que cela puisse faire obstacle à la
création de nouvelles municipalités.
Par ailleurs, la loi cadre de 1956 introduit pour la première
fois la fonction publique territoriale d’outre-mer avec
l’africanisation des postes. De même, il est institué un suffrage
universel dans les territoires relevant du Ministère de la France
d’outre-mer, en ce qui concerne les élections à l’assemblée
nationale, aux assemblées territoriales, aux assemblées
provinciales de Madagascar, aux conseils de circonscription et
aux assemblées municipales.

 Les conditions de formation et de fonctionnement des


conseils de gouvernement
Le stade « suprême » de l’évolution des colonies est
matérialisé par la formation des conseils de gouvernement

- 18 -
institués par le décret n°57-458 du 4 avril 1957 fixant les
conditions de formation et de fonctionnement des Conseils de
Gouvernement dans les territoires de l’Afrique occidentale
française et de l’Afrique équatoriale française, et qui se
présentent en outre comme des territoires d’outre-mer dotés de
la personnalité civile et de l’autonomie financière.

Le décret fixe par ailleurs, la composition des institutions


des groupes de territoires :

- un chef de territoire ;
- un conseil de gouvernement ;
- une assemblée territoriale.

L’article 2 dispose :

Le Conseil de gouvernement est présidé par le Chef du


territoire. L’Assemblée territoriale élit, dans les
conditions prévues aux articles suivants : six membres
minimum et douze membres maximum du Conseil de
gouvernement qui portent le titre de Ministre. Le
conseiller de gouvernement élu en tête de liste prend le
titre de Vice-président du Conseil de gouvernement.

C’est en vertu de ces dispositions que Jacques Opangault,


arrivé en tête de liste, fut élu Vice-président du Conseil de
Gouvernement, à la faveur des élections du 31 mars 1957.

4-L’institution de la Communauté française et la


transformation des territoires d’outre-mer en
Républiques-Etats membres de la Communauté
La prise en compte de la Communauté dans la Constitution
de la Cinquième République impliqua une révision

- 19 -
constitutionnelle qui vit l’adoption de la loi constitutionnelle
du 3 juin 1958.

 Les orientations de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958


Sur la proposition du nouveau gouvernement investi le 12
juin 1958 et dirigé par Charles de Gaulle, le président de la
République, René Coty, promulgua le 3 juin 1958 l’historique
loi constitutionnelle qui met en œuvre un certain nombre de
principes dont le suffrage universel, la séparation des pouvoirs,
la responsabilité du Gouvernement devant le parlement,
l’indépendance de l’autorité judiciaire, et enfin l’organisation
de nouveaux rapports de la République avec les peuples qui lui
sont associés.
La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 a été initiée par
dérogation transitoire aux dispositions de l’article 90 de la
Constitution du 27 octobre 1946. Cette loi constitue
l’amendement majeur apporté à la Constitution de 1958, et
grâce auquel le Gouvernement français institua la
Communauté ou le nouveau cadre partenarial.

 L’institution de la Communauté
Pour la première fois, les rapports de tutelle entre les
territoires d’outre-mer et la Métropole seront transformés et
refondés à l’intérieur d’un nouveau cadre juridique associatif
appelé « Communauté ».10 L’Union française qui institua une
autonomie « conditionnelle » fera place à la Communauté ou
la fédération d’intérêts entre Etats égaux en droit, et partant, la
consécration de la fédération des « souverainetés ». C’est au
titre XII qu’a été instituée la Communauté. L’article 76
dispose :

10
Voir : Projet de Constitution française, Journal officiel de l’AEF du 13
septembre 1958, p 1431-1441

- 20 -
Les territoires d’outre-mer peuvent garder leur statut
au sein de la République. S’ils en manifestent la
volonté par délibération de leur assemblée territoriale
prise dans le délai prévu au premier alinéa de l’article
91, ils deviennent soit départements d’outre-mer de la
République, soit groupes ou non entre eux, Etats
membres de la Communauté.

A l’article 77, il est réaffirmé que les « Etats jouissent de


l’autonomie, ils s’administrent eux-mêmes et gèrent
démocratiquement et librement leurs propres affaires ».

Contrairement à l’Union française, le cadre communautaire


met à la disposition des territoires d’outre-mer, des options
incitatives pour leur auto-détermination.
L’article 86 en indique même le mode opératoire :

La transformation du statut d’un Etat membre de la


Communauté peut être demandée soit par la
République, soit par une résolution de l’assemblée
législative de l’Etat intéressé, confirmée par un
référendum local dont l’organisation et le contrôle
sont assurés par les institutions de la Communauté.
Les modalités de cette transformation sont déterminées
par un accord approuvé par le Parlement de la
République et l’Assemblée législative intéressée. Dans
les mêmes conditions, un Etat membre de la
Communauté peut devenir indépendant. Il cesse de ce
fait d’appartenir à la Communauté.

C’est en vertu du dernier alinéa de l’article suscité que la


Guinée se prononça librement pour son indépendance dès
1958. Tous ceux des Etats comme le Congo qui n’ont pas opté
pour l’indépendance, ont adhéré tacitement à la Communauté.

- 21 -
Le Général de Gaulle, qui est l’un des architectes de la
Communauté, entreprit en août 1958 des campagnes actives à
travers les colonies d’Afrique, pour les inviter à se prononcer
pour ou contre la Communauté, à travers un référendum. Le 24
août 1958 au Stade Eboué à Brazzaville, de Gaulle prononça
un discours mémorable en guise d’ouverture de la campagne
référendaire sur la nouvelle Constitution du 4 octobre 1958. Le
Congo se prononça en faveur de la Communauté après la
consultation référendaire du 28 septembre 1958, par 339.436
voix contre 2.133.

II-La jouissance politique du statut d’autonomie et


l’exercice du jeu démocratique

1-Premiers hommes politiques et premiers partis politiques


congolais.
Il sied de rappeler que l’évolution du statut des colonies est
la conjonction des facteurs externes que l’on situe dans la
dynamique mondiale du « droit des peuples à disposer d’eux-
mêmes », et des facteurs internes liés à la prise de conscience
politique des cadres africains dits « évolués ». Ayant pu tirer
profit de leur instruction auprès des Blancs, les premiers
cadres africains ne sont pas demeurés en marge des mutations
politiques et institutionnelles entamées par la Quatrième
République et conclues en douceur pour la plupart des pays
d’Afrique noire francophone, par la Cinquième République.
Cette effervescence militante a permis ainsi de distinguer au
Moyen-Congo trois grandes figures politiques autour de trois
grands partis :

- Félix Tchicaya, leader du Parti Progressiste Congolais


(PPC) ;
- Jacques Opangault, leader du Mouvement Socialiste
Africain (MSA) ;

- 22 -
- Fulbert Youlou, leader de l’Union pour la Défense des
Intérêts Africains (UDDIA).

Ces trois figures furent donc ce qu’il est convenu d’appeler,


« les premiers hommes politiques » ou, tout au moins, les
premiers leaders politiques congolais à se lancer dans cette
bataille. Ces trois leaders ont animé courageusement la vie
politique des premières heures de la République.

Premiers élus congolais et première gouvernance


congolaise
C’est le 10 novembre 1946 que les Congolais sont allés aux
urnes pour la première fois, aux fins d’élire le représentant de
la colonie du Moyen-Congo et du Gabon à l’Assemblée
nationale française. Félix Tchicaya fut élu premier député du
Congo et du Gabon à siéger à l’Assemblée nationale française.
Le 18 novembre 1956, l’Abbé Fulbert Youlou remporte les
élections municipales et devient le Premier Maire de la Ville
de Brazzaville. Le scrutin se présentait comme suit : 23 sièges
pour l’UDDIA contre 11 pour la SFIO et 3 pour le PPC.
Le 31 mars 1957, le MSA remporte les élections
législatives. Le 14 mai 1957, le Chef du Territoire du Moyen-
Congo, Soupault, fixe par arrêté n°1339 du 14 mai 1957, la
composition du Conseil de Gouvernement du Moyen-Congo
qui est de 10 ministres.
Le 6 juin 1957, Jacques Opangault est désigné Vice-
Président du Conseil de Gouvernement, chargé de
l’administration générale et de l’information. C’est à ce titre
qu’il forma le premier gouvernement congolais. C’est la
première fois que les cadres du Moyen-Congo dits « évolués »
assument des hautes charges d’Etat. Jacques Opangault fut
ainsi le tout premier congolais Chef du Gouvernement, en sa
qualité de Vice-Président du Conseil, une position historique
qui semble être aujourd’hui oubliée par l’actuelle République.

- 23 -
Le premier gouvernement congolais dirigé par des Congolais
fut ainsi conduit par Jacques Opangault. L’Abbé Fulbert
Youlou y assuma les charges de Ministre de l’agriculture.
Dans le contexte actuel du « devoir de mémoire », Il serait
juste et bon, de dater la gouvernance du Congo par les
Congolais à partir de Jacques Opangault, et non de Youlou. Ce
dernier est le deuxième Chef du Gouvernement congolais
après avoir renversé Jacques Opangault après un « cafouillage
électoral » organisé par Christian Jayle, Président de
l’Assemblée territoriale, le 28 novembre 1958.11 La gestion
congolaise de ses propres affaires court à partir du 6 juin 1957
et non du 15 août 1960, date de l’indépendance. C’est par
excès de familiarisation à la conception présidentialiste de la
gouvernance, que les Congolais ont tendance à ignorer la
première gouvernance congolaise des affaires par Jacques
Opangault. Premier congolais, Chef de Gouvernement élu,
quoique sous l’appellation générique de Vice-président du
Conseil de Gouvernement, Jacques Opangault jouissait, dans
le cadre du régime parlementaire d’antan, des mêmes
prérogatives que celles d’un président de la République. Le
Chef de territoire n’assumait plus que des fonctions
honorifiques de liaison entre le territoire et la métropole, ce
jusqu’au Gouvernement Youlou de 1958 à 1960.

L’on se souvient que l’Abbé Fulbert Youlou, élu tout


d’abord Premier ministre, Chef du Gouvernement, le 28
novembre 1958, verra son titre transformé en président de la
République du Congo, suivant la loi constitutionnelle n°11 du
21 novembre 1959. Même dans cette logique, ses prérogatives

11
Cette page d’histoire a besoin d’être restituée à sa juste place.
Beaucoup de passions ont dû prendre le pas sur la vérité. Il s’agit
maintenant de faire parler l’histoire. Un certain nombre d’éléments
d’éclairage sont apportés plus loin à ce propos.

- 24 -
sont demeurées en l’état. Il est du reste affirmé à l’article 2
que :

Les pouvoirs du président de la République, son mode


d’élection, la durée de son mandat, sont ceux fixés
pour le Premier ministre, par la loi constitutionnelle
n°5 du 20 février 1959.

Il n’y donc pas de différence entre les pouvoirs du Premier


ministre et ceux du président de la République. La différence
ne réside que dans la qualification des fonctions. Le Conseil de
Gouvernement sera transformé comme stipulé à l’article 5 de
la loi constitutionnelle n°1, en Gouvernement provisoire.

2-La proclamation de la République du Congo


C’est au regard de l’ouverture politique apportée au travers
de la révision constitutionnelle de 1958, que les élus à
l’Assemblée territoriale congolaise décidèrent de la
proclamation de la République du Congo le 28 Novembre
1958 à 11h30, dans la ville de Pointe-Noire, capitale du
Moyen-Congo12, suivant la délibération de l’Assemblée
territoriale n°112/58 érigeant le Territoire du Moyen-Congo en
Etat membre de la Communauté et portant création de la
République du Congo13.

12
C’est en 1950 que la capitale du Moyen-Congo fût transférée à Pointe-
Noire, de manière à différencier le siège commun aux groupes de
territoires composant l’Afrique équatoriale française(AEF) qui reste à
Brazzaville, du siège du Moyen-Congo. C’est le 28 novembre 1958, par
la loi constitutionnelle n°2 que la capitale fut précipitamment transférée à
Brazzaville, à la suite du « cafouillage électoral » qui vit le renversement
d’Opangault par Youlou, comme on le verra plus loin.
13
Voir : Recueil des comptes rendus, session budgétaire 1958-1959,
première partie, pp. 1 à 110

- 25 -
Cet avènement du statut de « République » est souvent
l’objet supputations. Pour une certaine opinion, ce n’est qu’à
partir du 15 août 1960, date de l’indépendance, que l’on peut
valider le statut de « République » du Congo, et non avant.
A la question de savoir, comment un Etat non indépendant
pouvait-il avoir le statut de « République », on peut opposer le
commentaire ci-après : quand bien même proclamé sous le
statut d’Etat membre de la Communauté le 28 novembre 1958,
par la délibération n°112/58 du 28 novembre 1958 de
l’Assemblée territoriale congolaise érigeant le Territoire du
Moyen-Congo en Etat membre de la Communauté et portant
création de la République du Congo14, le Congo avait bel et
bien acquis le statut de « République », sur la base des
dispositions pertinentes prévues au titre XII de la Constitution
de 1958. Son adhésion à la Communauté est la matérialisation
juridique de ce statut auquel ne peuvent être parties que des
Etats égaux en droit.

L’adhésion à la Communauté, a fait l’objet d’une


consultation référendaire en date du 28 septembre 1958,
validée à l’unanimité des conseillers-députés, au travers de
l’importante délibération susmentionnée, et sur la base de
laquelle, le Congo a donné librement son consentement,
contrairement à la Guinée qui, ayant dit non à la Communauté,
a pris immédiatement son indépendance.

Avant son désengagement de la Communauté, 15 à la faveur


de son indépendance formelle acquise le 15 août 1960, et
quoique jouissant d’une souveraineté limitée du fait des
14
Voir : Recueil des comptes rendus de l’assemblée territoriale, session
budgétaire 1958-1959,1ère partie, p.1
15
L’article 86 de la Constitution du 4 octobre 1958 donnait la possibilité
aux nouveaux Etats de demeurer dans la Communauté, s’ils en
manifestaient le désir.

- 26 -
obligations fédérales, la République du Congo a pu prendre
des initiatives significatives qui lui ont permis de :
-acquérir ses propres symboles (drapeau, devise, hymne) ;
-mettre en place sa propre assemblée territoriale ;
-former son propre gouvernement ;
-partager avec son ancienne métropole, une nouvelle
relation de partenaire associé et non de Territoire sous tutelle.

Le 15 août 1960 marque la date de l’indépendance formelle,


c'est-à-dire, l’acquisition par le Congo des attributs de sa
souveraineté au plan international, et partant la pleine
jouissance de sa personnalité internationale et de sa capacité
dans la gestion de ses affaires intérieures, sans recours à une
quelconque tutelle.

Toutefois, si la date de l’indépendance, dont la célébration


s’effectue chaque année, est familière, il n’en est pas de la
proclamation de la République : un paradoxe qu’Aimé
Emmanuel Yoka16 assimile à « une personne qui fête
l’anniversaire de sa majorité (18ans) sans avoir pensé une
seule fois à célébrer sa date de naissance ». Cette judicieuse
observation qui tient à un devoir de mémoire, conforte ainsi la
nécessité d’apporter un éclairage sur le processus de création
de la République.

 Processus de décision sur la naissance de la


République du Congo

 Délibération 112/58 du 28 novembre 1958


Le destin de la République du Congo s’est joué le 28
novembre 1958 lors de la douzième séance de l’Assemblée

16
Aimé Emmanuel Yoka ; 2008, Eloge à la République, Brazzaville,
Cripol éditions, p.12

- 27 -
territoriale du Moyen-Congo. Au cours de cette séance qui
commença à 9 heures 30 et prit fin à 17heures 15, après
plusieurs interruptions,17 l’Assemblée territoriale du Moyen-
Congo a adopté une série de délibérations qui vont de la
proclamation de la République à l’organisation des pouvoirs
publics, ainsi que la formation du deuxième gouvernement
congolais dirigé par l’Abbé Fulbert Youlou.
Cette séance qui fut ouverte par le Président de l’Assemblée
territoriale Christian Jayle a été précédée par l’allocution
d’orientation prononcée par Paul Charles Deriaud,18 Chef du
territoire du Moyen-Congo. C’est en vertu de l’article 76 de la
Constitution de 1958 qui donne blanc-seing aux Assemblées
territoriales de se prononcer librement sur le statut d’Etat
membre de la Communauté, que Paul Charles Deriaud, Chef
du territoire du Moyen-Congo, a invité l’Assemblée territoriale
à donner son avis sur les différentes options, c'est-à-dire,
« pour ou contre la proclamation de la République et
l’adhésion à la Communauté ? ».

L’Assemblée territoriale devait se prononcer sur l’Ordre du


jour proposé par le Chef du territoire dans lequel figurait le
point principal libellé comme suit : « Option par l’Assemblée
territoriale conformément à l’article 76 de la Constitution »19.
L’adoption de cette option entraînait le passage du statut de
« territoire décentralisé » au statut de « République », ainsi que
l’adhésion à la Communauté, une étape significative qui
préfigure l’indépendance totale.

17
Recueil des comptes rendus, session budgétaire 1958-1959, op.cit, .p.2
18
La présence de Christian Jayle à la tête de l’Assemblée territoriale et
de Paul Charles Deriaud comme chef du territoire du Moyen-Congo
montre également cette volonté délibérée de la Métropole de contrôler la
gestion des affaires locales.
19
Voir la discussion sur l’ordre du jour dans Recueil des comptes rendus,
op.cit., p.2

- 28 -
En dépit de son évidence avérée, l’Ordre du jour a été voté
par 23 voix pour, 20 absentions et 1 absent en la personne
d’Henri Itoua, conseiller MSA, qui s’était curieusement
arrangé à être absent à tous les votes de l’historique journée du
28 novembre 1958, sans motif réel : une attitude qui cachait un
embarras qui se révèlera plus tard comme le masque
d’infidélité et de trahison vis-à-vis de son groupe MSA qu’il
quitta à son tour - comme le fit avant lui le conseiller Georges
Yambot - pour intégrer l’UDDIA.

Le nombre élevé des abstentions est interprété comme


l’expression d’un état d’âme manifesté par le groupe MSA
autour de la non-prise en compte de leur motion préjudicielle.
Le MSA exigeait, qu’à côté du point principal du « Pour ou
contre la proclamation de la République et l’adhésion du
nouvel Etat à la Communauté », on inscrivît à l’Ordre du jour,
la question du Gouvernement d’union nationale : une
préoccupation motivée par la nécessité de gérer de manière
consensuelle et apaisée, cette période transitoire favorisée par
la proclamation de la République.

Le refus opposé par l’UDDIA qui, assurée de sa majorité


artificielle acquise d’avance par un jeu de débauchage de
Georges Yambot,20 député MSA, en demandant à Christian

20
Afin d’éclairer davantage cette recherche de manifestation de la vérité,
nous avions, en date du 17 avril 2010, recueilli le témoignage de
Kikhounga-Ngot sur cette journée qui, après de belles éclaircies
favorisées par la proclamation de la République, s’est brutalement
obscurcie à la faveur de la sortie du groupe MSA-PPC de la
salle. «Youlou, se croyant tout permis, a renversé le gouvernement
d’union nationale dirigé par Jacques Opangault, en débauchant le
député Yambot, fils bakouélé (ethnie de la Sangha), adopté par une
femme ombamba (ethnie de Mossendjo), ceci, avec le concours de
Christian Jayle. Yambot que j’ai habillé de la tête aux pieds, a été élu

- 29 -
Jayle, Président de l’Assemblée territoriale d’organiser
l’embarrassant vote sur un ordre du jour qui nécessitait plutôt
une adoption consensuelle, a entraîné cette première humeur
qui traduit l’expression d’un malaise qui tachera le reste du
processus de proclamation de la République.

Il convient toutefois de relever qu’au-delà des abstentions


du MSA, le point sur la proclamation de la République a
finalement été voté par la quasi-totalité des conseillers-
députés21, à l’exception d’Henri Itoua. Ce fut également
l’unique et dernière occasion sur laquelle un consensus a été
formé autour des deux groupes MSA et UDDIA. L’adoption
de ce point a fait l’objet d’un examen article par article.
Article 1er : Le territoire du Moyen-Congo manifeste sa
volonté de devenir un Etat membre de la communauté, créée
par la constitution du 4 octobre 1958 (adopté à l’unanimité).
Article 2 : L’Etat autonome du Moyen-Congo prend la
dénomination de République du Congo (adopté à l’unanimité).
Article 3 : La République du Congo se déclare prête à
établir en accord avec les territoires ou Etats de l’AEF et de la
communauté, les liens nécessaires à une solidarité commune et

député MSA sur la liste que je conduisais. Les membres du MSA ont
décidé de boycotter la séance en signe de protestation de cette situation
de débauche. »
21
Conseillers ayant participé au scrutin n°1 sur l’option en faveur de
l’érection du Moyen-Congo en Etat membre de la Communauté. Ont voté
pour (44) : MM..Abele–Bany-Batchy-Bazinga-Bokangue-Boungou-
Djouboué-Fourvelle-Ngamissimi-Gandzion-Garnier-N’goyi-Ibalico-
Jayle-Kerhervé-Kiafoula-Kibanghou-Kibath-Kikhounga N’got-
Koumbou-Langevin-Lheyet Gaboka-Mahe-Makaya-Malanda-Malonga-
Nkounkou-Mampassi-Mobambi-Mougany-Mounada-Nardon-
Niamankessy-Obongui-Okomba-Opangault-Pouy-Sevely-Tchichelle-
Tsoumou-Vial-Yambot-Youlou-N’zonzi.
Excusé : M. Itoua.

- 30 -
à une harmonieuse coordination. L’article 3 et l’ensemble de
la délibération qui portera le n°112/58 sont adoptés à
l’unanimité (applaudissements).

Cette délibération inspire le commentaire ci-après :


1- On relève le caractère atypique de cette délibération. Elle
est transcrite sous une forme relative, et non incisive. De plus,
sans avoir affirmé dans un premier temps, la création de la
République ou de l’Etat du Congo, l’article est formulé de
manière ambiguë : le Territoire du Moyen-Congo manifeste sa
volonté de devenir un Etat membre de la Communauté. Ce
n’est qu’à l’article 2 que le statut juridique du Territoire est
spécifié par la qualification d’Etat autonome du Moyen-Congo
avec comme dénomination de République du Congo.
2-Il y a en outre cette diversité de qualifications. Le
Territoire du Moyen-Congo porte trois qualifications, alternant
entre Etat membre de la communauté, Etat autonome du
Moyen-Congo, et République du Congo.
On n’est du reste pas surpris par le caractère stéréotypé de
cette délibération, commune à tous les nouveaux Etats
africains. Il s’agissait de coller aux termes de l’article 76 de la
Constitution du 4 octobre 1958.
Par ailleurs, pour donner un caractère solennel à ce premier
acte de « souveraineté, la délibération a été « promulguée » au
travers d’un arrêté du Chef du territoire Paul Charles
Deriaud.22 Vint ainsi la République du Congo, autour de
laquelle un flou blâmable est jeté sur sa date de naissance qui
est intervenue le 28 novembre 1958 et non le 15 août 1960.

22
Arrêté n°4107/CAB3 du 28 novembre 1958 promulguant la délibération
n°112/58 du 28 novembre 1958 de l’Assemblée territoriale du Moyen-
Congo par laquelle celle-ci déclare opter pour le statut d’Etat membre de
la Communauté et proclamant la République du Congo.

- 31 -
Suspendue à 12 heures 30, la séance est reprise à 15 heures
30 avec comme objectif, « la prise de décisions nécessaires et
suffisantes pour savoir dans quelles conditions pouvaient être
exécutées et fonctionner les institutions qui découlent de cette
option»23, d’où le projet de loi constitutionnelle n°1.

 De l’examen de la loi constitutionnelle n°1 du 28


novembre 1958 portant organisation des pouvoirs de la
République du Congo
En optant pour la proclamation de la République du Congo,
il était nécessaire de construire un nouvel « échafaudage »
institutionnel. Le premier instinct fut donc l’élaboration du
projet de loi constitutionnelle n°1 qui fait office de première
Constitution du nouvel Etat24. Ledit projet de loi vise en
substance l’organisation et le fonctionnement des nouvelles
institutions qui régissent la vie de la République.

Tout en gardant plus ou moins la même configuration


institutionnelle du territoire du Moyen-Congo, une certaine
originalité a été apportée au niveau de la dénomination des
principaux organes constitutionnels. La distribution des
pouvoirs sera répartie entre deux pouvoirs : le pouvoir
législatif qui voit la transformation de l’Assemblée territoriale
en Assemblée législative qui « exerce la totalité du pouvoir
législatif » (article 3). Le pouvoir exécutif avec la
transformation du Conseil de Gouvernement en Gouvernement
provisoire (article 5), et le poste de Vice-président du Conseil

23
Propos prononcés par Christian Jayle, Président de l’Assemblée
territoriale à la reprise de la séance du 28 novembre 1958.
24
Quoiqu’assimilé à une constitution provisoire, la loi constitutionnelle
n°01 a constitué la première norme fondatrice et régulatrice des
institutions de la nouvelle République. Elle est assimilée à une
constitution à part entière à partir de laquelle s’est bâti l’ordonnancement
institutionnel du nouvel Etat.

- 32 -
de Gouvernement en Premier ministre, Chef du Gouvernement
provisoire. Par ailleurs, il est institué un Comité
constitutionnel consultatif, chargé de donner des avis sur les
projets de lois constitutionnels (article 8). Les membres de
l’Assemblée législative portent le titre de « députés » et non de
Conseillers comme à l’Assemblée territoriale (article 1er ;
alinéa 2). Le pouvoir judiciaire est du ressort de la
Communauté, ainsi que la politique étrangère et la défense.
Au regard de la pratique parlementaire de cette Assemblée
législative, ce projet de loi devait être préalablement examiné
en Commission élargie. La Commission ainsi constituée, a été
présidée par Mahé.

Au moment de procéder à l’examen de cet important texte


proposé par Stéphane Tchichelle, un deuxième préalable fut
posé par Jacques Opangault25, en ce qui concerne notamment
la participation des conseillers non congolais à l’examen dudit
projet de loi. Ce dernier avait estimé que « pour une meilleure
appropriation des affaires du pays, la commission devant
examiner le projet de loi constitutionnelle ne devait être
composée que des membres africains, car la constitution
devrait être élaborée en tenant compte des aspirations
profondes des Congolais et non des savants ».

Il sied de relever que Jacques Opangault était reconnu pour


ses prises de position « révolutionnaires » et tranchées vis-à-
vis du colon !

25
Voir : Intervention de Jacques Opangault, dans Recueil des comptes
rendus de l’Assemblée législative du Congo (1958-1959), p.8

- 33 -
Objectant vivement contre l’intervention de Jacques
Opangault, Stéphane Tchichelle26 répliqua qu’il n’était pas
question « d’exclure un certain nombre de personnes qui font
partie intégrante de cette Assemblée ». Ce point de vue avait
été partagé par Sevely27 qui avait soutenu « qu’en vertu de
l’article 77 du titre 12 qui fixe la Communauté, il n’existe
qu’une citoyenneté de la Communauté et que cette citoyenneté
reconnaît à tous et à chacun les mêmes actes ». Appuyant
l’intervention de Jacques Opangault, Fourvelle (un métis de
père français et de mère mbosi, originaire d’Abala), avait
estimé fondées les paroles du Vice-président Jacques
Opangault. Selon lui, il existait une Communauté à deux
vitesses, « l’une pour les Blancs, et l’autre pour les Noirs,
surtout en matière de soldes et d’indemnités où les Africains et
les Européens ne sont pas sur le même plan »28.

Cette divergence de points de vue avait mis en relief un


conflit entre le fait et le droit. Jacques Opangault estimait que
le moment était venu pour que l’ « africanisation » des postes
le soit dans les faits. Cette recherche d’effectivité de
gouvernance africaine était malheureusement opposée à un
argument de droit soutenu par l’article 77 de la Constitution
française de 1958. Dans un contexte de citoyenneté française
unique tel qu’affirmé à l’article 77 de ladite Constitution, il est
inadmissible de soutenir une quelconque exclusion d’un autre
citoyen du débat.

26
Voir : Intervention de Tchichelle dans Recueil des comptes rendus de
l’Assemblée législative du Congo (1958-1959), p.8
27
Voir : Intervention de Sevely dans Recueil des comptes rendus de
l’Assemblée législative du Congo (1958-1959), p.8
28
Voir : Intervention de Fourvelle, un député MSA, dans Recueil des
comptes rendus de l’Assemblée législative du Congo, op.cit.

- 34 -
C’est à partir de ce moment qu’il convient de saisir
réellement ce qui a occasionné la sortie du groupe MSA des
débats. Du compte rendu de Mahé, il ressort que c’est au cours
de la réunion de la commission élargie, que le groupe MSA a
« refusé l’examen du projet de loi constitutionnelle et a
demandé que soit reprise la proposition discutée au cours de
la séance de la matinée et tendant à fixer la composition du
gouvernement. Cette proposition ayant été rejetée par 22 voix
contre, le groupe MSA a quitté la salle des séances ».

Après ce compte rendu fait en l’absence du MSA, les


conseillers UDDIA poursuivirent les travaux. Au moment
d’épuiser la procédure d’examen dudit projet de loi, on
enregistra l’entrée inopinée de Jacques Opangault dans la salle.
S’insurgeant violemment contre la motion prise à l’encontre de
son groupe par les conseillers UDDIA-PPC, Jacques
Opangault s’exprima en ces termes :

J’arrive et vous m’apprenez que le groupe MSA a fait


volte-face et a quitté cette salle. Je demande la
permission de faire venir mon groupe et que cette
motion soit retirée. Quelle que soit la situation, je ne
tourne pas le dos29.

Il reste que ce cri de cœur n’a pas été entendu, malgré


l’accord donné par Christian Jayle à Opangault pour faire
revenir son groupe en salle. Ayant pourtant loué la sagesse de
Jacques Opangault pour cette démarche, l’Abbé Fulbert
Youlou, pressé de prendre le fauteuil, ne s’est pas empêché de
manier la carotte et le bâton, en demandant à Christian Jayle
de poursuivre les travaux par le vote de la loi constitutionnelle
n°1, dont certaines dispositions remettaient en cause,

29
Recueil des comptes rendus de l’Assemblée législative, op. cit.

- 35 -
l’équilibre institutionnel acquis avec l’Assemblée Territoriale
formée le 31 mars 1957.
Excédé par la procédure de poursuite des travaux engagée
par Christian Jayle, Jacques Opangault avait cru bon d’opposer
une riposte violente en lançant le téléphone qu’il tenait en
mains sur ce dernier, avant de sortir définitivement de la salle
et organiser une résistance politique à l’extérieur.
Cela s’était traduit par une vague d’agitations qui
justifieront le déménagement précipité du siège du
Gouvernement et de l’Assemblée de Pointe-Noire à
Brazzaville.

A la vérité, l’absence du groupe MSA du reste des


discussions sur les points inscrits à l’ordre du jour de la séance
du 28 novembre 1958, était tout juste un repli dissuasif qui
visait à amener les conseillers UDDIA à faire l’unanimité
autour de sa proposition de Gouvernement d’union nationale.
Par ailleurs, après le débauchage du député Georges Yambot
par l’UDDIA, le MSA redoutait une humiliation qui
surviendrait d’une participation inacceptable à un vote où son
groupe était devenu minoritaire à l’Assemblée territoriale.
Opangault qui était le Chef du gouvernement en titre,
n’entendait pas perdre son fauteuil par un jeu de
« débauchage » malsain, organisé par l’UDDIA pour faire
basculer la majorité à l’Assemblée, d’où son opposition. Il ne
lui restait en fait qu’à adopter la politique de la chaise vide,
une stratégie de coup d’éclat qu’il croyait dissuasive, en vue
d’empêcher la poursuite de la séance. C’était sans compter
avec le groupe UDDIA qui, resté seul dans la salle, a délibéré
unilatéralement sur le reste des points inscrits à l’Ordre du
jour.

La journée du 28 novembre 1958 a été donc partagée entre


joie et humeurs. Le consensus politique obtenu autour de la

- 36 -
proclamation de la République du Congo en matinée, s’est
éteint comme un feu de paille avec l’absence du groupe MSA
de la validation d’autres points inscrits à l’Ordre du jour.

Relevant le climat délétère de la journée du 28 novembre


1958, Georges Mazenot30, dernier commandant « blanc » de la
Likouala-Mossaka, le lie, comme nous l’avons souligné plus
haut, à la situation créée par le député Yambot :

On se souvient qu’Opangault avait eu précédemment


la majorité nécessaire pour être nommé Vice-président
du Conseil ; or, à la suite de manœuvres de son
concurrent, il était devenu minoritaire au sein de
l’assemblée (le représentant du Niari était passé à
l’UDDIA) et, en conséquence, ce n’est pas lui qui
accéda à la magistrature suprême.

Dans cette histoire trouble, on a rarement évoqué la


responsabilité du Président de l’Assemblée Christian Jayle.
Ayant autorisé la procédure d’examen du reste des points à
l’Ordre du jour, et fait valider les délibérations y relatives, sans
avoir engagé une salutaire procédure de conciliation des deux
groupes, Christian Jayle consacra ainsi la partition de fait, et
partant, la fragilisation du consensus national. Le retrait des
conseillers MSA des débats avait comme conséquence
politique immédiate, la remise en cause de la validité du reste
des délibérations. L’Assemblée législative étant devenue
« monocolore » et sans enjeu, la valeur juridique des
délibérations ne pouvait qu’être sujette à interrogations.
Nonobstant le principe de liberté du député, le débauchage
de Georges Yambott, qu’on assimile à une transhumance

30
Georges Mazenot, 1996, Le dernier commandant ; mémoires d’outre-
mer, Paris, L’Harmattan, p.92

- 37 -
politique, aurait plutôt entraîné l’invalidation du siège, et sa
remise à concurrence par l’organisation de l’élection partielle
dans la circonscription de Mossendjo. La reprise de l’élection
partielle dans cette circonscription aurait permis d’éviter
certainement la cristallisation d’un contentieux lourd de
conséquences, et qui déboucha, quelques mois seulement après
la proclamation de la République, sur une honteuse guerre
civile, le 16 février 1959 à Brazzaville. Tout au plus, la classe
politique aurait dû exploiter le précédent de 1957, par la
formation d’un Gouvernement d’union nationale. Elu en effet
avec une voix d’avance comme Vice-président du Conseil du
gouvernement à l’issue des élections du 31 mars 1957, par 23
voix contre 22, Jacques Opangault avait pu former un
gouvernement de coalition nationale MSA-UDDIA : dans ce
gouvernement, l’UDDIA avait occupé cinq portefeuilles
ministériels.

 L’investiture du Premier ministre Fulbert Youlou le 28


novembre 1958.
Comme on le constate par la suite, l’élection de l’Abbé
Fulbert Youlou ne constituait plus un enjeu. Resté seul dans la
salle, le groupe UDDIA avait poursuivi l’examen des points à
l’Ordre du jour. Après l’adoption de la loi constitutionnelle
n°1, Tchichellé proposa la candidature unique de Fulbert
Youlou, qui fut élu sans surprise par les 23 conseillers UDDIA
restés dans la salle, en qualité de Premier ministre, Chef du
gouvernement provisoire. Cette investiture fut marquée par
l’allocution de l’Abbé Premier ministre dans laquelle il prôna
l’unité nationale31 :

31
Discours de Fulbert Youlou après son investiture en qualité de Premier
ministre, Recueil des comptes rendus, op.cit.

- 38 -
Dans ce jour d’allégresse, messieurs, rien ne devrait
nous diviser. La République du Congo est ouverte à
tous et elle serait incompatible, si tous n’y avaient pas
leur place (…) depuis Ouesso et Fort Rousset, jusqu’à
Pointe-Noire. Un même esprit, un même sentiment,
doivent grouper dans la même communion, tous les
hommes, toutes les femmes de ce même peuple.

En récompense à sa fidélité et à son appui incontesté à son


égard, l’Abbé Premier ministre nomma, séance tenante,
Stéphane Tchichellé, Ministre de l’Intérieur, Chargé de l’ordre
public : une procédure cavalière et inhabituelle32, mais justifiée
en toute évidence comme la manifestation de sa
reconnaissance à un homme qui a été au centre de son
investiture. Youlou lui devait ce retour d’ascenseur.

 Le transfert du siège de l’Assemblée législative et du


Gouvernement provisoire à Brazzaville.
La nomination unilatérale de l’Abbé Fulbert Youlou en
qualité de Premier ministre, Chef du gouvernement provisoire,
avait provoqué à Pointe-Noire une surchauffe entretenue par
les militants du MSA, sanctionnée par des incidents de tout
genre. Pour prévenir de nouveaux incidents fâcheux, Sevely
proposa le transfert du siège du Conseil du gouvernement et de
l’Assemblée Territoriale à Brazzaville. Cette proposition
donna lieu à l’adoption de la loi constitutionnelle n°2 du 28
novembre 1958 fixant provisoirement à Brazzaville, le siège
de l’Assemblée législative et du Gouvernement provisoire de
la République du Congo.

32
Voir : Décret n°01 du 28 novembre 1958 portant nomination du
Ministre de l’Intérieur.

- 39 -
Avec l’appui des troupes de la Métropole, le nouveau
Premier ministre et les conseillers UDDIA s’embarquèrent
furtivement dans le train qui les ramena à Brazzaville.
C’est dans le bâtiment tenant lieu de dortoirs du Lycée
Savorgnan de Brazza à Bacongo, que fut réinstallé, à titre
provisoire, le siège de l’Assemblée législative.

III- L’indépendance nationale

Le processus de décolonisation, entamé concrètement en


1958 avec la transformation des anciennes colonies en
Républiques-Etats membres de la Communauté, a débouché en
1960 sur des indépendances qui, selon toute vraisemblance,
n’ont été ni données, ni prises. Elles ont toutefois fait l’objet
d’un formalisme circonstanciel autour des accords dits
« particuliers », passés entre les nouveaux Etats indépendants
et la France. Pour le cas du Congo, cette indépendance,
proclamée le 15 août 1960, a été précédée par une série
d’accords conclus avec la France le 12 juillet 196033. Après
deux ans de transition passés à l’intérieur de la Communauté,
le Congo recouvre son indépendance le 15 août 1960. Il
intègre ainsi le bloc des 13 colonies françaises devenues
indépendantes en 196034.

33
L’Abbé Fulbert Youlou a conclu, pour le compte du Congo, des
accords avec la France, représentée par Jean-Foyer, Secrétaire d’Etat aux
relations avec la Communauté, un mois avant l’indépendance du 15 août
1960. Cette procédure a été la même avec tous les Etats de l’AEF et de
l’AOF.
34
Cameroun (1er janvier) ; Togo (27 avril) ; Madagascar (26 juin) ;
Dahomey (1er août) ; Niger (3 août) ; Haute-Volta (4 août) ; Côte d’Ivoire
(7 août) ; Tchad (11 août) ; Oubangui-Chari (13 août) ; Moyen-Congo
(15 août) ; Gabon (17 août) ; Mali (22 septembre) ; Mauritanie (28
novembre).

- 40 -
Cette indépendance s’est opérée en trois phases :
- la phase de la révision constitutionnelle et de la loi
constitutionnelle du 4 juin 1960 ;
- la phase des accords particuliers du 12 juillet 1960 ;
- la phase de la proclamation de l’indépendance le 15 août
1960

1-La révision constitutionnelle et la loi constitutionnelle


Pour défaire l’alliance communautaire instituée au titre XII
de la Constitution de 1958, et légitimer les indépendances des
colonies, De Gaulle promulgua la loi constitutionnelle n° 60-
525 du 4 juin 1960. Il s’agissait de compléter la procédure de
révision prévue à l’article 85 en ajoutant un deuxième alinéa
libellé comme suit :

Les dispositions du présent titre peuvent être


également révisées par accords conclus entre tous les
Etats de la Communauté ; les dispositions nouvelles
sont mises en vigueur dans les conditions requises par
la constitution de chaque Etat.

L’article 85 était initialement libellé comme suit :

Par dérogation à la procédure prévue à l’article 89,


les dispositions du présent titre qui concernent le
fonctionnement des institutions communes sont
révisées par des lois dans les mêmes termes par le
Parlement de la République et par le Sénat de la
Communauté.

En plus des lois, le titre XII qui porte institution de la


Communauté « peut être également révisé par voie
d’accords ». C’était-là une disposition souple en vue de valider
la procédure de négociations des accords entre la Métropole et

- 41 -
les autres Etats membres de la Communauté. L’article 86 a
aussi fait l’objet d’un amendement par l’ajout de trois alinéas
déterminants, ainsi libellés :

-Un Etat membre de la Communauté peut également,


par voie d’accords, devenir indépendant sans cesser de
ce fait d’appartenir à la Communauté.
-Un Etat indépendant non membre de la Communauté
peut, par voie d’accords, adhérer à la Communauté
sans cesser d’être indépendant.
-La situation de ces Etats au sein de la Communauté
est déterminée par des accords conclus à cet effet,
notamment les accords visés aux alinéas précédents
ainsi que, le cas échéant, les accords prévus au
deuxième alinéa de l’article 85.

C’est donc en vertu de ces dispositions pertinentes que les


accords particuliers passés entre le Congo et la France le 12
juillet 1960, trouvent leur fondement.

2 La conclusion des accords du 12 juillet 1960


A ce propos, on s’est parfois interrogé sur la manière dont
ont été conclues ces indépendances dans les différentes
colonies. Bon nombre d’observateurs ont cherché à savoir si
les dates des indépendances ont été une action unilatérale ou
concertée ?
Il nous apparaît que cette action a fait l’objet d’une
concertation avec les régimes transitoires en place. Sous le
Gouvernement Michel Debré et sous la conduite de Jean
Foyer, Secrétaire d’Etat aux relations avec les Etas de la
Communauté, une série d’accords particuliers ont été conclus
et soumis pour approbation, à l’Assemblée nationale française
et aux différentes Assemblées locales. Quatre pays de l’AEF,
le Tchad, le Congo, le Centrafrique et le Gabon, ont signé avec

- 42 -
la France, des accords particuliers. C’est en Mai 1960 que les
quatre Etats de l’Entente (ex-AEF), représentés par leurs Chefs
de gouvernement, se sont retrouvés à Fort Lamy et à Paris
pour arrêter une stratégie commune.
Il importe toutefois de relever que le débat sur la
« décommunautarisation » des ex-colonies ne faisait pas
l’unanimité au sein de l’opinion française. A l’Assemblée
nationale, cette question qui opposa « colonialistes » et
« indépendantistes », fut débattue dans une atmosphère
particulièrement tendue.

Ainsi, le Congo a conclu avec la France, les premiers


accords ci-après :

- Accord particulier portant transfert à la République du


Congo des compétences de la Communauté ;
- Accord relatif aux dispositions transitoires applicables
jusqu’à l’entrée en vigueur des accords de coopération entre
la République française et la République du Congo ;
- Accord de participation de la République du Congo à la
Communauté.
Les accords signés avec le Congo, le Tchad et le
Centrafrique, ont fait l’objet d’un seul texte de loi adopté à
l’issue du vote de l’Assemblée nationale française, sur le
rapport de Jean Foyer, Secrétaire d’Etat aux relations avec la
Communauté, dont les résultats se présentent comme suit :

Suffrages exprimés : 446


Majorité absolue : 224
Pour : 384
Contre : 62

- 43 -
Dix autres accords particuliers, paraphés le 12 juillet 1960,
ont été signés dans les domaines variés, le 15 août 1960. Ils
ont aussi fait l’objet d’une approbation par l’Assemblée
nationale congolaise suivant la loi n° 60-44 du 15 août 1960,
sur le rapport de la Commission élargie présenté par Maurice
Lheyet-Gaboka (Rapporteur de l’Assemblée nationale). Il
s’agit des accords ci-après :

-Accord de coopération en matière de politique étrangère ;


-Accord d’assistance militaire ;
-Accord en matière d’aide ;
-Accord en matière domaniale ;
-Accord de coopération culturelle ;
-Accord d’établissement ;
-Accord relatif au Centre d’Enseignement Supérieur de
Brazzaville (CESB) ;
-Accord de défense ;
-Accord de coopération en matières monétaire, économique
et financière ;
-Accord relatif à l’enseignement supérieur.

3-La proclamation de l’indépendance nationale


L’indépendance du Congo a été formellement proclamée le
15 août 1960 au cours d’une cérémonie solennelle organisée
en face de l’Hôtel de ville, en présence de : André Malraux,
Ministre français de la culture, dépêché par le Gouvernement
français pour superviser la vague des indépendances à travers
les anciennes colonies ; Fulbert Youlou, président de la
République du Congo. La cérémonie a été précédée par des
offices religieux dans les différentes paroisses.

Au-delà de la charge émotive générée par la date du 15 août


1960, on peut, sans risque de se tromper, affirmer que la
proclamation de l’indépendance ne constituait plus un enjeu en

- 44 -
soi. Les deux années passées dans la Communauté avec
l’Abbé Fulbert Youlou, auxquelles s’ajoute la gouvernance de
Jacques Opangault, ont permis au Congo de goûter aux
prémices de la gouvernance de ses propres affaires.
Toutefois, ayant pris son destin en mains, la première
préoccupation du nouvel Etat indépendant consista à donner de
la visibilité à sa souveraineté tant au plan interne qu’externe.
Son avènement intégral dans le concert des Etats impliquait
une démarche diplomatique de reconnaissance vis-à-vis des
partenaires bilatéraux et multilatéraux.
Pour une meilleure visibilité du nouvel Etat à l’extérieur, le
président de la République Fulbert Youlou promulgua la loi n°
60-16 du 19 septembre 196035 confiant au Gouvernement
pleins pouvoirs pour défendre l’appellation internationale de la
République du Congo.

Nonobstant la pertinence de la démarche, il y a lieu de


relever un vice d’ordre procédural contraire à la pratique
diplomatique internationale. La défense de souveraineté d’un
Etat n’entraîne aucune présentation de pleins pouvoirs
supplémentaires. L’acte d’indépendance implique la capacité
d’un Etat à engager sa responsabilité internationale et à jouir
pleinement de son statut pour passer des accords bilatéraux ou
multilatéraux avec des tiers. L’indépendance ne constitue pas
un acte soumis à négociation pour que soient produits les
pleins pouvoirs.
Toutefois, dans le cadre de l’adhésion à l’ONU, cette
procédure de présentation des pleins pouvoirs par les
plénipotentiaires de l’époque, s’avéra nécessaire. Les

35
Voir : Journal officiel de la République du Congo du 15 septembre
1960, p.663. Compte rendu intégral de la 2ème séance du mercredi 20
juillet 1960.

- 45 -
démarches y relatives permirent au Congo d’adhérer à l’ONU
le 20 septembre 1960. Par ailleurs, cette action diplomatique
s’était étendue au plan bilatéral, par l’ouverture d’une série de
missions diplomatiques à Paris, Washington, New York, et
dans certains pays africains. Le Congo prit part à la création
des organismes panafricains de coopération tels que : l’OUA,
l’OCAM.

4-Des symboles de la République


Les attributs du nouvel Etat devaient être soutenus par des
symboles, comme signes distinctifs de l’identité de la nouvelle
République36. Le drapeau, la devise et l’hymne sont les trois
symboles qui ont été institués en 1959. En revanche, le sceau,
ainsi que les armoiries ont été instituées respectivement en
1961 et 1963.

1- Le premier symbole a été l’institution du drapeau tricolore


« vert-jaune-rouge », conformément à la loi
constitutionnelle n°08 du 18 août 1959 qui en définit le
format ainsi que les dimensions : 1 m80 sur 1 m 20.
2- Le deuxième symbole est la devise « Unité Travail
Progrès », instituée par la loi constitutionnelle n°09 du 3
novembre 1959.
3- Le troisième symbole est l’hymne national, institué par la
loi constitutionnelle n°10 du 21 novembre 1959. C’est une
composition de : Jean Royer, Joseph Spaldilière, Jacques
Tondra et Georges Kibanghi.
4- Le quatrième symbole qui est intervenu après
l’indépendance est le « sceau », institué par la loi n°5-61 du
11 janvier 1961. L’article 1er dispose que le « sceau de la
République » est circulaire au diamètre 0m 10. L’article 2

36
Voir : Brochure sur les symboles de la République, Journal officiel du
Congo, Brazzaville, 2007.

- 46 -
dispose que les timbres et cachets de la République du
Congo sont circulaires au diamètre 0 m 04.
5- Le cinquième symbole est représenté par les armoiries,
instituées par le décret 63-262 du 12 août 1963.

IV- Gestion de la Première République

La gestion de la première République a été marquée par une


succession d’actes contrastés : gloire, frustrations, deuil et
révolution. C’est sous l’angle politico-institutionnel que nous
abordons cette partie. Nous avons volontairement laissé de
côté les aspects socio- économiques qui ont illustré l’effort
d’appropriation de la gouvernance congolaise des affaires.
Hervé Diata, dans le volume IV de cette Histoire générale du
Congo, s’y est attelé37. Il y appert clairement que, en dépit du
climat politique quelque peu morose, le bilan socio-
économique à mi-parcours, a mis en relief certaines qualités
d’homme d’Etat de l’astucieux Abbé Président.

1-La redistribution des cartes politiques et la consolidation


du pouvoir Youlou
L’Abbé Fulbert Youlou, seul maître à bord, dut renforcer sa
légitimité au lendemain de l’indépendance nationale, en
organisant coup sur coup : le référendum constitutionnel le 2
mars 1961, l’élection présidentielle où il sortit sans surprise,
victorieux le 26 mars 1961.
La gouvernance Youlou s’est en outre distinguée par
l’association des opposants à la gestion consensuelle des
affaires. On a relevé par ailleurs une certaine instabilité
gouvernementale sans précédent. Entre 1959 et 1963, les

37
H. Diata, 2010, « Le développement économique du Congo, de 1960 à
2010 », Histoire Générale du Congo, vol. IV, pp. 9-38.

- 47 -
remaniements ministériels intervenaient en moyenne tous les
six mois.

Ainsi, après la nomination par décret n° 58-1 du 28


novembre 1958 de Stéphane Tchichellé au poste de Ministre
de l’Intérieur, Chargé de l’ordre public, la formation de la
première équipe gouvernementale sera complétée par l’entrée
de quatorze membres dans le Gouvernement provisoire, à
savoir : deux Ministres d’Etat, sept Ministres, cinq Secrétaires
d’Etat, conformément au décret n° 58-2 du 8 décembre 1958.
Il sied toutefois de relever qu’un mois après la formation de
la première équipe gouvernementale, Youlou enregistre une
première démission dans son Gouvernement en la personne de
Valentin Thombé, Ministre d’Etat, qui est remplacé par Isaac
Ibouanga.

Quatre jours après les douloureux événements du 16 février


1959, l’Abbé Fulbert Youlou promulgue la loi
constitutionnelle n° 5 du 20 février 1959 par laquelle il
renforce les pouvoirs du Gouvernement. A la recherche d’une
nouvelle légitimité après lesdits événements, l’Abbé Fulbert
Youlou conforte son fauteuil en se faisant réinvestir Premier
ministre par l’Assemblée législative réunie en sa séance du 27
juin 1959.

Par le décret n° 59-125 du 3 juillet 1959, il forme la


deuxième équipe gouvernementale de son mandat. Celle-ci se
caractérise par l’institution du poste de Vice-président du
Conseil qu’il confie à son fidèle Stéphane Tchichellé,
cumulativement avec ses fonctions de Ministre de l’intérieur et
de délégué du Premier ministre à Pointe-Noire. De même, on
relève cette propension à la concentration des pouvoirs par la
création des portefeuilles de Garde des sceaux et des affaires
extérieures, qu’il détient lui-même. Sa côte de popularité

- 48 -
augmente au détriment de celle d’Opangault qui enregistre des
défections au sein de sa formation politique. Les deux députés
blancs du MSA, Albert Fourvelle et André Kerhervé, sont
membres du Gouvernement Youlou. L’on sait que l’arrestation
d’Opangault à la suite des événements du 16 février 1959, a
été préjudiciable à l’émergence politique du MSA qui
connaîtra d’autres défections. Fulbert Youlou règne en maître
absolu devant une opposition affaiblie. Ce dernier saisit cette
occasion pour redessiner la carte électorale dans laquelle
Abala par exemple sera rattachée à la circonscription du Pool-
Djoué. Cette stratégie électorale permit à l’UDDIA de sortir
largement victorieuse des élections du 14 juin 1959 avec 51
sièges contre 10 pour le MSA.

Par le décret n°59-125 du 3 juillet 1959, Youlou forme sa


troisième équipe gouvernementale qui garde plus ou moins la
même configuration politique que la précédente, avec l’entrée
au poste de Secrétaire d’Etat à la Présidence du Conseil,
délégué à l’information, de Christian Jayle, ancien Président
de l’Assemblée territoriale, et fidèle compagnon de lutte.

L’Abbé Fulbert Youlou décide par la suite d’instituer un


régime présidentiel, en demandant à l’Assemblée de modifier
au travers de la loi constitutionnelle n°11 du 21 novembre
1959, son titre de Premier ministre. Il se fait désormais appeler
président de la République, tout en gardant les mêmes
prérogatives. Cette concentration des pouvoirs a eu pour
conséquence, le renforcement de son autorité et du culte de la
personnalité qui le conduiront plus tard à la dérive que les
« révolutionnaires » exploiteront malicieusement dans le dos
des syndicalistes pour le chasser du pouvoir le 15 août 1963.

- 49 -
2-La conséquence politique du contentieux du 28
novembre 1958 et de la guerre civile du 16 février 1959
La guerre civile du 16 février 1959 est la résultante d’un
défaut de « solutionnement » de la situation politique du 28
novembre 1958, dont la mauvaise humeur se cristallisa en
contentieux fatal. C’est la première tâche noire de la gestion
congolaise des affaires ce, quelques mois seulement après la
proclamation de la République du Congo et l’investiture du
Premier ministre Fulbert Youlou. En effet, cette guerre civile
est la pire des choses qu’un peuple ne peut commettre contre
lui-même.
Cette guerre qui coûta la vie à une centaine de Congolais à
Brazzaville, prit fin grâce à l’intervention musclée des forces
de l’ordre. Accusés d’instigateurs de cette violence, Jacques
Opangault et quelques militants du MSA furent arrêtés et jetés
en prison. Ils furent libérés cinq mois après.

Entre le 17 et le 20 février 1959, l’Abbé Fulbert Youlou


promulgua une série de lois pour le rétablissement de l’ordre
public :

- Loi constitutionnelle n°3 du 16 février 1959 suspendant


provisoirement l’application de l’article 2 de la loi
constitutionnelle n°1 du 28 novembre 1958 ;
- Loi n°5/59 du 17 février 1959 relative aux armes et
munitions ;
- Loi n° 6/59 du 17 février 1959 relative aux visites
domiciliaires et réquisitions ;
- Loi n°7/59 du 17 février 1959 relative aux vérifications
d’identité ;
- Loi n°17/59 du 18 février 1959 relative au rétablissement de
l’ordre public et à la sauvegarde des personnes et des biens ;
- Loi constitutionnelle n°7 du 20 février 1959 relative à la
mise en place des institutions.

- 50 -
L’ensemble de ces mesures eurent pour conséquences, le
démantèlement de l’opposition. Affaibli par cette épreuve,
Jacques Opangault se contenta de jouer les seconds rôles aux
côtés de son « frère ennemi » ce, pour favoriser l’unité
nationale. A la suite des tournées que les deux « frères
ennemis » entreprirent à travers le pays, Fulbert Youlou réussit
à rallier son adversaire à sa cause, en l’associant étroitement à
la gestion des affaires, respectivement en qualité de Vice-
président, Ministre d’Etat, Ministre, jusqu’à son départ de la
tête de l’Etat le 15 août 1963.

C’était pourtant le petit geste attendu le 28 novembre 1958


pour conjurer les velléités belligènes qui ont été enregistrées
sur fond de frustrations et de gâchis de la dynamique
républicaine pour défaut d’entente entre les deux formations
politiques !

Justifiant son appui au climat de paix et aux accords


conclus avec la France pour l’indépendance du Congo, Jacques
Opangault lança un « message à la Nation » le 28 juillet
196038, autour du thème central d’amour et d’unité, comme le
montre cet extrait :

En dehors des luttes idéologiques, en dehors de notre


opposition démocratique et constructive pour un
mieux- être du pays, pour une amélioration toujours
poursuivie et toujours plus grande, nous avons tous,
nous Congolais, des objectifs supérieurs, des devoirs
communs impérieux. En face des grandes tâches
nationales, nous n’avons qu’un seul drapeau, qu’une
seule devise, qu’un seul but : le Congo […]. Nous

38
Voir : Message de Jacques Opangault à la Nation, dans la compilation
de ses Ecrits et discours, publiée par Théophile Obenga.

- 51 -
allons, le Chef du Gouvernement et moi-même, faire
incessamment une tournée commune dans les
préfectures du Nord, nous y affirmerons notre Union
sur les grands problèmes d’ensemble.

V-La révolution des 13-14-15 Août 1963

Les cinq années de gouvernance de l’Abbé Fulbert Youlou


ont été brutalement interrompues le 15 août 1963, à la faveur
d’un banal mouvement syndical récupéré par des
« révolutionnaires » autour d’un coup de force appelé
« Révolution des 13-14-15 août 1963 », ou encore « les Trois
glorieuses ».

Le point de départ de cette révolution est le mouvement


syndical déclenché tout d’abord par les enseignants, et qui finit
par des revendications syndicales croisées conduites par trois
principales centrales syndicales : la Confédération africaine
des travailleurs croyants (CATC) ; la Confédération africaine
des syndicats libres (CASL) ; la Confédération générale
africaine des travailleurs (CGAT). Au-delà de divergences
idéologiques, les trois centrales syndicales décident d’unir
leurs forces autour d’une coalition syndicale dénommée
« Comité de fusion», dirigé par Pascal Okyemba Morlendé,
par opposition au « Comité d’entente pour le Parti unique »
constitué par Abel Thauley Ganga, Julien Boukambou,
Dieudonné Miakassissa, François Gandou.

Il y a en outre le projet de création du Parti unique dont on


attribua l’influence au passage du Président guinéen Sékou
Touré à Brazzaville, tout comme au séjour de l’Abbé Fulbert
Youlou à Conakry. A ce propos, quoique son existence fût
justifiée par la nécessité de consolider la cohésion nationale au
lendemain de l’indépendance, les syndicats voyaient en cet

- 52 -
acte une stratégie « youliste » pour briser l’expression plurielle
et, partant, pour l’affaiblir le mouvement syndical.

D’autres facteurs ont aussi concouru à cette révolution,


notamment les accusations des syndicalistes contre l’Abbé, à
savoir : l’embourgeoisement, les affectations arbitraires, les
ponctions injustifiées sur les salaires, etc... Il s’agit des chefs
d’accusation plus politiques que syndicales, présentés comme
des signes annonciateurs de la grave épreuve de force du 15
août 1963.
A la suite de l’audience accordée par le Président Fulbert
Youlou aux syndicalistes le 24 juillet 1963, une longue
déclaration subversive s’en suivit. Celle-ci laissait transparaître
un désaveu des propositions de sortie de crise faites par le
Chef de l’Etat.
Devant le pourrissement de la situation politique et sociale,
le Chef de l’Etat adressa à son tour un message à la Nation le
27 juillet 1963. Le fond du message portait sur l’appel à l’unité
autour de l’idée de la création du Parti unique. En dépit de cet
appel, les syndicalistes lancèrent un mouvement de grève
générale le 10 août 1963. Le 13 août 1963, les syndicalistes
Thauley Ganga, François Gandou et Adolphe Bengui furent
arrêtés par les gendarmes et jetés en prison. Cet acte provoqua
un tôlé au sein des centrales syndicales, qui décidèrent
d’attaquer la Maison d’arrêt pour y extraire leurs camarades.
Devant la pression grandissante, les forces de l’ordre ouvrirent
le feu dans la foule. La répression du mouvement se solda par
des morts : Raphaël Massamba, Gaston Lenda, Pierre Nsiété,
Honoré Donga. Le Président Fulbert Youlou lança un nouvel
appel au calme sur les antennes de la radio et annonça une
série de mesures, dont la formation d’une nouvelle équipe
gouvernementale ainsi que le retrait provisoire du projet sur le
Parti unique. Ce énième appel ne fut pas entendu. La situation
se durcit davantage et aboutit le 15 Août 1963 par la démission

- 53 -
de l’Abbé Président Fulbert Youlou, remise au Capitaine
Mouzabakani, Chef d’Etat-major des Forces Armées
congolaises. Le témoin fut passé à Alphonse Massamba-Débat
en qualité de Premier ministre, Chef du Gouvernement,
Ministre des armées39, après l’organisation du référendum
constitutionnel le 8 décembre 1963.

CONCLUSION

La naissance de la République du Congo est le résultat du


processus de décolonisation déclenché à la fin de la Seconde
Guerre mondiale et parachevé par les Quatrième et Cinquième
République française, après sept décennies de colonisation. Ce
chapitre a permis d’apporter un éclairage, quoique succinct, à
ce processus qui a vu l’évolution du statut du Congo en trois
phases : la phase de Territoire du Moyen-Congo avec Pointe-
Noire comme capitale, dans le cadre de l’Afrique équatoriale
française (AEF) et de l’Union française ; la phase de
République, Etat membre de la Communauté française ; la
phase de l’indépendance qui couronne ainsi l’achèvement de
ce processus et l’avènement du Congo nouveau.
En outre, on s’est efforcé de montrer que l’avènement de la
République du Congo est intervenu le 28 novembre 1958 et
non le 15 août 1960.
Ce chapitre a par ailleurs permis de relever les écueils qui
ont entouré les cinq premières années de gestion congolaise
des affaires. Le Congo a été l’un des rares pays à salir très tôt
son enfantement survenu non sans douleur, en cristallisant un
contentieux qui déboucha le jour même de la proclamation de
la République, le 28 novembre 1958, sur une humeur dont le
39
Voir : Décret n°63-272 du 16 août 1963 portant nomination du
Gouvernement provisoire.

- 54 -
défaut de « solutionnement » déboucha sur une guerre civile le
16 février 1959. La situation révolutionnaire des13, 14,15 août
1963 a été également un mauvais présage plutôt qu’un bonheur
dans la stabilité institutionnelle du paysage politique
congolais.
C’est donc autour de ces péripéties que vint la République :
par un parcours historique visiblement chargé d’épreuves.

- 55 -
CHAPITRE 2

L’ERE DU MOUVEMENT NATIONAL DE LA


REVOLUTION (MNR) (1963-1968)

Par Martin MBERI

INTRODUCTION

Le MNR, véritable parti politique, a marqué l’histoire du


Congo contemporain. Notre ambition dans cette étude est d’en
présenter la genèse et de faire saisir l’évolution des différentes
phases de son histoire.

I - La genèse

Le Président Fulbert Youlou est renversé par une insurrection


populaire les 13, 14, 15 août 1963. L’échiquier politique
congolais « post » Fulbert Youlou se met très rapidement en
place. Son instrument politique majeur est le « Mouvement
national de la révolution » (MNR), Parti Unique de son état. Il
n’y a plus ni PPC*, ni UDDIA*, ni MSA* : ils sont désormais
les partis d’un système politique du passé.
A l’issue de son Congrès Constitutif tenu à Brazzaville du
29 juin au 2 juillet 1964, le MNR est consacré Parti
institutionnel par la loi 25-64 du 20 juillet 1964, en violation
flagrante avec la Constitution du 8 décembre 1963 qui
reconnaît en son article 10 la liberté d’association. Cette
logique s’inscrit dans la même orientation que celle qui a
prévalu sous le Président Fulbert Youlou. En effet, en violation
flagrante de l’article 5 de la Constitution de 1961 qui établit le

- 57 -
système multi partisan dans notre pays, un Parti Unique
innomé non sanctionné par un Congrès Constitutif est institué
par la loi numéro 14-63 du 13 avril 1963. Ces deux moments
constituent le point de départ des dérives constitutionnelles qui
désacraliseront le respect de nos constitutions, contribuant dès
le départ à fragiliser lourdement la démocratie par la suite.

Quel est donc le projet politique qui soutient cette création


obstinée du Parti Unique contre toute logique
constitutionnelle ?

Il est connu de tous que les insurgés des 13, 14, 15 août 1963,
chantant tous « l’hymne à la liberté », auraient pu faire du
retour à la démocratie pluraliste leur exigence inconditionnelle.
Ce qui n’a jamais été le cas. Nous savons tous également que
sur le plan international, après la Seconde Guerre mondiale, le
Parti Unique a eu mauvaise presse. Il rappelle tristement Hitler
et Mussolini ainsi que toutes les grandes destructions de la
guerre. Si on identifie le Parti Unique comme étant le parti
fasciste par excellence, on commence à découvrir que le Parti
Unique c’est aussi le stalinisme et le goulag. Rien n’y fit.
Il y a quelque part une idée plus forte et décisive que la
forme des partis qui inonde la conscience de nos jeunes
dirigeants. L’indépendance a ressuscité la nation. Et la nation
est un appel pressant, un impératif à l’édification de l’Etat-
Nation. Ce qui suppose : briser toutes les barrières qui
jonchent la route de son édification, les groupes sociaux, les
différences ethniques ou religieuses. Tout est à unir. Et le Parti
Unique est le lieu privilégié de cette unité. C’est l’instrument
d’accélération non seulement de l’Etat-Nation, mais du
développement pour sortir « nos compatriotes » de la misère et
favoriser la modernisation du pays. C’est la pensée politique
dominante du moment.

- 58 -
Pour la jeune classe dirigeante qui se heurte déjà à des
difficultés quasi insurmontables, l’institution du Parti Unique
comme parade à cette situation devient une priorité.
Nonobstant le fait que derrière le Parti Unique se dessinent
également des véritables enjeux de pouvoir, il s’impose à tous
comme un acte patriotique, non seulement au Congo-
Brazzaville, mais dans tous les jeunes Etats Africains de la
même génération. Cet instantané peut nous emmener à penser
que l’émergence du monopartisme que traduit la création du
MNR est sans racines. Qu’il s’agit tout simplement d’un effet
de mode. C’est en réalité l’aboutissement des mutations
politiques diverses qui a façonné notre espace politique depuis
l’installation du système colonial en rupture de ban avec le
modèle de notre société traditionnelle. Plusieurs phases
caractérisent l’évolution politique de la société colonisée : la
première est celle de l’administration directe, ignorant les
autochtones ramenés au rang de simples sujets sans statut,
corvéables à merci ; la deuxième traduit la collaboration dans
un rapport de maîtres à subordonnés bien établi entre les
colonisateurs et leurs anciens sujets ; la troisième est celle qui
a ouvert la voie à la gestion par les autochtones devenus
citoyens de l’Union Française depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale de leur territoire, des sociétés demeurant
colonisées dans leur essence, leurs principes et leurs règles.
En effet, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la
puissance coloniale est obligée de constater que le territoire du
Moyen-Congo, notre pays, a participé à l’effort de guerre,
donc à la reconquête de la liberté des peuples du monde,
comme il est obligé de se rappeler que Brazzaville capitale de
l’AEF a été aussi celle de la France Libre, la France
Combattante. C’est dans cette ville précisément qu’en 1944 au
cours de la Conférence dite de Brazzaville que sont jetées les
bases des rapports nouveaux qui s’établiront entre la France et
ses colonies. La France de la colonisation directe est donc

- 59 -
derrière nous. C’est une page qui est définitivement
tournée, celle qui a débuté depuis les années 1940 qui
marquent une évolution par rapport à l’époque de
« l’administration directe » à laquelle e succède. Les années
1940 avancent, triomphantes, promues et soutenues par les
nouvelles valeurs et les nouvelles règles de l’Union Française.
C’est donc dans la première moitié de la décennie 1940-1950
qu’interviennent les valeurs de liberté et l’usage du modèle
représentatif dans la gestion du territoire qui a modifié
notamment le régime de l’indigénat. Toute cette œuvre nous
ramène au gouverneur général Eboué. Et lorsqu’en 1946, au
niveau de chaque Territoire, les citoyens de l’Union français
obtiennent le droit de participer aux diverses élections ouvertes
à leur profit, un pas décisif vient d’être franchi. C’est dans ce
contexte que Félix Tchicaya est élu député du Territoire du
Moyen-Congo et du Gabon à l’Assemblée Nationale
Française. Le mouvement amicaliste d’André Matsoua qui voit
le jour en 1926 dénonce l’indigénat et se prononce pour
l’émancipation et l’accès aux libertés. Il contribue sans
conteste à la prise de conscience de nos compatriotes qui
aboutira aux évolutions des années 1940 dont les vestiges
marqueront de façon indélébile la vie politique dans le Pool et
à Brazzaville. L’abstentionnisme matsouaniste massif aux
élections coloniales, notamment des années 1946 jusqu’à
l’année 1959 dans les zones précitées, demeure encore vivace.
Les rapports tendus, voire conflictuels, entre l’Abbé Fulbert
Youlou et les Matsouanistes orthodoxes, sont la preuve de
l’existence d’un courant politique matsouaniste persistant.
Force est de reconnaître que André Matsoua est le seul leader
autochtone d’envergure relevant de l’époque coloniale. Il a
laissé un impact vivant dans notre imaginaire collectif.
Malheureusement ce mouvement, pour des raisons diverses,
souvent inavouées, ne va pas organiquement traverser les
frontières du Pool sa région natale. A qui profitait le crime ?

- 60 -
La fin tragique et dissimulée d’André Matsoua peut être un
début d’explication au phénomène matsouaniste qui est
demeuré énigmatique. Il n’y avait aucune raison que la
demande d’émancipation présente dans tous nos districts et
dans toutes nos ethnies ne sût répondre à la seule offre
politique qui allait dans le sens de leurs intérêts, celle de
Matsoua. Nous connaissons tous la confusion qui s’en est
suivie. Matsoua, dont le rôle de précurseur dans notre lutte
pour l’émancipation ne fait l’ombre d’aucun doute, subit un
traitement posthume qui a fait le jeu des colonisateurs, qui
n’avaient pas besoin que le Congo eût un prophète indigène ou
un leader de référence nationale dès cette époque. Une telle
éventualité pouvait compliquer davantage la mission
civilisatrice. N’oublions pas « une étincelle peut mettre le feu
à la plaine ». De ce point de vue, André Matsoua illustre bien
le martyre qu’ont subi tous les leaders africains qui étaient en
avance sur leur temps. Le pays devenu indépendant, nous ne
pouvons que réhabiliter sa mémoire et le restituer dans sa vraie
dimension historique : «André Matsoua s’inscrit dans la lignée
des patriotes connus et inconnus qui ont accepté le sacrifice de
leur vie parce qu’ils avaient foi dans l’avenir de leur pays ».
Outre cette chevauchée qui va d’André Matsoua au député
Félix Tchicaya et après lui, les pères de l’Indépendance,
Jacques Opangault, Fulbert Youlou, Stéphane Tchichelle,
Kikounga-Ngot, Emmanuel Dadet, pour ne citer que ceux-là,
nous assistons à l’émergence d’un système politique multi
partisan généré sous l’Union Française, et que ces mêmes
hommes animeront et représenteront. C’est en cela qu’ils
comptent parmi les bâtisseurs de notre histoire commune,
histoire qui sous la colonisation, prend un sens nouveau. Dès
1946, le système électoral territorial comprend deux collèges :
selon qu’on est autochtone ou européen, on siège au premier
ou au deuxième collège. Cet apartheid qui ne dit pas son nom
et que rien ne justifie a priori, semble déconcertant. Que fait-

- 61 -
on du principe de la majorité dans un même pays où les
électeurs ont le même statut ?
Pour revenir aux partis politiques, le décor planté, Félix
Tchicaya « ouvre le bal » en créant le Parti Progressiste
Congolais (PPC), parti affilié au Rassemblement
Démocratique Africain (RDA) qui est l’œuvre de Félix
Houphouet-Boigny, Félix Tchicaya lui-même, D’Arbousier et
d’autres leaders ouest –africains, au cours d’un Congrès qui se
tint à Bamako du 19 au 21 octobre 1946.
Houphouet-Boigny en assure la présidence et Félix
Tchicaya, la Vice-présidence. Le RDA est proche du Parti
Communiste Français. C’est une nouvelle phase dans la prise
de conscience des leaders africains pour l’émancipation de
leurs peuples qui s’amorce.

Entre 1946 et 1956, naissent les partis politiques qui vont


former l’ossature du nouveau système politique colonial en
gestation. Les étiquettes politiques propres à chaque parti sont
quasi indéfinissables, si l’on tient compte de la nécessaire
interférence qui existe entre les partis européens locaux mieux
structurés, mieux dotés de ressources financières indispensables
à leur gestion d’une part, et de l’appui incontestable dont ces
partis bénéficient de la part de l’administration coloniale d’autre
part.
Aux élections à l’Assemblée territoriale de 1946, les
notables jouent le rôle de parti dans une certaine mesure, les
partis politiques n’ayant pas encore pris corps dans la société.
Aux élections suivantes, dès 1951, l’existence des partis
devient une réalité, un cadre susceptible de concourir à
l’expression du suffrage. La décennie 1946-1956 est celle de
l’éveil politique du Territoire du Moyen-Congo. L’accès aux
Assemblées territoriales qui vient d’être institué est soumis au
scrutin de liste à un tour. Ce système électoral dont la fonction
structurante, épatante va ouvrir la voie à un bipartisme qui

- 62 -
caractérisera notre système politique jusqu’ en 1962 après
l’indépendance avec la fin du multipartisme avec la loi n°14-
63 du 13 avril 1963.

Le député Félix Tchicaya qui crée le Parti Progressiste


Congolais est un ancien de William Ponty de Dakar, d’où il
sortit instituteur. Il prend part à la Seconde Guerre mondiale.
Son curriculum vitae et ses qualités personnelles facilitent son
ascension politique. Il rassure ses compatriotes qui ont besoin
de prendre leur part au mouvement d’émancipation qui
s’amorce. Le PPC récemment créé gagne la majorité à
l’Assemblée Territoriale au 2er collège devant la section SFIO*
du Moyen-Congo créée et dirigée par Jacques Opangault,
ancien séminariste, syndicaliste et greffier de renom, qui ne
manque ni de savoir ni d’expérience. C’est donc un homme de
contact qui domine la scène politique du Moyen- Congo dans
sa partie septentrionale, le sud-est subissant plus l’influence du
PPC de Félix Tchicaya. Ce sont donc ces leaders qui nous
conduisent droit vers les nouvelles perspectives qu’offre la loi
Gaston Deffere (Loi-cadre) du 23 juin 1956, mise en
application en 1957. Ce duo de têtes subit une mutation de fait,
Félix Tchicaya s’étant retiré de la scène politique pour cause
de maladie. L’entrée fulgurante de l’Abbé Fulbert Youlou avec
son élection comme Maire de Brazzaville en 1957, comble le
vide laissé par Félix Tchicaya.
Jacques Opangault et Fulbert Youlou seront à la tête des
deux coalitions : celle du MSA et celle de l’UDDIA, qui
représenteront, à la suite des élections à l’Assemblée
Territoriale du 31 mars 1957, les populations autochtones du
Moyen-Congo. La coalition MSA détenant la majorité avec 23
conseillers contre 22 à la coalition UDDIA, le Président
Jacques Opangault est élu Vice-président du Conseil de
Gouvernement Territorial et l’Abbé Fulbert Youlou, membre

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du gouvernement, chargé de l’Agriculture et des Eaux et
Forêts.
En effet l’Abbé Fulbert Youlou qui côtoie les milieux
politiques depuis 1946 au moins, est un homme de l’ombre qui
a pris le temps de s’affirmer avant qu’il ne crée l’Union
Démocratique pour la Défense des Intérêts Africains
(UDDIA), qui intervient après son échec à la députation en
1957. Son itinéraire est marqué par son échec aux élections à
l’Assemblée territoriale du Moyen-Congo en 1946, par sa
collaboration avec le Docteur Samba Delho du RPF*aux
élections à l’Assemblée territoriale en 1952 et son échec aux
élections à l’Assemblée nationale française en 1956. Pendant
toute cette période, il a su se faire une place dans l’électorat
plutôt passif et abstentionniste du Pool de cette époque. Il est
un des animateurs du Conseil Coutumier de Brazzaville. Son
élection triomphale comme maire de Brazzaville n’est donc
pas une surprise. L’UDDIA se révèle comme un instrument
efficace, une machine électorale qui ouvre à ses amis et
militants les mairies de Dolisie et de Pointe-Noire. A la fin de
la première décennie, le paysage politique congolais se
caractérise ainsi : un bipartisme dominant dans la première
phase représentée par le PPC de Félix Tchicaya et la SFIO de
Jacques Opangault en 1952 et en 1957. Ces partis subissent
une mutation qui entraîne un reclassement de forces,
notamment avec la fin des collèges électoraux et le déclin
politique du PPC. Il se dégage un face à face du « bloc MSA »
avec comme partis alliés le PPC de Félix Tchicaya et le
GPES* de Kikounga-Ngot et l’UDSR* comme
parti «européen ». Du côté de l’UDDIA comme partis alliés,
l’UMC et les groupes des dissidents du PPC animés par
Stéphane Tchichelle. La qualité des campagnes électorales et
le vote individuel parasité par les clans et les familles
notamment dans les milieux ruraux, laisse encore à désirer
même si un progrès net apparait à l’occasion des élections à

- 64 -
l’Assemblée Territoriale consécutive à la loi Deffere. C’est
dans la foulée qu’intervient la Constitution Française du 5
octobre 1958 qui ouvre la voie à l’autonomie des territoires, en
dépit des soubresauts politiques qu’entraîne cette nouvelle
évolution. « Le bipartisme plie, mais ne rompt pas ». Il porte la
1ère République et les Républiques suivantes jusqu’au
changement de régime le 13 avril 1963 avec la loi portant
création du Parti Unique sous le Président Fulbert Youlou. Ce
qui apparait comme un saut périlleux dans la mesure où rien ne
justifie de façon indubitable le Parti Unique qui vient d’être
créé. Il paraît plutôt évident d’admettre que le maintien du
bipartisme de fait conjugué avec un scrutin de liste à un tour
comme c’est le cas, pouvait être un facteur de consolidation de
ce système bipartisan et de stabilité politique indéniable, si
toutes les précautions étaient prises pour écarter les parodies
d’élection. Les élections à l’Assemblée Territoriale de 1946 à
1956 sont une expérience qui méritait notre attention d’autant
plus que nous nous trouvions dans une période d’apprentissage
et de balbutiement. Les étapes décisives qui nous conduisent
droit au monopartisme peuvent se résumer ainsi :
– en 1957, la crise provoquée par la démission du député
Yambot du MSA ne trouve sa solution que par un concours de
circonstance indépendant de la volonté des partis en présence :
l’avancée vers l’autonomie suite à la constitution de 1958, ce
qui est de mauvais augure ;
– en 1959, la guerre civile de Brazzaville est une autre crise
qui interpelle la conscience des dirigeants congolais. Il n’est
pas surprenant dans ce cas de constater la « discrétion
juridique » qu’utilise le Président Youlou pour accéder dans un
premier temps à la Primature en 1958 et dans un deuxième
temps à la magistrature suprême en 1959. Il n’affronte le
suffrage universel qu’en 1961, parce qu’en définitive
s’assurant qu’il est le candidat unique. On aperçoit de la part
du président Youlou, une méfiance vis-à-vis du peuple

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difficilement à peine dissimulée, qui contredit le prestige et la
popularité incontestable dont il jouit dans une partie
significative de l’électorat. A la fin de 1961, le Président
Fulbert Youlou se retrouve face à lui-même, l’opposition étant
en réalité mise en déroute, ceci d’autant plus que le
gouvernement d’Union Nationale à répétition ouvre la porte à
tous ceux qui affichent de façon ostentatoire leurs ambitions
nationales, même si cela n’a duré que le temps que cela devait
durer.
C’est dans ce contexte équivoque avec l’esprit partisan
totalement émoussé, les partis politiques ne jouant plus que les
figurants, qu’intervient le coup de grâce à la démocratie avec
l’adoption en urgence à l’Assemblée nationale de la loi
numéro 14-63 du 13 avril 1963 portant institution du Parti
Unique. Cette loi précise en son article premier que le Parti
politique unique est l’expression de la volonté du peuple
congolais, qu’il garantit l’unité nationale, œuvre pour le
progrès, la promotion sociale et économique du pays.

Quel que soit son bien-fondé, la loi instituant le Parti


Unique est anticonstitutionnelle dans la mesure où elle est
contraire à l’article 5 de la Constitution de 1961 qui précise
que « les Partis et groupements politiques concourent à
l’expression du suffrage… »
Quand on connaît la capacité d’écoute du Président Youlou,
son sens du compromis, et qu’il se soit obstiné à imposer le
Parti Unique en dépit des contestations qu’il suscitait ici et là,
on a un fort sentiment qui nous laisse penser que pour lui, le
Parti Unique était le Parti de la dernière chance, la parade la
plus appropriée pour faire face à la contestation de son régime,
qui s’annonçait lentement mais sûrement dans plusieurs
secteurs de la vie nationale, notamment dans les milieux des
travailleurs. Ceux-ci souffraient déjà de la crise économique.
Quant aux associations d’inspiration catholique qui

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souhaitaient un Président plutôt « saint », c'est-à-dire en
harmonie avec l’Eglise, schéma duquel le Président Youlou
s’écartait de plus en plus, elles n’étaient pas en reste. Les
activistes communisants ou communistes ne voyaient en
l’Abbé Youlou qu’un anti communiste primaire et répressif.

Il faut néanmoins retenir que la décision du Président


Youlou mettant fin au multipartisme, par rapport au recul de
l’histoire, était un contre temps malheureux et un précédent
dangereux pour la démocratie qui était encore à ses débuts.
Contre toute logique et toute attente, les insurgés des 13, 14,
15 août 1963 l’ont seulement chanté, mais ils n’ont pas été
conséquents en consolidant le système monopartisan par la loi
érigeant le MNR en Parti Unique, assurant ainsi la continuité
d’une décision qui certes ouvrait une nouvelle page de notre
histoire, mais qui, à terme, nous clouait au sol.

II - L’appareil dirigeant du MNR

Le MNR est le cœur d’un système politique tentaculaire dont


le but est en définitive de s’assurer le contrôle politique de la
société, en vue de sa transformation et de sa modernisation.
C’est en cela qu’il s’autoproclame « révolutionnaire » et qu’il
est mû par une vision fondée sur le socialisme scientifique, legs
de son Congrès constitutif. C’est en fonction de cette orientation
qu’il structure son appareil dirigeant, bâti sur le modèle du
centralisme démocratique.
L’appareil dirigeant est en réalité plus complexe et plus
subtil qu’il n’apparaît dans les statuts. On distingue
formellement 3 niveaux de commandement : le niveau suprême
que représente le Congrès, le niveau supérieur qui est le Comité
Central dont la permanence est assurée par le Bureau Politique
et les instances fédérales (bureaux des fédérations) se situant au
niveau moyen.

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Le Congrès est une instance de principe dans la mesure où
ne siégeant que tous les 3ans, ses prérogatives reviennent en
réalité au Comité Central et aux autres instances telles que le
Conseil National de la Révolution (CNR). Comme le tout est
une question de rapport de force à l’intérieur des instances, en
définitive c’est un groupe au sein du Bureau Politique,
permanence du Comité central, qui détient la réalité du
pouvoir. Le Congrès du MNR n’ayant connu d’autre existence
que celle du Congrès constitutif, ne nous permet pas de tirer
des leçons à ce niveau.
Le Bureau Politique était la permanence du Comité Central :
à ce titre, il était l’inspirateur des décisions qui régentaient la
vie du Parti, s’il ne les prenait pas lui-même. Il assurait
également l’exécution des missions dévolues au Comité
central par le Congrès. Il était censé lui en rendre compte.
Les instances intermédiaires et de base étaient en réalité des
courroies de transmission des décisions du Bureau politique.
Elles étaient plutôt des caisses de résonance de la politique du
Comité Central traduite par le Bureau politique mais aussi les
gardiens de l’orthodoxie doctrinale à la base. Dans un tel
contexte, le militant, outre toutes les vertus dont on l’affublait,
devait savoir ce qu’il voulait : « faire ou ne pas faire carrière »,
ce qui l’amenait « s’il voulait faire carrière, à être chaque fois
au bon endroit et au bon moment » et d’éviter des sorties
intempestives de nature à obstruer la quiétude politique ou les
intérêts de la faction la plus déterminante du Bureau politique.
C’était une véritable vie d’initié qui s’y déroulait.
Cet appareil dirigeant était d’autant plus puissant qu’il se
reposait sur un tissu d’organisations couvrant tout le champ
social et politique. N’oublions pas que le Parti dirigeait
l’Etat, « ses désirs étaient des ordres ». L’appareil dirigeant
était le seul interprète qualifié pour exprimer la volonté du
peuple.

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Ici, apparaît une dualité fondamentale entre les
préconisations de la Constitution du 8 décembre 1963 et celles
de la Charte du MNR du 26 mars au 26 avril 1966. Cette
dualité voit la suprématie de la Constitution du 8 décembre
1963 battre en retraite devant la toute-puissance du Parti qui
est censé diriger l’Etat, incarné par sa Charte. Il est par
conséquent admis que le Comité Central est le seul interprète
de la Constitution et de la Charte.
Quant aux fonctionnaires, ils avaient désormais une double
casquette, comme le Maire dans sa ville. Ils étaient « cadres
rouges » au service de la cause du Parti et également
fonctionnaires au service de l’Etat. Il en était parfois résulté
des confusions et des abus qui avaient amené un jour le
Secrétaire général du Parti, le Président Massamba-Débat, à
interpeller l’ensemble du Parti en disant : « Quand la politique
empêche l’administration de tourner, le pays stagne ». Ce cri
d’alarme était en soi un signe annonciateur du déclin de notre
administration. On assistait ainsi à un affaiblissement
progressif de l’Etat dont les prérogatives glissaient jour après
jour dans les mains d’un parti qui n’était ni organisé ni préparé
à les assumer. Ainsi allait s’asseoir un appareil dirigeant du
parti surdimensionné, bureaucratique, inefficace et
irresponsable dans la mesure où il était le commencement et la
fin du pouvoir « révolutionnaire » auto proclamé. Et, au-delà
de cette mainmise sur l’Etat, toutes les forces vives de la
nation, contre-pouvoir potentiel nécessaire à l’établissement
des équilibres utiles au bon fonctionnement de la démocratie,
étaient tout simplement apprivoisées.
Les syndicats fusionnèrent conformément à la loi du 17
décembre 1964. Ils formèrent un syndicat unique, dénommé
Confédération Syndicale Congolaise (CSC). C’est un
instrument au service du pouvoir dans sa relation avec les
travailleurs. Les enjeux du pouvoir étaient tellement
importants qu’on assista à une instabilité organisée de sa

- 69 -
direction. Dès la première année, Idriss Diallo premier
secrétaire général de la CSC, avait été remplacé sur fond de
tam-tam par Paul Bantou qui, lui-même, ne résistera pas à la
bourrasque qu’entraîna le coup d’Etat du 31 juillet 1968.
Quant aux associations féminines rassemblées désormais au
sein de l’Union Révolutionnaire des Femmes du Congo
(URFC) qui tint son Congrès constitutif du 4 au 8 mai 1965
sous la direction du Parti, congrès cautionné par la loi 12-65
du18 juin 1965, celles-ci acquéraient de ce fait une présence
plus nette et plus significative sur le plan politique national.
Cette ascension pourtant utile n’était malheureusement qu’une
forme d’embrigadement des organisations des femmes au
service du parti, même s’il favorisa l’émergence politique des
militantes comme Céline Eckomband, première présidente de
l’URFC.
Il se posa également au niveau du pays un problème
important : celui du chômage des jeunes, chômage qui avait
augmenté rapidement, notamment depuis l’autonomie interne.
La délinquance juvénile qui en était la conséquence logique,
devint un sujet de préoccupation de plus en plus important
pour les pouvoirs publics. C’est dans ce contexte qu’était née
la Jeunesse du Mouvement national de la révolution (JMNR)
qui était en fait la fusion de toutes les organisations de
jeunesse existantes. La première action symbolique
qu’entreprit la JMNR en construction était la réalisation des
opérations de salubrité publique de grande envergure dites
«opération retroussons les manches ». Ce fut un signe qui ne
trompait pas sur les motivations profondes du lancement de la
JMNR. En même temps, était né le Conseil National de la
Jeunesse (CNJ) qui regroupait toutes les organisations de
jeunesse existantes au Congo, indépendamment de leurs
orientations religieuses, ethnique, philosophique et sociale. Le
Conseil National de la Jeunesse (CNJ) allait peser lourdement
sur la balance pour faire évoluer la « révolution » vers le

- 70 -
socialisme mieux que ne l’avaient fait le mouvement des
travailleurs en réalité divisé. L’inféodation de la JMNR au
MNR ne posa aucune difficulté particulière. Elle épousa quant
à sa structuration, la même configuration que le parti ; elle
était organisée en cellules, sections, fédérations : un émaillage
des quartiers dans les villes et districts, dans les régions. Face au
remue-ménage et aux troubles graves et répétés à l’ordre public
consécutifs à la démission du Président Youlou, la jeunesse
avait été chargée dans chaque quartier, chaque cellule, chaque
district d’une mission de vigilance par le CNJ. Cette mission
avait été en soi mal définie, mais elle était en réalité de l’ordre
du renseignement. Il ne fut pas rare qu’elle ne déviât
malheureusement vers la délation. L’affaire Biyaoula * fut
illustrative sur ce point. C’est cette vigilance qui rendit
impossible le renversement de la « révolution » à partir des
complots ourdis de l’extérieur.

On peut conclure sans risque de nous tromper que la


préoccupation des dirigeants était saine en soi au vu de ce qui
précède. Les dérapages qui avaient suivi et qui avaient été
réels n’avaient rien à voir avec une politique délibérée de
chantage, de menace et de violation des droits des populations
par des bandes de jeunes organisées à cette fin. Cette
observation aussi légitime fusse-t-elle ne peut empêcher de
relever la déficience de l’encadrement de la jeunesse et la
responsabilité morale qui en découlait pour tous les cadres
politiques qui ont eu à jouer un rôle à ce niveau. C’est de
bonne guerre si les « adversaires de la révolution » avaient, par
une désinformation savamment orchestrée, voulu torpiller le
régime du MNR en place. On peut également le leur reprocher
dans la mesure où le mensonge, la délation et la
désinformation ne pouvaient se substituer au combat des idées
quelle que soit la nature du combat politique en présence.
Cette façon de faire et de voir avait l’avantage d’être morale.

- 71 -
Au-delà de cette guerre des tranchées mal définie, il y avait la
relation entre la JMNR et le Corps National de la Défense
civile, qui mérite d’être clarifiée.
Quand les menaces contre le régime révolutionnaire étaient
devenues de plus en plus violentes, le gouvernement créa un
Corps National de la Défense Civile sous la direction effective
du MNR par la loi 12-65 du 18 Juin 1965. Ses membres étaient
recrutés pour l’essentiel dans les fédérations de la JMNR. Ils
recevaient un encadrement militaire et une instruction
idéologique de la part des instructeurs cubains qui avaient
succédé aux instructeurs égyptiens présents dans la phase
précédente dite des « quartiers jeunesses ». Les miliciens
étaient casernés dans des camps spécialisés. Contrairement aux
membres de la JMNR qui vivaient dans les quartiers et dans
les districts parmi les populations. Le Corps National de la
Défense Civile avait été placé sous la direction d’Ange
Diawara, 2ème Vice-président de la JMNR (André Hombessa
était Président et Mbéri Martin 1er Vice-président de la
JMNR).
Il avait existé donc au service du MNR deux organisations
distinctes dans leur mission : la Défense civile, « force
combattante » appelée à compléter les effectifs de l’armée
dans l’éventualité où le pays venait à être déstabilisé de
l’extérieur et assurant exceptionnellement, les missions de
maintien de l’ordre public à l’intérieur, et la JMNR qui était
une association politique qui participait à la vigilance et à la
propagande du Parti.

Ces organisations avec leurs atouts et leurs faiblesses font


partie désormais de notre patrimoine historique qu’il faut
enrichir par une recherche obstinée et permanente de la vérité ;
et ne pas définir ou réduire définitivement sur une période
aussi courte et insuffisamment démêlée, la « révolution
congolaise », au passif de cette période. Il conviendrait de ne

- 72 -
pas toujours considérer ce passif comme le résultat d’une
politique pensée et délibérée de toute la classe dirigeante de
cette époque.
Et pourtant, l’histoire telle qu’elle est racontée a toujours
omis de relever que l’appareil dirigeant du MNR était en
réalité un champ clos des luttes de pouvoir à peine dissimulées
qui l’entraîneront jusqu’à sa perte le 31juillet 1968, juste le
temps d’un mandat.
En effet, au cours du Congrès constitutif du MNR, on vit
déjà apparaître les premières fissures, qui allaient
grandissantes avec le temps. La députée Aimée Gnali avait
pris la parole pour faire une objection de principe sur le cumul
des fonctions, suite à une intervention du Premier ministre
Pascal Lissouba relative à la formation de la liste des
congressistes devant accéder au Comité Central. Remarquons
en passant que l’intervention de la députée Gnali fut très
applaudie et entraîna des remous dans la salle. Dans un souci
d’apaisement, le Premier ministre Pascal Lissouba sollicita du
Bureau du Congrès le retrait de son nom de la liste des
congressistes postulant au Comité Central et proposa son
remplacement par Augustin Nkombo, ingénieur et agronome.
Par solidarité, les membres du gouvernement présents au
Congrès adoptèrent la même posture que le Premier ministre,
alors qu’ils ne manquaient ni de bonne volonté ni de mérite.
Cet épisode eut pour conséquence de vider le Comité Central
d’une partie significative des cadres qui avaient contribué à
l’avènement du MNR. C’est ainsi que dès le départ, on s’était
installé dans une dualité Parti-Gouvernement à peine
perceptible.
Il faut retenir que le Président Massamba-Débat n’avait pas
été présent au Congrès au moment de l’élection des membres
du Comité Central, voire durant tout le Congrès, excepté à
l’ouverture. Sur proposition des délégués de la JMNR au
Congrès, il avait été élu membre du Comité Central et

- 73 -
Secrétaire général du Parti, cumulativement avec ses fonctions
de président de la République. Cette absence inopportune
explique probablement le caractère définitif que prendra l’auto
exclusion du Premier ministre Lissouba du Comité Central aux
conséquences jusque-là insoupçonnées. Ce précédent ne
pouvait à terme que préjudicier la cohérence qu’exigeait
l’animation des rapports nécessaires entre le Gouvernement et
le Comité Central, par le président de la République, Secrétaire
général du Parti, dans la mesure où Pascal Lissouba était
demeuré Premier ministre après le Congrès.
Ambroise Noumazalaye, ancien militant de la FEANF*,
récemment rentré au Congo en compagnie de Claude Ernest
Ndalla et de Jean Baptiste Lounda qui allaient se révéler
comme des militants éminents par la suite, avait été élu 1er
Secrétaire du Comité Central, secondant ainsi le Président
Massamba-Débat au niveau du Parti. Le 1er Secrétaire du
Comité Central du Parti Ambroise Noumazalaye et le Premier
ministre chef du Gouvernement Pascal Lissouba qui se
connaissaient bien, étaient entrés rapidement dans un conflit de
compétence qui impliqua l’éclaircissement des rapports entre
le Comité Central du Parti et le Gouvernement. Alors que le 1er
Secrétaire soutenait que le Parti dirigeait l’Etat, le Premier
ministre affichait par contre une indifférence déconcertante.
Sûrement qu’il n’en pensait pas moins. Cette divergence de
principe dégénéra très vite en un conflit de personnes qui allait
laisser des traces indélébiles. C’est dans ce contexte que le
Premier ministre Pascal Lissouba finit par démissionner. Il
laissa derrière lui un lourd contentieux, l’affaire de l’assassinat
de Matsokota, Pouabou et Massoueme, hauts fonctionnaires de
l’Etat, présumés être des « traîtres à la Révolution ». Affaire
rendue inextricable par le silence du Bureau Politique et par
l’inertie du Gouvernement qui n’avaient jamais engagé la
moindre poursuite à ce sujet. L’opinion de la rue avait fini par
s’identifier à la vérité dans cette affaire. Le flou qui en ressortit

- 74 -
même à la Conférence nationale souveraine de 1990 en dit
long. Cet incident malheureux qui a défrayé la chronique
pendant près d’un quart de siècle et qui est à l’origine de
divisions ethniques restées tenaces, a porté préjudice à l’Unité
de la nation. Ce que l’on aurait pu éviter si le Bureau Politique
du MNR avait su prendre ses responsabilités.
Le Premier ministre Lissouba, démissionnaire avait été
remplacé par le 1er Secrétaire du Parti Ambroise Noumazalaye.
Cette transmutation donna lieu à des divisions de tendances au
sein du MNR à peine voilées. Dans ce jeu de rapports de force
permanent, le Premier ministre Pascal Lissouba n’étant pas
membre du Comité central ne pouvait à terme que subir le sort
qui fut le sien, même si ses rapports avec le Président
Massamba-Débat étaient plutôt cordiaux, quoique nourris par
des non-dits souvent pernicieux. Quant aux rapports du
Président Massamba-Débat avec le 1er Secrétaire, nouveau
Premier ministre leurs rapports furent entendus, mais tendus.
C’est dans cette atmosphère délétère qu’eut lieu le 2e Congrès
ordinaire de la JMNR qui n’avait laissé personne indifférent,
dans la mesure où le MNR et la JMNR se tenaient. La JMNR
était considérée à cette époque comme « le fer de lance de la
révolution ». Les principaux protagonistes de ce Congrès
furent André Hombessa, Président sortant et Ministre, réputé
être proche du Président Massamba-Débat et Martin Mbéri 1er
Vice-président sortant et Commissaire du gouvernement dans
les Plateaux dont les accointances avec l’ancien Premier
ministre Pascal Lissouba étaient de notoriété publique, Ange
Diawara, 2e Vice-président sortant et chef de la Défense Civile
qui attendait discrètement son heure au bord politique peu
explicite même si aux yeux de l’opinion militante, son
intégrité révolutionnaire restait sans faille.
Les luttes pour le pouvoir et les stratégies personnelles
internes au Bureau politique s’entrecroisaient, se mêlaient et se
démêlaient. Ce qui avait empêché cette instance de jouer son

- 75 -
rôle d’orientation des travaux du congrès de la JMNR qui
relevait bien de sa compétence. C’est donc un congrès qui se
tint hors de l’orthodoxie statutaire. Et comme par un heureux
concours de circonstance, le congrès de la JMNR se trouva
libre de choisir ses dirigeants.
Le choix du congrès se porta largement sur la candidature
du 1er Vice-président sortant Martin Mbéri, au détriment du
Président sortant André Hombessa présumé être surchargé par
sa fonction de Ministre, selon l’opinion qui avait prévalu au
sein du congrès. La logique semblait être respecté : contre
toute attente, le Bureau politique du MNR sous la présidence
du Secrétaire général du Comité Central et président de la
République, Massamba-Débat, et en présence du 1er Secrétaire,
Premier ministre Ambroise Noumazalaye, en violation
flagrante des statuts et du principe de la primauté de l’Unité
Révolutionnaire, mit fin aux travaux du Congrès et annula les
résultats des travaux. Ce qui entraîna ipso facto la non élection
de Martin Mbéri à la tête de la JMNR, alors que le congrès
venait de reconduire « debout et par acclamation » toute
l’équipe sortante composant la direction de la JMNR, sur
proposition du président nouvellement élu. Cette décision
insolite et anti statutaire fut renforcée par un transport des
unités armées de la Défense Civile sur les lieux du Congrès. Si
cela n’avait pas été un coup d’Etat, c’était au moins un coup de
force à n’en point douter. Il se solda, après une vague tentative
de réconciliation dont personne ne voulait, ni le Président
Massamba-Débat, ni Ambroise Noumazalaye, par la
nomination du chef de la Défense Civile à la tête de la JMNR,
en remplacement de Martin Mbéri, celui-ci ayant rejeté tout
compromis mettant en cause la souveraineté du Congrès de la
JMNR, ceci d’autant plus que le Bureau politique avait trahi
son devoir, n’ayant donné préalablement aucune orientation au
Congrès.

- 76 -
Le Bureau Politique venait de créer un précédent contraire à
ses principes mettant en cause le fondement de sa propre
légitimité. Après ce congrès le Capitaine Marien Ngouabi, qui
s’était déjà signalé avec l’affaire du saccage du Bureau
politique du MNR attribué à des activistes présumés être
d’origine koyo comme lui, avait repris du service. Ses entrées
dans les cercles politiques et la désinvolture qu’il affichait
ostensiblement face au pouvoir établi, ne laissaient pas les
services indifférents. Le Capitaine Ngouabi se trouvait en
réalité dans une posture de rébellion caractérisée. Les
connivences du Premier ministre Noumazalaye avec ces
milieux troubles existaient… Telle avait été la conviction
profonde du Président Massamba-Débat.
Cette situation équivoque ne pouvait pas durer plus
longtemps. Il valait mieux prévenir que guérir. Par un coup
d’Etat constitutionnel sans équivoque, le Premier ministre
Ambroise Noumazalaye fut déchu de ses fonctions.
En effet, le président de la République, en violation
flagrante de l’article 40 de la Constitution du 22 juillet 1964,
cumula la fonction de Premier ministre avec sa fonction de
président de la République.
Après la grande fracture intervenue au niveau du Comité
Central du Parti avec l’adoption de la charte du MNR, intervint
cette fois-ci la rupture fatale avec le coup d’Etat
constitutionnel qui fortifia le président de la République
comme leader du Parti et remit en cause, à son profit, les
fragiles équilibres qui existaient encore depuis le départ du
Premier ministre Pascal Lissouba. Cette mesure visait à passer
l’éponge sur la fin calamiteuse du 2ème Congrès de la JMNR.
Le Bureau politique n’était plus qu’une coquille vide ayant
perdu toute sa légitimité aux yeux des militants de la gauche
du Parti qui comptaient parmi les activistes les plus
chevronnés. C’est sans surprise qu’intervint, dans les mois qui
suivirent, le coup d’Etat du 31 juillet 1968 perpétré par une

- 77 -
coalition Armée-Défense Civile sous la conduite du Capitaine
Marien Ngouabi et tous ceux qui avaient des comptes à régler
avec le Bureau Politique du MNR, tant par son orientation que
par les mesures graves qu’il venait de prendre : le coup d’Etat
constitutionnel et l’annulation des résultats des travaux du
Congrès de la JMNR.
Le coup d’Etat du 31 juillet 1968 réhabilita la Charte du
MNR, consacra une transition préparant l’avènement du PCT
qui représentait le prolongement de la charte du MNR et la
naissance sur cette base, du premier parti marxiste-léniniste de
l’Afrique centrale, conformément à son auto proclamation le
31 décembre 1969.

III – La question idéologique

Si la création du parti unique allait de soi, il n’allait pas de


même de son orientation idéologique. La commission
constitutionnelle du 16 février 1961 et le congrès constitutif du
MNR firent du choix idéologique une priorité. C’est ainsi que
le MNR finit par se projeter et s’autoproclamer comme un
mouvement révolutionnaire dont l’action était guidée par le
Socialisme Scientifique. Dès la clôture du congrès, le
Président Massamba-Débat, qui ne contesta pas ce choix du
Socialisme Scientifique en soi comme idéologie du Parti,
douta de sa pertinence et se demanda s’il ne s’agissait pas d’un
mimétisme et souhaita qu’on en fasse un usage conforme à
« nos réalités ». Ces nuances qui allaient du doute à la négation
allaient ouvrir la voie aux différences d’interprétation du
Socialisme Scientifique qui allaient dominer la vie du parti
jusqu'à l’adoption de la Charte du MNR au cours d’une session
du Comité Central, voire après.
Toutes ces péripéties montrent que le MNR avait été
idéologiquement traversé par deux visions ou courants
idéologiques : la vision révolutionnaire du Président

- 78 -
Massamba-Débat qui était une vision pragmatique et
humaniste de l’action révolutionnaire. C’était la vision
dominante qui avait entraîné la création du Parti et l’adoption
de la Charte du MNR et, en face, l’orthodoxie révolutionnaire
assise sur l’application stricte du Socialisme Scientifique.
Pascal Lissouba et Ambroise Noumazalaye apparaissent
comme les chefs de file de cette tendance. Il convient donc de
signaler dès le départ que la révolution avait été le lot commun
de tous les partisans du MNR. Ils se divisaient dès lors qu’il
s’agissait de répondre à la question : « quelle révolution,
comment la faire et avec quels instruments ? »

IV – Les fondamentaux du programme du MNR

Le MNR en tant que parti politique révolutionnaire visait la


transformation de la société en vue de la construction d’une
société socialiste. Dans cette optique, la construction d’une
économie dite indépendante constituait l’axe fondamental de
son action. Il considérait également que cette action de
construction devait être appuyée et accompagnée dans deux
directions concernant au premier chef l’homme. Ce qui
explique l’accent mis sur l’éducation et la formation d’une
part, et la santé des populations d’autre part. Il est à remarquer
que le processus qui avait conduit à l’indépendance
économique s’appuyait sur les secteurs classiques que sont la
terre et l’agriculture, les forêts, l’énergie et les transports, les
industries pour ce qui est de la production, le commerce et les
échanges comme suite logique de cette production. La
question de la monnaie avait été traitée de façon quelque peu
lapidaire, voire irresponsable, en confirmant tout simplement
l’appartenance à la zone-franc du Congo. Tout paraissait
comme si la monnaie n’avait pas une place centrale, sinon
décisive dans la mise en œuvre et la gestion d’une économie.
Toute cette action devait conduire étape après étape au

- 79 -
socialisme, même si sur le plan économique, ces étapes
n’avaient pas été clairement définies. L’étape de la démocratie
nationale par exemple, resta un concept aux contours mal
définis au moins dans sa corrélation avec l’évolution
économique.
Il y eut derrière tout ce discours des sous-objectifs comme
l’accès au plein emploi et la fin du chômage endémique et
l’amélioration accélérée des conditions d’existence des
populations. La production devait s’asseoir sur quelques
principes d’action :

- produire tout ce que le Congo peut produire et contrôler


toute importation des produits similaires ;
- encourager par tous les moyens la consommation des
produits locaux ;
- viser le niveau de production le plus élevé ;
- développer la consommation des produits locaux en vue
d’encourager la production nationale et d’améliorer les
conditions d’existence des citoyens ;
- importer tout ce qui est peu demandé et ce que l’on ne
peut produire et cela sur la base des intérêts réciproques.

Il s’agissait en fait d’une planification de l’ensemble des


activités économiques, pour atteindre cet objectif stratégique
qui était la construction du socialisme.
Le programme avait mis en exergue les principes suivants :
- la place fondamentale du peuple dans le processus de
développement qui doit compter d’abord sur ses propres
forces. L’aide est nécessaire, mais ce n’est qu’un appoint ;
- la possession par le peuple de tous les moyens de
production, c’est-à-dire l’organisation d’un secteur d’Etat
capable de diriger et d’organiser les efforts du peuple vers le
progrès de tous. Il convient néanmoins de retenir que le secteur
d’Etat n’est pas exclusif de tout autre secteur. Il faut bien

- 80 -
d’autres secteurs comme le secteur coopératif, le secteur privé
qui sont envisageables.
C’est sur la base de ces fondamentaux qu’avait été bâti le
programme de développement du MNR, qui pouvait être
configuré dans ces grandes lignes selon les axes rapportés et
précisés dans les paragraphes qui suivent.

 La terre et l’agriculture
La terre est la propriété du peuple tout entier, chacun
dispose librement du produit de la terre, fruit de son propre
travail. L’Etat, au nom du peuple, réglemente la propriété
collective de la terre.
L’agriculture est le support de l’industrialisation dont
dépend le développement. L’agriculture crée l’industrie et lui
offre son débouché. La production agricole, étant donné la
sous-alimentation, ne doit pas seulement s’orienter vers
l’exhortation mais viser aussi l’organisation et le
développement du marché intérieur. La diversification des
cultures, la transformation et la conservation des produits
agricoles, le développement de l’agriculture en général doivent
permettre de couvrir la consommation nationale et servir de
base à la fixation des populations rurales.

 Les mines, forêts, énergie et transports


Les richesses naturelles du sous-sol et celles des forêts, les
ressources énergétiques naturelles, les voies navigables
naturelles, les infrastructures fondamentales (voies ferrées,
ports, aéroports, barrages) sont propriété du peuple tout entier.
Par dérogation à ces droits exclusifs d’exploitation au profit du
peuple, l’Etat définira par la loi les modalités d’association
avec les tiers.

- 81 -
 L’industrie
L’indépendance ne sera assise, le socialisme ne pourra se
développer que sur la base du développement de l’industrie.
En d’autres termes, le socialisme se construit en s’appuyant
sur une puissante industrie. Dans tous les cas, la sidérurgie,
l’industrie lourde et légère sont sous contrôle de l’Etat. Le plan
définit l’utilisation et les limites de l’intervention du capital
privé.

 Le commerce et les échanges


Le commerce est un moyen d’échange qui règle à la fois les
marchés intérieurs et les relations extérieures. L’Etat doit avoir
le contrôle du marché extérieur afin de l’orienter.
L’organisation du commerce intérieur, le ravitaillement de
tous les centres à des prix justes et contrôlés : cela implique
une rationalisation des circuits de distribution. Dans cet ordre
d’idées, peuvent se trouver en présence le secteur d’état
coopératif et le privé.

Venons-en à l’éducation, l’enseignement et la santé.

L’éducation constitue la base de la nation. Sans elle, pas de


progrès, pas de socialisme. L’enseignement est à reformer
mais d’une manière rationnelle : il ne sert à rien de rénover
lorsque cette rénovation ne permet pas à l’homme de s’intégrer
consciemment dans son milieu global. L’enseignement suivra
les priorités du développement national et mettra l’accent sur
l’orientation scientifique de l’enseignement pour toutes les
disciplines.

Quant à la santé, comme l’a dit un sage vietnamien : « si


pour une société, l’homme est le capital le plus précieux, la
santé est le capital le plus précieux pour l’homme ».

- 82 -
L’effort dans le domaine sanitaire doit s’orienter avant tout
vers la prévention des maladies reléguant au second plan la
médecine curative considérée dès lors comme un simple
maillon de la prophylaxie en général. L’éducation sanitaire, la
lutte contre les grandes endémies et les vastes compagnes de
vaccination constituent une priorité dans le cadre de cette
médecine préventive. Les mesures urgentes à prendre
consistent en l’installation de centres pré-hospitalisation de
protection maternelle et infantile pour les grandes villes, et
dans la création d’unités chirurgicales médicales pour les sous-
préfectures. Le pays constitue encore, en ce qui concerne les
produits pharmaceutiques, un grand marché pour l’exploitation
capitaliste. Le gouvernement est tenu d’ouvrir le marché avec
tout pays dont le prix de revient des médicaments est plus
avantageux. Enfin, il faut accélérer le processus de création
des pharmacies populaires. L’Etat doit progressivement tendre
à prendre entièrement à sa charge la production, l’achat et la
vente des médicaments. Enfin, des études systématiques seront
entreprises pour revaloriser les facteurs positifs de notre
médecine traditionnelle. Le médecin congolais ne doit faire
montre d’une inculture étroite et d’une absence d’esprit
scientifique en affichant un souverain mépris à l’endroit des
acquisitions positives de cette médecine traditionnelle. Le
développement de cette branche de la production, la
fabrication des produits scientifiques, affirmera dans ce
domaine notre indépendance vis-à-vis de l’étranger.

Ce programme nous donne un éclairage sur les


préoccupations du MNR visant essentiellement l’indépendance
nationale qui n’était pas mis en perspective par les pères de
l’Indépendance pour des raisons propres à cette époque. Nos
élites étant limitées dans leur nombre et n’ayant pas le recul
nécessaire par rapport à l’irruption de l’indépendance le 15
août 1960, trois ans plus tard, le MNR tenta de solder un

- 83 -
déficit inadmissible. Si le projet du MNR pour le Congo
n’avait pas été la solution idoine pour nous sortir du carcan de
la domination coloniale, ce fut ce qu’il fallait chercher à
comprendre. Ce projet avait néanmoins le mérite d’exister et
d’avoir vu le jour au moment que nous croyions opportun,
caractérisé par la manifestation d’une volonté de changement
sans conteste : les 13, 14 et 15 août 1963.

Dans la recherche des voies et moyens conduisant notre


pays au modernisme, le programme du MNR inspirera encore
pendant longtemps nos politiques dans la mesure où l’intérêt
national était sans contexte au centre des préoccupations de ce
programme. La République, sous le MNR, avait fait des
avancées qui peuvent toujours nous servir de modèle. Il nous
reste à nous poser une question fondamentale : le MNR avait-
t-il échoué ou avait-t-il tout simplement subi une mutation
engagée par son aile la plus radicale qui deviendra le PCT,
mutation à son profit, mais finalement préjudiciable à l’action
révolutionnaire dans son ensemble ?

Sigles et indications
*PPC : parti progressiste congolais
*UDDIA : union démocratique de la défense des intérêts
africains
*MSA : mouvement socialiste africain
*SFIO : section française de l’internationale ouvrière
*RPF : rassemblement du peuple français
*GPES : groupement pour le progrès économique et social
*UDSR : union démocratique socialiste de la résistance
*UMC : union du Moyen-Congo
*Affaire Biyahoula : Biyahoula fut un syndicaliste
d’obédience catholique de la Confédération Africaine des
Travailleurs Croyants (CATC), fortement impliqué dans
l’action révolutionnaire des 13, 14, 15 août 1963. Se sentant

- 84 -
menacé par la Révolution, il se déguisa en dame congolaise
pour rejoindre l’autre rive du Congo. Il fut rattrapé par les
militants de la JMNR au cours de leur mission de vigilance la
nuit. Présumé « contre-révolutionnaire », son arrestation sera
au niveau d’un exploit héroïque sublimant la JMNR élevé au
rang « d’ange gardien » de la Révolution. Cette affaire restera
célèbre jusqu’au coup d’Etat du 31 juillet 1968 qui marque une
nouvelle étape dans le processus révolutionnaire.
*8 février 1964 : fête de la jeunesse remémorant la mise en
fuite des mercenaires revenus de Kinshasa dans le but de
renverser le régime révolutionnaire au profit de l’ancien
régime
*FEANF : Fédération des étudiants de l’Afrique noire en
France

- 85 -
CHAPITRE 3

L’ERE DU PCT 1968-1990

Par Camille BONGOU

INTRODUCTION

Pour mieux comprendre l’avènement d’un parti politique se


réclamant ouvertement du marxisme au Congo, en pleine
« guerre froide », l’évocation de quelques faits historiques est
nécessaire. Ces éléments d’histoire permettront de mieux lire
les opinions idéologiques, le mode de fonctionnement et les
principes d’organisation du Parti congolais du travail (P.C.T),
de mieux déchiffrer les causes des turbulences internes,
d’expliquer les choix audacieux en matière économique et les
risques pris en matière de politique étrangère.

I- Eléments d’histoire

Le grand séisme de la longue Seconde Guerre mondiale, qui


avait permis - ainsi qu’il a été déjà expliqué dans les chapitres
antérieurs de cet ouvrage- l’avènement des partis politiques au
Congo et leur alignement sur les positions des partis dits
métropolitains (français), avait aussi, par ses conséquences, lié
plus étroitement les élites congolaises avec la société française,
avec les hommes et les femmes de toutes conditions, avec la
culture fondamentale de ce pays, avec les courants
philosophiques du monde tels qu’ils étaient vécus en France
même.

- 87 -
Les anciens combattants, les employés en affinité marquée
avec leurs patrons, les stagiaires de tous les niveaux, les
étudiants, les artistes et les sportifs de renom ont vécu en
France pour une longue période et y ont connu tous les
mouvements et courants politiques à la mode : ceux venus de
l’Ouest influencés par la construction du modèle libéral
américain ; ceux venus de l’Est prolongeant l’influence de
l’U.R.S.S et des démocraties populaires d’alors ou encore ceux
crées au sein même de la France à partir des causes internes.
Les valeurs de la république telles qu’elles avaient été
énoncées par les révolutions françaises, notamment celles de
1789 et de 1848, constituaient le socle de la culture politique
au Congo. Les compétitions électorales se basaient sur le
modèle français. Les partis politiques avaient épousé la
typologie de ceux de la métropole dont ils étaient issus. Le
P.P.C. (Parti Progressiste Congolais), l’U.M.C. (l’Union du
Moyen-Congo) et la S.F.I.O (devenue M.S.A en 1946) se sont
identifiés comme des partis de gauche, l’U.D.D.I.A.- R.D.A
comme parti de droite et même d’extrême droite, au regard de
la sympathie et de la collusion avec des vichystes repentis
(Christian Jayle et Albert Fourvelle) assagis lorsque le rapport
de force avait changé de camp à la Libération de la France.
Au moment d’accéder à l’autonomie interne dans le cadre
de la Communauté franco-africaine et sur le modèle de la
Quatrième République française, la Constitution de la
première République du Congo est rédigée par les seules
forces politiques de droite. La coalition des forces de gauche
quitte l’hémicycle et la confrontation des deux camps prend le
chemin de la conflictualité politique et sociale, en 1958 à
Pointe-Noire et en 1959 à Brazzaville. C’est alors que le
président de la République, contrôlant l’appareil de l’État, use
de la ruse pour instaurer un parti unique de droite, le 10 avril
1963.

- 88 -
L’impopularité du régime permet à l’intersyndicale,
soutenue par les organisations de jeunesse (A.S.C.O, U.J.C,
J.O.C, J.E.P, J.E.C) et par la mobilisation populaire, de
renverser le régime trois ans seulement après l’indépendance
du pays. Ce fut, à l’image de certaines pages de l’histoire
française, les « trois glorieuses » à la congolaise. Le président
avait mis en avant l’unité nationale pour justifier la création de
son parti unique de droite. La manœuvre ayant échoué, les
forces de gauche se sont saisies de cette opportunité pour
prendre en main les changements qui allaient s’opérer.
La chute du régime de droite, provoquée par les courants de
natures diverses, dominés cependant par les forces de gauche,
débouche sur la création du Mouvement national de la
révolution (M.N.R) qui proclame son orientation socialiste.
Les courants politiques de droite entrent en clandestinité et
développent des formes de résistance variée (messianisme,
« syndicat » des élèves et étudiants, syndicat des travailleurs,
sectes et ordres secrets…).
Cependant, au sein du M.N.R, les contradictions naissent et
se développent sur le contenu idéologique à donner au régime,
la modération de la ligne politique du parti. Quatre
intellectuels, et pas des moindres (Pascal Lissouba, Edouard
Sathoud, Henri Lopes et Jean-Pierre Thystère Tchicaya)
écrivent une lettre au Président Massamba-Débat pour lui
demander de mettre le socialisme entre parenthèses.
Pour s’affirmer, le courant dominant engage une lutte
implacable contre les autres tendances à l’intérieur et à
l’extérieur du parti unique dont la coalition des forces de
gauche renverse l’aile au pouvoir et crée un nouveau parti, le
Parti congolais du travail (P.C.T.) en décembre 1969.

- 89 -
II-Considérations idéologiques

Le besoin de création d’un parti d’essence révolutionnaire


dont le fondement théorique reposerait sur le bien-fondé de la
théorie marxiste, avec un mode de fonctionnement obéissant à
la théorie léniniste, est né de la difficulté des acteurs du M.N.R
à trouver un voie crédible à un engagement susceptible de
déboucher à la fois sur la libération effective du pays et de
l’Afrique et sur une justice sociale qui passerait par l’égalité
des chances, le développement harmonieux de l’ensemble du
pays et le recul, voire la disparition de l’exploitation de
l’homme par l’homme.
Cependant, il n’y avait pas, aux yeux des principaux acteurs
de l’époque, l’ombre d’un doute que le pays n’avait pas les
moyens de réaliser une révolution sociale de type marxiste. Le
Congo était dans la très large majorité de son espace en
friches. L’industrie était embryonnaire, l’agriculture archaïque,
les terres d’appartenance clanique, l’organisation sociale de
base essentiellement lignagère, les voies de communication
terrestres dérisoires et défectueuses, l’enclavement de
l’hinterland récurent, les réseaux des fleuves et rivières
presque sans navigation motorisée, les ports presque sans
bateaux.
Quant au commerce, tous les rouages étaient tenus par les
anciens maîtres du pays (les français) au niveau de l’import-
export, tandis que d’autres Européens, portugais et grecs
notamment, tenaient le petit commerce. Les mines et
hydrocarbures sous contrôle étranger, ne bénéficiaient qu’aux
seuls maîtres d’hier, encore présents et décidés à ne rien lâcher
d’où le maintien de la zone de défense d’Outre-mer n°2, avec
bases militaires à Brazzaville et Pointe-Noire. Bref, le pays
continuait d’être dominé, exploité en même temps qu’il
accusait des faiblesses réelles en matière de ressources
humaines : cadres supérieurs presque inexistants, cadres

- 90 -
moyens en nombre très insuffisant, administration publique
tenue par les fonctionnaires coloniaux, armée nationale
embryonnaire (une compagnie).
En ce qui concerne la politique sous-régionale, l’isolement
est presque total. Au Congo Kinshasa, Lumumba en difficulté
est assassiné avec la complicité de ses compatriotes, et sur
ordre des services secrets extérieurs. L’Angola et l’enclave de
Cabinda, sont occupés et dominés par la plus féroce dictature
européenne de l’après grande guerre, celle d’Olivera Salazar
du Portugal. Le Gabon opte pour un alignement sans faille sur
l’ancienne puissance coloniale. En Oubangui-Chari, le prélat
nationaliste Barthélemy Boganda perd la vie dans des
conditions pour le moins troubles et suspectes. Le Cameroun
est en rébellion sous la direction de l’Union des Populations du
Cameroun (U.P.C) de Ruben Um Nyobé.
Au plan international, les forces politiques de gauche ont
perdu le pouvoir en France, et les services secrets français se
chargent de traquer tous les nationalistes indépendantistes
partout dans le continent, particulièrement dans les anciennes
colonies françaises. Par contre, les forces du progrès dans le
monde constituent des alliés sûrs pour tous ceux qui aspirent à
la libération totale du continent.
Les idées révolutionnaires sont diffusées par les pays de
l’Est (U.R.S.S, Chine, autres pays socialistes) comme jamais
auparavant. Elles embrasent le Tiers monde, et la Conférence
de Bandœng scelle l’alliance entre les opprimés du monde et
les pays indépendants désireux de donner la main aux
indépendantistes des pays sous domination coloniale. Pour
survivre, se donner des chances de durer et de voir leurs rêves
se réaliser, participer effectivement au combat pour la
libération de l’ensemble du continent africain aux côtés des
forces sûres, engagées depuis longtemps sur cette voie avec
des résultats probants, les révolutionnaires congolais ont choisi
le socialisme scientifique comme guide de leur action.

- 91 -
Se rendant bien compte que sans industrie, sans agriculture
modernisée, sans système de transports efficaces, sans un
système éducatif de bon niveau (donc des cadres performants),
sans armée, sans police digne de ce nom, sans organisation
politique bien structurée, sans mobilisation très large des
forces populaires, sans système de production performant, il
est impossible d’aller droit au socialisme. Il fallait bien passer
par une étape de transition, celle de la révolution nationale
démocratique et populaire tel que défini par le 2è congrès
extraordinaire de décembre 1972.

III-Principes d’organisation du PCT (1969-1972)

Les militants révolutionnaires, membres du P.C.T., devaient


se recruter principalement dans les couches populaires
(ouvrières et paysannes) et parmi les intellectuels
révolutionnaires, en fait initiateurs du projet. Une fois à
l’intérieur du parti, les militants s’organiseraient en cellules,
sections et fédérations pour mettre en place un comité central
dont serait issu un Bureau Politique. Le sacro-saint principe
étant que les fonctions dirigeantes au sein du parti devraient
s’assurer à l’issu d’une élection au scrutin secret.
Le congrès constitutif du P.C.T de décembre 1969 s’est
déroulé comme il convenait qu’il se déroulât, c'est-à-dire dans
le strict respect des principes convenus et en conformité avec
les règles préalablement établies.
Si ce congrès a tenu ses promesses, la gestion de l’après
congrès n’a pas permis de prolonger cet esprit de fidélité aux
principes. La structuration à l’échelon intermédiaire et de base
n’a pas suivi rapidement, sauf dans l’armée. Le P.C.T à
Brazzaville a continué à fonctionner dans une relation directe
entre le dirigeant principal, la base du Parti et le peuple dans
un populisme total où aucune règle n’ordonne réellement le
débat.

- 92 -
Pendant ce temps, l’agressivité des forces opposées au
P.C.T. redoublait d’intensité pour culminer le 23 mars 1970
avec l’attaque perpétrée par des éléments armés venus du
Congo Kinshasa, après avoir subi un entraînement intensif du
côté de l’Angola de Salazar. La complicité au sein de l’armée,
les suspicions parmi les cadres commencent à miner la sécurité
et l’espoir de l’après-congrès constitutif.
On a alors assisté à une bataille sourde entre les membres du
parti au sein même du P.C.T. Rappelons que le gros des forces
en son sein était constitué par des éléments jeunes issus du
mouvement qui a renversé le M.N.R du Président Alphonse
Massamba-Débat, le 31 juillet 1968.
D’un côté, les motivations qui les ont conduits à s’engager
dans la lutte politique continuaient d’inspirer leurs pratiques,
les débats, les réformes, la mobilisation pour imposer la ligne
qu’ils croyaient juste. De l’autre côté, on militait pour la
prudence, l’efficacité technique, le changement mesuré, réalisé
à cadence raisonnable. Si le débat idéologique, les reformes
dépassant l’ordre ancien agacent les uns, la tiédeur dans
l’engagement, une certaine résistance aux changements,
exaspèrent les autres.
D’autres forces à l’extérieur du parti, mais qui tenaient les
rennes de l’Etat, se manifestent pour appuyer le courant qui
pourrait garantir leurs intérêts, tandis que les forces d’origine
étrangère rivalisent d’ardeur pour arrêter le processus
révolutionnaire, pour les uns lui donner plus de consistance et
plus de force, pour les autres dans un contexte général de
guerre froide et de rivalité Est-Ouest.
C’est dans cette conjoncture de tension permanente qu’un
mouvement de grève des élèves et étudiants est déclenché et
prend une allure de contestation des institutions, de
dénonciation de certains dirigeants.
L’impétuosité des jeunes révolutionnaires se heurte à la
résistance résolue des aînés expérimentés, qui redoutent

- 93 -
l’incertitude du changement. La machine s’emballe, et c’est la
rupture le 22 février 1972. L’aile des anciens dirigeants de la
jeunesse qui perd la partie est frappée durement avec pour
conséquence la disparition tragique de certains de ses éminents
dirigeants dans des conditions non encore élucidées.

IV- Le PCT (1972 - 1988)

Après l’écrasement de l’aile gauche, jugée trop radicale, le


P.C.T. doit faire face à des tendances opposées de droite qui
doivent également être réprimées : le courant « droitier » qui
dénonce la survivance de la politique du M.N.R à Pointe-Noire
et les « youlistes » à Brazzaville, qui adressent une lettre
pamphlétaire chaque semestre au président du P.C.T.
Dans la foulée, un coup d'Etat est imaginé contre une
tendance jugée bourgeoise, attribuée à Maurice Stéphane
Bongho-Nourra, Tantsiba et Awassi Habib. Cette exclusion
crée un vide pour la représentation politique de la partie Ouest
de la région de la Cuvette, qui commence à revendiquer une
autonomie. Les « événements d'Owando » en 1976 accélèrent
cette revendication d’autonomie régionale à caractère
communautaire, dont le but est de diviser cette région
administrative, la plus grande du pays en superficie à cette
époque.
Le Président Marien Ngouabi se trouve constamment
partagé entre les révolutionnaires et ses proches, préoccupés
par son émancipation politique et le contrôle effectif des rênes
du pouvoir. Pour assurer ce contrôle, ils tissent une toile de
sécurité militaire et politique. Parmi ces proches, on compte
des personnalités de plusieurs tendances du P.C.T.
Pour combler le vide créé par l’élimination du M22, le
P.C.T s'ouvre au courant modéré incarné par Pascal Lissouba,
Martin Mbéri, Hilaire Mounthault, Gustave Aba-Gandzion,

- 94 -
Bernard Mougounga-Nguilla…,à l’occasion du 2è congrès
extraordinaire du P.C.T.
Ce courant modéré propose un avant-projet de programme
du P.C.T et une redéfinition politique de l'étape débaptisée :
Révolution Nationale, Démocratique et Populaire, publié sous
la forme d’un opuscule intitulé Vers un Programme du P.C.T.
Ces changements politiques entraînent des réformes au plan
constitutionnel. Il s’agit de :

- la réhabilitation de l'Assemblée suspendue depuis le 12


janvier 1968 par le Président Alphonse Massamba-Débat ;
- la création d'un Conseil d'État chargé des questions
stratégiques et politiques du régime ;
- la restauration du poste de Premier ministre, président
du conseil des ministres ;
- la création de la police politique (Sécurité d’Etat).

Sous l'impulsion de l'aile syndicale et des organisations de


masse du parti, le congrès de 1973 adopte la célèbre formule
de la trilogie déterminante pour cogérer les administrations et
les entreprises publiques. Désormais, les décisions de gestion
publique sont prises en trilogie et dans le respect du principe
dit des trois « co », à savoir : codétermination, cogestion et
coresponsabilité. Cette forme de gestion est assurée par les
trois institutions publiques (administration, syndicat, parti et
organisations de masse).
Un prélèvement automatique dit Tchek off est effectué sur le
salaire de tous travailleurs pour alimenter un fonds de
fonctionnement du syndicat unique, en l’occurrence la
Confédération Syndicale Congolaise (C.S.C). Cette réforme ne
règle aucun problème de fond de nature à atténuer la crise
politique, financière et sociale qui continue à s’accentuer dans
le pays.

- 95 -
Face à cette crise politique, l'équipe des compagnons et
fidèles, formée autour du Président Marien Ngouabi, ne se
présente pas de façon homogène au plan idéologique. Les
proches du Président Marien Ngouabi profitent du procès du
M22 pour affaiblir la gauche modérée. Henri Lopes est choisi
pour présider une « Cour révolutionnaire » qui doit juger ses
propres compagnons comme Pascal Lissouba.
En 1975, le P.C.T. organise pour la première fois une
conférence des entreprises publiques qui reconnaît
officiellement, dans la célèbre déclaration du 12/12/75, l'échec
du programme triennal au début de son exécution, ainsi que le
gouffre financier généré par les entreprises d'État. Le Président
Marien Ngouabi, pourtant attiré par les universitaires et
technocrates (Jean-Pierre Thystère Tchicaya, Théophile
Obenga, Jean-Baptiste Taty Loutard, Rodolphe Adada, Joseph
Elenga Gamporo, Marius Mouambenga, Alphonse Boudo
Nesa, Daniel Abibi, Antoine Ndinga-Oba, Dr Antoine Ossebi-
Douniam, ...), durcit paradoxalement la ligne politique du
P.C.T en proclamant la radicalisation de la révolution et crée
un « Etat-major révolutionnaire ».
Les réformes politiques et institutionnelles interviennent
dans un environnement économique plus favorable, marqué
par le premier boom pétrolier. Sur cette base, l'État adopte un
programme triennal (1975-1977) de 75 milliards de F CFA,
dont l'exécution se révèle catastrophique au plan financier.
L’application des réformes touchant à la gestion collégiale des
entreprises se traduit par des résultats qui aggravent les
difficultés financières de l'État.
Un nouveau gouvernement est formé sous la direction du
commandant Louis Sylvain Goma, avec une entrée remarquée
des universitaires (Rodolphe Adada, Théophile Obenga, Jean-
Baptiste Taty Loutard, François Okobo...).
L'unité des exclus du système est automatiquement
constituée dans un climat politique dominé par la préparation

- 96 -
d'un 3è congrès extraordinaire du P.C.T pour consacrer la
volonté de renouvellement du personnel politique. Profitant de
la déclaration du Premier ministre Louis Sylvain Goma sur le
sombre état des lieux, le syndicat organise une grève générale
en mars 1976, sous l'instigation des principaux déchus, à la
suite de la déclaration du 12.12.75. Cette grève échoue et ses
instigateurs sont arrêtés et dispersés dans les administrations et
unités de production de l’intérieur du pays.
L'atmosphère politique est de plus en plus surchauffée. Une
conférence du P.C.T est convoquée la même année (1976)
pour essayer de trouver un compromis politique à cette crise.
L'aile dure du P.C.T incarnée par Pierre Nzé, persiste dans sa
position de rigueur idéologique. Cette conférence se termine
en queue de poisson (démission de Pierre Nzé du P.C.T). Le
Président Marien Ngouabi accélère alors la préparation du 3e
congrès extraordinaire du parti, en vue du renouvellement du
groupe dirigeant. L’issue de ce processus politique sera
dramatique.
La tentative de réconciliation avec les compagnons
politiques s’est soldée par un échec à la conférence du P.C.T
en 1976. Le Président Marien Ngouabi est en difficulté et
procède à des consultations politiques avec :

- les cadres politiques du M22 ;


- l’ancien président Alphonse Massamba-Débat ;
- le clergé catholique (Cardinal Emile Biayenda) ;
- plusieurs personnalités congolaises et cadres supérieurs
de l’Etat.

Le Président Marien Ngouabi sent venir le danger ; un


complot se trame contre lui. A l’occasion de la fête des
femmes, le 8 mars à l’Hôtel de ville de Brazzaville, il fait une
déclaration prémonitoire : « si ton pays est sale, il se lave par
le sang ».

- 97 -
Et le 18 mars 1977, il est assassiné dans sa résidence en
pleine journée. Un comité militaire du parti voit le jour et se
compose comme suit : Joachim Yhomby Opango, Denis
Sassou Nguesso, Louis Sylvain Goma, Jean-Michel Ébaka,
Raymond Damase Ngollo, François Xavier Katali, Martin
Mbia, Pascal Mbima, Pierre Anga, Nicolas Okongo et Florent
Ntsiba.

Pourquoi le P.C.T et la République Populaire du Congo qui


sont nés le 31 décembre 1969, n’adoptent le programme du
parti que lors du 2è congrès extraordinaire tenu du 27 au 31
décembre 1972 après la grande « secousse » enregistrée par le
parti le 22 février de la même année ? Pourquoi le P.C.T tient-
il trois congrès en trois ans alors que les congrès statutaires
sont prévus tous les cinq ans (1969, 1970, 1972) ? Pourquoi les
statuts du parti sont-ils révisés plusieurs fois, notamment au
premier congrès extraordinaire du 30 mars au 1er avril 1970, au
deuxième congrès extraordinaire du 27 au 31 décembre
1972, au troisième congrès ordinaire de juillet 1984
(modification de l’article 6)… ?
Toutes ces incohérences, toutes ces contradictions, tous ces
dysfonctionnements, toutes ces tensions politiques
n’expliquent-ils pas en grande partie les turbulences connues ?
Face à l’étendue des tâches, face aux ambitions affichées, face
à l’envergure du programme du parti adopté, le P.C.T avait-il
l’expérience et les ressources humaines et politiques pour
venir à bout de tous ces obstacles ?

- 98 -
Quelques indications chronologiques des événements, de
1969 à 1977

Evénements Dates/Périodes

Naissance du P.C.T et de la 31 décembre 1969


République Populaire du Congo

Attaque d’un commando des forces de 23 mars 1970


droite contre le P.C.T

Premier congrès extraordinaire du 30 mars au 1er avril


P.C.T 1970

Discours critique du Président Marien 23 novembre 1971


Ngouabi (grève)

Mouvement des forces de gauche dit 22 février 1972


M22

Conférence nationale à la demande des 31 juillet 1972


forces de gauche

Deuxième congrès extraordinaire du 27 au 31 décembre


P.C.T 1972

Vote de la constitution et des députés 24 juin 1974


de l’Assemblée Nationale

Anniversaire des dix années de 15 août 1973


révolution congolaise

Deuxième congrès ordinaire du P.C.T 27 au 30 décembre


1974

- 99 -
Création de l’État-major Spécial 12 décembre 1975
Révolutionnaire

Tentative de grève générale des 24 mars 1976


travailleurs

Conférence du parti (échec de la 27 au 30 septembre


révolution) 1976

Assassinat du Président Marien 18 mars 1977


Ngouabi

V- Le Comité Militaire du Parti (C.M.P), de 1977 à 1979,


ou la transition de l’insécurité à la paix civile

Après la crise politique de1977, le Comité Militaire du Parti


se présente devant l’opinion nationale comme une force de
médiation qui doit faire barrage à toute dérive de nature à
menacer la paix civile, l’unité nationale, ceci sans que soient
remises en cause les options fondamentales défendues par les
forces de gauche, ni que soit compromise la marche du parti
vers son congrès envisagé par le Président Marien Ngouabi.
En effet, l’atmosphère créée par la mort tragique du
Président Marien Ngouabi en plein palais présidentiel, alors
que les troupes étaient en état d’alerte maximum sans que les
assaillants ne soient ni maîtrisés, ni formellement identifiés en
plein jour, ne pouvait que créer une situation de tous les
dangers, empreinte de suspicions de toutes sortes.
Dans cette ambiance délétère, tout pouvait arriver. La
création du C.M.P., tout en rompant l’ordre constitutionnel,
visait la maîtrise de la situation de sécurité et le maintien de
l’ordre et de la paix, surtout après l’assassinat du cardinal
Emile Biayenda. Cette situation particulièrement trouble où les
condamnations à mort succédaient aux assassinats politiques,

- 100 -
imposait de l’avis des principaux acteurs de ce temps, des
mesures transitoires à durée limitée pour sauver le pays qui
sombrait dans l’incertitude.
Le C.M.P. a relevé plusieurs défis : celui de la conjuration
de l’éclatement annoncé de la nation, celui de l’unité du parti,
celui de la partition du pays, celui du contrôle efficace contre
l’éventuelle scission au sein de l’armée, celui du maintien de la
ligne politique du parti, celui de l’organisation pacifique des
obsèques du Président assassiné, celui de la remise au travail
des Congolais désireux, sous n’importe quel prétexte, de se
montrer plutôt enclin à pratiquer la politique du moindre
effort.
Le C.M.P n’a donc pas manqué de mérite, mais il devait
tous ses succès en grande partie à la dynamique développée
depuis quelques années par les forces révolutionnaires. Ces
forces en effet tenaient, avant toute chose, à l’unification du
pays. Toute la formation politique et idéologique entreprise et
réalisée à marche forcée, martelait à souhait le caractère
indispensable de l’unité du pays, de son intégrité et de la
nécessaire mise en commun des énergies pour vaincre tout
ennemi extérieur, tout perturbateur intérieur et contourner les
menées subversives de toutes natures.

En tant que continuateur de l’œuvre du Président Marien


Ngouabi, le C.M.P. se devait aussi de rétablir la légalité au
sein du parti, de quitter la situation d’exception pour renouer
avec le fonctionnement normal du Parti congolais du travail.
C’est à partir de là que le C.M.P s’est fissuré et que son unité a
volé en éclat, donnant libre cours à la convocation du troisième
congrès extraordinaire du P.C.T.
Le remue-ménage était perceptible et d’autres forces du
parti que celles ayant perdu en février 1972 avaient repris pour
leur compte le combat pour l’assainissement par l’exemple et
la fameuse propagande d’incitation positive avec, à la clé, le

- 101 -
célèbre slogan du Président Denis Sassou Nguesso « vivre
durement aujourd’hui pour mieux vivre demain ».
Il est difficile de penser et de dire que les contradictions au
sein du Comité Militaire du Parti ne relevaient que de la lutte
pour le pouvoir, ainsi que des contradictions, des inimitiés
interpersonnelles, ni même des oppositions interethniques.
Elles relevaient surtout des dysfonctionnements que le
Président Marien Ngouabi avait déjà relevés et dénoncés, et
qui lui avait indirectement coûtés la vie. Toute tentative de
laisser de côté ce qu’il avait envisagé et qui caractérisait sa
ligne politique (qui ne manquait pas de partisans), était
interprétée comme de la trahison post mortem.
Les tenants de cette ligne se réclamant du Président Marien
Ngouabi, conduits par le colonel Denis Sassou Nguesso, non
seulement voulaient la tenue du 3e congrès extraordinaire afin
de normaliser la vie politique et en revenir à la légalité au sein
du parti en lui rendant son rôle dirigeant, mais aussi voulaient
rassembler le maximum de forces pour s’attaquer aux
problèmes brûlants du moment qui se posaient au pays.
Cependant au plan économique, le Congo connaissait une
situation très difficile. Les salaires se payaient avec des grands
retards. Les avancements étaient bloqués et les tentatives de
mettre les personnels du secteur d’État au travail à marche
forcée, apparaissaient plus comme relevant des méthodes
dictatoriales que du désir de faire aller de l’avant dans un
contexte de crise et de pénurie.
La tenue du 3e congrès extraordinaire devait rétablir le rôle
dirigeant du parti, restaurer la démocratie en son sein en
procédant à la remise en place des échelons intermédiaires et
de base par des voies démocratiques, revenir à la démocratie
au sein du peuple par la remise en place des pouvoirs
populaires, se réessayer dans la planification économique par
l’amorce d’un programme intermédiaire avant d’aller plus
avant dans la remise en ordre de l’économie par la

- 102 -
planification, enfin renouer avec le soutien constant et
conséquent à la lutte pour la libération de l’Afrique.
Il convient de dire que la propagande avant la tenue du 3e
congrès extraordinaire était allée peut être trop loin dans la
fustigation de certains aspects de l’action du Comité Militaire
du Parti, outrepassant les limites du raisonnable.

VI- Le P.C.T (1979-1989)

Après le 3e congrès extraordinaire, la mise en œuvre de ses


résolutions devait aboutir d’abord et avant tout au
rétablissement du rôle dirigeant du parti, au retour à son
fonctionnement démocratique, au rétablissement des pouvoirs
populaires par le choix libre de la majorité, à la remise en
ordre de l’économie nationale embourbée dans la crise, à la
reprise de l’initiative dans la politique internationale.

1-Le rôle dirigeant du Parti et le retour à la démocratie


interne
Le congrès lui-même, par son déroulement et ses
conclusions, a mis en place une constitution imposant le
Président du comité central du parti comme président de la
République. Le Président du comité central a choisi parmi les
membres du comité central des camarades devant administrer et
lancer la compétition électorale (nomination des commissaires
dans les régions) pour les élections législatives. Beaucoup de
membres du comité central sont élus et contrôlent les rouages
du Parlement.
La restructuration du parti devait obéir aux exigences de ses
statuts qui étaient très explicites quant aux modalités
d’élection des dirigeants des différentes instances. Dans
l’euphorie et l’enthousiasme, la règle de l’art n’a souvent pas
été respectée et surtout une démarche nouvelle est venue
perturber le processus d’installation des instances à la base

- 103 -
avec un concept clé : la « démocratie dirigée », concept très
difficile à rendre intelligible. Une première étape de remise en
ordre pour le retour à la démocratie avait été ainsi un peu ratée.
C’est ainsi que lors de la mise en place des conseils
populaires, certains dirigeants ne se sont pas montrés à la
hauteur de la tâche administrative qu’imposait la gestion de
l’État dans les régions.
Rappelons qu’après le 3e congrès ordinaire de 1984, une
tentative de correction a été entreprise. Elle a commencé par
un travail d’enquête dans toutes les régions pour déceler les
dysfonctionnements.
Cette vaste enquête fut menée par le parti lui-même et par le
ministère dont les fonctionnaires maîtrisaient la règle de l’art
en matière d’administration du territoire. L’enquête consistait
à observer physiquement sur l’ensemble du territoire national
le fonctionnement du parti à la base et à l’échelon
intermédiaire, déceler les anomalies, proposer des remèdes.
Cette opération de grande envergure a permis de déterminer
les causes des maux qui minaient le parti à tous les niveaux.
Les expériences d’animation concrète sur le terrain, sous le
pilotage direct des dirigeants au niveau national ont été
effectuées sur des échantillons (entité territoriale) de ville et de
campagne. Après avoir tiré des leçons, l’expérience a été
étendue à l’ensemble du pays.
Pour renforcer le pouvoir populaire, de concert avec le
ministère de l’intérieur qui en assurait la tutelle, un travail
similaire s’est opéré en même temps grâce à la formation
assurée avec compétence par des hauts fonctionnaires
spécialisés en la matière. Et enfin, sous l’autorité du Président
du comité central, un vaste déploiement de l’ensemble de la
hiérarchie du parti a clôturé en apothéose cette grande
opération de rectification.
Profitant de ces moments de grande mobilisation et
d’enthousiasme populaire, le Président du Comité central, chef

- 104 -
de l’État, a indiqué la liaison à faire entre le fonctionnement
régulier et réglementaire du parti avec celui du pouvoir
populaire d’une part, et entre ce dernier et la mise en ordre des
forces populaires pour promouvoir la production, but ultime du
projet politique d’autre part.

2-Le rétablissement des pouvoirs populaires


La démocratie au sein du peuple par les restaurations des
pouvoirs populaires fut une des promesses du 3e congrès. Elle
était une condition de la normalisation de la vie politique.
Après avoir débattu et adopté les lois et règlements devant les
régir, les conseils populaires de districts et de régions ont été
mis en place pour administrer les populations et organiser la
production. Le pays s’est remis en marche sous l’empire du
nouvel ordre politique.
Signalons néanmoins, qu’en raison de certains mauvais
choix, on a assisté ça et là à des révoltes lorsque ceux qui
étaient en charge des affaires, ignorant le contenu de leurs
tâches et les exigences éthiques qui allaient avec, posaient des
actes répréhensibles du point de vue même de la loi.
En définitive, pendant dix ans, le pays a connu moins de
turbulences que longtemps auparavant. Sans être parfaite, la
situation à l’intérieur du pays s’était apaisée, les grèves se sont
raréfiées. Les assassinats n’ont plus été enregistrés, surtout
ceux qui relevaient des contradictions politiques.
Une tension persistait quant à l’interprétation des textes qui
attribuaient les pouvoirs aux régions. La décentralisation
n’était pas toujours comprise par les uns (régions) qui
voulaient plus de pouvoir, ou acceptée par les autres (au
centre) qui se croyaient dépossédés de l’essentiel des leurs,
pour se contenter que du rôle de contrôleurs.

- 105 -
3-L’économie au centre du projet politique P.C.T
A propos de l’économie, le Parti Congolais du Travail, dans
sa volonté de contrôler les richesses nationales, s’était attiré
tous les ennemis du monde. Les nationalisations des
entreprises, la prise en main des services de contrôle de
certains secteurs de l’économie qui avaient été délégués à des
tiers, lesquels lésaient les intérêts du peuple congolais, tout
comme la mise en place par l’État lui-même des entreprises
devant moderniser le pays, créer des richesses et consolider
l’indépendance nationale, n’étaient pas du goût de ses
adversaires.
Quand on parle de crise à cette époque, il faut entendre aussi
et surtout l’asphyxie de l’économie congolaise par ceux-là
mêmes qui en ont été les seuls vrais bénéficiaires depuis le
temps colonial et qui entendaient demeurer dans cette position
au mépris des ayants droit.
Pendant la période allant de 1979 à 1989, le Parti congolais
du travail ne considérait pas les questions économiques
comme relevant de la seule compétence des économistes. Elles
faisaient partie du débat général, et la méthode pour les prises
de décisions fondamentales ne différait pas de celle visant à
résoudre les autres problèmes de société.
Au sortir de la période administrée par le Comité Militaire
du Parti, le pays semblait plonger dans l’abîme. Les ressources
s’étant considérablement amoindries, il était désormais très
difficile de faire face aux obligations de l’État tant pour son
fonctionnement que pour les ressources allouées au personnel.
Le pays manquant cruellement de moyens, l’investissement
n’était plus à l’ordre du jour.
Comme beaucoup d’autres pays de la sous région, le Congo
s’était appuyé sur une seule ressource, le pétrole, pour bâtir
son avenir et cette ressource connaissait des fluctuations sur le
marché mondial, précarisant les moyens de l’État.

- 106 -
Cette situation ne pouvait que perturber le fonctionnement
de l’État. Il fallait, pour maintenir le calme dans le pays,
expliquer longuement les causes réelles des difficultés que
connaissait le pays. Toutes les forces, toutes les autorités
étaient mises à contribution.
Quelques embellies pointant à l’horizon, le comité central
du Parti congolais du travail s’est empressé de définir les
priorités, d’engager l’ensemble du parti dans le débat pour la
réorganisation de la politique économique, que se soit pour le
programme intermédiaire ou pour le premier plan quinquennal,
la base et l’échelon intermédiaire devaient suivre et, dans
certains cas, débattre des options à prendre. Cette transparence
n’autorisait pas des actions d’éclat en matière de paix sociale,
les citoyens étant désormais plus conscients des difficultés du
pays.
Le processus qui a conduit à la mise en place du plan
quinquennal a constitué une véritable école pour l’ensemble
des cadres du parti et de l’État. S’écartant de la condition de
réformateur en chambre, la direction politique a imaginé et
soumis les grandes orientations au débat et recueilli des avis de
toute sorte. Elle a ensuite fait mettre au point les documents
techniques de guidage avant de faire discuter à nouveau les
actions arrêtées pour ce programme de cinq ans, tant au niveau
national qu’à celui des régions.
Ce fut un grand moment de démocratie interne, de reprise
en main générale des Affaires par le Parti congolais du travail,
et l’on pensait que de grandes avancées étaient à sa portée.
Par la reconquête de l’espace national, l’alliance avec la
paysannerie était en bonne voie. Cette reconquête, qui
consistait à construire les routes, ponts, ports, aéroports et à
assurer le transport de l’électricité vers l’intérieur, mettait en
place les structures de desserte et créait par là même les
conditions d’enlèvement des produits paysans, de création
d’entreprises agropastorales, de contention de l’exode rural, de

- 107 -
contrôle même des frontières. Le sang pouvait alors circuler
dans les veines du pays et remettre en marche son économie.

Nous avons traité de la politique économique du Parti


congolais du travail et avons choisi un moment fort où cette
politique a été mise en œuvre avec les méthodes et les
processus en conformité avec l’orientation générale à gauche
que ses membres espéraient tant. L’ossature du présent
ouvrage prévoit un chapitre consacré à la gestion de
l’économie. En considérant la période étudiée, nous ne
pouvions entrer dans les détails techniques. Ceux qui en ont la
charge, non seulement sont compétents en la matière mais ont
aussi le recul nécessaire pour observer, décrire, analyser et
juger les actes économiques posés dans la période considérée.
Ils ont à leur avantage l’objectivité de celui qui n’a pas été
acteur.
Des fautes ont certainement été commises, des abus
enregistrés. A la lumière de toutes les critiques qui se sont
abattues sur l’expérience révolutionnaire en général, et sur
celle du Parti congolais du travail en particulier, il sied de
revenir sur certains points. Deux d’entre eux revêtent une
importance majeure, en ce qui concerne l’économie nationale :
l’intervention de l’État en matière économique et la trilogie
déterminante comme modalité de gestion de la res publica.
Les raisons que nous avons évoquées plus haut pour justifier
la détermination de l’étape de la révolution démocratique et
populaire valent pour expliquer la justesse des choix
d’orientation économiques opérés dans les années soixante-
dix.

Même s’ils le voulaient, les Congolais n’avaient pas les


armes pour développer leur pays par le seul moyen du secteur
privé. Parler de l’intervention de l’État comme intrusion
malencontreuse de celui-ci là où sa présence n’était pas désirée

- 108 -
ni désirable, revenait à abandonner le pays au bon vouloir de
certains agents économiques expatriés, eux- mêmes ne
disposant point d’une grande marge de manœuvre : c’est ce
qu’on appelait, en ce temps-là, la démission nationale.
Dans le débat sur le sujet au niveau international, la crise
récente ne donne déjà pas raison aux thuriféraires de Von
Hayek et autres Friedman. Au contraire, les États ont dû voler
au secours pour que l’économie mondiale ne s’effondre pas.
Le G 20, malgré la réticence persistante des milieux de la
haute finance, étudie la régulation des grandes économies du
monde tout comme il recommande au niveau national, le
recours à l’État pour épargner la tempête aux paisibles
populations.
Une large part du reproche fait à la gestion des
révolutionnaires qui ont gouverné le Congo, relève plus de
l’insuffisance de compétence technique, de l’inexpérience dans
des domaines où les partenaires en face avaient une expérience
« millénaire » et jouaient avec l’ignorance naïve des décideurs
nationaux. L’État colonial lui-même, pour résoudre la question
d’un certain développement à l’intérieur des colonies, avait bel
et bien fait appel aux capitaux publics et à la compétence des
agents de l’État pour poser quelques actes relativement positifs
en faveur des populations des colonies (Cf. FIDES). Au départ
était l’Etat. C’est indéniable.
L’autre point c’est la trilogie déterminante que l’on a
présentée comme bouc-émissaire de l’échec des entreprises.
Elle consistait à mettre en place, pour la prise des grandes
décisions au sein des entreprises ou des administrations, un
comité composé de représentants du patronat, du syndicat et
du parti. Ces codécisions se rencontrent partout, y compris
dans la gestion capitaliste des grandes entreprises, pourvu que
tout le monde parle en connaissance de cause.
Le principe paraît inimaginable à ceux qui croient détenir la
science infuse, alors qu’à bien y regarder, eux-mêmes devaient

- 109 -
être écartés de la direction de l’entreprise pour incompétence,
cupidité et indolence.
Il est de bonne guerre de rejeter sur autrui, surtout quand il
est adversaire, tous les torts pour cacher les siens propres et
discréditer un projet politique qui ne va pas dans le sens qu’on
aurait souhaité, si l’on avait le choix de faire autrement. C’est
pour une large part à l’incompétence technique de certains
cadres de la bureaucratie, que l’on doit les plus grands échecs
connus, et les plus grandes dérives en matière économique.
Le lecteur trouvera le bien-fondé de ces affirmations dans
les vingt et un points du rapport au congrès de 1969, dont la
substance est résumée dans une citation de la conclusion du
rapport au congrès constitutif, à savoir :

L’expérience montre que la révolution en pays sous-


développé ne peut être faite que par des éléments
d’avant-garde liés aux masses populaires, et en
premier à la paysannerie pauvre et à la classe
ouvrière, contre l’impérialisme et ses appendices,
dont la bourgeoisie nationale fait partie. Si cette
élimination n’est pas faite, la réalité du pouvoir finit
par être détenue économiquement et politiquement
par la bourgeoisie que l’impérialisme aide à se
renforcer40.

La suite des événements donnera raison au congrès


constitutif de décembre 1969.

40
Conclusion du rapport au congrès constitutif du P.C.T., citée par Jean
François Obembé dans « Principaux problèmes liés à l’édification du
Parti congolais du travail, Premier Parti marxiste-léniniste au pouvoir
en Afrique », pp. 86-87.

- 110 -
VII-Le PCT (1989- 1991)

Un pas en arrière est nécessaire pour bien comprendre la


période qui précède la Conférence nationale souveraine de
1991.
Après une série de crises majeures émaillées de violences
politiques, le P.C.T. avait retrouvé un peu plus de sérénité
ressentie comme une véritable trêve politique et sociale. Cette
accalmie était présentée dans les discours officiels comme
étant la paix des cœurs et la tranquillité des esprits. L'embellie
financière qu'avait offerte le second boom pétrolier de 1980-
1984 perpétuait cette atmosphère de paix sociale et civile
jusqu'à la fin de l'état de grâce qui intervint à partir de 1985, à
nouveau à la suite de la crise pétrolière.
Les luttes politiques reprirent à la veille du congrès de 1984,
remettant au goût du jour l’application de la vieille formule de
violence, de l’instabilité et de l’exclusion. En effet, les
attentats à la bombe contre les lieux publics, les disparitions et
mutilations des enfants à Moukondo (Brazzaville), offrirent un
triste tableau d’insécurité et de violence.
La crise de 1985, occasionnée par la baisse du prix du baril
et les contre-performances économiques, fit réapparaître les
vieux démons politiques congolais. Dans la société civile, la
crise sociale se faisait de plus en plus pressante. La grève et la
marche des étudiants et des élèves de 1985 donnèrent lieu à
des actes de violence à Brazzaville : plusieurs voitures furent
endommagées dans les rues du centre-ville.
Le congrès de 1989 s’était préparé plus sous le thème de la
consolidation de la ligne du Président que sous le renforcement
de l’unité organique de l’union de la gauche retrouvée. Les
partisans de la ligne du Président virent dans l'institution des
élections libres au sein des organes de base et intermédiaires
du parti, une manœuvre de préparation d'un coup d'État
constitutionnel. Pourtant, cette formule expérimentale était

- 111 -
initiée en prévision de l'ouverture démocratique. C’est dans ce
cadre que Isidore Mvoumba fut élu « à la loyale », président
du comité régional du Kouilou, en battant Faustin Liem, à
l’issue d’une compétition électorale au sein du comité.

Ce congrès de 1989 intervint dans un climat d'effervescence


politique et sociale. L'ouverture démocratique insufflée par le
vent de l'Est (la pérestroïka) dominait le débat politique.
Malgré l’opposition de certains membres du comité central,
l’impact politique de l’avènement de la perestroïka et de la
glasnost au Congo et celui de la conférence de la Baule,
imposèrent l'instauration du multipartisme au Congo.
Le congrès de la Confédération Syndicale Congolaise
(C.S.C) de septembre 1990 fut un tournant décisif dans le
processus de démocratisation des institutions au Congo.
Lors de ce congrès, la C.S.C réussit à se dégager de la
tutelle politique du P.C.T pour reprendre sa vocation
apolitique historique des années 1963 en faveur de la défense
des intérêts des travailleurs. Le délégué du Bureau politique
permanent du P.C.T ne parvint pas à présider ce congrès pour
pérenniser la suprématie du parti sur les organisations de
masse.
Ainsi, la C.S.C. obtint son autonomie de fonctionnement
pour mieux se positionner dans le futur paysage politique
multipartiste. Dans son bras de fer avec le P.C.T., la C.S.C
déclencha une grève générale en introduisant, entre autres
conditions, l’instauration du multipartisme sans condition et
l’augmentation des salaires des fonctionnaires bloqués depuis
1958.
Le P.C.T. publia alors un calendrier de création de partis
politiques et annonça la formation d'un nouveau gouvernement
à partir du 1er janvier 1991 dirigé par le colonel Louis Sylvain
Goma et chargé de préparer la Conférence Nationale. Sous la
pression des grèves sectorielles dans les domaines stratégiques

- 112 -
des transports, des forêts, des hydrocarbures à partir d'octobre
1990, le gouvernement céda et par panique, accorda des
augmentations inconsidérées de salaires aux fonctionnaires.
Toutes ces grèves ne furent pas réprimées par la force
publique, à cause de la conjoncture internationale favorable
aux changements démocratiques.

VIII-Sur la politique extérieure

Sur le plan extérieur, la politique du Parti congolais du


travail s’est bâtie et a été mise en œuvre en s’appuyant sur des
principes clairs de solidarité avec les peuples opprimés du
monde en lutte pour la libération contre le colonialisme, de
soutien agissant aux forces du progrès, d’entraide concrète
avec ceux des autres peuples engagés dans le long et pénible
combat contre le néocolonialisme. Ces considérations de
solidarité, de soutien, d’entraide, visaient avant tout les intérêts
du peuple congolais. Cette lutte contre les forces
néocoloniales, qui a été décrite plus haut, le peuple l’a payée
cher en perdant des fils au combat, en subissant des
représailles économiques. Parce qu’il estimait ces causes
justes, le peuple n’a pas transigé.
En déployant les atouts de souveraineté au niveau
international, le P.C.T. a aidé, en le reconnaissant, un pays
occupant aujourd’hui une position cardinale dans le concert
des nations : la République populaire de Chine. A un moment
où la saga contre le « péril jaune » mobilisait tout l’occident,
un peuple d’un million et demi d’habitants osait, en Afrique
centrale, dans un environnement hostile, défier ainsi les
grandes puissances. Ce fait est à relever parce que dans le reste
du monde, notamment en Europe, il a fallu de grandes figures
comme celle du Général de Gaulle pour aller, après nous, sur
cette voie de reconnaissance de la Chine.

- 113 -
Avant comme après, ce qu’on peut appeler ce haut fait de
politique étrangère congolaise, la Chine a représenté et
représente encore un partenaire avec qui la coopération a porté
des fruits au-delà des attentes du temps où la révolution
congolaise prenait la courageuse décision de reconnaître le
plus grand peuple du monde : le peuple de la République
Populaire de Chine.
Charité bien ordonnée commence par soi-même, disent les
sages, pour avoir la paix au Congo, il fallait soutenir la cause
des frères africains en lutte contre le colonialisme. L’Angola
occupé, le Congo était en situation précaire dans sa condition
de pays ayant affiché clairement sa volonté de bouter hors du
contient toutes les forces coloniales. Les bombardements
portugais contre le Kouilou et le Niari, le débarquement
d’éléments armés à Brazzaville, avec occupation de la
télévision et de la radiodiffusion nationale le 23 mars 1970,
n’ont pas eu raison de la solidarité avec le peuple angolais en
lutte. Cette solidarité est allée croissante jusqu’à la libération
totale de l’Angola.
Tous les mouvements en lutte d’Afrique ont eu leurs
représentants à Brazzaville. Ceux qui l’ont voulu ont bénéficié
des temps d’antenne dans les média audiovisuels ou des
espaces dans les journaux hebdomadaires tels que « Etoumba »
ou « Mweti ». Ce fut notamment le cas du Mouvement
Populaire pour la Libération de l’Angola (M.P.L.A) et de la
South West People’s Organization (S.W.A.P.O.) de la
Namibie.

En ce qui concerne les réfugiés politiques, le parti a adopté


une politique sociale exceptionnelle, qui consistait à :

– intégrer systématiquement dans la fonction publique, les


cadres des mouvements de libération dans l’administration
congolaise à compétence égale ;

- 114 -
– recruter les hauts cadres ayant la formation requise à
l’Université de Brazzaville ;
– inscrire gratuitement dans les établissements
d’enseignements primaire et secondaire et accorder des
bourses d’études aux enfants des martyrs des autres peuples
refugiés au Congo ;
– prendre en charge leurs soins de santé et frais de
d’hospitalisation ;
– payer les loyers à leurs familles.

Après les victoires remportées en Guinée Bissau et aux îles


du Cap-Vert, après celles du Zimbabwe, du Mozambique, de
la Guinée Equatoriale, l’appui du Parti congolais du travail
s’est orienté principalement vers les pays dits de la ligne de
front. Un fonds « Africa » a été créé en leur faveur, qui a
permis de réaliser des collectes de centaines de millions de
francs CFA au seul bénéfice des peuples en lutte pour appuyer
l’African National Congress (A.N.C). Par les voies
diplomatiques, l’État congolais devait faire pression en vue de
la libération de Nelson Mandela et ses compagnons de geôle
de l’Apartheid de Weuvoed et Deklerk.
Le soutien à la libération de l’Afrique avait constitué l’une
des principales fiertés de l’expérience révolutionnaire du
Congo. Certains militants du Parti congolais du travail sont
allés jusqu’au sacrifice suprême (perte en vies humaines).
Mettre hors d’Afrique le colonialisme s’inscrivait plus dans
le cadre général du retour à la reprise de l’initiative historique
en Afrique que dans celui de l’internationalisme prolétarien.
Tout mettre en œuvre pour asphyxier le régime d’Apartheid et
réhabiliter la dignité de l’homme noir en Afrique du Sud, allait
dans le sens de ce que certains appellent aujourd’hui la
« rédemption de l’Afrique ». L’inscription au programme
scolaire des auteurs de la diaspora, principalement antillaise
pour le cas de la littérature française, fut une manifestation

- 115 -
concrète du désir des révolutionnaires congolais d’appuyer le
panafricanisme.

CONCLUSION

Le P.C.T aura occupé plus de vingt ans les hautes sphères


de la politique congolaise. Il ne pouvait que laisser des traces
indélébiles que l’histoire retiendra.
Il aura introduit officiellement les idées marxistes dans un
pays où elles étaient interdites d’accès, vilipendées, honnies.
Le Congo complétait ainsi le vrai puzzle de l’histoire des idées
politiques et philosophiques de l’occident et du monde dit
moderne. Le pays a pu s’ouvrir à d’autres idées et à d’autres
pays que la France, les Etats-Unis, la Grande Bretagne,
l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Grèce, qui figuraient déjà
en bonne place parmi les pays dignes d’intérêt pour l’opinion
congolaise.
Cette synthèse est le résultat de la connaissance de l’auteur
et de sa pratique sur le terrain.

- 116 -
CHAPITRE 4

LA CONFERENCE NATIONALE SOUVERAINE ET LA


RELANCE DU PROCESSUS DEMOCRATIQUE AU
CONGO (1991-1997)

Par Séverin ANDZOKA

INTRODUCTION

A la faveur du vent de la pérestroïka41 dont les


conséquences immédiates furent l’éclatement du bloc de l’Est
et partant, la fin de la guerre froide, on a enregistré un peu
partout dans le monde, et en Afrique notamment, cette
aspiration des peuples à plus de démocratie.
Cette dynamique venue de Moscou, a eu comme premier
signal fort, l’écroulement du « sacré » mur de Berlin en 1989
et la réunification de facto des deux Allemagne (Fédérale et
Démocratique).
Cependant, contrairement aux pays de l’Est où la transition
politique s’est opérée de manière brutale dans certains pays
(le cas de la Roumanie qui connut l’élimination physique du
couple Ceausescu), la transition en Afrique a été amorcée à
coup de conférences nationales, des sortes de « tribunes
d’exorcisme » où joutes oratoires et diatribes ont été les traits
caractéristiques contre les pouvoirs en place.

Le Congo, tout comme la plupart des pays africains à


régimes politiques de « parti-Etat », n’est pas demeuré sourd à
cette interpellation internationale.
41
Lire, à ce propos, J. Gicquel, 2009, Droit constitutionnel et institution
politique, Paris, Montchrestien, p. 355.

- 117 -
Après 26 ans de monopartisme, dont 21 ans de règne du
PCT (1969-1990), le Congo s’est ouvert ainsi au multipartisme
par le biais de la Conférence Nationale convoquée par décret
présidentiel n° 91-015 du 5 février 1991.

Rappelons que l’idée de « Conférence Nationale » est une


initiative propre à l’Afrique. Après le « Discours de la Baule »
du Président français François Mitterrand, le Benin est le
premier pays à l’avoir organisée en 1990. Son mode opératoire
procède simplement d’une volonté de coller à la tradition de la
palabre africaine, et de rassembler toutes les forces vives de la
Nation autour d’un grand « corps malade42 ». La Conférence
Nationale est donc un espace de concertation, de
réconciliation, de pardon et de paix.

En l’espèce, les objectifs poursuivis par la Conférence


Nationale congolaise visaient :
-l’ouverture au multipartisme ;
-l’adoption du projet de constitution qui organiserait les
nouveaux pouvoirs publics de l’ère démocratique en vue de la
création d’un Etat de droit ;
-la redéfinition de la politique économique ;
-l’organisation des élections libres et démocratiques.

42
« La Conférence Nationale » : la paternité de cette appellation revient à
Me Robert Dossou, ancien Doyen de la faculté de droit de Cotonou,
ancien ministre du plan et ancien ministre des affaires étrangères. Il
l’aurait « vendue » à Mathieu Kérékou (1972- 1991 et 1996- 2006). Cité
par B. Camara et C. Diallo, « Le processus d’élaboration des
constitutions dans les pays ayant en partage la Conférence Nationale »,
Séminaire en Master 2006-2007, Science politique, département de droit
public et science politique, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, p. 5

- 118 -
Ce chapitre se propose donc de restituer le déroulement de
la Conférence nationale souveraine, ainsi que la gestion de la
transition, autour de la déclinaison suivante :

- les facteurs déterminants de la Conférence Nationale ;


- les organes de la Conférence nationale souveraine ;
- la gestion de la transition.

I- Facteurs déterminants de la Conférence Nationale

L’organisation de la Conférence Nationale a été


essentiellement motivée par deux facteurs : les facteurs
externes et les facteurs internes.

1- Les facteurs externes


Nous sommes en 1988. Mikhaïl Gorbatchev arrive à la tête
du Parti Communiste de l’Union soviétique (P.C.U.S.), avec la
ferme détermination d’engager des réformes en profondeur du
système politique, idéologique et institutionnel du bloc
soviétique, une espèce de messianisme ou de prophétisme
annonciateur et fondateur du nouvel ordre politique
international. Il va tenter, au nom de la perestroïka, de mener
des réformes économiques et politiques, tout en préservant le
rôle dirigeant du parti et la réaffirmation du socialisme. Le
cours des évènements va lui faire perdre le contrôle du
processus et engager l’ensemble du « monde socialiste » dans
la voie de la transition démocratique. L’actualité est alors
dominée par les mots perestroïka et glasnost ; l’Union
Soviétique s’ouvre au monde extérieur et donne une autre
image d’elle, celle d’un pays en pleine « révolution »
démocratique.
L’homme fort du P.C.U.S gagna la sympathie du monde
occidental : il multiplia des initiatives diplomatiques en faveur
de la paix dans le monde.

- 119 -
La chute du mur de Berlin et la réunification des deux
Allemagnes symbolisèrent en quelque sorte l’échec du
monopartisme, celui du monolithisme d’Etat.
Cette faillite de l’idéologie marxiste-léniniste, que les
Occidentaux souhaitaient depuis très longtemps, est un
mouvement qui bouleversa toute la donne internationale. C’est
dans cet esprit que certains auteurs comme Fukuyama ont
qualifié l’avènement de cette démocratie de la « fin de
l’histoire»

En 1990, c’est le sommet de la Baule (France) qui va


dégager clairement la ligne de conduite des Etats d’Afrique
francophone ayant en partage la langue française. Le discours
du socialiste français François Mitterrand, président de la
République française, encourageait vivement les dirigeants des
Etats Africains à s’engager dans le processus de la
démocratie :

J’ai naturellement un schéma tout prêt : système


représentatif, élections libres, multipartisme, liberté
de la presse, indépendance de la magistrature, refus
de censure. A vous de déterminer, je vous respecte,
peuples libres, vous Etats souverains que je
respecte, à vous de choisir votre voie, d’en
déterminer les étapes et l’allure43.

La démocratie était désormais une condition à l’aide au


développement.

43
Discours du sommet France-Afrique du président français François
Mitterrand. Cité par le Président Denis Sassou Nguesso, in Le manguier,
le fleuve et la souris, Paris, JC Lattès, 1997, p. 72

- 120 -
2- Les facteurs internes
Dès 1989, les membres de Comité Central du PCT sont
convoqués par leur président afin de mettre en place une
commission ayant pour mission l’examen de l’ensemble des
événements qui affectaient l’Europe et l’Union soviétique, en
analysant particulièrement les répercussions de ces
bouleversements politiques sur le Congo. C’est en juin 1990
que la commission ad’ hoc du PCT remit le rapport au Général
Dénis Sassou Nguesso, président du Comité Central, Chef de
l’Etat et président de la République.
En même temps, les membres du PCT avaient été invités à
réfléchir sur les solutions pacifiques pour la restauration de la
démocratie. Le débat s’était alors ouvert au sein de la
commission ad’ hoc, pour savoir si les membres du parti
voulaient ou non la fin du système de parti unique.44 En
définitive, la commission eut à conclure que le multipartisme
était incontournable ; que les Congolais devaient s’y engager
sans atermoiements pour coller à la dynamique internationale.

La société civile en général, impatiente, n’eut pas à attendre


les conclusions définitives de la commission du PCT pour faire
monter la tension. On enregistra très vite les premières « lettres
ouvertes » contre le régime, notamment la « lettre ouverte » de
Bernard Kolélas au Président Sassou Nguesso. Bien avant
celle-ci, il avait écrit une lettre, le 7 novembre 1988, dans
laquelle il faisait remarquer que « le régime est dans une
impasse totale. (…). Que faire ? C’est à cette question brutale
que devra répondre la table ronde que je vous suggère
d’organiser pour une concertation nationale.»45 Le 20

44
D. Sassou Nguesso, in Le manguier, le fleuve et la souris, op. cit., p.
72
45
La lettre ouverte de Bernard Kolélas en 1988, cité par. Quantin, 1997,
« Congo : Transition démocratique et conjoncture critique », in

- 121 -
novembre 1989, Kolélas revint à la charge en soutenant ce qui
suit :

Jamais la nécessité de tenir une table ronde


nationale ne s’est aussi fait sentir qu’en ces
moments.46

Les discussions sur l’étendue de la pérestroïka congolaise


portaient sur l’instauration du multipartisme.

Bernard Kolélas et Jean-Pierre Thystère Tchicaya, deux des


leaders de l’opposition, signèrent une nouvelle « lettre
ouverte » où ils définissaient le programme sur lequel porterait
le « processus démocratique » : amnistie générale, suppression
des services spéciaux, garantie des libertés démocratiques et
« mise en place d’une commission préparatoire à la
Conférence Nationale, composée des déléguées des partis et
associations qui auront été créés ».47
A partir de 1990, tous les mouvements syndicaux, religieux
et sociétés savantes rentrèrent dans la danse. La police qui était
prête à réprimer, se trouva désarmée face à la mobilisation de
la rue.
Les grèves qui se multiplièrent en août1990 étaient fondées
sur des revendications salariales. Elles s’étaient développées à
travers tout le pays : à Pointe Noire les travailleurs des
compagnies pétrolières Elf et Agip rentrèrent en mouvement ;
les étudiants de l’Université Marien Ngouabi ne restèrent pas
en marge48. Des « intellectuels » se regroupèrent pour réclamer
la suppression de la censure. Le conseil œcuménique des

Transition démocratiques africaines, dynamiques et contraintes (1990-


1994), Paris, Karthala, p. 144
46
Idem
47
Ibidem,
48
P. Quantin, op. cit., p. 146

- 122 -
églises chrétiennes demanda, quant à lui, la mise en place d’un
organisme neutre chargé d’élaborer les bases des institutions
démocratiques. Différentes personnalités politiques
annoncèrent la création des partis politiques.
En novembre 1990, le PCT était confronté aux défections en
son sein. La centrale syndicale unique, la Confédération
Syndicale Congolaise(CSC), dirigée par le membre du Bureau
politique du PCT, Jean-Michel Bokamba-Yangouma,
réclamait l’organisation d’une Conférence Nationale, ainsi que
la refonte de la Fonction publique. Une grève générale
déclenchée par la CSC finit par paralyser tout le pays,
contraignant le pouvoir à des négociations. L’option d’aller à
la Conférence Nationale fut retenue.
A la suite de la démission de Souchoulaty Poaty de son
poste de Premier ministre, Denis Sassou Nguesso décida de le
remplacer par le Général Louis Sylvain Goma, à qui fut
confiée la mission de présider les travaux d’ouverture de la
Conférence Nationale. La Conférence Nationale s’ouvrit le 25
février 1991, sous les auspices du Président Dénis Sassou
Nguesso.

II- Organes et nature de la Conférence nationale


souveraine

Il s’agit ici de voir quels sont les organes et leurs compétences


dans la gestion de la conférence, ainsi que sa nature juridique.

1- Les Organes de La Conférence nationale souveraine


Pour la conduite des débats de la Conférence Nationale, il fut
mis en place les organes suivants :
- un présidium ;
- des commissions ;
- une police des travaux ;
- un secrétariat.

- 123 -
 Le Présidium
Après l’ouverture de la Conférence Nationale par le
Président Denis Sassou Nguesso le 25 février 1991, il fallut
attendre le 12 mars pour que le collège électoral mît sur pied le
Bureau de la Conférence Nationale. Le Bureau fut mis en
place par un collège électoral présidé par le « doyen d’âge » de
la Conférence Nationale, Hyacinthe Bakanga. Monseigneur
Ernest Kombo, évêque49 d’Owando, fut élu à l’unanimité
président du présidium ; la vice-présidence fut confiée à
Antoine Letembet Ambily, membre du Mouvement congolais
pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI).
Sept postes furent confies à l’opposition regroupée au sein
d’un front uni, et enfin quatre postes restants furent confiés
aux associations.

Cette élection des membres du présidium est marquée par


l’absence des membres du PCT (ancien parti unique). Cette
absence du PCT du présidium indiquait déjà le dérapage de
cette Conférence qui, au lieu d’être un véritable cadre de
concertation, allait se transformer en tribunal. Ce qui n’était
pas le cas au Bénin où toutes les forces nationales avaient pu
prendre activement part aux débats, « sans exclusive » !
La Conférence Nationale avait enregistré 1200 délégués,
dont près de 700 appartenant à l’opposition et autres
associations hostiles au P.C.T

 Le secrétariat
Le Secrétariat de la Conférence avait pour mission,
l’élaboration de l’ordre du jour, qui fut adopté le 8 avril 1991.

49
Les évêques catholiques furent à l’honneur au niveau continental dans
la mesure où presque toutes les conférences furent présidées par eux :
Bénin, RDC, Congo…

- 124 -
 Les Commissions
Sept commissions avaient été mises en place :
1) la commission d’élaboration de l’avant-projet
constitutionnel et des libertés ;
2) la commission politique, défense et sécurité ;
3) la commission santé, affaires sociales et
environnement ;
4) la commission éducation, affaires culturelles, arts,
sciences et technologies ;
5) la commission ad hoc sur les assassinats ;
6) la commission ad hoc sur les biens mal acquis ;
7) la commission ad hoc sur le rapatriement des fonds.

2- La sécurité de la Conférence nationale souveraine


La sécurité de la Conférence Nationale avait été assurée par
l’Armée dont le caractère de neutralité s’était clairement
affiché au moment de l’ouverture de la Conférence Nationale
ce, jusqu’à la fin de la Transition. L’armée avait la mission
d’assurer la sécurité de tous par une présence militaire massive
à tous les points névralgiques, une position d’équilibre face à
la surchauffe de la classe politique (pouvoir-opposition).
Expliquant cette attitude de l’armée face au pouvoir,
l’opposition et les autres forces (société civile), le chef d’Etat-
major général de l’Armée de cette époque, le général Jean-
Marie Michel Mokoko, s’exprime en ces termes :

Ma volonté de promouvoir à tout prix aussi bien la


négociation que l’apaisement relevait d’une seule et
même considération, celle d’éviter des affrontements
fratricides que même l’armée ne serait pas en
mesure d’endiguer sans effusion de sang50.

50
« Aucun délégué ne peut avoir effacé de sa mémoire le moment du
franchissement des trois ceintures de sécurité, avant de pénétrer dans la

- 125 -
L’armée avait la charge de la coordination des opérations de la
sécurité nationale.

Il convient de rappeler à ce propos que le dernier congrès du


PCT avait décrété la dépolitisation de l’Armée, et donc la
sortie des rangs du PCT de l’ensemble des personnels
militaires. L’armée avait été officiellement dépolitisée au
cours d’une grande prise d’armes le 7 décembre 1990 sous la
haute autorité du Président de République Denis Sassou
Nguesso. Elle fut ensuite redébaptisée par la Conférence
nationale souveraine : « Forces Armées congolaises » ( FAC).
Il fut attribué aux FAC de nouveaux symboles et insignes, de
nouveaux grades conformes aux symboles de la République51.

Assurée de ce cordon de sécurité, la Conférence Nationale


n’hésita pas un seul instant à prendre des décisions d’autorité,
une attitude que certains observateurs qualifièrent de « coup de
force contre le pouvoir en place ».

3- Le caractère « souverain » de la Conférence Nationale


ou le « coup de force civil »
Contrairement à la Conférence Nationale du 31 juillet 1972
initiée par le Président Marien Ngouabi, tout comme celles qui
se sont déroulées dans d’autres Etats africains, la Conférence
Nationale de 1991 se distingue de par son caractère
« souverain », un attribut tout à fait constituant et original.
C’est le caractère exécutoire des actes qui fonde l’originalité
des conférences nationales du Bénin, du Mali et du Congo :

salle du Palais des Congrès. Même les officiers étaient soumis aux
fouilles ». Cf J.M.M. Mokoko, 1997, Le Congo : le temps de devoir,
Paris, L’Harmattan, p.30
51
Voir Acte n° 030 portant débaptisation de l’Armée populaire nationale
en Forces Armées Congolaises, Journal Officiel, éd. spéciale, 1991, p. 17

- 126 -
des conférences nationales souveraines, à l’opposé de la
conférence nationale gabonaise qui était plutôt « douce ».
Ainsi qu’il est dit plus haut, la sécurité des délégués de la
Conférence Nationale leur avait donné une prétention
autoritaire en transformant la Conférence Nationale en une
assemblée constituante. De simple tribune de concertation, la
Conférence Nationale s’était arrogé une souveraineté illimitée.
Après des débats qui frisaient à un certain moment
l’éclatement, la Conférence Nationale était parvenue à se
donner une légitimité plus ou moins consensuelle à travers son
règlement intérieur proposé par la commission ad hoc de 26
membres qu’avait présidé Maître Martin Mbemba.
Soumis pour avis et considérations aux délégués le 6 mars,
le règlement intérieur ne sera adopté que le 11 mars 1991,
autour d’une disposition fondamentale définie à l’article
premier du règlement intérieur qui dispose :

La Conférence Nationale est souveraine(…). Elle


prend des décisions. Les décisions qu’elle prend
sont impératives et exécutoires d’urgence52.

Il sied de rappeler que cet attribut de «souveraine » conférée


à la Conférence Nationale a une signification importante en
droit. C’est bien la souveraineté qui fait de la Conférence
Nationale une instance de production juridique 53 de normes
contraignantes.
Cette disposition est le fondement de la souveraineté, un
autoritarisme qui a eu pour conséquence la désaisine du chef
de l’Etat du pouvoir réglementaire. Les prérogatives
52
Article 1er du règlement intérieur de la Conférence nationale
souveraine.
53
M. Kamto, 1997, « La Conférence Nationale africaine ou la création
révolutionnaire des constitutions », Création du droit en Afrique, Paris,
Karthala, p. 180

- 127 -
d’authentification de tous les actes sont revenues au président
du présidium, Mgr Ernest Kombo, seule autorité habilitée à
engager l’administration54 pendant cette période. Les articles
1er et 40 du règlement intérieur de la conférence placent le
présidium au plus haut sommet de l’Etat, dans la mesure où ce
dernier accumule tous les pouvoirs en son sein. L’article 40 du
règlement intérieur donne la forme des actes de la Conférence
nationale souveraine :

Les décisions de la Conférence nationale souveraine


sont prises sous forme d’actes numérotés, datés,
visés par le rapporteur général, signés par le
président de la Conférence Nationale et publiés au
journal officiel selon la procédure d’urgence55.

On relève ici la mise en veilleuse des institutions de la


République, donc le « coup de force civil ». En principe, le
Chef de l’Etat est, dans l’organisation des pouvoirs publics,
l’organe suprême. Il authentifie par sa signature, un certain
nombre d’actes, ce qui vaut engagement de l’Etat qu’il
personnifie et représente56. Or, l’article 40 de règlement
intérieur de la Conférence nationale souveraine a arraché le
pouvoir d’authentification (sa signature de tous les actes
publiés au Journal Officiel) des actes règlementaires qui
revient au président de la République. La philosophie était de
réduire le rôle de la fonction présidentielle à un organe
symbolique. Le retrait de la compétence du chef suprême de
l’Armée au Chef de l’Etat, et d’autres prérogatives, en est la
preuve.

54
Article 40 du règlement intérieur de la Conférence Nationale.
55
Article 40, Idem
56
M. de Villers et A. Le Divellec, 2009, Dictionnaire du droit
constitutionnel, 7e éd., Paris. pp. 38-40

- 128 -
 Une « souveraineté sans peuple »
Du point de vue de la doctrine, on peut se demander si la
légitimité de la Conférence Nationale était fondée. La
souveraineté, c’est le caractère d’un pouvoir originaire et
suprême au-dessus duquel il n’y a pas d’autres57. Le peuple est
le titulaire de la souveraineté, c'est-à-dire le seul détenteur de
la puissance suprême de l’Etat.

En illustration, l’article 3 de la Constitution française de


1958 dispose :

Le principe de la souveraineté réside essentiellement


dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut
exercer d’autorité qui n’en émane expressément58.

Si l’on s’en tient à cet article, l’expression « n’en émane


expressément », voudrait dire que nul corps, nul individu,
n’ayant reçu mandat du peuple, ne peut détenir la souveraineté.
Le peuple est le seul à l’exercer par le suffrage universel59.
C’est ainsi que le caractère souverain de la Conférence
Nationale est sujet à contestation dans la mesure où s’agissant
de la représentativité, les délégués à la Conférence Nationale
n’avaient reçu aucun mandat du peuple. Le constat est que,
c’est une minorité de Congolais, regroupés autour de quelques
partis politiques et associations sans représentativité nationale,
pour la plupart, qui siégea à la Conférence nationale.

Appréciant avec un peu de recul la situation de l’époque,


Denis Sassou Nguesso a écrit :
57
M. de Villers et A. Le Divellec, op. cit., p. 317
58
Cf. Article 3 de la Constitution française de 1958
59
La Conférence Nationale devient « souveraine », c’est à dire que « les
décisions qu’elle prend sont impératives et exécutoires d’urgence». C’est
le caractère original de cette assise.

- 129 -
Cette résolution s’apparentait à un véritable coup
de force puisque la conférence, devenue souveraine,
s’arrogeait le droit de décider au nom du peuple
sans en être formellement le représentant.60

4- L’objet de la Conférence nationale souveraine


En vertu de son règlement intérieur, la Conférence nationale
souveraine est compétente :
- d’examiner l’ensemble des questions liées à la vie
politique, économique et socioculturelle du pays, sur la base
d’un diagnostic profond de l’action passée et en cours ;
- de dégager les responsabilités collectives et
individuelles ; d’en tirer les leçons ; d’organiser la période
de transition ;
- d’élaborer de nouvelles orientations sur la vie politique,
économique et socioculturelle du pays pour la période de
transition ;
- de donner des orientations pour l’élaboration d’une
nouvelle constitution ;
- de définir les grandes lignes de la loi électorale, de la loi
sur la presse, de la loi sur les organisations non
gouvernementales et les fondations ;
- de mettre en place un organe de contrôle ; de fixer le
calendrier de l’exécution de décisions ;
- de mettre un organe de contrôle et de suivi de
l’exécution des décisions de la Conférence nationale
souveraine.

 La Conférence Nationale : une assise de création


d’un nouvel ordre constitutionnel
L’établissement d’un projet constitutionnel était un défi
essentiel pour la Conférence Nationale. C’est donc une

60
D. Sassou Nguesso, La manguier, le fleuve et la souris, op. cit., p. 72

- 130 -
commission qui est chargée d’entériner les directives de
l’Assemblée constituante (la Conférence Nationale) qui n’est
autre qu’un pouvoir constituant61, un organe qui a pour rôle
d’élaborer la constitution.
Le pouvoir constituant est composé de deux organes, à
savoir : le pouvoir constituant dérivé et le pouvoir constituant
originaire ; le premier détruit pour reconstruire un nouvel Etat,
après une instabilité politique62 ou une crise, au préalable.
Alors que le second est un organe chargé de réviser la
constitution.
Il est dérivé ou constitué parce qu’il est prévu par le
premier. Dans le cas d’espèce, c’est le pouvoir constituant
originaire63, qui est chargé de détruire l’ancien régime de parti-
unique (le PCT) pour créer un nouvel ordre constitutionnel
démocratique. Car dans le contexte, la Conférence Nationale
fut une révolution ou encore « un coup d’Etat civil »64. C’est le
moment de rupture avec l’ancien régime.

La Conférence nationale souveraine élabora d’abord un acte


fondamental de transition en juin 1991, portant organisation
des pouvoirs publics en période de transition qui donnait déjà
l’image du nouvel ordre constitutionnel. Elle élabora ensuite le
projet constitutionnel qui va constituer le nouvel ordre
constitutionnel.
Le gouvernement de transition eut pour mission d’organiser
le référendum pour l’adoption de la nouvelle constitution. Il
eut aussi pour mission d’organiser des élections
démocratiques.

61
L M. Kamto, op. cit., p. 183 : l’existence de deux pouvoirs, le pouvoir
constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.
62
Idem
63
Ibidem
64
Ibidem

- 131 -
Le projet constitutionnel consacra notamment : le
multipartisme libéral, c'est-à-dire la création des partis et
mouvements politiques et associations ; des droits et libertés
fondamentaux65 ; la séparation et l’équilibre66 des pouvoirs
publics ; l’instauration des élections au suffrage universel
direct.

La question du partage du pouvoir avait été au cœur des


débats politiques car, depuis l’Indépendance, la tendance des
régimes était toujours la présidentialisation du pouvoir, c'est-à-
dire tous les pouvoirs revenaient entre les mains d’un seul
organe, le Président de République.

La nouvelle conception institutionnelle prenait en fait ses


sources dans l’article 16 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789 :

Toute société dans laquelle les libertés


fondamentales ne sont pas garanties, ni la
séparation des pouvoir déterminée, n’a point de
constitution67.

Cet article définit tout simplement le but ultime d’une


constitution libérale, qui est la norme suprême de l’Etat.

La Conférence Nationale visait aussi la création d’un Etat


de droit. Par conséquent, elle abrogea la Constitution de 1979

65
Voir le titre II, des droits fondamentaux, de l’Acte fondamental de juin
1991
66
Voir, le titre III, du président de la République et titre IV, du Premier
ministre et du Gouvernement et enfin, le titre V, du Conseil supérieur de
la République.
67
Voir le préambule de la Constitution française, article 16 de la
Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

- 132 -
et lui substitua une loi fondamentale. La Conférence
Nationale apparaît ainsi comme une entreprise de
déconstitutionnalisation et de reconstitutionnalisation68.

5-Les Actes de La Conférence nationale souveraine


La Conférence Nationale avait adopté 21069 actes à
caractère contraignant. Les travaux de la Conférence Nationale
avaient duré quatre mois, du 25 février au 12 juin 1991, pour
un coût approximatif de 3, 5 milliards de franc C.F.A70. En
outre, elle avait enregistré 268 déclarations des délégués,
montrant ainsi l’esprit démocratique qui avait prévalu tout au
long des travaux.
Il convient de souligner, à ce propos, la pathétique
déclaration du Président Denis Sassou Nguesso (Message à la
Nation du 26 avril 1991) qui, ayant été le dernier Chef de
l’Etat à clôturer l’ère monopartite, s’était engagé à assumer
tous les faits et méfaits de cette première expérience politique
nationale :

Le président Youlou n’a pas eu le temps


d’expérimenter le système monopartite. Le président
Massamba-Débat, qui a dirigé la première
organisation monopartite, le Mouvement national de la
révolution, n’est plus. De même que le commandant
Marien Ngouabi, qui a créé le Parti congolais du
travail. Le président Yhomby-Opango, qui a poursuivi
l’expérience avec le Comité militaire du parti, n’est
plus aux affaires. Le mal, je suis donc seul à l’assumer,

68
L M. Kamto, 1997, « La Conférence Nationale africaine ou la création
révolutionnaire des constitutions », Création du droit en Afrique, Paris
Karthala, p. 183.
69
Voir « Les Actes de la Conférence Nationale », Journal Officiel, éd.
spéciale de juin 1991, pp. 1-7
70
D. Sassou Nguesso, in Le manguier, le fleuve et la souris, p. 81

- 133 -
et je l’assume à titre collectif et individuel, au nom de
tous les dirigeants de ce pays qui ne sont plus. Moi,
j’assume, pour nous tous, tout notre passé, toute cette
histoire commune dans ses errements comme dans ses
mérites. Je dis à notre peuple que, si de graves erreurs
ont été commises, seule la volonté de faire bien
toujours nous guidait.

 Restauration des symboles et des armoiries de la


République
Sur réclamation de certains leaders des partis politiques et
des conférenciers, la Conférence Nationale avait consacré le
retour aux armoiries de la première République, la
réhabilitation de l’hymne national et du drapeau de
l’indépendance. Cette restauration s’était inscrite comme une
rupture avec l’ancien régime (règne du PCT). De « République
populaire du Congo », Etat « révolutionnaire », on était revenu
à la « République du Congo ». La « République », réhabilitée,
avait désormais pour nom : «République du Congo 71». Le
drapeau rouge instauré par le PCT, parti marxiste-léniniste,
avait été détruit et remplacé par le drapeau de la « première
République ». Ainsi, les nouveaux symboles étaient :

1)-le drapeau de la République du Congo adopté par « la loi


constitutionnelle n° 8 du 18 aout 1959 fixant le drapeau de la
République », « de format rectangulaire, composé de deux
triangles rectangles de couleur verte et rouge, séparés par une
bande jaune en diagonale, le vert étant du côté de la hampe ; sa
hampe est surmontée d’un fer de lance triangulaire » ;

71
Acte n° 027 portant débaptisation de la République populaire du
Congo, « Les Actes de La Conférence nationale souveraine », Le journal
officiel, éd. spéciale, 2001, p. 16

- 134 -
2)-la devise de la République du Congo définie par « la loi
constitutionnelle n°9 du 3 novembre 1959 » ;
3)-l’hymne national de la République du Congo adopté par
« la loi constitutionnelle n° 10 du 12 novembre 1959 » dit « La
Congolaise » ;
4)-le sceau de la république du Congo fixé par « la loi n°5-61
du 11 janvier 1961 » et les timbres et cachets déterminés par la
même loi72.

 Réhabilitation des anciens présidents de la


République
La Conférence Nationale avait procédé à la réhabilitation
des trois anciens présidents de la République. Ainsi, Fulbert
Youlou, Alphonse Massamba-Débat et Joachim Yhomby-
Opango, président de la République du Congo, respectivement
du 21 novembre 1959 au 15 août 1963, du 19 décembre 1963
au 31 août 1968 et du 4 avril 1977 au 5 février 1979, furent
réhabilités « dans la respectabilité historique du Congo ».73

 L’adoption de l’Acte fondamental de la transition


La Conférence nationale souveraine avait procédé à
l’adoption d’un Acte fondamental pour l’organisation des
pouvoirs de la période de transition.
Ce dernier rappelle dans son préambule que : « le coup
d’Etat, en s’inscrivant dans l’histoire politique du Congo
comme le seul moyen d’accéder au pouvoir, a annihilé toute
vie démocratique74 ».

72
Voir, Article 1er, actes n° 002-91-PCN-RG, portant restauration des
symboles de la République, « Les Actes de La Conférence nationale
souveraine », in Le journal officiel, éd. spéciale 2001, p. 9
73
Actes n° 012 portant réhabilitation des anciens présidents Fulbert
Youlou, Alphonse Massamba-Débat et Joachim Yhomby-Opango, supra,
p. 11
74
Voir : le préambule de l’Acte de la transition de juin 1991

- 135 -
Par conséquent, le peuple congolais :

- affirme sa ferme volonté de bâtir un Etat de droit et


une nation unie et fraternelle, proclame solennellement
son droit à la résistance et à la désobéissance civique à
tout individu ou tout groupe d’individus qui prendrait
ou exercerait le pouvoir à la suite d’un coup d’Etat ou
de toute autre forme de violence ;
- réaffirme son attachement aux principes de la
démocratie pluraliste, aux droits et libertés
fondamentaux définis par les différentes chartes
internationales.75

Ce préambule marqua la rupture avec le système autoritaire


et réaffirma la volonté d’aller à la démocratie.
L’acte fondamental de la Conférence nationale consacra une
transition d’équilibre des pouvoirs publics. La philosophie des
institutions issues du constituant de la Conférence Nationale,
consacra la primauté du Premier ministre sur le président de la
République.

III- La Gestion de la Transition

Par transition, il faut entendre la période qui va de


l’installation des institutions à l’organisation des élections,
jusqu’à l’installation de nouveaux organes démocratiques.
Pour certains africanistes comme O’Donnel, c’est une
« période allant du lancement du processus de dissolution du

75
Charte internationale des droits de l’homme des Nations unies de
1948 ; Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée en
1981 par l’Organisation de l’Unité Africaine ; Charte des droits et
libertés adoptée en 1991 par la Conférence nationale souveraine.

- 136 -
régime autoritaire jusqu’à l’élection de nouvelles autorités
selon une procédure d’élections multipartites ».76

La durée des institutions de la transition avait été fixée à 12


mois, de la dissolution à l’élection fondatrice77

1- Les Organes de la Transition


. L’Acte fondamental avait consacré trois organes
dirigeants :
- le président de la République, Denis Sassou Nguesso ;
-le Premier ministre, André Milongo ;
-le Conseil Supérieur de la République de 153 membres78
qui fait office d’Assemblée délibérative de transition, présidé
par Mgr Ernest Kombo.

 Du pouvoir exécutif
L’acte fondamental avait consacré un pouvoir exécutif
bicéphale, partagé entre le président de la République, Denis
Sassou Nguesso, et le Premier ministre, chef du gouvernement,
chef suprême des armées, André Milongo.
Le président de la République n’avait qu’un rôle
honorifique, celui d’incarner l’unité nationale, le symbole de la

76
O’Donnel (1986, p. 6). Sur la problématique de la libéralisation et de la
démocratisation appliquée plus spécifiquement aux cas africains, voir
également, Breton (1994), op. cit. ; P. Quantin, « Congo : transition
démocratique et conjoncture critique », Transition démocratiques
africaines, dynamiques et contraintes (1990-1994) , p. 140
77
Les élections fondatrices sont celles qui sont libres et transparentes et à
l’occasion desquelles l’ensemble de la population ayant le droit de vote
peut se prononcer sur l’ensemble des candidats ; aucune personne ne doit
être exclue du scrutin si elle remplit des critères juridiques fixés dans la
loi électorale.
78
Voir, les Actes de la Conférence Nationale n° 004, constatant
l’élection des membres du Conseil Supérieur de la République, Journal
officiel, éd. spéciale 1991, p. 8.

- 137 -
République, la politique extérieure et l’accréditation des
ambassadeurs. Il régnait, mais ne gouvernait pas.
Le Premier ministre, chef du gouvernement79, était le
détenteur du pouvoir de nomination. Il déterminait et
conduisait la politique de la nation ; il nommait les membres
du gouvernement et mettait fin à leurs fonctions ; il présidait le
conseil des ministres. Il était le chef suprême des armées. Il
nommait le haut commandement militaire. Il était responsable
devant le Conseil Supérieur de la République 80.

Le Premier ministre de transition était comparable au


Premier ministre de la Grande-Bretagne, et plus fort que le
Premier ministre français !

C’est suite à une élection compétitive qu’André Milongo


avait été élu Premier ministre81, face au professeur Pascal

79
Titre III, du président de la République, de l’Acte fondamental de 1991
80
Article 71 de l’Acte fondamental de 1991
81
L’élection du Premier ministre. « Sur 21 candidatures à la primature,
deux seulement ont été retenues au 4e tour du scrutin à savoir : la
candidature de Pascal Lissouba et la candidature de André Milongo. Le
dépouillement de ce scrutin mettant en lice Monsieur Pascal Lissouba
aux côtés de monsieur André Milongo, a donné les résultats suivants :
inscrits = 958 ; Votants = 887 ; Bulletins nuls = 14. Ont obtenu : - Pascal
Lissouba = 419 voix, - André Milongo = 454 voix. Il est à noter que la
majorité absolue des votants est égale à la moitié des votants plus une
voix soit 444. André Milongo, ayant obtenu plus de la majorité absolue
des votants du 4e tour, conformément à l’article 41 de notre règlement
intérieur, a été proclamé par le Bureau de vote, élu Premier ministre du
gouvernement de Transition issu de l’historique et inoubliable
Conférence nationale souveraine ». Voir le Procès verbal, des élections
des membres du bureau du conseil supérieur de la république et du
Premier ministre du gouvernement de la transition issu de l’historique et
inoubliable Conférence nationale souveraine, Journal officiel, Actes de
conférence nationale, éd. spéciale 1991, p. 10

- 138 -
Lissouba, qui avait pourtant bénéficié du soutien des partisans
du PCT et de son leader Denis Sassou Nguesso.

 Le Conseil Supérieur de la République


Le Conseil Supérieur de la République, présidé par
Monseigneur Ernest Kombo, fut l’organe législatif de la
transition82.

Le Conseil Supérieur de la République avait pour


missions de :
- exercer la fonction législative ;
- suivre et contrôler l’exécution des décisions de la
Conférence Nationale ;
- contrôler l’exécutif ;
- examiner, après un débat national, le projet de
l’organisation du Référendum ;
- superviser le Référendum pour l’adoption de la
Constitution ;
- garantir l’accès équitable des partis politiques aux
médias officiels ;
- superviser les élections ;
- veiller à la défense et à la promotion des droits de
l’homme conformément : à la charte internationale des
Droits de l’homme des Nations unies, à la Charte
Africaine des Droits de l’homme et des Peuples, à la
Charte des Droits et libertés et à la Charte de l’Unité
Nationale ;
- assurer le rôle de médiateur83.

Le Conseil Supérieur de la République fut un organe


essentiel de la République et « politiquement irresponsable »,

82
Titre V, CSR, de l’acte fondamental de 1991
83
Article 51 de l’Acte fondamental de 1991

- 139 -
car sa responsabilité ne pouvait être engagée, ni devant le
président, ni devant le gouvernement de transition.
L’acte fondamental disposait dans son article 71 que : « le
Conseil Supérieur de la République met en cause la
responsabilité du gouvernement de transition par le vote d’une
motion de censure lorsqu’il constate que celui-ci s’est
gravement écarté des décisions et recommandations de la
Conférence Nationale84».

En cela, il était un organe intouchable.

 Les Autres Organes


L’acte fondamental avait institué plusieurs autres organes
qui sont :
- La haute cour de justice (titre VII) ;
- Le pouvoir judiciaire (titre VIII) ;
- Le médiateur (titre IX) ;
- Le conseil supérieur de l’information et de la
communication (titre X).

2- Du Gouvernement de Transition
En douze mois, la transition avait connu quatre
gouvernements, ainsi que le montrent les actes ci-après :
- décret n° 91-675 du 15 juin 1991 ;
- décret n° 91-1101 du 30 décembre 1991 ;
- décret n° 92- 002 du 26 janvier 1992 ;
- décret n° 92- 299 du 21 mai 1992.

Les relations entre les organes de la transition n’étaient pas


harmonieuses. On était dans une sorte de cohabitation de
pouvoirs. Les conflits traduisaient déjà le positionnement aux
élections.

84
Article 7,1 op. cit.

- 140 -
3-Les élections démocratiques
Le retour au suffrage universel direct souligne l’importance
des élections fondatrices, libres et transparentes, à partir
desquelles l’ensemble de la population en âge de voter devrait
exercer son droit de vote. En dépit de ses ratés, les institutions
de la Transition organisèrent tous les scrutins dans le temps
imparti, à savoir : les élections locales et sénatoriales, le
référendum sur l’avant-projet de Constitution, les élections
législatives et les élections présidentielles.

 Les élections locales et sénatoriales


Sur un total de 1345 sièges répartis à travers tout le territoire
national, les résultats se présentent comme suit :

- aux élections locales du 3 mai 1992 (70 % de taux de


participation) :
-U.P.A.D.S (parti politique de Pascal Lissouba) : 468 sièges ;
- M.C.D.D I.( parti politique de Bernard Kolelas) : 244 sièges ;
- P.C.T ( parti politique de Denis Sassou Nguesso : 191
sièges ;
- R.D.D ( parti politique de Joachim Yhomby-Opango ) :122
sièges ;
-R.D.P.S (parti politique de Jean-Pierre Thystère Tchicaya :
89 sièges.

- aux élections sénatoriales


- U.P.A.D.S: 23 sièges ;
- M.C.D.D.I : 14 sièges ;
- R.D.D : 8 sièges.

 Le Référendum constitutionnel
Voici le contenu du projet constitutionnel :

- 141 -
Consécration des droits et libertés publiques ;
démocratie pluraliste et décentralisée ; élection du
président de la République au suffrage universel ;
séparation des pouvoirs (parlement bicaméral, exécutif
bicéphale, pouvoir judiciaire indépendant) ; libre
administration des collectivités locales ; Conseil
économique et social ; Conseil constitutionnel ;
Conseil de la communication.

La Constitution congolaise fut adoptée à l’issue du


référendum du 15 mars 1992 suivant les résultats ci-après :
avec 70, 93% du taux de participation, le « Oui » avait
recueilli 96, 32% des suffrages exprimés.

 Les élections législatives


Les élections législatives de 1992 s’étaient tenues du 24 juin
au 19 juillet 1992. Dans l’ensemble, ces premières élections
législatives pluralistes de juin et de juillet 1992 révélèrent
l’existence de trois blocs politiques relativement équilibrés
autour desquels gravitaient de nombreux petits partis. Cette
tripolarité du système politique congolais s’était réalisée avec
trois principaux leaders politiques aux forces relativement
équilibrées. Il s’agit de Denis Sassou Nguesso, Bernard
Kolelas et Pascal Lissouba. C’est en tout cas ce qu’indique la
lecture des résultats des élections législatives :

- UPADS, au premier tour : 31% ; au deuxième tour : 39%, sur


les 125 sièges de l’Assemblée nationale.
- MCDDI, au premier tour : 18% ; au deuxième tour : 29% ;
- PCT : au premier tour : 5% ; au deuxième tour : 18% ;
- RDPS : 9 sièges ;
- RDD : 5 sièges ;
-11 sièges (répartis entre autres petits partis).

- 142 -
Le premier tour et le deuxième tour avaient fidèlement
reproduit les mêmes tendances politiques déjà observées
pendant les élections locales et régionales.

 L’élection présidentielle au suffrage universel


Les élections démocratiques au suffrage universel direct
furent une grande première dans l’histoire institutionnelle
congolaise. L’enjeu était de taille dans la mesure où, pendant
le scrutin, on avait enregistré 18 candidatures : Corentin
Auguste Kouba, Antoine Makangou Loukamy, Angèle
Bandou, Gabriel Bokilo, David Charles Ganao, Joachim
Yhomby-Opango, Jean Martin Bemba, Pascal Lissouba, Jean-
Michel Bokamba-Yangouma, Célestin Gangarad-Nkoua,
Pierre Nzé, Denis Sassou Nguesso, Clément Mierassa,
Alphonse Souchlaty-Poaty, Bernard Kolelas, Paul Kaya,
André Milongo et Jean- Pierre Thystère Tchicaya .

Le premier tour de l’élection présidentielle tenue le 2 août


1992 avait connu un taux de participation de 59, 59%, avec
comme résultats :

- Pascal Lissouba : 35, 89% des suffrages exprimés ;


- Bernard Kolelas : 20, 32 % ;
- Denis Sassou Nguesso : 17, 87 % ;
- André Milongo : 10, 18 % ;
- Jean Pierre Thystère Tchicaya : 5, 78 % ;
- Joachim Yhomby-Opango : 3, 49 % ;
- 10 autres candidats recueillent chacun moins de 3 % des
voix.

Le second tour qui eut lieu le 16 août 1992 avait vu


s’affronter Pascal Lissouba et Bernard Kolelas ; un taux de
participation de 61, 61 % avait été observé. Il avait fallu une

- 143 -
alliance entre le PCT et l’UPADS85 entre les deux tours, pour
que Pascal Lissouba fût élu président de la République avec
61, 32 % des suffrages exprimés, contre 38,68 % pour Bernard
Kolelas.

CONCLUSION

La Conférence nationale souveraine, dans sa démarche


comme dans ses conclusions, semble avoir trahi son essence,
celle de catalyseur et de restaurateur du nouvel ordre politique
et démocratique. Comme le souligne Charles Zacharie Bowao,
« elle a ouvert la voie à un changement mal maîtrisé »86. La
crise institutionnelle de 1992 à 1993, ainsi que les évènements
douloureux de 1997, peuvent être inscrits comme la
conséquence du rendez-vous manqué.
Au-delà de tous ces soubresauts malencontreux et de
l’exécution seulement à la carte de certains actes, on peut
retenir l’irréversibilité de la démocratie comme héritage de la
Conférence nationale souveraine.

85
Le 11 Août 1992, un accord électoral et de gouvernement est conclu
entre l’UPADS et le PCT, avant le second tour de l’élection
présidentielle Cf. T. Obenga, 1998, L’histoire sanglante du Congo-
Brazzaville (1959-1997). Diagnostic d’une mentalité politique africaine,
Paris, Présence Africaine, p. 165.
86
C. Z. Bowao, op.cit, p 55

- 144 -
CHAPITRE 5

DES EVENEMENTS DE 1997 A LA NORMALISATION


DE LA VIE DEMOCRATIQUE

Par Ngnia Ngama MOYEN


INTRODUCTION

Le contentieux politique qui oppose dès 1992 le pouvoir du


Président Pascal Lissouba à l’opposition rassemblée au sein
d’une alliance87 dénommée « URD- PCT » d’abord, et « Forces
Démocratiques Unies » (FDU) ensuite, débouchera, à la grande
désolation de la communauté internationale, sur une guerre
civile, le 5 juin 1997. Pendant cinq mois, Brazzaville s’est
transformée en brasier. La partition de l’armée régulière a fait
place à la constitution des milices privées qui semaient la
terreur et imposaient leurs lois. Les institutions démocratiques
patiemment mises en place à l’issue de la Conférence Nationale
ont été brutalement démolies.

Revenu au pouvoir à la suite de cette épreuve, Denis Sassou


Nguesso procédera à la normalisation de la vie démocratique
et institutionnelle à travers deux phases :

 la phase transitoire ou phase du « régime d’exception »,


régi par un Acte fondamental88, avec comme principale

87
Accord du 11 août 1992.
88
La tradition des « régimes d’exception » est généralement marquée par
un Acte fondamental qui fait office de Constitution provisoire pour
légitimer les institutions en place.

- 145 -
mission, le rétablissement de la paix et de l’ordre institutionnel
(période de 1997à 2002) ;
 la phase de normalisation de la vie démocratique, régie
par la Constitution du 20 janvier 2002 qui met en place tous
les leviers institutionnels favorables au retour et à l’exercice du
jeu démocratique et permet de relancer le processus électoral
(période 2002 à nos jours).

Toutes ces phases ont connu l’organisation de deux tribunes


de concertation nationale : le Forum National et le Dialogue
National Sans Exclusive. Deux hauts lieux qui ont permis aux
Congolais de se parler et de créer les conditions de
renforcement de la paix gravement troublée par les douloureux
événements de 1997.

I- Le contexte socio-politique après la guerre de 1997 et le


rétablissement de la paix

Au sortir de la guerre civile de 1997, une série de


dysfonctionnements administratifs, et donc de gouvernance
publique, ont été enregistrés partout au Congo. Comme tout
pays post- conflit, des mesures salutaires devaient être prises
pour rétablir les fondamentaux de la société congolaise. Mais
avant toute chose, il convient de porter un regard sur l’état du
pays après la guerre du 5 juin 1997 pour comprendre le
cheminement du processus de remise en ordre des choses.

1. Situation socio-politique et remise en état de l’ordre


institutionnel

 Situation socio-politique post- conflit


Cette guerre qui a commencé le 5 juin 1997 autour d’un
bras de fer entre l’opposition et la mouvance présidentielle
sous le régime du Président Pascal Lissouba, a pris fin le 15

- 146 -
octobre de la même année par une victoire de l’opposition
rassemblée cette fois-ci au sein d’un commandement armé,
crée pour la circonstance, dénommé « Forces démocratiques et
patriotiques » (FDP). La capitulation des forces politiques et
militaires fidèles au Président Pascal Lissouba, avait laissé un
vide institutionnel qui avait dû être très vite comblé par les
nouveaux locataires du « Palais du peuple » sous la conduite
de Denis Sassou Nguesso, nouveau président de la
République.

Sur le terrain, et en l’absence de toute autorité étatique,


régnait une insécurité sans précédent. Le Congo s’est retrouvé
dans une situation socio politique désastreuse. Les indicateurs
socio-politiques et macro-économiques post-conflit n’incitaient
guère à l’optimisme. Le pays était exsangue. Sur le plan
institutionnel, il n’y avait plus d’autorité étatique : les
institutions d’avant la guerre avaient été dissoutes, ce qui ne
permettait pas l’exercice d’une vie politique et démocratique
conséquente ; au niveau sécuritaire, la capitale présentait le
paysage d’un champ de ruines, partagé entre présence parsemée
de forces régulières de sécurité et milices qui ratissaient et
terrorisaient le pays. Le pays était donc livré aux hordes de
milices qui pillaient, violaient, tuaient.
Au plan socio-économique, on relève l’arrêt de toutes les
structures de production, notamment en matière d’eau,
d’électricité et commerciale. Il n’y avait plus de justice, plus
d’école ; les libertés publiques étaient inexistantes. C’est ce
paysage politique de déliquescence avancée que les nouveaux
vainqueurs de la guerre trouvent sur le terrain : un défi qu’il a
fallu relever tout au long de cette période post-conflit 1997-
2002.

A ce propos, une diplomatie dynamique a dû être engagée,


de manière à ce que le Congo reprenne sa place dans les

- 147 -
tribunes internationales. Les pays amis avaient accompagné
cette dynamique en rouvrant leurs missions diplomatiques et
consulaires à Brazzaville. La vie administrative avait repris
progressivement du service.

 La remise en état de l’ordre institutionnel et la


gestion de la période de transition
Le sombre cauchemar de 1997 que le Congo venait de
vivre a nécessité la restauration de l’ordre institutionnel en vue
de la réorganisation des pouvoirs publics par un texte servant
de soubassement pour la conduite de la Nation. Il était donc
question, non seulement de réaliser un consensus autour des
changements extra constitutionnels intervenus au sommet de
l’Etat, mais aussi de doter le pays d’un cadre juridique et
d’institutions de transition, en attendant l’organisation
d’élections démocratiques.
Le cadre juridique trouvait ainsi son fondement dans l’Acte
fondamental du 24 octobre 1997. Celui-ci instituait un régime
atypique au regard des constructions constitutionnelles
traditionnelles et organisait les pouvoirs publics de la période
de transition. En effet, si les modèles constitutionnels connus
tournent autour des régimes présidentiel et parlementaire, le
régime politique institué par l’Acte fondamental du 24 octobre
1997 n’intègre pas cette classification. Les raisons à cela sont
nombreuses. Il y a le fait que le pouvoir en place était un
pouvoir de fait installé après une guerre civile. Il ne découle
pas d’une élection, donc un régime d’exception correspondant
à la situation exceptionnelle d’après-guerre.
Ainsi l’Acte fondamental avait-il prévu l’existence d’un
pouvoir exécutif fort avec un chef de l’Etat, chef du
gouvernement, un pouvoir législatif89 : le Conseil national de

89
Voir à cet effet, l’Acte Fondamental du 24 octobre 1997, Titre V,
article 50.

- 148 -
transition (CNT) qui était le Parlement de transition. Ces deux
instances du pouvoir d’Etat avaient des rapports simples.
L’autonomie et l’absence de moyens réciproques entre les
deux étaient les éléments caractéristiques de cette
collaboration en vue de la stabilité de ce régime exceptionnel.
Ce jeu d’équilibre est institué par le Titre VI.

Le président de la République ne pouvait dissoudre le


Conseil national de transition, de même que le Conseil
national de transition ne pouvait contraindre le gouvernement
du président de la République à la démission. L’intérêt du
régime, au regard de l’expérience antérieure, réside dans la
fixité institutionnelle qu’il réalise et du rôle prépondérant
dévolu au Chef de l’Etat. Ce dernier a des pouvoirs illimités.

Cet instrument juridique qui tient compte de l’extrême


sensibilité de la période, fait preuve d’ouverture. Les requêtes
individuelles quant à l’insatisfaction de « toute personne,
physique ou morale » par le service public, sont formulées
devant le Médiateur de la République dont les conditions sont
prévues par la loi (Titre IX).

2- Le Forum pour l’unité, la réconciliation, la


démocratie et le développement du Congo et la paix dans le
Pool
Un an seulement après le travail de remise en ordre
institutionnel, le Président Denis Sassou Nguesso décide de
consolider cette dynamique politique par l’organisation d’une
première tribune de concertation, dénommée « Forum pour
l’unité, la réconciliation, la démocratie et le développement du
Congo », tenue du 5 au 14 janvier 1998. Il fallait tenter tant
soit peu de donner corps à l’Etat en le restructurant de
nouveau, une démarche qui s’inscrit dans le cadre de la main

- 149 -
tendue du président de la République aux anciens du régime
déchu, afin de recréer une dynamique sociétale apaisée.
Cette idée se présentait comme l’une des solutions idoines
pour permettre aux Congolais de dissiper leurs frustrations
générées par cinq mois de guerre. Les stigmates laissés par cette
guerre étaient si profonds, qu’il revenait aux locataires du
« Palais du peuple » de faire preuve de dépassement et
d’humilité pour recoudre le tissu social en large
dégénérescence.

Au-delà de quelques débats passionnels sur le régime dit


« génocidaire » de Pascal Lissouba, un discours plus ou moins
évident au sortir de la guerre, le Forum a tout de même jeté les
bases de l’instauration d’une paix durable. Toutefois, l’idée de
répression de l’impunité, en ce qui concerne notamment les
auteurs de crimes graves, a été mise en exergue. Pascal
Lissouba et un certain nombre d’hommes politiques qui
l’entouraient, ont été vilipendés et accusés de « génocidaires ».
Un livre blanc, résultat d’une compilation des faits pour la
mise en accusation du précédent régime, a été publié en deux
volumes.
Au départ, la communauté internationale s’est montrée
réservée quant à l’issue heureuse d’une table ronde en
l’absence des protagonistes de l’ancien régime qui, pour la
plupart, s’étaient retrouvés en exil. Pour briser le spectre
d’isolement occasionné par une attitude sévère de la
communauté internationale à l’égard du nouveau pouvoir, une
diplomatie fine a dû être engagée de manière à soigner l’image
du Congo. Tout en prenant des mesures de répression des
comportements que l’on qualifiait de porteurs de germes
« belligènes », la tendance générale de ces assisses était à
l’apaisement et au ressaisissement.

- 150 -
 La paix dans le Pool et les accords de cessez-le feu et
de cessation des hostilités de 1998-1999
A peine les bases de remise en ordre institutionnel jetées, un
incident banal de simple police administrative, va dégénérer en
une guerre opposant « milices ninjas »90 à l’armée régulière.
En effet, le 29 août 1998, les premières attaques des « Ninjas »
sont lancées dans les localités de Mindouli et Missafou
entrainant la mort du commissaire de police de Mindouli et
bien d’autres. C’est à partir de cette date que plusieurs localités
du Pool sombrent dans des attaques incessantes.
Chronologiquement : le 3 septembre 1998, une attaque est
lancée contre la localité de Kibouendé ; le 11 septembre de la
même année Kindamba est touchée ; trois jours après, c'est-à-
dire le 14, Missafou n’est pas épargnée ; les deux jours
suivants, c’est Vindza ; le 19 septembre Mayama ; le 25
septembre Goma Tsé-tsé et Kibossi, etc. Le 18 décembre
1998, toute la partie sud de Brazzaville est touchée.
La sauvegarde et la protection des populations du Pool, de
la Bouenza, de la Lékoumou et du Niari relevaient dès lors de
l’urgence.
Nombreux sont ces Congolais qui ne croyaient plus en
l’unité d’un peuple capable de partager les même valeurs.
Ainsi, les 16 novembre91 et 29 décembre 199992,
respectivement à Pointe-Noire et à Brazzaville, ceux qui

90
C’est la dénomination des milices du Pasteur Ntoumi.
91
Les Accords de Pointe- Noire avaient rassemblé 9 signataires : le Haut
commandement de la force publique ; les Cobras ; le MNLC, le
MNLCR ; Bana DOL, Résistance Sud –Sud ; les Ninjas ; le Comité de
suivi de l’appel de Douala ; le Conseil mondial de la Paix-Zone
Afrique/ Fédération Congolaise des ONG de développement.
92
-A Brazzaville, les accords comptaient 2 signataires dont le Haut
Commandement de la force publique et le Haut commandement des
forces d’autodéfense de la résistance. Depuis ces accords, une véritable
compagne de démilitarisation a pris du terrain.

- 151 -
avaient accepté de prendre les armes décidèrent de tirer un trait
sur un passé douloureux, en signant des accords de cessez-le
feu et de cessation des hostilités. Un Comité de Suivi fut mis
en place afin de renforcer les initiatives en faveur de la paix.
Ce comité était structuré en 5 commissions de travail :
- la commission du ramassage des armes ;
- la commission de la réinstallation des déplacées et exilés
dans leurs lieux de résidence habituels ;
- la commission d’insertion et de réinsertion des anciens
miliciens ayant déposé les armes ;
- la commission de la communication ;
- la commission de la logistique et des finances.
Ces accords avaient pour objet de mettre un terme à la
culture armée et prônaient ainsi le règlement des différends par
le dialogue. Ces accords avaient consigné « toutes les clauses
de l’arrêt des hostilités et de leurs effets induits ». Les parties
signataires avaient la charge d’encourager et d’inciter le
peuple à contribuer à la préservation de la paix dans le pays.
Cette démarche se présentait comme un apport à la
reconstruction d’une paix durable ; c’est ce qui a du reste
motivé l’opération généralisée de ramassage des armes.
Il était ainsi fait interdiction aux partis ou autres
associations politiques de disposer de branches armées. Cet
objectif avait bénéficié de l’appui de la communauté
internationale et des organisations non gouvernementales
compétentes, par la mise sur pied des micro-projets afin de
faciliter la réinsertion et la reconversion des miliciens en les
incitant à s’investir dans la vie active à travers le programme
DDR (Démobilisation-Désarmement-Réinsertion). Aux termes
des dispositions finales desdits accords, « les parties
signataires s’engagent à former un bloc solidaire capable de
s’opposer à toutes les forces hostiles à la paix et à la
réconciliation nationale, ainsi qu’aux adeptes de la violence
sous toutes ses formes ».

- 152 -
L’axe d’effort de cette période de transition s’était traduit à
travers les indicateurs de paix, de sécurité et de stabilité ci-
après :
– le rétablissement de la paix et de la sécurité par la libre
circulation des personnes et des biens sur l’ensemble du
territoire ;
– la réactivation des leviers de puissance de l’Etat
(rétablissement de l’administration ; restauration de la force
publique, des cours et des tribunaux) ;
– la relance de l’économie ;
– la garantie et la sécurisation du retour des exilés et autres
déplacés ;
– la réouverture des établissements scolaires et sanitaires ;
– le renouement du dialogue avec les bailleurs de fonds
internationaux ;
– la restauration de l’image du Congo à l’extérieur.

II –La relance du processus électoral et la


normalisation de la vie démocratique

Au sortir de la guerre de 1997, la recherche d’un consensus


national s’imposait. La réconciliation du peuple avec lui-même
devait constituer une œuvre permanente. Ainsi, le Dialogue
National Sans Exclusive s’imposait.

1. Le Dialogue National Sans Exclusive ou le cadre de


ressaisissement national
S’alignant dans la logique de l’article 13 de l’accord de
cessez- le feu et de cessation des hostilités93 du 29 décembre
93
- L’article 13 dudit accord stipule que « les signataires du présent
accord conviennent de recommander à son excellence El Hadj Omar
Bongo, président de la République gabonaise, en sa qualité de
Médiateur international de poursuivre ses efforts en faveur de la paix
en Afrique et particulièrement en République du Congo organisant dès

- 153 -
1999, le Dialogue National Sans Exclusive qui a été précédé
par des débats décentralisés, s’est ouvert le 17 mars 2001 au
palais du parlement à Brazzaville. Aboutissement d’un long
processus, le Dialogue National Sans Exclusive avait bénéficié
de la sagesse du Président gabonais Omar Bongo, agissant en
qualité de Médiateur.
Après plusieurs négociations, le Président gabonais était
parvenu, par la décision n° 00003 du 9 mars 2001, à nommer
cinq personnalités gabonaises94 pour la supervision dudit
Dialogue. Le même jour par la décision n° 00005, il désignait
les membres du bureau du Dialogue National.
Ainsi, un Comité technique avait été mis en place par la
décision n° 00001 du 15 mars 2001. Ce cadre de diplomatie
parlementaire consacré à l’exorcisme de la Nation, dont les
conclusions avaient jeté les fondements de la nouvelle vision
apaisée de la vie nationale, au nombre desquels, la relance de
la démocratie, l’une des valeurs cardinales d’un Etat
républicain.
Le décret n°2001-67 du 16 mars 2001 nommait les membres
de la commission d’organisation du comité technique du
Dialogue National Sans Exclusive. Les délégués nationaux au
débat décentralisé dans les régions et dans les communes
avaient été nommés par le décret n° 2001- 70 du 21 mars
2001.

que possible avec le concours de la communauté internationale, le


Dialogue National sans exclusive en vue d’une paix durable et du
retour de la démocratie en République du Congo Brazzaville »
94
Il s’agissait de : Antoine Mboumbou MiIyakou, ministre d’Etat, ministre
de l’intérieur, de la sécurité publique et de la décentralisation ; le général
Samuel Mbaye, secrétaire général du conseil national de sécurité ; Jean
Ping, ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères, de la coopération
et de Francophonie ; Bruno Akouma, conseiller juridique du président de
la République ; Pierre Nzinga, magistrat.

- 154 -
Les travaux du Dialogue National Sans Exclusive avaient en
fait préparé l’ossature de la future constitution du 20 janvier
2002. Le redressement de l’ordre politique du Congo s’était
joué à cet instant-là. Des amendements avaient été apportés à
la Constitution de 199295.

 Les conclusions tirées du Dialogue National Sans


Exclusive
Il sied de relever à ce propos que cette faculté de dialogue
fait du Congo l’un des rares pays à régler de l’intérieur, et sans
l’assistance de la communauté internationale, une situation de
conflit : un cas d’école qui a vite dissipé l’opprobre dont le
Congo a été frappé de l’extérieur après la guerre du 5 juin
1997.

Le Dialogue National Sans Exclusive avait permis aux


exilés de regagner le pays sans inquiétude. Un nouveau pacte
de confiance avait été ainsi scellé. L’avant-projet de la
Constitution de 2002 avait été unanimement approuvé par
l’ensemble des délégués, qui acceptèrent le futur régime
politique ainsi que l’ensemble des dispositions portant
organisation des pouvoirs publics. Les dispositions de la
Constitution de janvier 2002 fixèrent un mandat de 5 ans pour
la législature96.

Classiquement, il existe deux grands régimes politiques : le


régime parlementaire et le régime présidentiel. Le premier se
caractérise par une séparation souple des pouvoirs, avec en
particulier l’existence de moyens d’action réciproque entre le
pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. A l’Exécutif, il est

95
Ces amendements prévoient l’instauration d’un régime présidentiel et
abroge les dispositions qui ont conduit aux dérives du précédent régime.
96
Voir article 92 de la Constitution du 20 janvier 2002.

- 155 -
reconnu le droit de dissolution. En l’occurrence, il peut mettre
fin à la fonction parlementaire de l’Assemblée nationale.
A l’Assemblée nationale, il est reconnu le pouvoir de
contraindre le gouvernement à la démission, grâce notamment
à l’existence de la motion de censure et de la question de
confiance97. En plus de cela, généralement le régime
parlementaire est caractérisé par l’existence du bicéphalisme.

La Constitution du 15 mars 1992 appartient à cette première


catégorie. Elle avait institué en effet un bicéphalisme qui
permettait aux pouvoirs exécutif et législatif d’exercer de
moyens d’action réciproques 98. C’est ainsi qu’en 1993, une
motion de censure fut votée par l’Assemblée nationale
contraignant le gouvernement à la démission. Tirant les
conséquences de cette crise, le président de la République,
Pascal Lissouba, avait usé à son tour de son droit, prévu à
l’article 80, en provoquant la dissolution de l’Assemblée
nationale.
Pour l’essentiel, il sied de rappeler que la Constitution de
1992, construite sur le modèle de la Constitution de la
Cinquième République française, était une constitution
porteuse de conflits politiques difficiles à solutionner dans le
cadre d’un Etat qui apprend le jeu démocratique et dont la
culture pour se faire est encore suffisamment fragile. Elle était
également porteuse des éléments d’insécurité juridique. Elle ne
pouvait pas, en l’état du développement du Congo, permettre
la stabilité du gouvernement. L’une des dispositions
conflictuelles était l’article 75 de la Constitution.
L’article 75 de la Constitution congolaise du 15 mars 1992
est une copie de l’article 8 de la Constitution française du 4

97
Voir la Constitution de la Cinquième République Française de 1958
dans ses articles 49 et 50.
98
Voir Article 80 de la Constitution du 15 mars 1992.

- 156 -
octobre 1958. Mais, il s’agit d’une copie déformée qui
comporte des failles. En effet, alors que l’article 8 de la
Constitution française se borne à indiquer que « le président de
la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses
fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du
gouvernement », l’article 75 de la Constitution du 15 mars
1992 spécifie que le président de la République nomme le
Premier ministre issu de la majorité parlementaire se
dégageant à l’Assemblée nationale.
La faille de cette disposition résidait dans la notion de
« majorité parlementaire » dont la Constitution elle-même ne
donne aucun élément de clarification. Il avait fallu
l’intervention de la Cour suprême faisant office de juge
constitutionnel, pour comprendre que la majorité visée à
l’article 75 signifiait 50% de députés, plus un député. Compris
de cette manière, la majorité était donc manifestement
fluctuante puisqu’elle pouvait changer à n’importe quel
moment.

L’article 75 est cette disposition conflictuelle qui montre


que la Constitution du 15 mars 1992 n’était pas adaptée au
contexte congolais de l’époque. En effet, le paysage politique
n’était pas constitué, comme en France, de la droite et de la
gauche. Ici, seuls comptaient finalement les intérêts
personnels, au point où il pouvait avoir des alliances contre
nature et, dans le choix du Premier ministre, le président de la
République ne tenait compte que de l’existence d’une majorité.
Il n’avait pas à se demander si une majorité était viable et
servait les intérêts de l’Etat. Seule comptait dans son choix la
réalisation d’une majorité. Cette disposition était d’une
importance capitale car elle montrait, dans l’histoire politique
congolaise, que le vent de la démocratisation amorcé au début
des années 1990, était une emprise des partis politiques sur le
président de la République considéré à ce titre comme l’otage

- 157 -
des mouvements et associations politiques. Cette situation
couveuse de conflits politiques avait été ainsi prise en compte
par les concepteurs de la Constitution du 20 janvier 2002, qui
avaient alors plutôt opté pour un régime de type présidentiel.

Du point de vue des organes de l’Etat, il sied de signaler que


la Constitution du 15 mars 1992 avait institué un régime
parlementaire avec un président de la République et un
gouvernement dirigé par un Premier ministre. Il s’agissait d’un
bicéphalisme conflictuel dans la mesure où le président de la
République ainsi que son Premier ministre, n’étaient pas
assurés d’appartenir à un même courant politique. La lecture
de l’article 75 de la Constitution sur les conditions de
nomination du Premier ministre justifiait bien la possibilité
d’une cohabitation politique.

La formule paraissait plus contraignante parce que le


président de la République, dans son attribution
constitutionnelle, se devait de suivre toutes les péripéties de la
vie politique et prendre à chaque instant la décision de changer
le gouvernement. C’est un exercice titanesque dont la
conséquence la plus importante réside dans le manque de
stabilité institutionnelle. En effet, des alliances pouvaient se
constituer et se disloquer au gré des circonstances et des
humeurs.

À la différence du premier, le régime présidentiel est celui


qui se caractérise par une séparation stricte des pouvoirs. Ceci
implique une impossibilité pour les pouvoir exécutif et
législatif d’exercer les moyens d’action l’un sur l’autre. Le
Président ne peut dissoudre le parlement et, inversement, le
parlement ne peut contraindre le gouvernement à la démission.

- 158 -
Le 20 janvier 200299, le peuple congolais fut appelé à opter
pour une autre orientation politique. Le référendum
constitutionnel qui avait acquis les faveurs des suffrages
institua la Cinquième République et son présidentialisme.

Se distinguant nettement de la Constitution du 15 mars


1992, la Constitution du 20 janvier 2002 a été élaborée en
tenant compte des précédents fâcheux qui sont intervenus sous
le pouvoir de Pascal Lissouba. Elle a fait la part belle au
présidentialisme, de manière à renforcer le rôle du « Chef
fort » dans la cosmogonie africaine. Le président de la
République a ainsi des pouvoirs plus étendus :

Le président de la République est élu au suffrage


universel direct ; il est chef du gouvernement ; son
mandat est de sept ans renouvelable (article 57) ; il est
responsable de la politique étrangère ; politiquement il
est irresponsable, ce qui n’est pas le cas pénalement en
cas de haute trahison, etc.

Dans le droit fil de l’idée de bâtir une nation démocratique,


la nouvelle Constitution institue aux titres IX (art.144 à 151),
XIII (art 163 à 166), XIV (art. 167 à 169) respectivement une
Cour Constitutionnelle, une Commission nationale des droits
de l’homme100 ainsi qu’un Médiateur de la République101.

99
- N. Mayetela, 2002, « Contribution à l’analyse de la Constitution
congolaise du 20 janvier 2002 », Annales de l’Université Libre du Congo
(Brazzaville), vol. 1, pp. 91-119.
100
La loi n° 5 – 2003 du 18 janvier 2003, porte attributions, organisation et
fonctionnement de cette commission.
101
En instituant ces institutions, le législateur de 2002 permet de faire un
jeu d’équilibre avec les nouveaux pouvoirs du président de la
République.

- 159 -
S’agissant de la Cour constitutionnelle 102, sa fonction
juridictionnelle, notamment celle du contrôle de la
constitutionalité des lois lui attribue la dénomination de
« Cour ».
Une nouveauté est apportée à l’article 54 de la Constitution
de 2002, qui ajoute une disposition qui n’existait guère dans
celle de 1992, notamment sur le financement des partis
politiques par l’Etat.
Il y’a lieu de relever par ailleurs une avancée significative
en matière de droits humains. La Constitution de 2002 s’est
alignée à travers son article 11103 sur les conventions
internationales en matière de répression des crimes de droit
international. Les crimes commis avant, pendant et après le
conflit de 1997, ont incité le législateur de 2002 à reconsidérer
certaines valeurs. Ainsi, l’article 167, en respect des
conventions internationales dont le Congo est signataire, met
en place une commission chargée de la promotion et la
protection des droits de l’homme. La répression des crimes de
droit international s’aligne dans la logique du maintien de la
paix tant interne qu’internationale.

2. De la normalisation de la vie démocratique


Après une transition de cinq ans (1997-2002) dont l’objectif
consistait à assainir l’environnement sécuritaire, la
préoccupation des nouvelles autorités politiques se porta sur la
consolidation de ces acquis par la normalisation de la vie
démocratique, en prenant comme base de travail, les
conclusions du Dialogue National Sans Exclusive. Fort de ces
conclusions, et assuré de l’irréversibilité de la paix et de la
102
Son organisation et son fonctionnement sont déterminés par la Loi
organique n° 1-2003 du 17 janvier 2003.
103
Aux termes du présent article, « les crimes de guerre, les crimes
contre l’humanité, le crime de génocide sont punis dans les conditions
déterminées par la loi. Ils sont imprescriptibles. . .».

- 160 -
sécurité dans le pays, le Président Denis Sassou Nguesso
adhéra à la dynamique de normalisation de la vie politique. La
première opération porta sur la maîtrise du corps électoral et la
mise en place d’une Commission nationale d’organisation des
élections (CONEL).

 Le référendum constitutionnel du 20 janvier 2002


Comme il est de tradition dans la plupart des pays, le projet
de constitution issue des conclusions de la concertation
nationale fut soumis à référendum et adopté le 20 janvier 2002,
abrogeant ainsi l’Acte fondamental de 1997. L’adoption d’une
nouvelle constitution fut appréciée par l’opinion internationale
comme la volonté des autorités en place de s’ouvrir davantage
à la démocratie, l’un des déclencheurs pour l’adhésion de la
communauté internationale au processus de pacification du
pays.

 L’organisation des élections et la mise en place des


nouvelles institutions
Interrompue du fait de la guerre de 1997, l’organisation des
élections est apparue comme un défi majeur post conflit à
relever. La nécessité d’organiser des élections libres et
transparentes s’imposait donc après la transition opérée entre
1997-2002. Cette compétition démocratique faisait appel au
retour à la voie des urnes.
Après l’échec des suffrages prévus pour le premier semestre
de 1998, en 2002, finalement, chaque candidat présentait son
projet. Le décret n°2002-128 du 24 janvier 2002, portant
convocation du corps électoral pour l’élection du président de
la République, fixa les élections à la date du 10 mars 2002. Sur
les douze dossiers de candidature à l’élection présidentielle, 10
furent retenus : Joseph Kignoumbi-Kia-Mboungou ; André
Ntsatouabantou-Milongo ; Luc Daniel Mateta Adamo ; Martin
Mberi ; Anselme Mackoumbou-Nkouka ; Angèle Bandou ;

- 161 -
Jean-Félix Demba-Ntelo ; Ernest Bonaventure Mizidy
Bavoueza ; Côme Manckassa ; Denis Sassou Nguesso. Le
candidat Denis Sassou Nguesso fut élu président de la
République à l’issue de ce scrutin.
Les élections législatives eurent lieu le 12 mai 2002, soit
deux mois après.

En définitive, toutes les institutions prévues par la


Constitution du 20 janvier 2002 furent installées. L’indicateur
de relance de la démocratie peut ainsi être évalué au travers de
l’organisation régulière, libre et transparente de tous les
scrutins auxquels prit part l’ensemble des partis et associations
politiques. Cette vitalité s’était par ailleurs manifestée à travers
le foisonnement associatif (près de 2000 associations
aujourd’hui, contre à peu près 1000, avant 1997), symbole de
l’expression plurielle.

CONCLUSION

Dans la pratique, la République du Congo, au sortir de la


guerre de 1997, avait fait preuve d’un esprit d’ouverture,
mettant chaque fois en avant le dialogue et la concertation
nationale. Cette ouverture avait en fait trouvé son fondement
dans l’Acte fondamental qui prévoyait déjà le contreseing des
actes du président de la République.
Le redressement de la situation du Congo après la dure
période de son histoire, celle d’après la guerre de 1997, n’était
possible que par le retour de la paix.
Conscient du fait que le microcosme politique congolais
doit être plus que jamais à la préservation du fragile équilibre
sociétal et démocratique, Denis Sassou Nguesso avait opté
pour sa consolidation.

- 162 -
CHAPITRE 6

LE MULTIPARTISME AU CONGO DE 1990 À 2010

par Grégoire LEFOUOBA

INTRODUCTION

Suite au mouvement de restructuration (perestroïka) et de


transparence (glasnost) lancé en Union soviétique, consécutif à
l’arrivée de Gorbatchev au pouvoir en 1985, le système
socialiste et celui du parti unique ont accusé des flottements
qui ont changé en profondeur la face de l’humanité, après la
chute du mur de Berlin en 1989.
La République Populaire du Congo, dirigée par un parti
unique de type marxiste-léniniste, le Parti congolais du travail,
a subi l’influence de ce mouvement avec les effets conjugués
du discours au sommet France-Afrique de la Baule du
Président François Mitterrand tenu en 1990.

Le multipartisme naît en 1946 et se développe dans les


années Cinquante à la faveur de l’octroi par la France – la
puissance coloniale de l’époque – de la citoyenneté politique
aux Congolais. Ce multipartisme, qui s’incarne essentiellement
dans le Parti progressiste congolais (PPC) de Jean-Félix
Tchicaya, le Mouvement socialiste africain (MSA) de Jacques
Opangault et l’Union démocratique pour la défense des
intérêts africains (UDDIA) de l’Abbé Fulbert Youlou, cesse
d’exister en 1963 à la suite du décret de l’Abbé Fulbert
Youlou, devenu depuis 1960 président de la République. Le
décret de 1963, qui institue le parti unique est à l’origine des
événements des journées des 13, 14 et 15 août 1963 (les Trois

- 163 -
glorieuses) qui conduisent à la chute du régime du Président
Fulbert Youlou.

Le multipartisme au Congo n’est donc pas une invention de


la Conférence nationale souveraine de 1990. Il est le résultat
de plusieurs facteurs exogènes et endogènes et la Conférence
nationale souveraine elle-même, une de ses conséquences
majeures.
Pour l’essentiel, le multipartisme connait deux périodes :
– la première période est celle du multipartisme - à trois
composantes - qui date de l’ère coloniale, se poursuit après
l’indépendance et s’achève avec le mouvement dit
révolutionnaire des 13, 14 et 15 août 1963 ;
– la deuxième période commence en 1990, à la Conférence
nationale souveraine, celle du multipartisme intégral actuel.

Une observation s’impose : les deux césures de 1963 et


1991 ont été toutes opérées – constat étonnant – sous la
conduite d’un même acteur social, le syndicat, qui apparaît, à
différentes époques, comme l’élément moteur de la dynamique
de l’évolution et du changement politiques au Congo.
Ironie du sort ou paradoxe de l’histoire : à la suite de chaque
changement, le mouvement syndical s’est retrouvé en
mauvaise posture.
Primo, après la destitution du Président Fulbert Youlou,
l’idéologie de la nouvelle donne politique, le socialisme
scientifique, impose, d’abord, le parti unique qui a été pourtant
la pomme de discorde sous l’ancien régime, et ensuite le
syndicat unique qui sonne le glas de l’existence des syndicats
confessionnels.
Secundo, à la suite de la Conférence nationale souveraine,
l’instauration de la démocratie pluraliste a pour conséquence
immédiate le multipartisme et, pour corollaire incontournable,

- 164 -
le multi syndicalisme qui fait décliner le prestige de la
Confédération syndicale congolaise (C.S.C).
A propos de la dernière période, celle allant de la
Conférence nationale souveraine à nos jours, quel est
l’environnement institutionnel qui régit les partis politiques
dans notre pays ? D’abord, qu’est-ce qu’est, en fait, un
système multipartite ? Ensuite, comment a-t-il fonctionné au
tout début de l’ère démocratique et effectivement
aujourd’hui ?

Une étude sur le multipartisme au Congo nous permet de


nous interroger sur les causes de ce mouvement, de déterminer
la place et /ou le rôle des partis en présence, les idéologies
qu’ils véhiculent, leurs programmes et enfin, d’évaluer à la
lumière de leur action, leur impact dans la vie publique
nationale et internationale.

I-Les causes du multipartisme

Le paradoxe sur lequel se fondent les événements de 1963-


1964 dans le champ syndical, à savoir le refus et la
revendication du parti unique par les syndicats, se répète en
1990. En effet, le système du parti unique, qui était depuis
1964 la norme politique au Congo, est rejeté par le syndicat
unique, la Confédération Syndicale Congolaise (CSC) qui
constitue pourtant l’un de ses rouages essentiels. Mais, au-delà
du paradoxe sur lequel reposent les changements politiques
majeurs au Congo, deux séries de causes permettent
d’expliquer la fin du système du parti unique et l’institution du
multipartisme.

- 165 -
1-Les causes d’origine externe
Il s’agit de deux événements autour desquels s’est ordonnée
la fin du XXe siècle : la Perestroïka dans l’URSS et la Chute
du Mur de Berlin en Allemagne.
La Perestroïka, qu’institue en URSS Mikhaïl Gorbatchev,
vise à moderniser le système communiste par l’introduction
d’un certain nombre de réformes. La plus importante de ces
réformes consiste en la démocratisation du système
communiste.
Il faut souligner le paradoxe dans lequel culmine la
Perestroïka. En effet, la Perestroïka, qui travaille à
l’amélioration du système de gestion communiste en vue de la
pérennisation du communisme, a paradoxalement conduit à
l’effondrement du communisme. Car, le communisme est ainsi
constitué que le moindre changement d’une partie du système
provoque l’ébranlement et, par suite, l’effondrement de la
totalité du système. Et c’est le résultat par lequel se conclut la
Perestroïka. Car dès lors que, rompant avec la pratique du
système communiste, Mikhaïl Gorbatchev annonce la fin du
recours à la force , c’est-à-dire à l’Armée Rouge et aux troupes
du Pacte de Varsovie pour lutter contre toute révolte
susceptible d’advenir dans les pays communistes, c’est le
système communiste tout entier qui s’écroule. Pareil
écroulement dont témoigne la fuite massive des personnes vers
l’Occident, s’achève en 1990 par la Chute du Mur de Berlin.
Ce Mur, que les autorités soviétiques et est-allemandes avaient
érigé en 1963 sur la ligne de démarcation séparant les zones
d’occupation soviétique et « occidentale » (USA, France,
Grande-Bretagne) afin d’empêcher le départ massif des
Berlinois de l’est pour Berlin-Ouest, est détruit pierre après
pierre par les Berlinois.
Si la Perestroïka et la Chute du Mur de Berlin produisent
des effets politiques dans le monde, puisque la carte du monde
s’en trouve changée, la fin du système du parti unique obéit

- 166 -
malgré tout au Congo à une série de motifs d’ordre interne.
Sans doute le Parti congolais du travail annonce-t-il lors du
Congrès de 1990 l’instauration du multipartisme. Mais, il
s’agit d’un multipartisme limité, qui est loin de satisfaire
l’ensemble des forces vives du pays.
De fait, le mouvement qui mène au multipartisme s’adosse à
deux séries de motifs qui apparaissent du reste liés. La
première série de motifs renvoie à l’effondrement économique
et financier du Congo en 1985.
En effet, le pays étant en cessation de paiement, la nécessité
s’impose alors aux autorités congolaises de passer par les
fourches caudines du Fond Monétaire International (FMI). Le
Congo sollicite l’assistance du FMI, qui lui impose en retour
un Programme d’Ajustement Structurel (PAS). Le PAS, qui
enjoint à l’Etat congolais la réduction de toutes ses dépenses –
à l’exception du service de la dette – conduit le gouvernement
à cesser tout recrutement à la Fonction publique et à geler les
effets financiers qui accompagnent généralement tout
avancement dans la Fonction publique. La crise économique et
sociale s’installe et se développe au Congo à la fin des années
1980.

2-Les causes d’origine interne


C’est sur le fond de cette crise économique et sociale
qu’éclate la grève générale des travailleurs que déclenche la
Confédération Syndicale Congolaise (CSC) en 1989. Cette
grève, qui paralyse l’économie du Congo, fragilise le pouvoir
du PCT. Le paradoxe, qui gouverne tous les changements
politiques depuis 1963, est une fois de plus à l’œuvre ici. Car
la grève générale de 1989 qui ébranle le régime du Parti
congolais du travail, est animée et dirigée jusqu’à son terme –
l’ouverture de la Conférence nationale souveraine – par la
Confédération Syndicale Congolaise qui est pourtant l’un des
organes majeurs du système du Parti congolais du travail. Le

- 167 -
leader de la Confédération Syndicale Congolaise – Jean-
Michel Bokamba-Yangouma – siège en effet au Bureau
politique du Parti congolais du travail. Le syndicat unique est
donc à l’origine de la fin du système du parti unique et, par
voie de conséquence, du syndicat unique.
Si en 1964, les syndicats congolais, dans un geste de suicide
collectif, approuvent (à l’exception notable de la Confédération
Autonome des Travailleurs Chrétiens) l’institution du syndicat
unique consécutive à l’établissement du parti unique, en 1989,
c’est l’inverse qui se produit. Le syndicat unique – la
Confédération Syndicale Congolaise – qui, au moyen de la
grève générale met fin au système du parti unique et du syndicat
unique, détruit son propre monopole syndical pour faire droit au
multipartisme et à la liberté syndicale.
Il y a donc un paradoxe politique congolais dans la mesure
où les changements politiques, loin de provenir des forces
extérieures et hostiles au pouvoir, procèdent des organes
internes du pouvoir. Ainsi, la fin de la liberté syndicale et du
multipartisme en 1964 est-elle l’œuvre des syndicats eux-
mêmes. Et, la fin du système du parti unique et du syndicat
unique en 1990 est-elle le fait du syndicat unique lui-même
avec l’appui des forces en aigreur politique.
Toutefois, le multipartisme qui s’instaure à partir de 1990 au
Congo ne résulte pas seulement de l’action du syndicat unique,
mais aussi du travail politique clandestin des exclus du Comité
central du parti unique (Jean-Pierre Thystère Tchicaya,
Christophe Moukouéké, Victor Tamba-Tamba, Pierre Nzé …)
et des adversaires de longue date de ce système (Bernard
Kolélas notamment).
Un tel multipartisme s’articule, une fois mis en œuvre,
généralement autour de trois types de partis politiques : les
partis centraux, les partis périphériques et les partis
intellectuels. Les partis centraux apparaissent comme des
partis autour desquels s’organise le jeu politique, alors que les

- 168 -
partis périphériques tout en s’affirmant comme des partis
relativement importants ne font pourtant que graviter autour
des partis centraux. Enfin les partis intellectuels sont des partis
qu’anime l’élite intellectuelle et dont le poids politique est
inversement proportionnel au poids électoral.

II-Les partis politiques : présentation du multipartisme

Il ne s’agit pas, à la lumière de la tripartition des partis


politiques congolais en partis centraux, périphériques et
intellectuels, de procéder au recensement et à la classification
de l’ensemble des partis politiques congolais de la seconde
phase de la démocratisation de la vie politique congolaise. On
se propose seulement de mettre au jour la structure de l’espace
politique congolais en donnant à comprendre les éléments
constitutifs du jeu politique partisan à partir de 1990.
Sans doute a-t-on esquissé une typologie des partis
politiques de la seconde phase de la démocratisation de la vie
politique congolaise ordonnée autour des partis centraux,
périphériques et intellectuels. Mais cette esquisse, pour faire
sens, exige, sauf à demeurer formelle et arbitraire, d’être
fondé. Pareil fondement qui ne peut provenir que d’une
recherche précise sur le poids réel des divers partis politiques
congolais. Une telle recherche consiste seulement à s’enquérir
des résultats des différentes élections qui ont scandé le champ
politique congolais depuis vingt ans. Pareille recherche permet
de classer parmi les partis centraux trois partis qui ont dominé
le champ politique congolais depuis l’instauration du
multipartisme : l’Union panafricaine pour la démocratie
sociale (UPADS), le Mouvement congolais pour la démocratie
et le développement intégral (MCDDI) et le Parti congolais du
travail (PCT). Ces trois partis sont apparus comme des partis
centraux dans le champ politique congolais dans la mesure où

- 169 -
ils ont, à travers leurs candidats, recueilli lors de l’élection
présidentielle de 1992 environ soixante-dix pour cent de
l’ensemble des suffrages exprimés. De même, lors des
élections législatives de 1992, ces trois partis ont réussi à
obtenir les trois quarts des députés élus.
Afin de cerner le système d’organisation du multipartisme
actuel, on pourrait, d’abord, définir ce qu’est le multipartisme,
ensuite analyser l’environnement institutionnel du système
multipartite à travers les textes des constitutions successives et
des lois réglementant les partis politiques, et enfin examiner
les partis politiques en présence dans notre pays et s’interroger
sur leur impact dans la vie publique nationale.

1-Essai de définition du multipartisme


Le concept de multipartisme sous-entend évidemment la
notion de parti politique.

 Le parti politique
On pourrait définir le parti politique par rapport aux
questions auxquelles celui-ci souhaite apporter les solutions et
aux objectifs qu’il se propose d’atteindre.
En fait, un parti politique est un groupe de personnes qui
partagent les mêmes intérêts, les mêmes opinions, les mêmes
idées et qui s’associent dans une organisation structurée et
institutionnalisée ayant pour objectif de se faire élire, d’exercer
le pouvoir et de mettre en œuvre un projet politique ou un
programme économique et social commun. Le parti peut être
défini aussi comme une entreprise politique au sens où elle
recherche une clientèle fidèle.
Il conviendrait de mentionner que l’objectif de gouverner
ensemble spécifie les partis politiques en les distinguant
d’autres organisations comme les groupes de pression, les
associations confessionnelles et les syndicats qui poursuivent
un intérêt et un but corporatifs.

- 170 -
 Le multipartisme.
Le multipartisme est la caractéristique d’un régime politique
qui admet, du fait de la liberté d’association dans le pays,
l’existence de plus de deux partis politiques (bipartisme) dans
la vie politique et parlementaire.
Dans le régime multipartite, les autorités politiques
acceptent la présence de plusieurs sensibilités dans les débats
politiques et dans les élections, ainsi que la possibilité d’être
remises en question et critiquées. C’est, avec la liberté de la
presse, l’une des garanties qu’ont les citoyens du contrôle
effectif du pouvoir exécutif.
Offrant aux électeurs la possibilité de voter pour les
candidats dont les idées sont plus proches de leurs convictions,
le multipartisme est l’un des fondements de la démocratie. Il
s’oppose au monopartisme qui symbolise les régimes
autoritaires et dictatoriaux.

 L’inventaire des partis politiques : leur nombre


D’abord, à combien peut-on estimer le nombre de partis
politiques au Congo et ensuite, qu’est-ce qui les différencie les
uns des autres ? On se référerait ici aux idéologies et aux
programmes de ces multiples partis politiques.

 L’inventaire des partis politiques


A priori, le nombre de partis politiques semble assez élevé
au Congo. L’enquête entreprise auprès du ministère de
l’Administration du territoire et de l’Intérieur a abouti à la
conclusion selon laquelle aucune statistique d’ensemble n’est
tenue. Il parait difficile, sinon impossible, de connaître le
chiffre réel des partis politiques enregistrés par les services du
ministère. Il est bien vrai que ce sont là les effets des
différentes guerres que le pays a vécues. En réalité, il existe
deux situations : celle précédant la promulgation de la loi de
2006 et celle d’après la publication de cette dernière.

- 171 -
Dans la première situation, en dehors du fait que,
physiquement, les dossiers sont éparpillés en divers endroits,
donc introuvables, il parait impossible d’opérer le tri entre les
associations de la société civile et les partis politiques à partir
des registres établis sur la base de la loi de 1901, les
dénominations étant souvent les mêmes pour les deux
catégories d’organisations : Mouvement de, Rassemblement
de, Renaissance de, etc.
Les seules statistiques disponibles sont celles des partis
politiques qui, ayant participé aux scrutins électoraux de 1992,
ont obtenu au moins 1 élu. C’est ainsi qu’il a été enregistré
pour les résultats des élections des conseils de districts,
d’arrondissements, de régions et de communes du 3 mai 1992 :
34 partis politiques et pour les résultats des élections
législatives des scrutins du 24 juin et juillet 1992 : 17 partis
politiques .
Dans la deuxième situation, l’immatriculation est
évidemment l’objet fondamental de la loi n° 21- 2006 du 21
août 2006 sur les partis politiques. Ainsi, le fichier du
ministère de l’Administration du territoire et de l’Intérieur fait
ressortir les chiffres d’enregistrement des partis politiques ci-
après :

- mois d’octobre au 28 décembre 2007 : 25 partis


politiques
- année 2008 : 1 parti politique
- année 2009 : 6 partis politiques,
soit un total de 32 partis politiques enregistrés sur la base de la
loi de 2006.
Si les dispositions du texte de cette loi avaient été respectées
à la lettre, le nombre de partis politiques existant au Congo
serait automatiquement connu comme ci-dessus reproduit.
En effet, ces dispositions font obligation à tous les partis
politiques créés sous l’empire de la loi de 1901 de régulariser

- 172 -
leur situation par rapport à la nouvelle réglementation. Voici le
libellé du texte de l’article 36 qui n’aurait été appliqué, à ce
jour, par aucun des partis politiques fondés antérieurement à
ladite loi :

Les partis politiques légalement créés avant la


promulgation de la présente loi demeurent et doivent
se conformer aux dispositions de la présente loi dans
un délai de douze mois à compter de la date de
publication [échéance : le 21 août 2007].

2- Les idéologies et programmes des partis politiques


L’idéologie est la doctrine sur laquelle se construit l’action
intellectuelle du parti, et le programme en est la phase pratique
de l’idéologie, de sa mise en œuvre.
Toutefois, si l’on doit procéder à la classification des partis
politiques congolais en fonction des critères idéologique et
programmatique, force est alors de distinguer deux sortes de
partis : les partis de gauche et les partis de droite.
Les partis congolais de gauche s’affirment tous « sociaux-
démocrates », puisqu’avec la disparition de l’Union des
Républiques Socialistes Soviétiques consécutive à l’échec de
la Pérestroïka et à la Chute du Mur de Berlin, l’idéologie
communiste est désertée.
A l’inverse des partis congolais de gauche, qui se réclament
tous de la social-démocratie, les partis congolais de droite
n’affichent en général aucune idéologie. Ils se définissent
simplement comme « humanistes ». Mais le plus souvent, ils
revendiquent une idéologie mystico-religieuse dans laquelle
dominent la référence aux mânes, mais aussi le messianisme.
Le Mouvement congolais pour la démocratie et le
développement intégral (MCDDI) s’inscrit manifestement
dans cette idéologie.

- 173 -
Ainsi donc à gauche, la social-démocratie est la doctrine de
l’UPADS (Lissouba), du RDD (Yhomby-Opango), du RDPS
(Thystère-Tchicaya), du PCT (Sassou Nguesso), des Forces
démocratiques nouvelles (codirigées par le docteur Léon
Alfred Opimba et Jean-Marie Tassoua) et du Pcr (Lefouoba).
Il convient de remarquer que dans le champ politique
congolais, seul le Parti républicain et libéral de Nicéphore
Fylla de Sainte-Eudes affiche jusque dans sa dénomination
l’idéologie libérale et donc, un enracinement politique et
économique de droite. Tous les autres partis politiques, à
l’exception du MCDDI, se disent de gauche et revendiquent
par conséquent l’idéologie social-démocrate.
Mais si la quasi-totalité des partis congolais proclament
leur appartenance à la social-démocratie, comment les
distinguer ? Autrement dit, quel est alors le principe de
discrimination des partis politiques congolais, si on abandonne
le critère idéologique, puisque ces partis sont presque tous
sociaux-démocrates ? La seule réponse possible, s’agissant des
partis centraux et des partis périphériques, consiste à avancer
le critère de l’ancrage régional comme élément de
discrimination non seulement des différents partis sociaux-
démocrates, mais encore de tous les partis politiques
congolais.
A l’orée de la Conférence nationale souveraine, deux partis
sont, idéologiquement, l’un à l’antipode de l’autre : le PCT à la
gauche marxiste et le MCDDI à la droite libérale. A l’issue de
la Conférence nationale souveraine, le PCT abandonne
l’idéologie marxiste-léniniste et opte pour la social-
démocratie. C’est la même idéologie dont s’est auparavant
réclamé le RDD à sa naissance le 2 décembre 1990. L’Upads
se présente, à la fois, sous la bannière du panafricanisme et
d’un parti socialiste de type occidental. La même tendance
socialiste semble être également l’option idéologique du
RDPS.

- 174 -
En fait, dans le fonctionnement du système politique
congolais, tous les clivages idéologiques, s’il en existe en
réalité, se trouvent, à chaque fois, relégués au second plan.
Dans l’esprit du commun des mortels (congolais), ce sont des
histoires de simples papiers à remplir pour obtenir le sésame,
le récépissé du ministère de l’Administration du territoire et de
l’Intérieur, qui autorise de se réunir. Les regroupements des
partis politiques à idéologies politiques souvent opposées,
dites alliances contre nature, à l’instar de celle scellée entre le
P.C.T et le M.C.D.D.I en 1992, le prouvent et illustrent
suffisamment ce constat désolant.
Par rapport aux options idéologiques, les positions
théoriques semblent suffisamment claires mais, concernant le
fonctionnement pratique, les choses semblent moins évidentes.
En tête de ces formations politiques gagnantes se trouvent à
chaque fois cinq principaux partis politiques : l’Union
panafricaine pour la démocratie sociale (U.PA.D.S), le
Mouvement congolais pour la démocratie et le développement
intégral (M.C.D.D.I), le Parti congolais du travail (P.C.T), le
Rassemblement pour la démocratie et la paix sociale (R.D.P.S)
et le Rassemblement pour la démocratie et le développement
(R.D.D).

3-Les alliances politiques et leur impact dans la vie


publique nationale.
Les alliances sont des accords, des coalitions et, en
politique, obéissent au principe d’union entre des personnes,
des groupes de personnes différentes dont le but est de
rassembler leurs énergies pour atteindre un objectif précis.
Comme les partis politiques congolais se distinguent les uns
des autres au moyen des lieux d’ancrage – les fameux fiefs
politiques – comment comprendre les alliances qui se nouent
entre eux ? Etant donné que le critère de la convergence
idéologique n’est pas décisif, puisque la quasi-totalité des

- 175 -
partis politiques congolais se réclament de la social-
démocratie, comment expliquer alors les alliances qui se
tissent entre eux ? Il est facile de répondre que c’est
l’opportunisme politique ou l’opportunisme domestique
communément appelée « la politique du ventre » qui régissent
les différentes alliances politiques au Congo. Pareille réponse
se révèle non seulement injuste en ce qu’elle n’est avancée que
pour disqualifier toute forme d’alliance politique au Congo,
mais encore arbitraire en ce qu’elle repose sur la
méconnaissance des alliances conclues entre les partis
politiques congolais. Or une recherche sur la structure du
champ politique congolais permet, au-delà de la typologie des
partis politiques, de reconnaître trois principes d’explication
des alliances politiques au Congo : la conquête du pouvoir, la
participation au pouvoir et la constitution d’une alternative au
pouvoir établi.

Depuis un demi-siècle, les alliances au Congo se font sur


l’unique volonté de diriger ensemble ou de conquérir le
pouvoir. Cette volonté est mue par l’instinct de commander
ensemble sans que celle-ci ne soit soutenue par un fond
idéologique. Autrement dit, ce ne sont pas les idées qui
commandent à la contraction des alliances au Congo, mais
plutôt la gestion et le partage du pouvoir qui en sont le
fondement, d’où leur fragilité.
Les alliances conclues en vue de la conquête du pouvoir
voient le jour pendant la Conférence nationale souveraine.
L’enjeu des premières alliances politiques est constitué par la
conquête du poste de Premier ministre du gouvernement de
transition. Si l’on admet la thèse de Carl Schmitt selon laquelle
la politique consiste à séparer les hommes en amis et ennemis,
autrement dit à cliver l’espace politique, il faut alors
rechercher le critère selon lequel le champ politique congolais

- 176 -
se clive en 1990. Ce critère s’entend comme la proximité ou la
distance à l’égard du Parti congolais du travail.
A la lumière du critère de la proximité ou de la distance à
l’égard du Parti congolais du travail, on constate que le champ
politique congolais s’ordonne à l’époque de la Conférence
nationale souveraine autour de deux forces politiques :
l’Alliance nationale pour la démocratie (AND) et les Forces
du changement. Si l’Alliance nationale pour la démocratie
regroupe sous l’impulsion de Maurice Stéphane Bongho-
Nouarra les partis favorables au pouvoir incarné par le Parti
congolais du travail, en revanche les Forces du changement,
dont le porte-parole est Lecas Atondi-Monmondjo, rassemble
les partis hostiles au pouvoir.
L’Alliance nationale pour la démocratie regroupe autour du
Parti congolais du travail l’Union nationale pour la
démocratie et le progrès (UNDP) de Pierre Nzé, le Mouvement
africain pour la République et la solidarité (MARS) de Jean
Itadi, l’Union panafricaine pour la démocratie sociale
(UPADS) de Pascal Lissouba et l’Union patriotique pour le
redressement national (UPRN) de Mathias Dzon. Les Forces
du changement, dont le socle est le Mouvement congolais pour
la démocratie et le développement intégral (MCDDI) de
Bernard Kolélas, sont constituées par le Rassemblement
démocratique pour le progrès social (RDPS) de Jean-Pierre
Thystère Tchicaya, le Rassemblement pour la démocratie et le
développement (RDD) de Joachim Yhomby-Opango, l’Union
pour le progrès (UP) de Jean-Martin Mbemba, l’Union
démocratique pour le progrès social (UDPS) de Bokamba-
Yangouma, le Mouvement pour les libertés démocratiques
(MOLIDE) de Patrice Yengo et la Cause de Grégoire
Mavounia. Pour l’essentiel, ces deux alliances politiques se
maintiendront jusqu’à l’élection de Pascal Lissouba à la
magistrature suprême du Congo en août 1992.

- 177 -
Il faut souligner, au regard des alliances politiques conclues
lors de la Conférence nationale souveraine de 1990, un
nouveau paradoxe qui participe du reste des paradoxes sur
lesquels se fonde le jeu politique congolais. Ce paradoxe se
fixe sur la démarche politique de l’Union panafricaine pour la
démocratie sociale. Pareille démarche a consisté, lors de la
Conférence nationale souveraine, à défendre systématiquement
le Parti congolais du travail des attaques dont il fait l’objet de
la part des Forces du changement sur son bilan à la tête du
Congo de 1968 à 1990. Comment comprendre qu’un parti, en
l’occurrence l’Union panafricaine pour la démocratie sociale
(UPADS), dont les principaux dirigeants ont lutté avec
d’autres leaders politiques pour remettre en cause et
finalement ruiner le pouvoir du Parti congolais du travail
(PCT), puisse soutenir de toutes ses forces ce dernier et donc
son bilan à la tête du Congo ? Une telle démarche, qui peut
paraître à première vue incompréhensible, s’éclaire pourtant
lorsque l’on pense à l’objectif de l’Union panafricaine pour la
démocratie sociale (UPADS), à savoir la conquête du pouvoir
politique. Car des deux autres partis centraux susceptibles de
conquérir le pouvoir du fait de leur enracinement dans des
fiefs électoraux importants – le Mouvement congolais pour la
démocratie et le développement intégral (MCDDI) et le Parti
congolais du travail (PCT) – l’adversaire majeur semble
devoir être pour l’Union panafricaine pour la démocratie
sociale (UPADS) le Mouvement congolais pour la démocratie
et le développement intégral (MCCDI). D’autant plus que le
Parti congolais du travail est apparu pendant la Conférence
nationale souveraine relativement affaibli. Non seulement en
raison de l’usure d’un pouvoir qu’il détient depuis plus de
vingt ans, mais surtout en raison des critiques incessantes qu’il
subit de la part des Forces du changement. L’Union
panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) réussit,
pour reprendre les termes de Carl Schmitt, à transformer l’ami

- 178 -
d’hier (le Mouvement congolais pour la démocratie et le
développement intégral – MCCDI) en ennemi et l’ennemi
d’hier (le Parti congolais du travail – PCT) en ami. Cette
démarche politique se révèle payante, puisque le candidat de
l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS),
Pascal Lissouba, est élu contre Bernard Kolélas, le candidat du
Mouvement congolais pour la démocratie et le développement
intégral (MCDDI) à la magistrature suprême avec le soutien
du Parti congolais du travail (PCT) et les suffrages de ses
électeurs.5
Paradoxalement, c’est à partir de l’élection de Pascal
Lissouba que les alliances éclatent et qu’une restructuration du
champ politique congolais se fait jour. Car les forces politiques
qui ont travaillé à l’élection de Pascal Lissouba, se montrent
incapables de s’entendre sur le partage du pouvoir.
Lors des discussions politiques qui précèdent la constitution
du gouvernement, le Parti congolais du travail revendique six
à sept postes ministériels, dont deux ministères de
souveraineté. L’Union panafricaine pour la démocratie
sociale ne propose que trois ministères au PCT, parmi lesquels
ne se trouve aucun ministère de souveraineté. C’est la rupture.
Une rupture qui intervient à l’Assemblée nationale où le Parti
congolais du travail (PCT) présente André Mouélé à la
présidence du Parlement contre le candidat officiel de la
Mouvance présidentielle, Ange-Edouard Poungui (qui n’est
pas à l’époque membre de l’Union panafricaine pour la
démocratie sociale). Contre toute attente, André Mouélé, qui a
bénéficié du vote des députés des Forces du changement, est
élu. La crise politique s’installe dans le pays, puisque les faits
montrent que le Président Pascal Lissouba ne dispose pas
d’une majorité au Parlement pour mettre en œuvre le
programme politique pour lequel il a été élu par les Congolais.
La dissolution de l’Assemblée nationale à laquelle procède le
Président Pascal Lissouba et l’annonce de nouvelles élections

- 179 -
législatives ne font qu’exacerber la crise politique à laquelle le
pays est en proie. C’est le coup d’envoi de la violence
politique que le Congo va connaître pendant une décennie.

La décennie 1990 apparaît à la lumière des tragédies qui s’y


déroulent comme la pire période de l’histoire récente du
Congo. Le Président Pascal Lissouba part en exil à la suite de
sa défaite militaire devant Denis Sassou Nguesso. Et avec le
Président Pascal Lissouba, c’est une grande partie de la classe
politique congolaise qui disparaît, du fait de l’exil du champ
politique congolais. Car, à la suite de la restructuration du
champ politique congolais qui a conduit le Parti congolais du
travail à rejoindre le Mouvement congolais pour la démocratie
et le développement intégral (MCDDI), le Rassemblement
démocratique pour le progrès social (RDPS) et l’Union pour
le progrès (UP) dans l’opposition, une nouvelle alliance se
crée contre le pouvoir incarné par l’Union panafricaine pour
la démocratie sociale (UPADS) et la Mouvance présidentielle.
C’est l’alliance Parti congolais du travail–Union pour la
République et la démocratie (PCT-URD) et apparentés.
Toutefois, cette alliance disparaît pendant la guerre civile de
1997 pour faire place à deux nouvelles alliances qui
s’articulent sur les deux partis politiques en état de
belligérance : le Parti congolais du travail (PCT) et l’Union
panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS). Il s’agit
d’une part des Forces démocratiques unies (FDU) qui
gravitent autour du Parti congolais du travail (PCT) ; et d’autre
part de l’ERDDUN dont le socle est l’Union panafricaine pour
la démocratie sociale (UPADS). Les Forces démocratiques
unies (FDU) regroupent autour du Parti congolais du travail
(PCT) l’Union patriotique pour le redressement national
(UPRN) de Mathias Dzon, l’Union pour le progrès (UP) de
Jean-Martin Mbemba, l’Union nationale pour la démocratie et
le progrès (UNDP) de Pierre Nzé et l’Union pour le

- 180 -
redressement national (URN) de Gabriel Bokilo. De son côté,
l’ERDDUN rassemble autour de l’Union panafricaine pour la
démocratie sociale (UPADS) le Mouvement congolais pour la
défense de la démocratie et le développement intégral
(MCDDI), le Rassemblement démocratique pour le progrès
social (RDPS) de Jean-Pierre Thystère Tchicaya, l’Union des
forces démocratiques (UFD) de David-Charles Ganao, le
Rassemblement pour la démocratie et le développement
(RDD) de Joachim Yhomby-Opango, le Parti congolais pour
renouveau (PCR) de Grégoire Lefouoba.

La seconde phase de la démocratisation de la vie politique


au Congo, qui a commencé dans l’euphorie de l’ouverture de
la Conférence nationale souveraine en 1990, s’achève
tragiquement dans la guerre civile et la boucherie humaine de
1997 et de 1998-1999. Mais, plus grave encore, elle s’achève
sur le visage hideux d’un pays en voie de « somalisation ».

Il faut cependant reconnaître qu’en dépit de la


« somalisation » dont le Congo a pu faire l’expérience à cette
époque, les guerres civiles congolaises n’ont jamais tourné à la
guerre ethnique, même si elles ont donné lieu à des exactions
ethniques. Paradoxalement, ce sont les alliances constituées
autour des deux parties en belligérance – les FDU et
l’ERDDUN – dont les leaders appartenaient à toutes les
régions du Congo, comme du reste les combattants des deux
parties qui ont, par leur existence, empêché que la guerre civile
sombre dans la guerre ethnique. Car si la guerre civile apparaît
comme la pire tragédie qui puisse advenir dans un pays,
puisqu’elle conduit à sa destruction, la guerre ethnique est une
tragédie encore plus grande, puisqu’elle vise l’élimination
physique de ses habitants.

- 181 -
Il faut attendre l’élection présidentielle de 2002 pour assister
au retour de la démocratie. A la faveur de ce retour, de
nouvelles alliances politiques voient le jour. Il s’agit du côté
du pouvoir des Forces démocratiques unies (FDU) auxquelles
se rallie le Rassemblement démocratique pour le progrès
social (RDPS) de Jean-Pierre Thystère Tchicaya jusque-là
proche du Mouvement congolais pour la démocratie et le
développement intégral (MCDDI) de Bernard Kolélas. Aux
Forces démocratiques unies (FDU) s’oppose une coalition de
partis politiques qui s’est constituée autour de l’Union pour la
démocratie et la République (UDR-Mwinda) et de son leader
André Ntsantouabantou-Milongo. Ce dernier, qui s’est déclaré
candidat à la présidence de la République et dont la
candidature rencontre un succès certain, retire curieusement sa
candidature la veille de l’élection présidentielle, permettant
ainsi la facile victoire du Président Denis Sassou Nguesso.

La décrispation du jeu politique s’instaure à l’occasion du


dialogue que le régime du Président Denis Sassou Nguesso
noue à partir de 1999 avec l’opposition. A la faveur de ce
dialogue, un certain nombre de personnalités politiques de
l’opposition rentre au Congo. Parmi elles, le premier groupe
vient de Yaoundé. Il s’agit de Marius Mouambenga, de
Mélanie Ibouritso et de Luc Adamo Matéta.
Le groupe de Paris constitué par l’ancien Président du
Sénat Augustin Poignet, Grégoire Lefouoba et Claudine
Munari-Mabondzot, rentre pour prendre part aux travaux du
Dialogue National Sans Exclusive qui s’ouvre à Brazzaville en
avril 2001 en présence des Présidents Denis Sassou Nguesso
du Congo et Omar Bongo-Ondimba du Gabon. Mais, c’est
surtout le retour de Bernard Kolélas au Congo à la suite du
décès de son épouse, conjugué à celui de Joachim Yhomby-
Opango et de certains dirigeants de l’Union panafricaine pour
la démocratie sociale (UPADS) comme Christophe

- 182 -
Moukouéké ou Victor Tamba-Tamba qui contribue non
seulement à la décrispation quasi-définitive du jeu politique,
mais encore à l’établissement de nouvelles alliances. Ainsi, le
Mouvement congolais pour la démocratie et le développement
(MCDDI) et le Rassemblement pour la démocratie et le
développement (RDD) se rapprochent-ils du Parti congolais du
travail (PCT) avec lequel ils concluent une alliance politique.
Face à ce renforcement de la Majorité présidentielle, qui se
dote d’ailleurs de nouvelles plates-formes – le Rassemblement
pour la majorité présidentielle (RMP) d’une part et l’Initiative
nationale pour la paix (INP) d’autre part – l’opposition se
réorganise. Cette réorganisation signifie en réalité son
morcellement. En effet, deux plates-formes se constituent
respectivement autour de l’Union patriotique pour le
redressement national (UPRN) de Mathias Dzon et l’Union
panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) de Pascal
Gamassa et de Pascal Tsaty-Mabiala.

Au terme de cet exposé sur les causes et la réalité du


multipartisme au Congo de 1990 à 2010, il convient de faire le
bilan de la seconde phase de la démocratisation, puisque
l’instauration du multipartisme ne vise que la démocratisation
du pays. A se livrer à cette entreprise, force est de constater
l‘échec global de cette seconde phase de la démocratisation au
Congo. Un échec d’autant plus irrécusable que la
démocratisation a conduit aux pires tragédies que le Congo ait
pu connaître. Sans doute pourrait-on objecter que la période
ouverte par l’élection présidentielle de 2002 apparaît comme
une période plus apaisée dans la mesure où la violence
inhérente au jeu politique partisan a, sinon disparu, du moins
s’est considérablement atténuée. De sorte que la thèse selon
laquelle le Congo serait toujours au bord de la guerre civile
lors de chaque élection majeure – présidentielle et législative –
ne se vérifie plus depuis 2002. Mais l’inactualité de cette thèse

- 183 -
s’explique essentiellement par la faiblesse de l’opposition. En
effet, le jeu politique apparaît depuis 2002 complètement
déséquilibré entre un pouvoir disposant d’une majorité plus
que confortable au Parlement, et une opposition exsangue dont
le nombre d’élus dépasse de peu la dizaine. Un tel déséquilibre
s’avère préjudiciable à la démocratie. Car, ne pouvant
s’exprimer au Parlement, l’opposition vit sous la tentation
permanente du recours à la rue pour se faire entendre.

A l’observation, la place des partis politiques et les rôles


joués par ces derniers sont fonction des contingences
politiques et des périodes historiques. Les partis politiques
peuvent être perçus, selon les circonstances, comme des sujets
ou des acteurs de la vie politique. Leurs structures
organisationnelles sont le reflet du niveau d’évolution et
d’organisation générale de la société politique nationale. La
vie ou la survie des partis politiques dépend des conditions
historiques et surtout des facteurs économiques et de
l’environnement sociopolitique. Ainsi, la méthodologie de
cette partie de l’exposé se fonde sur la dimension historique,
les périodes historiques ci-dessus présentées.

Au cours de la première période, celle du rêve démocratique


qui a suivi l’euphorie de la Conférence nationale souveraine,
les partis politiques sont pratiquement en chantier. Leur
nombre va croissant et devient impressionnant vers la fin de la
Transition comme sous l’effet d’un appel d’air que
constituerait l’ouverture démocratique.
On observe un phénomène remarquable : le rapport des
partis et la presse écrite. La plupart des partis politiques
cherchent à créer leur organe de presse, à l’instar de « Le
Soleil » du M.C.D.D.I, « La Colombe » du R.D.P.S., « La
Différence » du P.R.D.C, etc.

- 184 -
Suivant en cela l’exemple du P.C.T qui a conservé, malgré
les débats internes controversés, son ancien étendard rouge,
chaque parti politique souhaite se distinguer par des emblèmes
singuliers. Le M.C.D.DI, le R.D.P.S. et le R.D.D. se sont eux
aussi dotés de symboles particuliers : des drapeaux et des
hymnes du parti.
Toutes les conditions semblent être réunies pour l’entrée en
scène, le passage à l’action politique effective par les partis
politiques.

La deuxième période est celle où les partis politiques font


preuve d’activisme en leur sein et jouent un rôle prépondérant
dans la vie politique nationale en contractant des alliances
circonstancielles et en opérant des regroupements qui s’avèrent
déterminants pour la suite des évènements.
Au sortir de l’élection présidentielle, des clivages partisans
apparaissent, se cristallisent nettement et bousculent les
anciennes affinités constituées lors de la gestion de la
Transition. A titre d’illustration, le groupement dit des
« Forces de Changement » se fissurent et se divisent entre les
proches de l’ancien Premier ministre André Milongo et les
partisans du leader du M.C.D.D.I., Bernard Kolélas.
Les partis politiques ayant soutenu le candidat élu, Pascal
Lissouba, s’alignent derrière le parti politique majoritaire au
parlement, l’U.PA.D.S., sous le label « Mouvance
Présidentielle », tandis que les partis politiques qui se réclament
de l’opposition se regroupent autour du M.C.D.D.I, dont le
leader a été le perdant du deuxième tour de l’élection
présidentielle, et forment l’Union pour la République et la
Démocratie (U.R.D).

Il importe de mentionner et d’insister sur la question des


alliances et des regroupements politiques, qui est une
préoccupation fondamentale et permanente des gouvernants de

- 185 -
cette période. C’est la source essentielle de l’instabilité
congénitale de la législature de 1992, car aucun des principaux
partis politiques n’a atteint la majorité absolue lors des scrutins
législatifs. Sur 120 sièges à l’Assemblée Nationale,
l’U.PA.D.S a obtenu 40 députés, le M.C.D.D.I : 29, le P.C.T :
19, le R.D.P.S : 9 et le R.D.D : 5.

La première crise qui intervient et qui détermine à jamais le


reste du mandat présidentiel, c’est le désaccord sur la gestion
de l’alliance entre l’U.PA.D.S. et le P.C.T. Ce désaccord,
conjugué avec la création d’une alliance doublement
revancharde entre l’U.R.D et le P.C.T., ainsi que d’autres
partis politiques désignés sous le vocable « Apparentés », a
abouti à la motion de censure, à la dissolution de l’Assemblée
Nationale, suivie par des manifestations de rue, des barricades
et la destruction des biens publics par les militants de
l’opposition, à l’organisation des élections législatives
anticipées, aux guerres de 1993 et 1994, etc.
Cette dualité oppositionnelle, antagoniste et prolongée des
regroupements des partis politiques dans la gouvernance
publique, a créé inévitablement les conditions propices au
déclenchement de la guerre du 5 juin 1997.

La troisième période, celle de la deuxième transition, se


caractérise par la mise en veilleuse, sinon la disparition
pratiquement, des partis politiques de l’ancienne majorité
parlementaire, et la primauté réservée, dans la vie politique
nationale, aux partis politiques alliés du P.C.T., le vainqueur
de la guerre civile.
Le premier regroupement de ces derniers partis politiques
s’est opéré pendant la guerre sous le label de Front
Démocratique et Patriotique (F.D.P.) pendant que les partis
politiques de l’ancienne Mouvance Présidentielle s’allient au
M.C.D.D.I. et créent un groupement dénommé l’E.R.D.U.N.N.

- 186 -
Celui-ci disparaît avec la fin de la guerre et le départ en exil de
ses principaux leaders.
A la suite de la victoire militaire, le F.D.P s’est mué en
Forces Démocratiques Unies (F.D.U) qui soutiennent l’action
du gouvernement d’union nationale et de salut public.
C’est vers la fin de la transition, à partir de l’année 2001 que
les partis politiques dits de l’opposition, ou ce qu’il en reste,
tentent de reprendre du souffle pour se réorganiser en créant,
un regroupement dénommé d’abord, « Collectif des 6 » et
ensuite, « Collectif des 11 ». Après le Dialogue National Sans
Exclusive, avec le retour d’exil d’un certain nombre de leaders
politiques, une plateforme politique plus structurée –
dénommée Convention pour la Démocratie et le Salut
(CODESA) – est mise en place. Cette dernière constitue le
cadre indiqué permettant aux partis politiques de l’opposition
d’aborder, dans la cohésion, les élections législatives de 2002.
Mais hélas, tel n’a pas été la réalité.

La période actuelle, la quatrième, allant de 2002 à nos jours,


est marquée, aussi bien au niveau des partis politiques de la
majorité que de ceux de l’opposition, par les effets directs ou
indirects de la participation aux scrutins législatifs de 2002.
Au sein des partis politiques formant les F.D.U, les
conditions de participation à travers la répartition des localités,
le déroulement de la campagne électorale et enfin l’attribution
des portefeuilles ministériels ont créé des frustrations et
généré des récriminations. Le parti politique majoritaire, le
P.C.T., a été accusé d’hégémonisme. Les dissensions traitées
en sourdine ont apparu au grand jour à partir du premier
trimestre de l’année 2004. Le départ des cinq partis politiques
ci-après, a sonné le glas des F.D.U : l’U.N.D.P. de Pierre Nzé,
l’U.R.N. de Gabriel Bokilo, l’U.P.R.N. de Mathias Dzon,
l’A.C.C.O.S. de Léon Alfred Opimba et le R.D.P.C. de Jean
Marie Tassoua.

- 187 -
A partir de la fin de l’année 2004, les querelles internes du
P.C.T. remontent en surface, des remises en question qui
s’extériorisent par le célèbre concept de « refondation » qui
met le feu aux poudres.

A l’opposition, les dissensions qui font jour proviennent des


divergences d’appréciation sur la participation aux élections
législatives et sur la création d’une éphémère alliance
électorale autour de l’U.D.R.- Mwinda, dénommée Alliance
démocratique pour le Progrès (A.D.P.). Un nouveau
regroupement se met en place en 2005 à côté de la CODESA.
Il est dénommé : Convention pour la Démocratie et
l’Alternance (Code « A ») et regroupe l’U.PA.D.S, le
M.C.D.D.I, un certain nombre de partis de moindre gabarit et
deux anciens membres de la CODESA : le P.C.R. de Grégoire
Léfouoba et la C.R. de Ambroise Malonga.

L’approche des élections législatives de 2007 et de


l’élection présidentielle de 2009 redessine une nouvelle
configuration des partis politiques dans notre pays.
A la veille des élections législatives de 2007, une nouvelle
plateforme politique est créée à l’opposition, dénommée
Alliance pour La République et la démocratie (A.R.D.) et
regroupe l’U.P.R.N., qui vient de quitter le camp de la
majorité, le P.S.D.C. de Clément Miérassa et les habituels
partis politiques de l’opposition : l’U.PA.D.S et le R.D.D. Le
P.C.R, allié de ces derniers partis politiques, s’estime exclu et
en a pris bonne note.

A la majorité, une alliance se noue entre les partis politiques


dissidents des F.D.U. Elle est dénommée : Forces
Démocratiques Nouvelles (F.D.N) et regroupe le R.D.P.C.,
l’U.N.D.P. et le M.N.H.C. de Jean Louis Fragonard et ainsi
qu’un certain nombre d’autres partis politiques de moindre

- 188 -
importance. L’ambition de départ des F.D.N. est de se
constituer en un parti politique.

L’approche de l’élection présidentielle de juillet 2009 a été


l’occasion de renforcer la dynamique unitaire de l’espace
politique de la majorité par la création de deux grands
mouvements : le Rassemblement pour la Majorité Présidentielle
(R.M.P) et l’Initiative Nationale pour la Paix (I.N.P.) qui
ratissent large jusqu’aux confins de l’opposition, en ralliant
respectivement le R.D.D. au premier regroupement, et le
P.C.R. au deuxième.

CONCLUSION

La réflexion sur le multipartisme en République du Congo


bute sur des problématiques apparemment insolubles et
inhérentes à l’origine et à la nature des partis politiques en
général en Afrique : des considérations relevant de leurs
idéologies, des programmes de gouvernement, de leur nombre
exponentiel et du poids de la réalité ethnocentriste.
L’option idéologique et le programme économique et social
- corollaire de cette dernière - qui constituent les fondements
de l’entreprise politique semblent, en réalité, avoir été légués
au second plan par les leaders des partis politiques depuis la
fin de la « guerre froide » et la disparition de la conflictualité
radicale entre le camp socialiste et le monde capitaliste. La
conception idéologique en vogue consiste à se situer au
« centre » et à adopter pour programme de gouvernement la
théorie de la social-démocratie devenue presque comme une
sorte de panacée incontournable.
Le nombre de partis politiques élevé provient d’un fait
normal et évident : la création d’une formation politique relève
de l’initiative privée. Celle-ci est financée par des ressources

- 189 -
personnelles du ou des fondateurs et les risques d’entreprise
sont prises à titre personnel.
La puissance publique a bien prévu le cadre d’évolution des
partis politiques par une réglementation conséquente. Le
nombre des partis politiques devrait normalement
s’autoréguler – comme dans toute société libérale, de
démocratie pluraliste – à travers cette sorte d’écrémage :
l’organisation d’élections libres et transparentes, sous-entendu
que le nombre de sièges au parlement n’est pas du tout
extensible.
L’ethnocentrisme figure en bonne place dans le lot des
griefs qui sont formulés à l’endroit des partis politiques. On
pourrait regrouper sous ce concept toute la litanie de
terminologies usitées dans le vocabulaire politique national
pour exorciser la maladie incurable : népotisme, tribalisme,
ethnisme, régionalisme, villagisme, etc.
La loi n° 21-2006 du 21 août 2006 sur les partis politiques
se préoccupe essentiellement du phénomène de l’ethnisme
qu’elle doit conjurer par une vaine imposition de la diversité
des membres de la direction du parti et de l’implantation des
sièges dans tous les départements du pays (article 9). Or, elle
devrait se préoccuper de l’articulation de la démocratie dans
un pays archaïque au plan de la pensée politique.
En fait, s’il est vrai qu’aux premières heures des
indépendances africaines, la création des partis uniques a été
motivée par la préoccupation de lutter contre le phénomène de
l’ethnocentrisme, on peut en déduire qu’il s’est agi alors des
grands groupes ethniques.
Mais au Congo, un parti politique qui se fonderait sur une
base électorale aussi restreinte que la famille parentale, le clan
ou la tribu ne serait-il pas, véritablement, un mort-né ? En
réalité, le phénomène de l’ethnocentrisme pourrait être analysé
comme une sorte de pathologie, faire l’objet d’un diagnostic
correct et d’une thérapie adéquate qui débarrasserait le

- 190 -
système multipartite de cette véritable gangrène, et cela dans
l’optique du pouvoir exécutif, à travers une bonne
gouvernance publique, électorale particulièrement. Le
multipartisme se construit au Congo avec en majorité du
personnel qui a animé le Mouvement national de la révolution
(MNR) et le Parti congolais du travail (PCT), tous les deux des
partis uniques. Il est pertinent de se poser la question suivante
afin de comprendre les difficultés de construction nationale :
est-il possible de promouvoir des valeurs pour lesquelles on
n’est pas assez formés ?
La plupart des leaders politiques qui occupent la scène
congolaise ont été membres du Parti congolais du travail à un
moment ou un autre de leur vie, et leur parcours s’explique,
pour une bonne part, à travers l’histoire de leurs démêlés avec
l’ex-parti unique. Au total, le multipartisme au Congo reflète
en grande partie l’histoire tumultueuse du Parti congolais du
travail et se vit à la fois comme menace des positions acquises
et aussi comme vengeance des personnes qui ont été
longtemps marginalisées.
Dans cette confusion à identifier la dynamique des
véritables enjeux de la Nation, faute de prégnance idéologique
sur les masses et les élites, la tribu et le clan parasitent avec
force le discours du renouveau politique. La démocratie,
comme hier le socialisme scientifique, devient un slogan vidé
de tout contenu. Le multipartisme mériterait une réflexion
saine, débarrassée de toute passion ruineuse afin de construire
un lendemain aux fondations solides. Autrement dit, le risque
du surplace est plus que manifeste.

- 191 -
CHAPITRE 7

HISTOIRE DES INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES


CONGOLAISES (1957-2002)

Par Placide MOUDOUDOU

INTRODUCTION

Le mot institution (du latin instituere : disposer, établir)


connaît un sens large qu’on peut concevoir comme « tout ce
qui est inventé et établi par les hommes, en opposition à ce qui
est de nature ». Dans un sens plus étroit, cette notion inclut
toutes les structures juridiques qui encadrent des réalités et des
comportements sociaux : le mariage, la propriété, l’entreprise,
l’Etat, les collectivités locales, le contrat et autres sont des
institutions. Il s’agit d’artifices juridiques établis dans un but
précis, celui d’encadrer et de rendre plus sûre la vie collective.
L’administration est une notion ambivalente. Au sens
fonctionnel, le mot « administration » renvoie à une mission
ou une fonction. Il devient synonyme d’activité et connaît un
dérivé dans le verbe « administrer », c’est-à-dire « gérer ». Au
sens organique, l’administration est une structure, une
organisation qui se décline en un nombre variable d’organes à
vocations très différentes. Ces organes seront aussi appelés
« administrations ».
Il faut distinguer les institutions administratives des
institutions politiques, même si elles sont parfois incarnées par
la même personne ou autorité. Les institutions politiques sont
celles qui découlent de l’organisation constitutionnelle d’un

- 193 -
Etat : Présidence de la République, Sénat, Assemblée
nationale, ministères, etc. Les institutions administratives
englobent les structures permettant aux institutions politiques
de mettre en œuvre leur programme. En cela, l’administration
relève du seul pouvoir exécutif.
La présente étude tend à présenter l’évolution de certaines
institutions administratives congolaises qui sont soit nationales,
soit locales. Ne pouvant les présenter toutes, un choix a été
opéré ; il porte sur l’histoire des ministères, de la
décentralisation, des régions et de l’administration économique.
Une place a également été consacrée aux institutions
administratives actuelles.

I - L’histoire des ministères

Elle commence avant l’indépendance, le 6 juin 1957,


lorsque Jacques Opangault, Vice-président du Conseil de
Gouvernement, rend public le premier gouvernement
congolais. Ce Gouvernement appelle au moins trois
observations. La première porte sur le nombre de ministères :
dix seulement. Le second vient du fait qu’aucun ministère de
souveraineté (excepté les finances) n’est institué ; cela est
parfaitement compréhensible dans la mesure où le Congo n’est
pas encore un Etat indépendant. Ces ministères sont : le
ministère de l’administration générale et de l’information
(rattaché à la Vice-présidence) ; le ministère de l’agriculture,
de l’élevage, des eaux et forêts et de la météorologie ; le
ministère des affaires économiques, des paysannats et du plan ;
le ministère des affaires sociales ; le ministère de
l’enseignement, de la jeunesse et des sports ; le ministère des
affaires financières ; le ministère du budget ; le ministère de la
fonction publique ; le ministère des travaux publics et de
l’infrastructure aérienne ; le ministère de la production
industrielle, des mines, des transports et du tourisme. Tous ces

- 194 -
ministères sont, comme on le constate, à caractère économique
et social. Enfin, on note la présence de Français dans ce
gouvernement d’avant indépendance : André Kerherve,
Charles Vandelli, Jean Nardon, Joseph Vial (soit 4 ministres
sur 10). Le second Gouvernement qui date du 8 décembre
1958 compte 16 ministères, avec la particularité d’être dirigé
par un Premier ministre (l’Abbé Fulbert Youlou). Les autres
particularités résident en l’apparition des ministres d’Etat sans
portefeuille (Albert Fourvelle et Valentin Thombe), des
secrétaires d’Etat (Victor Sathoud à la Fonction publique,
Hilaire Mavioka à l’enseignement, Valentin Moubouh aux
finances, Jean Biyoudi à la jeunesse et aux sports, Germain
Samba à la Santé publique), d’un vrai ministère de l’intérieur
(Stéphane Tchitchelle). Le 3 juillet 1959, une autre équipe
gouvernementale est mise en place par le Premier ministre
Fulbert Youlou. Sa particularité est la naissance de ministres
qui sont délégués soit à une mission précise (secrétariats d’Etat
à la Présidence du Conseil, délégués à l’information pour
Christian Jayle, à la fonction publique pour Victor Sathoud)
soit à un lieu déterminé (Secrétariat d’Etat dans la métropole
pour Philippe Bikoumou, Vice-Président du Conseil, ministre
de l’intérieur, délégué du Premier ministre à Pointe-Noire :
Stéphane Tchitchelle).
On note une instabilité institutionnelle au niveau
ministérielle, puisque le 17 février 1960, le Congo connaît une
quatrième équipe gouvernementale réduite à 10 ministères ; on
note le départ des hommes politiques français du
gouvernement. L’approche et la préparation des festivités
marquant l’indépendance du pays peuvent expliquer ce
changement radical qu’on n’observe pas au niveau local
puisque certaines préfectures étaient encore administrées par
des citoyens français. C’est ce gouvernement qui assure la
gestion des affaires publiques au moment de l’indépendance.

- 195 -
La cinquième équipe gouvernementale est constituée par le
Président Fulbert Youlou le 11 janvier 1961. Il compte 13
ministères. Il est créé les ministères de la Justice (Jacques
Opangault), des affaires étrangères (Stéphane Tchitchelle). Une
vice-présidence de la République subsiste depuis 1961, occupée
cumulativement à ses fonctions de ministre de la justice, Garde
des Sceaux par Jacques Opangault, puis le 25 juin 1962, par
Stéphane Tchitchelle cumulativement à ses fonctions de
ministre des affaires étrangères et maire de Pointe-Noire. Le 20
mai 1963, la nomination de Jacques Opangault comme ministre
d’Etat fait réapparaitre une institution qui avait disparu.
Au lendemain de la chute du Président Fulbert Youlou, un
« gouvernement provisoire » dont Alphonse Massamba-Débat
devient le Premier ministre, est constitué. Il n’est composé que
de 7 ministres : le chef du « gouvernement provisoire » lui-
même, l’information et l’Office du Kouilou sont rattachés au
ministère de l’intérieur (Germain Bicoumat), l’éducation
nationale, les sports, la jeunesse sont rattachés au ministère de
la santé (Bernard Galiba), le plan, les travaux publics, les
mines, les transports et l’Agence Transéquatoriale de
Communication relèvent du ministère de l’économie ( Paul
Kaya), les finances, les Postes et Télécommunications et
l’ASECNA sont sous l’autorité de Edouard Ebouka-Babakas,
le ministère de la justice et de la fonction publique est placé
sous l’autorité de Jules Nkounkou, alors que Charles Ganao
conduit les affaires étrangères.
Après l’élection d’Alphonse Massamba-Débat comme
président de la République le 19 décembre 1963, le 24 du
même mois, un nouveau gouvernement conduit par Pascal
Lissouba en qualité de Premier ministre est publié. Il est
semblable au précédent ; mais on observe l’entrée, pour la
première fois, des syndicalistes qui ont joué un rôle important
dans la chute du régime de l’Abbé Fulbert Youlou : Aimé
Matsika est nommé ministre du commerce, de l’industrie , des

- 196 -
mines, chargé de l’ASECNA et de l’aviation civile, Pascal
Okiemba est nommé ministre de la justice, garde des sceaux,
tandis que Gabriel Betou est placé à la tête du ministère du
travail et de la fonction publique.
Le 28 octobre 1964, le gouvernement subit un léger
réaménagement ; deux nouveaux ministres et deux secrétaires
d’Etat complètent le gouvernement du 24 décembre 1963 :
Pierre Mafoua devient garde des sceaux, chargé de la justice et
de la fonction publique, Grégoire Boukoulou est quant à lui
ministre de l’Education nationale, de la culture et des arts. Les
deux secrétariats d’Etat sont rattachés à la Présidence : André
Hombessa, après son élection à la tête de la Jeunesse du
Mouvement national de la révolution (JMNR) le 06 août 1964,
devient secrétaire d’Etat à la présidence, chargé de la jeunesse
et des sports, tandis que Bernard Zoniaba est nommé secrétaire
d’Etat à la présidence, chargé de l’information et de
l’éducation populaire et civique.
L’instabilité gouvernementale constitue la maladie infantile
du Congo indépendant puisque moins d’un an après la
constitution du gouvernement d’octobre 1964, le 6 avril 1965
est mis en place une nouvelle équipe gouvernementale, dirigée
par le même Premier ministre, Pascal Lissouba. La
constitution de cette équipe semble traduire la volonté du
Président Massamba-Débat de mieux affirmer son autorité, car
on note que André Hombessa (un proche du chef de l’Etat)
devient ministre de l’intérieur et des postes et
télécommunications et, un secrétariat d’Etat à la présidence,
chargé de la défense nationale (dirigé par Claude Da Costa) est
crée pour la première fois, tandis que Claude Ernest Ndalla est
nommé secrétaire d’Etat à la présidence, chargé de la jeunesse
et des sports.

Après un aménagement technique le 31 décembre 1965, le 6


mai 1966 Ambroise Noumazalaye est nommé Premier

- 197 -
ministre, en remplacement de Pascal Lissouba. Tandis que
David Charles Ganao (Affaires étrangères), Edouard Ebouka-
Babackas (finances), André Hombessa (intérieur), François-
Luc Makosso (justice) et Aimé Matsika (commerce et
industrie) conservent leurs postes, on note la disparition du
secrétariat d’Etat à la présidence, chargé de la défense
nationale (Da Costa étant nommé ministre de la reconstruction,
de l’agriculture et de l’élevage). Mais le 12 janvier 1968 est
publié un autre gouvernement amputé du poste de Premier
ministre. On observe la résurrection du secrétariat d’Etat à la
présidence, chargé de la défense nationale à la tête duquel est
placé le Lieutenant Poignet.
Le poste de Premier ministre ne réapparaît que le 30 août
1973 dans le gouvernement Henri Lopès ; entre temps, il était
remplacé par celui de Vice-Président du Conseil d’Etat
(successivement occupé par le Commandant Alfred Raoul en
1970, Aloïse Moudileno-Massengo en 1971, et Ange-Edouard
Poungui en 1973).
Le gouvernement, du fait des changements politiques et
idéologiques intervenus en 1968, est désormais remplacé par
un « Conseil d’Etat ». Mais trois Premiers ministres en trois
ans révèlent l’échec du bicéphalisme au sein de l’exécutif. Ce
bicéphalisme subsistera de manière continue jusqu’en 1997.
Autres observations : l’éducation nationale est éclatée en
deux ministères dans le gouvernement Moudileno-Massengo :
celui de l’enseignement primaire et secondaire est dirigé par
Christophe Moukouéké et celui de l’enseignement technique,
professionnel et supérieur est placé sous l’autorité de Jean-
Pierre Thystère-Tchicaya. De plus, l’urbanisme et l’habitat
(Victor Tamba-Tamba) sont érigés en ministères à part entière
dans le gouvernement Poungui de 1973 ; la même année
l’énergie connait aussi cette mutation (Antoine Kaine) dans le
gouvernement Lopès.

- 198 -
Le poste de Vice-Premier ministre a fait son apparition dans
le gouvernement Lopès de 1975 (Charles Ngouoto). Il ne fera
pas long feu, puisqu’il n’a plus existé. Par contre, le
département de l’environnement apparu la même année dans le
gouvernement Louis-Sylvain Goma survivra, comme
survivront le tourisme et la recherche scientifique apparus dans
le gouvernement du 5 avril 1977. Les gouvernements
successifs ne font que reprendre, mutatis mutandis, les mêmes
structures, associant des compétences verticales (Défense,
industrie, commerce, etc.) à celles de nature horizontale
(finances, fonction publique, intérieur, etc.). Enfin, il faut
signaler la création d’un ministère chargé des droits de la
femme, dans les années 1990.

II - L’histoire des régions

Avant l’indépendance, l’organisation administrative


territoriale congolaise n’était pas fondamentalement différente
de celle des autres territoires africains francophones. Les chefs
des circonscriptions administratives étaient des fonctionnaires
de l’Etat français appartenant généralement au corps des
administrateurs de la France d’outre-mer. A partir de 1958,
ceux-ci sont progressivement remplacés par des nationaux qui
ont reçu une formation appropriée dans les différentes Ecoles
d’Administration africaines et française, et intégrés dans les
cadres de l’administration générale créés dans tous les
nouveaux Etats.
De 1960 à 1973, l’administration congolaise était marquée
par une forte centralisation. Malgré le changement intervenu
dans sa nationalité, le préfet demeure une autorité
déconcentrée : délégué du pouvoir central, il est le représentant
de chacun des ministres. Il est nommé par décret du président
de la République, sur proposition du ministre de l’intérieur. En
effet, le décret du 15 décembre 1964, relatif au pouvoir des

- 199 -
préfets et à l’organisation des services administratifs dans les
préfectures, traduit une forte concentration des pouvoirs. Ce
décret est lui-même pris sur le fondement de l’ordonnance
n°07/63 du 3 octobre 1963 instituant les conseils de préfecture
et de sous-préfecture. A cette date, il n’existait pas de services
préfectoraux en tant que tels ; les services administratifs
comme les régions sanitaires ou les subdivisions des travaux
publics n’étaient que des subdivisions de l’Etat. En 1965, sous
l’ère du socialisme dit « africain », les préfets sont remplacés
par des commissaires du gouvernement (décret n°65/81 du 10
mars 1965 portant création des commissaires du
gouvernement). Cette organisation est maintenue dans ses
grandes lignes par le décret du 14 janvier 1968 relatif aux
pouvoirs des Commissaires du gouvernement et des chefs de
districts. Mais en réalité, le schéma de l’organisation
administrative territoriale demeure inchangé ; le passage de la
région à la préfecture et, inversement, ne change pas
fondamentalement cette organisation.
Il y avait 15 préfectures et 44 sous-préfectures. Les
premières correspondaient respectivement au découpage
suivant : Kouilou (Pointe-noire), Niari (Dolisie), Nyanga-
Louessé (Mossendjo), Bouenza-Louessé (Sibiti), Letili
(Zanaga), Niari-Bouenza (Madingou), Pool (Kinkala), Djoué
(Brazzaville), N’Kéni (Gamboma), Léfini (Djambala), Alima
(Boundji), Equateur (Fort-Rousset), Sangha (Ouesso),
Mossaka (Mossaka), Likouala (Impfondo).
L’organisation administrative régionale actuelle remonte
dans ses grandes lignes au décret du 25 août 1967 fixant
l’organisation territoriale de la République ainsi que les chefs-
lieux des régions. Ce texte crée neuf régions selon le
découpage suivant : Kouilou (Pointe-Noire), Niari (Dolisie),
Bouenza (Madingou), Pool (Kinkala), Plateaux (Djambala),
Lékoumou (Sibiti), Sangha (Ouesso), Cuvette (Fort-Rousset),
Likouala (Impfondo). Trois autres entités régionales ont été

- 200 -
créées (Cuvette-ouest dans les années 1990, Brazzaville et
Pointe-Noire en 2003).

III - L’histoire de la décentralisation

Les constitutions successives du 30 mars 1969 (article 60)


puis du 24 juin 1973 (article 77) instituent une nouvelle forme
d’administration locale : les « pouvoirs populaires » constitués
des conseils populaires de district et de région. Il s’agit en
réalité d’une forme de décentralisation, puisque pour la
première fois, au Congo, les autorités locales sont élues sur
liste unique présentées par le Parti congolais du travail, parti
unique. D’ailleurs le mot décentralisation apparaît pour la
première fois dans le vocabulaire juridique national dans la
constitution du 30 mars 1969 mais, elle n’est appliquée que
sous la constitution du 24 juin 1973.
Les dispositions de l’ordonnance n°20/77 du 6 juin 1977
portant organisation des régions et districts ont, en application
de l’article 3 de l’Acte Fondamental du 5 avril 1977, substitué
par la suite aux conseils populaires élus de régions et de
districts et à leurs exécutifs également élus dans les conditions
précitées, des délégations spéciales dont les membres sont des
agents déconcentrés de l’Etat nommés par le gouvernement.
Du 26 au 31 mars 1979, le 3ème Congrès extraordinaire du
Parti congolais du travail, parti unique, a pris de nombreuses et
importantes décisions. Il fut décidé de procéder à des
opérations électorales portant adoption du projet de
constitution voté par le dit Congrès, qui devait être soumis au
référendum, et sur les élections aux conseils populaires de
région, de district et de communes établis par les nouveaux
textes. Les ordonnances n°12/79 et 14/79 du 10 mai 1979
portant respectivement institution des conseils populaires des
communes, des conseils populaires des régions et des districts

- 201 -
fixaient alors les règles d’organisation et de fonctionnement de
ces conseils.
La décentralisation à « l’occidental » n’est instituée qu’en
1992, sous la constitution du 15 mars 1992. Des élections
locales sont effectivement organisées au niveau des régions,
des districts et des arrondissements. Il faut signaler que les
collectivités locales de moyen exercice créées par une loi
furent annulées par la Cour suprême le 30 janvier 1997 au
motif que la constitution de 1992 ne reconnaissait qu’un seul
type de collectivités locales : les collectivités locales à
compétence pleine et entière.

IV– L’histoire de l’administration économique : de l’option


libérale à l’option libérale

Cet intitulé peut paraître provocateur, mais il signifie


simplement qu’après avoir choisi l’économie de marché dès
l’indépendance, le Congo a ensuite opté pour une économie de
planification rigide, socialiste (1964-1990), condamnant la
propriété privée. Pendant la Conférence nationale souveraine
de 1991, il est revenu sur le libéralisme économique. En
réalité, même sous les régimes du Mouvement national de la
révolution (MNR) et du Parti congolais du travail (PCT),
certains principes fondamentaux du libéralisme n’ont jamais
disparu.

1. Le libéralisme étatique de l’ère de l’indépendance


(1960-1963)
Dès avant l’indépendance, le Gouvernement Youlou avait
fait le choix de l’économie de marché : partisan du libéralisme
et de l’encouragement des investissements extérieurs, l’Abbé
Fulbert Youlou, Chef du Gouvernement, déclarait le 2
décembre 1958 :

- 202 -
Nous sommes prêts à formuler toutes garanties pour
que s’investissent sans crainte, et dans la plus grande
confiance, les capitaux publics et privés sans lesquels
il n’est pas possible de concevoir la mise en place de
grandes sources d’énergie et des usines de
transformation.

Le 14 juin 1959, il réitérait :

Les capitaux (étrangers) sont désormais assurés de


trouver au Congo l’ordre et la tranquillité qui leur sont
nécessaires pour investir en toute confiance.

Concrètement, dès octobre 1960, fut préparé le premier code


des investissements (loi n°39-61 du 20 juin 1961, modifié le
29 septembre 1962). Cette politique est menée dans une
perspective sous régionale, puisque le 12 novembre 1960 fut
promulguée la convention sur le régime des investissements
dans l’Union Douanière Equatoriale (U.D.E). Il faut signaler
l’achèvement de la construction du chemin de fer de la
Compagnie minière de l’Ogooué (COMILOG) en 1962, ainsi
que le lancement des travaux de construction du barrage de
Sounda dans la région du Kouilou.

2. L’ère de la socialisation de l’économie (1964-1990)


Après la chute du Président Fulbert Youlou, emporté par une
manifestation syndicale qui dégénéra en émeute les 13, 14 et 15
août 1963 (qualifiées dans le jargon révolutionnaire congolais
des « Trois glorieuses journées), Alphonse Massamba-Débat
(ancien ministre du Plan) est appelé par les syndicalistes et la
force publique à former un gouvernement de transition. Elu
président de la République le 19 décembre 1963, il crée le
Mouvement national de la révolution (MNR). Dès son Congrès
de juillet 1964, une motion est adoptée condamnant « l’échec

- 203 -
du capitalisme libéral et son incapacité à résoudre des
difficultés économiques héritées du régime colonial » ; la
motion préconise une politique économique « ayant le
socialisme scientifique pour principe fondamental », afin de
« réaliser aussi rapidement que possible l’indépendance
économique de la nation ». Quelques mois auparavant, le
Premier ministre Pascal Lissouba avait annoncé dans une
conférence de presse que le Gouvernement se proposait de
socialiser les transports routiers, les activités portuaires, la
production de l’énergie et la distribution de l’eau ; le 4 mars de
la même année, l’Assemblée nationale demandait à
l’unanimité la nationalisation des entreprises opérant dans ces
secteurs.
Annoncée donc après la chute du Président Fulbert Youlou,
les nationalisations entrent dans la phase pratique en 1966-
1967, pour se poursuivre et s’accélérer les années suivantes.
L’Etat congolais voulait s’occuper de toute l’économie. Il
nationalise le 14 juin 1967 la Compagnie Africaine de Services
Publics (C.A.S.P.) qui avait le monopole de distribution de
l’eau et crée la Société nationale de distribution d’eau
(SNDE) et l’Union électrique coloniale (UNELCO) pour créer
la Société nationale d’énergie (S.N.E.). Dans le domaine des
hydrocarbures, les sociétés étrangères distribuant ce produit
sont également nationalisées par ordonnance du 4 juin 1973
pour créer Hydro-Congo ; dans celui des transports, l’Agence
Transéquatoriale des communications est transférée dans le
giron de l’Etat pour devenir l’Agence Transcongolaise des
Communications en 1969 ; la société Air-Congo est aussi
nationalisée et devient Lignes nationales Aériennes du Congo
(Lina-Congo), etc.
Parallèlement, l’Etat crée ex-nihilo d’autres entreprises
publiques : Complexe textile de Kinsoundi à Brazzaville,
Cimenterie de Loutété, Hôtel Cosmos à Brazzaville, Société
nationale d’élevage (SO.N.EL.), Société congolaise de

- 204 -
recherches et d’exploitation des mines de M’fouati
(SO.CO.R.E.M.), etc. Plusieurs offices sont aussi crées :
Office national du commerce (OF.NA.COM.), Office des
cultures vivrières (O.C.V.), Office congolais de l’informatique
(O.C.I.), Office national des postes et télécommunications
(ONPT), Office national du cinéma (ONACI), etc.

V – Les institutions administratives actuelles

Ces institutions administratives résultent de la constitution


du 20 janvier 2002. Il s’agit des administrations d’impulsion et
de direction, des administrations de régulation et des
administrations consultatives.

1-L’administration d’impulsion et de direction : la


présidence de la République
La présidence de la République est incarnée par le président
de la République. Elu au suffrage universel direct pour sept
ans, le président de la République incarne l’unité nationale.
C’est lui qui nomme aux hautes fonctions civiles et militaires
par décret en conseil des ministres. Ces nominations
concernent les secrétaires généraux, directeurs et inspecteurs
généraux, le chef d’état-major de l’armée, les préfets, le
recteur de l’Université Marien Ngouabi, etc. Il nomme les
magistrats sur proposition du conseil supérieur de la
magistrature. Au sein de la présidence, il faut noter l’existence
de rouages essentiels : le cabinet du chef de l’Etat et le
secrétariat général du gouvernement.

 Le Cabinet du Chef de l’Etat


Un décret organise le cabinet du chef de l’Etat. Le cabinet
est un service d’étude, de conception, de commandement, de
contrôle et de liaison entre les structures politiques,
économiques, juridiques et administratives de l’Etat et le

- 205 -
président de la République. A la tête du cabinet, se trouve le
directeur de cabinet (qui a rang de ministre d’Etat) qui dirige et
coordonne les services de la Présidence de la République. Des
conseillers exercent au sommet du cabinet : les conseillers
spéciaux, les conseillers chefs de département et les conseillers
techniques. Les premiers sont placés sous l’autorité du
président de la République et se voient confier un secteur
particulier de l’action présidentielle, tandis que les autres sont
sous l’autorité du directeur de cabinet.
Le directeur de cabinet a autorité directe sur le secrétariat
général de la Présidence de la République ; ce dernier dirige le
personnel de la Présidence et gère le patrimoine immobilier et
mobilier de la présidence (logements, bâtiments, véhicules
administratifs et matériels divers). Il a en charge les logements
des autorités politiques et administratives ainsi que ceux des
hauts fonctionnaires de l’Etat.

 Le Secrétariat général du Gouvernement (SGG)


Rattaché à la Présidence de la République, le secrétariat
général du gouvernement veille au bon fonctionnement du
gouvernement. Institution charnière, il règle les procédures et
circuits de décision du gouvernement. C’est donc une instance
technique dont dépendent la coordination et la continuité de
l’action gouvernementale, par-delà les changements pouvant
affecter la composition du gouvernement. Concrètement, ce
rôle se subdivise en quatre missions :

– le SGG prépare et organise le travail du gouvernement, ce


qui suppose la coordination de l’action de chacun des ministres
(préparation des projets de décrets, des réunions
gouvernementales, du conseil des ministres) ; sert de lien entre
le gouvernement et les autres institutions, notamment le
Parlement et la Cour constitutionnelle ;

- 206 -
– il est conseil juridique du gouvernement, notamment en
matière constitutionnelle. Il rédige les circulaires d’application
des lois et décrets qui sont ensuite signés par le président de la
République ;
– il veille à l’application des lois et décrets, notamment en
les diffusant, à travers le Journal Officiel dont il assure la
production et la diffusion ;
– enfin, il assure et garantit l’archivage des actes du conseil
des ministres et des réunions interministérielles.

Le secrétariat général du gouvernement est dirigé par un


Secrétaire général qui a rang de ministre et qui est placé sous
l’autorité directe du président de la République.

 Les administrations ad hoc


Il est ici question des hauts-commissaires et des
commissaires. Les guerres successives des années 1990 ont
montré les limites de l’administration classique dans la
résolution de questions très sensibles telles la Réconciliation
nationale, le civisme, la réinsertion des ex-combattants. Pour
de telles missions, l’administration étatique apparaît comme
partiale ou illégitime aux yeux d’une partie de la population.
Cela explique la création d’administrations ad hoc, placées
directement auprès de la Présidence de la République. Ainsi
ont été créés le Haut-Commissariat à la réinsertion des ex-
combattants, celui à l’Instruction civique et à l’Education
morale, le Commissariat général du comité de suivi de la
convention sur la reconstruction et la paix, et, tout récemment,
la Délégation générale chargée de la promotion des valeurs de
paix et de la réparation des séquelles de guerre.
Ces organes comptent parmi leurs membres des
représentants de l’opposition et de la société civile, ce qui les
distingue des administrations classiques et leur confère une

- 207 -
certaine indépendance. Leur action a largement contribué au
rétablissement de l’ordre public à la fin des années 1990.

 Le conseil des ministres et ses membres


Présidé par le Chef de l’Etat, il réunit tous les ministres et
secrétaires d’Etat. Y participent également, le Secrétaire
général du Gouvernement, le directeur de cabinet du Chef de
l’Etat qui ont préparé l’ordre du jour, arrêté définitivement par
le président de la République. Généralement, les questions
d’ordre légal (projets de lois) ou règlementaires (projet de
décrets) sont d’abord envisagées. Puis les questions d’ordre
général (bilan d’une politique, orientations nouvelles, etc.).
Enfin, sont prises les mesures d’ordre individuel telles que les
nominations aux postes qui, selon la constitution, doivent être
pourvus en conseil des ministres.
Une hiérarchie existe entre membres du conseil des
ministres. Parmi les ministres, en haut du rang protocolaire se
trouve le ministre d’Etat : ce titre honorifique et protocolaire
tend à mettre en avant les ministres qui représentent un parti
politique ou un courant, ou dont le parcours politique exige
une distinction particulière. Le titre marque aussi le
couronnement d’une carrière ministérielle.
Les ministres constituent la majorité des membres du
gouvernement. A la tête d’un département ministériel, ils ont
vocation à participer au conseil des ministres. Viennent ensuite
les ministres délégués, qui sont rattachés soit à la Présidence
soit aux ministres d’Etat ou aux ministres. Ils prennent en
charge une partie des attributions de leur autorité de tutelle. Ils
n’en sont pas moins ministres à part entière, dotés d’une
véritable autonomie administrative. A ce titre, ils participent
au conseil des ministres. Enfin, les secrétaires d’Etat terminent
l’ordre protocolaire. Ils sont rattachés aux ministres pour
prendre en charge une partie des attributions ministérielles. Ils
sont également dotés d’une autonomie administrative au sens

- 208 -
où ils prennent et signent les actes de gestion de leur
département et participent de droit au conseil des ministres.
S’agissant du découpage gouvernemental, il faut dire de
façon générale que le nombre de départements ministériels a
une tendance sur le long terme à croitre : de 10 ministres en
1957, le gouvernement compte de nos jours entre 30 et 35
ministres. Au fur et à mesure qu’augmentent les compétences
étatiques, se créent des ministères. Aux ministères d’origines
(affaires étrangères, justice, intérieur, agriculture, etc. .), se
sont ajoutés, souvent par détachement, d’autres ministères
devenus trop importants : l’intégration de la femme au
développement, l’environnement, la reconstruction, l’action
humanitaire, l’intégration économique sous régionale.
D’une façon générale, le découpage ministériel se fait
verticalement, c’est-à-dire par secteur d’activité (agriculture,
industrie, équipement, santé, etc.), soit horizontalement, c’est-
à-dire par fonctions (finances, fonction publique,
communication). Ces secteurs sont divisés en direction
générale, elles-mêmes scindées en directions centrales. Autre
précision : le ministère est un ensemble de services
administratifs dont l’action conjuguée tend vers une même
spécialité.

2-Les administrations de régulation : les autorités


administratives indépendantes
C’est une nouveauté au Congo ; elle est consécutive à la
démocratisation de la vie politique et administrative. Elle
participe à une meilleure protection des droits des citoyens.
La régulation inclut la fonction de réglementation au sens de
création de règles destinées à encadrer un secteur de l’activité
économique ou sociale, règles dont l’administration assure le
respect. Le statut des autorités administratives indépendantes
se veut une réponse à l’incapacité d’une administration
classique à régler certaines questions économiques et

- 209 -
socialement ou même politiquement sensibles. S’agissant par
exemple du contrôle de la régularité des élections, contrôle de
la concurrence dans un secteur où l’Etat est un des principaux
opérateurs, ou encore du respect de certaines libertés
fondamentales des citoyens, l’administration classique ne
dispose ni de la souplesse nécessaire, ni de l’impartialité et de
l’objectivité requises pour apporter des solutions qui soient
acceptées par l’administré. C’est pour cette raison qu’ont été
créées les autorités administratives indépendantes. Ces
institutions sont qualifiées d’ « autorités » parce qu’elles
prennent des décisions administratives, générales ou
individuelles ; elles sont qualifiées d’ « administratives » car
elles relèvent du pouvoir exécutif et non des pouvoirs législatif
et judiciaire ; elles sont « indépendantes» parce qu’elles sont
soustraites à la hiérarchie ministérielle.
Les autorités administratives indépendantes congolaises
présentent la particularité d’être consacrées par la constitution,
même si celle-ci ne les qualifie pas expressément ainsi. Ces
autorités sont : le conseil supérieur de la liberté de
communication, la Commission nationale des droits de
l’homme et le Médiateur de la République. Leur
constitutionnalisation traduit la volonté des autorités politiques
de garantir leur indépendance.

 Le Conseil supérieur de la liberté de communication


(CSLC)
Le CSLC veille au respect de la personne humaine et de sa
dignité, de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la
protection des enfants et des adolescents devant toute
information nocive émanant des médias de toutes formes, y
compris l’Internet. Il est composé de 11 membres désignés par
le président de la République : il s’agit de deux professionnels
de l’information et de la communication et d’un représentant
des associations scientifiques et savantes. Deux sont désignés

- 210 -
par le Président de l’Assemblée nationale : un parmi les
professionnels de l’information et de la communication et un
parmi les membres des associations culturelles. Deux sont
désignés par le Président du Sénat : un professionnel de
l’information et de la communication et un représentant des
consommateurs. Siègent encore deux professionnels de
l’information et de la communication, dont l’un doit émaner de
l’université. Ils sont désignés par leurs pairs.
Le mandat des membres du CSLC est de trois ans,
renouvelable une fois. Le CSLC dispose d’un pouvoir de
police qui se traduit par l’attribution ou le retrait des
fréquences radiophoniques et télévisuelles et de la carte
d’identité professionnelle des journalistes. Il peut suspendre ou
ordonner l’arrêt d’une programmation audiovisuelle ou d’une
publication, non conforme aux dispositions du cahier des
charges.

 La Commission nationale des droits de l’homme


(CNDH)
La CNDH est un organe constitutionnel de suivi de la
promotion et de la protection des droits de l’homme, un espace
de consultation, de dialogue entre les citoyens, les pouvoirs
publics et la société civile. Cette commission a donc vocation à
sensibiliser la population sur les droits qu’elle tient de la
constitution. Elle est composée de 45 membres venus
d’horizon divers : il y a des personnalités choisies par le
président de la République, les présidents de l’Assemblée
nationale et du Sénat, le Médiateur de la République, les
représentants d’organisations non gouvernementales œuvrant
dans les domaines des droits de l’homme, des droits de
l’enfant, des droits de la femme, des associations juvéniles, des
associations des handicapés, des syndicats, etc.

- 211 -
La CNDH est saisie par toute personne s’estimant victime
d’une violation d’un droit fondamental. Elle rend des avis et
des recommandations.

 Le Médiateur de la République
Le Médiateur de la République, désigné en conseil des
ministres par le président de la République pour trois ans, est
chargé de simplifier et d’humaniser les rapports entre les
administrés d’une part, et les administrations étatiques ou
locales, les établissements publics et les organismes investis
d’une mission de service public d’autre part. Il s’agit donc
d’un intermédiaire entre les pouvoirs publics et les citoyens,
saisi de toutes revendications des seconds relatives au
fonctionnement ou plutôt aux dysfonctionnements des
premiers.
Il ne tranche pas les litiges entre l’administration et
l’administré ; mais il a un pouvoir de médiation. Lorsqu’une
réclamation lui paraît justifiée, il peut émettre une
recommandation proposant un règlement en équité ou toute
réforme tendant à l’amélioration du fonctionnement de
l’administration.

3-L’administration consultative : cas du Conseil


économique et social (CES)
On qualifie d’administration consultative toute instance de
l’Etat ou des collectivités locales ayant pour vocation
d’apporter aux administrations actives les avis nécessaires à
une action ou à une prise de décision. Ces avis procèdent
d’une expertise émanant de personnes possédant les
connaissances propres à éclairer l’administration dans un
domaine donné.
Le Conseil économique et social, prévu par la constitution,
est une instance de concertation entre les différentes catégories
socio-professionnelles. Il conseille les pouvoirs exécutif et

- 212 -
législatif, en émettant un avis sur les projets de décrets ayant
trait à des questions économiques et sociales.
Le CES participe ainsi à l’élaboration de la politique
économique et sociale de l’Etat. La saisine du CES appartient
au président de la République, aux présidents du Sénat et de
l’Assemblée nationale. L’auto-saisine est possible. Il est
composé de 75 membres choisis parmi les catégories socio-
professionnelles censées représenter l’ensemble du tissu
économique et social congolais : syndicats des salariés,
syndicats patronaux, associations paysannes, chambres de
commerce et d’industrie, professions libérales, organisations
religieuses, etc.

CONCLUSION

L’évolution des institutions administratives congolaises


permet de les caractériser ainsi : ces institutions ne s’éloignent
pas de celles de l’ex-métropole, la France. De ce point de vue,
le cordon ombilical n’est pas encore totalement coupé.
Ensuite, les institutions se sont démocratisées en accordant une
attention particulière au sort du citoyen. En dépit de certaines
lacunes, encore perceptibles, dans leur fonctionnement, ces
institutions ne se départissent pas de leur objet principal : la
satisfaction de l’intérêt général.

- 213 -
CHAPITRE 8

L’EVOLUTION DE LA JUSTICE CONGOLAISE


DE 1960 A 2010

par Philippe ONGAGNA

INTRODUCTION

A l’instar d’autres pays d’Afrique francophone, anciennes


colonies françaises, la République du Congo célèbre le
cinquantième anniversaire de son indépendance le 15 août
2010, à un moment où en France le débat sur la colonisation
n’a jamais été aussi intense dans l’espace public 104. L’écho de
ce débat dans l’ancienne colonie française du Congo est de
nature à susciter la réflexion sur les institutions héritées de la
colonisation, notamment l’institution de la justice.

104
Entre 2000 et 2010, la littérature est déjà abondante sur le passé
colonial de la France. On citera, entre autres, P.Weil et S.Dufoix (sous la
direction de), 2005, L’esclavage, la colonisation et après… Paris, PUF ;
P. Blanchard, N. Bancel et S. Lemaire (sous la direction de), 2005, La
fracture coloniale : la société française au prisme de l’héritage colonial,
Paris, La Découverte ; M. Ferro (sous la direction de), 2003, Le livre
noir du colonialisme (XVIe et XXIe siècles) : de l’extermination à la
repentance, Paris, R. Laffont ; G. Manceron, 2003, Marianne et les
colonies. Une introduction à l’histoire coloniale de la France, Paris, La
Découverte ; E. Snarese, 1998, L’ordre colonial et sa légitimation en
France métropolitaine. Oublier l’autre, Paris, L’Harmattan ; Boubacar
Boris Diop, Odile Tobner, François-Xavier Vershave, 2005,
Négrophobie, Paris, Les arènes ; N. Blanchard et F. Vergès, 2003, La
République coloniale : essai sur une utopie, Paris, Albin Michel.

- 215 -
L’étude de l’évolution de la justice congolaise depuis
l’acquisition de l’indépendance est d’une importance
indéniable dans la mesure où elle s’inscrit dans une
philosophie traditionnelle qui fait de chaque date anniversaire
un événement particulier, et qui lui donne tout son sens et sa
raison d’être : la nécessité d’un bilan, le positionnement dans
l’instant présent, la projection dans les défis du futur.

Le terme « justice » est évoqué ici sous l’angle technique,


autrement dit comme étant « l’ensemble des tribunaux et de
l’organisation judiciaire »105 ou encore «l’organisation du
pouvoir judiciaire ; ensemble des organes chargés d’administrer
la justice conformément au droit positif »106. L’allusion sera
également faite à la conception philosophique et morale selon
laquelle la justice renvoie à « ce qui est idéalement juste,
conformément aux exigences de l’équité et de la raison ; en ce
sens la justice est tout à la fois un sentiment, une vertu, un idéal,
un bienfait, une valeur…, ce à quoi chacun peut légitimement
prétendre (en vertu du droit) ; en ce sens la justice consiste à
rendre à chacun le sien et demander justice signifie réclamer
son dû, son droit »107. Cette conception sera évoquée ici en
référence à la fonction sociale de la justice.

De 1960 à 2010, l’histoire de la justice congolaise est une


oscillation entre le modèle français hérité de la colonisation et
le modèle marxiste importé des régimes communistes. L’étude
du fonctionnement de ces deux systèmes dans le paysage
juridique et judiciaire congolais permettra non seulement une
meilleure compréhension des difficultés de leur mise en
œuvre, mais aussi celles d’une mise en œuvre d’un modèle

105
G.Cornu, 2005, Vocabulaire juridique, PUF, (7e éd.) V° justice.
106
Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, V° justice.
107
G.Cornu, op.cit.

- 216 -
juridique congolais proprement dit. Qu’il s’agisse de l’un ou
de l’autre modèle, l’histoire de la justice congolaise restera à
jamais marquée par le mimétisme, la dualité, voire la trilogie,
ou la juxtaposition des modèles, à l’instar d’autres systèmes
juridiques africains façonnés par le fait colonial. La
particularité de cette histoire tient à l’existence de ces deux
systèmes qui se sont succédé dans le temps. Leur étude
chronologique nous conduira par la suite à nous interroger sur
l’état actuel de la justice congolaise.

I - L’héritage colonial : continuité et discontinuité

Au lendemain de l’accession du Congo à l’indépendance


nationale, son système juridique ne fut rien d’autre qu’une
reproduction du modèle colonial, à quelques exceptions près
en ce qui concerne la prise en compte de certaines réalités
locales. Si sur le plan politique, la décolonisation marque la fin
d’une époque, la situation est différente dans le domaine de la
justice où l’emploi des formules telles que « survivance »,
« persistance », « legs », « héritage » ou « pérennité »108 est
révélateur et souligne encore avec force la présence du passé
colonial. Dans ce domaine qui fait l’objet de la présente
réflexion, ce passé colonial a suivi un mouvement en dents de
scie. Après avoir connu son heure de gloire entre 1960 et 1963,
il a disparu sous le poids du système marxiste entre 1964 et
1990, avant de refaire surface en 1991 après la Conférence
Nationale.
C’est donc ce triple mouvement d’apparition, de disparition
et de réapparition qu’il importe de reconstituer. Mais, pareille
reconstitution n’est compréhensible que lorsqu’elle est
précédée d’un rappel des périodes précoloniale et coloniale.

108
P.Weil et S .Dufoix, op. cit., p. 3.

- 217 -
1. la justice aux périodes précoloniale et coloniale
Loin d’être une génération spontanée, le modèle juridique et
judicaire colonial a été transposé au Congo au terme d’un
processus dont le rappel s’impose ici avec force.

Contrairement aux clichés et aux stéréotypes véhiculés par


les récits des voyageurs coloniaux, il a existé un système
juridique en Afrique précoloniale, et donc au Congo. Quoique
son niveau d’organisation fût rudimentaire, elle n’en demeura
pas moins un mode efficace de règlement des différends. Elle
« était rendue conformément aux coutumes locales par les
chefs indigènes »109, comme on en a retrouvé l’illustration à
travers le tribunal coutumier du chef Ta-Nkewa à Bacongo
(arrondissement situé au sud de Brazzaville), dans les années
60. La campagne de la conquête coloniale a porté sur une
remise en cause de la justice coutumière. D’aucuns y ont vu
une justice des chefs à tendance despotique ou soumise à
l’autorité discrétionnaire du pouvoir politique, marquée par
des procédures rudimentaires jugées peu civilisées 110.
On peut ne pas partager les jugements occidentaux portés
sur cette justice, mais l’on reconnaîtra cependant volontiers
qu’elle présente des particularités qui l’opposent, trait pour
trait, à la justice occidentale dite moderne. Ainsi leur
comparaison est marquée par des oppositions binaires
caractéristiques du couple modernité-tradition. Alors que la
justice occidentale s’appuie sur la loi et l’écrit, la justice
traditionnelle précoloniale s’articule autour de la coutume et
de l’oralité ; à l’universalité des codes occidentaux, la justice
traditionnelle oppose le droit local ; aux normes générales et
109
Dislere, Damas et Devilliers, 1886-1887, Traité de législation
coloniale, Paris, Sirey, p. 646, cité par E. Le Roy, 2004, Les Africains
et l’institution de la justice. Entre mimétismes et métissages, Dalloz, p.
23.
110
E. Le Roy, op.cit., p. 22.

- 218 -
impersonnelles de la justice moderne, la justice traditionnelle
oppose des critères discrétionnaires personnalisés comportant
le risque d’abus ; la neutralité et l’indépendance de la justice
moderne contrastent avec la partialité et la dépendance vis-à-
vis du pouvoir politique dans la justice traditionnelle
précoloniale ; à l’homogénéité et l’unité d’un système
juridique occidental codifié, le droit précolonial traditionnel
oppose la pluralité et la diversité des solutions indigènes 111.
Même si l’évolution historique n’a pas remis en cause la
justice traditionnelle en la remplaçant purement et simplement
par la justice moderne, la colonisation de l’Afrique dans la
seconde moitié du XIXe siècle et l’organisation administrative
qu’elle impose dans les territoires conquis, va bouleverser en
profondeur l’organisation judiciaire. Le premier fait
caractéristique de cette période fut la politique indigène. Cette
politique qui visait, entre autres, l’implication des chefs
traditionnels dans l’œuvre de justice, avait été redéfinie par le
gouverneur Félix Eboué à la suite de la conférence de
Brazzaville de 1944 :

La colonie est composée de deux éléments stables : la


souveraineté française et l’autorité indigène issue de la
terre. Les administrations sont les représentants de la
souveraineté française, les chefs sont les tenants de
l’autorité locale…112.

Mais le rôle du chef indigène dans l’œuvre de justice est


considérablement réduit. En effet, il ne dispose d’aucune
compétence en matière judiciaire. Seule, lui est reconnue la

111
Pour un inventaire exhaustif de ces critères de distinction : V.E Le Roy,
op.cit., p.25.
112
F.Eboué, 1945, La nouvelle politique indigène, cité par E. Le Roy, op.
cit, p.102.

- 219 -
faculté de concilier en matière civile et commerciale. Sa
compétence en matière pénale n’est pas reconnue113.
Le régime de l’indigénat fut remplacé par le décret du 19
novembre 1947 ayant introduit le code pénal d’outre-mer114.
Dans certaines colonies, les tribunaux indigènes s’étaient déjà
transformés en tribunaux coutumiers à partir de 1903115.
D’une manière générale, on remarquera qu’entre 1900 et
1960, la politique coloniale française s’était caractérisée par la
mise en place progressive d’une administration judiciaire de
type métropolitain, après la création des juridictions indigènes.
Pareille stratégie lui a permis d’assurer un meilleur contrôle
des colonies. Aussi, a-t-elle maintenu l’ordonnancement
judiciaire à trois niveaux. Au sommet de la pyramide se
trouvaient la cour de cassation et le Conseil d’Etat situés à
Paris. Les pourvois en cassation exigeaient donc des
justiciables des colonies des frais de voyage dont seuls les plus
nantis, donc les colons, pouvaient s’autoriser. Au deuxième
niveau, venaient les cours d’appel, l’une à Dakar, l’autre à
Brazzaville. Au troisième niveau se trouvaient les tribunaux de
première instance. Au plus bas niveau de l’échelle, se situait la
justice de paix abrogée en 1958.
Cet ordonnancement constitua l’étape la plus décisive de la
conquête coloniale française en Afrique dans le domaine
judiciaire. Il a marqué de son empreinte indélébile l’institution
judiciaire congolaise. Il est curieux, voire paradoxal, de

113
E. Le Roy, op.cit., p. 103. On rappellera, pour mémoire, que par
décret en date du 17 mars 1903 réorganisant la justice au Congo, la
législation métropolitaine était applicable au Congo français en matière
civile, commerciale et pénale. Voir, codes d’audiences, recueil de
codes et textes usuels, Ministère de la justice, République du Congo
Brazzaville, Ed. GIRAF et Agence intergouvernemental de la
Francophonie, 2001, p. 171.
114
E. Le Roy, op.cit., p. 105.
115
Ibid., pp.155-156.

- 220 -
constater à quel point cinquante ans après l’accès du Congo à
la souveraineté internationale, l’outil privilégié de la
domination coloniale reste un modèle fascinant.
Pourtant ce modèle imposé par la colonisation sera
abandonné quelques années après l’indépendance, au profit du
système marxiste. Ce dernier aura vécu jusqu’à la Conférence
nationale souveraine en 1991, avant de disparaître à son tour,
pour céder à nouveau le terrain au modèle issu de la
colonisation.

2. Maintien et éclipse du modèle juridique colonial


Le système juridique congolais issu de la colonisation s’est
maintenu au cours de la courte période qui s’étale de1960 à
1963. Après avoir régné sans partage, pourrait-on dire, dans
l’espace territorial de la jeune République du Congo
indépendante, il a connu une période d’éclipse sous la poussée
de l’idéologie socialiste naissante. Cette éclipse aurait pu
laisser croire à une disparition définitive du modèle hérité de la
colonisation, en raison de l’importation du modèle socialiste et
de la survivance du droit traditionnel et coutumier. Il n’en fut
cependant pas ainsi et la disparition momentanée de l’héritage
juridique colonial ne fut qu’apparente. La coexistence, voire la
juxtaposition de ces systèmes dans un même espace est
caractéristique de la situation juridique de la plupart des pays
colonisés. Cette dualité, ou pluralisme juridique, traduit toute
l’ambiguïté du système juridique congolais qui apparaît sinon
comme l’enfant bâtard de l’indépendance, du moins comme le
métis de la République. Il convient donc de rappeler les
mécanismes par lesquels cette justice coloniale s’est maintenue
au Congo après l’indépendance, et comment, malgré sa
disparition, elle a continué à sous-tendre l’univers juridique
congolais, amplifiant ainsi le phénomène du pluralisme
juridique car, au lieu de deux systèmes (marxiste et

- 221 -
coutumier), il en existera désormais trois, dont le système
colonial.

 Transfert des compétences en matière de justice


La justice congolaise post-coloniale est née le 12 juillet
1960. En effet, c’est à cette date que par un accord particulier,
la France a transféré à la République du Congo toutes les
compétences de la Communauté instituées par l’article 78 de la
constitution du 04 octobre 1958116. Dans une formule
solennelle, cet accord proclame à son article 1er : « La
République du Congo accède, en plein accord et en amitié
avec la République française, à la souveraineté internationale
et à l’indépendance par le transfert des compétences de la
Communauté ».
L’article 2 renchérit : « Toute les compétences instituées par
l’article 78 de la Constitution du 4 octobre 1958 sont, pour ce
qui la concerne, transférées à la République du Congo ».
Parmi les matières qui faisaient l’objet de cet accord,
figurait donc la justice. Mais le caractère partiel et restreint du
transfert de compétences en cette matière, ne faisait aucun
doute. Seules, étaient effectives les compétences relatives aux
tribunaux et à la cour d’appel, en raison de l’implantation de
ces juridictions sur le territoire congolais. En l’absence d’une
cour de cassation, la justice congolaise demeurait tributaire de
la France en matière de recours devant cette haute juridiction.
Cette dépendance judiciaire partielle fut scellée par un accord
relatif aux dispositions transitoires en matière de justice entre
la République Française et la République du Congo en date du
12 juillet 1960. Aux termes de l’article 1er de cet accord,
« jusqu’à l’installation par la République du Congo de la
juridiction de cassation compétente pour connaître des recours

116
Accord particulier portant transfert à la République du Congo des
compétences de la Communauté, Paris, 12 juillet, J.O.R.C.1960, p.553.

- 222 -
formés contre les décisions rendues par les juridictions
congolaises de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, ces
recours continueront d’être portés devant les formations
spéciales du conseil d’Etat et de la cour de cassation » à Paris.
Cet accord avait par ailleurs maintenu la réciprocité entre les
deux pays en matière d’exécution des décisions de justice. En
vertu de son article 2, « Les décisions rendues par les
juridictions siégeant sur le territoire de la République du
Congo continueront, jusqu’à la fin de la période transitoire
prévue à l’article premier, à être exécutées sur territoire de
l’autre Etat… »117. L’ensemble de ces accords fut entériné par
la loi du 28 juillet 1960 portant ratification des accords de
transfert de compétences passés entre la République française
et la République du Congo118.
Le transfert intégral des compétences en matière de justice à
la République du Congo ne devint effectif qu’après la création
de la cour suprême, comme l’exigeait l’article 1er de l’accord
sus-indiqué. Pour la première fois dans l’histoire de la
République, cette juridiction fut créée par la Constitution du 2
mars 1961, en son article 58.
Conformément aux prévisions de ce texte, elle devait
comprendre quatre chambres : la chambre constitutionnelle, la
chambre judiciaire, la chambre administrative et la chambre
des comptes.
La détermination de sa composition, son organisation, ses
attributions et son fonctionnement était du domaine de la loi.
Celle-ci intervint le 20 janvier 1962119. Aux termes de cette loi
la cour suprême était compétente en matière constitutionnelle,
judiciaire, administrative et électorale. Elle fut installée le 20
117
Accord relatif aux dispositions transitoires en matière de justice entre la
République française et la République du Congo, J.O.R.C. 1960, p554.
118
Ibid.
119
Loi n° 4-62 du 20 janvier 1962 portant création de la cour suprême,
J.O.R.C. 1962, p149.

- 223 -
janvier 1962 et assure son service dès cette date, à la suite du
décret du 12 juin 1962 portant application de la loi du 20
janvier 1962 relative à la création de la cour suprême120. A
partir de cette date les pourvois en cassation formés contre les
arrêts de la cour d’appel de Brazzaville n’étaient plus portés
devant la cour de cassation à Paris, mais au Congo. C’est donc
à la suite de la création et de l’organisation de la cour suprême
que le cordon ombilical a été définitivement rompu entre la
France et la République du Congo dans le domaine de la
justice, tout au moins au niveau de la prise en charge et de la
gestion de ce domaine.
On relèvera toutefois que cette évolution n’est pas exclusive
aux juridictions de l’ordre judiciaire. En effet, pendant la
longue épopée coloniale au Congo, les juridictions
administratives en tant qu’entité judiciaire à part entière n’ont
jamais existé. La création de la justice administrative remonte
à un décret du 30 juin 1959 relatif aux contentieux
administratifs121. A la suite de ce décret, le tribunal
administratif fut créé à Brazzaville pour la première fois.
Pourtant l’organisation judiciaire de la période post-coloniale
n’en a jamais tenu compte. La loi du 11 janvier 1961 fixant
l’organisation judiciaire n’avait pas reconnu le tribunal
administratif dans sa fonction de dire le droit au même titre
que la cour d’appel, la cour criminelle, les tribunaux de grande
instance, les tribunaux d’instance et les tribunaux de
commerce122. C’est par la loi n°06/62 du 20 janvier 1962
fixant la compétence de la cour d’appel et des tribunaux de
grande instance que « fut formellement établie la justice

120
Décret n°62-165 du 12 juin 1962 portant application de la n°4-62 du 20
janvier 1962 portant création de la cour suprême, J.O.R.C. 1962, p543.
121
A. Iloki, 2006, Le recours pour excès de pouvoir au Congo,
L’Harmattan, p.19.
122
A. Iloki, Ibid.

- 224 -
administrative »123. Cette émergence douloureuse des
juridictions de l’ordre administratif est symptomatique des
balbutiements du début de l’indépendance. Faute d’avoir pu
inventer son propre système judiciaire au lendemain de son
indépendance, sans doute en raison de l’impréparation, le
Congo restera tributaire du modèle français pendant quelques
années.
En dépit de son instabilité tenant aux circonstances
politiques de l’époque, ce modèle a néanmoins connu un
certain essor avec la création d’autres juridictions de type
français dans le paysage judiciaire congolais, et leur
organisation s’est perfectionnée progressivement. Il en fut
ainsi de la création de la Haute Cour de justice par la
Constitution du 2 mars 1961 (art. 64-66), maintenue par la
Constitution du 8 décembre 1963 (art. 75-80). Elle est
compétente pour juger les membres du gouvernement en
raison des crimes ou des délits accomplis dans l’exercice de
leurs fonctions. La responsabilité du président de la
République peut être engagée devant cette juridiction en cas de
haute trahison. Pour la première fois, son fonctionnement et sa
composition furent organisés par une ordonnance du 24
décembre 1963124. Depuis cette date jusqu’à nos jours, toutes
les constitutions successives ont toujours institué cet organe.
Pendant les cinquante années de l’indépendance du Congo, la
haute cour de justice n’a jamais siégé.

 Disparition apparente du modèle colonial et


ambiguïté du système juridique congolais
Après le soulèvement populaire des 13,14 et 15 août 1963,
la vie politique congolaise prend une orientation nouvelle.

123
Iloki, op. cit.
124
Ordonnance n°63-26 du 24 décembre 1963 portant organisation de la
Haute cour de justice, J.O.R.C. 1964, p12.

- 225 -
Cette période politique agitée a abouti à la création en 1964
d’un parti unique, le Mouvement national de la révolution
(M.N.R), par une loi du 20 juillet 1964125. Ce climat politique
nouveau fut déterminant pour une nouvelle orientation de
l’institution tournée vers le socialisme. Par une loi en date du 9
septembre 1964, le tribunal populaire fut créé126. Dans la
tourmente, le Congo venait ainsi de tourner une page de
l’histoire de son système juridique. Cette séquence, sur
laquelle nous reviendrons, consacre la disparition du modèle
juridique hérité de la colonisation, pour faire désormais la part
belle au modèle importé des pays communistes. Cependant, à
y regarder de près, cette disparition n’est qu’apparente. La
réalité des faits laisse plutôt penser à une absence de rupture et
à un attachement au modèle français127. Sous un autre angle, la
résistance du droit traditionnel et coutumier est si tenace que
rien ne permet de conclure, ici encore, au triomphe absolu du
modèle marxiste.
La persistance du modèle français est perceptible à bien des
égards. On rappellera, entre autres, que les tribunaux congolais
étaient devenus certes des juridictions populaires d’inspiration
marxiste, mais la cour suprême de type français, qui n’avait
pas changé d’appellation, a continué à jouer son rôle d’organe
régulateur de l’ensemble du système juridique national. De
même, les juges non professionnels appelés à siéger dans ces
tribunaux, n’avaient qu’un rôle purement symbolique dans les

125
Loi n° 25-64 du 20 juillet 1964 portant institution du Parti unique,
J.O.R.C. 1964, p 637.
126
Loi n° 24-64 du 09 septembre 1964 portant création du Tribunal
populaire, J.O.R.C. 1964, p753.
127
J.-M. Breton, 1997, « Portée et limites de la réception des modèles
exogènes : réflexion sur la socialisation du système juridique dans
l’expérience marxiste congolaise (1963-1991) », in La création du droit
en Afrique, sous la direction de D. Darbon et F. du Bois de Gaudusson,
Paris, Karthala, p.247 et p.253.

- 226 -
affaires importantes en raison de leur absence de qualification,
laissant ainsi aux juges professionnels, formés selon le modèle
français, le rôle le plus important128.
Quant à la survivance du droit traditionnel et coutumier, elle
se manifeste de manière éclatante par la prise en compte de
certaines institutions congolaises qui échappent à la conception
juridique des modèles importés. Il en est ainsi de la répression
de la sorcellerie. L’article 264 du code pénal congolais
incrimine les pratiques de sorcellerie, magie ou charlatanisme.
Ce texte punit de peines d’escroquerie « quiconque aura
participé à une transaction commerciale, ayant pour objet
l’achat ou la vente d’ossements humains ou se sera livré à des
pratiques de sorcellerie, magie ou charlatanisme … ». De
même, mutatis mutandis, la loi du 25 juin 1964 réprime les
sociétés secrètes dites « Andzimba » et toutes autres sociétés
secrètes assimilées, au titre de l’association de malfaiteurs129.
Son article 1er dispose : « les sociétés sécrètes dites
« Andzimba » et toutes autres sociétés secrètes similaires ayant
pour but de préparer ou de commettre les crimes contre les
personnes, sont des associations de malfaiteurs au sens des
articles 265, 266 et 267 du code pénal ». La perception
cultuelle de la gravité du phénomène « Andzimba » dans la
société congolaise est perceptible à travers les dispositions de
ce texte. Sa sévérité est telle que le législateur a privé les
auteurs de ces crimes du bénéfice des circonstances
atténuantes prévues à l’article 463 du code pénal congolais.
Ces dispositions qui ont coexisté avec le système colonial
d’abord, marxiste ensuite, témoignent de la vitalité du droit
coutumier. Sous un angle différent, la reconnaissance de la
polygamie par les articles 135 et 136 du code congolais de la
famille, participe à la même logique.

128
J.-M. Breton, op.cit., p.254.
129
Codes d’audiences, op.cit., p.245.

- 227 -
L’ensemble de ces facteurs a fait du système juridique
congolais un modèle syncrétique. Son mérite est sans doute
d’avoir fait coexister sur un même territoire des courants
contradictoires et antagonistes. Faute de pouvoir les concilier,
il n’a pas su trouver la voie médiane, laissant ainsi libre cours
à une confrontation dans laquelle seul le modèle français a eu
raison des autres. Il n’a connu une longue période d’éclipse
que pour réapparaître à la suite de l’échec du modèle marxiste.

3. Renaissance du modèle colonial après la Conférence


nationale souveraine de 1991
Le retour au modèle juridique français hérité de la
colonisation a fait sa réapparition dans le paysage de la justice
congolaise à la suite de l’échec du modèle soviéto-marxiste à
la fin des années 90. L’objectif marxiste de « désaliénation
culturelle, dans le domaine juridique, n’a pu réussir à gommer
l’héritage colonial »130. La Conférence nationale souveraine a
été l’occasion pour la justice congolaise de réaffirmer son
attachement aux valeurs libérales d’origine coloniale. Ce
retour s’est fait au prix de multiples réformes dont l’objectif
était le réaménagement des institutions judiciaires.
Le ton de ces réformes, qui consacrent le retour au modèle
juridique libéral, avait été donné par l’Acte fondamental du 4
juin 1994 portant organisation des pouvoirs publics durant la
période de transition131. Dans son article 76, cet Acte
fondamental a laissé au législateur le soin d’organiser le
fonctionnement des juridictions, tandis que son article 87 avait
abrogé les lois et règlements antérieurs qui lui étaient
contraires. Par ces dispositions, la Conférence nationale venait
ainsi de proclamer le retour au modèle d’inspiration coloniale.

130
J.-M. Breton, op.cit., p. 264.
131
Acte fondamental portant organisation des pouvoirs publics durant la
période de transition, J.O.R.C. juin 1991.

- 228 -
Toute une série de réformes se succédera par la suite, dans le
domaine des juridictions de droit commun et en matière de
juridictions politiques.
Sur le terrain des juridictions de droit commun, il importe
de rappeler que ce mouvement de réformes commence avec
l’acte n°076 de la Conférence nationale en date du 21 juin
1991 portant changement des appellations des juridictions132.
A partir de cette date, les tribunaux populaires d’obédience
marxiste ont été supprimés au profit de dénominations
anciennes héritées de la colonisation. Ainsi, l’appellation cour
d’appel remplaçait celle de tribunal populaire de région ou de
la commune autonome de Brazzaville, le tribunal de Grande
Instance se substituait au tribunal populaire d’arrondissement,
le tribunal d’instance reprenait ses droits sur le tribunal
populaire de quartier ou tribunal populaire de village-centre.
La loi du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir
judiciaire133, ainsi que les lois postérieures qui l’ont modifiée
ou complétée134, ont définitivement entériné cette évolution.
La cour suprême dont l’appellation n’a jamais changé, n’a
connu que quelques aménagements successifs au gré des
reformes. Son rôle a été déterminant pendant les
tergiversations politiques du début des années 90. Pendant
longtemps, on se souviendra de son avis en date du 3 avril
1993, émis à propos du sens et de la nature de l’article75 de la
Constitution du 15 mars 1992, notamment sur le concept de

132
Acte n°076 du 21 juin 1991 portant changement des appellations des
juridictions, Codes d’audiences, p.158.
133
Loi n°22-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir
judiciaire en République du Congo, in Recueil des lois, de1991à1994,
par J.C. Mavila et G. Longombe (Eds.), Mission française de
coopération et d’action culturelle, p.147.
134
Loi n°19-99du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines
dispositions de la loi n°022-92du 20 août 1992 portant organisation du
pouvoir judiciaire, Codes d’audiences, p.648.

- 229 -
« majorité parlementaire à l’Assemblée Nationale », et sur la
nature et le contenu de l’obligation présidentielle qui en
découlait dans le choix du Premier ministre.
Du point de vue des juridictions politiques, on fera observer,
sans prétendre à l’exhaustivité sur ce bilan, que la présence du
conseil constitutionnel dans le paysage judiciaire congolais,
rappelle avec force, l’attachement de notre système juridique
au modèle français. Sous tous les angles, leur identité est
parfaite : identité dans la composition (neuf membres) et le
mode de désignation des membres, similitude dans les
compétences, l’organisation et le fonctionnement.
L’on se souviendra aussi, pendant longtemps encore, de sa
décision du 19 juillet 1997 135 relative à la prorogation des
délais de l’élection présidentielle de 1997 et, subséquemment,
du mandat du président Pascal Lissouba.
Depuis la Constitution du 20 janvier 2002, la cour
constitutionnelle s’est substituée au conseil constitutionnel. Ce
changement de nom, sans incidence sur la nature et le rôle de
cette institution, ne comporte aucune originalité par rapport au
modèle français.
L’attrait de ce modèle est en partie le témoignage de
l’enracinement congolais dans la culture de l’ancienne
puissance coloniale. Les effets psychologiques de ce lien
historique et culturel entretenu depuis plus d’un siècle seraient,
pensons-nous, l’une des explications de l’inadaptation et, par
conséquent, de l’échec du système juridique marxiste.

II - Le modèle marxiste et son échec

L’importance du modèle juridique de type soviéto-marxiste


était le corollaire d’un choix politique fondé sur l’idéologie des
pays communistes de l’Europe de l’Est. Le Congo a vécu une

135
Cons. const., Décision n°001/97 du 19 juillet 1997.

- 230 -
longue expérience marxiste au cours des trois premières
décennies de son indépendance, expérience qui s’est achevée,
on le sait, avec la Conférence nationale en 1991.
Cette expérience permet désormais, avec le recul du temps,
une observation exhaustive, parce qu’elle est achevée et
enfermée dans un espace de temps clos 136. A ce titre, plus que
le modèle français qui a refait surface, elle se prête aisément à
une analyse qui permet d’en dresser un bilan définitif à travers
sa genèse, son développement et la survenance de son terme.
Dans ce voyage à travers les cinquante ans de l’histoire de
la justice congolaise, il importe donc de marquer un temps
d’arrêt sur cette séquence qui semble, selon toute prévision,
révolue à jamais. Un indicateur retient notre attention à cet
effet : la disparition des juridictions de droit commun et
d’exception d’obédience marxiste. A la différence des
juridictions du modèle français qui n’avaient connu qu’une
suspension momentanée et apparente, et qui sont réapparues
par la suite, celles de type marxiste ont disparu sans laisser la
moindre trace. Les conditions de leur disparition après la
Conférence nationale ayant déjà été abordées, nous n’y
reviendrons que pour insister sur leurs particularités et leur
fonctionnement.

1. Naissance et disparition des juridictions de droit


commun de type marxiste
C’est une loi du 21 avril 1983 portant réforme de la justice
en République Populaire du Congo137 qui avait instauré un
système de justice populaire d’obédience marxiste. Pour siéger
dans ces juridictions populaires, les juges non professionnels
étaient élus sur des critères et par les instances politiques.

136
J.-M Breton, op.cit., p. 248
137
Loi n° 53-83 du 21 avril 1983 portant réforme de la justice en
République Populaire du Congo.

- 231 -
Cette loi témoignait de la volonté du gouvernement de
l’époque d’élaborer un droit socialiste de type marxiste-
léniniste138. Elle fut complétée par celle du 21 avril 1983
portant code de procédure civile, commerciale, administrative
et financière139. Force est de préciser que la dénomination
tribunal populaire s’appliquait aux seules juridictions de fond,
à l’exception de la cour suprême. Suivant leur niveau dans la
hiérarchie judiciaire, on trouvait les tribunaux populaires de
village ou de quartier, les tribunaux populaires de district ou
d’arrondissement, les tribunaux populaires de région ou de
commune.
Dans le paysage judiciaire congolais de l’époque, ces
tribunaux populaires ont été confrontés, eux aussi, à la
résistance du modèle judiciaire traditionnel et coutumier. On
assiste, comme à l’époque du modèle français au lendemain de
l’indépendance, à la coexistence du système soviéto-marxiste
et coutumier. Mais au-delà de cette dualité, la situation était
plus complexe dans la mesure où le système français
continuait à opposer sa résistance. Cette cohabitation à trois, si
invraisemblable qu’elle pût paraître, ne laissait guère augurer
un avenir meilleur au modèle marxiste. A une époque où la
propagande marxiste était à son apogée, on a connu,
paradoxalement, des procès retentissants mettant en cause les
membres des sociétés secrètes « Andzimba ». Dans le même
temps, les tribunaux coutumiers continuaient à défier, sur leurs
terres congolaises, le modèle judiciaire importé des
républiques socialistes soviétiques.
L’une des illustrations la plus saisissante de cette situation
fut, le tribunal coutumier du chef Ta-Nkewa situé à Bacongo.
On rappellera, en effet, que ce tribunal avait émergé sur la base

138
J.-M. Breton, op.cit., p. 250.
139
Loi n°51-83du 21 avril 1983 portant code de procédure civile,
commerciale, administrative et financière, Codes d’audiences, p.127.

- 232 -
d’un décret du 26 juillet 1944. Cette juridiction coutumière qui
recourait à la conciliation, mais aussi à des condamnations
sans textes, « fonctionnait ainsi hors du dispositif officiel mais
avait une légitimité si forte que le Parti congolais du travail,
parti unique de type soviétique, avait bien du mal à en
contrôler le fonctionnement selon les critères populaires »140,
autrement dit selon des critères marxistes. A tous les points de
vue, elle fonctionnait exclusivement sur la base des principes
du droit coutumier, sans la moindre référence aux critères du
système juridique dit moderne.
Comme précédemment indiqué, c’est par acte n°076 du 21
juin 1991 que la Conférence nationale a définitivement mis un
terme aux juridictions de droit commun de type marxiste.
Mais, l’aventure judiciaire marxiste a été surtout marquée par
les abus et les dérives des juridictions d’exception.

2. Naissance et disparition des juridictions d’exception


de type marxiste
Les juridictions d’exception sous coloration socialiste et
marxiste sont apparues dans l’histoire de la justice congolaise
à des fins politiques. Elles étaient destinées, en effet, à
sauvegarder l’ordre politique contre toute atteinte extérieure et
intérieure .Aussi, les procès retentissants organisés à cet effet
mettaient souvent en cause ceux qui étaient considérés comme
les « ennemis de la Révolution ». Le premier objectif
clairement affiché était donc la protection de l’ordre politique
contre ceux que le discours officiel de l’époque désignait par
le qualificatif « réactionnaire » 141. Toutefois, la compétence
de ces juridictions d’exception avait été étendue aux
infractions de droit commun.

140
E. Le Roy, op. cit., p.29 et sv.
141
Sous le parti unique marxiste, le terme « réactionnaire » désignait
l’opposant ou l’adversaire politique.

- 233 -
 Compétence
La création des juridictions d’exception de type marxiste
variait au gré des circonstances et de la nature des affaires. On
a vu apparaître tour à tour la cour martiale, la cour
révolutionnaire de justice, la cour révolutionnaire d’exception.
Elles étaient compétentes pour connaître toute les affaires
relatives aux atteintes à la sûreté intérieure et extérieure de
l’Etat. L’une de leurs particularités était d’être des juridictions
sui generis qui n’appartenaient ni aux juridictions de l’ordre
judiciaire, ni aux juridictions de l’ordre administratif. L’autre
trait caractéristique, qui témoignait de leur extrême sévérité,
était l’interdiction de toute voie de recours contre leurs
décisions.
La première juridiction du genre, après l’indépendance, a
été instituée par la loi du 9 septembre 1964 portant création du
tribunal populaire142. Suivant son article 2, « en cas de
menaces graves contre la révolution ou de trouble portant
atteinte à l’ordre publique ou à l’autorité de l’Etat, le président
de la République, après avis du bureau politique du parti,
devra par décret pris en conseil des ministres, décider de
l’installation du tribunal populaire pour réprimer les crimes et
délits spécifiés aux articles 3, 4, 5 et 6 et ceux commis depuis
le 15 août 1963 ». Du point de vu de la répression, on notait,
entre autres, la référence à la peine de mort et aux travaux
forcés.
Dans le même ordre d’idées, le régime provisoire de 1969
avait créé par l’ordonnance du 7 février 1969 la Cour
révolutionnaire de justice143 dotée des mêmes attributions que
le Tribunal populaire sus-indiqué. Mais, à la différence de

142
Loi n°24-64 du 09 septembre 1964 portant création du tribunal
populaire, J.O.R.C. 1964, p.753.
143
Ordonnance n°02-69 du 7 février 1969 portant création de la cour
révolutionnaire de justice, J.O.R.C. 1969, p.386.

- 234 -
celui-ci, la peine de mort ne figurait pas dans l’arsenal
répressif. La première session de la Cour révolutionnaire de
justice fut convoquée par décret en date du 6 mars 1969144; un
autre décret en date du 16 décembre de la même année en a
mis fin145.
Par ordonnance du 10 novembre 1969, la Cour martiale fut
installée pour juger toutes les personnes, auteurs, co-auteurs,
complices, prévenus d’attentat contre la sûreté de l’Etat
intérieure comme extérieure146. L’un des traits caractéristique
des abus de cette juridiction était l’impossibilité d’exercer
toute voie de recours contre ses décisions.
Pour les mêmes motifs, à une semaine d’intervalle, une
Cour révolutionnaire d’exception fut créée147.
Le 23 mars 1970, un coup d’Etat dirigé contre le régime du
Président Marien Ngouabi échoue. Par décret en date du 18
avril 1970, une commission criminelle exceptionnelle du
comité central du Parti congolais du travail (PCT), parti
unique, prononce des sanctions contre les fonctionnaires
inculpés indirects de ce coup d’Etat148.
Les sessions de ces juridictions se sont succédé jusqu’en
1978 lorsque, à la suite de l’assassinat du Président Marien
Ngouabi, une ordonnance du 2 janvier 1978 crée une Cour

144
Décret n° 69-114 du 6 mars 1969 portant installation de la Cour
révolutionnaire de justice, J.O.R.C.1969, p.143.
145
Décret n° 69-410 du 16 décembre 1969 mettant fin à la session de la
Cour révolutionnaire de justice, J.O.R.C. 1970, p.5.
146
Ordonnance n° 22-69-CNR du 10 novembre 1969 portant création de
la Cour martiale, J.O.R.C. 1969, p.571.
147
Ordonnance n° 24-69 du 18 novembre 1969 portant création d’une
Cour révolutionnaire d’exception, J.O.R.C. 1969, p 586.
148
Décret n° 70-119 du 18 avril 1970 prononçant des sanctions contre les
fonctionnaires inculpés indirects du coup d’Etat manqué du 23 mars
1970, J.O.R.C. 1970, p.207.

- 235 -
révolutionnaire d’exception149 chargée de juger les personnes
impliquées dans ce crime. Suivant les dispositions de son
article 2, « la Cour révolutionnaire d’exception est compétente
pour juger toutes les personnes, auteurs, co-auteurs et
complices d’attentat contre la sûreté intérieure et extérieure de
l’Etat. Elle est également compétente pour juger les personnes
qui ont concouru, facilité, aidé à la préparation et à la
consommation de l’assassinat du président du comité central
du Part Congolais du Travail, président de la République, chef
de l’Etat, le camarade Marien Ngouabi ». A la même date, un
décret portant nomination des membres de la Cour
révolutionnaire d’exception150 organise la composition de cette
juridiction. Le siège de Président est confié à Charles
Assemékang, celui de Vice-président est occupé par Richard
Eyeni. Le siège de commissaire du gouvernement et celui de
Vice-commissaire du gouvernement sont respectivement
occupés par Jacques Okoko et Gilbert Mampouya. Sept
membres sont également nommés. L’extrême sévérité de cette
juridiction apparaît également dans les dispositions de l’article
2 de l’ordonnance : « les décisions rendues par la Cour
révolutionnaire d’exception ne sont susceptibles d’aucun
recours ». Des condamnations à la peine capitale furent
prononcées à l’issue de l’audience.
La succession d’événements politiques de 1960 à 1977,
année de l’assassinat du Président Marien Ngouabi, fut telle
que ces juridictions d’exception eurent le vent en poupe. Sans
être exhaustif, on ne saurait toutefois terminer ce tableau sans
évoquer la Cour de sûreté de l’Etat créée par une ordonnance

149
Ordonnance n° 01-78 du 02 janvier 1978 portant création de la Cour
révolutionnaire d’exception.
150
Décret n° 78-01 du 2 janvier 1978 portant nomination des membres de
la Cour révolutionnaire d’exception.

- 236 -
du 29 août 1978151. Elle était compétente pour connaître des
crimes et délits relatifs aux événements du 14 août 1978 :
affaire Dieudonné Miakassisa, Félix Mouzabakani, Bernard
Kolelas, Robin Wamba et autres.

 Extension de compétence
Sur le plan politique, la période qui précède l’assassinat du
Président Marien Ngouabi se caractérise par la radicalisation
de la pensée marxiste-léniniste. Cette prise de position extrême
conduit les instances du parti unique à traiter avec fermeté tous
ceux qui, même en son sein, seraient tentés de s’écarter des
principes et des orientations marxistes. Aussi, la menace
politique ne vient plus seulement de l’extérieur, mais de
l’intérieur. La meilleure manière d’y faire face était l’extension
de la compétence de la Cour révolutionnaire de justice à des
actes qui lui échappaient traditionnellement, et dont certains
auteurs appartenaient à l’élite du Parti. Tel est le sens de la loi
du 5 août 1976, qui donne compétence à la cour
révolutionnaire de justice en matière d’ « infractions pénales
de nature à porter atteinte directement au crédit du parti et de
ses organisations de masse, les infractions pénales de nature à
porter atteinte directement au crédit de l’Etat, à entraver son
développement économique ou nuire à son équilibre
financier »152. Au nombre de ces infractions figuraient, entre
autres, la concussion, la corruption de fonctionnaire, le
détournement de deniers publics, etc.

151
Ordonnance n° 33-78 du 29 août 1978 portant création de la cour de
sûreté de l’Etat.
152
Loi n° 30-76 du 5 août donnant compétence à la Cour révolutionnaire
de justice et organisant la procédure applicable en matière de crimes et
délits de détournement de deniers publics, d’escroqueries au préjudice
du parti et des organisations de masse, de l’Etat, de sabotage
économique.

- 237 -
Ces juridictions d’exception ont pu siéger jusqu’au milieu
des années 80. La Conférence nationale de 1991, en sonnant le
glas du régime politique d’obédience marxiste, les a du même
coup entraînés dans l’abîme. L’expérience juridique du
marxisme aujourd’hui close, n’a eu qu’un caractère éphémère
dans un paysage socio-culturel congolais marqué par son
attachement à l’ancienne puissance coloniale.

III – L’Etat actuel de la justice congolaise

A la suite de l’échec du modèle marxiste, la justice


congolaise, on l’a vu, reste marquée à jamais par la persistance
du modèle français hérité de la colonisation. Ce système
judiciaire officiel instauré sous l’ère coloniale perdure en dépit
de son inadaptation à certaines réalités locales. A l’heure où le
Congo célèbre les cinquante ans de son indépendance, cette
situation appelle, plus qu’à toute autre époque, un diagnostic
de l’institution judiciaire à l’effet d’apprécier les avancées
réalisées et les échecs subis.
Dans sa fonction traditionnelle, en effet, la justice est un
facteur de paix sociale et de progrès. A ce titre, son rôle est
incontestablement le plus déterminant dans la consolidation de
l’Etat de droit que les Congolais appellent de leurs vœux. De
ce point de vue, la seule question qui vaille, après cinquante
ans d’indépendance, est celle de la capacité d’appropriation et
d’une parfaite maîtrise de cette institution judiciaire de type
colonial. Le progrès social et la consolidation de l’Etat de droit
auxquels il est fait allusion sont déterminés par cette capacité à
maîtriser et à faire progresser l’instrument judiciaire. De son
échec, découlera celui de notre modèle social tout entier. Tel
un miroir qui nous renvoie notre propre image, un regard sans
complaisance sur notre justice nous aidera à mieux
comprendre nos propres balbutiements dans la construction de
l’édifice national. Le diagnostic doit être établi avant l’examen

- 238 -
des réformes les plus récentes déjà réalisées, et d’autres qui
restent à entreprendre.

1. Diagnostic
C’est un constat unanime suivant lequel la justice
congolaise est malade. De l’avis de tous, elle n’a connu aucune
évolution notable depuis les premières années de
l’indépendance du Congo, jusqu’à nos jours. On notera
toutefois que ses maux se situent à deux niveaux : le premier
niveau est celui des structures, le second est relatif aux acteurs
de la justice.

 Structures
On rappellera que le texte de base qui fixe l’organisation du
pouvoir judiciaire en République du Congo est la loi du 20
août 1992, modifiée et complétée par celle du 15 août 1999153.
Aux termes de l’article 1er de cette dernière loi, et en vertu des
dispositions de la Constitution du 20 janvier 2002 relatives au
pouvoir judiciaire, de même que les constitutions qui l’ont
précédée, « la justice est rendue au nom du peuple congolais »
par un seul ordre de juridictions.
D’une manière générale, la carte judiciaire congolaise
compte 103 juridictions réparties comme suit : une cour
suprême ; une cour des comptes et de discipline budgétaire ;
cinq cours d’appel situées à Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie,
Owando, et Ouesso ; quatorze tribunaux de Grande instance,
dont douze sont fonctionnels, notamment à Brazzaville,
Pointe-Noire, Dolisie, Owando, Ouesso, Impfondo, Ewo,
Sibiti, Madingou, Mouyondzi, Djambala, et Kinkala, étant
précisé que les deux situées à Gamboma et à Mossendjo ne

153
Loi n° 022/92 du 20 août 1992 ; Loi n° 19-99 du 15 août 1999
modifiant et complétant la loi n° 022-92 du 20 août 1992 portant
organisation du pouvoir judiciaire.

- 239 -
sont pas fonctionnels faute de cadre de travail et de personnel ;
soixante-quatorze tribunaux d’instance dont six tenus par les
magistrats sont fonctionnels : quatre situés à Brazzaville (Poto-
Poto, Makélékélé-Bacongo, Mfilou et Talangaï ), deux à
Pointe-Noire (Tsié-Tsié et Tchinouka). Certains tribunaux
d’instance sont animés par des greffiers tandis que d’autres
n’ont d’existence que sur le papier ; deux tribunaux de travail,
dont un situé à Brazzaville et l’autre à Pointe-Noire ; deux
tribunaux de commerce situés à Brazzaville et à Pointe-Noire ;
quatre tribunaux pour enfants situés respectivement à
Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie et Ouesso.
En raison d’énormes difficultés que connaît l’ensemble du
système judiciaire, le Congo, soucieux de consolider l’Etat de
droit, n’a eu d’autre choix que de solliciter l’aide de ses
partenaires extérieurs. C’est dans ces conditions qu’au cours
de l’année 2004, un accord dénommé ACP COB 8 est
intervenu entre le gouvernement congolais et l’Union
Européenne. L’unité Technique de mise en œuvre en est le
projet d’appui à l’Etat de Droit (PAED), installé à Brazzaville.
Au nombre d’études et de projets déjà réalisés, on retiendra ici
le diagnostic de la justice sur l’ensemble du territoire154. Le
constat général dressé à cet effet est accablant.
De cette étude, il ressort que les différentes juridictions
auxquelles il est fait allusion sont confrontées à de graves
difficultés de fonctionnement. A quelques exceptions près,
indique le rapport, les juges des tribunaux d’instance par
exemple, « lorsqu’un bâtiment existe, sont rarement sur place.
Ils élisent domicile au siège du tribunal de Grande Instance,
alors que des fonds sont attribués chaque année dans le budget
de l’Etat pour le fonctionnement des Tribunaux d’Instance155.
Les dysfonctionnements de ces juridictions évoquées dans les

154
PAED, Diagnostic du secteur de la justice (inédit).
155
Rapport précité, p.5.

- 240 -
lignes qui précèdent, sont autant d’indices révélateurs de la
mauvaise santé du système judiciaire congolais.
On n’omettra pas de mentionner les conséquences des
troubles socio-politiques que le Congo a connus de 1993 à
2003 sur l’infrastructure judiciaire. La destruction des
bâtiments et des équipements (matériels et outils de travail,
mobilier de bureau, documentation, machines à écrire, etc.),
ont considérablement ruiné le fonctionnement d’un système
judiciaire déjà fragile. S’il est vrai par ailleurs, outre le fait des
violences que le pays a connues, que les infrastructures et les
équipements des juridictions varient en fonction du lieu et de
la structure juridictionnelle, la situation n’est guère
satisfaisante dans l’ensemble. Aussi, l’état de vétusté des
infrastructures, la pénurie et le délabrement des équipements
sont, sans excès de langage, la règle dans la plupart de nos
juridictions.
Cet état de délabrement est souvent la conséquence de la
pénurie des ressources financières, une autre plaie de la justice
congolaise. En effet, les ressources financières des juridictions
et de l’ensemble des services judiciaires, sont essentiellement
constituées des dotations budgétaires de l’Etat, des provisions,
des frais de levée de grosses, de la vente des casiers judiciaires
et certificats de nationalité, de l’immatriculation au registre de
commerce et crédit mobilier. Les cours et tribunaux disposent
d’une partie des recettes des services judiciaires rendus par les
greffes. On s’accorde toutefois à reconnaître que les ressources
provenant des greffes ne sont pas toute enregistrées, et le
manque de contrôle des greffes donne lieu à des abus dans
l’emploi des recettes156.
L’administration pénitentiaire est rattachée désormais,
depuis plus de quinze ans, au ministère de la justice et des
droits humains, à l’instar de l’administration pénitentiaire

156
Rapport du PAED précité, p.5.

- 241 -
française. Elle dispose de 15 maisons d’arrêt, dont trois ou
quatre sont à peine fonctionnelles, suivant le rapport du projet
d’appui à l’Etat de droit (PAED) : ce sont celles situées à
Brazzaville, Owando, Madingou, et Pointe-Noire. La capacité
d’accueil de l’ensemble des maisons d’arrêt est de 1000
détenus. Elles emploient plus de 250 agents dont une partie
relève de la force publique. En l’état actuel des choses, il
n’existe encore ni corps de fonctionnaires pénitentiaires, ni
filière de formation spécifique.
En 2007, la maison d’arrêt de Brazzaville, le plus important
établissement pénitentiaire du pays, était proche des limites de
sa capacité d’accueil qui est de 400 détenus, à en croire le
rapport sus-indiqué. Elle regroupait 381 personnes, parmi
lesquelles une dizaine de mineurs, 321 prévenus et 60
condamnés. Avec une capacité d’accueil de 200 personnes, la
prison de Pointe-Noire comptait la même année 140 détenus
dont 80 personnes en détention préventive. A Dolisie,
troisième ville du pays, l’inexistence d’une maison d’arrêt est
préoccupante. Les personnes poursuivies sont détenues dans
les cachots des locaux de la police et de la gendarmerie, en
principe réservés aux personnes gardées à vue, ce qui entraine
pour conséquence le non-respect des délais en matière de
garde à vue.
Outre la surpopulation carcérale, et en dépit de quelques
efforts de rénovation, les établissements pénitentiaires
congolais sont vétustes et sous équipés. Avec une ration par
jour dans la plupart des cas, le régime alimentaire des
prisonniers est déplorable. La durée des détentions préventives
est excessive, faute d’audiences criminelles régulièrement
organisées. Dans ces conditions de dysfonctionnement général,
l’objectif de réinsertion sociale des détenus est un vœu pieux.
Les maux qui affectent les structures judiciaires et
pénitentiaires sont aussi dénoncés en ce qui concerne les
acteurs judiciaires.

- 242 -
 Acteurs judiciaires
L’un des problèmes majeurs auquel la justice congolaise est
confrontée est celui des ressources humaines. Depuis son
accession à l’indépendance, le Congo accuse un déficit
chronique en personnel judiciaire. Loin de connaître la
moindre amélioration, la situation ne cesse de s’aggraver au fil
des années. Pour une population estimée à 3,5 millions
d’habitants, le pays ne dispose que d’un effectif de 254
magistrats. Ce chiffre dérisoire peut paraître rassurant eu égard
à la situation des autres pays de la sous-région. Le Cameroun,
avec une population de 12 millions d’habitants, ne compte que
552 magistrats ; le Gabon, avec une population de 1.011.710
habitants, dispose d’un effectif de 266 magistrats ; la
République centrafricaine, peuplée de 3 millions d’habitants,
compte, elle, 72 magistrats seulement ; de même, le Tchad
avec une population de 6.288.261 habitants, ne dispose que
d’un effectif de 105 magistrats157. On serait donc tenté de se
réjouir de cette comparaison, tant il est vrai que la similitude
entre notre pays et nos voisins pourrait constituer un motif de
satisfaction, sauf vis-à-vis du Gabon dont l’effort est plus
considérable dans ce domaine.
Mais, comparaison n’étant pas raison, le déficit chronique
du personnel de la magistrature au Congo est préoccupant à
plus d’un titre. On observe avec constance des écarts
considérables dans la répartition du personnel par juridiction.
Alors que dans certaines juridictions, on enregistre des
effectifs pléthoriques, dans d’autres le système est
dysfonctionnel faute d’une composition suffisante. Sur le
terrain, fort malheureusement, certains professionnels, sont

157
E. Le Roy, op.cit., p. 199. Ces chiffres que nous reprenons à notre
compte sont avancés ici sous réserve des changements éventuels
intervenus dans ces pays depuis la date de leur publication par l’auteur
cité.

- 243 -
contraints de cumuler plusieurs fonctions, au détriment des
principes essentiels des procédures en vigueur. Pour parer au
plus pressé, des recrutements des bénévoles ou des
contractuels, notamment au niveau des greffes, sont observés à
une échelle non négligeable et tendent à devenir légion.
A la fin des années 80 et au début des années 90, la
nomenclature des acteurs judiciaires s’est considérablement
renforcée grâce à une meilleure organisation de certaines
professions libérales et l’apparition de nouvelles professions
dans le paysage judiciaire congolais. C’est ainsi que, par une
loi en date du 29 septembre 1989, la profession du notariat a
été instituée158. La profession d’avocat, qui a longtemps
fonctionné sans cadre légal, est désormais régie par la loi du
20 août 1992159. Pendant longtemps également, la profession
d’huissier de justice n’était pas partie intégrante du système
judiciaire congolais. C’est à la faveur de loi du août 1992
qu’elle a été instituée160.
On dénombre actuellement 37 notaires au Congo. Leurs
études sont concentrées à Brazzaville et à Pointe-Noire.
L’ordre national des avocats compte environ 155 avocats dont
131 titulaires sont répartis entre le barreau de Brazzaville (57
avocats) et le barreau de Pointe-Noire (74 avocats). La
profession d’huissier de justice compte 77 membres concentrés
à Brazzaville et à Pointe-Noire.
L’ensemble de ces professions est confronté à des sérieuses
difficultés susceptibles de compromettre leur efficacité. On
relève notamment une insuffisance de formation, la
concurrence d’autres acteurs dans l’exécution des décisions de
justice - policiers, magistrats -, réduisant ainsi à peu de choses
158
Loi n° 17/89 du 29 septembre 1989 portant institution du notariat.
159
Loi n°026-92 du 20 août 1992 portant organisation de la profession
d’avocat.
160
Loi n°027-92 du 20 août 1992 portant institution de la profession
d’huissier de justice.

- 244 -
près le domaine d’intervention des huissiers de justice. On
note également l’inefficacité, voire l’inexistence des mesures
disciplinaires, etc.
La situation est d’autant plus préoccupante que seule une
partie des acteurs judiciaires (magistrats, avocats, greffiers)
bénéficie d’une formation professionnelle initiale. Celle-ci est
assurée par l’Ecole nationale de l’administration et de la
magistrature (ENAM), et par l’Ecole nationale moyenne
d’administration (ENMA). Toutefois, le problème de la
formation à l’ENAM en particulier nécessite une étude
poussée en vue de la révision des programmes, afin de
permettre leur meilleure adaptation aux besoins du marché de
l’emploi.
On indiquera néanmoins que la formation initiale dispensée
aux acteurs de la justice a été complétée depuis quelques
années, au niveau inter-Etats, par la formation au droit
OHADA. Celle-ci est assurée sous la forme de sessions
organisées par l’Ecole régionale supérieure de la magistrature
(ERSUMA), dont le siège est situé à Porto-Novo (Benin). Les
séminaires de restitution sont organisés au niveau des Etats
(parties au Traité OHADA) par les commissions nationales
OHADA.

 Déontologie
Au-delà des difficultés relatives aux infrastructures et aux
ressources humaines, la justice congolaise reste marquée par
des problèmes d’éthique et de déontologie dont il serait aussi
imprudent qu’irresponsable de tenter d’en minimiser la portée.
A en croire le constat unanimement dressé par les institutions
nationales et internationales, mais aussi par les voix les plus
autorisées de la vie publique nationale, la justice congolaise est
malade du comportement de certains de ses acteurs.
Dans un paragraphe consacré à la gouvernance
administrative et judiciaire intégré dans le Document de

- 245 -
Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), le comité
national de lutte contre la pauvreté insiste sur quelques
faiblesses déontologiques de la justice congolaise. Il estime
que la « gouvernance judiciaire » se caractérise, entre autres,
par « le développement de la fraude, de la corruption et de la
concussion…, la confusion des rôles entre les services de la
justice et ceux de l’ordre public ; les arrestations arbitraires et
les gardes à vue abusives »161. Renchérissant dans le même
ordre d’idées, il soutient, sous la forme d’une formule
péremptoire, que « les causes principales de la corruption, de
la concussion et de la fraude sont l’absence de contrôle dans
l’administration, et le bas niveau des rémunérations et
l’inefficacité du système judiciaire »162.
Ce diagnostic général de la justice congolaise a suscité de
multiples réflexions. Il importe donc d’exposer, aussi
synthétiquement que possible, la nature et le contenu des
solutions déjà apportées, et celles qui font encore l’objet de
réflexions.

2. Solutions
« Aux grands maux, les grands remèdes ». Dans l’histoire
de la justice congolaise, il est temps, plus que jamais, de faire
de cet enseignement de la sagesse populaire le leitmotiv de la
réforme du système judiciaire. Quoique dans certaines
circonstances il y a loin de la coupe aux lèvres, dans le
domaine de la justice, nombreuses sont les solutions ou les
tentatives de solution qui sont apportées ou en voie de l’être,
même si par leur manque de rigueur, elles s’apparentent
souvent à des velléités.

161
Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, DSRP 2008-
2010, Ministère du plan et de l’aménagement du Territoire, p.28.
162
Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, op.cit., p.29.

- 246 -
On indiquera, pour illustration, que l’une des réformes les
plus importantes de cette première décennie du XXIè siècle est,
sans doute, la réforme de la carte judiciaire congolaise. En
effet, dix lois votées le 25 juin 2008 ont porté création de
certaines juridictions, ou modification du ressort d’un certain
nombre de tribunaux et cours d’appel. Il en est ainsi de la loi
n°12-2008 du 25 juin 2008 portant création de la cour d’appel
de Ouesso, des lois n°13-208, n°14-2008, n°15-2008 du même
jour créant respectivement les tribunaux de grande instance de
Kindamba, d’Oyo et de Mossaka. De même, les lois n°s 16-
2008 à 19-2008 de la même date ont respectivement modifié
les ressorts des tribunaux de grande instance de Gamboma, de
Kinkala, Brazzaville et Owando. Celles votées sous les nos 20-
2008 et 21-2008 ont porté modification du ressort des cours
d’appel de Brazzaville et d’Owando163.
Si la réforme est salutaire, en ce sens qu’elle vise, entre
autres, le rapprochement entre les justiciables et la justice, et le
désencombrement de certaines juridictions, il y a cependant
fort à craindre qu’elle soit confrontée à de graves difficultés en
raison du déficit du personnel judiciaire.
Parmi les avancées les plus significatives, on mentionnera
également la mise en place de la commission nationale de la
lutte contre la corruption164. Grâce à la loi du 22 septembre
2009 sur la corruption, la concussion, la fraude et les
infractions assimilées165, cette forme de délinquance est
désormais soumise à un régime juridique d’une grande
sévérité. Sévérité dans la qualification, car certains délits ont

163
J.O.R.C., 3 juillet 2008, pp. 1128-1129.
164
Décret n°2007-155 du 13 février 2007 portant réorganisation de la
commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la
fraude.
165
Loi n° 5-2009 du 22 septembre 2009 sur la corruption, la concussion,
la fraude et les infractions assimilées, J.O.R.C. 1er octobre 2009,
p.2449.

- 247 -
été transformés en crimes ; sévérité également dans la
répression en ce sens que le maximum de certaines peines a été
considérablement relevé.
Cette loi appelle un certain nombre d’observations, car en
dépit de l’objectif très louable poursuivi par le législateur, il y
a fort à craindre qu’elle se révèle inefficace, voire inutile, tout
comme la commission de lutte contre la corruption chargée de
l’appliquer. On fera observer à cet effet que les infractions de
corruption, de concussion, de fraude et les infractions
assimilées qui relèvent soit du droit pénal spécial commun
(extorsion, trafic d’influence, vol, escroquerie, recel, etc.), soit
du droit pénal des affaires (abus de biens sociaux, favoritisme,
blanchiment) font déjà partie de la nomenclature traditionnelle
du code pénal. Naturellement, il appartient aux juridictions
répressives d’appliquer les dispositions pénales y relatives. Il
est donc étonnant de voir le législateur extraire du dispositif du
code pénal une catégorie d’infractions pour prétendre en faire
une loi à part entière, sans le moindre souci d’innovation. La
loi n°5-2009 du 22 septembre 2009 apparaît ainsi comme un
doublon inutile.
Sous l’angle procédural, on pourra déplorer l’étonnant
transfert de compétence des organes judiciaire répressifs,
notamment la juridiction d’instruction et les organes chargés
de l’enquête préliminaire, vers un organe sui generis, la
commission de lutte contre la corruption, dont certaines
attributions sont contestables sur le plan juridique166. Certes, la
pression de la Banque mondiale et du Fonds monétaire
international a sans doute contraint le législateur congolais à
aller dans ce sens, mais dans un pays indépendant et souverain

166
Aux termes des articles 11 et suivants du décret du 13 février 2007, la
commission de lutte contre la corruption est compétente pour mener
des investigations ; elle est habilitée à saisir les autorités judiciaires et
reste soumise au respect du principe du contradictoire.

- 248 -
depuis cinquante ans, la réponse au problème de la corruption
est la répression pénale traditionnelle, sans pression des
institutions internationales.
Dans le système judiciaire comme ailleurs, le problème de
la corruption relève de l’éthique et de la déontologie. Dans
cette hypothèse, il appartient au Conseil Supérieur de la
magistrature, dont l’une des attributions est de veiller à la
discipline des magistrats, de se prononcer167. C’est dans ces
conditions que lors de sa session ordinaire du 4 mai 2009, il a
prononcé la révocation de onze magistrats des cours et
tribunaux168. Le motif de la révocation généralement évoqué
est exclusivement à connotation déontologique. Il s’agit du
« manquement grave aux devoirs de son Etat, à l’honneur, à la
délicatesse, et à la dignité de sa charge ».
Dans l’histoire de la justice congolaise, le fonctionnement
de cet organe n’a pas été régulier. Au cours de sa session
ordinaire sus-indiquée, il avait formulé une recommandation
relative à l’institution d’un code de déontologie du magistrat.
Dans la circulaire du 18 septembre 2009 relative à la feuille de
route du Gouvernement169, le président de la République avait
prescrit des mesures en ce sens.

On ne manquera pas de relever quelques progrès réalisés par


le projet d’appui à l’Etat de droit tels que l’informatisation des
greffes des tribunaux de grande instance de Brazzaville,
Pointe-Noire et Dolisie.

167
Loi organique n°22-2008 portant organisation, composition et
fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature, J.O.R.C, 31
juillet 2008, p.1627.
168
Procès-verbal de la session ordinaire du Conseil Supérieur de la
Magistrature du 4 mai 2009, inédit.
169
Circulaire n° 436 du 18 septembre 2009 relative à la feuille de route
du Gouvernement (inédit).

- 249 -
CONCLUSION

A l’image de la plupart des systèmes juridiques et


judiciaires des pays dont l’histoire est étroitement liée à la
colonisation, le modèle juridique congolais reste encore très
fortement marqué par la conjonction des influences
extérieures. La réception des modèles exogènes ne s’est pas
faite sans douleur. Si l’expérience marxiste n’est plus que le
souvenir d’un passé révolu, en revanche l’héritage colonial
français continue à peser de tout son poids, peut-être encore
pour très longtemps. L’ère du cinquantenaire de
l’indépendance du Congo s’est ouverte avec ce modèle
français et se referme avec lui. Souvent à la croisée des
chemins entre ses propres réalités et des modèles exogènes, le
système juridique congolais n’a pas encore trouvé sa voie.
L’expérience n’est guère satisfaisante. Certes, le système
français qui nous sert de modèle, a le mérité de la rationalité et
de la rigueur de ses concepts, mais l’obstination aveugle dans
son application à des réalités qui lui sont souvent étrangères,
conduira, à terme, à l’impasse. Si cette observation est connue
de tous, le plus difficile reste toujours d’imaginer la voie de
sortie. Cinquante ans après l’indépendance, aucune réflexion
sérieuse n’a pu être construite en ce sens, et nous sommes
encore réduits, comme par le passé, à mimer sans effort et avec
beaucoup de maladresses, le droit français.
Cette attitude passive aurait pu échapper au blâme ne serait-
ce que par un effort d’entretien et d’amélioration substantielle
des infrastructures judiciaires et des instruments juridiques
existants. Or, dans ce domaine, beaucoup d’efforts restent
encore à fournir, et nombreuses sont les pistes à explorer et à
exploiter. Il en est ainsi, entre autres, du renforcement de
l’indépendance du pouvoir judiciaire, de la réforme des codes
et d’autres textes, la construction, la réhabilitation et le
renforcement des infrastructures et de l’équipement, etc. Mais

- 250 -
en raison de l’ampleur de la tâche, le but à atteindre est encore
hors de portée.
Toutefois, dans le ciel brumeux de la justice congolaise, on
peut y percevoir quelques éclaircies. Tel est notamment le cas,
on l’a vu, de la réforme de la carte judiciaire et de
l’informatisation de certains greffes. Mais ces efforts sont
encore si timides que la sagesse et la prudence n’autorisent
pas, en l’état actuel des choses, un optimisme béat. Gageons
néanmoins que la célébration du centenaire de l’indépendance
de notre pays sera placée sous le signe de l’espoir.

- 251 -
CHAPITRE 9

LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET
TECHNOLOGIQUE AU CONGO (1960-2010)

Par Jean DIAMOUANGANA

INTRODUCTION GENERALE

Au lendemain de l’Indépendance, les hautes autorités


politiques congolaises reconnaissent que le secteur de la
science et de la technologie, s’il est manifestement tributaire
du développement national, il en est aussi le moteur. Ils ont, à
cet égard, amplement souligné les formes diverses de cette
influence :
- mise en lumière des mécanismes naturels et sociaux et de
leurs évolutions prévisibles qui éclairent la décision politique ;
- découverte et évaluation des ressources potentielles, qui
apportent une décision au développement ;
- renforcement de la capacité nationale à adopter et intégrer de
nouvelles technologies mises au service de la capacité
nationale de production ;
- création d’une capacité nationale d’innovation pour apporter
des améliorations décisives, qualitatives et quantitatives, à tous
les secteurs de l’économie nationale ;
- intensification de la coopération régionale et internationale.
Dans cette perspective, la science et la technologie ont été
élevées au rang de secteur à part entière, doté d’un appareil de
décision et d’exécution, et bénéficiant d’une reconnaissance
spécifique aux plans politique, administratif et budgétaire.

- 253 -
Quel regard peut-on, très objectivement avoir en direction
de la science et de la technologie au Congo sur le plan de leur
histoire, de leurs forces et de leurs faiblesses ?

I- Histoire

1-Avant l’indépendance
Les documents qui s’efforcent de faire le point sur la
recherche scientifique au Moyen-Congo sont assez épars.
Abraham Constant Ndinga Mbo170 en a fait une recension
exhaustive. Il en ressort qu’une abondante documentation
écrite sur l’activité scientifique au Congo date surtout de
l’après Seconde Guerre mondiale. Elle est à prendre dans
France Outre-mer et dans Industrie et Travaux d’Outre-mer.
De 1947 à 1959, plus de 130 numéros du Bulletin
d’Informations Economiques et Sociales, puis à partir de
janvier 1957 du Bulletin de Statistiques de l’Afrique
Equatoriale, ont été diffusés régulièrement par les services
statistiques de Brazzaville.
On peut citer comme publications proprement scientifiques,
qui peuvent être considérées comme des périodiques
africanistes ou tropicalistes : Cahiers d’Etudes Africaines
(elles continuent de paraître aujourd’hui), Cahiers d’Outre-
mer, Bulletin de la Société de Pathologie Exotique, Bois et
Forêts des Tropiques, L’Agronomie Tropicale, la Revue de
Botanique appliquée.
Il faut ranger dans cette catégorie de périodiques africanistes
le Bulletin de la Société des Recherches Congolaises avec 28
numéros parus à Brazzaville, de 1922 à 1941. Son relai a été
pris, après la Seconde Guerre mondiale, par le Bulletin de
l’Institut d’Etudes Centrafricaines, dont la série initiale (de

170
A. C. Ndinga Mbo, 2003, Pour une histoire du Congo. Méthodologie
et réflexions, Paris, L’Harmattan, pp.72-79

- 254 -
1945 à 1947) compte trois fascicules, et la nouvelle publiée de
1950 à 1960 sous l’égide de l’Office de la Recherche
Scientifique d’Outre-mer (ORSOM), puis l’Office de la
Recherche Scientifique et Technique d’Outre-mer (ORSTOM)
vingt. Cette collection s’achève avec les deux tomes (1962 et
1963) du Bulletin de l’Institut de Recherches Scientifiques au
Congo.
L’Institut d’Etudes Centrafricaines, créé en 1946, a été
jusqu’en 1959, un organisme du Gouvernement Général de
l’AEF, chargé des mêmes tâches que l’IFAN (Institut
d’Afrique Noire) en AOF, notamment l’inventaire scientifique
de l’AEF, l’étude de ses problèmes généraux et spéciaux, et le
rassemblement de la documentation. Il comprenait trois
centres :

- Brazzaville, avec les services de pédologie, biologie


végétale, hydrologie, sciences humaines ;
- Pointe-Noire, avec la station océanographique ;
- et Bangui, avec, au départ, l’observation géophysique,
auquel s’était ajoutée une section d’hydrologie.

Les travaux effectués par l’IEC ont été récapitulés dans le


n° 19-20 du Bulletin de l’Institut d’Etudes Centrafricaines. Le
chercheur pourra y consulter notamment :

- Trochain J. L., « Les études poursuivies par l’Institut


d’Etudes centrafricaines depuis sa création sur le
territoire de la République du Congo », p. 127-188 ;
- Soret M., «Les sciences humaines en République du
Congo, de 1948 à 1960 », p. 169-182.

Le chercheur tirera aussi profit, non seulement de


l’importante littérature « gestionnaire » de l’époque coloniale
(productions et documentations d’origine administrative), mais

- 255 -
aussi de nombreux travaux en sciences humaines ou sociales
publiés par les africanistes français dans le cadre de
l’ORSTOM, ou de sa filiale à Brazzaville, l’Institut d’Etudes
Centrafricaines. L’entreprise rentrait dans les préoccupations
du Haut-Commissaire de l’AEF Bernard Cornut-Gentille dans
son souci d’identifier et de classifier les problèmes de
développement de la Fédération. Cette production scientifique
africaniste comprend notamment des résultats d’enquêtes
publiés sous forme d’articles ou d’ouvrages de :

-Marcel Soret, pour la démographie ;


-Gilles Sautter, pour la démographie et la géographie
rurale ;
- Pierre Vennetier, pour la démographie économique ;
- Georges Balandier, pour l’anthropologie sociale.

Toujours dans le cadre de l’ORSTOM, des études


scientifiques financées par le Fonds d’Aide et de Coopération
(FAC) français ont été entreprises de 1960 à 1961 pour
l’établissement d’un plan de mise en valeur harmonieuse de la
Cuvette congolaise. La direction de cette mission d’études
avait été confiée à Maumon. Le célèbre agronome français
René Dumont avait fait partie de cette mission du 6 au 19 mai
1961 : son best-seller L’Afrique noire est mal partie171 est en
partie alimentée par les enquêtes réalisées au Congo, sous le
régime de l’Abbé Président Fulbert Youlou ! Le chercheur
pourrait tirer largement profit du « Rapport Maumon » qui
constitue une contribution très importante dans la connaissance
de la partie septentrionale du Congo.

171
R. Dumont, - 1961, Terres vivantes. Voyages d’un agronome autour
du monde, Paris, Terre Humaine ;
- 1962, L’Afrique noire est mal partie, Paris, Le Seuil.

- 256 -
Il convient de mentionner comme autre centre de recherches
créé à cette époque coloniale, plus précisément en 1939,
l’Institut Pasteur de Brazzaville (IPB) à l’issue de la mission
d’étude de la maladie du sommeil. L’Institut Pasteur se
consacrait à des recherches d’où devaient nécessairement
découler des applications pratiques utiles pour le bien-être des
populations. Les missions de cet institut ont porté surtout sur la
protection de la santé publique par le dépistage des maladies
endémiques, la préparation des vaccins assurant une lutte
efficace contre ces maladies et l’exécution de toutes les
analyses de laboratoire. Elles ont permis la poursuite de
certaines recherches ; par exemple la rage a pu être identifiée
par isolement et l’étude du virus rabique a été amorcée à
Brazzaville.
Il faut dire que l’IPB était l’un des creusets de la recherche
biomédicale et des actions de santé publique. Cet institut
appartenait au Réseau International des Instituts Pasteurs
rattachés à la communauté pasteurienne.

Au cours de cette période d’après-guerre, toutes les activités


de recherche scientifique et technique étaient organisées et
conduites au sein des institutions de l’administration coloniale
sous l’impulsion de l’intervention du Fonds d’investissement
et de développement économique et social (FIDES, 1947-
1958). En voici la liste :
- Institut de Recherche pour les Huiles et Oléagineux
(IRHO) ;
- Institut de Recherches Agronomiques Tropicales
(IRAT) ;
- Institut de Recherche du Coton et des Textiles
exotiques (IRCT) ;

- 257 -
- Institut des Etudes Centrafricaines (IEC), devenu par la
suite, Office de Recherche Scientifique et Technique d’Outre-
mer (ORSTOM) ;
- Centre Technique Forestier Tropical (CTFT).
Jusqu’en 1962, l’Institut d’Etudes Centrafricaines (I.E.C.)
regroupait les chercheurs de l’ORSTOM travaillant dans les
anciennes colonies françaises en Afrique équatoriale, à savoir
le Moyen-Congo, le Gabon, l’Oubangui-Chari et le Tchad. La
direction de l’I.E.C. était située à Brazzaville mais les
laboratoires étaient localisés à Brazzaville, Pointe-Noire,
Bangui, Libreville et Fort Lamy.
En 1960, ces laboratoires sont tous devenus des Centres
autonomes de l’ORSTOM. Le Centre ORSTOM de
Brazzaville était dénommé « Institut de Recherches
Scientifiques au Congo » (I.R.S.C.) entre 1961 et 1963.
En 1962, un second laboratoire souterrain a été ouvert à
Bitori, dans le district de Kindamba et ce, pour certaines
études d’entomologie médicale.

2-Après l’indépendance,
Au lendemain de l’indépendance, les pouvoirs publics
congolais ont commencé à doter le pays de textes permettant
l’intégration de la recherche et du développement expérimental
dans le développement économique et social. Les textes ci-
après peuvent être cités :

- décret n°60/277 du 23 septembre 1960 portant création


du Comité de recherche scientifique au Congo ;
- décret n°63/232 du 24 juillet 1963 portant création du
Conseil supérieur de la recherche scientifique et technique ;
- décret n°66/268 du 3 septembre 1966 portant création
du Conseil national de la recherche scientifique et technique.

- 258 -
Ces structures créées entre 1960 et 1966, n’ont pas
malheureusement donné à la recherche l’impulsion
escomptée. C’est ainsi que seront publiés les textes mettant
en place certains organismes:

- ordonnance n°9/69 du 28 mars 1969 portant création du


Laboratoire national de santé publique ;
- décret n°69/290 du 21 juillet 1969 portant organisation
et fonctionnement du Laboratoire national de santé publique ;
- décret n°76/9 du 17 janvier 1976 portant création du
département de la recherche scientifique auprès du Conseil
d’Etat ;
- décret n°76/10 portant nomination du Ministre délégué,
chargé de la recherche scientifique ;
- décret n°78/123 du 17 février portant création et
organisation du secrétariat général à la recherche scientifique
auprès du ministère des mines et l’énergie, chargé de la
recherche scientifique
- décret n°78/166 du 3 mars 1978 portant attribution et
organisation du ministère des mines et de l’énergie chargé de
la recherche scientifique ;
- décret n°79/358 du 30 juin 1979 portant nomination du
directeur général de la recherche scientifique et technique ;
- décret n°81/217 du13 avril1981 portant réorganisation
du Conseil national de la recherche scientifique et technique ;
- décret n°81/564 du 29 août 1981 portant création de la
Station bioécologique et forestière de Dimonika ;
- décret n°82/842 du 16 septembre 1982 portant statut
particulier du personnel de la recherche scientifique ;
- décret n°82/856 du 18 juin1982 portant création,
attribution et fonctionnement du Conseil scientifique et
technique au sein du ministère de la culture, des arts et de la
recherche scientifique ;

- 259 -
- décret n°82/856 du 18 juin 1982 portant création
attribution et fonctionnement d’un Conseil scientifique et
technique au sein du ministère de la recherche scientifique
- décret n°83/011 du 11 janvier 1983 portant création du
Centre national de semences améliorées(CNSA) placé sous la
tutelle du ministère de l’agriculture et de l’élevage;
- décret n°83/782 du 19 octobre 1983 portant création
attribution et organisation de la Direction générale de la
recherche scientifique et technique ;
- décret n°84/858 du 13 août 1984 portant création du
ministère de la recherche scientifique ;
- décret n°85/882 du 6 juillet 1985 réorganisation du
Conseil national de la recherche scientifique et technique ;
- loi n°028/85 portant création du Centre d’étude sur les
ressources végétales (CERVE) ;
- arrêté n°9535 MRSC Cab du 7 novembre 1985
déterminant le taux et les modalités d’attribution de la prime
de recherche allouée aux chercheurs de la DGRST;
- loi n°02/86 du 22février 1986 portant création du
Centre de recherche géographique et de production
cartographique ;
- loi n°11/86 du 19 mars 1986 portant création du Centre
de recherche vétérinaire et zootechnique(CRVZ) ;
- loi n°12 du 19 mars 1986 portant création du Centre de
recherche agronomique de Loudima ;
- loi n°12/86 du19 mars 1986 portant création du Centre
de recherche et d’initiation des technologies ;
- décret n°86/932 du 2 septembre 1986 approuvant les
statuts du Centre de recherche agronomique de Loudima ;
- décret n°86/936 du 2 septembre 1986 portant
organisation et fonctionnement du Centre de recherche
vétérinaire et zootechnique
- décret n°86/856 du 27 juin 1986 portant attribution et
organisation du ministère de la recherche scientifique ;

- 260 -
- loi n°008 du 7 février1987 portant création du Centre
hospitalier et universitaire de Brazzaville (CHU) placé sous la
tutelle du ministère de la santé ;
- décret n°88/622 du 30 juillet 1988 portant organisation
et fonctionnement du Centre hospitalier et universitaire de
Brazzaville (CHU).
Au lendemain des troubles sociopolitiques des années 1992
et 1993 qui ont entraîné la fermeture du Centre ORSTOM de
Brazzaville (devenu entre-temps Institut de recherche pour le
développement, IRD ) du fait de la destruction de nombreuses
infrastructures publiques et privées, pour faire face à un certain
nombre d’exigences, une nouvelle impulsion a été donnée à la
politique scientifique congolaise. Celle-ci s’est traduite par
l’adoption et la publication des textes ci-après :

- loi n°15-95 du 7 septembre 1995 portant orientation et


programmation du développement scientifique et
technologique ;
- décret n°97-247 du 5 août 1997 portant création du Conseil
supérieur de la science et de la technologie(CSST) ;
- décret n°97-256 du 5 août 1997 portant création du Comité
interministériel de la science et de la technologie (CIST);
- décret n°97-252 du 5 août 1997 portant création et
organisation de la Délégation générale à la recherche
scientifique et technologique(DGRST) ;
- décret n°97-251 du 5 août 1997 portant création des centres
de recherche suivants : Centre de recherche et d’étude en
science sociale et humaine(CRESSH) ; Centre de recherche
sur l’amélioration génétique des plantes(CERAG) ; Centre de
recherche sur la conservation et la restauration des
terres(CRCRT) ; Groupe d’étude et de recherche sur la
diversité biologique(GERDIB) ; Centre de recherche
forestière du littoral(CRFL) ; Centre de recherche hydro

- 261 -
biologique de Mossaka (CRHM) ; Centre de recherche
forestière d’Ouesso (CRFO).

Le décret n°97-245 du 31 Juillet 1997 quant à lui porte


création des unités de recherche suivantes qui tentent de
combler le vide laissé par les laboratoires du centre IRD de
Brazzaville :
- Unité de recherche sur les écosystèmes aquatiques ;
- Unité de recherche sur la physique de l’atmosphère et
la bioclimatologie ;
- Unité de recherche sur la nutrition et l’alimentation
humaine :
- Unité de recherche sur les ressources microbiennes ;
- Unité de recherche en phytiatrie ;
- Unité de recherche sur les systèmes de production
agricole ;
- Unité de recherche sur l’épidémiologie des endémies ;
- Unité de recherche sur la physiologie rénale et
l’hypertension.

Le décret n°97-248 du 5 août 1997 porte création du Fonds


national pour le développement scientifique et technologique.
Ce fonds est théoriquement destiné à financer des projets de
recherche sur appel d’offre.

3-Influence de l’environnement international.


L’évolution et les structures actuelles des organismes
directeurs de la politique scientifique et technologique
nationale ont été particulièrement influencées par trois
événements historiques : l’expérience coloniale, les réunions
internationales organisées par l’Unesco et d’autres
organisations des Nations unies et l’assistance internationale
aux Etats membres dans le cadre de la coopération technique

- 262 -
en matière d’élaboration de leurs politiques scientifiques et
technologiques.
Dans le cadre des organismes des Nations unies et dans le
but de réduire la dépendance de l’Afrique dans le domaine de
la science et de la technique par rapport aux anciennes
métropoles coloniales et de renforcer les capacités
scientifiques et technologiques endogènes des pays de ce
continent, de nombreuses actions entreprises ont revêtu
principalement la forme de conférences ou de colloques. Le
Congo y a pris une part active et il peut être rappelé :

1- la conférence régionale intergouvernementale


organisée par l’UNESCO et la CEA à Lagos (Nigeria°, 28
juillet – 6 août 1963) sur «la recherche scientifique et la
formation en Afrique », qui a abouti à l’adoption d’un plan de
développement de la recherche et de la formation en Afrique ;
2- la conférence internationale sur « l’organisation de la
recherche scientifique et la formation du personnel en Afrique
sur l’étude, la conservation et utilisation des ressources
naturelles », tenue à Lagos (Nigeria) du 28 juillet au 6 août
1964. L’une des recommandations majeures de cette
conférence de Lagos concernait la mise en place des
organismes nationaux de politique scientifique et
technologique dans les Etats membres africains en vue de
stimuler les activités de science et technologie pour le
développement ;
3- la première conférence des ministres chargés de
l’application de la science et de la technologie en
Afrique(CASTAFRICA) tenue à Dakar (Sénégal), du 21 au
30 janvier 1974 organisée par l’UNESCO, en coopération
avec l’OUA et la CEA. Cette conférence a abouti à l’adoption
des recommandations sur les politiques scientifiques et
technologiques des Etats africains. Elle a insisté sur la

- 263 -
nécessité d’établir des passerelles entre l’université et les
centres de recherche ;
4- le colloque OUA/CEA/PNUD sur les perspectives de
développement de l’Afrique à l’horizon 2000, Monrovia
(Liberia), février 1979 ;
5- la conférence régionale africaine du Caire (Egypte) de
1978 organisée dans le cadre de la préparation de la
conférence des Nations unies sur la science et la technologie
au service du développement (CNUSTD), prévue à Vienne
(Autriche) en août 1979 ;
6- la conférence des Nations unies sur la science et la
technique au service du développement, Vienne (Autriche),
tenue du 20 au 31 août 1979 et dont l’objectif principal était
la recherche des voies et moyens devant permettre de
combattre le fossé économique entre le tiers monde et les
pays industrialisés ; l’approfondissement de cette question,
soulevée et à peine esquissée à Vienne, devait se poursuivre à
travers de nombreuses conférences spécifiques au niveau de
chaque région ;
7- le 16ème sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement
de l’OUA, (Monrovia, juillet 1979) qui a abouti à l’adoption
de la « déclaration de Monrovia » dans laquelle les Chefs
d’Etat et de gouvernement expriment leur volonté de mettre
la science et la technologie au service du développement en
renforçant la capacité autonome de leur pays dans ce
domaine ;
8- le 1er sommet économique des Chefs d’Etat et de
gouvernement de l’OUA (Lagos 28-29 avril 1980)qui a
abouti à l’adoption du « plan d’action de Lagos », dont
notamment le chapitre V, consacré à la science et à la
technologie ;
9- le colloque de OUA, organisé en coopération avec
l’UNESCO, sur le thème « Science et culture comme base du
développement africain » tenu à Libreville (Gabon) du 23 au

- 264 -
27 janvier 1981.Une résolution de ce colloque demande à
l’OUA d’organiser une rencontre des « Hommes de science
en Afrique » ;
10- la 6ème réunion du Conseil Scientifique Africain, tenu à
Libreville du 28 janvier au 1er février 1981 ;
11- le 16ème congrès international sur histoire de la science
tenu à Bucarest (République Socialiste de Roumanie) ;
12- le congrès mondial de la confédération des
organisations internationales scientifiques et techniques pour
le développement (CISTOD), tenu à Tunis du 11 au 15 avril
1983 ;
13- la conférence des ministres de la recherche scientifique
et de l’enseignement supérieur des pays membres de l’agence
de coopération culturelle et technique, tenue à Yamoussoukro
( Cote d’Ivoire) du17 au 22 octobre 1983 ;
14- la 1ère réunion consultative intergouvernementale du
réseau africain des institutions scientifiques et technologique
(RAIST), tenue à Nairobi (Kenya) du 11 au 13 juillet 1983 ;
15- la réunion des organismes directeurs de la politique
scientifique et technologique nationale dans les pays
d’Afrique Intertropicale, tenue à Dakar (Sénégal) du 8 au 12
juillet 1985 ;
16- le 21ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement
de l’OUA, tenu à Addis-Abeba (Ethiopie) du 10 au 20 juillet
1985 qui a abouti à l’adoption du programme prioritaire de
redressement économique de l’Afrique (1986 – 1990) dont le
paragraphe 34 stipule : « L’expérience montre qu’aucun pays
n’a connu de percée économique sans la création d’une base
minimum en matière de science et de technologie ». Au cours
de ce même sommet, les Chefs d’Etat et de gouvernement de
l’OUA ont adopté la Résolution OUA (AHG) 146 (XXI)
demandant à l’UNESCO l’élaboration d’un programme
spécial d’aide à l’Afrique dans le domaine de la recherche
scientifique et technique pour le développement et destiné à

- 265 -
développer les capacités scientifiques et techniques des pays
africains dans les domaines de la géologie, la microbiologie,
l’agriculture, l’alimentation, la santé, les eaux superficielles et
souterraines ;
17- la 44ème session du conseil des Ministres de l’OUA,
tenu à Addis-Ababa en Juillet 1986. au cours de laquelle il
fut adopté la résolution CM/1048 (XLIV) autorisant le
secrétaire général de l’OUA et le pays hôte (République
Populaire du Congo) à organiser, avec l’appui de
l’Unesco, le 1er congrès des Hommes de science en
Afrique à Brazzaville en juin 1987 ;
18- le 1er congrès des hommes des sciences en Afrique,
tenu à Brazzaville, en juin 1987. Au cours de ce congrès,
fut créée l’Union panafricaine pour la science et la
technologie (UPST), avec siège à Brazzaville. Le
Professeur Levy Makany fut désigné Secrétaire général de
la structure ;
19- la 2ème Conférence des ministres chargés de
l’application de la science et de la technologie au
développement en Afrique (CASTAFRICA II ) tenue à
Arusha,( Tanzanie ) du 6 au 15 juillet 1987 ;
20- la Conférence mondiale de l’Unesco sur la science au
XXIe siècle, tenue à Budapest (Hongrie) du 26 juin au 1er
juillet 1999 ;
21- la première Conférence ministérielle africaine sur la
science et la technologie, tenue à Johannesburg (Afrique
du Sud) en novembre 2003 ;
22- la conférence sur « le partenariat scientifique avec
l’Afrique », tenue du 3 au 7 mars 2008 à Addis-Abeba
(Ethiopie).

- 266 -
II. Les forces

La recherche scientifique congolaise a aussi bénéficié d’une


certaine impulsion grâce aux accords et conventions ci-après :

- Accord de coopération scientifique et technique du 1er


janvier 1974 qui a permis la tenue de la Commission paritaire
franco-congolaise sur la recherche scientifique et technique
tenue à Paris du 23 – 24 mars 1982 ;
- Convention générale entre l’Institut d’Elevage et de
Médecine vétérinaire des pays tropicaux (IEMVT) et la
DGRST du 21août 1981 ;
- Convention avec le Groupement d’Etudes et de
Recherches pour le développement de l’agronomie tropicale
(GERDAT) ;
- Accord avec le Centre international pour l’élevage en
Afrique (actuel Institut International pour l’Elevage), (Addis
Abeba, Ethiopie) ;
- Accord du 12 juin 1970 de coopération scientifique
entre l’URSS et le Congo ;
- Accord de coopération avec le Centre de recherche
pour le développement international(CRDI) ;
- Convention d’association entre le Centre de
coopération internationale en recherche agronomique pour le
développement(CIRAD), le Congo et la Société Eucalyptus et
Fibres du Congo.
A partir des années 1980, le Congo a amorcé une
coopération avec le Groupe consultatif pour la recherche
agricole internationale (CGIAR). Cette coopération a
concernée particulièrement :

- l’Institut international d’agriculture tropicale (IIAT)


d’Ibadan (Nigeria) ;

- 267 -
- l’Institut international sur les cultures des zones
tropicales semi-arides (ICRISAT), Patancheru (Inde) ;
- le Centre international d’agriculture tropicale (CIAT),
Cali (Colombie) ;
- l’Institut international de recherche en élevage (ILRI),
Addis Abeba (Ethiopie).
Le Congo dispose aujourd’hui d’un plan national de
développement scientifique et technique (PNDST) 2009-2013
Comme on l’a déjà indiqué, « s’assurer de l’intégration de la
science et de la technologie au plan national de
développement » est l’une des fonctions essentielles de
l’organe directeur de la politique scientifique et technologique
nationale. Celle-ci ne peut se réaliser aisément que dans les
pays où un tel organe existe et fonctionne. Le Congo dispose à
cet effet de deux mécanismes de coordination et de
concertation assez fonctionnels : le Conseil supérieur de la
science et de la technologie et le Comité interministériel de la
science et de la technologie. Il faut aussi signaler l’existence
du Conseil d’administration de la Délégation générale à la
recherche scientifique et technologique, même si celui-ci ne se
réunit que de manière épisodique.

Aujourd’hui au Congo, de nombreux centres de recherche


sont assez fonctionnels. Il s’agit de :

- 15 centres de recherches spécialisés sous tutelle directe


de la DGRST;
- 2 centres d’appui à la recherche sous tutelle de la
DGRST;
- 11 établissements d’enseignement supérieur constituant
l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville ;
- 13 organismes scientifiques et techniques rattachés à
d’autres ministères.

- 268 -
S’agissant des centres sous la tutelle de la DGRST, il
convient de citer :

- le Centre de recherche géographique et de production


cartographique (CERGEC), qui est installé dans les vieux
bâtiments laissés par l’Institut Géographique de France (IGN) ;
- le Centre d’études sur les ressources
végétales (CERVE) qui est la seule institution installée dans
des bâtiments; par le Congo, au cours du plan quinquennal
1982-1986 ;
- le Centre de recherches agronomiques de
Loudima (CRAL), qui est installé dans les structures laissées
par l’ancienne Station Agronomique de Loudima ;
- le Centre de recherche et d’initiation des projets de
technologie(CRIPT);
- le Centre de recherche sur l’amélioration génétique des
plantes (CERAG) ;
- le Centre de recherche et d’étude en sciences sociales et
humaines (CRESSH) ;
- le Centre de recherche sur la conservation et la
restauration des terres (CRCRT) ;
- le Groupe d’étude et de recherche sur la diversité
biologique (GERDIB), qui occupent les vieux bâtiments
laissés par l’IRD de Brazzaville ;
- le Centre de recherches vétérinaires et
zootechniques (CRVZ), qui est installé, assez confortablement,
dans les bâtiments de l’ancien Laboratoire vétérinaire
scientifique (LVS) ;
- le Centre de recherche hydro biologique de Mossaka
(CRHM) ;
- le Centre de recherche forestière du Littoral (CRFL), qui
est installé dans les bâtiments laissés par le centre IRD de
Pointe-Noire ;

- 269 -
- le Centre de recherche forestière de Ouesso (CRFO) ;
- l’UR2PI : Unité de Recherche sur la Productivité des
Plantation Industrielles., devenu Centre de recherche sur la
durabilité des plantations industrielles(CRDPI) ;
- la Station de recherche bioécologique et forestière de
Dimonika, qui est installée dans les bâtiments délaissés par le
colon belge Vigoureux ;
- le Centre régional de recherche agronomique et
forestière d’Oyo (CRRAFO), qui est en cours d’installation.

Deux organismes d’appui à la recherche, sous la tutelle de la


DGRST, sont à citer:

- l’Agence nationale de valorisation des résultats de la


recherche (ANVAR) ;
- le Centre national de documentation et d’information
scientifique et technique(CNDIST).

Voici les organismes ayant des activités scientifiques, mais


relevant d’autres ministres :

- le Centre d’épidémiologie et des grandes


endémies(CEGE) ;
- le Centre national de la statistique et des études
économiques (CNSE) ;
- l’Institut national de recherche et d’action pédagogique
(INRAP) ;
- le Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville
(CHU);
- le Laboratoire national de santé publique (LNSP) ;
- le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) ;
- le Service national de reboisement (SNR) ;
- le: Centre national des études du sol(CNES);

- 270 -
- le Centre de vulgarisation des techniques agricoles
(CVTA) ;
- le Centre national de semences améliorées ;
- le Centre de vulgarisation des techniques d’élevage;
- l’Institut congolais d’appui au développement.
Voici les services techniques des entreprises publiques
ayant des activités techniques importantes :

- la Société nationale d’électricité (SNE) ;


- la Société nationale de distribution d’eau (SNDE);
- la Société des postes et de l’épargne du Congo ;
- l’Office congolais d’informatique (OCI) ;
- la Société de Télécommunications du Congo
(SOTELCO).
Voici les établissements privés d’enseignement supérieur
ayant aussi des activités de recherche :

- l’Université libre du Congo(ULC) ;


- l’Institut supérieur de technologie d’Afrique Centrale
(ISTAC) de Pointe-Noire, qui est un des établissements de
l’Université Catholique d’Afrique Centrale dont le siège
est à Yaoundé (Cameroun) ;
- la Faculté de théologie protestante de Makélékélé.
- l’Institut supérieur de gestion et d’administration des
entreprises(ISGAE).
Il faut aussi signaler l’existence de quelques laboratoires
dans les entreprises et sociétés suivantes :

- Société Agricole et de Raffinage Industriel du Sucre


(SARIS), établie à Nkayi
- Total ELF-Congo, société pétrolière installée à Pointe-
Noire ;

- 271 -
- AGIP société pétrolière installée à Pointe-Noire ;
- Chevron – Texaco, société pétrolière installée à Pointe-
Noire ;
- ENI-Congo société pétrolière installée à Pointe-Noire ;
- AMOCO société pétrolière installée à Pointe-Noire ;
- Eucalyptus et Fibres du Congo, installé à Pointe-Noire ;
- les Brasseries du Congo, installées à Brazzaville.

Certaines ONG et sociétés savantes assurent des activités


scientifiques appréciables, telles :

- la Société de Biologie du Congo (SBC);


- l’Académie des Sciences du Congo ;
- le Centre d’expertise scientifique et technique pour le
développement ;
- le Groupe de recherche sur l’écologie forestière et
l’environnement ;
- la Société congolaise de chirurgie ;
- la Société congolaise de gastro-entérologie ;
- la: Société congolaise de gynécologie obstétrique ;
- la: Société congolaise de pédiatrie ;
- le Centre d’étude et de recherche sur les analyses et
politiques économiques ;
- le Groupement pour l’étude et la conservation de la
biodiversité pour le développement.
 Sur le plan des ressources financières.
Les structures de recherche et d’enseignement supérieur
publics ont fait l’objet d’une attention assez suivie de la part
du gouvernement.
Les ressources financières affectées à l’Université Marien
Ngouabi et à la Délégation générale à la recherche ont connu
un accroissement notable au cours de la période allant de 1979
à 1994. Elles sont passées de 4,2 milliards de francs CFA en

- 272 -
1979, à 10,5 milliards en 1994. Une inflexion a été notée au
niveau des ressources provenant de l’extérieur, notamment de
la France et de l’Union soviétique. Elle est surtout due :
- au ralentissement de la coopération scientifique avec
l’Institut de recherche pour le développement ( IRD, ex
ORSTOM) et le ministère de l’Agriculture de la Russie ;
- aux programmes d’ajustement structurel signés avec les
Institutions de Breton Woods.
Un Fonds national de développement de la science et de la
technologie a été créé en 1997, mais il n’est pas encore très
fonctionnel. D’autres arrangements particuliers qui
garantiraient le financement suivi des activités dans le
domaine de la science et de la technologie, restent à mettre au
point afin d’accroitre les fonds alloués à la Recherche-
Développement dans le budget national et atteindre l’objectif
de 1 % du produit national brut recommandé par Castafrica I
(1974) et le plan d’action de Lagos (1980).

Les données sur les ressources financières affectées aux


activités scientifiques et technologiques au cours des deux
premières décennies de l’indépendance ne sont pas
accessibles. Il y a cependant à souligner qu’à partir de l’année
1976, de nombreux accords de coopération ont été signés avec
les partenaires tels que la France, l’URSS, l’Agence de
coopération culturelle et technique(ACCT), l’UNESCO, le
Centre de recherche pour le développement international
(CRDI), l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA).
Ces partenaires ont participé très activement au financement
des divers programmes et à la formation des chercheurs et
techniciens.

- 273 -
L’évolution des crédits mis à la disposition du ministère de
la recherche par l’Etat congolais et les partenaires au cours de
la période 1979-1985 est donnée au tableau I.
Il est à souligner que la France a apporté la plus grande
contribution financière. Cette contribution a englobé le budget
de fonctionnement des deux centres ORSTOM installés à
Brazzaville et à Pointe-Noire, les charges de personnel de
nationalité française évoluant au Centre forestier tropical
Congo. Dans les dépenses prises en charge par la France sont
incluses les aides apportées par le Fonds d’aide et de
coopération (FAC) dans le cadre du projet « relance de la
recherche agronomique appliquée », les aides sectorielles du
ministère français de la coopération.
En ce qui concerne la contribution de l’Etat congolais aux
dépenses de recherche du ministère de la recherche, on
constate qu’elle a amorcé aujourd’hui une substantielle
augmentation.

Les tableaux II et III donnent des indications sur des


ressources financières affectées à l’Université Marien Ngouabi
et aux centres de recherche placés sous la tutelle du ministère
de la recherche scientifique.

Tableau I : Evolution du budget du ministère de la recherche,


par source de financement (en millions de F.CFA)
Années Congo France URSS Divers Total
organis.
1979 154,566 758,350 110,000 4,789 1.027,695
1980 297,492 528,000 130,000 17,601 973,093
1981 475,032 796,500 120,519 11,019 1.403,070
1982 496,359 1.017,950 121,988 18,610 2.654,907
1983 623,002 1.078,392 137,805 45,635 1.884,834

- 274 -
1984 737,982 1.041,500 115,985 30,989 2.126,456
1985 746,510 1.422,700 177,508 41,619 2.388,337

Tableau II : Evolution des ressources financières affectées à


l’Université Marien Ngouabi (en millions de F.CFA)
Années Fonction Inves- Personnel Total
-nement tissement
2000 1.127,582 500,000 7.690,422 9.318,004
2001 1.210,500 2.080,000 8.160,700 11.451,200
2010 12.000,000
Source : DPAF, Université

Tableau III : Evolution des ressources financières affectées


aux centres placés sous la tutelle du ministère de la recherche
(en millions de F.CFA)
Années Fonction Investis- Personnel Total
-nement sement
2000 477,500 180,000 568,000 1.225,500
2001 225,000 665,000 568,000 1.458,000
2002 594,225 568,000 1.162,225
2003 595,000 568,000 1.163,000
2004 873,000 568,000 1.441,000
2005 1.127,033 558,987 1.686,020
2006 1.340,941 528,987 1.869,928
2007 1.464,064 528,987 1.993,051
2008 1.524,064 528,987 2.053,051
2009 1.595,564 528,987 2.124,551
2010 1.611,863 548,987 2.160,850

- 275 -
Pendant plusieurs années, après l’accession du Congo à
l’indépendance, les crédits consacrés à la recherche au niveau
des centres de recherche du ministère de la recherche
scientifique, provenaient de deux sources : le budget de l’Etat
congolais et les aides extérieures à travers la coopération
scientifique bilatérale et multilatérale.
Depuis fin 1992, les appuis extérieurs accusent une baisse
croissante puisqu’ils sont passés de 1.642.000.000 Franc CFA
en 1985 à 0,5 milliard de F.CFA en 2004. Depuis lors les
appuis financiers extérieurs sont quasiment nuls.
Cependant, la subvention de l’Etat congolais aux centres de
recherche du ministère de la recherche et à l’Université Marien
Ngouabi a accusé une progression constante. Au niveau des
centres de recherche elle est passée de 746.000.000 en 1985 à
2.160.850.455 en 2010.
Il importe de noter que le plus grand financement est
consacré à la recherche agronomique qui représente près de
80% des activités de recherche.

Sur le plan du rayonnement scientifique international du


Congo, plusieurs personnalités ont fait ou font encore la fierté
du Congo : ils ont été tous promus sur le plan international, au
vu de leurs travaux, professeurs titulaires (dans leurs
spécialités) des universités. Ils méritent d’être cités, à
l’occasion du Cinquantenaire de l’Indépendance du Congo :

- En sciences exactes et naturelles


- Pascal Lissouba (généticien), Levy Makany (botaniste),
Delphin Loembe (biologiste), Fidèle Mialoundama
(biologiste), Joseph Vouidibio (biologiste), Alphonse Ekouya
(chimiste), Jean- Maurille Ouamba (chimiste), Thomas Silou
(chimiste), Bernard Mpassi Mabiala (physicien), Eugène
Okassa (mathématicien).

- 276 -
- En sciences de la santé
-Bernard Galiba (premier professeur agrégé en médecine
congolais, spécialiste en anato-pathologie), Christophe
Bouramoué (cardiologue), Jean-Louis Nkoua (cardiologue),
Grégoire Kaya Ganziami (ophtalmologue), Jean-Roger
Ekoundzola (gynécologue), Hervé Fortuné Mayanda
(pédiatre), Georges Moyen (pédiatre), Prosper Senga
(pédiatre), Samuel Nzingoula (pédiatre), Charles Gombe-
Mbalawa, (cancérologue), Assori Itoua-Ngaporo (gastro-
entérologue), Jean Rosaire Ibara (gastro-entérologue),
Armand Moyikoua (traumatologue), Fidèle Yala (biologiste),
Bernard Pena-Pitra (traumatologue), Raoul Massengo
(chirurgien), Antoine Ange Abena (pharmacologue), Martin
Diatewa (biochimiste).

- En sciences sociales
-Théophile Obenga (philosophe, égyptologue, linguiste et
historien), Abraham Constant Ndinga Mbo (historien),
Dominique Ngoie-Ngalla (historien), François Lumwamu
(linguiste), Paul Nzete (linguiste), Charles Zacharie Bowao
(logicien), Bonaventure Maurice Mengho (géographe),
Marie-Joseph Samba-Kimbata (climatologue), André-Patient
Bokiba (critique littéraire), Bernard Nganga (angliciste).

III- Les faiblesses

La pénurie du personnel scientifique, ingénieurs et


techniciens qualifiés et la mauvaise utilisation de ceux qui sont
disponibles sont préjudiciables au développement de la
recherche scientifique au Congo. On doit par ailleurs
souligner :
1- l’absence fréquente de données de base fiables permettant
au planificateur de prendre des décisions appropriées ;

- 277 -
2- l’absence ou la faible intégration de la science et de la
technologie au plan national de développement résultant en
particulier de la pénurie du personnel capable de traduire en
programmes scientifiques et technologiques les objectifs de
développement économique et social ;
3-l’insuffisance des ressources financières affectées au
développement scientifique et technologique national et
l’inadéquation du système de budgétisation existant à la
spécificité de la science et de la technologie ;
4- la pénurie des cadres scientifiques et techniques de
différents niveaux et l’inexistence d’une planification
équilibrée de la formation des différentes catégories de ce
personnel ;
5- la faiblesse des infrastructures de recherche et l’absence
ou l’insuffisance des services scientifiques et technologiques,
notamment dans le domaine de l’information scientifique et de
la valorisation des produits de la recherche et leur
vulgarisation ;
6-l’absence d’un statut particulier des travailleurs
scientifiques, en harmonie avec celui de l’Université. Pourtant,
CASTAFRICA I recommande l’établissement des passerelles
entre l’université et les centres de recherche ;
7-l’irrégularité dans les financements des projets de
recherche. On sait en effet qu’il faut en moyenne sept ans
d’efforts financiers soutenus pour que la création d’équipes de
chercheurs produise des résultats exploitables. Faute de
continuité dans le soutien budgétaire, entraîne généralement la
dissolution des unités de recherche et, en fin de compte, le
gaspillage des investissements initiaux ;
8-une faiblesse des données sur le potentiel scientifique et
technique du Congo. En effet au cours de ces cinquante
dernières années, le taux des scientifiques et d’ingénieurs
employés à la Recherche-Développement représente encore
une trop faible proportion de scientifiques. La conférence

- 278 -
ministérielle africaine sur la science et la technologie tenue à
Johannesburg en 2003, insistait d’ailleurs sur le renforcement
de la base des compétences humaines en augmentant le
nombre des scientifiques, ingénieurs et techniciens, la
promotion de l’application de la technique pour réaliser les
« objectifs du millénaire pour le développement » (OMD).
L’évaluation des ressources humaines affectées à l’activité
scientifique depuis l’accession du Congo à la souveraineté
internationale, n’est pas une tâche aisée, eu égard à la faiblesse
des statistiques, et ce particulièrement pour la période 1960
à1984. Quelques éléments ont pu être réunis pour l’Université
Marien Ngouabi et les centres placés directement sous la
tutelle de la délégation générale à la recherche scientifique et
technologique.

Les tableaux IV et V donnent la répartition par grade du


personnel placé sous la tutelle du ministère de la recherche
scientifique et de l’Université Marien Ngouabi au 31 décembre
1985.
Il est noté la présence de plus 130 chercheurs expatriés :
signe d’un certain dynamisme de la coopération scientifique et
technique de l’époque, et que le Congo devrait s’efforcer de
retrouver.

- 279 -
Tableau IV : Répartition par grades du personnel placé sous la
tutelle du ministère de la recherche scientifique au 31
décembre 1985

Grades Congolais Expatriés Total


Maître 0 2 2
principal/Directeur de
recherche
Maîtres de recherche 4 2 6
Chargés de recherche 25 14 39
Attachés de recherche 64 11 75
Techniciens 285 14 299
Administratifs 133 3 136
Total 511 46 557
Source : DGRST

Tableau V- Evolution des ressources humaines dans les


centres de recherche placés sous la tutelle de la délégation
générale de la recherche scientifique et technologique

Années MP/ MR CR AR TR AD Total


DR
2000 0 13 71 111 156 88 439
2001 0 10 58 98 136 96 398
2004 0 9 52 67 126 94 348
2005 0 13 42 76 92 94 314
2008 1 13 41 72 86 90 303
2010 1 15 38 70 74 88 286
Légende :
MP=maître de recherche principal, DR=Directeur de
recherche, MR=maître de recherche, CR=chargé de recherche,
AT=attaché de recherche, TR=technicien de recherche ;
AD=administratif

- 280 -
Faute d’un recrutement régulier des personnels scientifiques
et techniques, depuis plus de deux décennies, les structures de
recherche nationale souffrent d’un manque déconcertant de
personnels scientifiques de haut niveau. Ainsi, les chiffres
disponibles sont éloquents en la matière (tableaux IV et V). En
effet, à la Délégation générale à la recherche scientifique, on
compte moins de 20 maîtres et maîtres principaux de
recherche. Au niveau de l’Université Marien Ngouabi, la
même tendance à la baisse vertigineuse des effectifs est
enregistrée depuis plus de cinq ans.

Tableau VI-. Evolution du nombre d’enseignants /chercheurs


de l’Université Marien Ngouabi
Années PT MC MA A CETP Total
2001 15 43 301 281 4 644
2002 nd nd nd nd nd 673
2003 nd nd nd nd nd 637
2004 18 42 326 243 4 633
2009 22 57 299 214 3 595
2010 nd nd nd nd nd 593
Légende :
PT=Professeur titulaire ; MC=Maître de conférence ;
MA=Maître assistant ; A=Assistant ; CETP=Chargé
d’encadrement technique et professionnel ; T=Technicien ;
AD=administratif ; nd=non déterminé

 Sur le plan du matériel scientifique et technique


Il peut être noté que les organismes publics de recherche et
d’enseignement supérieur sont installés dans des
infrastructures immobilières assez rudimentaires. Le cas le

- 281 -
plus déconcertant est celui de la Délégation générale de la
recherche scientifique et technologique dont les bâtiments
censés l’héberger sont toujours inachevés depuis le plan
quinquennal 1982-1986.
Certes le potentiel du Congo en matériels scientifiques et
techniques a été en grande partie détruit au cours de la période
de troubles qu’a connus le pays et qui ont affecté les activités
scientifiques en compromettant leur fonctionnement, mais il
faut dire que le pays n’a pu consentir, en faveur de la science
et de la technologie, les efforts requis pour en assurer le
renouvellement ou le renforcement des infrastructures
scientifiques et techniques.

CONCLUSION

Au cours de ces cinquante dernières années, le taux des


scientifiques et d’ingénieurs employés à la Recherche-
Développement représente encore une trop faible proportion
des scientifiques. Il est incontestable que si le Congo veut
surmonter quelques-uns de ses problèmes de développement
les plus pressants, il doit améliorer dans les prochaines années
son potentiel scientifique. Même dans le secteur stratégique
comme celui de l’agriculture, le Congo, en matière de la
recherche agricole, investit beaucoup moins que tous les autres
pays africains. Le ratio d’intensité de la recherche agricole est
resté inchangé entre 1995 et 2001, se maintenant à 0,81% du
PIB agricole. Cette proportion est légèrement inférieure au
ratio correspondant pour l’ensemble du continent africain :
0,85% en 1995. Les pouvoirs publics sont particulièrement
interpellés sur l’impérieuse nécessité de valoriser la fonction
de chercheur et d’établir une passerelle solide entre recherche
et enseignement supérieur.
L’enjeu de la science au 21e siècle est donc de trouver des
nouvelles modalités pour évoluer d’une logique historique vers

- 282 -
une nouvelle logique de partage de la science, notamment en
centrant la coopération sur la construction commune des
connaissances.
Les moyens consacrés à la recherche et à l’enseignement
supérieur devraient augmenter au cours des prochaines années
afin de marquer ainsi la priorité que le gouvernement entend
donner à la recherche. Cette augmentation devra être
accompagnée de la volonté de renforcer l’attractivité de la
recherche et sa réactivité face aux attentes de la société. Ces
moyens devront être mis au service de trois priorités :
l’augmentation du potentiel scientifique des organismes ;
l’attractivité de la recherche auprès des jeunes chercheurs ; une
plus grande réactivité de la recherche financée plus largement
sur projets.
Au cours des prochaines années des mesures devraient être
prises en faveur des fondations ou sociétés savantes, afin que
celles-ci soient mieux mobilisées et qu’elles renforcent
l’activité de recherche en vue d’un développement
économique et social plus équilibré du Congo. Il n’est pas
aussi exagéré de dire que c’est un gâchis d’envoyer très tôt à la
retraite des scientifiques de haut niveau qui peuvent encadrer
des jeunes chercheurs et animer plusieurs équipes de
recherche.

- 283 -
CHAPITRE 10

L’HISTOIRE DE L’EDUCATION AU CONGO


Par Gilbert IBIOU

L’histoire de l’enseignement au Congo commence avec la


colonisation du pays. Le système éducatif colonial d’alors est
constitué par le secteur privé confessionnel et le secteur public,
sous l’égide de l’administration. Ce système a fonctionné ainsi
jusqu’à l’indépendance, et même au-delà, jusqu’en 1965, date
de la nationalisation de l’enseignement.

I - L’enseignement au Congo pendant la période coloniale

1. L’enseignement missionnaire
Tout au début, l’enseignement est une affaire des
confessions religieuses : catholique, protestante et salutiste.
L’église catholique particulièrement s’est illustrée dans cette
œuvre. Les missionnaires catholiques suivent dans la foulée les
premiers explorateurs français. Ils prennent l’initiative de créer
les premières écoles. Viennent ensuite la mission protestante
suédoise et, dans une moindre mesure, la mission salutiste.
L’administration se borne à prendre les mesures nécessaires
pour contrôler et subventionner les premiers établissements
ouverts.

 Organisation

 L’école catholique
Le secteur de l’enseignement catholique est animé par le
Révérend Père Augouard et le. Révérend Père Carrie. C’est
ainsi que sont créées les missions catholiques de Linzolo et de

- 285 -
Loango en 1883, puis celles de : Brazzaville en 1887, Liranga
en 1889, Bouansa en 1892, Sainte-Radegonde en 1897,
Boundji en 1899 et Lékéty en 1900. Ces prêtres sont secondés
par les congrégations du Saint-Esprit, du Saint Sacré-Cœur de
Marie, de Saint Joseph de Cluny et des Franciscaines
missionnaires de Marie.
Aux religieuses sont confiées à Brazzaville des écoles de
filles : Sainte Thérèse à Poto-poto, Sainte Claire à Moungali,
Sainte Agnès à Bacongo et le couvent Javouhey au Centre-
ville. Parfois, elles dirigent un pensionnat pour enfants blancs.
Aux religieux (frères des écoles chrétiennes, frères
marianistes…), est réservé l’enseignement des garçons dans
les centres ou les postes de mission d’une certaine importance.
Ils dirigent des écoles primaires, secondaires, normales et des
centres de métiers.

 Les infrastructures de l’école catholique


Dans leur mission d’évangélisation et de civilisation des
peuples noirs, les missionnaires s’empressent d’ouvrir des
catéchuménats. Ainsi, voit-on l’ouverture des catéchuménats
aller de pair avec celle des écoles, celles-ci par ailleurs
devançant ceux-là, en vue de la formation du personnel pour
l’enseignement du catéchisme.

Les installations scolaires sont diversifiées : les écoles-


chapelles, les orphelinats, les fermes, les ateliers, les villages
de liberté, les villages-mariages et les villages chrétiens. On
note aussi l’existence des écoles épiscopales installées dans les
sièges épiscopaux de Loango d’abord et plus tard, de
Brazzaville, des écoles rurales qui naissent à partir de 1891 et
des écoles du vicariat apostolique de Loango où les
enseignements du français et du latin prédominent. Les écoles
épiscopales dispensaient des enseignements plus élaborés et
préparaient à l’entrée au séminaire.

- 286 -
Ces écoles vont produire les premiers moniteurs qui seront à
la fois des catéchistes d’abord, puis des enseignants. Il faut
donc relever que ces derniers n’auront reçu au préalable
aucune formation pédagogique pour exercer leur profession. Il
leur suffisait tout simplement de savoir lire, écrire et calculer.
Suivant, précédant même souvent la pénétration
administrative, les missionnaires catholiques intensifient leur
action. Outre un séminaire, un noviciat pour frères indigènes et
un autre pour sœurs à Loango, chaque mission est généralement
doublée d’une école dirigée par le missionnaire tandis qu’un
frère, chargé des travaux matériels, formera aussi des apprentis.
D’autres écoles sont ouvertes dans les villages les plus
importants et les missionnaires parcourent les environs pour
recruter quelques écoliers.
En 1904, il y a 30 à 40 centres dans tout le Congo, en
dehors des écoles établies près des missions elles-mêmes. En
1911, les écoles catholiques ont 15.000 élèves avec 22
instituteurs européens. L’apostolat reste assez réduit, les
missionnaires cherchant surtout à « civiliser », à diffuser la
culture française
De 1930 à 1936, beaucoup de moniteurs de l’enseignement
privé ne sont que des catéchistes avec le niveau de cours
élémentaire 1ère année et cours élémentaire 2ème année.
En 1936, deux sections de formation des maîtres de
l’enseignement catholique fonctionnent parallèlement, l’une à
Mindouli sous la direction de l’Abbé Auguste Nkounkou,
l’autre à Boundji sous la direction de l’Abbé Eugène Nkakou.
André Davesne, premier inspecteur de l’enseignement
primaire en AEF le reconnait et déclare :

Les moniteurs, pendant longtemps furent choisis au


hasard. Certains d’entre-eux étaient d’anciens boys,
d’anciens cuisiniers, d’anciens miliciens, qui
savaient à peine lire et écrire. Des agents de

- 287 -
l’administration cumulaient les fonctions de maîtres
d’écoles primaires et d’interprètes. Ils n’avaient pas
acquis la moindre notion de pédagogie théorique ou
pratique.

Les missionnaires catholiques s’alignent sur l’enseignement


officiel dans la formation des enseignants. Des écoles de
formation des maîtres s’ouvrent çà et là : à Baratier
(Kibouendé) sous la direction du père Jean Ernoult, (auteur des
livres d’histoire utilisés au Congo) dès la rentrée scolaire
1947-1948, à Brazzaville, où le collège Javouhey forme des
monitrices de l’enseignement privé, et à Makoua en 1951.
A partir de 1953, Baratier et Makoua ayant fermé, le collège
Chaminade prend le relais de la formation des instituteurs sous
la direction des marianistes. Désormais, les maîtres de
l’enseignement privé reçoivent la même formation que ceux de
l’enseignement officiel.
Le seul centre d’enseignement supérieur véritable au Congo
est le grand séminaire interdiocésain Libermann de
Brazzaville, créé en 1947 pour toute l’AEF, après la fermeture
du grand séminaire Saint-Jean de Libreville. Le séminaire s’est
révélé alors comme la seule voie d’accès à l’enseignement
universitaire que seuls les Congolais qui désiraient se destiner
à la prêtrise pouvaient suivre. Là aussi, le nombre de ceux qui
en sortaient était faible, à en juger par la faiblesse numérique
actuelle du clergé congolais172.

 L’école protestante
La mission protestante suédoise est arrivée au Congo en
1909. Considérée comme étrangère dans la colonie,
contrairement au catholicisme qui est censé incarner et

172
Prosper Ngakéni, 1985, Problèmes d’éducation en République
Populaire du Congo, Heidelberg, Editions bantoues, p.58.

- 288 -
pérenniser l’idéologie des colonisateurs français, elle est à
peine tolérée.
Les missions protestantes seront plus longues à s’installer.
Les évangélistes suédois s’établissent à Madzia en 1909, à
Musana (actuellement dans le district de Louingui) en 1910, à
Brazzaville en 1911. Ils ne pourront toutefois pas créer
d’écoles avant 1911, la loi française exigeant que
l’enseignement soit donné en français.
Malgré tout, les missions protestantes ont créé plusieurs
écoles dont les plus importantes sont celles installées dans les
localités de Musana, Madzia, Kolo, Indo et Lubétsi173.
Le séminaire théologique de l’église évangélique suédoise
de Ngouédi, créé en 1942, dans la Bouenza, est en même
temps un centre de formation des moniteurs de l’enseignement
protestant ; il forme des évangélistes, catéchistes et pasteurs
autochtones. Il n’est pas en réalité un établissement
d’enseignement secondaire dans la pure tradition française.

 L’école salutiste
L’armée du salut s’implante au Moyen-Congo à partir de
1937, particulièrement à Brazzaville et à Yangui, localité
située à environ 15 km de Kinkala, sur la route Kinkala-
Mindouli.
Les activités salutistes sont l’œuvre des missionnaires
suisses, français, suédois et sud-africains. Ces missionnaires
dirigent des écoles primaires, ainsi qu’une école de formation
des moniteurs ouverte à Brazzaville, puis transférée à Yangui à
partir de 1955.
Tout comme chez les catholiques et les protestants, dans ces
écoles salutistes, la première discipline enseignée est l’étude
de la bible, complétée de l’enseignement général prescrit par le

173
Rapport sur l’enseignement privé en AEF, 1936, Archives de
Brazzaville, GG 485, p.10.

- 289 -
programme de l’école laïque : les enfants apprennent le
français, le calcul, la géographie de l’AEF, l’histoire de
France, l’agriculture, l’hygiène.

 Finalités
Qu’il s’agisse des écoles publiques ou des écoles
confessionnelles, les finalités de cette école coloniale restent
les mêmes. C'est-à-dire, celles fixées par l’administration
coloniale, à savoir :

– former des chrétiens et non des hommes instruits ;


– former les jeunes gens moralement capables de seconder
l’autorité religieuse et coloniale dans leurs familles, dans leurs
tribus et à l’intérieur du pays ;
– réaliser le programme d’expansion politico-économique
poursuivi par l’administration française ;
– assurer l’enseignement du français et, par conséquent,
l’assimilation de la culture et de la civilisation françaises.

De ces finalités, il découle des textes d’application,


notamment :
– l’arrêté du gouverneur général Martial Merlin du 4 avril
1911 portant organisation du service de l’enseignement en
AEF174 ;
– l’arrêté du gouverneur général du 19 août 1917 relatif aux
établissements d’enseignement privé autorisés en AEF175 qui
stipule notamment : « dans les établissements d’enseignement
primaire autorisés, les livres, les manuels, les cartes, etc.
devront être imprimés en langue française » ; aucun moniteur
ne pourra exercer dans les établissements s’il n’est sujet
français.

174
Journal officiel, 1911, pp. 294-295.
175
Journal officiel, 1917, p. 327.

- 290 -
2. L’enseignement public au Congo (1911-1960)
Le vicariat de Loango signale que l’enseignement public
démarre en 1905 au Congo français par une école d’adultes. Le
7 septembre 1907, Martial Merlin commissaire général au
Congo-Français, étend et généralise l’enseignement public sur
tous les territoires de son ressort. La réorganisation des services
publics, qui accompagne la création du gouvernement général
de l’Afrique Equatoriale française le 15 janvier 1910, se traduit
par l’organisation du service de l’enseignement en 1911.

 Organisation
C’est l’arrêté du 4 avril 1911 qui organise l’enseignement
public au Congo. L’enseignement comprend trois degrés :
l’enseignement primaire élémentaire ; l’enseignement primaire
supérieur ; l’enseignement professionnel.

L’enseignement primaire élémentaire est dispensé dans


les écoles de circonscription et dans les écoles urbaines. Il
comprend l’étude de la langue française, l’écriture, la lecture,
le calcul, la leçon de choses pratiques portant sur l’hygiène et
l’agriculture.

L’enseignement primaire supérieur est donné dans les


écoles urbaines. Il comprend : le calcul, l’étude des systèmes
métriques, des notions d’histoire contemporaine de la France,
des colonies françaises africaines, et particulièrement des
colonies de l’AEF, des notions de géographie, de sciences
naturelles appliquées à l’agriculture, à l’hygiène, des notions
sur l’emploi des médicaments usuels.

L’enseignement professionnel est réservé aux enfants


ayant reçu l’instruction élémentaire supérieure, par les soins du
service des travaux publics.

- 291 -
Les écoles urbaines sont dirigées par un instituteur qui
prend le titre de Directeur d’école. Les écoles de
circonscription sont dirigées par les soins de l’officier ou du
fonctionnaire commandant la circonscription, ou l’un de ses
subordonnés. L’enseignement professionnel est placé sous la
direction d’un agent technique, désigné par le lieutenant-
gouverneur.
La circulaire du 8 mai 1925 réorganisant l’enseignement,
s’inspire de deux principes suivants :
– donner dans un délai très court les connaissances du
français parlé au plus grand nombre possible d’enfants ;
– renvoyer ces enfants dans leur milieu, avant qu’ils ne se
soient déshabitués des travaux agricoles et manuels.

 Finalités
Des finalités de ce système scolaire, découle la politique
éducative coloniale qui avait pour objet principal, le maintien
et le développement du système colonial.
Les programmes étaient tournés vers les besoins de
l’économie. Les Européens craignaient surtout que
l’enseignement ne devienne un pervers, permettant aux
« indigènes » de s’élever dans la hiérarchie sociale et,
éventuellement, de devenir la source d’une contestation de
l’ordre établi et de la domination blanche.
L’enseignement devait permettre à l’indigène d’assimiler
les fondements de la culture occidentale, de les respecter et
d’en reconnaître la supériorité. Il devait également permettre
de fournir à l’économie les hommes dont elle avait besoin :
techniciens, employés, auxiliaires, contremaîtres…

 Bilan de l’école coloniale


Dans la période de l’entre-deux guerres, les structures de
l’enseignement au Moyen-Congo se mettent en place. Les
structures sont calquées sur le modèle français (primaire,

- 292 -
secondaire, supérieur), mais également adaptées aux besoins
de la colonie et aux réalités du terrain. L’enseignement public,
créé et géré par l’administration coloniale, est encore jeune.
L’œuvre scolaire est encore timide, retardant ainsi la formation
d’une élite moderne. Avant 1935, le Moyen-Congo ne
disposait que des écoles de village, avec un niveau primaire
élémentaire telles, l’école de Bacongo et la grande école de
Poto-Poto, créées respectivement en 1921 et en 1930.
En 1933, on dénombre au Moyen-Congo 42 enseignants et
2411 élèves, comme le montre le tableau n° 1.

Tableau n° 1 : Effectif des enseignants et des élèves de la


colonie du Moyen-Congo en 1933

Personnel enseignant Nombre d’élèves


Circonscription
Européens Indigènes Garçons Filles
Brazzaville 4 8 606 0

Bas-Congo 1 9 595 0
Bouenza-Louesse 0 3 309 0

Chemin de fer 0 1 20 0
Haut Ogooué 0 1 27 3

Mvouti 0 0 0 0
Kouilou 2 5 222 0

Alima-Léfini 0 2 94 0
Likouala- 0 3 124 10
Mossaka

Ngoko-Sangha 0 1 198 3
Haute-Sangha 0 2 191 6

- 293 -
Bas-Oubangui 0 0 0 0

Total 7 35 2384 22
T = 2411
Source : Archives Brazzaville, 150, IGE.

La première école secondaire, l’école Edouard Renard, ne


voit le jour qu’en 1935. C’est une école supérieure de territoire
qui permet aux élèves titulaires du Certificat d’études primaire
de poursuivre leurs études jusqu’au niveau de la fin de la 4ème
année secondaire.
L’école a trois sections : administrative, médicale et
pédagogique. Les titulaires du diplôme de sortie deviennent
des commis d’administration, des infirmiers, des instituteurs.
En 1945, l’école Edouard Renard, qui n’était qu’une école
primaire supérieure du Moyen-Congo, est transférée à Dolisie
et prend la dénomination de Collège normal Raymond Paillet.
Les locaux de l’école Edouard Renard accueilleront l’Ecole
des cadres supérieurs de l’AEF.

La Conférence de Brazzaville de janvier 1944 donne une


impulsion nouvelle à l’enseignement. C’est ce qui justifie
l’ouverture des écoles primaires supérieures, une dans chaque
territoire de l’AEF. Les meilleurs élèves seront orientés à
Brazzaville, à l’Ecole des cadres supérieurs de l’AEF. Celle-ci
forme un personnel qualifié pour l’administration, le
commerce et les services techniques.
Il faut aussi signaler l’ouverture d’un cours d’enseignement
secondaire à Brazzaville le 25 octobre 1943 ; l’organisation est
calquée sur celle d’un lycée de la Métropole. Ce cours n’a été
surtout qu’un établissement pour les enfants blancs.
La première session du Baccalauréat pour toute l’AEF a eu
lieu en 1943.

- 294 -
En dix ans, de 1946 à 1956, le nombre d’élèves ne fit plus
que décupler dans l’enseignement primaire, comme le montre
ce tableau176.

Tableau n° 2 : Evolution du nombre des classes et des élèves


par sexe en 1956
Enseignement Enseignement
Ensemble
public privé
Nombre %(*) Nombre %(*) Nombre %
Ecoles : 181 38,8 286 61,2 467 100
Classes : 483 41,2 689 58,8 1172 100
Elèves : 25 770 43,3 33 774 56,7 59 554 100
dont
Garçons : 19 921 43,7 25 615 56,3 45 536 100
Filles : 5 849 41,8 8 159 58,2 15 008 100
(*)
Pourcentage calculé par rapport à l’ensemble regroupant
enseignements public et privé. Il faut par ailleurs noter qu’à
peine 25% des filles étaient scolarisées en 1956, contre plus de
75% de garçons.

En 1951, le Cours secondaire de Brazzaville se transforme


en Lycée Savorgnan De Brazza. C’est à cette période aussi que
l’Ecole des cadres supérieurs pousse sérieusement la formation
des élèves africains jusqu’au Baccalauréat.
Les premiers examens de l’enseignement secondaire
auxquels participeront les Africains du territoire de l’AEF se
déroulent à Brazzaville et à Bangui en 1950.
Jusqu’à la veille de l’indépendance, le Moyen-Congo
dispose de quelques établissements classiques et modernes : le
Lycée Fédéral Savorgnan de Brazza à Brazzaville (1951), le
Collège moderne à Pointe-Noire (1955), devenu Lycée Victor
Augagneur (1959), le Collège Chaminade (1953) et le collège

176
Marcel Soret, op.cit., p. 183.

- 295 -
Champagnat de Makoua (1957), ces deux derniers pour
l’enseignement privé subventionné.
L’enseignement du second degré réorganisé en 1959,
correspond à celui de la Métropole. Il est donné dans des cours
secondaires, lycées, collèges modernes aux élèves européens et
africains.
Avant l’indépendance, le Congo compte six centres de
formation des maîtres : Mouyondzi, Dolisie, Makoua,
Brazzaville (Chaminade ; Javouhey) et Ngouédi.
Il n’y a aucune école normale devant former les professeurs
de l’enseignement de second degré.

II - L’enseignement au Congo, de l’indépendance à nos


jours
Le 15 août 1960, le Congo accède à l’indépendance. Malgré
la loi n° 44/61 du 28 septembre 1961 qui met fin au régime
colonial dans la gestion du système éducatif congolais, le pays
reste sous l’emprise néo-coloniale de nombreuses années plus
tard. D’importantes réformes vont cependant ponctuer
l’évolution de ce système éducatif.

1. Les différentes réformes


Plusieurs lois ont été prises par le législateur congolais pour
réglementer l’éducation nationale.

 Les lois scolaires


De 1961 à nos jours, cinq lois scolaires ont été promulguées
pour réorganiser le système éducatif congolais.

 La loi 44/61 du 28 septembre 1961 fixe les principes


généraux de l’organisation de l’enseignement et marque le
passage de l’époque coloniale à celle de la souveraineté
internationale. Elle rend obligatoire la scolarité de 6 à 16 ans.

- 296 -
L’enseignement qui est gratuit, est dispensé dans les
établissements publics et privés. Cette gratuité s’étend aux
fournitures scolaires. Les enseignants des établissements
assimilés sont pris en charge par l’Etat.
Le tableau ci-après montre l’évolution de la situation
scolaire de l’enseignement primaire, de 1960 à 1965.

Tableau n°3 : Evolution des effectifs scolaires de


l’enseignement primaire de 1960 à 1965
Population
Année Ecoles Classes Effectifs
du Congo
1960 932.000 543 1641 99.339
1962 957.000 648 1778 103.273
1963 984.000 749 2276 147.525
1964 1.021.000 777 2492 156.395
1965 1.050.000 806 2766 171.528
Source : Annuaire statistique, 1974, Commissariat général au plan

 La loi 32/65 du 12 août 1965 nationalise


l’enseignement et consacre le principe de la laïcité dans tous
les établissements scolaires.

 La nationalisation de l’enseignement
Elle intervient deux ans après la « Révolution des 13, 14 et
15 août 1963 ». Les confessions religieuses sont écartées de
tout enseignement. Seul l’Etat congolais a désormais le
monopole du système éducatif.
D’autres facteurs ont également contribué à la
nationalisation de l’enseignement. Il s’agit notamment des
conférences africaines sur l’éducation, la conférence de
Brazzaville de 1944 et celle d’Addis-Abeba de 1961.

- 297 -
La Conférence de Brazzaville avait déjà fait un certain
nombre de recommandations, dont les points essentiels sont :
- l’amélioration de la qualité de l’enseignement aux fins
d’aboutir à la formation d’une élite vouée à la cause de la
Métropole ;
- la création des écoles dans les villages présentant plus
de 50 enfants ;
- la facilitation de la scolarisation des jeunes filles ;
- la formation en nombre suffisant des instituteurs et
institutrices ;
- l’ouverture en nombre suffisant d’écoles
professionnelles, d’écoles primaires et d’établissement
d’enseignement spécialisé indispensables à la formation d’une
élite africaine.

De même sous l’égide de l’UNESCO, la conférence


d’Addis-Abeba de 1961 avait fixé les objectifs suivants :

– l’enseignement primaire gratuit et obligatoire ;


– l’enseignement du second degré dispensé aux enfants
ayant achevé leurs études primaires ;
– l’enseignement supérieur dispensé autant que possible en
Afrique même… ;
– une amélioration de la qualité des écoles et des universités
africaines.

La nouvelle mission que les responsables congolais


assignent à l’école est de renforcer leur indépendance et de
réparer les carences engendrées par le colonialisme afin de
promouvoir une société congolaise authentique et moderne.
L’école nouvelle devait également transmettre aux jeunes
générations des valeurs et des savoirs ; former des citoyens
conscients et de futurs producteurs ; modifier les mentalités et
les attitudes chez les individus de chaque groupe pour

- 298 -
engendrer des changements sociaux nécessaires et impulser
l’évolution vers le progrès, la justice et la liberté.
 Les objectifs de la nationalisation
La nationalisation de l’enseignement s’assigne les objectifs
ci-après :
– éduquer les jeunes Congolais en éveillant en eux la
conscience critique de la condition de leur peuple, tout en
développant en chaque individu les valeurs du travail ainsi que
les valeurs culturelles de la société congolaise ;
– inculquer et renforcer le sens patriotique et le dévouement
pour toutes les causes d’intérêt national ;
– conférer des savoirs généraux, scientifiques et techniques
de façon à promouvoir la nation congolaise ;
– dispenser une nouvelle forme d’éducation de façon à créer
des liens étroits entre l’école et le travail ;
– participer à l’élévation du niveau intellectuel ;
– employer les langues nationales comme véhicule de la
pensée et de la science ;
– contribuer au développement économique du pays en
fournissant en quantité voulue et dans la qualité convenable
des cadres, non pas au rabais, mais nécessaires à l’activité
nationale ;
– démocratiser les structures et les contenus de
l’enseignement en les adaptant aux réalités du pays ;
– articuler convenablement les opérations d’éducation ; de
formation et d’emploi en liaison étroite avec l’environnement
ou le milieu local de vie.

- 299 -
 Les résultats obtenus
La nationalisation de l’enseignement a réalisé un bond
spectaculaire sur le plan de la démocratisation, des
infrastructures scolaires, des effectifs scolaires et du personnel
enseignant.
La période qui court après la nationalisation de
l’enseignement a largement contribué à la création des
établissements scolaires, en grand nombre, conformément aux
objectifs fixés par la loi n°32/65 du 12 août 1965. L’article 1er
de cette loi stipule : « Tout enfant vivant sur le territoire de la
République du Congo a droit, sans distinction de sexe, de
croyance, d’opinion ou de fortune, à une éducation ».

Jusqu’en 1983, le Congo compte 4 lycées techniques et 14


collèges d’enseignement technique; 12 lycées d’enseignement
général et 181 collèges d’enseignement général. La différence
en nombre d’établissements scolaires entre la période avant et
après la nationalisation est remarquable.
Tableau n° 4 : Evolution des effectifs scolaires de 1965 à
1983

Cycle Enseigne- Enseigne- Enseigne- Enseignement Enseigne-


d’ensei- ment ment ment 2ème degré ment
gnement primaire secondaire secondaire (lycée secondaire
1er degré 1er degré général) 2ème degré
(CEGP) (CET) (lycée
technique)
1965 171.520 10.277 1.035 696 507
1966 186.544 11.922 1.150 186 546
1967 194.960 11.904 1.134 1.035 638
1968 207.595 16.792 932 1.451 503
1969 212.259 20.122 1.060 1.779 315
1970 228.578 22.855 845 2.373 425

- 300 -
Cycle Enseigne- Enseigne- Enseigne- Enseignement Enseigne-
d’ensei- ment ment ment 2ème degré ment
gnement primaire secondaire secondaire (lycée secondaire
1er degré 1er degré général) 2ème degré
(CEGP) (CET) (lycée
technique)
1971 241.101 27.099 1.089 3.272 597
1972 262.111 32.875 1.363 4.555 943
1973 277.384 43.894 1.378 6.090 1.186
1974 293.138 58.308 1.900 8.402 1.433
1975 307.194 69.334 2.121 12.207 1.748
1976 319.101 80.534 2.854 13.742 2.490
1977 330.456 98.138 4.009 16.203 2.952
1978 345.736 108.632 5.036 18.578 2.498
1979 558.761 118.958 5.598 19.567 4.035
1980 383.018 129.636 4.927 19.221 4.180
1981 390.676 145.638 8.534 23.080 4.083
1982 6.835 154.653 9.088 2.976 4.185
1983 419.000 165.000 9.845 35.000 4.685
Source : INRAP, 1983, opt.cit., p.18.

La création des Ecoles Normales d’Instituteurs de


Brazzaville et d’Owando, à la suite des anciennes écoles de
Dolisie et Mouyondzi, a donné un coup de pouce à l’évolution
du personnel enseignant au niveau de l’enseignement primaire.
L’Institut Supérieur des Sciences de l’Education (INSSED),
puis l’Ecole Normale Supérieure (ENS), ont contribué
également à l’évolution du personnel enseignant du
secondaire.

- 301 -
Tableau n° 5 : Évolution du personnel enseignant de 1965 à 1983

Cycle - Enseigne- Enseigne- Enseigne- Enseigne- Enseigne-


d’enseigne- ment ment ment ment 2ème ment
ment primaire secondaire secondaire degré secondaire
1er degré 1er degré (lycée 2ème degré
(CEGP) (CET) général) (lycée
technique)
1965 2911 400
1966 3115 447
1967 3264 371 141
1968 3474 416 90 186 74
1969 3676 460 90 197 68
1970 3787 490 104 182 83
1971 3898 500 102 193 103
1972 4083 621 103 199 116
1973 4373 741 81 207 86
1974 4650 1.041 125 248 107
1975 5053 1.347 139 356 119
1976 5434 153 137 479 194
1977 6214 1.546 186 619 150
1978 6675 2.174 250 709 296
1979 6832 2.391 296 708 208
1980 6852 2.561 319 587 317
1981 7186 2.928 424 721 317
1982 6997 2940 399 873 363
1983 7790 3.200 445 982
Source : INRAP, 1983, Op.cit., p 20.

 La loi 20/80 du 11 septembre 1980 pose les bases de


« l’Ecole du Peuple » et définit le profil du citoyen congolais à
former.

- 302 -
Le colloque de novembre 1970177 sur l’enseignement fait un
diagnostic sur l’école en ces termes :

A l’heure actuelle, l’économie du pays dépend


beaucoup de l’aide étrangère qui nous parvient de
différents pays ou d’organismes internationaux.
L’école existante ne prépare pas la relève de cette
aide. Elle ne forme pas les techniciens (techniciens
agricoles, techniciens de santé, de l’industrie etc.)
qui sont nécessaires pour que le Congo puisse avec
confiance compter sur les forces et la compétence des
jeunes congolais.
Au contraire, l’école forme des gens qui
administrent de façon bureaucratique une aide
étrangère croissante, mais qui pourront difficilement
la remplacer.
L’école que nous voulons sera « une école du
peuple », c’est-à-dire une école au service de
l’indépendance nationale et de la démocratie
nationale.

Le projet de « l’Ecole du Peuple » réorganise


l’enseignement en quatre cycles :

1er cycle : Eveil


Pendant ce cycle, l’enseignement est essentiellement oral.
En même temps, l’élève reçoit une initiation à l’acquisition de
la lecture et de l’écriture. Les jeux collectifs et les mouvements
de groupe ont une place de choix. L’éducation artistique est
intégrée dans les méthodes pour consigner l’expérience vécue.

177
Revue mensuelle, « Ecole du peuple », n° 3, p.17, décembre 1976 ;
Revue mensuelle, « Ecole du peuple », n° 4, p. 28, novembre 1977.

- 303 -
2ème cycle : Fixation
Le contenu des programmes prévoit : les mathématiques, la
géographie, les sciences physique et chimie, les sciences
naturelles, l’histoire contemporaine, la langue, les arts
ménagers.
La formation politique sur le marxisme-léninisme entre dans
le corps des disciplines comme l’histoire, la géographie.

3ème cycle : Cycle des métiers


Il sera créé des écoles spéciales pour une véritable
adéquation des structures de l’enseignement aux structures
économiques et sociales du pays. Voici quelques exemples des
écoles de métiers à créer :

A. Ecole d’agriculture
B. Ecole de santé
C. Ecole des travaux publics
D. Ecole des instituteurs
E. Ecole de mécanique et d’électricité

4ème cycle : Cycle supérieur des métiers


Ce cycle constitue pour l’étudiant le prolongement des
connaissances théoriques acquises au niveau du cycle des
métiers. Voici quelques exemples des écoles supérieures de
métiers à créer :

A. Ecole supérieure d’agriculture


B. Ecole supérieure de la santé
C. Ecole supérieure des travaux publics
D. Ecole supérieure des enseignants
E. Ecole supérieure de mécanique et d’électricité
F. Ecole supérieure des industries
G. Institut des formations des cadres moyens et supérieurs
du secteur tertiaire.

- 304 -
 La loi 008/90 du 6 septembre 1990 répond aux
conclusions du colloque-bilan de 1988 et au vent de la
démocratisation qui souffle dans le monde. Elle libéralise
l’enseignement.

 La loi 25/95 du 17 novembre 1995 restaure les


anciennes appellations des cycles et des classes scolaires. Elle
confirme les dispositions de la loi précédente sur la
libéralisation de l’enseignement.

2. Du Centre de Documentation Pédagogique à l’Institut


National de Recherche et d’Action Pédagogiques
En 1955, est créé à Brazzaville, un centre de Documentation
Pédagogique (CDP). C’est une cellule de l’Inspection
académique chargée des œuvres scolaires comme des examens
et concours par correspondance destinés aux enseignants.
A l’accession de l’indépendance du Congo, grâce à l’aide de
l’UNESCO, le CDP devient un Centre National de
Documentation et de Recherche Pédagogique (CNDRP). Sa
mission principale est de mettre à la disposition des
enseignants des supports pédagogiques et administratifs.
Après la nationalisation de l’enseignement, le CNDRP
devient un Institut Pédagogique National (IPN). L’IPN devient
en 1972 Institut National de Recherche et d’Action
Pédagogiques (INRAP) par le décret ministériel n° 72/87 du
10 mars 1972. A l’origine, sa mission principale est de
préparer les fondements de « l’Ecole du Peuple » avec les
tâches suivantes :

– transformer l’esprit et les structures de l’enseignement en


République Populaire du Congo pour les adapter aux objectifs
« de l’école du peuple » ;
– étudier et expérimenter les méthodes pédagogiques les
mieux adaptées au milieu scolaire national et aux

- 305 -
préoccupations idéologiques du Parti congolais du travail
(PCT) ;
– orienter et innover les activités pédagogiques des écoles
normales et autres établissements de formation dont il assure la
tutelle ;
– assurer la formation permanente des enseignants par le
biais des cours par correspondance et des séminaires
pédagogiques ;
– doter les écoles de manuels et matériel didactique
conformes à l’esprit de « l’école du peuple » ;
– coopérer avec les autres institutions qui poursuivent un
but similaire ;
– promouvoir l’enseignement rural ;
– développer les méthodes et techniques nouvelles,
notamment celles de l’audio-visuel ;
– parfaire et publier les travaux d’enquêtes réalisés au
niveau des régions 178.

Aujourd’hui, l’INRAP joue un rôle primordial dans la


transformation de l’école congolaise par l’élaboration des
programmes scolaires, la production des supports didactiques,
l’expérimentation et l’innovation des méthodes et techniques
d’enseignement/apprentissage.

3. L’Enseignement supérieur
Parallèlement, l’enseignement supérieur connaît un
développement progressif. L’histoire de l’enseignement
supérieur au Congo est liée au fil du temps à celle des relations
entre la France et le Congo d’une part, et à celle de la
promotion de celui-ci en Afrique Centrale d’autre part.

178
Historique de l’Institut National de Recherche et d’Actions
Pédagogiques, Brazzaville, Imprimerie Nationale, n° d’impression 115, n°
d’édition 13.

- 306 -
En 1958, est créé l’Institut d’Etudes Supérieures à
Brazzaville par la France. Le 3 décembre 1959, cet Institut se
transforme en Centre d’Etudes Administratives et Techniques
Supérieures (CEATS) avec siège à Brazzaville.
En 1960, est signé le premier accord entre la France et le
Congo en matière d’enseignement supérieur. Cet accord est
relatif à la création du Centre d’Enseignement Supérieur de
Brazzaville (CESB), né sur les cendres du Centre d’Etudes
Administratives et Techniques Supérieures (CEATS). Le
CESB est « un établissement public de droit français géré par
la République française et dont les terrains, les bâtiments et les
installations sont propriété française »

En décembre 1960, le Congo adresse une requête au Fonds


Spécial des Nations unies pour la création d’une Ecole Normale
Supérieure. La requête est approuvée en janvier 1961. Le 10
novembre 1961 est signé à Paris un accord portant création de
l’Ecole Normale Supérieure d’Afrique Centrale (ENSAC). Le
11 décembre 1961, à Fort Lamy, la conférence des chefs
d’Etat d’Afrique Centrale adopte une convention portant
organisation de l’Enseignement Supérieur en créant la
Fondation de l’Enseignement Supérieur en Afrique Centrale
(FESAC).

En 1970, se tient le colloque sur l’enseignement qui met en


place le projet de « l’Ecole du Peuple ». Dans ce projet
l’Université doit être conçue comme le cycle Supérieur des
métiers, « creuset de l’intelligentsia nationale ». A partir de
cette année, les facteurs de l’éclatement de la FESAC se
mettent en place.
Le 27 avril 1971 se tient la dernière session du Conseil
d’Administration de la FESAC qui décide de sa dissolution
pour le 31 octobre 1971. L’Université de Brazzaville est créée

- 307 -
par ordonnance n° 29/71 du 4 décembre 1971 et ouvre ses
portes en octobre 1972.
En octobre 1973, l’ENSAC devient l’Institut Supérieur des
Sciences de l’Education (INSSED).
Le 28 juillet 1977, l’Université de Brazzaville change de
nom et devient Université Marien Ngouabi, en reconnaissance
de l’action très remarquable de ce président de la République
(1968-1977) en milieu universitaire.

La profonde réforme attendue et souhaitée est la construction


d’une université capable d’accueillir plus de 15000 étudiants.
L’amélioration des infrastructures implique les bonnes
conditions de travail et d’études. La bibliothèque universitaire
est l’un des grands chantiers en cours de réalisation. Elle
accueillera 1000 étudiants.

Cette réforme de l’Enseignement Supérieur doit se faire en


deux axes : reconfigurer l’Université Marien Ngouabi et
mettre en œuvre le schéma de déconcentration de
l’Enseignement Supérieur.
La nouvelle donne politique veut moderniser l’Université et
doter le pays d’un enseignement Supérieur de qualité. Ce qui
s’est traduit récemment par l’adoption du décret n° 2009/177
du 18 juin 2009 mettant en place, dans plusieurs
établissements universitaires le système Licence – Master –
Doctorat (LMD), recommandé par les recteurs des universités
des pays de la Communauté Economique et Monétaire de
l’Afrique Centrale (CEMAC) et le Conseil Africain et
Malgache de l’Enseignement Supérieur (CAMES).

4. L’Education congolaise aujourd’hui


La Conférence nationale souveraine tenue du 25 février au
10 juin 1991 a fait le bilan de trente années d’indépendance
dans le domaine de l’éducation.

- 308 -
Ce bilan abordé sous l’angle de la politique globale du
système et de la politique sectorielle est jugé insatisfaisant. En
effet, le projet de l’Ecole du Peuple n’a pas été réalisé dans son
orientation et son contenu.
C’est sur la base de ce bilan que la Conférence nationale
souveraine a dégagé une nouvelle politique en vue d’améliorer
la qualité de l’éducation. L’acte n° 068/91 de la Conférence
nationale souveraine, publié le 21 juin 1991, charge le
Gouvernement de transition de réviser la loi scolaire n° 008/90
du 6 septembre 1990 portant réorganisation de l’enseignement.

C’est bien plus tard, cinq ans après, que la loi scolaire 25/95
du 17 novembre 1995 est publiée. Elle modifie la loi scolaire
n°008/90 du 6 septembre 1990 et réorganise le système
éducatif en République du Congo. La nouvelle loi scolaire
définit les finalités, les buts, les objectifs et le fonctionnement
de l’éducation. Elle confirme les dispositions de la précédente
loi en ce qui concerne la libéralisation de l’enseignement et
l’existence des établissements privés.

La Constitution du 20 janvier 2002 garantit, au titre II relatif


aux droits et libertés fondamentales, cette vision de
l’éducation. L’article 23 stipule clairement que « le droit à
l’éducation est garanti ainsi que l’égal accès à l’enseignement
et la formation professionnelle ; l’enseignement dispensé dans
les établissements publics et privés est garanti ; la scolarité est
obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans ; le droit de créer des
établissements privés, régis par la loi, est garanti ».

Outre la loi fondamentale et les différents décrets relatifs au


secteur de l’éducation, le chef de l’Etat a récemment défini la
politique de modernisation de l’éducation dans son discours
d’investiture d’août 2009. La vision de l’éducation dans le
cadre de son projet de société dit « Chemin d’avenir » prévoit

- 309 -
augmenter et mieux équiper les structures éducatives à tous les
niveaux, multiplier les écoles d’excellence pour former les
élites, généraliser l’usage des nouvelles technologies de
l’information et de la communication, promouvoir la
formation qualifiante et l’apprentissage, faire passer le taux
des enfants ayant accès à l’enseignement primaire de 80 %
aujourd’hui à quasiment 100 % en 2016.

CONCLUSION

Ainsi pour arrimer le pays à la modernité, le pays doit être


doté de cadres ayant un niveau élevé d’expertise et de
recherche scientifique et technologique.
Au niveau de l’enseignement supérieur, l’élaboration d’une
loi spécifique avait été envisagée. Cette préoccupation sera
probablement prise en compte dans un cadre global. En effet,
il est question de plus en plus de mettre en place une loi cadre
de l’éducation et de la formation. Cette loi fixera le cadre
juridique et organisationnel général, ainsi que les orientations
fondamentales du système éducatif congolais. Cette loi cadre,
une fois adoptée, permettra à chaque sous-secteur de
l’éducation de tirer sa propre loi.
Aujourd’hui, l’éducation congolaise est résolument tournée
vers l’avenir par les différentes pulsions de modernité et
d’excellence que lui impriment les autorités politiques et
gouvernementales.

- 310 -
CHAPITRE 11

LA SANTE AU CONGO DE 1958 A NOS JOURS

Par Cyriaque N’DJOBO-MAMADOUD

INTRODUCTION

Le Congo est situé dans la zone des climats chauds et


humides. Elle reçoit des précipitations moyennes de l’ordre de
500 ml d’eau au sud et près de 2000 ml au nord. La
température moyenne se situe autour de 25°C ; les écarts
thermiques sont faibles au nord (2° C) et s’amplifient au sud
(6°C). Le nord du pays bénéficie d’un climat équatorial et il y
pleut toute l’année avec une accalmie de décembre à février,
puis en juillet. Dans le sud-ouest, le climat prend une tendance
tropicale humide; la saison des pluies dure 8 à 9 mois
(d’octobre à mai), interrompue par une petite saison sèche en
janvier ou février. La grande saison sèche dure 3 à 4 mois (mai
– septembre). Les régions du centre (Plateaux Batékés et
Cuvette Congolaise) connaissent un climat intermédiaire : le
climat subéquatorial. Ces climats sont nuancés suivant les
départements par divers facteurs notamment les masses d’eau,
les courants marins et le relief.
La végétation est constituée par des zones forestières et des
zones de savane. Les zones forestières couvrent environ 60 %
du territoire national, dont 10 % sont constitués de forêts
denses et humides. Leur superficie est estimée à 20 millions
d’hectares. Les zones de savane représentent près de 40 % de
la superficie du Congo et totalisent environ 12 millions
d’hectares.

- 311 -
Ces écosystèmes sont propices à l’éclosion de nombreuses
maladies tropicales, notamment les maladies infectieuses et les
maladies parasitaires.

I - Politiques de santé, de l’indépendance à nos jours

1. Les différentes approches d’organisation des services


de santé
La politique de développement sanitaire au Congo a connu,
de l’époque coloniale à ce jour, plusieurs approches
successives d’organisation des services de santé :

- l’approche des services de soins médicaux complétés


par des programmes de santé publique ;
- l’approche des services de santé de base ;
- l’approche de soins de santé primaires.

A l’issue de son accession à l’indépendance le 15 août 1960,


le Congo s’est lancé dans un programme de construction des
services de santé de base (dispensaires, centres de protection
maternelle et infantile, infirmeries, centres médicaux, hôpitaux
régionaux ou communaux et hôpitaux généraux, hôpitaux
secondaires, institutions spécialisées),
Au fil des années, l’application des différentes approches de
soins de santé a donné naissance à des Centres de Santé
Intégrés et des postes de santé construits à travers le territoire
national, le plus souvent, sur l’initiative des communautés.
Cette évolution a abouti à une structure pyramidale du réseau
des formations sanitaires. Les postes de santé, les dispensaires
constituent la base de cette pyramide et le Centre Hospitalier et
Universitaire (CHU) de Brazzaville, créé par transformation de
l’Hôpital Général de Brazzaville, en est le sommet.
L’analyse de la situation qui a précédé l’élaboration du
premier Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) a

- 312 -
montré que ce réseau de formations sanitaires ne fonctionnait
pas comme un ensemble efficace et cohérent : la répartition
géographique n’était pas équitable, il y avait de longues files
d’attentes des patients en milieu urbain, un mauvais accueil
des malades par les personnels de santé et une pénurie
chronique en médicaments et fournitures …
De ce fait, la recherche d’un niveau d’équité et de
satisfaction des besoins les plus importants des populations en
matière de santé devenait la préoccupation majeure. Pour ce
faire, le Congo a adopté le même scénario de développement
sanitaire que les autres pays africains. Plusieurs expériences
ont été initiées dans tous les pays, en collaboration avec les
agences de coopération internationale. Ces expériences étaient
caractérisées par des coûts abordables pour les populations, la
gestion et la planification des services et le recouvrement des
coûts récurrents, etc.

2. Réponses institutionnelles aux problèmes de santé des


populations179
La toute première orientation de politique sanitaire nationale
remonte au 3e congrès extraordinaire du Parti congolais du
travail (PCT), tenu en mars 1979. Elle consistait à donner « la
priorité à la médecine préventive et aux besoins de santé
primaires ».
Cette orientation a déterminé le développement du secteur
santé pendant les années qui ont suivi, jusqu’à l’élaboration et
l’adoption du tout premier Plan national de développement
sanitaire (1992-1996).
Elle a aussi constitué le fondement d’un programme
d’action basé sur :
– le renforcement des activités de prévention

179
PNDS 1992-1996

- 313 -
– le renforcement des services de santé de base (dispensaires,
centres de protection maternelle et infantile, infirmeries, postes
de santé, centres de santé intégrés) par l’intégration
progressive des activités curatives, éducatives et
promotionnelles ;
– le développement des soins hospitaliers spécialisés, avec
la création des hôpitaux régionaux dans les chefs-lieux de
régions, des hôpitaux de base dans les chefs-lieux de district,
des hôpitaux secondaires urbains, des hôpitaux généraux ;
– l’approvisionnement et la distribution des médicaments.

Cette politique visait la réduction progressive de la


dépendance vis-à-vis de l’étranger par l’approvisionnement en
médicaments, l’utilisation plus rationnelle des infrastructures,
du personnel, le renforcement des équipements et le
relèvement du niveau professionnel du personnel médical et
paramédical.
Un Programme d’Action Economique et Social (PAES) a
été adopté pour la période 1990-1994, axé sur :

– l’extension de l’expérience des soins de santé primaires ;


– la valorisation, la modernisation et la multiplication des
structures de santé de base jugées concluantes pour l’ensemble
du pays ;
– l’élargissement du système de sécurité social de l’époque.

La Conférence nationale souveraine de février-juin 1991 a


soutenu les soins de santé primaires et a recommandé une
programmation sanitaire nationale dont les principaux axes de
la politique sanitaire nationale ont été traduits, entre autres, par
l’adhésion du Congo aux résolutions sanitaires internationales
ci-après :

- 314 -
– la déclaration des soins de santé primaire (Alma Ata,
1978) ;
– la Charte de Développement Sanitaire en Afrique (Lagos,
1980) ;
– la Scénario Africain de Développement Sanitaire (Lusaka,
1985) ;
– la Déclaration sur l’Initiative de Bamako (Bamako,
1987) ;
– la Déclaration des Chefs d’Etat et de Gouvernements de
l’OUA intitulée « Santé : base du développement en Afrique »
(Addis-Abeba, 1987) ;
– la ratification de la Convention Internationale sur les
Droits de l’enfant (1990.

En juin 1990, un séminaire-atelier a été organisé sur


l’Initiative de Bamako au Congo pour concevoir un document
de politique générale sur les modalités d’application du
concept de l’Initiative de Bamako au Congo.
Ce séminaire-atelier a permis de définir le modèle congolais
de la mise en œuvre de l’Initiative de Bamako, un modèle à
deux niveaux : le centre de santé intégré (CSI) et l’hôpital de
référence.
Il avait également été conclu que le Congo devait adopter et
appliquer un cadre de référence pour toute planification
sanitaire à travers le territoire national. C’est ainsi qu’a été
élaboré le premier Plan National de Développement Sanitaire
(1992-1996).
Cependant, les années 90 ont été une décennie d’instabilité
au cours de laquelle ses infrastructures sanitaires ont été
fortement endommagées avec, pour corollaire, un grand exode
des populations qui a entraîné une fuite du personnel qualifié
du secteur de la santé. Ces deux facteurs, auxquels il faut
ajouter l’insuffisance de la réglementation du système de

- 315 -
santé, ont contribué à priver une grande partie de la population
d’un de ses droits fondamentaux à savoir, le droit à la santé.
Depuis 2000 et à l’issue de la guerre de juin 1997, le Congo
a adopté une Politique Nationale de Santé qui a été déclinée en
un Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) pour la
période 2007-2011. De ce PNDS, il a été conçu un programme
de développement sectoriel à moyen terme (2008-2012) appelé
Programme de Développement du Système de Santé (PDSS)
Ce programme découle d’un Programme de travail holistique
et détaillé qui a été élaboré en étroite collaboration avec les
principaux partenaires au développement du Congo,
notamment la Banque Mondiale, l’UE, l’AFD, l’OMS, le
FNUAP, le PNUD et l’UNICEF.
En 2007, une feuille de route nationale pour l’accélération la
réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile a été
adoptée pour lutter contre la mortalité élevée de la mère et de
l’enfant.

3. La formation du personnel
La majorité du personnel de santé est formé sur place. On
compte comme structures de formation :
– la Faculté des Sciences de la Santé, qui forme des
médecins, des licenciés en sciences infirmières, en santé
publique et en laboratoire.
– l’École Nationale d’administration et de Magistrature, qui
forme des agents de développement social et des
administrateurs civils ;
– le Centre Inter-états d’Enseignement Supérieur en Santé
Publique d’Afrique Centrale (CIESPAC), qui forme le
personnel de santé publique dans le domaine du laboratoire et
des médecins spécialistes en santé publique ;
– des écoles de formation paramédicale et médico-sociale
qui forment des assistants sanitaires, infirmiers diplômés
d’Etat, des sages femmes, des assistants sociaux, des assistants

- 316 -
de laboratoire, des préparateurs en pharmacie et des agents
techniques ;
– des centres de formation professionnelle féminins qui
forment des auxiliaires puéricultrices ;
– une autre partie du personnel est formé à l’extérieur du
pays (URSS, Cuba, France, Sénégal, Roumanie…)

4. Les structures sanitaires au Congo et services


offerts180
La nomenclature type des structures du système de santé au
Congo a permis de relever les appellations suivantes :
– le poste de santé : il a pour vocation d’assurer les soins
infirmiers élémentaires (secourisme), d’accueillir les
accouchements qui ne posent pas de problème. Il constitue la
référence locale en ce qui concerne l’éducation pour la santé et
la prévention primaire. Il est tenu par du personnel bénévole :
agent de santé du village ou accoucheuse traditionnelle. Le
poste de santé n’appartient pas à la nomenclature officielle du
ministère de la santé ;
– le dispensaire : il est implanté tout aussi en milieu urbain
qu’en milieu rural. Il assure le diagnostic des maladies
courantes, les soins ambulatoires et réalise les examens de
laboratoire simples comme la goutte épaisse, l’examen des
urines, la glycémie, etc. Dans les villages, les dispensaires
assurent également les consultations prénatales et les
vaccinations. Ils sont équipés de tables d’accouchement et de
lits de maternité pour accueillir les accouchements normaux.
Les postes de santé et les dispensaires n’existent plus à
l’heure actuelle.
– Le centre de santé intégré ou CSI : il assure les mêmes
activités que le dispensaire, avec en plus, les activités de santé
maternelle et infantile et les consultations spécialisées

180
PNDS 1992-1996.

- 317 -
d’odontologie notamment en milieu urbain. Le centre de santé
intégré représente actuellement la base, le premier niveau de
soins de notre système de santé ;
– l’hôpital de base (exemple Hôpital de base de Tié-Tié à
Pointe-Noire, Hôpital de base de Tala-Ngai à Brazzaville,
Hôpital de base de Mouyondzi, Hôpital de base de
Makélékélé, Hôpital de base de Djambala, etc.). Il est implanté
au chef-lieu du district et assure à la fois des activités de
dispensaire et les hospitalisations pour enfants et les femmes
(maternité et accouchements), la médecine adulte et la
chirurgie ;
– l’hôpital régional ou communal, implanté soit au chef-lieu
du département, soit dans une commune. Il assure la
couverture de toutes les maladies médicales et chirurgicales.
Toutes les grandes spécialités médicales et chirurgicales y sont
représentées. Le plus souvent, on y pratique de la chirurgie
générale, de la médecine générale et la maternité. Sa capacité
d’accueil varie entre 100 et 200 lits ;
– l’hôpital général (exemple : hôpital général d’Impfondo,
hôpital général de Zanaga, hôpital général Adolphe Sicé de
Pointe-Noire, etc.), qui assure la prise en charge de toutes les
spécialités. La capacité d’accueil varie entre 200 et 800 lits ;
– l’hôpital universitaire. C’est l’établissement de soins au
sommet de la pyramide des formations sanitaires. Trois
missions lui sont assignées : la dispensation de soins médicaux
d très haut niveau, la recherche biomédicale, l’enseignement.
Le Centre Hospitalier et Universitaire de Brazzaville est le seul
établissement de ce type.

II - Situation épidémiologique

Les maladies les plus fréquentes au Congo sont les maladies


infectieuses et les maladies parasitaires. A côté, il existe des

- 318 -
maladies non infectieuses, principalement les maladies
cardiovasculaires et le diabète.
Le profil épidémiologique est marqué par la prédominance
des maladies infectieuses, la recrudescence des maladies
transmissibles (tuberculose, trypanosomiase, schistosomiase)
et la progression inquiétante du VIH/SIDA.

1. Maladies transmissibles
 Paludisme
En 2006, le paludisme a été la première cause de morbidité
avec 55,1 % des motifs de consultation. Au total, 157.757
cas181 ont été notifiés pour 253 décès enregistrés, soit un taux
de létalité égal à 0,16 %. Les enfants de moins de 5 ans,
représentent 41,6% des cas, avec un taux de létalité de 74,3 %.
La situation du paludisme au Congo est préoccupante.
Plusieurs facteurs sont incriminés :
– la résistance du plasmodium aux antipaludiques usuels
observée dans tout le pays (chloroquine : 80 à 90 % ;
sulfadoxine-pyriméthanine : 15 à 30 %), a conduit à changer le
protocole de traitement du paludisme en 2006 ;
– la pénurie fréquente de médicaments dans les formations
sanitaires ;
– le non-respect des schémas thérapeutiques basés sur les
dérivées de l’artémisinine, préconisés par la politique nationale
de lutte contre le paludisme ;
– la faible utilisation de la moustiquaire et des matériaux
traités à l’insecticide ;
– la non application des autres orientations de la lutte
intégrée contre les vecteurs, notamment celles en rapport avec
l’assainissement du milieu.

181
EDSC – 1 Congo CNSEE, 2005.

- 319 -
 Tuberculose
En 2005, au total 9.959 cas ont été détectés, soit un taux
d’incidence annuelle de 350 cas pour 100 000 habitants, dont
40,6% de Tuberculose pulmonaire à bacilloscopie positive
(TPM+). La couche de la population la plus atteinte est celle
âgée de 15 à 44 ans, avec 75 % de tous les malades. Cette
incidence élevée serait attribuée à de multiples facteurs,
notamment :
– la co-infection avec le VIH : le taux de séroprévalence du
VIH chez les malades chez qui on a trouvé le bacille dans les
crachats est de 17 %182 ;
– la faible capacité de détection des cas, étant donné que les
centres de diagnostic et de traitement ne sont situés pour la
plupart de cas que dans les chefs-lieux des départements ;
– la forte proportion des personnes qui abandonnent le
traitement, évaluée à 27 % en 2004 ;
– la précarité des conditions de vie de la population dont 50
% vit en dessous du seuil de pauvreté ;
– la faible intégration du programme de lutte contre la
tuberculose dans les activités des formations sanitaires
ambulatoires.

 Infection à VIH et le Sida


Selon les résultats de l’enquête réalisée en 2003183, le taux
de prévalence du VIH au Congo est égal à 4,2% chez les sujets
âgés de 15 à 49 ans. Mais les départements et localités ne sont
pas touchés de la même manière par cette maladie. Les
localités de Sibiti et Dolisie ont les taux les plus élevés avec
respectivement 10,3 % et 9,4%, alors que les prévalences les
plus faibles sont observées à Djambala et Impfondo avec 1,3%
et 1,5%. Le graphique ci-dessous indique la répartition des

182
Rapport PNLT/DLM 2005.
183
Rapport de l’enquête CREDES/ CNLS 2003.

- 320 -
taux de prévalence par chefs lieux de départements et
communes.

Graphique n° 1 : Distribution de la séroprévalence du VIH


par départements en 2003

12

10,3
10 9,4

Taux 6
5
4,7
4 3,6
3,3
2,6 2,6
2 1,5
1,3

0
Bzv PNR Dis Sbti Mgou Nkyi Kla Djbla Owdo Ipfdo
Localités

En outre la situation est caractérisée par :


– une prévalence particulièrement élevée dans les tranches
d’âge de 35 à 39 ans (8,4 %) et 40 à 44 ans (7,8 %) ;
– une tendance à la féminisation de l’épidémie, avec des
taux moyens de 4,7 % chez les femmes contre 3,8 % chez les
hommes ;
– des taux de prévalence présentant selon le niveau
d’instruction: 5,4% chez les non scolarisés, 4,1 % pour les
personnes du niveau primaire, 4,8 % pour le niveau collège,
3% pour le niveau lycée et 2,5 % pour le niveau universitaire ;
– des groupes vulnérables constitués par : les adolescents,
les femmes victimes de violences sexuelles, les
professionnelles du sexe, les orphelins du SIDA, les enfants
nés de mères séropositives, les agents de la force publique, les
ex combattants, les personnes déplacées, sinistrées et

- 321 -
réfugiées, les personnes handicapées, les malades mentaux, les
toxicomanes et le personnel de santé ;
– et une propagation de l’infection à VIH dans les
communautés favorisée par la pauvreté, le faible niveau
économique de la femme, la résistance à l’utilisation du
préservatif, le vagabondage sexuel et la prostitution, le déni de
l’existence du SIDA et la recrudescence des violences
sexuelles.

De source hospitalière, 40 % des lits d’hôpitaux sont


occupés par les malades du SIDA dans les principales villes ;
le taux de mortalité due au SIDA a augmenté à Brazzaville de
14 % en 1991 à 21,5 % en fin 2003. C’est la première cause de
mortalité chez les adultes de 15 à 45 ans. Chez les enfants de 0
à 4 ans, 7 % des décès sont attribuables au SIDA.

 Infections Sexuellement Transmissibles (IST)


En 2003, près de 17.734 cas d’infections sexuellement
transmissibles ont été notifiés par les formations sanitaires. La
séroprévalence de la syphilis a été estimée à 5 %. Le caractère
de « maladies honteuses » attribué aux infections sexuellement
transmissibles conduit souvent à une automédication, ce qui
laisse penser que les données notifiées sont en dessous de la
réalité.

 Infections respiratoires aiguës


Les données de la carte sanitaire du Congo indiquent que les
infections respiratoires aiguës viennent au second rang des
motifs de consultation chez les enfants de moins de 5 ans en
2003 avec 7,1 % des cas. En 2002, elles représentaient 29,8 %
des causes de décès des enfants de moins de 5 ans enregistrés
dans les hôpitaux.

- 322 -
 Maladies diarrhéiques
En 2002, au total 19 411 cas de maladies diarrhéiques ont
été notifiés, comprenant 55,4 % de diarrhées simples, 22,6%
de gastro-entérites, 14,7 % d'amibiases et 7,4 % de shigelloses.
En outre, les maladies diarrhéiques arrivaient au cinquième
rang des principales causes de décès dans les hôpitaux en
2002.
La thérapie de réhydratation par voie orale constitue
l’essentiel du traitement de ces maladies. Son utilisation au
niveau des ménages est passée de 41 %, en 1994, à 64% en
2000184. Ce qui est encourageant.

 Trypanosomiase humaine africaine


La trypanosomiase humaine touche actuellement 5
Départements sur 12 (Niari, Bouenza, Pool, Plateaux et
Cuvette) avec 3629 cas notifiés en 2005 dans les trois grands
foyers qui sont : le foyer de la vallée du Niari qui concerne les
localités de Boko – Songho, Madingou, Nkayi et Loudima ; le
foyer du couloir qui couvre les districts de Ngabé, Mpouya,
Gamboma et Makotimpoko et le foyer de la Cuvette qui
concerne les districts de Mossaka et Loukolela.

 Schistosomiase urinaire
Elle sévit dans plusieurs foyers avec des taux de prévalence
qui varient entre 5 et 35 % en milieu scolaire. Au total, 2018
cas ont été enregistrés en 2002, répartis entre les départements
de la Bouenza (62,9 %), du Kouilou (19,1 %), de Brazzaville
(10,4 %) et du Niari (6,2 %). Une recrudescence de la
schistosomiase a été observée dans les anciens foyers du Niari,
de la Bouenza, du Kouilou et s’accompagne d’une extension

184
Ministère de la santé, 2002, Rapport annuel d’activités du Programme
National de lutte contre la tuberculose.

- 323 -
de la maladie dans d’autres départements, notamment ceux de
la Lékoumou.

 Lèpre
Fin 2005, au total 215 cas ont été enregistrés, soit un taux de
prévalence de 0,67 % pour 10.000 habitants. Les enfants
représentent 9,1 % de ces nouveaux cas. Par ailleurs, 207 cas
ont été détectés, qui représentent un taux de détection de
0,64 % pour 10.000 habitants. Le pourcentage des personnes
qui sont atteintes par plusieurs bacilles de cette maladie parmi
les nouveaux cas est de 79,2 %.

 Ulcère de Buruli
L'Ulcère de Buruli a fait son apparition au Congo en 2000
dans les Départements du Kouilou, du Niari et de la Bouenza.
En 2005, au total 293 cas cumulés ont été enregistrés dont
77,8 % dans le Kouilou, 12,3 % dans le Niari et 12,1 % dans la
Bouenza.

 Onchocercose
L’onchocercose, maladie responsable de la cécité, sévit
principalement dans trois foyers : le bassin du fleuve Congo
avec son affluent le Djoué, le bassin du fleuve Kouilou-Niari
et le bassin de l’Oubangui. Les deux premiers sont hyper
endémiques.
Environ 700.000 personnes sont exposées à l’onchocercose
dans les deux grands foyers. Chez les adultes, les taux de
cécité de type 1 et de type 2 sont respectivement de 1,7 % et de
3,4 % en zone d’endémie, contre 0,5 et 0,7 % en zone non
onchocerquienne.
L’adhésion des populations au traitement par le médicament
appelé Ivermectine est en évolution ; elle a concerné 65 % des
personnes atteintes de la maladie au cours de ces dix dernières
années.

- 324 -
La couverture géographique correspondant au pourcentage
des villages à traiter, couverts par la distribution de
l’Ivermectine, était de 92,3 % en 2002. L’objectif annuel de
traitement de la population éligible visée étant de 435.565
personnes, la couverture thérapeutique correspondant au
pourcentage de la population totale de la zone cible hyper et
méso endémique, traitée n'était que de 22,8 %.

 Maladies cibles du Programme Elargi de


Vaccination (PEV)
Les maladies évitables par la vaccination ont été réduites à
des taux de prévalence assez bas au cours des années 2005-
2006, grâce à l’amélioration des taux de couverture vaccinale.
Quoique des efforts réels aient été accomplis dans
l’amélioration de la couverture vaccinale, celle-ci n’est pas la
même d’un département à un autre, et même à l’intérieur d’un
même département. De même, l’objectif de réaliser un taux de
couverture vaccinale égale à 80 % par antigène et dans chaque
circonscription socio sanitaire, est loin d’être atteint.

 Rougeole
Depuis l’année 2005, un net recul de l’incidence de la
maladie est observé. Cette évolution résulte des effets
conjugués des activités de vaccination de routine et des
campagnes de vaccination organisées en 2005. C’est ainsi que
le taux de couverture vaccinale contre la rougeole est passé de
55,6 % en 2005 à 63,3 % en 2006. En 2006, 183 cas de
rougeole ont été notifiés sur l’ensemble du territoire, dont 5
décès185.

185
Rapport de la Direction de l’Epidémiologie et de la Lutte contre la
Maladie, 2006.

- 325 -
 Poliomyélite
Le Congo, comme beaucoup de pays d’Afrique noire, a
adopté la stratégie appelée « initiative éradication de la
poliomyélite » et, depuis 2001, aucun cas de poliovirus
sauvage n’a été signalé. Toutefois, le Congo reste un pays à
haut risque d’importation du virus parce qu’il est entouré de
pays où ce virus circule (Tchad, Centrafrique, Angola,
République Démocratique du Congo).

 Tétanos néonatal et maternel


De 2005 à 2006, le nombre de cas de tétanos néonatal et
maternel (TNM) est passé de 12 à 2 cas (Pool : 1cas ;
Likouala : 1 cas). Etant donné la faiblesse de la surveillance
active et du système national d’information sanitaire dans son
ensemble, une sous notification de la maladie est fort probable.

 Fièvre jaune
En 2006, 99 cas ont été notifiés dont 2 décès. Il faut noter
que depuis l’introduction du vaccin antiamarile, la régression
de la maladie est perceptible en milieu hospitalier. Ici
également, des faiblesses de la surveillance épidémiologique
sont observées.

 Méningites
En 2006, au total 163 cas, dont 27 décès dus à la méningite
purulente, ont été enregistrés dans les formations sanitaires. En
dépit de ce que la méningite cérébro-spinale fait partie des huit
maladies à potentiel épidémique, sa surveillance n’est pas
encore organisée. Les laboratoires de plusieurs hôpitaux de
districts ne disposent pas toujours de techniciens de laboratoire
ayant une formation appropriée ; le plateau technique, les
réactifs et consommables requis font également défaut.

- 326 -
 Choléra
Après les épidémies observées en 1998 (160 cas, dont 11
décès), 1999 et 2001 à Brazzaville et à Pointe-Noire, aucun cas
n’a été notifié sur l’ensemble du territoire depuis lors.

 Maladies émergentes : la fièvre hémorragique à virus


Ebola (FHVE)
Inconnue jusque-là au Congo, la fièvre hémorragique à
virus Ebola (FHVE) a fait son apparition en 2001 dans le
Département de la Cuvette Ouest qui a été le théâtre de quatre
épidémies successives. En 2001, 57 cas ont été enregistrés,
dont 42 décès. L'épidémie d'octobre 2002 à mai 2003 a été la
plus meurtrière ; elle a fait 143 cas, dont 128 décès (soit 89,5%
des cas). La troisième enregistrée de septembre 2003 à janvier
2004, a fait 35 cas, dont 29 décès, et la dernière en 2005 avec
12 cas, dont 9 décès.
La gestion de ces épidémies s’est heurtée à plusieurs
difficultés inhérentes au contexte économique et socioculturel
du Département de la Cuvette Ouest. Il s'agit, notamment, du
délabrement du système de santé de ce département dans son
ensemble, du degré d’ignorance de la maladie par la
population, de leurs habitudes alimentaires particulièrement
orientées vers la consommation des viandes de chasse, de
l'enclavement du département du fait de l'état de dégradation
très avancée des routes et pistes agricoles, et du refus de
coopérer avec les équipes d’intervention. A cause de la
persistance de l’épizootie, le risque épidémique reste important
avec possibilité d'extension aux départements et pays
limitrophes.

 Monkey pox
Une épidémie de Monkey pox a sévi dans le département de
la Likouala en juin 2003. Au total, 10 cas ont été notifiés et

- 327 -
confirmés par le Centre de Contrôle des Maladie (CDC)
d’Atlanta aux Etats Unis. Aucun décès n'a été enregistré.

2. Maladies non transmissibles

 Maladies par carences nutritionnelles

 Malnutritions sévères et aiguës


L'évaluation de l'état nutritionnel réalisée en 1999186, a
révélé que la prévalence moyenne des petits poids de naissance
est égale à 13,3 %. Elle varie de 13,6 % en milieu rural à 9,4 %
en milieu urbain. La comparaison de ces chiffres avec les
données des années 80 montre une nette régression de ce
phénomène.
La malnutrition chronique est observée chez 26 % des
enfants de moins de cinq ans. En outre, la malnutrition sévère
touche 1 adolescent sur 5.

 Carences en micro nutriments


Les troubles liés aux carences en micro nutriments sont
persistants au Congo.
A propos de la carence en iode, dont la manifestation la plus
visible est le goitre, dans les années 80 elle a sévi dans les
départements de la Likouala, la Sangha et la Lékoumou.
L’étude la plus ancienne à ce sujet date de 1987 et avait
concerné 872 personnes âgées de 0 à 39 ans dans le district de
Dongou. Le goitre était visible chez 4,5 % d’enfants de moins
de 5 ans.
L’évaluation de l’état nutritionnel de 1998 a révélé
l’ampleur des troubles dus à la carence en iode dont la
prévalence moyenne était égale à 10,2 %. Les départements les

186
Situation nutritionnelle au Congo Brazzaville, MSP, URNAH,
Médecins d'Afrique; Rapport d'enquête 2000.

- 328 -
plus touchés sont la Likouala (19,1 %), la Cuvette (15,8%) et
la Sangha (13,3 %).
Par ailleurs, les taches de Bitot, symptôme de la carence en
vitamine A, sont observées en milieu urbain chez 6,2 % des
enfants et 9,7 % des femmes. En milieu rural, ces taux
s'élèvent respectivement à 12,6 % et à 10,1 %. Ces
observations indiquent que la carence en vitamine A est un
réel problème de santé publique au Congo, notamment dans
certaines zones écologiques (Cuvette Ouest, Plateaux, Pool,
Lékoumou et Niari).

 Hypertension artérielle
En 2006, au total 4586 cas d’hypertension artérielle (HTA)
ont été enregistrés. L’hypertension artérielle reste la première
maladie cardiovasculaire observée chez l’adulte au Congo.
Une enquête187 sur l’hypertension artérielle et les autres
facteurs de risque cardiovasculaires réalisée à Brazzaville en
2004 auprès de 2095 sujets, a montré que 32,5 % d’entre eux
étaient hypertendus, plus particulièrement les sujets âgés de
54-65 ans (68,2 %). La maladie atteint aussi les sujets jeunes
de 25-34 ans (19 %), touche toutes les classes sociales, aussi
bien dans les zones urbaines que rurales.

 Diabète sucré
En 2004, 491 cas ont été enregistrés, dont 6 décès dans les
registres des services hospitaliers. On estime que cette maladie
toucherait environ 20.000 personnes.

 Cancers
En moyenne, 80 à 90 nouveaux cas sont notifiés par année
dans le registre des cancers du service de cancérologie du

187
G: Kimbally Kaky, 2004, ¨ Enquête sur HTA et les autres facteurs de
risque à Brazzaville, juin (ronéo).

- 329 -
CHU de Brazzaville. Le cancer du col de l'utérus arrive au
premier rang, suivi respectivement par celui du sein (17 %) et
le cancer primitif du foie. La plupart des malades arrivent à un
stade très avancé de la maladie et très peu d’entre eux ont
accès à un traitement.

 Drépanocytose
Une étude, effectuée en 1986 sur le sang du cordon
ombilical de nouveau-nés, a montré que 22,25 % des sujets
étaient hétérozygotes et 1,25 % homozygotes188.
La drépanocytose est l'une des principales causes des
hospitalisations enregistrées dans les services de pédiatrie. Les
manifestations de cette maladie sont souvent déclenchées par
une autre maladie (paludisme, infections respiratoires aiguës,
malnutrition, diarrhées, …). C’est pourquoi les décès dus à la
drépanocytose sont difficiles à recenser, car ils surviennent
souvent dans un tableau d’anémie sévère ou d’infection.

3. Santé de la reproduction
Le taux de mortalité maternelle reste élevé, estimé à 781
pour 100.000 naissances vivantes, malgré le fait que les
grossesses sont suivies dans 88 % des cas de femmes
enceintes189 et que 86 % d’entre elles accouchent en présence
d’un personnel de santé 190. Ce taux de mortalité maternelle
figure parmi les plus élevés des pays africains à
développement humain moyen. Elle est attribuée
principalement aux avortements provoqués, (41 %) aux
complications infectieuses des césariennes, (31,6 %) aux
hémorragies (10 %), et à l’hypertension artérielle en rapport
avec la grossesse (8,5 %).

188
Rapport annuel DLM/DGS 2002.
189
EDSC 1 2005 Congo/CNSEE.
190
EDSC 1 2005 Congo/CNSEE.

- 330 -
Cette mortalité élevée s’explique par la faible qualité des
soins et services fournis aux femmes pendant la grossesse et au
moment de l’accouchement. D’autres facteurs sont incriminés :
la faible utilisation du traitement préventif intermittent du
paludisme pendant la grossesse (3 %), la faible utilisation des
moustiquaires imprégnées d’insecticides (7 %) et des méthodes
contraceptives (13 %).

4. Santé des adolescents et des jeunes


Les adolescents représentent près d’un tiers de la population
avec une forte concentration en milieu urbain (56,6 %). On
note une précocité des rapports sexuels souvent non protégés
(âge moyen 14 ans). Ce qui explique la forte prévalence des
grossesses chez les adolescentes (8,5 %).
Pour promouvoir la santé des jeunes, dont plus 80%
fréquentent l’école, les pouvoirs publics avaient développé les
services de santé pré-scolaire, scolaire et universitaire.
Cependant, le déficit des connaissances en santé de la
reproduction, l’absence des services adaptés et la faible
utilisation des services en la matière exposent de plus en plus
les adolescents à des comportements néfastes pour leur santé
génésique : tabagisme, violence, consommation abusive
d’alcool, des drogues et autres substances hallucinogènes.
Une étude réalisée en 2003 sur les connaissances, les
attitudes et les pratiques, révèle que : 67,7 % des jeunes et
adolescents n’ont pas de connaissance sur les services de santé
reproductive, 75 % ne fréquentent pas lesdits services, et 30-
26 % des adolescents ont recours à l’automédication pour
traiter les infections sexuellement transmissibles.

5. Santé bucco-dentaire
L’enquête réalisée par la Direction de la Santé de la Famille
en 2002 en milieu scolaire, avait révélé que 30% d’élèves
interrogés et examinés ont reconnu avoir souffert de la carie

- 331 -
dentaire. Malheureusement, cette étude n’avait pas permis
d’apprécier la prévalence des autres affections bucco-dentaires
telles que la stomatite gangreneuse, le noma, le cancer de la
bouche, les manifestations bucco-dentaires de l’infection à
VIH, les traumatismes et les kystes des maxillaires.

6. Santé mentale
Les pathologies mentales les plus courantes dans la Région
africaine de l’OMS191 comprennent des troubles mentaux
courants : la dépression, la schizophrénie, l’épilepsie, les
problèmes de santé mentale des enfants, les troubles mentaux
d’origine organique, les troubles dus aux stress post
traumatiques, l’usage et l’abus des substances psycho actives.
En l’absence de données fiables, l’ampleur de ces pathologies
est encore mal connue au Congo.
Toutefois, des facteurs aggravant la mauvaise santé mentale
sont bien présents. Il s’agit notamment : des stress post
traumatiques qui ont suivi les conflits sociopolitiques
récurrents que le Congo a connus, l’augmentation du chômage,
l’accroissement de la pauvreté au sein de la population, le
manque de structures sociales pour assister les plus
vulnérables, l’augmentation de la consommation des
substances psycho-actives, l’augmentation des actes de
violence en particulier les viols de femmes et d’enfants, les
ravages du VIH et du SIDA.
Afin de mieux faire face aux problèmes de santé mentale, le
Congo dispose depuis 2002 d’une stratégie nationale de santé
mentale.

191
OMS, 1999, Stratégie régionale de la santé mentale, 49ème réunion
du Comité régional pour l’Afrique, Windhoek, septembre.

- 332 -
7. Handicaps et réadaptation
Une étude réalisée en 2002 à Brazzaville et à Pointe- Noire
montre qu’on retrouve un pourcentage élevé de handicaps
auprès des sujets âgés de 10 à 39 ans. Trois types de handicaps
majeurs sont notés dans 80 % des cas : surdité (37,3 %),
paralysies (32,8%) et cécité (27,9 %).

III - La lutte contre les maladies au Congo

Elle se fait grâce à l’intervention des projets et programmes


spécifiques. Il s’agit :

1)- du programme national de lutte contre la lèpre, qui


s’occupe du traitement des malades souffrant de la lèpre à
l’échelle nationale de façon standardisée et coordonnée dans le
but de les guérir, de prévenir les handicaps physiques,
sensoriels et socioculturels, d’empêcher l’apparition des
résistances médicamenteuses et de protéger la population en
diminuant la source d’infection.
Dans chaque département le programme doit dépister 90 %
des nouveaux cas de lèpre avant la stade de mutilation de la
maladie, traiter 90% des nouveaux malades et limiter
l’apparition de nouvelles mutilations existantes à 10% des
anciens cas enregistrés par an ;

2)- du programme de lutte contre le paludisme, qui vise la


réduction de la mortalité causée par le paludisme chez les
enfants de moins de 5 ans et chez la femme enceinte. Ce
programme assure actuellement la gratuité du traitement du
paludisme pour les enfants de 0 à 15 ans et chez la femme
enceinte ;

3)- du programme de lutte conte la schistomiase à qui il a été


assigné les objectifs de :

- 333 -
– améliorer l’état de santé des populations des zones
endémiques par la réduction des cas de maladie ;
– faire que la maladie ne soit plus un problème de santé
publique ;
– amener la population, par la sensibilisation, à se prendre
en charge.
Les activités de ce programme sont intégrées dans celles des
centres de santé. A côté, des équipes mobiles d’agents sont
déployées dans les zones hyper endémiques. Le programme
dresse la carte des points de transmission de la maladie. Il fait
une surveillance épidémiologique régulière des foyers
sentinelles et le traitement sélectif des cas positifs. Il assure le
contrôle de l’extension de la maladie avec la participation de la
population. Il fait la sensibilisation de la communauté pour
l’assainissement de l’environnement afin d’éviter le contact
des populations avec le parasite responsable de la maladie ;

4)- du programme national de lutte contre le SIDA qui


s’occupe de :
– la prise en charge médicale et psychosociale des malades
du SIDA et des séropositifs ;
– la promotion des comportements sexuels responsables ;
– la surveillance épidémiologique de la maladie ;
– la promotion de la sécurité transfusionnelle (qualité des
produits sanguins destinés à la transfusion) ;

5)- du programme national de lutte contre la tuberculose,


chargé de la prise en charge des personnes souffrant de la
tuberculose ;

6)- du programme élargi de vaccination, chargé de la


couverture vaccinale des enfants de 0 à 11 mois contre les
maladies-cibles, et de la femme enceinte contre le tétanos. Des
personnels de santé assurent la vaccination dans les centres de

- 334 -
santé. Des agents vaccinateurs sont constitués en équipes
mobiles pour rattraper les enfants qui ont manqué des vaccins.

- 335 -
CHAPITRE 12

LA FEMME DANS L’HISTOIRE DU CONGO

Par Jeanne DAMBENDZET

INTRODUCTION

Ce premier manuel sur l’histoire générale du Congo tentera


de mettre en lumière, à grands traits, certains aspects de la vie
des Congolaises en montrant, pour rétablir les équilibres,
qu’au-delà des souffrances, ces femmes ont eu leur part de
gloire dans l’histoire de leur pays.
Aujourd’hui encore, les femmes congolaises exercent
différentes fonctions qui leur confèrent beaucoup de prestige.
Il apparaît, à maints égards, des situations de suprématie des
femmes vis-à-vis des hommes.
Cette position de suprématie souvent occupée par les
femmes a influencé la vie des sociétés de l’époque
précoloniale et coloniale, en même temps qu’elle a révélé la
capacité de nos ancêtres à construire des entités sociales
viables, régulées par des mécanismes de médiation élaborés,
même si, malgré tout, celles-ci ont souvent véhiculé des
préjugés négatifs attachés à la personne des femmes, qui
restent encore aujourd’hui très vivaces.
Bien que très peu de travaux de recherche se soient
concentrés, au plan strictement historique, sur la
problématique de la femme congolaise dans les sociétés
précoloniale, coloniale et contemporaine, il convient de
signaler certains travaux de recherche, dont particulièrement la

- 337 -
thèse de Doctorat en histoire de Scholastique Dianzinga192 et le
livre de Catherine Coquery-Vidrovitch193 qui sont d’une valeur
inestimable quant à l’éclairage qu’ils apportent sur la situation
de la femme congolaise.
En effet, la thèse de Doctorat de Scholastique Dianzinga est
d’une grande richesse sur les rôles et les statuts de la femme
ainsi que les pouvoirs qu’elle a détenus et assumés dans la
société congolaise, depuis les origines jusqu’à l’indépendance
du Congo. Mais, cette recherche ne couvre pas la totalité des
périodes et des situations, du fait de leur hétérogénéité.
En conséquence, l’une des tâches urgentes aujourd’hui
consiste à lancer un mouvement de recherche historique avant
l’œuvre de restauration de la confiance de la femme congolaise
en elle-même, confiance perdue assurément lors des chocs
engendrés, mais souvent imposés par les processus de
conditionnement, d’évangélisation et de colonisation. Aussi,
écrire l’histoire des femmes, c’est chercher à rendre visible ce
qui a été oublié ou perdu ou même jamais discerné. La
nécessité pour les femmes congolaises de connaître leur
histoire n’est plus à démontrer. C’est une démarche qui
éclairera leur conscience et leur restituera le rôle d’actrices de
l’histoire de leur peuple et de leur pays.
La célébration, le 15 août 2010, du Cinquantenaire de
l’accession du Congo à la souveraineté nationale, fournit une
occasion en or à la Nation pour inscrire dans son histoire
quelques pages dédiées à la femme congolaise.

Scholastique Dianzinga, 1997, Les femmes congolaises : du début de la


192

colonisation à 1960, thèse de doctorat en histoire, Université de Pau et


des Pays de l’Adour (ronéo).
193
Catherine Coquery-Vidrovitch, 1994, Les Africaines : histoire des
femmes d’Afrique Noire du 19ème au 20ème siècle, Paris, Editions
Desjonquières.

- 338 -
I- La situation de la femme dans les sociétés précoloniale et
coloniale
L’histoire de la femme congolaise de manière générale, se
confond avec l’histoire des femmes du monde. Les femmes, à
travers le monde, ont souvent été méprisées, sous-estimées,
marginalisées, exploitées et maltraitées par leurs partenaires,
les hommes, qui ont longtemps jeté l’anathème sur leurs
pouvoirs, les rôles qu’elles ont joués et les places qu’elles ont
occupés dans leurs communautés respectives.
En interrogeant l’histoire ancienne de la société congolaise,
en écoutant ce qui reste de la tradition orale, principale source
d’information de cette époque précoloniale et coloniale, on
fera remonter des profondeurs, les richesses enfouies dans les
consciences et le subconscient de l’humanité congolaise sur la
condition de la femme. Après cette maïeutique, on pourrait
alors commencer l’œuvre de « déconstruction » des préjugés
élaborés patiemment dans différents domaines, autour de
l’infériorité de la femme et de son incapacité à exercer les
pouvoirs et à occuper des postes de haut niveau et lui redonner
alors toute la considération, toute la dimension que les sociétés
congolaises « dites masculines » ont pourtant accordées à la
femme, fruit d’une reconnaissance tacite de la suprématie de
celle-ci sur l’homme, à certains égards. Suprématie perçue et
captée à travers la division du travail. Les femmes ont, en
effet, reçu plusieurs responsabilités dans leurs sociétés. Leur
analyse en dit long sur la place qui leur revenait dans l’univers
familial, économique et socioculturel.
1-Pouvoirs et rôles des femmes dans la société congolaise
Dans les sociétés précoloniale et coloniale, les femmes
détenaient des pouvoirs réels qui apparaissent à travers la
division du travail opérée par les hommes. Des pouvoirs
politiques, juridiques, et magico-religieux ; des pouvoirs

- 339 -
économiques et sociaux, (productrice et génitrice, éducatrice et
gardienne des valeurs ancestrales) aux pouvoirs de médiatrice
et de régulatrice en cas de conflits, que de responsabilités pour
des personnes que l’on traite d’inférieures et d’incapables !

 Pouvoirs politiques, juridiques et religieux


Scholastique Dianzinga194, à ce propos, écrit :

La question des pouvoirs et des droits est au cœur


des rapports entre les sexes. Elle fait référence à la
hiérarchie sociale. Dans les formations sociales
précoloniales, les femmes comme les hommes
détenaient le pouvoir. En fait, il n’y avait pas qu’un
pouvoir, mais des pouvoirs.

Le champ des pouvoirs des femmes est vaste. On peut


également parler des pouvoirs liés à la fécondité, des pouvoirs
occultes, des conseillères des chefs ou des rois, des épouses
auprès de leurs maris, de l’autorité et de la puissance des
femmes-chefs, ainsi que des reines.
Dans les rapports de la « Mission de l’Ouest-Africain »
présentés par Catherine Coquery-Vidrovitch195, le
Commandant Pradier, compagnon de l’explorateur Albert
Dolisie, évoque le cas d’une femme, Combiabéka, qui exerça
une grande influence dans la localité de Bonga :

Scholastique Dianzinga, op. cit., pp. 153-154.


194
195
C. Coquery-Vidrovitch, 1966, Brazza et la prise de possession du
Congo. La Mission de l’Ouest Africain (1883-1885), Paris – La Haye,
Mouton, p. 331.

- 340 -
Combiabéka est une corpulente personne à cheveux
gris, à l’air digne et à la bouche impérieuse ; elle est
très obéie de ses esclaves et des hommes de son
village, très connue aussi des indigènes qui
commercent dans la rivière et qui ne manquent
jamais de s’arrêter chez elle. Elle se livre elle-même
activement au commerce de l’ivoire et des esclaves
et ses pirogues, toujours bien équipées, sont sans
cesse en route sur la Sangha ou la Likouala. Outre
Bonga, Combiabéka possède dans l’intérieur, le
long de la crique, un autre village entièrement
peuplé de ses esclaves”.

A la naissance des premières revendications politiques qui


s’exprimèrent dès les années 1920, du fait du Kimbanguisme
dans la région de Boko et surtout de l’ « Amicale des
originaires de l’Afrique Equatoriale Française », fondée à Paris
en 1926 par André Grénard Matsoua, les femmes avaient
adhéré en grand nombre là où l’action de cette Association se
révéla active (particulièrement en milieu lari). Elles
s’acquittaient des cotisations lancées par l’Amicale tout
comme elles faisaient partie de la foule qui avait investi la
place de la Mairie à Brazzaville pour exiger la libération des
hommes arrêtés. Les représailles de l’administration coloniale
contre les matsouanistes furent d’une cruauté sans limites. On
assista en pays lari à des viols de femmes par les miliciens et
tirailleurs. Des hommes, des femmes et des enfants furent
enduits d’eau salée, de piment et exposés au soleil.
La participation des femmes aux divers mouvements de
révolte était une donnée réelle de leur engagement politique
sous la colonisation.

- 341 -
Les femmes se dressèrent aussi contre les missionnaires
catholiques. En 1933, des femmes fréquentant la mission
catholique de Linzolo refusèrent les petites médailles qui leur
avaient été offertes196.
Pendant que leurs aînées se battaient pour arracher des
victoires au plan politique dans les années de pré indépendance
(1953 -1955), des jeunes filles de 10 à 13 ans, livrèrent un
autre combat contre un système inégalitaire à Brazzaville au
niveau de l’institution religieuse Saint Joseph de Cluny,
d’Anne Marie-Javouhey, où filles noires et filles blanches
évoluaient dans deux systèmes de séparation, aux conditions
de vie différentes. Marie-Françoise Dambendzet, Jeanne
Dambendzet et Mabel Seshie (togolaise), résistèrent jusqu’au
changement radical, c’est à dire la suppression des barrières
entre les communautés noires et blanches 197.
Il faut noter au passage qu’avant la colonisation, le royaume
teke réservait à la femme une place de choix. La Reine
Ngalifourou (1864-1956) fut intronisée au terme de l’initiation
de « Ousson Liss » ainsi que le prévoyait la tradition. La Reine
surmonta toutes les épreuves de l’initiation. A la mort de son
mari, elle prit la relève et régna pendant 45 ans. Les dignitaires
ne jugèrent pas l’opportunité de choisir un autre roi. Lors de
son initiation, elle reçut les douze nkobi, des pouvoirs
surnaturels. Elle mourut le 8 juin 1956, après avoir été une
Reine crainte et vénérée.
Depuis 2008, l’actuelle Reine Ngalifourou est la conseillère
spéciale du Roi. Elle participe :
- à la détermination des choix qui président à l’état des
rapports avec les voisins ;
196
Scholastique Dianzinga, op. cit., pp. 153-154.
197
Micheline Ngolengo, 2005, Itinéraire politique de la femme
congolaise, de la pré indépendance à nos jours (inédit). .

- 342 -
- à l’accroissement du prestige royal ;
- au développement du sens de la justice chez le Roi.
Dixième dignitaire du Royaume, la Reine assure un rôle
essentiel dans les cérémonies d’intronisation. C’est elle qui,
après la cérémonie, présente au nouveau Roi les dignitaires
présents, les chefs de terre et le peuple.
Dans la Lékoumou, Mapila joua un rôle important pendant
la colonisation : elle s’occupait de rendre la justice, gérait les
questions foncières et l’administration coloniale sollicitait
souvent son concours dans le règlement des questions
économiques et sociales. Très respectée, elle faisait régner
l’ordre dans sa localité.
Dans de nombreuses groupes ethniques de la Cuvette, les
femmes étaient depuis bien longtemps dépositaires de grands
secrets qu’elles ne livraient pas au public, sauf en cas de
menace d’intérêts majeurs en jeu. Lorsque, par exemple, des
esclaves introduits dans des familles voulaient s’arroger les
droits des héritiers, c’était encore les femmes qui, avec
beaucoup de finesse, passaient par les magistrats locaux
(twere) pour informer la communauté villageoise sur les
origines véritables des uns et des autres afin de permettre aux
« kani » de mettre fin à l’usurpation. Mais, pour des raisons de
cohésion sociale et de protection de l’unité au sein de leurs
communautés, les principes établis n’autorisaient pas
l’humiliation ni des condamnations péremptoires des
infortunés en public. Cette sagesse était transmise aux hommes
par les femmes, soucieuses de préserver la dignité humaine car
« un homme blessé et humilié était un fauve en liberté, capable
de tout », affirmaient les femmes.
Il est aussi important de signaler que dans ces groupes
ethniques de la Cuvette congolaise (Mbosi, Koyo, Akwa,
Ngare, Mboko, Ngare, Likuba, Likwala…, l’otwere, c'est-à-

- 343 -
dire le pouvoir de régler les conflits était à l’origine une affaire
de femmes qui avaient la responsabilité de gérer, en relation
directe avec le kani, les conflits et de rechercher l’apaisement
social. Elles le faisaient si discrètement et si bien qu’elles
s’étaient imposées et, très souvent, on recherchait leurs
compétences dans le règlement des conflits et des
réconciliations entre les familles, individuellement ou
collectivement. Alors les hommes, jaloux de cet immense
pouvoir détenu par les femmes, mirent tout en œuvre pour le
récupérer et établir leur domination. Ils mirent en place des
mécanismes pour s’entremettre dans l’espace « lorgné » pour
en prendre le contrôle.
Dans le cas d’otwere, ce sont les « twere » (assesseurs du
kani, chef couronné dans la Cuvette congolaise) qui ont pris
subtilement la place des femmes afin de régenter tous les
protocoles et déroulements des affaires jusqu’à effacement
total des femmes de cette sphère.
Aujourd’hui, dans ces sociétés de la cuvette congolaise, les
femmes d’un certain âge - grand-mères, tantes, mères -
assistent à la palabre à proximité du lieu des délibérations, sans
prise de parole. Mais en cas de blocage, on suspend les séances
de travail pour aller solliciter la médiation féminine, qui passe
par les hommes, à différents titres.
Le kani qui ne prenait pas ses repas avec les hommes de la
communauté dans les « kanza » ou « olèbè » (lieux de
rencontres masculines) attendait d’être informé sur toute la vie
du village par son épouse ou une des épouses (dans le cas d’un
mariage polygame). Cette épouse détenait un pouvoir
d’information très important dès lors que le kani dépendait de
son épouse pour un exercice efficient de ses fonctions de chef,
notamment dans le processus décisionnel.

- 344 -
 Pouvoirs et rôles économiques
Au plan économique, la femme était écrasée par ses
multiples rôles : épouse, mère, agent économique et social. Ce
fardeau la fatiguait et contribuait à son vieillissement
prématuré.
Son environnement, (sans infrastructures appropriées) la
fragilisait davantage. La pénibilité de son travail agro pastoral
était son lot quotidien. Sur sollicitée par les corvées d’eau, de
collecte de bois, d’entretien de la famille, par les longues
marches et par les maternités successives, elle subissait, en
outre, de nombreuses inégalités résultant d’une société
construite sur la prééminence de l’homme.
La perception traditionnelle du statut de la femme la
condamnait à une injustice criarde qui devenait une menace
pour elle qui était la pierre angulaire de la cellule familiale.
Cependant, lorsque du matin au soir, la femme est courbée
pour bêcher et biner son champ, l’entretenir et y faire pousser
les produits dont elle a besoin pour nourrir sa famille, nul
doute ne peut exister sur ses compétences d’ingénieur agricole.
Qui mieux qu’elle peut évoquer les questions de cycle et de
calendrier agricoles, de fertilité des sols et des différentes
sortes de techniques pour les amender ? Qui mieux qu’elle
maîtrise les différentes techniques de transformation et de
conservation des excédents agricoles, de fumage de poisson,
de chenilles et de champignons ? Qui mieux qu’elle peut
dénouer les conflits et les querelles entre clans et se poser en
juge et conseillère des chefs sur les droits des lignages dont
elle avait une parfaite connaissance ?
Les soins tous azimuts quotidiens qu’elle apportait sans
discontinuer aux enfants, aux vieilles femmes, aux personnes
malades, aux orphelins du clan, à l’époux et aux hommes du
clan, font sans cesse appel à une multiplicité de connaissances,

- 345 -
à la pluridisciplinarité de son savoir-faire, de ses savoirs qui
faisaient dire à Aloba, un homme considéré comme
« philosophe » en pays mbosi de Boundji :

Les femmes et l’énergie qui les animent sont à la base


du monde. Elles sont comparables aux abeilles et aux
fourmis… Si une famille est unie, à la base, il y a une
femme sage.

C’est en effet elle qui alimente le dialogue en ménage,


favorise l’harmonie et la compréhension entre elle et l’époux,
entre le père et les enfants. Elle est elle-même un lien entre sa
famille et celle de son époux.
La Bible parle de «la femme sage qui bâtit sa maison et de
la femme insensée qui la met sens dessus dessous »198
L’exercice physique que lui imposaient ses activités
agricoles, ne lui apportait-il pas en retour plus de santé ? Le
constat est que bien souvent, les veuves sont plus nombreuses
que les veufs ! Dans les Etats en plein processus de
développement, il y a peut-être besoin d’hommes et de
femmes attachés au travail, au travail assidu et durable, même
si parfois sa pénibilité renvoie à la nécessité de la mécanisation
des travaux. Ce qui d’ailleurs répond aux préoccupations
actuelles de modernisation de l’agriculture dans tous ces
processus.
Au plan de l’économie domestique, il a déjà été démontré
dans plusieurs études, le rôle capital joué par les femmes dans
les communautés. Elles géraient presque tout, veillaient aux
réserves dans les greniers, gardaient l’épargne familiale

198
Cf Proverbes 14, verset 1.

- 346 -
constituée qui ne sortait qu’en cas de problèmes graves :
maladies des enfants, acquisition des semences, paiement des
amendes en cas de délits jugés (achat de poulet, de cabris),
dans les affaires de sorcellerie, d’adultère, etc.

 Pouvoirs et rôles socioculturels


Au plan socioculturel, la femme apparaissait comme le
pilier de la famille et, partant, de l’ensemble de la société. En
effet, dans le processus de socialisation, ce sont les femmes
qui assurent le rôle de la formation première de l’enfant
« garçon et fille » jusqu’à 7 ans à peu près. C’est aussi pendant
cette période délicate que l’enfant acquerrait les savoirs de
base qui sont des éléments constitutifs de sa future
personnalité, ainsi que les valeurs fondamentales d’amour, de
solidarité, d’altruisme, de tolérance, de partage, de patience, de
respect de l’autre, d’éthique, d’endurance, de compassion, de
pardon, de la connaissance des dieux et des totems familiaux et
de celle de l’Etre Supérieur. Les femmes lui transmettaient les
codes sociaux et les valeurs qui sous-tendaient l’édifice social.
Ce sont toutes ces valeurs et vertus qui fondaient l’homme
dans ses relations avec l’univers et avec les autres humains que
l’enfant apprenait très tôt auprès de sa mère et des autres
femmes. Ces premières années s’avéraient déterminantes pour
le futur adulte et le citoyen de demain.
La femme créait les conditions d’une vie harmonieuse pour
l’ensemble de la famille et de la communauté. Son action
participait à leur équilibre.
Toute comparaison faite, il convient de noter que c’est à la
femme qu’est dévolue la délicate mission de transférer à des
êtres fragiles des réalités complexes.

- 347 -
A la fin de cette préparation initiale, la plus difficile et la
plus subtile où sont sollicités connaissance et sagesse, amour,
tendresse, tact, patience, psychologie et pédagogie de la
femme, le jeune peut quitter sa mère pour rejoindre le groupe
d’hommes adultes où commencera son éducation aux valeurs
de puissance, de domination et de commandement, tandis
qu’aux côtés de la mère et des autres femmes du clan, la jeune
fille parachève sa formation sur ses futurs rôles d’épouse, de
mère, de productrice et de gardienne des valeurs, ainsi que du
façonnement de son esprit et de son raisonnement, en attendant
le mariage. Même lorsqu’elle était admise dans la famille du
futur époux, ce rôle d’apprentissage relevait de la belle famille
ou des autres femmes du clan.
La femme congolaise a reçu le meilleur qui la rapproche des
choses spirituelles. On parle d’élévation de la femme qui
aspire, dans son silence, dans son recueillement et son
accablement, à la rencontre avec le divin. Elle sollicite sans
cesse l’intervention des mannes des ancêtres, évoque toutes
sortes de divinités familiales - les dieux lares - pour conjurer le
mauvais sort et réussir sa mission.
Elle est sublimée par l’homme. Le sait-il ? Ou feint-il de
l’ignorer ? Alors, pourquoi tant de conspirations et de
contradictions pour la placer en arrière-plan ? Pourquoi tant de
tabous et d’interdits pour l’éloigner des postes où la
reconnaissance de son pouvoir serait sans équivoque ? C’est la
peur de se voir supplanté par une « adversaire » redoutable que
l’homme s’est mis à tisser une série de stratégies pour écraser
la femme et la soustraire du champ d’action, rejetant dans son
égoïsme le partage du pouvoir.
Il y a un proverbe chez les Mbosi qui dit : « A bâa dzaa
oyourou afi la kéna ndzo ». Ce qui veut dire : « En présence
des hommes, la femme ne peut se permettre de tuer le
serpent ». C’est là une interdiction faite à la femme de prendre

- 348 -
des initiatives pendant que les hommes sont présents. On sait
fort bien que les longues heures de travail agricole, de
cueillette, de pêche passées dans les plaines, savanes et forêts
l’ont souvent exposée aux attaques de nombreux prédateurs
auxquelles elle doit faire face.
Pour jouer ces rôles multiples et délicats, les femmes elles-
mêmes passaient par des processus initiatiques contraignants.
Au Kouilou, les structures du « tchikumbi » et dans la Cuvette
celles de « omenga » ne remplissaient pas un autre rôle que
celui de préparer l’adolescente à la multitude de ces rôles. Ce
sont les aînées qui recevaient cette responsabilité : grands-
mères, tantes, grandes sœurs assuraient aux jeunes filles
l’apprentissage des valeurs essentielles sur la préservation de
l’harmonie dans le foyer et la paix dans la communauté. Les
formatrices veillaient à faire acquérir à la jeune fille douceur et
bonté, management des relations sexuelles, ces valeurs qui
peuvent stabiliser la famille. A l’opposé, comparer une femme
à un homme était péjoratif, considéré comme une injure.
Très souvent, on impute l’échec de l’enfant, de l’adolescent,
de la femme et de l’homme à sa mère, tandis que les réussites
sont associées à l’image du père. Quelle responsabilité pour les
femmes, et quel esprit retors des hommes !
L’ambigüité qui caractérise ainsi l’attitude de l’homme dans
sa relation avec les femmes est frappante : d’un côté, il y a
sublimation, de l’autre domination et mépris.
Dans sa sagesse, la femme a dû souvent jouer le jeu avec
l’homme en acceptant son infériorité pour privilégier et
protéger la vie.
L’ambivalence de cette question des pouvoirs des femmes
peut simplement renvoyer à la nécessité de réconciliation et de
restauration des relations harmonieuses entre les hommes et
les femmes dans une approche de complémentarité.

- 349 -
Mais, par quel processus les femmes ont-elles pu perdre leur
« suprématie » sur les hommes ?

2- De la perte de la « position élevée » de la femme dans la


société
Dès lors, la question de la perte de la « position élevée » de
la femme peut interpeller l’homme congolais.
Elle peut s’examiner sous l’angle de l’intrusion de la
colonisation et de l’évangélisation dans la vie des sociétés
traditionnelles du Congo et de toutes sortes de techniques de
récupération développées par les hommes pour reprendre à la
femme son rôle dominant sur eux. Il n’y a qu’à voir le pouvoir
de la femme dès l’origine (Eve et Adam) et celui de la mère
qui donne la vie.
Les contraintes imposées aux colonisateurs par les multiples
activités découlant de leur installation, la création des
infrastructures de base, même sommaires, exigeaient en
permanence des personnes affranchies des tâches domestiques.
En effet, le portage des produits, des bagages, et des
marchandises accompagnant les missionnaires ou les
administrateurs et agents coloniaux, la construction des maisons,
des écoles et des églises, l’ouverture des forêts dans la
perspective de construction des routes, des ponts, etc.,
nécessitaient une main d’œuvre disponible et forte. Les hommes
étaient là, qui passaient beaucoup de leur temps dans les
« kanza » ou les « mbongui », à discuter, à parler, à fumer et à
boire. La puissance coloniale a donc sollicité cette force
musculaire disponible. Nécessité obligeant, l’homme congolais a
été instruit, il est devenu l’auxiliaire de l’administration coloniale
et missionnaire. Sachant lire et écrire, il a commencé à
expérimenter la « magie » représentée par le décryptage des
signes et symboles de l’écriture. Et les femmes demeuraient dans

- 350 -
la société indigène, vouées à la vie privée inhérente à ses
fonctions naturelles, plutôt qu’aux affaires publiques . C’est ainsi
qu’elles ne furent pas prises en compte dans l’implantation de
l’administration coloniale. Ce qui a permis à l’homme de tirer
gloire et fierté vis-à-vis de la femme demeurée inculte et
ignorante. Dès lors, on peut imaginer toutes les stratégies
échafaudées par l’homme pour reprendre à la femme sa
suprématie, pour mieux l’opprimer.
Du coup, cette pseudo reconnaissance de l’homme lui a
permis de se revaloriser aux yeux de la société, renforçant
ainsi sa domination sur la femme.
En conséquence, l’homme s’est installé dans de fausses
croyances sur sa supériorité à l’égard des femmes, alors que
celles-ci, d’un point de vue des choses jugées nobles, celles
qui élèvent à une plus grande dimension, sont placées au-
dessus des hommes.
Dans la division du travail, les hommes confient aux
femmes les tâches subtiles liées à l’éducation et à la formation
des enfants, les citoyens de demain dans leur partie éthique,
spirituelle et morale.
Si au plan physique on peut s’imposer par la force du
muscle, il n’y a rien de plus beau que la finesse, la subtilité et
la connaissance cognitive détenues par la femme. C’est là
toute la différence entre l’homme et la femme. L’un ravalé au
niveau de l’animalité avec sa force musculaire et l’autre élevée
aux choses de l’esprit.
Ce qui n’est pas dit et discerné sur la femme, c’est tout cela.
Les choses ont été alors jugées par rapport à leur apparence.
Dans les communautés congolaises, la femme est force de
cohésion sociale et gardienne des liens communautaires.
Souvent on entendait dire :

- 351 -
Une femme qui a passé du temps dans un foyer,
devient la sœur du mari, c'est-à-dire qu’elle est
capable de connaître toute l’histoire de la famille de
son mari et d’en témoigner, même devant les
juridictions traditionnelles.
Elle devient ainsi un membre à part entière de cette famille,
surtout investie d’autorité. Cette position lui a permis de
développer beaucoup d’autres qualités, dont : la mémoire, la
rigueur d’analyse, l’écoute de l’autre, la recherche du dialogue
et du consensus.
La problématique de la femme dans l’histoire du Congo
soulève des problèmes d’une grande complexité qui
nécessitent des recherches complémentaires, selon les
localités, car l’hétérogénéité des cas mérite des études
spécifiques.
Malgré la contribution significative qu’elles ont apportée au
développement de leur société, les femmes du Congo ont subi
de la part des hommes des injustices criardes. Sont-elles
restées muettes face à l’attitude discriminatoire des hommes ?

II-Causes du réveil des femmes pendant les périodes


précoloniale et coloniale
1-Causes lointaines
Du 18e au 20e siècle, les « bruits de bottes » des mouvements
de revendications des femmes lors de leurs courageuses prises de
position, notamment la marche des Parisiennes sur Versailles les
5 et 6 octobre 1789 pour exiger leur droit de vote, la révolte des
ouvrières new-yorkaises en 1857 qui revendiquaient le droit au
travail et les conditions de travail plus humaines, se sont
répandus dans le monde entier.

- 352 -
Le sort réservé à Olympe de Gouges passée à l’échafaud en
1793 pour avoir osé présenter un projet de « Déclaration sur
les droits de la femme et de la citoyenne », la « Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen » le 26 août 1789 par la
France ; la déclaration de Clara Zet Kin sur le problème des
femmes devant le Congrès fondateur de la Deuxième
Internationale de Paris en 1889, l’apparition des idées
révolutionnaires en Europe, les revendications pour la
libération des peuples encore opprimés, ainsi que les luttes
pour l’accession aux droits de l’homme et aux droits
politiques, ont modifié de manière fondamentale la civilisation
humaine.
Toutes ces luttes courageuses ont abouti en 1910, à
l’occasion du Folket Hus de Copenhague au Danemark, à la
consécration de la Journée Internationale de la Femme le 8
mars, dont l’héroïne fut Clara Zet Kin, membre de l’Union
Internationale Féminine.
Plus récemment, les échos des deux guerres mondiales
(1914-1918) et (1939-1945), de la guerre d’Indochine et de
celle d’Algérie où certains de leurs parents, époux, frères ou
oncles, étaient partis au loin pour défendre les prétendus
idéaux de démocratie, d’unité et de paix proclamés par les
puissances coloniales de l’époque et celles qui luttaient contre
le communisme, leur parvenaient, certes, avec retard et
déformés mais avec leur cortège de malheurs et cristallisaient
les sentiments de révolte des femmes qui s’ancrèrent au plus
profond de leur cœur.
Les mouvements de revendications pour les indépendances
nationales des femmes affiliées à l’Amicale de André Grénard
Matsoua contre l’occupation coloniale ; la révolte qui éclata en
1928 en pays baya (Oubangui-Chari) et qui s’étendit jusqu’au
Moyen-Congo dans les circonscriptions de la haute Sangha et
du Bas-Oubangui provoquée par les populations insurgées (la

- 353 -
guerre dite de kongo-wara), déterminées à chasser les
Européens, à mettre fin au travail forcé, à l’impôt, aux
brutalités et tracasseries des miliciens, connurent la
participation active des femmes congolaises.
Après la Seconde Guerre mondiale, quelques femmes
d’Europe et d’Asie, ayant vécu directement ou indirectement
les atrocités, les affres et les conséquences multiformes
engendrées par cette terrible guerre, ont voulu crier non à ces
atrocités. Elles se sont réunies en congrès le 1er décembre 1945
à Paris, pour créer la Fédération Démocratique Internationale
des femmes. Ainsi naquit une nouvelle organisation ouverte à
toutes les femmes du monde entier, conçue pour les unir
autour d’un programme universel, posant la question féminine
d’une manière nouvelle comme un tout unique, une entité
inséparable de la lutte pour la démocratie et l’indépendance
nationale, le progrès social et la paix universelle. Ce fut le
point culminant de la lutte des femmes du monde pour
l’intégration de la femme à la vie politique, économique,
sociale et culturelle, en vue de la reconnaissance de sa dignité
en tant que mère, travailleuse et citoyenne. Des Africaines
avaient pris part à ce congrès et les informations se répandirent
partout, y compris au Congo.

2-Causes immédiates
L’agitation fébrile qui gagna l’Afrique noire francophone dans
sa quête vers la souveraineté nationale sur un fond de crise ayant
pour pères Nkwamé Nkrumah, Sékou Touré, Félix Houphouët
Boigny, Modibo Keita, Barthélemy Boganda, Patrice Lumumba,
Jean Félix Tchicaya, Jacques Opangault, et les exactions des
colons lors de leur implantation en Afrique, et au Congo, a
influencé les femmes congolaises des villes de Pointe Noire et
Brazzaville, dont certaines ont timidement commencé à

- 354 -
s’organiser, comme une réplique à leurs frères qui continuaient à
les marginaliser et à les traiter comme des mineures, dans le
même temps où ils réclamaient haut et fort l’indépendance
nationale des colonisateurs et n’hésitaient pas à associer les
femmes à toutes les révoltes menées.
Ces nouvelles venant du Congo et des contrées lointaines, se
répandaient comme une traînée de poudre. Elles parvenaient
aux colonisateurs et aux missionnaires qui les commentaient
entre eux dans leurs cercles. Les interprètes, les domestiques
ainsi que tous les relais et auxiliaires de l’administration
coloniale ramenaient dans leurs familles, les informations
qu’ils captaient des discussions de leurs maîtres.
Ce bouillonnement a provoqué une réelle prise de
conscience au sein des femmes qui s’organisèrent en
associations à caractère socioculturel d’abord et, plus tard, en
associations politiques.

 Naissance des associations à caractère socioculturel


Ainsi donc, sont nées à partir de 1948, des associations
d’entraide et de solidarité où de braves femmes, de niveau
moyen ou analphabètes, incapables d’intervenir dans les
débats en cours, ont commencé à affirmer leur personnalité de
manière différente, en tant qu’ « existentialistes ». Ces
associations intervenaient financièrement en cas de maladie,
de décès, de retrait de deuil et des fêtes d’anniversaires d’un
membre à travers des ristournes qu’elles avaient créées et qui
leur assuraient une réelle autonomie vis-à-vis des hommes. Il
s’agit, à Brazzaville, notamment de :
-La Violette, présidée par Assitou Lombolo, Georgine Saba et
Georgine Faignond ;
-La Pose, présidée par Anne Marie Tombo et Elise Mapela ;

- 355 -
-La Rosette, présidée par Anne Marie Ngala, mais créée par la
célèbre chanteuse Joséphine Mboale, affectueusement appelée
Joséphine Bijou, qui s’était distinguée par ses chansons
« révolutionnaires » à l’ère du MNR ;
-La Lune, présidée par Rosalie Nde ;
-L’Etoile de mer, créée et présidée par Félicité Safouesse.
Paradoxalement, la volonté d’affirmation de leur
personnalité se trouva entravée par la présence de certains
hommes qui prirent la direction de ces associations. Pourtant,
dans la même période, on pouvait noter l’existence d’un
groupe de femmes instruites qui auraient dû être sollicitées
pour conduire la destinée de ces associations.
A partir de 1952, d’autres femmes se retrouvèrent dans le
cadre des fraternités religieuses, à savoir : Sainte Rita, Sainte
Thérèse, Saint Joseph, Les femmes de l’Armée du Salut, Les
femmes Kimbanguistes, etc.…
Les femmes leaders d’associations socio culturelles, malgré
leurs limites intellectuelles, ont su mobiliser autour d’elles, de
nombreuses adhérentes, sur la base d’objectifs précis.
Certaines d’entre elles, encore vivantes, telle que Mâ Nono,
affectueusement appelée « Café Nono » du nom de son bar-
dancing (mais de son vrai nom Bankaites Noéllie), continuent
de prendre jusqu’à ce jour une part active aux activités
organisées par le Ministère de la Promotion de la Femme,
comme de véritables icônes.
Certaines de ces associations existent encore aujourd’hui,
renouvelées dans leurs effectifs du fait des décès et du
vieillissement des « Mères fondatrices ». Leurs activités sont
tournées vers le secteur économique, où, tant bien que mal, ces
braves femmes résistent à l’épreuve du temps.

- 356 -
La grande prestance et la forte personnalité qui distinguaient
ces femmes ont suscité auprès de leurs filles une ambition qui
les a poussé à s’organiser dans des associations, sous
différentes appellations, telles que : les « 12 balles », la
« Femme », etc.…
L’affirmation de leur personnalité et de leur indépendance
vis-à-vis des hommes de leur époque (les années 1950-1960
notamment), les nombreuses initiatives qu’elles prirent en
organisant tous les week-end des activités culturelles (soirées
dansantes) dans les bars dancing célèbres de Brazzaville
(Faignond, Mon pays, MACEDO, Pigalle, Cabane Bantou, La
Flottille, etc.) qui mobilisaient toute une jeunesse emportée par
ce mouvement ainsi qu’une population en quête de loisirs,
attendant les fins de semaine pour se donner à « cœur joie »
dans ces lieux de réjouissances, commencèrent à inquiéter les
autorités administratives. En tant que puissance organisatrice
de la société congolaise, ces autorités déploraient l’absence de
motivation et l’inertie de l’élite féminine, bien
qu’embryonnaire.
Dans le même temps où leurs sœurs non alphabétisées
débordaient d’une énergie qui malheureusement ne les
valorisait pas toujours, ces femmes constituant l’élite féminine
commencèrent aussi à s’éveiller. Aussi prirent-elles part à
l’histoire et firent une partie de celle-ci, sans toujours l’écrire
parce qu’à leur époque, l’instruction était une denrée rare.
Cependant, quelques-unes d’entre elles, qui avaient « franchi
le Rubicon », car ayant reçu cette précieuse denrée à l’époque
du Moyen-Congo, prirent des initiatives louables. Elles
animèrent, pour certaines, des émissions à la Radio de
l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F), publièrent des articles
dans la Revue Liaison (organe d’expression des cercles
culturels implantés à partir de 1948 à travers les quatre
territoires de l’AEF) sur l’émancipation de la femme africaine.

- 357 -
Félicité Jeanne Safou- Safouesse, Présidente de l’Association
Etoile de mer, première présentatrice et productrice à Radio
AEF, écrivait dans la Revue qu’elle avait créée « La congolaise
dans la société ». Cet outil lui a permis d’informer l’opinion
publique nationale sur les luttes menées par les femmes à travers
le monde : Angola, Guinée Bissau, Mozambique, Afrique du
Sud, Rhodésie du Nord et Rhodésie du Sud…
Marie José Gouvéa, célèbre sous l’anthroponyme de Marie-
Josée Mathey, à la voix fluette, a rempli de joie les cœurs des
Congolais et laissé un souvenir inoubliable dans la mémoire
collective en tant que première journaliste aux dons
exceptionnels.
Mambou Aimée Gnali, l’intellectuelle rentrée de France
avec une tête pleine et bien faite a écrit dans « Présence
africaine ». Elle, la militante, l’intellectuelle formée
techniquement et politiquement dans les universités françaises
et dans les cercles des étudiants africains en France et dans la
Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF)
qui se battaient pour les Indépendances de l’Afrique et des
Antilles, a marqué son époque. Ses prises de position tranchées
à l’Assemblée Nationale (de 1963 à 1965) ont fait d’elle une
femme de distinction qui refusait d’aliéner sa liberté.
Hélène Bouboutou, première femme enseignante intégrée
dans la Fonction Publique en 1940 est devenue la première
universitaire congolaise (docteure) et Maître-assistante de
Géographie en 1973 à l’Université de Brazzaville (débaptisée
Université Marien Ngouabi depuis le 28 juillet 1977).
Céline Claudette Yandza s’est distinguée comme une figure
de proue en publiant dans la Revue Liaison plusieurs articles
aux thèmes variés. Ses camarades de lutte de cette époque se
souviennent d’elle comme une femme de grande conviction
politique, caractérisée par un courage extraordinaire. Ses prises

- 358 -
de position vigoureuses, son attachement aux idées
progressistes, à l’émancipation politique nationale et des
femmes, l’ont couronnée de succès. Arrêtée et condamnée sans
jugement le 26 juin 1966 sous l’ère du MNR, elle purgea 25
mois de prison, à cause de ses opinions politiques. Céline
Claudette Yandza l’infatigable, participait à la plupart des
réunions politiques organisées au cours de cette période
tumultueuse de la vie politique nationale (de 1963 à 1968).
Tout en menant le combat politique pour le progrès social,
Céline n’avait pas cessé d’améliorer ses connaissances malgré
de grandes responsabilités familiales. L’institutrice avait
préparé en République Démocratique d’Allemagne une licence
et une maîtrise en sciences sociales. Elle avait réalisé un
parcours politique riche : première femme Ambassadeur,
première Présidente de l’Union Révolutionnaire des Femmes
du Congo (URFC) en 1965, première femme Commissaire
Politique.
Il est notable de mentionner ici que le 6 mars 1955, Céline
Claudette Yandza anima une causerie-débat sur l’émancipation
de la femme congolaise. Elle l’incitait à cette époque coloniale
à s’inspirer de l’exemple de ses sœurs africaines et d’autres
continents, engagées dans les luttes de libération et le combat
pour l’indépendance nationale, telles que Jeanne Martin Cissé
de la Guinée Conakry, de Caroline Diop du Sénégal, Awa
Kéita du Mali, de Marie-Hélène Leboucheux de France et
d’Eléonor Roosevelt d’Amérique, etc. Cette causerie débat fut
le détonateur de l’action de l’élite féminine. Son exposé publié
dans le n° 46 de la Revue Liaison suscita l’intérêt des
françaises dont les époux assumaient des responsabilités
importantes au Haut-Commissariat Général de l’AEF.
Madame Chauvet, épouse du Haut-Commissaire général,
face au développement du mouvement des « existentialistes »
qui, à la longue, pervertissait les mœurs, s’en inquiéta et

- 359 -
responsabilisa Madame Cabon, épouse du Secrétaire Général du
Haut-Commissariat général de l’AEF à entreprendre des
discussions avec l’élite congolaise en vue de sa sensibilisation,
conscientisation et responsabilisation ainsi que de son
implication dans la création d’associations à caractère politique,
susceptibles de jouer un rôle important dans la société
congolaise.

 Naissance des associations à caractère politique


C’est dans ces conditions qu’est née en 1959 au Congo
(Brazzaville), une branche de l’Association des Femmes de
l’Union Française (AFUF), sous la présidence de Madame
Chauvet, avec pour objectifs essentiels :
-l’émancipation et la promotion de la femme africaine ;
-la revendication d’un code de famille africain ;
-la défense des intérêts de la mère et de l’enfant ;
-l’application du code du travail, la protection particulière de
la femme salariée ;
-l’acquisition de bonnes manières : savoir vivre, art ménager,
coutume, broderie, cérémonie domestique, puériculture, etc.
L’AFUF s’affilia très tôt au Conseil International des Femmes.
Pendant cette période (1950-1955), d’autres femmes se
retrouvèrent dans le cadre du Cercle Culturel de Poto-Poto.
Céline Claudette Yandza, membre de ce cercle, en assurait la
présidence avec un bureau ayant comme membres : Simone
Aubert Ganga, Firmine Kailly, Antoinette Malalou, Odile
Otouna.
Il sied de signaler au passage que Céline Claudette Yandza,
née Eckomband, avait reçu un bel héritage politique de son
père Moïse Eckomband, brillant homme politique de la

- 360 -
génération de Jacques Opangault, ancien Vice-président du
Conseil de gouvernement du Moyen-Congo de 1957 à 1958.
Par ailleurs, Céline Yandza avait bénéficié d’un excellent
encadrement de son époux, Gérard Yandza, qui favorisa la
promotion de son épouse d’une part, et de son mentor Antoine
Létembet Ambilly, rédacteur en chef de la Revue Liaison et
Président du Cercle Culturel de Poto-Poto d’autre part. Dans le
même temps, Dominique Nzalakanda, Président du Cercle
Culturel de Bacongo, s’occupait de l’encadrement de Firmine
Kailly, élue Présidente des femmes de Bacongo. Firmine est
une autre grande figure des militantes des premières heures de
l’indépendance du Congo.

A partir de 1960, d’autres associations politiques virent le


jour. Il s’agit de :
- l’Association des Femmes Africaines (AFA), créée en 1960 à
Pointe-Noire par Romaine Poaty, avec comme Présidente
d’honneur Marguerite Tchitchelle. Cette association était aussi
affiliée au Conseil International des Femmes dont l’objectif
principal était l’émancipation de la femme et sa participation au
développement social, économique et culturel de la nation ;
-l'Union pour l'Émancipation de la Femme Africaine (UEFA),
créée en 1961, ayant pour objectif principal la prise de
conscience de la femme pour le plein épanouissement de sa
personnalité et de son autonomisation en vue de sa participation
effective dans tous les domaines de la vie nationale. L’UEFA
deviendra plus tard l’Union des Femmes du Congo (UFC).
Parmi les femmes qui ont participé à l’activité politique
naissante des années 1960, on peut citer : Antoinette Paka,
Hélène Elende, Henriette Atemou (premières ouvrières à l’usine
textile de Kinsoundi) ; Anne Paiton, Anne Fini, Françoise
Mango, Pierrette Kombo, etc.

- 361 -
En 1964, ces associations se regroupèrent pour constituer un
front de lutte pour l’émancipation et les droits des femmes
appelé « Union Nationale des Femmes du Congo » (UNFC)
qui, à l’issue d’une grande Assemblée Générale, devint
l’ « Union Démocratique des Femmes du Congo » (UDFC),
présidée par Elisabeth Ngouémo. Au Congrès de mars 1965,
l’UDFC devint « Union Révolutionnaire des Femmes du
Congo » (URFC).
Le Congrès constitutif portant création de l’URFC se tint du
3 au 5 mars 1965 après des travaux préparatoires intenses
placés sous la présidence de Céline Yandza assistée d’Odile
Tsonde, et Jeanne Dambendzet, respectivement 1ère et 2ème
Secrétaires du Bureau préparatoire.
L’URFC avait pour missions :
-l’organisation, la mobilisation, l’éducation, l’encadrement
politique des femmes en vue de leur participation effective au
processus du développement national ;
-la consolidation et l’intensification des liens d’amitié de
solidarité avec toutes les femmes du monde éprises de paix et
de justice en général, et en particulier avec les organisations
féminines nationales, sous-régionales et internationales
poursuivant les mêmes objectifs que l’URFC.
A partir de 1976, l’URFC intégra les structures
administratives dans lesquelles la femme siégeait à la Trilogie
Déterminante qui statuait sur la vie des administrations ou des
entreprises.
Dans cet élan, quatre femmes ont réussi à créer des partis
politiques. Il s’agit de : Julienne Berthe Doukoro Beguel
(l’Union pour la Démocratie et le Développement du Congo -
U.D.D.C.-), Yvonne Ngolo-Lembe (Parti Républicain pour la
Paix et le Développement - P.R.P.D-), Angèle Bandou (Parti
Africain des Pauvres -P.A.D.-) et Claudine Munari

- 362 -
(Mouvement pour l'Unité, la Solidarité et le Travail -
M.U.S.T.-)
L’absence d’un cadre institutionnel gouvernemental pour
l’orientation et la mise en œuvre d’une politique d’intégration
de la femme au développement, avait amené l’URFC à exiger
du Gouvernement la création d'un mécanisme gouvernemental,
mais seule la Direction de l’Intégration de la Femme au
Développement fut créée au Ministère du Plan en 1990. Plus
tard, cette Direction sera érigée en Ministère Délégué chargé
de l’Intégration de la Femme au Développement auprès de la
Présidence de la République, placé sous la responsabilité de
Marie Thérèse Avemeka. Ce ministère deviendra après la
guerre de 1997, le Ministère de la Famille et de l’Intégration
de la Femme au Développement, dirigé par Cécile Matingou.
Il convient de signaler que la création d’un Ministère chargé
de la Promotion de la Femme a été un long combat de l’URFC,
particulièrement des Présidentes Joséphine Mountou Bayonne
et Elise Thérèse Gamasssa qui, malgré de nombreuses
oppositions, réussirent à faire triompher l’intérêt majeur des
femmes.

III- Evolution du statut de la femme pendant les 50 ans de


l’Indépendance nationale
1-Au plan juridique
Après la démarche d’élucidation des rôles, places et
pouvoirs des femmes dans les sociétés précoloniale, coloniale
et pré-indépendance, l’évolution de la femme congolaise
pendant les cinquante ans de souveraineté nationale peut être
appréciée ici aux plans juridique, politique et socio-
économique sous la mouvance d’une nouvelle approche, celle
qui permet d’intégrer les changements découlant des combats
que les aînées ont livrés contre les colonisateurs.

- 363 -
Le statut personnel de la femme a enregistré en cinquante
ans une évolution significative, consécutive aux nombreuses
luttes menées par les femmes congolaises. L’on est passé de
l’inégalité à l’égalité juridique constitutionnellement garantie.

 De la Constitution
Si la première Constitution du Congo indépendant présente
une certaine ambigüité sur le statut de la femme, celles qui
suivent reconnaissent toutes le principe de l’égalité des sexes,
avec quelques nuances.
Concernant la reconnaissance constitutionnelle de l’égalité
des sexes dans la Constitution du 2 mars 1961, l’article
premier, alinéa 2, dispose : « Elle assure l’égalité devant la loi de
tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de
religion ». L’article 4 dispose : « Le suffrage est universel,
direct, égal et secret. Sont électeurs dans les conditions
déterminées par la loi, les nationaux congolais majeurs des
deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ».
La première Constitution du Congo indépendant ne
reconnaît que l’égalité devant la loi des citoyens, c'est-à-dire
des personnes qui participent à l’élection et à l’expression du
suffrage. Mais elle ne reconnaît pas l’égalité de l’homme et de
la femme en tant qu’individu. Or, en droit l’on ne peut
assimiler le citoyen et l’individu. Et, cette égalité reconnue par
l’article premier est relative, car l’article 4 ne confère à la
femme que la qualité d’électeur et non l’éligibilité, c'est-à-dire
la femme peut voter, mais elle ne peut être élue.
C’est la Constitution du 8 décembre 1963 qui vient
reconnaître l’égalité des sexes. Dans la Constitution du 8
décembre 1963, l’égalité absolue de l’homme et de la femme
est affirmée.

- 364 -
L’article premier alinéa 2 de la Constitution énonce : « Elle
assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans
distinction d’origine, de race ou de religion ».
L’article premier alinéa 4 énonce : « Elle garantit à la
femme des droits égaux à ceux de l’homme ».
La Constitution du 8 décembre 1963 assure l’égalité absolue
de l’homme et de la femme. Ce qui permet désormais à la
femme d’être électrice et élue. Ce qui explique le fait que les
premières femmes députés ne le furent qu’à partir de cette
date.
Elle est suivie en cela par la Constitution du 30 décembre
1969 (article 11 et article 13) et la Constitution du 24 juin
1973 (article 10 et 17).
La Constitution du 24 juin 1973 proclame l’égalité dans la
vie privée, politique et sociale. Elle innove en précisant que
l’égalité de l’homme et de la femme intervient dans les
domaines privé, politique et social.
L’article 17 énonce : « La femme a les mêmes droits que
l’homme dans les domaines de la vie privée, politique et
sociale. Pour un travail égal, la femme a droit au même salaire
que l’homme. Elle jouit du même droit en matière d’assurance
sociale ».
La Constitution du 8 juillet 1979 quant à elle, proclame
l’égalité des sexes et la reconnaissance de la capacité juridique
de la femme. Cette Constitution reconnaît l’égalité de tous les
citoyens congolais en droit (article 11), la capacité juridique et
politique de tous les citoyens congolais âgés de 18 ans qui
prennent part aux élections et peuvent être élus dans les
organes du pouvoir d’Etat (article 12).
La Constitution du 20 janvier 2002 apparaît sur ce point
comme un tournant décisif. En effet, l’article 8 de la

- 365 -
Constitution du 20 janvier 2002 énonce le principe de l’égalité
juridique de l’homme et de la femme. Cet article ne se
contente pas d’une formule incantatoire, car il dispose en son
alinéa 3 que le législateur a l’obligation de garantir et d’assurer
au moyen d’une loi, la promotion de la femme et sa
représentativité à toutes les fonctions politiques, électives et
administratives. C’est notamment sur ce fondement qu’a été
élaborée la loi n°21-2006 du 21 août 2006 sur les partis
politiques dont l’article 8, alinéa 3, dispose : « Ils doivent
garantir et assurer la promotion et la représentativité de la
femme à toutes les fonctions politiques, électives et
administratives ». C’est là le résultat d’un grand et long
combat des femmes.

 Du code électoral
L’article 61, alinéa 3 nouveau, de la loi n°5-2007 du 25 mai
2007 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi
n°9-2001 du 10décembre 2001 portant loi électorale, dispose :
« La présentation de la candidature doit tenir compte de la
représentativité des femmes à raison d’au moins 15% des
candidatures ».
Pendant la préparation du projet de cette nouvelle
Constitution, la résistance des hommes, farouchement opposés
à cette évolution, s’était heurtée à la détermination des
femmes, leur ténacité et leur volonté inébranlables de voir
changer les choses de manière irréversible. Sous les
orientations pertinentes de la Ministre en charge de la
promotion de la femme Jeanne Dambendzet qui suivait de près
ce débat, les juristes femmes, membres de la commission
constitutionnelle, Delphine Emmanuel Adouki, Jocelyne
Milandou, Rebecca Oba Quionie et Okouo avaient veillé
jusqu’à l’adoption finale du texte définitif avec l’article 8,

- 366 -
comme le voulaient les femmes. La reconnaissance de l’égalité
juridique de l’homme et de la femme n’implique pas
automatiquement l’uniformité du régime juridique de l’homme
et de la femme car des discriminations légales peuvent être
instituées selon que la femme soit mariée ou non.

 Du statut de la femme mariée : de l’incapacité à la


capacité juridique
Le statut de la femme mariée a enregistré durant cette
période une évolution lente, en dents de scie. L’application du
code napoléonien de 1804 dans les colonies produisit des
conséquences directes sur la capacité juridique de la femme
mariée199.
Bien que l’incapacité de la femme mariée ait été abolie en
Métropole en 1938, cette situation perdurait dans les colonies.
L’ordonnance du 21 avril 1944 reconnaît le droit de vote
aux femmes. Elles sont élues aux élections municipales des 29
et 31 mai 1945.

199
Extraits du code napoléonien :
Article 213 – le mari doit protection à sa femme, la femme doit obéir à
son mari.
Article 214 – La femme est obligée d’habiter avec son mari, et de le
suivre partout où il juge nécessaire de résider…
Article 215 - La femme ne peut ester en justice sans l’autorisation de son
mari.
Article 217 - La femme ne peut donner, aliéner, hypothéquer, acquérir à
titre gratuit ou onéreux, sans le concours du mari dans l’acte, ou son
consentement par écrit.
Article 229 – Le mari pourra demander le divorce pour cause d’adultère
de sa femme.
Article 230 - La femme pourra demander le divorce pour cause
d’adultère de son mari, lorsqu’il aura tenu sa concubine dans la maison
commune.

- 367 -
L’incapacité de la femme mariée demeure la règle jusqu’à
l’adoption du code de la famille en 1984 (Loi n°073/84 du
17/10/84). Aussi, pour tous les actes de la vie civile, la femme
doit obtenir l’autorisation de son époux.
La reconnaissance de la capacité juridique de la femme
mariée apparaît donc comme une autre étape décisive dans la
lente marche des femmes congolaises vers leur
épanouissement. Elle lui permet désormais de poser des actes
juridiques de manière indépendante (sous la seule réserve du
régime matrimonial). En 1975, Agathe Mambou, Présidente du
Tribunal de Grande Instance de Brazzaville, se heurta à
l’exigence de présenter une attestation de son mari pour la
sortie du Congo, au moment d’aller participer au Congrès
Mondial des femmes de 1975 à Berlin. Sa vive réaction permit
de faire sauter cet écrou en 1976.
Malgré un environnement général marqué du sceau de
l’égalité juridique en matière de travail, d’éducation, de santé,
certains îlots de résistances demeurent, à savoir :
-l’inégalité en matière fiscale ;
-l’inégalité en matière d’adultère ;
-la prise en charge du ménage par le seul époux, etc…
Une commission mise en place pour les réformes à mener
travaille ce jour sous l’autorité du Ministère de la Justice.

2-Au plan économique et socio culturel


La manifestation de l’engagement de la femme congolaise
tout au long de ces 50 ans d’indépendance est grande. De la
politique à l’armée, de la défense de la paix au syndicalisme,
de l’appui à toutes les luttes de libération, de sa représentation
dans les organisations sous-régionale, régionale et
internationale (MULPOC, OPF, FDIF, RESEFAC), la femme

- 368 -
congolaise s’est distinguée par sa participation active à de
nombreux combats.

3-Au niveau de l’armée


Les femmes congolaises ne sont pas restées en marge dans
le processus de la défense de la révolution, donc de la Nation.
En effet, dès les premières heures des « Trois Glorieuses
Journées » ( 13-14-15 août 1963), journées de combat pour la
vie, un puissant courant patriotique embrasa l’ensemble du
peuple congolais. Ainsi, naquirent les premières unités
populaires de défense armée de la révolution (CDR, Défense
Civile) dans lesquelles les Congolaises adhérèrent en masse
avec enthousiasme, faisant totalement leur, cette pensée de
Lénine qui déclarait : « Qu’on ne peut pas être dans la société
et vivre en dehors de la société ». Quelques figures de proue
marquèrent cette époque. Il s’agit de Jeanne Nzambila, Sophie
Dzokou, Adélaïde Mougany, Hélène Miayoka, etc.
Cette implication est l’expression de la prise de conscience
de la femme congolaise qui, éveillée par le processus de
conscientisation mis en marche avec les revendications
sociopolitiques de l’heure, comprit qu’aucun secteur ne devrait
plus lui être interdit. L’histoire de la France lui renvoyait
l’image de Jeanne d’Arc, cette jeune adolescente de 19 ans qui
vainquit l’armée anglaise en 1429 à Orléans. De la résistance
antifasciste soviétique, elle avait des informations relatives à
l’héroïne Kosmandimianskaia qui posa des actes hautement
militaires ayant porté des coups durs aux armées ennemies.
D’Afrique de l’Ouest, lui parvint l’action courageuse des
Amazones du Roi d’Abomey (Bénin, aujourd’hui). Du monde,
ce sont des nouvelles des militantes des fronts nationaux de
libération du Viêt-Nam, d’Algérie, de Chine, de Corée,
d’Angola, du Mozambique, du Nicaragua, d’Afrique du Sud,
de Rhodésie du Nord (Zambie) et du Sud (Zimbabwe) etc. qui

- 369 -
viennent attiser le feu de la révolte. Et plus tard, les femmes
revendiquent leur intégration dans l’armée, brisent les
barrières et investissent un domaine qui était réservé aux
hommes.
L’ouverture de l’armée aux congolaises en 1974 mérite
d’être inscrite en lettres d’or, à l’actif de l’Union
Révolutionnaire des Femmes du Congo (URFC) qui avait
constamment proclamé que les femmes congolaises pouvaient
aussi intégrer les Forces Armées Congolaises (FAC), malgré
de grandes oppositions.
A l’issue du premier colloque de l’armée tenu en juillet
1974, une recommandation sur le recrutement de la femme
dans l’armée populaire nationale fut adoptée. C’est le 11
décembre 1974 qu’un recrutement général intégra la femme
dans l’armée nationale.
Près de 40 ans après, en 2010, on peut constater que la
congolaise a bien intégré la force publique. On trouve dans
l’armée, dans la Police, dans la gendarmerie des femmes
officiers et sous-officiers. Il s’agit notamment de : Colonel
Georgine Bendiama, Colonel Delhot Magnongou, Colonel
Emilienne Oya, Béatrice Ngondou, première femme capitaine
dans l’armée congolaise.
Il faut signaler qu’au début des années de leur intégration,
certaines ont payé le prix dans leur vie conjugale ; les époux
n’acceptaient pas toujours l’engagement de leurs conjointes. A
cet égard, à l’occasion de la célébration des 50 ans de
l’Indépendance du Congo, des femmes, premières
parachutistes, devraient recevoir l’hommage de la République.
Il s’agit notamment des sœurs jumelles Micheline et Victoire
Golengo dont on se souvient du saut de para exécuté en 1964.

- 370 -
4-Au plan de la sécurité et de la paix
Au cours de ces 50 ans d’indépendance, particulièrement
dans la période de la démocratisation de la nation congolaise -
1990 à 2010 - certaines femmes ont souvent initié de
puissantes actions à haut risque visant la prévention et le
maintien de la paix, élaboré des stratégies politiques, infiltrant
les groupes adverses, recherchant le dialogue avec les
adversaires politiques et engageant des actions secrètes de
grand courage en vue du retour des institutions démocratiques
sur la scène politique. Elles n’ont pas été en reste dans la
gestion des conflits, ont intégré des mécanismes institutionnels
pour assurer le suivi des accords de paix.
Des prises de positions tranchées aux déclarations de
soutien au Parti (MNR-PCT) pendant la « période
révolutionnaire » lorsque la révolution était menacée (1968-
1990) ; des marches pacifiques exigeant l’arrêt des assassinats
par la force publique (1993-1996), leur contribution est
inestimable.
Des femmes comme Joséphine Mountou Bayonne, Julienne
Berthe Doukoro-Beguel, Jacqueline Mamoni, Jeanne
Dambendzet, Louise Kanga, Scholastique Dianzinga, Monique
Okaka Yoka, Emilienne Lekoundzou, Emilienne Botaka, Anne
Bitsindou, Adélaïde Moundele-Ngolo, Emilienne Raoul,
Hélène Nanitelamio, Elise Thérèse Gamassa, Jeanne Yandza,
Antoinette Kebi, Jeanne Françoise Leckomba Loumeto
Pombo, Antoinette Paka, Ida Victorine Ngampolo et Yvonne
Lembe Ngolo ont réalisé des exploits dans l’ombre pour éviter
la « balkanisation » du Congo.
Toutes ces autres femmes, anonymes, qui se sont levées à
l’intérieur du pays comme au centre contre leurs propres
partis, pour éviter tantôt leur éclatement, tantôt pour défendre
la vie, se désolidarisant de leurs Etats-Majors qui fourbissaient

- 371 -
des armes contre leurs frères et sœurs, au risque de leur propre
vie, sont innombrables.
En 1968, à l’annonce de l’arrestation du Capitaine Marien
Ngouabi et du Lieutenant Gaston Eyabo, les femmes, très tôt le
matin du 31 juillet, sous la conduite de Alice Badiangana
(membre du Mouvement national de la révolution (MNR) et
grande figure du mouvement féminin congolais) se sont
retrouvées en concertation et ont décidé de rallier le
« mouvement » constitué en vue d’aller libérer les deux
officiers, en scandant les slogans suivants : « Nous ne voulons
pas de sang au Congo, nous voulons la paix ! Libérez le
Capitaine Marien Ngouabi et le Lieutenant Gaston Eyabo ».
Malheureusement, au moment de la rédaction de la motion
de contestation, certaines femmes, privilégiant les
considérations tribales, ont fait éclater leur unité au sein du
« mouvement insurrectionnel ».
Alice Badiangana et Céline Yandza, connues pour leurs
idées révolutionnaires et communistes, se sont encore
distinguées cette fois-là par leur courage et détermination.
Comme Céline Yandza, Alice Badiangana avait fait quelques
mois de prison en 1958 pour ses idées marxistes.

Toujours dans le cadre de la sauvegarde de la paix, lorsque


dans les années 1990, souffle le vent de la « démocratie
pluraliste », avec pour conséquences immédiates des conflits
internes, la voix des femmes s’est élevée pour attirer
l’attention de l’opinion nationale et internationale à travers des
déclarations, interpellations, appels, points de presse,
meetings, marches, cultes, tribunes radio télévisées, etc. Ces
actions déployées en amont pour le maintien de la paix
assurèrent en aval la prévention des conflits. On peut retenir
quelques actions :

- 372 -
 au niveau des interpellations :
- l’interpellation des parties belligérantes le 15 décembre
1993 lors du Forum national de la Femme (Appel du 15
décembre) ;
- les interpellations de la Médiation Nationale sise à
Brazzaville en 1997 ;
- les interpellations publiques des leaders politiques sur le
fait d’avoir armé les enfants ;
- le lancement d’un S.O.S. à la Médiation Internationale
de Libreville pour venir en aide Congo (1997) ;
- l’interpellation des Chefs d’Etats africains et de
l’OUA 1997 ;
- l’interpellation de toutes les femmes congolaises à
Brazzaville sur leur rôle et leur responsabilité pendant la
guerre civile de 1997 ;
- les interpellations des leaders d’opinion tous azimuts
pour qu’ils mettent tout en œuvre afin d’obtenir le cessez-le-
feu, le rétablissement de la circulation par la levée des
barricades érigées dans les zones de conflits ainsi que la
reprise du trafic ferroviaire souvent interrompu ;
- l’interpellation des autorités par le Comité Régional de
Concertation des ONGs et Associations Féminines du Kouilou
(CERCOF).

 au niveau des marches pour la paix :


- la marche pacifique organisée par les « mamans
catholiques » à l’issue de la Conférence Nationale (mai 1991) ;
- le 22 décembre 1993, bravant toutes les forces, ces
femmes ont organisé une marche à travers les rues de la ville-
capitale jusqu’au Palais présidentiel pour la remise d’un
message de paix où les femmes ont dit, à genoux : « PLUS
JAMAIS ÇA ! »;

- 373 -
- la marche des « mamans catholiques », le 24 décembre
1993, avec pour point de convergence le Palais présidentiel où
elles ont revendiqué le droit, le respect et la protection de la
vie ;
- la marche mondiale des femmes en mai 2000 à
Brazzaville d’abord, à New York puis à Washington
(septembre- octobre 2000). C’était une marche pour l’espoir,
l’égalité, la paix et la démocratie. Une marche pour le respect
de leur intégrité physique et mentale. La femme congolaise
s’engageait auprès des autres femmes pour protester contre la
violence faite aux femmes. Leur slogan : « la Congolaise dit :
NON à la pauvreté et à la violence à partir de l’an 2000 ».

5-Au plan syndical


Le mouvement syndical congolais comprenait à la veille de
l’Indépendance trois centrales : la Confédération Générale du
Travail (CGT) d’obédience communiste, la Confédération
Africaine des Travailleurs Croyants (CATC) d’inspiration
chrétienne, la Confédération Congolaise des Syndicats Libres
(CCSL), réformiste et la Fédération Autonome Postale (FAP).
Il ouvrit ses portes aux femmes congolaises dès les premières
années de l’indépendance. C’est le cas notamment de Yvonne
Félix Tchicaya, jeune enseignante et Directrice de la célèbre
école ménagère de Poto-Poto. Elle joua un rôle décisif dans la
défense des droits des travailleurs. Elle sera suivie de :
Clémentine Ndembo (de la Fédération de la Santé), Angélique
Kouka, Henriette Diatoulou, Angélique Kouamala, Jeannette
Ganga-Zanzou, Isabelle Niangou, Louise Dzia-Lefoundzou,
Valérie Ossie et Firmine Kailly, toutes responsables au niveau
national. Au niveau intermédiaire, Marie-Louise Dambendzet,
grande journaliste et chef du Mouvement National des
Pionniers à l’école Saint-Vincent de Poto-Poto, occupa de
nombreux postes au niveau du syndicat. Aujourd’hui, elle

- 374 -
représente les femmes au niveau du « Réseau des Femmes
d’Afrique Centrale » (RESEFAC).

6-au plan du sport


Le Forum des femmes tenu du 28 au 31 juillet 2010 a
permis de faire le bilan de la pratique du sport par la femme
congolaise depuis l’indépendance nationale. Les femmes du
Congo, comme dans les autres secteurs de la vie nationale,
n’ont pas ignoré la pratique du sport.
Avant l’indépendance de notre pays en 1960, la pratique de
l’éducation physique et du sport était réservée à une élite. Plus
tard il y a eu des regroupements sectoriels dans les quartiers
qui sollicitaient les jeunes pour des compétitions (mwana
football) en ce qui concerne les garçons. Les jeunes filles
s’adonnaient au ndzango traditionnel, à la marelle
etc.….Néanmoins, quelques enseignants faisaient faire
quelques exercices physiques à leurs élèves du sexe masculin,
notamment, sous forme de gymnastique appelée
« mouvements d’ensemble ».
A compter de 1960 la pratique de l’éducation physique et du
sport dans les établissements scolaires avec la participation des
élèves des deux sexes, a été favorisée par l’arrivée de 20
moniteurs dont 5 femmes, parmi lesquelles on peut citer Mme
Marcelline Ovaga, formées en éducation physique sortis de
l’Action de Rénovation Rurale (ARR) et de 8 coopérants
français spécialistes en éducation physique et sportive.
Au fil des années, les enseignants d’EPS français ont été
remplacés par les nationaux et, à partir de 1968, nous avons eu
les premières enseignantes d’EPS formées à l’extérieur du
pays plus précisément en Tunisie, à savoir : Simone Nkakou
Moundziala, Berthe Maleka , Anne-Marie Taba-Goma Niemet,
Alexandrine Mbounou Balendet Bokouabela Saby et Françoise
Mahoungou Tsathy.

- 375 -
Le besoin en formation des cadres se faisant de plus en plus
sentir, le Gouvernement décida d’ouvrir l’Institut National des
Sports (INS) en 1971 et l’Institut Supérieur d’Education
Physique et Sportive (ISEPS) en 1975. Cela avait favorisé
l’intéressement de la jeune fille congolaise à intégrer ce corps
de professionnels de l’éducation physique et des sports.
Signalons que la plupart de ces dames ne se sont pas arrêtées à
la formation initiale ; elles ont accédé à la formation
supérieure pour devenir cadre de maîtrise. Le département des
sports compte actuellement : 20 inspectrices d’EPS ; 49
professeurs certifiés d’EPS ; 56 professeurs adjoints d’EPS; 30
conseillers pédagogiques d’EPS sorties de l’ISEPS; 15
inspectrices de sports ; 6 conseillères de sports ; 100
maîtresses d’EPS sorties de l’INJS (auparavant INS).
L’Office National du Sport Scolaire et Universitaire
(ONSSU), quant à lui, est l’organe qui a favorisé l’éclosion du
sport en milieu féminin. L’organisation des championnats dans
les régions, a favorisé l’engouement de la jeune fille à intégrer
les équipes de leur établissement. L’arrivée des nouvelles
enseignantes sur le terrain a fait de l’Association Sportive
Scolaire (ASS) un lieu de leur stimulation. Les après- midi du
jeudi étaient réservés aux entraînements sportifs et la
contribution des chefs d’établissements donnait de la valeur à
l’activité pour l’honneur de l’établissement. Les championnats
nationaux qui se tenaient tantôt à Brazzaville, tantôt à Pointe-
Noire permettaient un brassage des élèves de toute la
République. On a vu des établissements uniquement de filles
émerger tels que le Collège d’Enseignement général Anne-
Marie Javouhey et le Collège Normal de Mouyondzi.
De 1968 à 1969, l’organisation des semaines culturelles a
permis de découvrir des équipes avec des joueuses féminines,
notamment l’équipe de hand-ball de Fort Rousset (Owando
actuellement).

- 376 -
Concernant la participation aux différents jeux continentaux
et internationaux en athlétisme, la jeune fille congolaise a fait
sa première participation continentale en 1964 avec
l’athlétisme à la Coupe des tropiques à Yaoundé au Cameroun.
L’équipe de relais 4 x 100 dames était composée de Charlotte
Dandou, Yvonne Loufoua, Simone Maleka et Lucienne
Galiba. Ces jeunes filles avaient remporté la médaille d’or.
Pour la petite histoire, à cause de la bonne prestation de la
délégation congolaise, le Conseil Supérieur du Sport Africain
(CSSA) avait décidé de la construction du Stade omnisports
qui devait abriter en 1965 les Premiers jeux africains à
Brazzaville.
Lors des 1ers jeux africains de 1965 à Brazzaville, la jeune
fille congolaise n’était présente qu’aux épreuves d’athlétisme,
avec comme tête d’affiche Lucienne Galiba au 100 mètres.
Aux Jeux olympiques de 1976, à Montréal au Canada, les
Congolaises étaient présentes avec la sprinteuse Brigitte
Baegne ; à ceux de 1984, Françoise Mpika a participé aux
quarts de finale du 200 mètres aux Jeux Olympiques de Los
Angeles aux Etats-Unis d’Amérique.

En hand-ball, le palmarès de la femme congolaise est


élogieux :
- en 1972, l’équipe nationale créée en 1970, participa aux
éliminatoires des Deuxièmes jeux d’Afrique centrale à
Brazzaville et occupa la première place ;
 en 1976, les Diables Rouges dames participèrent à la
Coupe d’Afrique des nations à Alger, et se classèrent 2èmes sur
8 équipes nationales ; aux 1ers jeux d’Afrique Centrale au
Gabon, elles remportèrent la médaille d’or ;
 en 1977, elles participèrent à la Coupe du monde junior
en Roumanie, et se classèrent 12èmes sur 16 équipes ;

- 377 -
 en 1978, elles se classèrent 2ème aux 2èmes championnats
d’Afrique des nations au Cameroun ;
 en 1979, elles se classèrent 1ère à la première édition de
la Coupe Marien Ngouabi à Brazzaville ;
 en 1980, leur participation aux Jeux Olympiques de
Moscou fut nulle ;
 en 1981, elles remportèrent la deuxième édition de la
coupe Marien Ngouabi à Tunis ;
 en1983, elles remportèrent la troisième édition de la
coupe Marien Ngouabi au Caire en Egypte, et gardèrent
définitivement le trophée ;
 en 1985, elles occupèrent la première place à la coupe
des Nations Challenge Agosthino Neto en Angola ;
 en 1987, elles se classèrent 2èmes à la Coupe d’Afrique
des Nations à Brazzaville.
Les basketteuses n’ont pas connu la même évolution que les
handballeuses. Mais elles ont participé à quelques
compétitions à l’extérieur, notamment à Libreville en 1976 et à
Luanda en 1981, dans le cadre de la coupe d’Afrique Centrale.

Le football féminin n’a pris de l’ampleur dans notre pays


qu’à partir de 1990. Actuellement, on compte 12 équipes (à
Brazzaville, Pointe-Noire et Dolisie) pour un effectif de 270
joueuses. L’équipe nationale de football féminin a fait sa
première sortie internationale en 2004 lors des matches
éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations à Libreville.
Depuis, elle n’arrive pas à franchir le cap des éliminatoires des
différentes compétitions continentales.

- 378 -
7-au plan de la gestion associative
Le 26 juin 1966, la Présidente Nationale de l’URFC, Céline
Claudette Yandza ayant été arrêtée, incarcérée et jetée en
prison sans jugement, l’URFC fut confiée momentanément à la
Georgette Bouanga Taty jusqu’au Congrès ordinaire de
l’Organisation en 1971 qui porta Joséphine Bouanga à la tête
de l’Union.
En bon révolutionnaire, le Président Marien Ngouabi tenait
à l’émancipation des femmes et, pour les encourager, il
assistait souvent aux sessions du Conseil Central et se rendit
compte du « décalage idéologique » existant entre le Parti et
l’Union. Pour le Parti, l’ennemi n°1 du peuple congolais était
l’impérialisme international, français, en particulier. Pour les
femmes, leur ennemi n°1 était l’homme. Cette divergence fut à
l’origine de la destitution de Joséphine Bouanga.
On peut se poser aujourd’hui la question suivante : l’analyse
des femmes était-elle fausse ? Des décennies plus tard, la
femme congolaise se retrouve toujours face à l’homme
congolais.
Les élections législatives organisées en 2002, en 2007 ont
mis les femmes aux prises avec les camarades de leurs partis.
Chaque fois qu’il s’est agi d’inscrire les femmes sur les listes
électorales des Conseils départementaux, les Etats-majors des
partis, très subtilement, les ont portées à la fin de chaque liste,
garantissant ainsi leur échec lors des élections. Que de
combats ! Que d’opposition pour leur nomination à différents
postes ! Et pourtant, leur présence dans les sphères de
décisions influencerait certainement de manière positive la vie
de la Nation en raison de leur sens élevé de la protection de la
vie qu’elles donnent.
Joséphine Mountou Bayonne, une « cacique » du Parti
congolais du travail (PCT), Présidente de l’URFC de 1973 à

- 379 -
1979, a marqué son époque par son courage, sa ténacité et sa
fidélité à son Parti. Femme aux grandes convictions politiques,
elle a su affronter toutes les oppositions internes suscitées
contre elle au sein de l’Union, particulièrement contre sa
volonté d’élargir la base de l’URFC en y injectant du sang
nouveau au Conseil Central de 1976 qui a vu arriver des cadres
féminins de haut niveau. Sa décision d’inscrire quelques noms
de cette génération nouvelle de jeunes femmes « expertes et
rouges » sur la liste de la délégation congolaise au Congrès
Mondial des femmes à Berlin (RDA) en octobre 1975, lui a
valu des attaques virulentes des « anciennes », qui affublaient
les nouvelles d’appellations inamicales : « les intruses », « les
bics molayi ».
Son courage est encore passé à l’épreuve du feu en février
2007, à l’occasion de la deuxième session extraordinaire du
Comité Central du PCT, en pleine crise entre conservateurs et
refondateurs.
Membre du Bureau Politique, membre de la Commission
Nationale de Contrôle et de Vérification (CNCV) du Parti, elle
refusa de signer le rapport de la CNCV, ce qui aurait permis de
valider quinze ans d’inactivité du Parti. Ce refus courageux
sauva le Parti.
Ida Victorine Ngampolo (très jeune, 23 ans), prit part à la
Conférence des Femmes Africaines (CFA) en 1964 à Zanzibar.
Celle-ci devint l'Organisation Panafricaine des Femmes (OPF)
en 1968 à Alger, qui fut l'unique instrument de lutte pour la
libération politique du continent africain et pour
l’indépendance nationale des pays qui n’avaient pas encore
accédé à la souveraineté nationale, jusqu’en 1980.
Successivement, les Congolaises occupèrent des postes à
l’OPF dont le siège était basé à Alger (Algérie) jusqu’en 1981.
Il s’agit de Victorine Okotaka-Ebale, Ida Victorine Ngampolo,
Romaine Ekouya Poaty.

- 380 -
A la Fédération Démocratique Internationale des Femmes
(FDIF), (Berlin, 1977-1984), à l’UNESCO à Paris (1980-
1992), d’autres femmes représentèrent l’URFC respectivement
comme Déléguées de l’URFC auprès de la FDIF et
Représentantes de la FDIF auprès de l’UNESCO.
Dans ces institutions, le dynamisme de la femme congolaise
lui a permis de s’assurer une visibilité réelle au niveau
international. Jeanne Dambendzet, Marie-Josée Mathey,
Marie-Thérèse Avéméka et Victorine Engobo, pendant cette
longue période (1977-1992), réalisèrent un travail remarquable
qui valut à la Congolaise une reconnaissance des autres
organisations féminines. En novembre 1999 et en mars 2002,
le Congo a été élu tour à tour à la 6ème Conférence Régionale
des Femmes Africaines (Addis Abeba) pour un mandat de 5
ans et à la Présidence de la Commission de la Femme des
Nations-Unies à New York pour une durée de 4 ans.
Au Gouvernement, au Parlement, dans les institutions
constitutionnelles, dans les administrations publiques, dans
l’armée, dans le secteur privé, dans les Organisations Non
Gouvernementales, dans les associations, dans la société
civile, dans les entreprises, dans les marchés, bref, les femmes
menèrent un rude combat, avec efficacité, pour relever les
défis du développement tout en apportant la preuve de leurs
compétences dans un environnement marqué par l’âpreté, les
intrigues et des oppositions profondes.

IV- Atouts de la femme congolaise dans son combat pour


plus de liberté et vers la parité
Les 50 ans de l’indépendance nationale ont pu, à cet égard, être
témoin de la combattivité des femmes, laquelle leur a permis
d’obtenir et souvent d’arracher des victoires importantes ayant fait
évoluer leur statut dans la société. Il faut souligner que les femmes

- 381 -
tentent en réalité de se réapproprier ce que les hommes leur ont
« volé ». Ils se sont progressivement arrogé tous les pouvoirs que la
femme détenait. Même la maternité qui restait le dernier bastion de
sa puissance a été investie par les hommes. La désacralisation de
l’arrivée de l’enfant au monde, tout le mystère qui l’entourait est
tombée dès l’instant où les hommes ont été appelés à participer à ce
processus à différents niveaux en tant que maris (pères, médecins,
spécialistes, gynécologues et obstétriciens, etc.).
Mais dans cette marche ascendante vers plus de liberté et de
responsabilités, il convient de souligner l’inestimable atout
dont les femmes ont bénéficié, sans lequel leur situation
n’aurait pas connu une évolution si fulgurante, notamment au
plan constitutionnel depuis 1963.
L’appui inconditionnel de quelques hommes d’Etat et chefs
de partis a été décisif dans cette lutte des femmes, dans la
rapide évolution constitutionnelle du statut de la femme. L’un
d’entre eux s’est particulièrement distingué par un soutien plus
fort. Il s’agit de Denis Sassou Nguesso. Dans son discours à
l’occasion de la célébration du 20ème anniversaire de l’Union
Révolutionnaire des Femmes du Congo, en 1985, il déclara :

Ces luttes et les leçons fondamentales du mouvement


révolutionnaire attestent que l’émancipation de la
femme est nécessairement une composante du combat
multiforme des peuples pour l’indépendance, le
progrès social, le socialisme et la paix… Il est
impossible de remporter la victoire finale dans le
combat libérateur et l’édification d’une société
nouvelle débarrassée de l’exploitation de l’homme par
l’homme, de l’exploitation de la femme par l’homme,
sans la participation active, pleine et consciente de la
masse et des femmes qui représentent d’ailleurs la

- 382 -
moitié de la société ( ) Bref, elles sont non seulement
les égales des hommes, mais elles pallient aussi leurs
défauts. Je les estime parfaitement capables d’assumer
des responsabilités de haut niveau.
Et, dans son livre Le manguier, le fleuve et la souris, il
déclare :
Je souhaite tout d’abord, donner aux femmes
congolaises la place qu’elles méritent au sein de la
société. Encore trop souvent laissées en marge de la
marche des affaires sur le plan familial comme sur le
plan social, elles souffrent d’injustices multiples. Or,
elles sont plus nombreuses que les hommes, et sont
peut-être plus dynamiques qu’eux, dans les
campagnes comme dans les villes200.

Liant la parole à l’écrit et à l’action, il a été le premier à


inscrire dans une Constitution, (celle du 20 janvier 2002) article
8, l’égalité juridique, l’interdiction de la discrimination basée
sur les sexes, la représentativité des femmes dans toutes les
fonctions politiques, électives et administratives. Sous ses
différents mandats, la responsabilisation des femmes dans les
institutions constitutionnelles s’est améliorée : à la Cour
Suprême, la Cour Constitutionnelle, au Gouvernement, au
Conseil Economique et Social et à la Commission des Droits
Humains, etc.
Il a également été celui qui a nommé la première femme
Ambassadeur, la première femme Commissaire politique et,
contre toute attente, a osé confier la préparation d’un Congrès
du PCT à une femme. En effet, en 1988, Jeanne Dambendzet a

200
D. Sassou Nguesso, op. cit., p. 133.

- 383 -
été responsabilisée dans la préparation du 4ème Congrès
Ordinaire du PCT de 1989.
Même si les effectifs dans l’appareil de l’Etat sont encore en
deçà des attentes des femmes, on note une évolution positive
au niveau du Gouvernement.
Les tableaux ci-après présentent l’évolution des statistiques
de la représentativité des femmes au niveau du Parlement, au
niveau du Gouvernement, dans les hautes institutions de la
République, et dans les collectivités locales.

Tableau n°1 : Répartition des parlementaires par législature,


selon le genre, au Congo

Hommes Femmes Total


Législa-
ture Nom- Nom-
Nombre % % %
bre bre

1959 61 100 00 0.0 61 100

1963 52 94.6 03 5.4 55 100

1973 111 88.8 08 11.2 119 100

1979 139 90.9 13 9.1 152 100

1984 138 90.1 15 9.9 153 100

1989 114 85.8 19 14.2 133 100

1991
140 92.2 12 7.8 153 100
(CSR)*

- 384 -
1 Assem-
blée
9 119 95.2 06 4.8 125 100
Natio-
9 nale
2 Sénat 56 96.6 02 3.4 58 100

1998
(CNT)**
66 88.0 09 9.0 75 100

2 Assem-
0 blée 117 90.7 12 9.3 129 100
Nationale
0
2 Sénat 51 85.0 09 15.0 60 100

2 Assem-
blée 127 92.7 10 7.3 137 100
0
Nationale
0
7 Sénat 67 89.33 08 10.67 75 100

2008 Sénat 50 83.3 10 16.7 60 100

Source : Archives du Parlement.


*CSR : Conseil Supérieur de la République, Parlement de transition
au sortir de la Conférence Nationale ;
**CNT : Conseil National de Transition, Parlement de transition
au sortir du Forum National sur la Reconstruction, la
Réconciliation et l’Unité Nationale.

- 385 -
Tableau n°2 : Répartition des membres du Gouvernement,
par période et selon les sexes

Hommes Femmes
Période
Nombre % Nombre %

1975 16 94.1 01 5.9

1985 22 95.7 01 4.3

1989 24 96 01 4

1991 20 95 01 5

1993 32 94.1 02 8.6

1995 32 91.4 03 9

1997 30 90.9 03 9.1

1997 23 88.5 03 11.5

1999 23 92 02 8

2002 32 86.5 05 13.5

2005 32 86.5 05 13.5

2009 32 86.5 05 13.5

- 386 -
Tableau n°3 : Présence des femmes dans les hautes institutions de la
République, de 2002 à nos jours

Haute institution Hommes Femmes Total


de la République Nombre % Nombre % Nombre %

Cour Suprême 30 85.7 05 14.3 35 100

Cour 08 88.8 01 11.1 9 100


Constitutionnelle

Cour des Comptes 15 83.3 03 16.6 18 100


et Discipline
Budgétaire

Haute Cour de 30 83.3 06 16.6 36 100


Justice

Commission 30 66.6 15 33.3 45 100


Nationale des
Droits de
l’Homme

Conseil Supérieur 10 90.9 01 9.1 11 100


de la Liberté de la
Communication

Conseil 48 64 27 36 75 100
Economique et
Social

- 387 -
Tableau n°4 : Répartition des gestionnaires des collectivités locales, selon le
genre, de 2002 à nos jours

Hommes Femmes
Institutions
Nombre % Nombre %

Préfectures 12 100 00 0.0

Sous-Préfectures 86 100 00 0.0


(2008)

Présidents et 11 100 00 0.0


Conseils
Départementaux

Secrétaires 11 91.6 01 8.4


Généraux des
Départements
jusqu’en 2008*

Mairies de 06 100 00 0.0


communes

Conseils Locaux 743 84.8 113 15.2


(2007)**

*Actuellement il n’y a aucune femme à ce poste.


**On note une nette augmentation du nombre de femmes dans l’accès aux
conseils locaux. En effet, leur nombre est passé de 68 (8.55%) sur 727
hommes (91.44%) à la suite des élections locales de 2007.
Loin de freiner la promotion de la femme, les 4 derniers
Présidents, certainement en raison de leur étroite relation avec
leur mère, ont pu découvrir leur valeur intrinsèque, ainsi ont-
ils décidé de favoriser l’émancipation des femmes.
Cependant, des résistances perdurent quand vient le moment
de nommer aux postes de prise de décision ou de désigner des
femmes sur les listes électorales. C’est ici qu’apparaît le
paradoxe entre la volonté constitutionnelle de changement et

- 388 -
les faits. Et pourtant, il est admis partout que la Nation qui
néglige les femmes, se refuse les moyens de son
développement. C’est un impératif de développement que de
prendre en compte plus de la moitié de la population. La
former, la qualifier, l’éduquer, l’instruire politiquement,
techniquement, scientifiquement ouvre le chemin à l’avenir.
Bien des changements en effet sont intervenus dans les lois
et, théoriquement, les femmes ont récupéré la plupart de leurs
droits perdus tout au long de leur histoire. Cependant, il y a
encore un long chemin à parcourir au niveau de la
transformation des mentalités, des préjugés et toutes ces
anciennes manières de penser, de fonctionner qui ont souvent
la vie dure. Les Congolaises doivent s’armer de patience. Au
lieu de passer le temps à tenter de persuader les uns et les
autres de leur valeur, elles doivent travailler dans le domaine
de leur volonté pour libérer toutes leurs capacités dans une
nouvelle créativité.

CONCLUSION

La présentation des femmes, dans cette illustration historique


en témoignage de leur marche depuis la période pré-coloniale et
post-coloniale, vient de mettre en lumière, sans équivoque, que
les femmes, contrairement aux clichés négatifs véhiculés sur leur
incapacité à concevoir, à diriger et, donc à contribuer à l’œuvre
de construction de leur société, ont plutôt été des ouvrières
efficaces aux multiples qualifications. Leur pluridisciplinarité
adaptative à tous les rôles que leur confiait la société, n’a eu
d’égale que les mesures prises en amont pour les former, à
travers des processus initiatiques variés et complexes, afin de les
préparer à répondre aux besoins et aux exigences du
développement de leur communauté.

- 389 -
Dans les divers rôles et fonctions qu’elles devaient assumer,
les femmes ont eu l’attitude de l’architecte, du peintre ou du
musicien face à sa création, laissant éclater son génie. Il
convient donc de rappeler qu’à cet égard, il faut un minimum
d’équité dans la société pour que chacun accepte de jouer sa
partition, avec harmonie.
Les femmes, courageusement, ont été dans tous les combats,
sur tous les fronts, sur tous les terrains, portant leur part de
responsabilité, suppléant souvent les démissions masculines.
Dès lors, l’amélioration de leur situation, la promotion de leurs
droits, l’évolution de leur statut et de leur place dans la société
passeront par la définition et l’élaboration des politiques
globales touchant aux différents aspects de la vie, sans exclure
la femme.
Il est apparu par ailleurs, au travers de cette présentation, des
priorités sur lesquelles il conviendrait de mettre un accent
particulier. Il s’agit de la nécessité pour les femmes d’être
présentes dans les sphères de décisions afin qu’elles contribuent à
influencer les décisions à prendre concernant la vie de la société.
Le renforcement de leur pouvoir politique et économique
paraît à cet égard mieux couvrir leur ambition de participer à la
construction d’un monde fondé sur les valeurs d’équité, de
solidarité, de partage, d’amour et du respect de l’autre.
Le sens élevé de leur responsabilité à préserver la vie qu’elles
donnent, qui s’est révélé tout au long de cette présentation, leur
impose des sacrifices souvent insupportables, mais supportés, en
raison de cette volonté protectrice.
Malheureusement, face aux conspirations et aux stratégies
échafaudées par l’homme pour les éloigner des postes où la
reconnaissance de leur pouvoir serait sans équivoque, les
femmes, sagement, ont dû courber l’échine pour laisser la
première place à l’homme afin de sauvegarder la vie, et

- 390 -
refusèrent ainsi de porter la responsabilité des blocages
qu’engendreraient les égos des hommes. Alors, sans
discernement, les hommes ont fini par se laisser séduire et
convaincre de leur pouvoir à refaçonner le monde tout seuls, à
le recréer sans l’apport des femmes et leur vision humaniste.
Les résultats sont catastrophiques.
A l’échelle du Congo, la pauvreté, les violences, l’immoralité,
les égoïsmes, les crises, les guerres, la déshumanisation de la
société, et tous les dysfonctionnements observés hier et
aujourd’hui, sont en partie dus à cette sécheresse spirituelle d’une
société masculinisée, où seules les valeurs fondées sur l’argent
dominent. D’où la nécessité de repenser le monde en tenant
compte de la contribution que les hommes et les femmes
pourraient apporter chacun dans un esprit de complémentarité.
C’est là où le besoin de former les femmes, de les préparer à
assumer efficacement leurs responsabilités comme le faisaient
les anciens, redevient une exigence urgente. Ne dit-on pas que
former une femme c’est former une Nation ? L’éducation au
sens le plus large, apparaît dès lors, comme la clé de voûte du
salut du Congo.
La femme congolaise attend la reconnaissance de ses droits,
mais davantage, la préparation de toute la société aux
mutations qui induisent de profonds changements de
mentalités, afin que la vision devienne réalité.
Les pouvoirs publics, à tous les niveaux, ont la
responsabilité de mieux prendre en compte la présence
féminine dans tous les espaces de décisions s’ils ont une réelle
ambition de faire avancer le Congo, de le tirer par le haut, de
refuser de le niveler par le bas et ainsi, construire réellement
une société nouvelle, fondée sur des valeurs morales sûres de
paix, de justice, de partage, d’amour, de solidarité et de
progrès social.

- 391 -
CHAPITRE 13

LA JEUNESSE DANS
L’HISTOIRE DU CONGO (1960 à 2010)

par Jean-Pierre NGOMBE

INTRODUCTION

Dès l’Indépendance en 1960, les jeunes du Congo se sont


montrés très dynamiques, en prenant des responsabilités dans
les différents mouvements socio-politiques qui ont jalonné les
50 ans de l’Indépendance nationale.
Ce dynamisme est ici retracé, à travers les différentes
organisations juvéniles, dont nous allons, dans les lignes qui
suivent, rappeler l’existence, indiquer les objectifs et énumérer
les actions les plus importantes.

I-Historique des mouvements socio-politiques et de la


jeunesse (1960-2010)

Lorsque le 15 août 1960, le Congo accède à l’indépendance,


le paysage socio-politique est caractérisé par le multipartisme,
la pluralité des syndicats et la diversité des mouvements de
jeunesse, relevant, pour la plupart, des confessions religieuses.

Au lendemain de l’indépendance, la situation socio-


politique se dégrade progressivement, et de façon flagrante,
sous l’œil complaisant et indifférent d’un gouvernement dont
l’arrogance affichée indigne et révolte les masses populaires.
Sous l’impulsion des syndicalistes abusés, le peuple, excédé,
s’empare de la rue et fait tomber le régime vomi de l’Abbé

- 393 -
Fulbert Youlou. C’est la Révolution des 13, 14 et 15 août
1963.
Une nouvelle ère est née, rompant systématiquement avec le
passé, et prônant l’unicité d’organisation dans toutes les
couches sociales et dans les différentes catégories socio-
professionnelles. C’est l’ère du « monopartisme », qui
s’étendra de 1963 à 1991, année de la Conférence nationale
souveraine (C.N.S.) laquelle exhumera le multipartisme et les
différents mouvements de jeunesse enterrés depuis des lustres.

Pendant près de 28 ans (de 1963 à 1991), le Congo vibrera


au diapason du marxisme-léninisme, dont les phares seront
braqués sur le chemin qui mène vers une société socialiste.
Toute l’organisation sociale et politique sera bâtie selon le
modèle des pays socialistes : parti unique (M.N.R., puis
P.C.T.), syndicat unique (C.S.C.), organisation juvénile unique
(J.M.N.R., puis U.J.S.C.), mouvement unique d’enfants et
d’adolescents (M.N.P.), organisation unique regroupant les
élèves et les étudiants (U.G.E.E.C.), un regroupement de tous
les écrivains et artistes (U.N.E.A.C.), ainsi qu’une organisation
unique des femmes (U.R.F.C.). Toute autre organisation socio-
politique en dehors de ce schéma, était considérée comme une
hérésie.

La chute du régime de l’Abbé Fulbert Youlou, le 15 août


1963, entraîna de facto la dissolution de tous les partis
politiques, laissant un vide qui sera comblé par le congrès
constitutif du Mouvement national de la révolution (M.N.R.),
tenu à Brazzaville, du 29 juin au 02 juillet 1964 qui consacra la
naissance d’un parti unique, le M.N.R., et l’élection
d’Alphonse Massamba-Débat comme Président.

Signalons au passage, que l’idée de créer au Congo un parti


unique avait déjà été énoncée, depuis avril 1963, par les

- 394 -
leaders des différents partis politiques pour qui, le parti unique
était la solution idéale pour éviter la réédition des émeutes
intertribales de 1958 à Pointe-Noire et de 1959 à Brazzaville.
L’Assemblée nationale fut alors convoquée en session
extraordinaire le 10 avril 1963 ; elle adopta à l’unanimité et
par acclamation la loi n°14/63 du 13 avril 1963, portant
création d’un parti unique. Mais, les événements s’étant
précipités, Youlou ne put faire aboutir son projet. Faisons
observer que cette analyse des leaders politiques d’antan, a
démontré par la suite sa justesse. En effet, pendant tout le
règne du parti unique (M.N.R. et P.C.T. confondus), il n’eut
aucune émeute, aucune guerre civile. C’est après la
Conférence nationale souveraine et avec la résurgence du
multipartisme, que le Congo a offert au monde le désolant
spectacle des guerres civiles à répétition.

Alors qu’il est à la tête du M.N.R., Massamba-Débat prône


le « socialisme bantou », à la place du « socialisme
scientifique », idéal du Parti. Il fut ainsi taxé de déviationniste,
c’est-à-dire, celui qui s’écarte de la voie principale, la voie qui
mène au but. Dès lors, il ne pouvait plus, aux yeux des
militants, conduire la barque. Il fut alors déchu de ses
fonctions de président du M.N.R. et de président de la
République, à la suite du mouvement insurrectionnel du 31
juillet 1968 dirigé par le Capitaine Marien Ngouabi.

Afin d’éviter au navire de faire naufrage, le M.N.R. fut


dissout et remplacé par le C.N.R. (Conseil National de la
Révolution).

Après une période de transition, assurée par le C.N.R., sous


la présidence de Marien Ngouabi, le Parti congolais du travail
(P.C.T.) voit le jour le 31 décembre 1969, à l’issue d’un
congrès constitutif tenu à Brazzaville. A cette occasion,

- 395 -
Marien Ngouabi est élu Président du P.C.T., secondé par un
cadre issu de la J.M.N.R., en l’occurrence Claude Ernest
Ndalla, élu au poste de 1er Secrétaire du Comité Central du
P.C.T.. La jeunesse comptera parmi les congressistes,
plusieurs de ses membres.

Plus tard, le putsch manqué du 22 février 1972, dirigé par


Ange Diawara, provoqua une forte hémorragie au sein du
P.C.T., plusieurs militants ayant été arrêtés. Ce qui entraîna la
convocation en décembre 1974 d’un congrès extraordinaire,
qui renouvela les instances et reconduisit Marien Ngouabi à la
tête du Parti.

En raison des contradictions idéologiques au sein de la


direction politique, et au regard de la situation économique
préoccupante, le Comité Central du P.C.T. fut convoqué en
décembre 1975, en session extraordinaire. Il en sortit une
déclaration dite « déclaration du 12/12/1975 », qui reconnaît
les faiblesses du Parti dans la gestion de la chose publique et
dans la conduite des masses populaires. A cette occasion, il fut
créé une nouvelle direction du Parti, dénommée « Etat-Major
Spécial Révolutionnaire (E.M.S.R.) », composée de cinq
membres, et dirigée par Marien Ngouabi. Le Comité Central
fut suspendu jusqu’à nouvel ordre. En plus de Jean-Pierre
Thystère-Tchicaya, Louis Sylvain Goma et Denis Sassou
Nguesso, on note dans l’Etat-Major Spécial Révolutionnaire,
la présence de Jean-Pierre Ngombé, cadre de la Jeunesse,
chargé de s’occuper des questions d’Education, de Propagande
et d’Information.

Le 18 mars 1977, Marien Ngouabi est assassiné. Le Comité


Militaire du Parti (C.M.P.), dirigé par Joachim Yhomby-
Opango, est créé en remplacement de « l’Etat-Major Spécial
Révolutionnaire ». Le C.M.P. convoquera, le 05 février 1979,

- 396 -
en session extraordinaire le Comité Central du P.C.T., en
hibernation depuis le 12 décembre 1975.
A l’issue de cette session, Joachim Yhomby-Opango est
déchu de ses fonctions et radié du P.C.T. Par la même
occasion, le Comité Central dissout le C.M.P. et met en place,
une commission préparatoire du congrès, dirigée par Denis
Sassou Nguesso. En mars 1979, le congrès se tient et le P.C.T.,
avec à sa tête Denis Sassou Nguesso, entre dans une nouvelle
dynamique, jusqu’à la Conférence nationale souveraine.
Notons que le mouvement qui amena Denis Sassou Nguesso à
la tête du Parti, fut appelé « Mouvement du 5 février », car il
rappelle la date de la réhabilitation du Comité Central du
P.C.T.

II- Les mouvements congolais de jeunesse

1. Le scoutisme
En 1907, en Afrique du sud, un général britannique à la
retraite, du nom de Robert Baden Powell, fonda un
mouvement de jeunesse, dont l’audience rayonnera rapidement
et progressivement dans le monde entier : le scoutisme
(scouting, en anglais).
Créé en France en 1909, le scoutisme fut institué au Congo
en 1927, sous les dénominations : Éclaireurs de France ou
Scouts de France, le Congo étant à cette époque-là, une
colonie, un territoire français d’outre-mer.

Le scoutisme a pour but de contribuer au développement


des jeunes en les aidant à réaliser pleinement leurs capacités
physiques, intellectuelles et spirituelles, en tant que personnes
humaines, en tant que citoyens et en tant que membres de la
communauté internationale. Le scoutisme est strictement
apolitique, c’est-à-dire qu’il ne se mêle en aucun cas et sous

- 397 -
quelque forme que ce soit, de questions politiques. Voici les
devoirs du scout :
 le scout a des devoirs envers Dieu : il doit adhérer à des
principes spirituels et religieux. Cette clause est valable
uniquement chez les scouts appartenant à une obédience
religieuse, et non chez les laïcs ;
 le scout a des devoirs envers son pays, dans la
perspective de la promotion de la paix et du développement
national ;
 le scout a des devoirs envers lui-même. Il doit ainsi
veiller à son développement personnel.
Les textes de base qui soutiennent son action, sont la
« Loi », code moral exposé en dix articles et la « Promesse »,
sorte d’engagement pris en public par le scout, au cours d’une
cérémonie solennelle, engagement à mener sa vie selon les
principes contenus dans la « Loi ».
Ecole de la vie, le scoutisme regroupe en son sein des
enfants et adolescents de 7 à 20 ans, et aussi des adultes. Il
répartit ses membres en trois catégories, selon l’âge des
adhérents :

 les louveteaux (de 7 à 12 ans) ;


 les éclaireurs ou scouts (de 12 à 20 ans) ;
 les routiers (au-delà de 20 ans).

Ces appellations varient selon les différents mouvements


scouts, et selon qu’il s’agisse de tel âge ou de tel sexe. Et
chaque mouvement s’organise en tenant compte de certaines
réalités sur le terrain.

Les scouts se distinguent dans la société par leur tenue


spéciale, inspirée de celle portée par les troupes coloniales

- 398 -
britanniques : une chemise kaki, un short, un chapeau à larges
bords. On y ajoute un foulard attaché autour du cou. Chaque
mouvement scout, dans différents pays, choisit librement une
couleur pour son uniforme ; et au sein d’une même
association, il arrive que la couleur de la tenue diffère en
fonction de l’âge ou du sexe.

Au Congo, le scoutisme a constitué, avant l’indépendance,


jusqu’en 1965, l’un des mouvements les plus visibles, les plus
connus et les plus actifs au sein de la jeunesse.

Parmi les premiers responsables scouts des années 60, on


retiendra, entre autres :
 chez les scouts d’obédience catholique, les noms de
François Itoua, Jean Leturmy, Alphonse Kouka, Honoré
Mombelo, Georges Bouassi et Dominique Samba ;
 chez les scouts laïcs (éclaireurs du Congo), les noms de
Clément Nkodia « Mangouste », Benjamin Gomez
« Baghera », Isidore Diaboua « lièvre », Liberlin de Soriba
Diop « Akela », Guillaume Mébiama « Pivert », Simon
Massoumouna « Baloo » et Jean-Pierre Ngombé « Akela » ;
 chez les scouts protestants (éclaireurs unionistes), les
noms de Thomas Bissambou, Ange Dandou et Joseph
Toungami ;I.
 chez les scouts salutistes, le nom de Adolphe Tchicaya ;
 chez les scouts kimbanguistes, les noms de Samuel
Nsomi, Félix Diambouana et Bernard Memvouidibio.

2. L’Association scolaire du Congo (A.S.CO.)


Créée au lendemain de la proclamation de l’indépendance,
l’A.S.CO. regroupe en son sein, des élèves de toutes les
conditions sociales, sans distinction de sexe ni de religion. Elle

- 399 -
a pour objectifs essentiels : la défense des intérêts matériels et
moraux des élèves. Mais, sous l’influence de l’Association des
Etudiants Congolais basés en France (A.E.C.), l’Association
Scolaire du Congo s’intéresse également aux questions
politiques et prend position dans la manière dont le
gouvernement conduit les affaires du pays. Elle évolua ainsi,
sous l’œil très regardant des services secrets du Président
Fulbert Youlou, qui voyaient en elle, l’embryon d’un
mouvement communiste. C’est ce qui expliquera qu’à la veille
du 15 août 1963 (jour de la Révolution), des responsables de
l’A.S.CO. aient été arrêtés et écroués, en même temps que des
syndicalistes et des militants de l’Union de la Jeunesse
Congolaise (U.J.C.), organisation semi clandestine et proche
du communisme par ses prises de position politiques. Aimé
Matsika, fondateur et président de cette organisation, fut par
exemple arrêté.

A l’occasion du passage à Brazzaville, d’Ahmed Sekou-


Toure, Président de la Guinée, passage ponctué par son
discours incendiaire du 04 juin 1963 à la place de l’Hôtel-de
ville, des centaines de jeunes, dirigés par l’A.S.CO.,
brandirent, aux côtés des travailleurs, des pancartes hostiles au
régime de Youlou.

3. La Jeunesse du Mouvement national de la révolution


(J.M.N.R.)
Alors que la Révolution venait de triompher, des éléments
acquis au « colonialisme » et attachés au tribalisme, tentèrent
de libérer de sa prison l’Abbé Fulbert Youlou, le 07 février
1964. Indignés, les jeunes de Brazzaville, venus de tous les
quartiers, organisèrent le lendemain 08 février 1964, un vaste
meeting, pour fustiger ces « pêcheurs en eau trouble » et
exhorter en même temps la jeunesse dans son ensemble, à la
prise de conscience sur l’unité nationale et la préservation des

- 400 -
acquis de la Révolution. C’est en commémoration de cette
journée que la jeunesse allait désormais fêter chaque année, le
08 février.

Quelques mois plus tard, sous l’égide du M.N.R., un


congrès regroupant tous les mouvements de jeunesse fut
convoqué en vue de la création d’une organisation unique des
jeunes, qui sera dénommée : J.M.N.R. (Jeunesse du
Mouvement national de la révolution). Signalons que les
mouvements de la jeunesse catholique avaient claqué la porte
aux organisateurs du congrès.

Ce congrès tenu du 07 au 08 août 1964, dota la J.M.N.R.


d’une direction nationale avec André Hombessa comme
président, d’une devise « Production- Discipline-Fusil » et d’un
hymne composé par Ange Dandou. Les autres membres de cette
direction furent, Martin Mbéri, Ange Diawara, Oscar Samba,
Gustave Abba-Gandzion, Claude Ernest Ndalla, Prosper
Matoumpa-Mpollo, Cécile Matingou, Gandigbe et Antoine
Boudzoumou. Le congrès assigna à la Commission Nationale
Exécutive élue, les missions prioritaires suivantes :
 créer un mouvement unique d’enfants et d’adolescents
ainsi qu’un autre regroupant les élèves et étudiants ;
 veiller à l’éducation morale et civique, afin d’élever le
niveau de conscience de toute la jeunesse et la rendre ainsi
disponible aux tâches de la Révolution ;
 promouvoir les activités économiques, culturelles et
artistiques au sein de la jeunesse ;
 défendre la Révolution par tous les moyens, y compris
les armes.
Sur le plan politique, la J.M.N.R. apporta au M.N.R. non
seulement des cadres, mais aussi des idées novatrices et

- 401 -
révolutionnaires, nécessaires à l’adoption, à l’éclosion et à la
propagation de l’idéologie marxiste-léniniste.
La J.M.N.R. empruntera à un parti politique sud-africain, le
slogan « UN KOTO WA SIZWE » ; ce qui signifie en langue
zoulou : « Fer de lance de la Nation ». Le mot Nation fut
remplacé par le mot Révolution ; ce qui donna : « J.M.N.R.,
fer de lance de la Révolution ». En effet, la J.M.N.R a joué le
rôle d’aiguillon, en incitant chaque fois que cela était
nécessaire, le M.N.R. à prendre des mesures révolutionnaires
et salutaires en faveur du peuple.

Le 2ème congrès de la J.M.N.R. se tint du 19 au 22 juillet


1967 à Brazzaville, sur fond de crise, du fait de l’existence en
son sein, de deux tendances antagonistes, à savoir : la tendance
de « la foi aveugle aux armes », incarnée par Ange Diawara,
celle qui pensait que le pouvoir était au bout du fusil, au bout
du canon et « le clan du verbe », incarné par Martin Mbéri,
tendance qui estimait que dans la lutte politique, c’est
l’argument qui doit primer, en d’autres termes, la force de
l’argument doit être au-dessus de l’argument de la force.
Malgré le fait que Martin Mbéri ait été élu par les
congressistes, le Bureau Politique du M.N.R imposera Ange
Diawara comme Président de la J.M.N.R., avec comme autres
membres du bureau Claude Ernest Ndalla, André Hombessa,
Ange Edouard Poungui et Nicolas Okongo.
Le Conseil national de la Révolution (C.N.R.), issu du
mouvement insurrectionnel du 31 juillet 1968, après dissolution
du M.N.R., nomma une nouvelle direction de la J.M.N.R.
appelée Commission Nationale Exécutive, à la tête de laquelle
fut désigné Ange Edouard Poungui. Mais, profitant de l’absence
du Président Marien Ngouabi (qui se trouvait à Kinkala, localité
proche de Brazzaville), quelques membres du C.N.R.,
favorables à Prosper Matoumpa-Mpollo, falsifièrent la décision
du C.N.R. au profit de ce dernier. Ange Edouard Poungui fut en

- 402 -
définitive nommé second de l’équipe, suivi de Claude Ernest
Ndalla, Gustave Abba-Nganzion, Nicolas Okongo, Bernard
Combo-Matsiona, Camille Bongou, Célestin Goma-Foutou,
Joseph Ludovic Samba, Marie-Albert Collelas, Simon
Massamouna, Elie Gandziami et Jean-Pierre Onanga.
En août 1969, se tint à Brazzaville le 3ème congrès de la
J.M.N.R. au cours duquel, on assista à un remue-ménage. Le
thème proposé, « les tâches actuelles de la jeunesse au regard
de la situation concrète de l’heure », sera controversé et
longtemps débattu avant d’être adopté. Malgré tout, le congrès
fut suspendu. Les délégations repartirent chez elles et revinrent
quelques jours plus tard pour reprendre les travaux. Cette fois,
le 3ème congrès de la J.M.N.R. se mua en congrès constitutif de
l’U.J.S.C. (Union de la Jeunesse Socialiste Congolaise).

Par ailleurs, il sied de signaler à cette époque l’existence de


la Défense Civile, considérée comme bras armé de la J.M.N.R.
Son slogan était : « le pouvoir est au bout du fusil ». L’armée
issue de la colonisation, ayant été taxée par les
révolutionnaires comme étant au service de la puissance
colonisatrice, la France, il fallait créer, parallèlement à cette
armée régulière, une autre force militaire, capable de défendre
la révolution et les intérêts du peuple. Ainsi, sous l’impulsion
de la J.M.N.R., fut créée la Défense Civile, par loi n°1265 du
18 juin 1965, à Brazzaville. Ses membres étaient recrutés
parmi les militants actifs de la J.M.N.R. et des autres
organisations des masses (C.S.C. et U.R.F.C.). Le
commandement du corps national de la Défense Civile fut
confié à Ange Diawara, membre du directoire de la J.M.N.R.,
qui demeurera à ce poste jusqu’en 1968, année de la
dissolution de la Défense Civile et de l’intégration de ses
éléments dans l’Armée Populaire Nationale (A.P.N.) créée le
22 juin 1966 par loi n°11-66 du 22 juin 1966.

- 403 -
Pour maîtriser le maniement des armes, apprendre la
discipline militaire et se familiariser avec les techniques de la
guérilla, la Défense Civile fit appel à des experts cubains et
égyptiens. Répartis sur plusieurs sites, les miliciens de la
Défense Civile recevaient de façon intensive des cours de
formation politique et idéologique, et participaient à de
nombreuses séances de tirs. On retiendra à son actif, malgré
les bavures et les dérapages observés, que la Défense Civile
inculquait à ses membres des valeurs morales telles que le
respect du Peuple et l’amour de la Patrie.

4-L’Union de la Jeunesse Socialiste Congolaise (U.J.S.C.)


Née en 1969, à l’occasion du 3ème congrès de la J.M.N.R.
qui s’était terminé en queue de poisson, l’U.J.S.C. se
considérait comme l’avant-garde de toutes les organisations
spécialisées de la jeunesse (M.N.P. et U.G.E.E.C.). Sa devise
était : « Production – Discipline – Fusil ». Comme une
locomotive, elle menait le combat de toute la jeunesse, sous la
coupe du P.C.T. Bernard Combo-Matsiona fut élu président de
l’U.J.S.C à son congrès constitutif. Il lui était adjoint 9 Vice-
présidents, à savoir : Jean-Jules Okabando, Edouard Okombi,
Aristide Massamba, André Obami-Itou, Elie Gandziami,
Marie-Albert Collelas, Simon Massamouna, Michel Mpani et
Jean-Pierre Massounga.
Cette équipe fut remaniée lors de la session extraordinaire
du Comité Central de l’U.J.S.C., tenue à Brazzaville du 26 au
28 mars 1970. Bernard Combo-Matsiona fut reconduit
Président d’un bureau ayant comme autres membres :
Alphonse Foungui, Joseph Ludovic Samba, Aristide
Massamba, Jean-Jules Okabando, Pierre Mounguellet,
Maurice Malela-Soba, Jean-Pierre Ngombé, Michel Mpani et
Jean-Pierre Mouanda.
En 1971, suite à des incidents intervenus à Kinshasa contre
les étudiants du Congo-Brazzaville et à la réplique organisée

- 404 -
par des jeunes brazzavillois qui prirent d’assaut l’ambassade
du Zaïre, le Bureau Politique du Comité Central du
P.C.T. décida de relever Bernard Combo-Matsiona de ses
fonctions de président de l’U.J.S.C. et de le remplacer par
Alphonse Foungui, alors 1er Vice-président chargé de
l’éducation, de la presse et de la propagande.
Au lendemain du putsch manqué du 22 février 1972, dont le
chef de file fut Ange Diawara, se tint au « pont du Djoué » du
22 au 26 septembre de la même année, une session
extraordinaire du Conseil Central de l’U.J.S.C. qui porta Jean
Jules Okabando à la tête de l’Union et prit, contre les militants
impliqués dans ce coup, une série de sanctions allant de la
suspension à l’exclusion du Comité Central. Du 03 au 09 mai
1973, l’U.J.S.C. tint son 2ème congrès. Jean Jules Okabando fut
élu, Premier Secrétaire du Comité Central.
A la suite de la grève avortée du 24 avril 1976, initiée par la
Confédération Syndicale Congolaise (C.S.C.) et soutenue par
certains cadres du Comité Central du P.C.T., dont Jean Jules
Okabando, ce dernier fut relevé de ses fonctions de Premier
Secrétaire du Comité Central et remplacé par Jean-Pierre
Ngombé au cours d’une session extraordinaire du Comité
Central de l’U.J.S.C.
Le 3ème congrès ordinaire de l’U.J.S.C. tenu à Brazzaville,
du 23 au 27 décembre 1977 sous l’égide du Comité Militaire
du Parti (C.M.P.) élit, par acclamation, Jean-Pierre Ngombé au
poste de Premier Secrétaire du Comité Central de l’U.J.S.C.
Au lendemain du triomphe du « Mouvement du 5 février
1979 » dirigé par Denis Sassou Nguesso, alors Premier Vice-
président du C.M.P. et, dans le but d’écarter tous ceux qui
n’avaient pas favorisé ce « Mouvement », le Comité Central de
l’U.J.S.C. se réunit en session extraordinaire. Jean-Pierre
Ngombé fut remplacé par Gabriel Oba-Apounou.
Le 4ème congrès de l’U.J.S.C. qui eut lieu à Brazzaville du
09 au 14 août 1981, confirma Gabriel Oba-Apounou au poste

- 405 -
de Premier Secrétaire. Ce dernier fut reconduit au 5ème et au
6ème congrès tenus respectivement en 1985 et en 1989. Michel
Ngakala lui succéda en 1990 et s’y maintint jusqu’en 1991,
année de la tenue de la Conférence nationale souveraine.
A partir de la Conférence nationale souveraine, une
multiplicité d’organisations de jeunes étant née, l’U.J.S.C.
devint alors, une locomotive sans rames. Elle perdit son rôle
d’avant-garde et se contenta désormais d’être simplement un
appendice du P.C.T. dont dépend jusqu’à ce jour sa survie.
Dans sa nouvelle formule, l’U.J.S.C est dirigée depuis 1991
par Isidore Mvoumba.

5. Le Mouvement National des Pionniers (M.N.P.)


Le 10 avril 1965, à l’initiative du comité exécutif de la
J.M.N.R. (Jeunesse du Mouvement national de la révolution),
fut publié un texte portant nomination d’une commission
composée de 17 membres (tous, des cadres des mouvements
scouts) chargée de créer le Mouvement National des Pionniers
(M.N.P.) en vue du remplacement de tous les mouvements
scouts existants dans le pays.
Du 11 au 19 septembre 1965, un séminaire réunit au « pont
du Djoué » une centaine de responsables scouts, venus des
quatre coins du Congo et appartenant au mouvement des
éclaireurs du Congo (laïcs), aux éclaireurs unionistes
(protestants), aux éclaireurs salutistes et aux éclaireurs
kimbanguistes. N’y participèrent pas les scouts du Congo,
d’obédience catholique, ayant fait défection depuis le congrès
constitutif de la J.M.N.R. en août 1964.
Le 19 septembre 1965, le M.N.P. naquit. Les séminaristes
adoptèrent les textes fondamentaux, l’hymne national des
pionniers, composé par Jean-Pierre Ngombé et le chant de la
« promesse », composé par Joseph Toungamani. Toutes les
décisions issues de ce séminaire furent validées par la

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Direction Nationale de la J.M.N.R. Celle-ci nomma Auguste
Bitsindou Commissaire Général du M.N.P.
Calqué sur le scoutisme d’où il tire les grands principes de
son organisation, le M.N.P. fut un mouvement d’éducation
d’enfants et d’adolescents congolais. Il éduquait ses membres
selon la morale socialiste, qui met l’accent sur la primauté des
intérêts collectifs sur les intérêts individuels, l’amour et la
défense de la patrie. Sa devise était « servir ».

A la différence du scoutisme, le M.N.P. participait à la vie


politique du pays, en soutenant la lutte contre le colonialisme
et l’impérialisme, en combattant le tribalisme, et en propageant
parmi les enfants, les idées marxistes-léninistes.

Le M.N.P. connut trois grandes périodes dans son


implantation et son développement :
Premièrement, du 19 septembre 1965, date de sa naissance,
au 03 août 1968, date de la mort d’Auguste Bitsindou. Cette
période sera caractérisée par une succession d’activités
éducatives, culturelles et sportives (camps de formation des
cadres, colonies de vacances, mouvements gymniques inédits,
etc.) ainsi que par une série de contacts et d’échanges avec les
mouvements des pionniers des pays socialistes.
Deuxièmement, du 03 août 1968 au 04 mars 1970, le
M.N.P. connut une période de léthargie, due en partie à la
disparition tragique de son premier Commissaire Général. Un
nouveau Commissaire Général fut nommé en la personne de
Simon Massamouna à la tête d’une équipe remaniée. Quelques
activités nationales (colonies de vacances, camp de formation
des cadres) furent organisées. Mais la base du mouvement
resta presque inactive.
Troisièmement, le 04 mars 1970, des jeunes venus de tous
les quartiers de Brazzaville, assiégèrent la permanence de
l’U.J.S.C et exigèrent la nomination de Jean-Pierre Ngombé à

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la tête du Mouvement National des Pionniers, en
remplacement de Simon Massamouna. Le Président du
Conseil Central de l’U.J.S.C., Bernard Combo-Matsiona dut
signer le même jour le texte qui nommait Jean-Pierre Ngombé
Commissaire Général des pionniers, à la tête d’une équipe de
dix membres dont la mission essentielle était de redynamiser le
jeune mouvement, par la relance de certaines activités mises
en veilleuse.
L’année 1970, sera alors marquée par de nombreuses
activités (camps de week-end, colonies de vacances nationales
et internationales, camps de formation des cadres à divers
niveaux, etc.) et aussi et surtout, par des réformes importantes
qui élargiront le champ d’action du M.N.P. et mettront l’accent
sur l’aspect éducatif du Mouvement. Les mesures ci-après
allaient consolider l’action du M.N.P. :
- le port obligatoire d’une tenue scolaire uniforme par les
élèves des écoles primaires et secondaires (écoles primaires,
collèges et lycées). Ceci afin d’éviter de faire apparaître au
sein de l’école et à travers leur habillement, les différences
sociales des élèves. Cette mesure fut rendue publique par la
note circulaire n°16016/EN.SGE-DAAF du 24 août 1970
signée du Ministre de l’Education Nationale ;
- l’intégration officielle du M.N.P. à l’école. Pour une
éducation harmonieuse de l’enfant, il fallait désormais « mettre
l’argile entre les mains du potier » c’est-à-dire, confier l’enfant
à l’enseignant, cet homme qui a appris et exerce le métier qui
consiste à transmettre les connaissances et à modeler le
caractère de l’enfant. Grâce à l’arrêté n°4696/EN-CAB du 11
novembre 1970 signé du Ministre de l’Education Nationale,
cette intégration fut effective ;
- le salut des couleurs à l’école. Afin d’éveiller et d’élever
chez l’enfant l’esprit patriotique, il fut institué le salut aux
couleurs à l’école. Tous les matins avant d’entrer en classe, les
élèves se réunissaient autour du mât portant le drapeau

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national, chantaient l’hymne national ainsi que l’hymne des
pionniers. Par lettre circulaire n°2459/EN-CAB du 27
novembre 1970 signé du Ministre de l’Education Nationale,
cette pratique fut rendue obligatoire ;
- l’inscription de la loi du Pionnier, parmi les disciplines
scolaires, en remplacement de la morale traditionnellement
enseignée. La loi du pionnier présentée en dix articles, est un
code moral et civique. Citons quelques articles illustrant la
portée éducative de cette loi :
- le pionnier est un militant conscient et efficace de la
jeunesse ;
- le pionnier respecte la nature et la transforme utilement ;
- le pionnier respecte les biens publics et les biens
d’autrui ;
- le pionnier accomplit chaque jour une bonne action ;
- le pionnier accomplit sa tache jusqu’au bout ;
- le pionnier dit toujours la vérité.

Désormais, cette loi était enseignée à l’école comme une


discipline, au même titre que le français. Cette mesure fut
rendue obligatoire par lettre circulaire n°2356/EN-CAB du 11
octobre 1970, signée du Ministre de l’Éducation Nationale.

Les différents Commissaires Généraux qui se sont succédé


après Jean-Pierre Ngombé, à savoir, Vincent Massengo,
Adolphe Tchicaya, Gérard Bolanzi, Michel Nkoli et Jean-
Baptiste Dzangue, veillèrent jalousement à perpétuer ces
nouvelles pratiques, et à les enrichir par des activités toujours
croissantes et toujours plus intenses, jusqu’à la Conférence
nationale souveraine qui rendit à tous les anciens mouvements
scouts leur liberté d’existence. Le M.N.P. cessa alors d’exister.

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6. L’Union générale des élèves et étudiants congolais
(U.G.E.E.C.)
Créée le 15 juillet 1965 à Brazzaville à l’issue de son
congrès constitutif, l’U.G.E.E.C. regroupait en son sein les
élèves et étudiants de toutes conditions sociales, sans
distinction de sexe ni de religion. Sa devise, inspirée de celle
de la J.M.N.R., était « Etude-Discipline-Fusil ».

Ses objectifs étaient :

- la lutte pour la défense des intérêts moraux et matériels des


élèves et étudiants ;
- la lutte contre le colonialisme et l’impérialisme :
- pour la libération totale (politique, économique et culturelle)
du Congo ;
- pour l’établissement d’une société juste et démocratique
garantissant la paix et assurant le bonheur de tous ;
- la formation d’une élite forte, capable de contribuer au
développement harmonieux du pays.

En conformité avec ces objectifs, l’U.G.E.E.C. mena, aux


côtés de la J.M.N.R. puis de l’U.J.S.C, le combat pour
l’amélioration des conditions de vie et d’études des élèves et
étudiants. Ce qui la conduisit souvent à organiser des
manifestations lui permettant de faire entendre sa voix. On
retiendra, à titre d’exemple, la grève du 15 novembre 1971
déclenchée par les élèves du lycée du Drapeau Rouge
(actuellement Chaminade). Cette grève s’étendit très vite dans
les autres établissements secondaires de Brazzaville. Le 18
novembre, les étudiants de l’Ecole Normale Supérieure
(E.N.S.) et ceux du Centre d’Enseignement Supérieur de
Brazzaville (C.E.S.B.) entrèrent à leur tour dans la grève. Le
mouvement se généralisa au point d’inquiéter la direction
nationale du PCT. Les grévistes revendiquaient entre autres,

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l’ouverture des internats, restés fermés depuis la rentrée des
classes, la démocratisation de l’enseignement dont les
programmes demeuraient inadaptés aux réalités congolaises.
Malgré la justesse de ces revendications, reconnue par le
pouvoir, celui-ci déplora le caractère anarchique de la grève et
surtout, la présence dans ce mouvement, d’éléments jugés
dangereux. Le 23 novembre 1971 à la place de la gare de
Brazzaville, au cours d’un « meeting-monstre », le Président
Marien Ngouabi dénonça avec véhémence le comportement
hypocrite de certains membres du PCT, prétendus
« instigateurs de ce mouvement contestataire. » Le lendemain,
24 novembre, les élèves et étudiants, reprirent le chemin de
l’école, mettant ainsi fin à la grève.
L’U.G.E.E.C. s’était aussi illustrée par sa participation à
toutes les activités tendant à élever le niveau politique et
idéologique de ses membres, à améliorer les conditions
d’étude des élèves et étudiants en vue de les orienter vers des
débouchés qui devaient tenir compte des besoins du Congo en
cadres qualifiés. Elle était de ce fait membre de la Commission
nationale des bourses. Compte tenu du souci exprimé par
l’U.G.E.E.C. d’améliorer les conditions de vie des étudiants
congolais à l’étranger et particulièrement en France, une
mission d’Etat conduite par Michel Konko, alors Secrétaire du
Comité Central de l’U.J.S.C. chargé de l’Organisation, se
rendit à Paris en février 1977 dans le but de préparer les
conditions de la création de l’O.G.E.S. (Office de Gestion des
Etudiants et Stagiaires) en remplacement de l’O.C.A.U.
(Office de Coopération et d’Accueil Universitaire) géré par les
Français. Le 16 mars 1977, l’O.G.E.S. fut créé à la suite d’un
Conseil d’Administration ayant regroupé les autorités
françaises et congolaises ainsi que leurs experts respectifs.
Ceci renforça l’autorité de l’U.G.E.E.C. sur l’ensemble des
étudiants congolais basés à l’étranger.

- 411 -
Toutes ces victoires de l’U.G.E.E.C. ont été remportées sous
la direction des différents présidents qui se sont succédé à la
tête de cette Union : Martin Adouki (premier Président de
l’U.G.E.E.C. élu en 1965), Ange Edouard Poungui, Marie-
Albert Collelas, Maurice Claude Malela-Soba, Paul Banga
Kanga, Arsène Destin Tsaty-Boungou et Paul Antillon.
Au 5ème congrès de l’U.J.S.C. (1985), l’U.G.E.E.C.
disparut et fut remplacée par deux fédérations : la Fédération
Nationale de la Jeunesse Scolaire (FE.NA.JE.SCO.) et la
Fédération Nationale de la Jeunesse Estudiantine
(FE.NA.J.EST.)

7. L’Association des étudiants congolais en France


(A.E.C.)
Créée en 1952, à la suite de la F.E.A.N.F. (Fédération des
Etudiants d’Afrique Noire en France) et sous l’impulsion d’un
groupe d’étudiants réunis autour de Damase Bouboutou,
l’A.E.C. s’était fixée comme objectifs essentiels : la défense
des intérêts matériels et moraux des étudiants congolais basés
en France (questions de bourse, de logement, etc.). Très tôt,
l’A.E.C. adhéra à la F.E.A.N.F. et devint de ce fait, porteuse
des idées véhiculées par cette organisation continentale.
Le vent de l’indépendance soufflant sur l’Afrique, l’A.E.C.
puisera dans la F.E.A.N.F. les armes de son combat qui,
syndicaliste au départ, deviendra politique. Les militants de
l’A.E.C. n’étaient-ils pas les cadres de demain ? Comment
pouvaient-ils se désintéresser alors de la politique ? Les
réponses à ces questions poussèrent l’A.E.C. à ajouter à son
arc de nouvelles cordes : la lutte pour l’indépendance
nationale, pour la démocratie et le progrès social. Les regards
de ses militants étaient désormais tournés vers Brazzaville, et
leurs idées penchaient, bien entendu, du côté des forces
progressistes.

- 412 -
En 1960, l’A.E.C. désapprouva et condamna le régime de
l’Abbé Fulbert Youlou, considéré comme le valet de
l’impérialisme, le continuateur de la politique coloniale,
l’homme à la solde de la France. C’est ainsi qu’elle applaudira
plus tard, les événements des 13, 14 et 15 août 1963, qui firent
tomber le Président Youlou.
Après ce mouvement insurrectionnel, certains de ses
militants rentrèrent au Congo, pour y mener le combat
politique, au sein du M.N.R., puis du P.C.T., et aussi au sein
de la J.M.N.R. et de l’U.J.S.C., pour le triomphe des idées
progressistes. Ce fut le cas de Pierre Nze, de Justin
Lekoundzou, de Jean-Pierre Thystère-Tchicaya et d’Ambroise
Noumazalay qui sera nommé Premier ministre de Massamba-
Débat en remplacement de Pascal Lissouba.
La vie politique du Congo sous le MNR et le PCT eut une
incidence dans la vie et le fonctionnement de l’A.E.C.. ses
membres se divisèrent, à la longue, en des tendances
divergentes, « pour ou contre tel régime au pouvoir », sur des
bases tantôt tribales tantôt idéologiques.
L’A.E.C. fut invitée par Marien Ngouabi à prendre part en
juillet 1972 à la Conférence nationale organisée à Brazzaville
par le P.C.T. A cette occasion, elle fut représentée par Martin
Mbemba, Jean Opa et Paul Nzete qui marquèrent leur
présence, par un discours incisif mais constructif.
L’AEC a connu des périodes de crise (1968 à 1969, 1972 à
1973, 1982 à 1984), souvent influencées par la situation
politique à Brazzaville qui, souvent, provoquait des scissions
au sein du mouvement.
Voici quelques noms de ceux qui ont été élus au cours des
différents congrès, à la tête de l’A.E.C., en qualité de
Président : Damase Bouboutou (1er Président de l’A.E.C.),
Jean-Pierre Thystère-Tchicaya, Justin Lekoundzou, Martin
Nkiele Mbemba, Jean Opa, Mathias Ndzon, Paul Nzete, Henri
Ossebi, Joseph Milandou, Abel Kouvouama, Jean Ossibi…

- 413 -
III Les Organisations juvéniles internationales et la
jeunesse congolaise

1. La Fédération mondiale de la jeunesse démocratique


(F.M.J.D.)
Organisation regroupant les mouvements de jeunesse des
pays capitalistes, socialistes et des pays dits du tiers monde et
identifiée par l’Organisation des Nations-Unies (O.N.U.)
comme une Organisation Non Gouvernementale (O.N.G.), la
F.M.J.D. fut créée à Londres en 1945, au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale ; son siège est à Budapest
(Hongrie).
Elle a pour objectifs essentiels :
- la promotion de l’amitié et de la solidarité entre les
peuples ;
- la lutte pour la libération des peuples encore opprimés et
pour leur indépendance réelle ;
- la participation à des tribunes internationales exigeant le
désarmement, la paix, la démocratie et le progrès social ;
- l’organisation de façon périodique (tous les 4 ans) du
Festival mondial de la jeunesse et des étudiants, dont la
première édition eut lieu à Prague (Tchécoslovaquie), en 1947.
Cette tradition culturelle qui favorisait le brassage des jeunes
du monde entier, s’était poursuivie sans désemparer jusqu’en
1989, année de la chute du mur de Berlin et de l’éclatement du
bloc socialiste. Elle connut dès lors, un temps mort et fut
relancée en 1997 à la Havane (Cuba), puis en 2001 à Alger. La
16ème édition s’est tenue au Venezuela en 2005.
La jeunesse congolaise, membre de la F.M.J.D. par le biais
de l’U.J.S.C., prit une part active dans le fonctionnement de
cette organisation internationale, à travers la présence effective
des cadres de l’U.J.S.C. au sein des instances dirigeantes et
permanentes. Il s’agit de Flamant André Ganga, Décos Nguié
Alanvo, Léonard Mabassy et Michel Nkoli, tous membres du

- 414 -
Comité Central de l’U.J.S.C. La jeunesse congolaise
participait, de façon régulière, aux différentes manifestations
politiques et culturelles organisées par la F.M.J.D. Citons au
passage, le 10ème Festival mondial de la jeunesse et des
étudiants, tenu à Cuba en 1978 ainsi que le 11ème Festival tenu
à Berlin en 1982.

2. L’ Union internationale des étudiants (U.I.E.)


L’U.I.E. fut fondée le 27 août 1946 à Prague
(Tchécoslovaquie) par 43 associations estudiantines nationales
de plusieurs pays. Son but est de défendre les intérêts des
élèves et des étudiants, à travers le monde. L’U.I.E. a
rassemblé, à une certaine époque, près de 152 organisations
estudiantines de 114 pays. C’est dire l’audience qu’elle avait, à
ses débuts. On lui reproche le fait que les services secrets de
l’U.R.S.S. (le K.G.B.) aient pu, à travers elle, infiltrer des
agents dans les pays occidentaux. Depuis l’éclatement du bloc
socialiste, les activités de l’U.I.E. sont en baisse.
L’Association des Etudiants Congolais (A.E.C.) et l’Union
Générale des Elèves et Etudiants Congolais (U.G.E.E.C.)
furent pendant longtemps membres de l’U.I.E.

3. La Fédération des étudiants d’Afrique noire en


France (F.E.A.N.F.)
Créée en 1950 pour défendre les intérêts matériels et
moraux des étudiants africains en France, la Fédération des
Etudiants d’Afrique Noire en France fut membre de l’Union
Internationale des Étudiants. Organisation de lutte politique et
porteuse des idéaux d’indépendance nationale, de démocratie
et de progrès social, la F.E.A.N.F. avait largement influencé
les mouvements de libération nationale en Afrique. On sait par
exemple que, le « NON » de Sekou-Touré au Général de
Gaulle en 1958 fut « soufflé » par les dirigeants de la
F.E.A.N.F. On sait aussi que, nombre de cadres des pays

- 415 -
d’Afrique noire francophone puisaient leurs énergies au sein
de la F.E.A.N.F., pour les mettre à la disposition de leurs
indépendances respectives. Au Congo, on peut citer par
exemple comme cadres éminents ayant été notamment à
l’école de la FEANF : Roch Auguste Ngandzadi, Lazare
Matsokota, Ambroise Noumazalay, Henri Lopès, Martin
Mbemba, Pierre Moussa, …

4. Le Mouvement panafricain de la jeunesse (M.P.J.)


Créé au lendemain des indépendances africaines, dans un
élan de liberté conquise, le Mouvement Panafricain de la
Jeunesse est né au terme d’une conférence tenue à Conakry
(Guinée) du 26 au 30 Avril 1962. Son combat ? La libération
totale du continent africain, du colonialisme, du
néocolonialisme, de l’impérialisme et de toute autre forme
d’exploitation. Dans ce combat, le Mouvement Panafricain de
la Jeunesse dont le siège permanent est basé à Alger, visait
également l’affirmation de l’identité et de la personnalité
africaines.
Reconnue par l’O.U.A. et l’O.N.U., le Mouvement
Panafricain de la Jeunesse, entretient des relations multiformes
avec d’autres organisations juvéniles continentales et
internationales, d’Europe et d’Amérique latine, notamment
avec la Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique
(F.M.J.D.).
En 1987, à l’occasion de la célébration de son 25ème
anniversaire, le Mouvement Panafricain de la Jeunesse fut
invité à Brazzaville par l’U.J.S.C – J.P. (Union de la Jeunesse
Socialiste Congolaise – Jeunesse du Parti). Issebere
Hamadoun, Secrétaire Général de l’organisation, prit part à ces
festivités, aux côtés de nombreux jeunes venus de plusieurs
pays d’Afrique. A cette occasion, le M.P.J. a été honoré par le
Président congolais Denis Sassou Nguesso, qui l’a élevé au
rang de « Commandeur dans l’Ordre National du Dévouement

- 416 -
Congolais ». Par cette décoration, le Congo reconnaissait les
mérites de cette organisation de la jeunesse africaine, dans
l’accomplissement de ses missions.
La jeunesse congolaise, représentée par l’U.J.S.C., a
participé activement et régulièrement aux différentes activités
organisées par le Mouvement Panafricain de la Jeunesse, et
notamment aux différentes conférences statutaires :
- la 3ème conférence tenue à Dakar (Sénégal) en 1970 ;
- la 4ème conférence tenue à Benghazi (Libye) en 1973 ;
- la 5ème conférence tenue à Brazzaville (Congo) en 1979 ;
- la 6ème conférence tenue à Arusha (Tanzanie) en 1985 ;
- la 7ème conférence tenue à Alger (Algérie) en 1990 ;
- la 8ème conférence tenue encore à Alger en 1996 ;
- la 9ème conférence tenue à Windhoek (Namibie) en 2003.
C’est à cette conférence de Windhoek, que le Mouvement
Panafricain de la Jeunesse changera de nom, pour s’appeler
désormais : Union Panafricaine de la Jeunesse (U.P.J.). A cette
même occasion, le M.P.J. changea le fusil d’épaule, pour se
battre désormais, sous la nouvelle appellation, sur le terrain
économique, la lutte pour l’indépendance n’ayant plus sa
raison d’être.

Albert Patrick Etokabeka a été pendant longtemps


Représentant Permanent de l’U.J.S.C. auprès du M.P.J., à
Alger.

5. Le Comité international des mouvements d’enfants et


d’adolescents (C.I.M.E.A.)
Créé en 1947, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
après la F.M.J.D. dont il est membre, le C.I.M.E.A. a pour
objectifs fondamentaux : la coopération avec tous les
mouvements d’enfants et d’adolescents à travers le monde, la
défense des droits des enfants et adolescents, la participation
aux activités de solidarité à travers les festivals internationaux

- 417 -
et les conférences thématiques. Son siège est à Prague
(Tchécoslovaquie).
Le M.N.P. a été pendant longtemps membre du C.I.M.E.A.
Certains de ses cadres ont occupé des postes de « permanent »
au sein de ce comité international, concomitamment avec leur
qualité de représentant à la F.M.J.D.

CONCLUSION

On remarquera, à travers les différentes organisations


juvéniles répertoriées, à travers leurs objectifs et leurs actions,
que la jeunesse congolaise a joué, au fil des années, un rôle
déterminant dans la vie politique et la construction nationale.

Nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, que la


jeunesse congolaise organisée en « mouvements » socio-
politiques a été au cours des cinquante années écoulées, une
« Grande Ecole » pour l’élite congolaise.

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CHAPITRE 14

HISTOIRE DU MOUVEMENT SYNDICAL


CONGOLAIS

par Jérôme OLLANDET

INTRODUCTION

Au Congo, comme dans d’autres pays d’Afrique noire


francophone, le combat des syndicats reste sans nul doute la
première forme de lutte contre la colonisation, la mieux
organisée. Bon nombre de leaders africains firent leur
apprentissage de militant avant tout dans les syndicats, avant
d’aller aux partis politiques. Jacques Opangault, fondateur du
Mouvement Socialiste Africain (MSA), fut d’abord un
syndicaliste aux côtés de l’un de ses plus grands compagnons
de lutte, Kikhounga-Ngot. Félix Houphouët-Boigny dirigea le
syndicat des planteurs de Côte d’Ivoire avant de se faire
connaître comme leader de parti politique. Le cas de Ahmed
Sékou Touré en Guinée-Conakry est bien connu.
Ce fut par l’action des syndicats que la logique de
l’exploitation coloniale commença à être mise en cause. En
1959, la grève des agents de l’UNELCO, la société
d’électricité de Brazzaville, qui paralysa toutes les activités
industrielles et commerciales de la capitale, montra déjà le
poids que cette force vive allait jouer plus tard dans la marche
des affaires du pays. A partir de l’année 1961, l’action
syndicale commençait déjà à se confondre avec l’opposition
politique au pouvoir établi. Cette opposition classique
(politique) étant devenue quasiment nulle, ce furent les

- 419 -
syndicats qui menèrent l’action populaire ayant abouti
finalement au renversement de l’Abbé Fulbert Youlou, le
premier président du Congo. Mais comment le syndicat mena-
t-il sa lutte lorsque de nouveaux enjeux se présentèrent dans le
pays avec les défis de l’indépendance ?

I- Aperçu général

La naissance des premiers syndicats au Congo et de manière


plus générale en Afrique noire francophone se confond avec
celle des premiers partis politiques. A la Conférence de
Brazzaville de 1944, la plus grande ouverture faite par le
pouvoir colonial fut l’autorisation accordée aux ouvriers
africains de s’organiser en syndicats. Il y a eu sur ce point un
certain retard par rapport aux colonies britanniques où les
syndicats se structurèrent très tôt. Ce fut à Dakar que se tint en
1945 la première rencontre des syndicats des colonies
françaises d’Afrique noire. A cette réunion qui connut
beaucoup de succès, les responsables des syndicats de l’AEF
furent absents. L’administration, le clergé et les milieux
d’affaires exercèrent toutes sortes de pressions pour empêcher
cette participation. La conférence de Dakar traita surtout de la
manière d’organiser le monde ouvrier africain en proposant la
création d’un bureau unique qui aurait comme mission celle de
coordonner l’action des unités syndicales qui naissaient dans
les différentes colonies. On avait fixé le principe de la tenue
des rencontres à cinq années.
La deuxième réunion eut lieu à Bamako cinq ans plus tard.
A cette rencontre, les débats essentiels portèrent sur la manière
de trouver un mode de coordination efficace de l’action
syndicale entre l’AOF et le Togo d’une part, l’AEF et le
Cameroun d’autre part. Pour la première fois, quelques
syndicalistes congolais prirent part à ces assises qui
démarrèrent véritablement le mouvement syndical sur le

- 420 -
continent. Un troisième congrès se tint à Cotonou en 1956. Le
débat qui avait divisé les participants aux deux premières
réunions et qui portait principalement sur l’engagement des
syndicats aux côtés des partis politiques, ne trouva toujours
pas de solution à Cotonou. Une partie des syndicalistes avait
adhéré au principe de leur participation à la lutte pour
l’indépendance du continent. Les défenseurs de cette thèse de
l’engagement politique des syndicats avançaient que leur
combat pour les droits sociaux des travailleurs en Afrique
passait nécessairement par la lutte commune que toutes les
forces vives menaient sur le continent contre la colonisation.
Les autres arguaient qu’un tel engament émousseraient leur
combativité dont le but essentiel était avant tout le bien-être
des ouvriers.
A cette rencontre, on projeta la création d’une organisation
syndicale commune au niveau continental. Mais l’absence de
l’Afrique du Nord à ce congrès de Cotonou, ne permit pas de
mettre sur pied cet organe de combat. Il fallut attendre le
congrès de Conakry pour voir se concrétiser cette idée d’une
centrale unique de coordination syndicale. Ainsi naquit
l’Union Générale des Travailleurs de l’Afrique Noire
(UGTAN). En même temps que le syndicat militant se
structurait autour du l’UGTAN, un autre courant traversait le
monde ouvrier : la Confédération Syndicale Africaine (CSA)
restait favorable pour une séparation nette entre l’action
syndicale et la lutte politique. Elle justifiait l’apolitisme du
mouvement syndical comme une attitude de sagesse devant les
brutalités de l’administration coloniale qui avait tendance à
confondre volontairement ces deux formes de lutte.
Le congrès de Casablanca de 1961 avait fait naître beaucoup
d’espoir. Les deux courants allaient-ils trouver un terrain
d’entente pour une fusion des points de vue ? C’était bien
l’espoir de tous les participants. Mais les pressions que
l’administration coloniale et les milieux d’affaires exercèrent

- 421 -
sur certaines délégations firent qu’au lieu d’un syndicat
unique, on arriva à un simple compromis. Celui-ci donna
naissance, non pas à un syndicat panafricain, mais à un organe
de concertation collégiale entre les diverses centrales. Cette
formation baptisée, Union Syndicale Panafricaine (USPA)
dont les rôles n’étaient jamais définis de manière exacte, ne
vécut que l’espace d’un congrès. En réalité, elle n’exerça
aucune influence sur les syndicats locaux, qui gardèrent leur
mouvement d’action et leurs réseaux d’alliance. De manière
générale, le syndicalisme africain oscilla pendant longtemps
entre ces deux conceptions, celle d’une centralisation et celle
d’une autonomie des syndicats.

II- Les syndicats au Congo, des origines à 1963

Ce fut après le congrès tenu à Cotonou en 1956 que le


syndicalisme apparut véritablement, mais de façon timide,
dans les milieux ouvriers congolais. Comme les premiers
partis politiques, les syndicats congolais naquirent sous
l’ombrage des formations syndicales françaises. De ce fait, ils
ne purent éviter ni les inconvénients d’une telle obédience, ni
les tares du syndicalisme français dont l’activité se confond
parfois avec le combat politique. Cela avait fini par leur faire
suivre les luttes internes du monde ouvrier européen. Les
syndicalistes français qui participèrent à la naissance de ces
différents syndicats au Congo relevaient des groupements
différents, dont les plus représentatifs étaient la CGT, la CFTC
et la CGTFO.
Au départ, les trois centrales syndicales congolaises qui
allaient jouer un rôle majeur dans le pays étaient de simples
prolongements de ces trois grands syndicats qui se disputaient
l’adhésion des ouvriers en France, et qui transportèrent ainsi
au Congo et ailleurs en Afrique, leurs luttes internes et leur
forme d’organisation. Mais dans un pays où la classe ouvrière

- 422 -
était très faible numériquement, l’influence des syndicats
devait être naturellement très faible. Jusqu’en 1960, l’action
syndicale au Congo ressemblait fortement à une activité
secrète de quelques initiés, qu’on prenait volontiers dans les
lieux ouvriers comme de simples trouble-fêtes. D’ailleurs, bon
nombre de travailleurs évitaient souvent de les fréquenter pour
ne pas avoir des ennuis avec leurs patrons d’entreprise. Bien
que cette activité fût légalement autorisée par la loi, l’action
syndicale restait encore très discrète autour de trois grands
regroupements : la CATC, la CASL et la CGAT.

1-La CATC
La Conférence Africaine des Travailleurs Croyants
(CATC) recrutait ses militants essentiellement dans les milieux
chrétiens. Il était de loin le syndicat le plus important au
Congo par le nombre de ses adhérents. Affiliée à la
Conférence Française des Travailleurs Chrétiens, (CFTC), elle
était d’obédience catholique. Par conséquent, le poids de cette
église était considérable sur ce syndicat. Ses principaux
responsables étaient : Gilbert Pongault, François Gandou,
Pascal Okyemba Morlende, Biyaoula et Eticault. Ses membres
les plus nombreux se trouvaient dans les milieux de
l’enseignement privé. Lorsqu’on connaît la place occupée par
cet ordre d’enseignement dans le pays, on comprend alors
pourquoi les maîtres des écoles catholiques furent en première
ligne dans les premières contestations du gouvernement de
l’Abbé Fulbert Youlou.
Leur grève de 1961 avait obligé l’Etat à prendre en compte
la paie de leurs salaires par le Trésor public. C’était un grand
soulagement que les églises apprécièrent positivement au
départ. Mais cela allait se retourner contre elles quelques
années plus tard lorsque la loi 15/62 du 15 février 1962 versa
tous ces maîtres dans la fonction publique comme des
fonctionnaires de l’Etat. Dès lors, les missionnaires n’avaient

- 423 -
plus d’autorité réelle ni sur leur carrière administrative, ni sur
leur traitement salarial. Au début de 1962, il se forma le
Syndicat National des Enseignants du Congo (SNEC) qui
regroupait les maîtres des établissements privés des trois
confessions religieuses qui tenaient des écoles dans le pays, à
savoir : les Catholiques, les Protestants et les Salutistes. Paul
Bantou en fut le premier secrétaire général. Le SNEC fut très
actif lors du débat national portant sur le statut de
l’enseignement au Congo.
En août 1965, lorsque le parlement congolais vota la loi
portant sur la nationalisation de l’enseignement avec l’appui
de beaucoup d’enseignants du secteur privé qui étaient des
députés, les missionnaires se sentirent trahis par leurs maîtres.
Ils tentèrent de faire échouer l’application de cette loi. Ce fut
l’Eglise catholique qui donna le ton en ordonnant le boycott de
la rentrée scolaire suivante, tout en demandant aux professeurs
qui enseignaient dans leurs deux grands établissements
secondaires, le Collège Chaminade à Brazzaville et le Collège
Champagnat à Makoua, de déserter les salles de classe tant que
certaines dispositions de la loi n’étaient pas revues. Trop tard !
La ferveur révolutionnaire de cette période était si grande que
ce dernier baroud d’honneur ne pouvait plus influer sur un jeu
politique qui avait déjà choisi sa logique et ses hommes. Ce
geste maladroit des missionnaires leur fit tout perdre.
La Révolution congolaise ayant pris en main l’encadrement
de toute la jeunesse, façonna un autre état d’esprit chez les
jeunes Congolais qui finirent par voir l’action missionnaire
avec un esprit beaucoup plus critique qu’auparavant. La percée
fulgurante des églises de réveil qu’on observe aujourd’hui
pourrait avoir quelques racines dans cet état d’esprit où l’on
cessa de considérer les anciennes églises établies dans le pays
comme les seules voies du salut.
La CATC avait aussi beaucoup de militants dans les milieux
du secteur des affaires. Ici, l’action syndicale était plus

- 424 -
difficile à mener, compte tenu de l’hostilité souvent affichée
par le patronat européen qui appréciait mal cette liberté donnée
aux travailleurs de revendiquer des droits. C’est là un détail
important quand on sait que la France avait exporté en Afrique
pendant la période coloniale les éléments de sa bourgeoisie les
plus conservateurs qui furent dans une large mesure, les
auxiliaires zélés du pouvoir des administrateurs coloniaux.
Aux colonies, l’Etat, l’Eglise et le Capital formaient un tout
indissociable. Même si dans l’ensemble, les dirigeants de la
CATC au contact avec les réalités du pays, étaient ouverts aux
idées du changement, certains parmi eux, par contre, restaient
farouchement hostiles à ce qu’ils considéraient comme la
percée du communisme dans la région. Plus tard, cette vision
puérile de la situation coûtera à ce syndicat, sa mise à l’écart
du processus révolutionnaire en cours dans le pays.

2-La CASL
La Conférence Africaine des Syndicats Libres (CASL) fut
la deuxième formation qui discutait l’adhésion des travailleurs
avec la CATC. Son chef était Léon Robert Angor. Les deux
centrales syndicales dont les fondements idéologiques étaient
pourtant différents, avaient en commun l’anticommunisme
viscéral que les milieux du clergé et ceux des affaires leur
inculquaient à doses répétées. En fait, le sigle de cette centrale
était un calque à peine dissimilé de la Conférence
Internationale des Syndicats Libres (CISL) dirigée pendant
longtemps par Irving Brown, dont l’activisme au profit de la
C.I.A. en Afrique ne faisait l’ombre d’aucun doute.
La CASL comptait parmi ses militants des hommes
honnêtes qui s’étaient engagés très vite dans le combat aux
côtés des dirigeants politiques pour la libération du continent.
Mais ces derniers, mal informés de la nature des rapports qui
liaient leur organisation à la C.I.S.L., travaillaient en réalité
pour l’offensive américaine en Afrique, devenue une proie

- 425 -
facile avec les indépendances fragiles des nouveaux Etats. La
section congolaise de ce syndicat, la CASL de Léon Angor,
allait jouer un rôle majeur dans la formation du syndicat
unique au Congo.

3-La C.G.A.T.
Le troisième mouvement syndical congolais fut la
Conférence Générale Africaine des Travailleurs (CGAT) que
dirigeaient deux figures emblématiques du syndicalisme
congolais : Julien Boukambou et Abel Thauley Nganga. Ce
syndicat était en réalité la section congolaise d’une centrale
française, la Conférence Générale des Travailleurs (CGT). Par
ce biais, la C.G.T était très proche des milieux du P.C.F et, par
le truchement de la Fédération Syndicale Mondiale (F.S.M.),
la CGAT de Julien Boukambou était liée aux pays du camp
socialiste. Ses dirigeants avaient pour la plupart eu l’occasion
de visiter l’Europe de l’Est, notamment la Tchécoslovaquie et
la Hongrie, et surtout la RDA. D’autres avaient aussi voyagé
dans certains pays socialistes d’Asie comme le Viêt-Nam et la
Corée du Nord. Par ailleurs, des liens étroits existaient entre ce
syndicat et les organisations syndicales ayant la même
orientation dans certains pays africains : Guinée, Mali, Egypte
et Congo-Léopoldville.
Parmi ses responsables, quelques-uns avaient adhéré au
marxisme-léninisme qu’ils essayaient alors de propager
clandestinement en milieux scolaires et ouvriers. C’était
évidemment un tour de passe-passe difficile, lorsqu’on connaît
l’anticommunisme viscéral du pouvoir congolais au lendemain
de l’indépendance du pays. Aussi, les responsables de ce
syndicat furent-ils très souvent poursuivis par les services de
police « pour activité subversive ». Leur activisme en milieux
scolaires avait appris à la jeunesse congolaise à se jeter très tôt
dans les arcanes du jeu politique. Deux capitales, Accra et
Conakry, avaient permis à ce syndicat de réaliser une certaine

- 426 -
coordination de son activité avec celles d’autres syndicats
ayant le même objectif en Afrique. Pendant le bref passage de
Patrice Lumumba à la tête de l’Exécutif congolais,
Léopoldville fut la voie par laquelle quelques militants de cette
centrale purent sortir facilement du Congo-Brazzaville pour
leurs voyages vers la Guinée, le Ghana, l’Egypte, le Mali ou
vers les pays socialistes d’Europe ou d’Asie. Julien
Boukambou, qui fut la plus grande figure de ce syndicat, visita
la plupart de ces pays qu’il apprit à comprendre et faire
connaître à ses partisans.

III-Vers une unité d’action

Jusqu’en 1963, la situation syndicale au Congo était


confuse. La C.A.T.C « croyante », la CASL « anti-
communiste », la CGAT « sympathisante des idées
socialistes », le monde ouvrier était divisé entre trois centrales
aux idéologies presque antagonistes. Malgré cela, les traditions
de lutte du monde ouvrier congolais et la combativité du
mouvement syndical, firent leur point de convergence. On sait
par exemple que ce fut la grève générale déclenchée par les
trois syndicats qui fit changer le cours de l’histoire du Congo
trois années après la proclamation de son indépendance.
C’était en août 1963. Ce fut le meeting historique organisé le
12 août 1963 à Brazzaville, à la Place de la Gare, sous le mot
d’ordre « il faut que ça change », par les responsables
syndicaux unis au sein d’une alliance baptisée, Comité de
Fusion Syndical, qui donna du courage à la population de
Brazzaville pour la conquête du pouvoir le 15 août 1963. Pour
réussir leur action, les trois centrales firent un front commun
de lutte qui eut raison du régime de Fulbert Youlou. Car, en
frappant sans discernement, tant dans les partis politiques que
dans les syndicats, le pouvoir avait confondu ses ennemis.
Cela leur donna une belle occasion de s’entendre contre lui.

- 427 -
Leur peur commune les avait finalement unis pour la suite de
leur bataille !
Mais, après leur victoire, les trois syndicats ne purent se
mettre d’accord sur la conduite du pouvoir qu’ils venaient de
gagner. Bien que visant le même objectif, à savoir les
meilleures conditions de travail, ces trois centrales ne se
mirent pas d’accord sur la conception même du rôle qu’ils
allaient jouer dans le processus en cours. Face à l’apolitisme
des syndicats prôné par des leaders du syndicat chrétien,
s’opposait une autre conception, celle qui militait pour un
engagement politique ferme aux côtés des autres forces vives
ayant adhéré à la nouvelle logique des institutions. Ceux-là
considéraient que l’engagement syndical n’était pas
incompatible avec la lutte politique du peuple congolais. Pour
eux, ceux qui sont chargés de défendre les travailleurs, ne
sauraient restés indifférents au mouvement en cours dans le
pays, au risque d’en être écartés.
Le syndicat doit-il être engagé ou apolitique ? Cette
question de choix idéologique divisa pendant assez longtemps
le monde ouvrier. Ce conflit explique en partie les débuts
tumultueux de la Révolution congolaise. Dans cette ambiance
trouble, les trois centrales syndicales organisèrent le monde
ouvrier, en priorité dans le secteur privé, avec les
appréhensions de leurs divisons internes. Elles abandonnaient
l’administration à elle-même. Si les travailleurs de l’ASECNA
adhérèrent à la CGAT, ce fut simplement parce que quelques
dirigeants de cette centrale, comme Aimé Matsika, y
comptaient de bonnes relations. Ce fut également le cas de la
CATC, qui organisa surtout l’enseignement privé.
Le syndicat des cheminots resta une chasse gardée de la
CGTFO, exactement comme en France. Il restait alors le cas
des agents de l’Etat, les fonctionnaires. Honnêtes et très
souvent bons travailleurs, les fonctionnaires congolais
formaient des groupes non étiquetés, généralement ouverts aux

- 428 -
idées nouvelles et suivant avec intérêt l’évolution de l’Afrique
et du monde. Ils étaient très fiers de l’indépendance de leur
pays, mais ils demeuraient profondément indignés de voir des
injustices et des scandales qui éclataient sous leurs yeux et
dont ils étaient souvent des victimes expiatoires ou parfois des
auteurs inconscients.
L’africanisation des postes tardait à venir, et ils en
ressentaient une amertume face à un gouvernement dont les
conseillers, les directeurs de cabinets ministériels, parfois
même les secrétaires dactylographes, restaient encore des
cadres européens de l’administration coloniale, devenus alors
des assistants techniques par l’heureuse magie des accords de
coopération avec l’ancienne métropole. Par ailleurs, la loi
15/62 du 3 février 1962 fixant le statut général de la fonction
publique, n’intervint qu’une année après la convention
collective du 1er septembre 1960 dont l’esprit était la prise en
charge de ces cadres coloniaux par le nouvel Etat. Le cadre
commun de l’AEF ayant cessé d’exister, la France voulut par
le truchement de cette loi congolaise, trouver du travail à ses
anciens serviteurs dont le recasement en métropole était
difficile à réaliser.
Les fonctionnaires congolais formaient des noyaux non
négligeables de sympathisants, prêts à cautionner un
mouvement de changement radical et cela d’autant plus
facilement que leur adhésion à des syndicats était totalement
interdite. Aussi, allaient-ils s’organiser, sur la base coopérative
en section syndicales (Agriculture, SAF, Santé, etc.) Ce fut en
1961 que les fonctionnaires se regroupèrent pour donner
naissance à la « Conférence des Fonctionnaires », une
formation qui donna plus tard naissance à la « Conférence
Syndicale des Fonctionnaires ». Cette formation ne fonctionna
pas très bien, à cause des menaces de renvoi souvent brandies
par l’administration contre des agents de la fonction publique
qui adhéreraient à des syndicats. Les responsables des trois

- 429 -
grandes centrales syndicales utilisèrent justement cette
interdiction pour amener les agents de la fonction publique à
soutenir leur action clandestine. Souvent, la répression
maladroite et aveugle des services de police contre quelques-
uns d’entre eux pour leurs prises de position dans certains
conflits du travail, poussa davantage les fonctionnaires vers la
désobéissance civique. Ils furent également très actifs dans le
soulèvement populaire d’août 1963.

IV- La Confédération Syndicale Congolaise (CSC)

Après le renversement de l’Abbé Fulbert Youlou et


l’instauration dans le pays du parti unique, le Mouvement
national de la révolution (MNR), le syndicalisme congolais
allait connaître une nouvelle orientation.
Le congrès constitutif du MNR avait recommandé au bureau
politique du nouveau parti d’organiser les syndicats et les
autres forces populaires qui avaient adhéré au mouvement en
cours, en centrale unique, comme la jeunesse l’avait déjà fait
bien avant la naissance du parti. Le gouvernement avait intérêt
à voir le monde ouvrier regroupé en une seule centrale pour
avoir à ce niveau un seul interlocuteur. Conformément à ces
directives de juillet 1964, les responsables politiques firent
organiser à Brazzaville du 5 au 8 novembre de la même année,
un congrès regroupant les trois syndicats du pays et leurs
adhérents. Ici, plus qu’aux assises de la jeunesse, les luttes
furent très dures. Déjà, la naissance du MNR avait déjà creusé
un grand fossé entre la CGAT, favorable au parti unique, et la
CATC, qui refusait d’y apporter son soutien. Les travaux du
congrès des syndicats se tinrent dans un climat de vive tension
entre ces centrales. Avant le congrès, l’agitation était déjà
perceptible dans Brazzaville au sein des milieux ouvriers. Des
tracts circulaient dans les entreprises, les bureaux et les

- 430 -
établissements scolaires pour inviter tous les travailleurs à
rejeter le projet d’une centrale syndicale unique du syndicat.
Au congrès de novembre, trois forces étaient en présence :
la CGAT, la CASL et la CATC qui regroupait la majeure
partie des maîtres de l’enseignement privé, très nombreux dans
la fonction publique, les agents de la santé, les ouvriers des
mairies ainsi que ceux des maisons commerciales de
Brazzaville et de Pointe Noire. La CATC était le syndicat le
plus représentatif des travailleurs congolais de tous les
secteurs. Ses responsables comptaient sur ce poids numérique
pour reprendre l’initiative du mouvement et s’imposer comme
le syndicat le plus représentatif du pays. A l’ouverture des
travaux, la lutte s’engagea dans la salle entre la C.G.A.T. de
Julien Boukambou et la C.A.T.C de François Gandou.
Chacune des deux centrales devait faire des opérations de
charme pour avoir l’alliance du syndicat de Léon Robert
Angor, la CASL, dont le nombre de militants se comptait en
réalité sur le bout des doigts. Mais ce syndicat minoritaire
avait les mains plus libres que les deux autres centrales. Cela
lui permit d’être au bout du compte le grand arbitre du jeu qui
fit tout basculer pour la naissance du syndicat unique. Au
moment de se décider sur l’orientation définitive à retenir, la
question posée dans la salle du congrès, se présentait comme
une alternative qui n’admettait pas d’atermoiements possibles.
La question qui allait être soumise au vote des congressistes
était simple : « Pour ou contre le syndicat unique ? ». Cette
question préjudicielle conditionnait la suite des travaux. Cette
question ainsi posée excluait tout débat de procédure. Il y eut
cependant des discussions sur la manière dont ce vote allait se
passer. Après d’âpres débats, Julien Boukambou et ses
partisans avaient obtenu le principe d’un vote par syndicat, qui
se ferait non pas individuellement, mais par centrale. Le
scrutin n’était pas ouvert aux délégués présents dans la salle,
mais aux trois centrales seulement qui devaient donner leur

- 431 -
voix par leur délégué. Chaque syndicat allait faire des
consultations au niveau de ses membres avant de revenir en
salle pour donner la réponse du groupe. Le scrutin se résumait
au bout du compte à trois voix que les trois responsables :
Julien Boukambou, François Gandou et Léon Angor devaient
exprimer par un vote à main levée. Après une pause de
quelques instants au cours de laquelle chaque centrale devait
faire le tour de la question avec ses militants et affiner sa
réponse, les travaux reprirent en plénière sur cette question
préjudicielle, celle du choix définitif de la forme syndicale à
retenir dans le pays. A la question du bureau dirigeant les
débats, François Gandou leva le doigt contre le projet de
syndicat unique et Julien Boukambou leva le sien pour le
syndicat unique. On attendait alors la réponse de Léon Angor.
Grand silence dans la salle ! Avec le goût du pittoresque qu’il
affectionnait souvent, Léon Angor leva alors le doigt pour
appuyer Julien Boukambou en faveur du syndicat unique. Le
verdict était donné : deux voix contre une. Le syndicat unique
était né ! Léon Angor avait créé la surprise qui, en réalité, n’en
était pas une. Tout le monde savait les accointances qui
existaient entre les deux syndicats.
Les défenseurs de la fusion syndicale avaient triomphé sur
l’autre tendance. Le vote de Léon Angor fut salué dans la salle
par de grands applaudissements qui accompagnaient de
sourdes huées contre la CATC de François Gandou et ses
camarades, qui tentèrent de s’opposer énergiquement en
demandant un autre mode de scrutin. Trop tard ! Les autres
savouraient déjà leur victoire. Malgré les vives protestations de
la CATC, plus rien ne changea le cours des évènements. Le
syndicat unique naquit dans ces conditions cocasses, mêlées
d’astuces et d’intimidations de toutes sortes. La centrale
syndicale que dirigeait Léon Robert Angor n’avait pas le poids
numérique de celui de Julien Boukambou ; encore moins de
celui de François Gandou. Mais ce fut son vote qui fit tout

- 432 -
basculer à gauche, pour donner naissance à la Confédération
Syndicale Congolaise (C.S.C) qui régnera seule sur le monde
ouvrier pendant près de trente ans. Cette façon paraissait bien
singulière, mais ceux qui avaient mis au point ce mode de
scrutin, défendirent énergiquement leur choix. En 1965, Léon
Robert Angor, devenu député, représentant de la CSC à
l’Assemblée nationale, devint le président de l’auguste
chambre. Il allait tout faire pour placer la CSC sous l’autorité
du nouveau parti unique. L’unification des syndicats congolais
en une seule centrale avait été réalisée parce que dans la salle,
on n’avait pas tenu compte du poids numérique de chaque
syndicat.
Malgré sa défaite, la CATC resta ferme sur ses positions du
départ. Non seulement elle refusa de reconnaître la nouvelle
centrale, mais encore elle rejeta également l’offre de faire
partie du Conseil confédéral, l’instance dirigeante du nouveau
syndicat. Dans le préambule de son acte constitutif, on pouvait
déjà noter cette volonté de faire jouer au syndicat des fonctions
politiques :

La classe ouvrière congolaise proclame sa volonté


inébranlable d’attachement à l’esprit qui a présidé à la
Révolution des 13, 14, 15 août 1963…Elle reconnaît la
Confédération Syndicale Congolaise (CSC) comme la
seule organisation ouvrière nationale.201

Le texte du préambule invitait au sein du nouveau syndicat


tous les fonctionnaires du secteur public, tous les ouvriers, les
employés de bureau, tous les étudiants à adhérer au nouveau
syndicat. Les problèmes du monde paysan furent également
évoqués au congrès. Mais le syndicat unique n’inséra pas les
paysans dans ses rangs ; on se contenta de cette vague

201
Anonyme, Histoire du syndicalisme au Congo, p. 8.

- 433 -
promesse. Le discours politique prenait le pas sur le discours
syndical. On affirmait que dans la lutte contre le sous-
développement économique du pays et pour l’émancipation
accélérée de l’homme, la CSC devait inscrire au centre de son
activité, le problème coopératif. 202 Concernant le problème
d’adhésion de la CSC au MNR, les positions des uns et des
autres furent floues.
Les radicaux du parti défendirent cette entrée au motif que
la Révolution congolaise était déclenchée par la classe
ouvrière, et que son déroulement devait incomber toujours aux
ouvriers. Mais ce point de vue fut combattu par une autre aile
du parti, pour qui le monde paysan était au Congo une force
révolutionnaire plus puissante que le prolétariat des usines,
numériquement insignifiant dans le pays. On retrouvait ici les
deux conceptions du mouvement révolutionnaire qui avaient
cours dans le monde : la thèse soviétique du prolétariat moteur
de l’histoire et celle de la révolution chinoise s’appuyant sur le
monde paysan.
Au Congo, ces deux conceptions avaient déjà chacune ses
partisans et ses contradicteurs. L’aile prochinoise, pourtant
soutenue dans le pays par des anciens étudiants congolais en
URSS comme Claude Ernest N’dalla, partageait cette thèse
avec la majorité de la population. Cette deuxième querelle qui
opposait les partisans du Livre rouge de Mao Tse Tong qui
devint à partir de 1965, le véritable bréviaire des
révolutionnaires congolais, à ceux qui prônaient la primauté de
la classe ouvrière, annonçait déjà les chaudes empoignades que
le parti allait vivre en son sein. Il fallait se déterminer : du
modèle chinois ou soviétique, lequel serait convenable pour le
pays ? Ce conflit allait connaître son point d’acuité à la fin de
l’année 1965, après la visite officielle du secrétaire général du

202
Anonyme, Histoire du syndicalisme au Congo, p 3 (inédit).

- 434 -
MNR, président de la République, Alphonse Massamba-Débat
en Chine. En effet, il y eut après ce voyage un intérêt réel pour
la révolution chinoise, que la population congolaise jugeait
plus proche de la réalité congolaise que cette théorie éloignée
de la lutte du prolétariat ouvrier.
Quelques mois après son allégeance au parti, la
Confédération Syndicale Congolaise obtint la mise au ban de
la CATC. Celle-ci fut mise hors-la loi par un acte du
gouvernement, qui interdisait toutes ses activités sur toute
l’étendue du pays. Mais ses responsables ne désarmèrent pas
pour autant. Comme certains parmi eux avaient été élus
comme députés à l’Assemblée nationale, ils tentèrent, sans
succès, de briguer le perchoir du parlement où ils avaient gardé
leurs sièges. Pour eux, cette bataille était décisive pour
conserver leur place dans les nouvelles institutions. La victoire
de Léon Angor sur le candidat de la C.A.T.C. François
Gandou montrait que, l’union sacrée qui les avait sauvés en
juillet 1963, cessait d’exister. L’élimination du syndicat
chrétien de la scène congolaise devint totale lorsque la CSC
mit sur place les premières sections et unités de base dans
lesquelles l’adhésion des militants de François Gandou fut
totalement exclue. Dans un numéro du journal Etumba ou
Combat, un autre organe du parti qui venait de naître après le
truculent Dipanda de Ndalla Graille, on pouvait lire cette
violente attaque contre le bureau de la C.S.C lorsque Pierre
Eticault de la CATC se fit élire à la tête de la fédération
syndicale des entreprises d’Etat. Pour l’auteur de l’article,
cette entrée était une infiltration intolérable, qu’il fallait à tout
prix enrayer. Voici le texte de cette dénonciation :

Les frères de la défunte C.A.T.C. avaient refusé


l’unité syndicale au moment où les jeunes, les
femmes et les autres forces formaient la J.M.N.R.,
l’U.R.F.C. et le M.N.R. Ils arguaient qu’ils ne

- 435 -
pouvaient pas appartenir à la C.S.C. qui était
politique, alors qu’eux faisaient du syndicalisme
apolitique ! Mais, voilà que ces mêmes messieurs
reprennent du service. Et où ? Dans les organismes
politiques de la Révolution. Leur apolitisme a-t-il
évolué ? Travailleurs congolais ! Sauvons la
Révolution des infiltrations des éléments de la
C.A.T.C. au sein de la C.S.C. ! 203

Après la session du comité central de février 1966 qui avait


adopté la charte du MNR, les quatre représentants du syndicat
chrétien furent exclus du parti. Car le groupe de François
Gandou n’avait pas boudé seulement la création d’une centrale
syndicale unique, mais il avait refusé également de reconnaître
la nouvelle orientation idéologique que prenait le mouvement
révolutionnaire. Ce combat fut le dernier baroud d’honneur
politique que ce groupe ne pouvait pas gagner. François
Gandou le savait, mais la pression du clergé poussait la
charrette dans l’espoir de faire changer le cours des
évènements. Peine perdue ! Deux mois plus tard, les deux
députés de la C.A.T.C. furent contraints de quitter à leur tour
l’Assemblée nationale.
Le congrès constitutif du syndicat avait élu un conseil
central de 48 membres et un bureau exécutif de neuf membres
ayant à sa tête Diallo Idriss, qui devint de ce fait le premier
secrétaire général de la CSC. Cette entrée en lice de ce
musulman fervent, mais amateur de bar dancing et d’autres
lieux de bonne vie, venait ajouter de la confusion à la petite
guerre des religions qui ne se déroulait jusque-là dans le pays
qu’entre Catholiques et Protestants. Comme on pouvait le

203
Journal Etumba, n°113 du 5 février 1966, « La C.A.T.C. renaît ! »,
p.4

- 436 -
constater, la Révolution congolaise avait donc plusieurs fronts
à soutenir !
En plaçant le marxisme-léninisme au-dessus de cette
querelle des religions, le parti unique réussit à juguler les
ardeurs des uns et des autres. Quatre années plus tard, une loi
fut votée pour fixer au nombre de 7 la liste des confessions
religieuses autorisées dans le pays. Ce point d’histoire est
capital à saisir. La Révolution marxiste du Congo-Brazzaville
n’avait jamais interdit la pratique de la religion dans le pays.
Simplement, devant la prolifération des sectes qui naissaient
malgré le discours philosophique contraire du pouvoir, elle en
fixait tout juste le nombre d’obédiences. Ce fut seulement à ce
niveau que l’Etat fit l’unique geste d’intervention en matière
religieuse.
La loi n°40-64 du 17 décembre 1964 allait consacrer la
CSC comme l’unique centrale syndicale dans le pays. Comme
le mouvement de la jeunesse, le monde du travail se dressait à
son tour comme une autre source du pouvoir révolutionnaire.
Voici un extrait de cette loi :

Article 1er : Il est constitué une organisation


syndicale nationale unitaire et collective qui prend
le nom de Confédération Syndicale Congolaise et
regroupe, sur le principe de l’adhésion volontaire,
sans distinction de race, de nationalité et d’opinion
religieuse, les travailleurs et les salariés de toute
nature…
Article 3-Sont dissoutes toutes les centrales
syndicales ouvrières autres que la C.S.C.

La loi était stricte sur le point de l’unicité de l’action


syndicale au Congo. Elle n’admettait aucune concurrence faite
à ce nouveau. A partir de cette disposition légale, la CATC qui
avait refusé d’intégrer la centrale unique, était mise hors-la loi.

- 437 -
Ses responsables se plièrent devant leur défaite dans un
combat qui leur était défavorable en cette période d’exaltation
populaire. La querelle des syndicats était terminée sur cette
rancœur des uns et la grande satisfaction des autres. Le
syndicat unique devenait ainsi la seule forme d’organisation
ouvrière qui était retenue dans tout le pays pour toutes
revendications salariales et de promotion.

 La CSC et le PCT
En juillet 1968, le régime congolais avait connu une grande
secousse interne. Alphonse Massamba-Débat, président de la
République et secrétaire général du MNR, avait quitté le
pouvoir et le capitaine Marien Ngouabi l’avait remplacé aux
fonctions de chef d’Etat. Le MNR avait été suspendu.
Quelques mois plus tard, un congrès extraordinaire fut
convoqué en décembre 1969, à l’issue duquel un nouveau parti
fut mis en place sur les cendres du MNR. Cette nouvelle
formation prit le nom de Parti congolais du travail (PCT).
Marien Ngouabi en devint le président et, par voie de
conséquence, le chef de l’Etat, comme le stipulaient les
dispositions du nouveau parti. Malgré ce grand changement au
niveau des hommes et de la direction politique, la nouvelle
logique des institutions installées dans le pays depuis 1964 fut
poursuivie. Dans cette nouvelle conjoncture, quelles relations
le syndicat unique, la CSC, mis en place sous le MNR, allait-il
entretenir avec le nouveau parti ? En tout cas, le climat de
confiance se renforça entre le syndicat et le parti unique. La
CSC reconnut vite le PCT et se mit sous son autorité comme
les autres organisations populaires. La figure emblématique de
cette première grande phase du syndicalisme militant, Anatole
Kondho, fut toujours un membre du comité central du PCT.
Marien Ngouabi se félicitait d’ailleurs de cette collaboration,
quelques années plus tard, lorsqu’il déclarait le 27 décembre
1974 :

- 438 -
Le Parti congolais du travail puise sa force dans le
peuple,s’éduque auprès des masses révolutionnaires
organisées, en tête desquelles, se trouve la dynamique
et historique Confédération Syndicale Congolaise dont
la lutte dans le temps et dans l’espace ne cesse
d’avancer de victoires en victoires.

C’était en ces termes que Marien Ngouabi s’était adressé à


la classe ouvrière congolaise lors du 4e congrès ordinaire de
son organisation. Cette déclaration qui constituait pour les
responsables syndicaux un véritable motif de satisfaction,
allait pousser ceux-ci à plus d’ardeur au travail, mais aussi à
plus d’incohérence dans leur action. Alors que le pays
traversait une crise économique sévère, les différents syndicats
d’entreprises parastatales se mirent à élaborer à tout de rôle,
des statuts particuliers dont le but devint essentiellement
l’augmentation des avantages de toutes natures pour les
travailleurs. Peu importe la bonne marche financière et
budgétaire de ces sociétés d’Etat. Le gouvernement était
impuissant d’arrêter cette logique incompréhensible. Quant au
PCT, il était pris dans son propre jeu politique des alliances.
Les organisations de base étaient son fondement structurel.
Elles constituaient la véritable structure par laquelle sa
légitimité était fondée. Son autorité sur la population passait
nécessairement par ces structures d’encadrement pour couvrir
tout le pays. Ainsi, la CSC étant devenue son rempart devant
toutes formes de contestation ouvrières possible, il lui devint
impossible de s’opposer à ses ambitions. Mais, tout en
devenant le grand défenseur du processus révolutionnaire, la
CSC ne put comprendre qu’elle sciait la branche de l’arbre sur
lequel ce processus révolutionnaire était justement assis. Usant
de chantage et de pressions, aussi de démagogie, elle obtint du
gouvernement la signature de ces conventions collectives dont
on savait les impacts néfastes.

- 439 -
En 1973, il fut institué au sein des entreprises d’Etat, la
Trilogie déterminante. Par ordonnance 73/26 du 10 juillet
1973, le chef de l’Etat signa un texte qui donnait à chaque
entreprise parastatale, la possibilité de fixer ses propres
avantages et ses règles de gestion. Les vannes étaient alors
ouvertes. Les entreprises confectionnèrent des conventions
spécifiques où la grille des salaires et la liste d’avantages
accordés aux travailleurs n’avaient aucune relation avec leur
santé économique réelle. Depuis longtemps, les syndicats
poussaient à cette politique avec la bénédiction des cellules du
parti à la base, instaurées dans chaque entreprise.
La Trilogie déterminante remplaça le Conseil
d’administration. Le directeur général de l’entreprise, nommé
par le gouvernement, ne pouvait rien décider tout seul sans
l’aval du parti et du syndicat. Pour la gestion quotidienne de
son unité, il devait compter sur le Tribunal des camarades pour
punir la moindre indiscipline. En fait, le directeur devait régner
sur tous ses hommes, sans jamais les gouverner réellement.
Ainsi, d’œuvres sociales qu’elles avaient été auparavant, ces
entreprises d’Etat devinrent des unités syndicales où le combat
militant remplaçait la compétence et où la prime venait avant
le rendement de l’agent au travail ou bien la santé financière
de l’entreprise.
Malgré cette confusion des rôles dont l’issue était connue, à
savoir l’effondrement du secteur économique d’Etat, le
gouvernement continua sa politique de subventions pour
renflouer leurs caisses, toujours vides. Toujours dans cette
foulée du syndicalisme triomphant, il fut créé un impôt spécial
appelé « check-off ». Il s’agit d’une retenue opérée à la source
sur tous les salaires versés au Congo, tant par le secteur public
que privé. La Confédération Syndicale Congolaise qui recevait
toutes les sommes retenues, expliquait cet impôt comme un
geste de solidarité nationale qui allait lui permettre de réaliser
des œuvres sociales pour tous les travailleurs congolais :

- 440 -
centres de repos et de vacances, crèches et jardins d’enfants,
centres médicaux, etc. On s’aperçut plus tard que l’argent
collecté n’avait rien créé, et qu’il avait plutôt grossi les
revenus des dignitaires des syndicats, qui se cachaient dans la
CSC pour arranger leur situation. Sur ces fonds, il y eut
beaucoup de malversations impunies. Et malgré cela, l’impôt
ne fut jamais supprimé. Le contribuable congolais continua
ainsi de payer à cette « canaille » jusqu’en 1992, des fonds
sans contrepartie !
Toutes ces folies « révolutionnaires » s’appuyaient
évidemment sur une éclaircie économique et financière due à
quelques retombées des prix du pétrole qu’on venait
d’enregistrer. On avait pris cela comme la fin des malheurs
dans tout le pays. Ces retombées pétrolières avaient ouvert
quelques perspectives encourageantes sur le plan des finances
publiques. Le pays aborda l’année 1974 sur cette illusion de
prospérité. Toute l’année se passa dans ce climat d’euphorie et
d’apparente stabilité. En cours d’exercice, le budget national
bénéficia d’un apport de 21 milliards de F/CFA non prévus au
départ. Cette manne venait du bonus que le pays avait obtenu
de la remontée des prix du pétrole. De quoi tourner les esprits !
Ce fut ce qui arriva. Marien Ngouabi lui-même était plus
euphorique que le peuple, et il pouvait déclarer que le
chômage se résorberait totalement au point que le Congo
pourrait importer de la main-d’œuvre.
Dans ses discours, il citait pêle-mêle les réalisations à
entreprendre dans les domaines de la santé, de l’éducation, des
infrastructures, de l’amélioration des conditions de vie de la
population, etc. Le pays avait-il trouvé ses équilibres
économiques ? En tout cas, dans les quartiers de Brazzaville,
beaucoup de personnes pensèrent cela d’autant facilement
qu’on assistait au développement dans certains cercles du
pouvoir des signes extérieurs de richesse, qui vexaient la

- 441 -
population. Voici le point de cette situation paru dans le
journal Etumba du 7 mars 1974.

Jamais la capitale congolaise n’avait vu auparavant


un parc automobile si vaste et si varié et flambant
neuf ! Jamais auparavant on n’avait vu surgir de
terre tant de villas de luxe à Brazzaville et à Pointe-
Noire, les deux grandes villes du pays ! Le costume
des couches possédantes avait changé. Parfois aussi
les goûts alimentaires !

Cette escalade des salaires qui toucha une minorité de la


population, provoqua tout naturellement au niveau national
une certaine inflation, qui eut entre autres conséquences, le
déséquilibre au niveau des ménages qui se traduisit
naturellement par une montée vertigineuse des prix des
denrées de première nécessité sur le marché Tout devint très
cher partout dans le pays. Le sac de foufou 204 passa en 1975
de 6.500 F/CFA à 11.000 F/CFA, parfois davantage. Le
kilogramme de viande augmentait dans des proportions moins
fortes car cette denrée étant subventionnée par le Trésor public
à travers une société d’Etat, appelée ONIVEG. Celle-ci
commandait de la viande pour le marché de la capitale qu’elle
revendait en réalité à un prix inférieur à celui de revient par
kilogramme. Les fruits, le prix du taxi, les fournitures
scolaires, tout avait subi une forte augmentation. Le
médicament était subventionné. Sur ce produit, il y eut moins
de perturbations sur les ménages. L’augmentation des prix de
produits agricoles donna un coup de relance à l’agriculture
vivrière. Au niveau du gouvernement, des slogans

204
Farine de cossettes de manioc qui est l’aliment de base de la population
congolaise.

- 442 -
mobilisateurs étaient arrêtés pour inciter la population au
retour aux travaux de la terre. Dans la foulée, le comité central
du PCT lança les champs du parti, qui s’avérèrent plus tard
être un échec cuisant.
Le gouvernement lui-même renforçait cette illusion de
richesse en lançant son plan de développement économique et
social du pays, baptisé « Programme Triennal ». L’évènement
médiatique chanté dans tous les folklores du pays, était
présenté aux populations comme le premier pas que le Congo
levait pour une nouvelle marche vers l’affermissement du
processus révolutionnaire. On promettait des décisions fermes
qui allaient remettre le pays sur les rails et relancer
l’économie. Dans ce climat d’enthousiasme, le gouvernement
et le parti invitaient surtout le peuple à suivre les directives,
afin de réussir cette nouvelle bataille du développement, de
manière ferme.

V- La période de la brouille

La confiance qui avait toujours régné entre le la CSC et le


PCT commença à se dégrader à partir de 1977, lorsque la crise
économique devint plus sévère. Les entreprises d’Etat,
essoufflées par le poids de leurs charges, devenaient
incapables de payer correctement les salaires de leurs
nombreux et onéreux personnels. Les travailleurs de ce secteur
important, qui n’avaient jamais connu une pareille situation,
rejoignaient ainsi ceux de la fonction publique dont les
traitements mensuels étaient versés au hasard des rentrées
fiscales au trésor public. Ces unités parapubliques devinrent
alors des terreaux fertiles sur lesquels tous les discours
pouvaient faire germer des rêveries de toutes sortes. Ce climat
social tout à fait morose, se doubla d’une grave crise politique.
Le 18 mars 1977, Marien Ngouabi, le président du PCT,
président de la République, était assassiné dans sa résidence.

- 443 -
Dans cette situation politique difficile, le comité central du
PCT confia le pouvoir à un organe provisoire, chargé de
ramener le calme dans le pays. Celui-ci était appelé, Comité
Militaire du Parti. Il était dirigé par Joachim Yhomby-
Opango. La nouvelle direction politique se retrouva face à une
crise financière plus aigüe encore. De ce fait, tous les secteurs
de la vie nationale furent bloqués. Le monde ouvrier devint
très nerveux et les grèves furent courantes, malgré le discours
officiel qui dissimulait ces refus du travail et rassurait la
population sur la capacité du gouvernement à redresser la
situation. Le syndicat se retrouva alors le dos au mur, coincé
entre son allégeance au parti et son devoir de défenseur des
intérêts du monde ouvrier. Mais, habiles manœuvriers, Anatole
Kondho et ses camarades retournèrent la situation en leur
faveur en mettant les malheurs des travailleurs sur la seule
responsabilité du gouvernement, accusé d’incapacité à gérer
les affaires publiques. Ils l’accusaient également de chercher à
bloquer l’expression libre des citoyens en commençant par la
liberté syndicale. En fait, le syndicat qui avait été en partie
responsable des dérapages économiques que connaissait le
pays, était comme le pyromane qui criait à l’incendie dont il
pouvait accuser facilement le premier venu.
Ce fut dans ce contexte que se tint du 26 au 30 avril 1978 le
e
5 congrès de la CSC qui marqua la première grande brouille
entre le syndicat unique et le parti unique. A ce 5e congrès,
Anatole Kondho et ses camarades ne pouvaient pas ignorer, ni
négliger cette conjoncture tumultueuse sans se faire discréditer
par la base. Aussi, déployèrent-ils tous leurs talents pour
relancer le mouvement syndical en pleine déconfiture. A
l’issue des travaux, un programme d’action fut adopté, basé
sur l’organisation, l’éducation et la mobilisation des
travailleurs. Pour réussir cette action, un organe de
coordination, nommé Commission Confédérale Exécutive
(COCONEX), fut mis en place. C’était en fait un succédané

- 444 -
que les syndicalistes avaient pu trouver à la place du bureau
exécutif de la CSC. Car, ses activités avaient été suspendues
par le CMP, comme il l’avait fait pour les autres organes
dirigeants des autres structures de base du parti : l’URFC et
l’UJSC.
Le cahier de charges qui fut élaboré à l’intention du CMP et
du gouvernement, montrait qu’on passait de la simple lutte
ouvrière à une véritable opposition politique. Au cours de la
rencontre du 8 décembre 1978 entre le CMP et la COCONEX,
la contradiction éclata au grand jour tant les points du
document intriguaient la direction politique. Dans le climat de
ce régime militaire assez sévère, le syndicat apparut comme la
seule force vive du pays à poser clairement les problèmes,
notamment ceux du blocage des structures politiques.
Le meeting du 30 janvier 1979 à la « Place de la Gare »,
devenue depuis longtemps, « Place de la Liberté », fut une
grande occasion de dénonciation de la mauvaise gestion du
pays et de l’insécurité de l’emploi. Les syndicalistes prirent un
grand risque pour leur propre sécurité. Ils durent trouver des
« cachettes » pour leur sécurité. La pression du syndicat qui
put gagner très vite le milieu de la jeunesse, aboutit alors à la
convocation de la session extraordinaire du comité central du
PCT qui mit fin à l’existence du CMP. Une nouvelle direction
politique plaça Denis Sassou Nguesso à la tête du parti et de
l’Etat. Le bureau de Jean-Michel Bokamba Yangouma, qui
remplaça celui de Anatole Kondho, rétablit les bonnes
relations entre le syndicat, le gouvernement et le parti et cela,
jusqu’à la Conférence Nationale en 1991 à l’issue de laquelle
le syndicat unique fut abandonné au profit du la pluralité des
centrales syndicales.

- 445 -
CONCLUSION

Le syndicalisme était né au Congo dans les mêmes


conditions que les partis politiques, en ce sens qu’ils furent au
départ de simples prolongements des centrales syndicales
existant dans la Métropole (la France). Mais il n’est pas faux
de soutenir que c’est par la lutte syndicale que beaucoup de
leaders congolais sont arrivés à l’engagement politique.
Jacques Opangault fut d’abord le chef du syndicat de la
Fonction Publique, avant de s’engager véritablement dans la
lutte politique en créant son parti, la SFIO-Congo, qui se mua
en MSA quelques années plus tard.
Ce fut en août 1963 que les syndicats congolais firent leur
entrée triomphale dans l’histoire. Leur action mit fin au régime
politique que connut le pays sous l’Abbé Fulbert Youlou, le
premier président du Congo indépendant. Il faut indiquer que
ces syndicats étaient allés en guerre contre Fulbert Youlou
pour l’empêcher d’imposer au pays son idée de « parti
unique », qu’ils considéraient déjà comme un désir de vouloir
bâillonner les libertés fondamentales, parmi lesquelles celle de
la vie syndicale. Ironie de l’histoire, les syndicats congolais
devinrent après la chute de Fulbert Youlou, non seulement une
centrale unique, mais encore ils se muèrent en grand défenseur
du « parti unique » sous le MNR d’abord, sous le PCT ensuite.
La Confédération Syndicale Congolaise fut l’un des bras
séculiers du pouvoir révolutionnaire. Ses grandes figures
emblématiques furent des membres du Comité central du Parti
Certains montèrent jusqu’au niveau du Bureau politique. Cette
alliance prit fin avec l’avènement sur l’échiquier national de la
pluralité politique.

- 446 -
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- 454 -
PARTIE VIII

HISTOIRE
DES RELATIONS INTERNATIONALES
CHAPITRE 15

LE CONGO ET LE MONDE

par Delphine Edith EMMANUEL ADOUKI

INTRODUCTION

Après plusieurs décennies d’administration coloniale, le


territoire du Moyen-Congo bénéficie d’une autonomie interne
croissante qui débouche sur la fondation de la République du
Congo. La fondation de la République du Congo s’opère en
deux temps. Le 28 septembre 1958, le territoire du Moyen-
Congo approuve par référendum le projet de Constitution par
339.436 voix contre 2.133 et manifeste ainsi sa volonté
d’intégrer la Communauté institutionnelle organisée sous l’égide
de la France. Puis, l’Assemblée territoriale du Moyen-Congo
adopte la délibération n° 112-58 du 28 novembre 1958 dont
l’article premier dispose : « Le territoire du Moyen-Congo
manifeste sa volonté de devenir un Etat membre de la
Communauté créée par la Constitution du 4 octobre 1958 ».
Il sied de rappeler qu’avant son accession à l’indépendance, la
République autonome du Congo est organisée successivement
par la Constitution du 28 novembre 1958 et la Constitution du
20 février 1959. Ainsi, le nouvel Etat, membre de la
Communauté française, est autonome c’est-à-dire qu’il ne
dispose pas de la plénitude et de l’exclusivité des compétences
qui caractérisent un Etat souverain. Car, de nombreuses
compétences demeurent dévolues à la France, chef de file de la
Communauté205. Il s’agit : de la politique étrangère, de la
205
La Communauté conventionnelle, établie entre Etats indépendants,
succède à la Communauté institutionnelle. Voir sur ce point, F. Borella,
1959, « L’évolution de la Communauté », AFDI, pp. 761-783 ; F.
Borella, 1960, « L’évolution de la Communauté », AFDI, pp. 925-952 ;

- 457 -
défense, de la monnaie, de la politique économique et financière,
des matières stratégiques, de la justice, de l’enseignement
supérieur, des transports extérieurs et communs et des
communications.
Sous la conjonction de facteurs internes et externes qui créent
des conditions favorables et irréversibles, l’indépendance de la
République du Congo est proclamée le 15 août 1960206. Le
statut d’Etat, et les effets juridiques qui y sont attachés, lui
permettent d’établir des rapports de coopération, de conclure
des conventions internationales, d’exercer le droit de légation,
d’accéder à des organisations internationales et le cas échéant,
de répondre de ses actes qui causent préjudice, au niveau
international. Les accords de Matignon du 12 juillet 1960 en
effet organisent le transfert des compétences entre la France et
le Congo ; il s’agit de l’Accord particulier portant transfert à la
République du Congo des compétences de la Communauté, de
l’Accord relatif aux dispositions transitoires applicables
jusqu’à l’entrée en vigueur des accords de coopération entre la
République française et la République du Congo, de l’Accord
relatif aux dispositions transitoires en matière de justice entre
la République française et la République du Congo et de
l’Accord sur la participation de la République du Congo à la
Communauté. Ces accords sont ratifiés par la loi n° 60-43 du
23 juillet 1960 et entrent en vigueur le 14 août 1960.
La présente étude sur « le Congo et le Monde » comporte
deux axes. Il s’agit d’examiner, dans un premier temps, la
coopération bilatérale établie par le Congo avec de multiples
partenaires (I) et, dans un second temps, la coopération
multilatérale, c’est-à-dire la coopération organisée dans le cadre
de la famille des Nations unies (II).

R. De Lacharrière, 1960, « L’évolution de la Communauté franco-


africaine », AFDI, pp. 9-40.
206
. Voir textes in A. Gabou, 1984, Les Constitutions congolaises, Paris,
LGDJ, NEA, 547 p.

- 458 -
I - La coopération bilatérale

La coopération bilatérale de la République du Congo est de


nature évolutive et diversifiée. Elle repose sur des options
politiques et idéologiques fixées par les régimes politiques qui
se sont succédé. On observe, à cet effet, quatre périodes
essentielles qui correspondent à des modalités particulières de
coopération :
- la période des relations privilégiées avec la France ;
- la période des relations bilatérales diversifiées ;
- la période des relations bilatérales privilégiées avec
l’URSS ;
- l’ouverture ou la coopération tout azimut.

1. La coopération privilégiée avec la France


La République du Congo observe une coopération bilatérale
privilégiée avec la France et certains Etats francophones
modérés durant les trois années qui suivent
207
l’indépendance . Le maintien de ces liens traditionnels avec
la France s’explique notamment par le fait que dans le monde
bipolaire des années soixante dominé par la guerre froide, le
jeune Etat congolais ressentait le besoin d’une protection que
seule l’ancienne métropole pouvait lui apporter208, qui lui
fournit, en outre, du personnel destiné à pallier l’insuffisance
de cadres dans l’administration congolaise. Cette coopération
s’organise dans le cadre de onze accords au moyen desquels,
le Congo adhère à la Communauté rénovée209, établit des
relations diplomatiques privilégiées avec la France, obtient la

207
Voir, sur ce point, N. Mayetela, « Le Congo dans les relations
internationales classiques », in J.M. Breton, J. Capiaux, M. Mabounda
(dir.), 1987, Manuel de Droit Public Congolais, Paris, Economica, p. 658.
208
Ibidem, p. 650.
209
Accord particulier sur les conditions de participation de la République
du Congo à la Communauté du 15 août 1960.

- 459 -
formation de son personnel militaire210 et le recrutement de
personnel enseignant211. Il s’agit de l’Accord particulier sur
les conditions de participation de la République du Congo à la
Communauté, de l’Accord de coopération en matière de
politique étrangère, de l’Accord concernant l’assistance
militaire technique, de l’Accord en matière d’aide, de l’Accord
en matière domaniale, de l’Accord de coopération culturelle,
de la Convention d’établissement, de l’Accord relatif au
Centre d’enseignement supérieur de Brazzaville, de l’Accord
de défense, de l’Accord de coopération en matière monétaire,
économique et financière et de l’Accord relatif à
l’enseignement supérieur.
Ainsi, par exemple, dans l’Accord relatif à la coopération en
matière de politique étrangère, plus précisément à l’article
premier alinéa 1, l’Ambassadeur de France est aussi Haut
Représentant du président de la République et Représentant
spécial de la Communauté. Il est de droit Doyen du corps
diplomatique accrédité à Brazzaville. Avant la prise de toute
décision importante en matière de politique étrangère, les deux
Etats conviennent de se concerter et d’harmoniser leurs
positions (article 4).
La relation privilégiée avec la France amène très souvent le
jeune Etat, membre du groupe dit de Brazzaville, à aligner, en
matière de politique étrangère, ses positions sur celle de
l’ancienne puissance coloniale.212.

210
Cf Article 11 de l’Accord relatif à l’assistance militaire technique
entre la République française et la République du Congo, du 15 août
1960.
211
Cf Accord de coopération culturelle entre la République française et la
République du Congo du 15 août 1960.
212
La politique étrangère de la République du Congo s’inspire, « dans
l’esprit de la Charte des Nations unies, d’un même idéal et des mêmes
principes″ ». Cf Préambule, alinéa 3 de l’Accord de coopération en
matière de politique étrangère entre la République française et la
République du Congo du 15 août 1960.

- 460 -
2. La coopération bilatérale diversifiée
Au lendemain du mouvement insurrectionnel des 13, 14 et
15 août 1963, s’installe un nouveau régime politique qui
recentre la politique étrangère de la République du Congo en
établissant une coopération bilatérale plus diversifiée. La
France n’apparaît plus, de 1963 à 1968, comme le partenaire
privilégié de la République du Congo213 qui s’attache à
observer une politique d’ouverture et ainsi « de coopérer avec
tous les autres peuples du monde dans la paix, la justice et
l’égalité »214 sur la base du « principe du non-alignement
politique et diplomatique »215. C’est ainsi que le Congo noue
des relations diplomatiques avec les Etats considérés comme
progressistes à l’instar de l’Algérie, de l’Egypte, de la
Chine216, de la Corée du Nord217, de Cuba et de l’URSS218 et
des pays de l’Europe de l’Est.

3. La coopération bilatérale privilégiée avec l’URSS


Le changement de régime politique, survenu en 1968, se
traduit notamment par la succession de la République
populaire du Congo à la République du Congo, ainsi que par la
réorientation de la politique étrangère axée sur les liens
permanents et privilégiés avec les Etats « progressistes » et

213
L’on note durant cette période notamment, le retrait de la base
militaire française de Brazzaville, Cf. N. Mayetela, « Le Congo dans
les relations internationales classiques », op.cit., p. 664.
214
Dernier paragraphe du préambule de la Constitution du 8 décembre
1963.
215
Article 4 alinéa 2 des Statuts du Mouvement national de la révolution.
216
Trois accords sont signés le 2 octobre 1964, à savoir : un traité d’amitié,
un accord de transport maritime et un accord de coopération mutuelle.
217
Trois accords sont signés. Il s’agit de l’Accord de coopération
scientifique et technique, de l’Accord de commerce et de l’Accord de
fourniture d’aide économique.
218
Le Congo a signé un accord de coopération économique et technique
avec l’URSS et procédé à l’échange d’ambassadeurs.

- 461 -
socialistes, tout en maintenant ou en réaménageant les
relations établies avec les autres Etats.
En illustration, le Congo établit des relations diplomatiques
avec la Roumanie et conclut avec elle un accord de coopération
économique et technique, un accord commercial et un accord
culturel. Les accords de coopération du 15 août 1960 conclus avec
la France sont dénoncés par le Congo qui sollicite leur
renégociation. Le 1er janvier 1974, onze nouveaux accords sont
conclus, à savoir : le traité de coopération, l’Accord de
coopération technique en matière de formation des cadres et
équipements techniques de l’armée nationale populaire, la
Convention en matière de coopération judiciaire, l’Accord sur
les droits fondamentaux des nationaux, l’Accord sur la
coopération culturelle, l’Accord sur la coopération scientifique
et technique, l’Accord sur la coopération économique et
technique, l’Accord sur la coopération sanitaire, l’Accord sur
le concours en personnel, l’Accord sur le transport aérien et
l’Accord sur la coopération en matière de marine marchande.
Les relations diplomatiques avec les USA, interrompues en
1965, sont rétablies en juin 1977.
La conclusion du Traité d’Amitié et de Coopération avec
l’URSS, le 13 mai 1981, fixe les conditions de développement
et d’approfondissement des relations politiques, économiques
et scientifiques entre les deux Etats qui conviennent de se
consulter sur toutes les questions internationales majeures les
concernant219, de coordonner leurs positions en vue d’éliminer
une menace contre la paix ou de rétablir la paix220, de
s’abstenir de participer aux actions et mesures dirigées contre
l’autre partie contractante221 et de développer leurs liens

219
Article 6 du Traité d’Amitié et de Coopération du 13 mai 1981.
220
Article 7 du Traité d’Amitié et de Coopération du 13 mai 1981.
221
Article 10 du Traité d’Amitié et de Coopération du 13 mai 1981.

- 462 -
d’amitié et de coopération222. En même temps, le Congo
normalise ses rapports avec la République du Zaïre, après
plusieurs phases de tension, en concluant divers accords. On
peut citer entre autres : le Manifeste du 16 juin 1970, l’Accord
du 18 août 1972 de Franceville, l’Accord de la coopération
économique, scientifique et culturel du 14 mai 1974, la
Convention d’assistance administrative mutuelle en matière de
douane du 14 mai 1971 et la Convention générale de sécurité
sociale du 28 mai 1979.

4-La coopération « tout azimut »


L’effondrement du mur de Berlin accélère la
« décommunisation » de l’Europe de l’Est et, allié à des
facteurs internes, crée les conditions d’évolution des régimes
politiques des Etats africains qui, à l’issue des transitions
démocratiques, deviennent multipartistes223. Ce nouvel
environnement contribue, une fois de plus, à la détermination
de nouveaux objectifs en matière de politique étrangère, ainsi
qu’à la diversification des partenaires de la République du
Congo. Contenus dans le Projet de Société de Son Excellence
Monsieur Denis Sassou Nguesso, président de la République,
Le Chemin d’Avenir, De l’espérance à la prospérité 2009-
2016, ceux-ci visent la modernisation de l’outil diplomatique
et la promotion de la diplomatie au service du développement.
La nouvelle politique étrangère de la République du Congo
s’attelle à moderniser, rationaliser l’outil diplomatique et
élargir la carte diplomatique ; à contribuer à l’accélération du
processus d’intégration sous-régionale ; à engager la
diplomatie au service du développement et à renforcer la
coopération avec les partenaires bilatéraux et multilatéraux et,

222
Article 9 du Traité d’Amitié et de Coopération du 13 mai 1981.
223
Voir, G. Conac (dir), 1993, L’Afrique en transition vers le pluralisme
politique, Paris, Economica, 516 p.

- 463 -
à participer, de manière active, à la construction de l’Union
africaine et de l’intégration de l’Afrique. A cette fin, plusieurs
initiatives seront menées, notamment l’ouverture de nouveaux
postes diplomatiques et consulaires dans tous les pays du G8 et
dans les pays émergents, la mise en œuvre de projets d’intérêt
régional retenus dans le cadre de la Communauté Economique
et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), de la
Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale
(CEEAC) et du Nouveau partenariat pour le développement de
l’Afrique (NEPAD), la gestion apaisée des relations du Congo
avec ses voisins, le soutien au processus d’intégration et de
développement de l’Afrique et l’engagement permanent sur la
scène internationale.

II. La coopération multilatérale

Le rayonnement de la République du Congo et l’efficacité


de sa diplomatie se traduisent notamment par l’accréditation
de nombreuses missions au Congo224 et l’ouverture de
nombreux postes diplomatiques et consulaires à l’étranger225.
La coopération multilatérale est ici examinée dans le cadre
spécifique de l’Organisation des Nations unies et des
institutions spécialisées.

1. Le Congo et l’Organisation des Nations unies


L’admission à l’Organisation des Nations unies est perçue
par tout nouvel Etat comme un signe de la reconnaissance de
sa qualité de sujet de droit international. Aussi, l’un des
premiers actes posés, après l’organisation des rapports avec
l’ancienne puissance coloniale, consiste-t-il à accéder à
224
Au 15 juin 2010, sont présents en République du Congo 46 Ambassades,
8 Consulats généraux et 28 Consulats honoraires.
225
Au 15 juin 2010, le Congo a ouvert à l’étranger 37 Ambassades, 2
Consulats généraux et 44 Consulats honoraires.

- 464 -
l’organisation internationale afin de participer aux différents
organes et de poursuivre la réalisation de ses buts.

2. L’admission à l’organisation mondiale


L’admission de la République du Congo à l’ONU résulte de
la demande d’admission, assortie d’une déclaration226,
adressée à l’Assemblée générale de l’Onu et soutenue, en
même temps que celle de quatorze autres Etats227, par la
France228 et la Tunisie, C’est ainsi que, conformément à
l’article 4 de la Charte de l’ONU, le Conseil de Sécurité
recommande l’admission de la République du Congo à
l’ONU229, le 23 août 1960. Celle-ci intervient le 20 septembre
1960 suite au vote de la résolution n° 1486 (XV) de
l’Assemblée générale de l’ONU. La résolution n° 1486 (XV)
du 20 septembre 1960 de l’Assemblée générale de l’ONU est
ainsi libellée :

1486 (XV) Admission de la République du Congo


(Brazzaville) à l’Organisation des Nations unies.
L’Assemblée générale,

226
La déclaration de la République du Congo, par laquelle elle accepte les
obligations de la Charte, figure dans le document enregistrée le 20
septembre 1960 sous le numéro 5362, in RTNU, vol. 375, p. 111.
227
Il s’agit du Cameroun, de la République du Togo, du Mali, de
Madagascar, de la Somalie, du Congo-Léopoldville, du Dahomey, du
Niger, de la Haute-Volta, de la Côte d’Ivoire, du Tchad, du Gabon, de
la République centrafricaine et de Chypre.
228
Dans l’article 6 de l’Accord de coopération en matière de politique
étrangère du 15 août 1960, la France prend l’engagement de soutenir la
candidature du Congo à l’ONU et à ses institutions spécialisées.
229
Cette question est inscrite au vingtième point de l’ordre du jour de
l’Assemblée générale relatif à l’admission de nouveaux Etats membres à
l’ONU. La décision d’admission de la République du Congo est prise
durant la 864ème séance plénière. Voir, Assemblée générale, Documents
officiels, 15ème session, 864ème séance plénière, 20 septembre 1960, 16 p.

- 465 -
Ayant reçu la communication du Conseil de Sécurité,
en date du 23 août 1960, recommandant l’admission
de la République du Congo (Brazzaville) à
l’Organisation des Nations unies,
Décide d’admettre la République du Congo
(Brazzaville) à l’Organisation des Nations unies.

3. La participation aux organes de l’ONU


L’adhésion à la Charte de l’ONU implique l’admission à
l’Organisation des Nations unies et à la Cour internationale de
Justice, organe judiciaire principal des Nations unies230. Il en
résulte ipso facto nombre de droits et de devoirs, notamment
celui de participer aux différents organes de l’ONU ainsi que
l’obligation de contribuer au budget de l’organisation.
L’installation d’une mission permanente du Congo aux
Nations unies à New York231, à Genève232 et à Nairobi233 à
partir de 1960, marque la volonté du nouvel Etat de participer
aux activités de l’organisation et d’en assurer le suivi. Durant
les sessions ordinaires ou extraordinaires de l’Assemblée

230
Article 92 de la Charte de l’ONU.
231
Depuis sa création, la mission permanente du Congo auprès des
Nations unies a connu plusieurs Ambassadeurs, représentants
permanents du Congo auprès des Nations unies, à New York. Il s’agit
de : leurs Excellences Emmanuel Dadet (1960-1964), Jonas Mouanza
(1964-1968), Alphonse Ongagou (1968-1969), Nicolas Mondjo (1970-
1985), Martin Adouki (1985-1992), Daniel Abibi (1993-1997), Basile
Ikouébé (1998-2007) et Raymond Serge Bale (2008-).
232
La mission permanente du Congo auprès des Nations unies à Genève
est ouverte depuis l’année 1993. Ont été Ambassadeurs représentants
permanents de la République du Congo, leurs Excellences Messieurs
Jean Nzikou, Roger Julien Menga et Luc Joseph Okio.
233
La mission permanente du Congo auprès de l’Office des Nations unies
à Nairobi est ouverte le 31 mai 2010. La représentation est le fait du
Ministre Conseiller, Chargé d’Affaires par intérim, M. Jean Pierre
Ossey.

- 466 -
générale de l’ONU, la Mission permanente du Congo auprès
des Nations unies bénéficie de l’appui de délégations en
provenance de Brazzaville, parfois conduites par le président
de la République, Chef de l’Etat, qui prennent part aux travaux
de l’Assemblée générale de l’ONU.
La République du Congo mène une diplomatie active dans
le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies dont
l’efficacité est reconnue par ses pairs. Son affiliation à divers
groupes de solidarité et son engagement politique sont connus.
L’on peut citer notamment le « groupe de Brazzaville » formé
par les Etats francophones, au lendemain de leur accession à
l’indépendance, et qui comprend le Congo-Brazzaville, le
Cameroun, la Côte-d’Ivoire, le Dahomey, le Gabon, la Haute-
Volta, Madagascar, la Mauritanie, le Niger, la République
centrafricaine, le Sénégal et le Tchad. Le Rwanda et le Togo
sont membres associés à partir de 1963. Ces Etats adoptent aux
Nations Unes une démarche singulière face aux Etats afro-
asiatiques. Lors du vote sur la crise algérienne, ils marquent
leur solidarité avec la France. Ils se distinguent des autres Etats
africains lors de l’examen de la question du Congo à l’ONU.
On ne saurait ne pas déplorer que cette diplomatie
remarquable ne lui ait pas valu la désignation quinquennale à
la présidence de l’Assemblée générale de l’ONU lors de la
dernière session, les Etats membres ne lui ayant confié que le
poste de vice-président234.

234
Les Etats africains ont assuré une dizaine de fois la présidence de
l’Assemblée générale de l’ONU. A ce jour, ont présidé l’Assemblée
générale de l’ONU, M. Mongi Slim, tunisien, en 1961, lors de la 16ème
session ; M. Alex Quaison-Sackey, ghanéen, en 1964, lors de la 19ème
session ; Madame Angie E. Brooks, libérienne, en 1969, lors de la
24ème session ; M. Abdelaziz Bouetiflika, algérien, en 1974, lors de la
29ème session ; M. Salim A Salim, tanzanien, en 1979, lors de la 34ème
session ; M. Paul J.F. Lusaka, zambien, en 1984, lors de la 39ème
session ; M. Joseph Nanven Garba, nigérian, en 1989, lors de la 44ème

- 467 -
La qualité de membre à part entière habilite la République
du Congo à être désigné en qualité de membre non permanent
du Conseil de Sécurité en application de l’article 23 de la
Charte. Alors que de nos jours, de nombreux Etats n’ont pas
été élus par l’Assemblée générale en cette qualité235, il faut
s’auréoler du fait que le Congo a, deux fois de suite, été élu
membre non permanent du Conseil, la première fois, en 1986
et la seconde fois, en 2006. Ce qui atteste de la confiance et de
l’estime dont bénéficie notre pays aux niveaux régional et
universel.
En même temps, il convient de déplorer le fait que l’Afrique
n’ait que la possibilité de désigner trois membres non
permanents au Conseil de Sécurité de l’ONU mais surtout
qu’elle ne dispose pas de siège permanent au Conseil de
Sécurité. Aussi, lors du dernier Sommet Afrique - France qui
s’est tenu à Nice du 31 mai au 1er juin 2010, le président de la
République du Congo, exprimant ainsi le point de vue de
l’Union africaine, a déclaré que la réforme du Conseil de
Sécurité devrait comporter deux postes de membres non
permanents pour l’Afrique. Ce à quoi, le Président français a
répondu en déclarant le soutien de la France « pour un poste
permanent au Conseil de Sécurité ». L’Afrique doit en effet
s’organiser au sein des Nations unies afin que la question de la
démocratisation avance et que sa résolution aboutisse aux
amendements de la Charte, tant attendus et si nécessaires.

session ; M. Amara Essy, ivoirien, en 1994, lors de la 49ème session ;


M. Theo Ben Gurirab, namibien, en 1999, lors de la 54ème session ; M.
Jean Ping, gabonais, en 2004, lors de la 59ème session et le Docteur Ali
Abdussalam Treki, libyen, en 2009, lors de la 64ème session.
235
Dix pays africains n’ont jamais été membres du Conseil de Sécurité. l
s’agit de : la République centrafricaine, des Comores, la Guinée
équatoriale, l’Erythrée, le Lesotho, le Malawi, Sao Tomé et Principe,
les Seychelles, le Swaziland et le Tchad.

- 468 -
Le Conseil économique et social est l’organe chargé des
questions relatives au développement économique, social et
culturel. Il comprend cinquante membres élus par l’Assemblée
générale de l’ONU pour une période de trois ans. Le Congo a
été plusieurs fois élu membre du Conseil économique et social,
ce qui lui a permis de contribuer utilement à la détermination
des choix de l’ONU dans le secteur déterminant du
développement économique et social.
Depuis son accession à l’indépendance, la République du
Congo est un Etat pacifique qui établit des relations de bon
voisinage avec les Etats frontaliers, procède à la prévention et
au règlement pacifique de ses différends internationaux.
En illustration, la République du Congo a notamment
conclu le Pacte de non-agression entre la République du
Congo et la République démocratique du Congo du 29
décembre 1998, l’Accord sur la création d’une commission
conjointe tripartite en matière de sécurité le long des frontières
communes entre la République d’Angola, la République du
Congo et la République démocratique du Congo du 3
décembre 1999, l’Accord sur la question des réfugiés et des
déplacés de guerre entre la République d’Angola, la
République du Congo et la République démocratique du
Congo du 3 décembre 1999, l’Accord sur l’établissement et la
circulation des personnes et des biens entre la République
d’Angola, la République du Congo et la République
démocratique du Congo du 3 décembre 1999, l’Accord-cadre
de coopération en matière de sécurité entre la République
d’Angola, la République du Congo et la République
démocratique du Congo du 3 décembre 1999, l’Accord en
matière de formation entre la République d’Angola, la
République du Congo et la République démocratique du
Congo du 3 décembre 1999 et, le Protocole d’accord sur la
paix, la sécurité et la stabilité entre la République d’Angola, la

- 469 -
République du Congo et la République démocratique du
Congo du 15 janvier 2003.

Bien que partie au Statut de la Cour internationale de


Justice, le Congo n’a pas formulé, à l’instar de nombreux
Etats, de déclaration facultative d’acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour, en application de l’article 36
paragraphe 2 du Statut de la Cour. Aussi, toute saisine de la
Cour suppose-t-elle, au préalable, le consentement des Etats
concernés au moyen d’un compromis ou d’une requête de l’un
des Etats fondée sur le consentement présumé de l’autre Etat.
C’est sur ce fondement que le Congo saisit, le 9 décembre
2002, au moyen d’une requête unilatérale fondée sur le
consentement présumé de la France236, la Cour internationale
de Justice du différend qui l’oppose à la France relatif à
certaines procédures pénales engagées en France. La France
accepte expressément l’exercice de la compétence de la Cour
internationale de Justice, par lettre datée du 8 avril 2003 de son
Ministre des affaires étrangères, transmise au greffe de la
Cour, le 11 avril 2003. Dans ses conclusions tendant à
l’indication de mesures provisoires, le Congo allègue que la
France aurait méconnu sa souveraineté d’une part, en
s’attribuant unilatéralement une compétence universelle en
matière pénale et en s’arrogeant le pouvoir de faire poursuivre
et juger le Ministre de l’intérieur d’un Etat étranger et, en ne
reconnaissant pas l’immunité pénale d’un Chef d’Etat
étranger, d’autre part. Par conséquent, le Congo demande à la
Cour d’obtenir de la France l’annulation des actes
d’instruction et de poursuite accomplis sur son territoire. La
Cour, dans son ordonnance du 17 juin 2003, observe que les
procédures engagées ne créent pas de préjudice irréparable. Et

236
Cette procédure figure à l’article 38, paragraphe 5, du Règlement de la
Cour internationale de Justice.

- 470 -
que par conséquent, les circonstances ne sont pas de nature à
justifier l’indication de mesures conservatoires237. Enfin,
malgré l’existence de juristes qualifiés et chevronnés, la
République du Congo, depuis son accession à l’indépendance,
n’a pas encore bénéficié de l’élection d’un juge à la Cour
internationale de Justice.

La sous représentativité actuelle de la République du Congo


dans la fonction publique internationale devrait être corrigée
par une politique plus volontariste de sélection et de soutien
des candidatures congolaises.

De manière générale, au sein de l’Organisation des Nations


unies, le Congo s’est attelé à la réalisation des buts de
l’organisation universelle dans les domaines du maintien de la
paix et de la sécurité internationales, de l’autodétermination
des peuples coloniaux, du développement économique et
social et du respect des droits de la personne humaine.

Victime de conflits internes entre 1993 et 2003, il a


bénéficié de l’assistance multiforme de l’organisation ainsi que
de ses institutions spécialisées, avec lesquelles, en période
normale, il entretient des relations de coopération.

4. Le Congo, les institutions spécialisées et les organismes


rattachés
La République du Congo appartient aux quinze institutions
spécialisées de l’ONU et est membre, depuis 2009, de

237
Cf Cour internationale de Justice, Ordonnance du 17 juin 2003.
Certaines procédures pénales engagées en France (République du
Congo contre France). Cette ordonnance est rendue par quatorze juges
favorables et un Juge contre. Les juges Koroma et Vereshchetin
soumettent des opinions individuelles et le juge ad hoc de Cara, une
opinion dissidente.

- 471 -
l’Agence internationale pour l’Energie Atomique (AIEA)238.
Ces institutions contribuent de manière déterminante à son
développement économique et social.
Elles interviennent dans divers domaines sectoriels et
apportent des appuis multiformes à la République du Congo
sous forme de prêts, de financement de projets et d’assistance
technique. La coordination de ces activités par le Programme
des Nations unies pour le Développement (PNUD) dans le
cadre du Plan d’Action du Programme Pays 2009-2013 et du
Cadre de coopération de pays 2009-2013 évite le
chevauchement et la duplication de compétences ainsi que la
perte des ressources disponibles. C’est dans ce cadre que sont
fixées les priorités pour le Congo pour lesquelles le soutien de
l’ONU et de la société internationale est sollicité et qui font
l’objet de programmes. Il s’agit de la bonne gouvernance, de
l’appui à la lutte contre la pauvreté, de l’énergie et de
l’environnement et de la prévention des crises et du
relèvement. Auxquels s’ajoutent le genre, les nouvelles
technologies de l’information et de la communication et le
VIH/Sida239.

L’admission du Congo dans les institutions spécialisées


s’opère à des périodes différentes. Dans un premier temps, le
nouvel Etat devient membre de l’Organisation des Nations

238
Bien qu’étant partie, par succession d’Etats, depuis le 15 octobre
1962, à la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies
du 13 février 1946, le Congo n’a pas ratifié la Convention des Nations
unies sur les immunités des institutions spécialisées du 21 novembre
1947 et ses treize annexes.
239
Les priorités pour le Congo ont été établies de manière concertée sur
la base des conclusions du Document de Stratégie de Réduction de la
Pauvreté (DSRP). Voir sur ce point, Conseil d’Administration du
PNUD, Projet descriptif du programme pays pour la République du
Congo (2009-2013), 16 juillet 2008, 8 p.

- 472 -
unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), de
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), de l’Organisation
internationale du travail (OIT), de l’Organisation
météorologique mondiale (OMM) et de l’Organisation des
Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), de
l’Union internationale des télécommunications (UIT), de
l’Union postale universelle (UPU), de l’Organisation de
l’Aviation Civile Internationale (OACI) et des institutions
financières internationales (Banque mondiale, Fonds
monétaire international).
Il adhère tardivement à l’Organisation maritime
internationale (OMI), à l’Organisation des Nations unies pour
le développement industriel (ONUDI), à l’Organisation
Mondiale du Tourisme (OMT), à l’Organisation Mondiale du
Commerce (OMC) et à l’Agence internationale pour l’Energie
Atomique (AIEA).
La promotion du développement économique, social et
culturel et la lutte contre la pauvreté justifient l’adhésion de la
République du Congo aux nombreuses conventions élaborées
sous les auspices des institutions spécialisées.
Le Congo est membre de l’Organisation des Nations unies
pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), depuis le
24 octobre 1960, avec laquelle elle entretient une coopération
fructueuse dans les domaines de l’éducation, de la science et
de la culture. Le Congo a été plusieurs fois membre du Conseil
exécutif de l’UNESCO240 et il participe à de nombreux
organes subsidiaires241. Il a été, en outre, élu le 7 février 2003,

240
Il est représenté au Conseil exécutif de l’UNESCO par Levy Makany
de 1968 à 1974, Hilaire Bouhoyi, de 1985 à 1989, Antoine Ndinga
Oba, de 1998 à 2005 et Jean Marie Adoua depuis 2010.
241
Le Congo a été membre du Conseil international de coordination du
Programme sur l’homme et la biosphère, du Conseil
intergouvernemental du programme international, du Conseil
intergouvernemental du programme gestion des transformations

- 473 -
président du groupe africain de l’UNESCO par les
ambassadeurs africains réunis au siège de l’UNESCO. Dans le
cadre de cette mission, il assure la coordination des relations
entre les pays d’Afrique et l’UNESCO242.
Le Congo qui a ratifié plusieurs conventions élaborées sous
les auspices de l’organisation243, a bénéficié de l’aide post-
conflit de l’UNESCO. Il participe à l’initiative Education pour
tous (EPT)244, à l’initiative pour la formation des enseignants

sociales, du Conseil intergouvernemental pour le développement de la


communication, du Comité du siège et de la Commission
océanographique intergouvernementale. En 2010, le Congo préside
avec Henri Djombo, le Conseil international de coordination du
Programme sur l’homme et la biosphère, il est membre du Comité de
siège, jusqu’en 2012, et membre de la Commission océanographique
intergouvernementale.
242
C’est Antoine Ndinga Oba qui est Ambassadeur et Représentant du
Congo auprès de l’UNESCO à cette date.
243
Il s’agit, entre autres, de l’Accord visant à faciliter la circulation
internationale du matériel visuel et auditif de caractère éducatif,
scientifique et culturel du 10 décembre 1948, de l’Accord pour
l’importation d’objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel du
22 novembre 1950 et de la Convention internationale sur la protection
des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de
phonogrammes et des organismes de radiodiffusion du 26 octobre
1961.
244
La Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous est adoptée par la
Conférence de Jomtien du 5 au 9 mars 1990 afin d’assurer à tous
l’universalité du droit à l’éducation pour l’an 2000 en maîtrisant les
diverses contraintes qui constituent un frein aux efforts entrepris en
matière d’éducation. Le cadre d’action de Dakar ″L’Education pour
tous : tenir nos engagements collectifs″ adopté lors du Forum mondial
sur l’éducation de Dakar du 26 au 28 avril 2000, renouvelle les
engagements pris à l’horizon 2015. Voir sur ce point, le Rapport
National du Congo, Education pour tous : Bilan à l’an 2000,
disponible sur www.unesco.org/education/wef/country reports/ Congo/
contents.html.

- 474 -
en Afrique subsaharienne (TTISSA)245 et au projet sur la
formation pour les enseignants en sciences. L’UNESCO
contribue au Festival panafricain de musique (FESPAM) qui
se déroule tous les deux ans.
Le Congo a soumis à l’UNESCO une liste de quatre sites
soumis à la liste indicative du patrimoine mondial. Il s’agit
de l’ancien port d’embarquement des esclaves de Loango, du
domaine royal de Mbé, du Parc National d’Odzala Kokoua et
du Parc National de Nouabale Ndoki. Il dispose actuellement
de deux réserves de la biosphère à Dimonika et à Odzala
Kokoua.

Membre de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)


depuis le 26 octobre 1960, le Congo abrite, depuis la période
coloniale, le Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique.246 La
décision d’installer le Bureau régional de l’OMS pour la zone
Afrique à Brazzaville est prise par le Conseil exécutif de
l’OMS en juin 1951. La Convention relative à l’installation du
Bureau régional en Afrique est signée par Maurice Schuman,
Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, à Paris le 1er août
1952, et par Brock Chisholm, Directeur général de l’OMS, à
Genève, le 23 juillet 1952. L’accord de siège est conclu le 20
août 1952 par le Gouverneur Cédile, Secrétaire général de
l’Afrique équatoriale française (AEF) et le Docteur
Cambournac, premier Directeur général de l’OMS pour

245
L’initiative pour la formation des enseignants en Afrique
subsaharienne vise, sur la période 2006-2015, à améliorer l’accès, la
qualité et l’équité de l’éducation au moyen d’une qualité et une quantité
accrues du corps enseignant en Afrique.
246
Sur la genèse du Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, voir P.
Mouhouélo, 2003-2004, De la bibliothèque manuelle à la bibliothèque
hybride : cas du Centre de documentation de l’OMS Afro, Mémoire de
Maîtrise, Faculté des lettres et de sciences humaines, Université Marien
Ngouabi de Brazzaville.

- 475 -
l’Afrique. Lors de son accession à l’indépendance, le Congo
succède à la France dans l’accord de siège qui le lie à l’OMS.
L’OMS constitue un partenaire précieux de la République du
Congo dans le cadre de la lutte contre les maladies et les
épidémies ; ce qui contribue à l’amélioration de la prise en
charge et de la santé des populations.
La coopération avec l’Organisation mondiale de la Santé
(OMS) s’exécute dans le cadre de la Stratégie de coopération
de l’OMS avec le Congo qui, pour la période 2008-2013247,
comprend cinq axes stratégiques :

- l’amélioration de la performance des services, y compris


les programmes de santé ;
- la réduction de la mortalité maternelle et l’amélioration
de la survie de l’enfant ;
- la réduction de la charge de la morbidité et de la
mortalité attribuée au paludisme, à la tuberculose, au VIH/Sida
et aux autres maladies transmissibles ;
- le renforcement des capacités de préparation et de
réponse aux épidémies et autres situations d’urgence et ;
- le renforcement du partenariat et des mécanismes de
coordination des interventions ainsi que la mobilisation des
ressources.

L’extension, au moyen de la clause coloniale, de


nombreuses conventions internationales du travail au
Territoire du Moyen-Congo248, à l’instar d’autres territoires

247
Organisation mondiale de la Santé, Stratégie de l’OMS avec le pays
2009-2013, Congo, 2009, 49 p.
248
Avant son accession à l’indépendance, de nombreuses conventions
internationales du travail étaient applicables au Moyen-Congo
conformément à l’article 35 de la Constitution de l’OIT qui dispose que
les Etats membres de l’OIT sont tenues d’appliquer les conventions
qu’ils ratifient aux territoires non métropolitains et pour l’exécution

- 476 -
non métropolitains, a contribué à l’amélioration des conditions
de travail et à des progrès sociaux, dans les colonies. Aussi,
lors de son accession à l’indépendance, le nouvel Etat, qui
décide d’adhérer à l’Organisation internationale du travail
(OIT) le 10 novembre 1960249, se trouve-t-il face à une
alternative, succéder ou non à la France à l’égard des
conventions internationales du travail. Le premier élément de
l’alternative garantirait les acquis constitués par les travailleurs
et les organisations professionnelles, tandis que le second les
remettrait en question et pourrait être assimilé à un château de
cartes qui s’écroule250. Lors de son adhésion à l’OIT, le Congo
reconnaît être lié par les obligations découlant des conventions
internationales déclarées applicables à son territoire par la
France251, sous réserve de certaines conventions générales pour
lesquelles il recourra à l’adhésion.. Pour certaines conventions
internationales du travail, le Congo succède à la France. Il
s’agit de: la Convention n° 6 sur le travail de nuit des enfants
(industrie) du 28 novembre 1919, de la Convention n° 11 sur
le droit d'association (agriculture) du 12 novembre 1921, de la
Convention n° 13 sur la céruse (peinture) du 9 novembre 1921,
de la Convention n° 14 sur le repos hebdomadaire (industrie)
du 17 novembre 1921, de la Convention n° 26 sur les
méthodes de fixation des salaires minima du 16 juin 1928, de

desquelles ils adressent des rapports au Bureau international du Travail.


Toutefois ils peuvent procéder à des modifications afin de les adapter
aux conditions locales. Conférence internationale du Travail, 45ème
session, Genève, 1961, Rapport III, Partie IV, pp. 253-346, Aspects
d’évolution sociale dans les territoires et anciens territoires non
métropolitains.
249
Le Congo a ratifié, le 23 août 2002, l’Instrument portant amendement
de la Constitution de l’OIT du 19 juin 1997.
250
Voir F. Wolf, 1961, « Les conventions internationales du travail et la
succession d’Etats », AFDI, p. 745.
251
Ibidem.

- 477 -
la Convention n° 33 sur l’âge minimum (travaux non
industriels) du 30 avril 1932 et de la Convention n° 41 révisée
du travail de nuit des femmes du 19 juin 1934. Bien que la
France ait reconnu applicables au territoire du Moyen-Congo
certaines conventions internationales du travail, le nouvel Etat
décide souverainement d’y adhérer ; il s’agit de: La
Convention n° 4 sur le travail de nuit des femmes du 28
novembre 1919, de la Convention n° 5 sur l'âge minimum (cas
industrie) du 28 novembre 1919, la Convention n° 81 sur
l'inspection du travail dans l’industrie et le commerce du 11
juillet 1941, de la Convention n° 87 sur la liberté syndicale et
la protection du droit syndical du 9 juillet 1948, la Convention
n° 89 sur le travail de nuit des femmes (révisée) du 9 juillet
1948, la Convention n° 95 sur la protection du salaire (révisée)
du 1er juillet 1949, la Convention n° 98 sur le droit
d’organisation et de négociation collective du 1er juillet 1949,
la Convention n° 100 sur l’égalité de rémunération du 29 juin
1951, la Convention n° 105 sur l'abolition du travail forcé du
25 juin 1957 et la Convention n° 111 concernant la
discrimination (emploi et profession) du 25 juin 1958.
Conformément à l’article 22 de la Constitution de l’OIT, le
Congo a soumis au Bureau international du Travail (BIT) des
rapports en application des conventions auxquelles il est lié252.
Mais il n’a pas présenté, en application de l’article 19 de la
Constitution de l’OIT, de rapports relatifs aux conventions non
ratifiées, ni indiqué les raisons pour lesquelles il ne les a pas
ratifiés, ni les obstacles qui s’y opposent ou qui en retardent la

252
Les rapports concernent les conventions n° 13, 14, 26, 29, 81, 87, 89,
95, 98, 100, 105, 111, 119, 138, 144, 149, 150, 152 et 182, in
Commission de l’Application des normes, 2005, Observations et
informations concernant certains pays, troisième partie, OIT, Genève,
p. 92.

- 478 -
ratification253, malgré l’engagement pris par son représentant
de respecter ses obligations constitutionnelles254.

La succession de la République du Congo à la France


détermine aussi l’affiliation du Congo à l’Organisation
météorologique mondiale (OMM), et à l’Organisation
mondiale pour la propriété intellectuelle (OMPI).

La France participe à la Conférence diplomatique de


Washington dont les travaux s’achèvent, le 11 octobre 1947,
par la création de l’Organisation météorologique mondiale. En
vertu de la clause coloniale, elle décide d’appliquer la
Convention portant création de la nouvelle institution aux
territoires non métropolitains. Par conséquent, avant son
accession à l’indépendance, la République du Congo bénéficie
des diverses prestations en matière d’observations et de
services météorologiques. Toutefois, la République du Congo
refuse de succéder automatiquement à la France et décide
souverainement d’adhérer à l’institution le 21 novembre 1960.
Le Congo est membre de diverses commissions de
l’Organisation météorologique mondiale 255. Il s’agit de : la
Commission des systèmes de base, la Commission des
instruments et méthodes d’observation, la Commission des
sciences de l’atmosphère, la Commission de météorologie
agricole, la Commission technique mixte d’océanographie et
de météorologie maritime, la Commission d’hydrologie et la
Commission de climatologie.

253
Commission de l’Application des normes, 2005, Rapport général,
Première Partie, p. 39, paragraphe 149.
254
Ibidem.
255
Voir, Organisation météorologique mondiale (OMM), 2009,
Composition de l’OMM, octobre, 296 p.

- 479 -
La participation à l’Organisation des Nations unies pour
l’alimentation et l’agriculture (FAO)256, contribue, à compter
du 9 novembre 1961, à l’amélioration des niveaux de nutrition,
l’augmentation de la productivité agricole, de la qualité de vie
des populations rurales et au développement de l’économie
mondiale. L’objectif de sécurité alimentaire pour tous est
poursuivi dans le cadre du Programme national pour la sécurité
alimentaire (PNSA). La coopération très intense menée avec la
FAO permet au Congo de bénéficier de multiples
financements de portée nationale et sous régionale. En 2010,
plusieurs projets sont en cours, il s’agit de :

- programme spécial de sécurité alimentaire (2005-2010)


SPFP/ARC/2201 d’un montant de 873,607 millions de
dollars ;
- appui à l’élaboration d’une stratégie pour un
développement durable de la pêche et de l’aquaculture (2008-
2010) TCP/PRC/3201 d’un montant de 329,000 millions de
dollars.
- appui en matière de contrôle des normes et de la qualité
des produits alimentaires (2009-2010) d’un montant de 72,000
millions de dollars ;
- assistance d’urgence pour le contrôle de la peste porcine
africaine (PPA au Congo (2009-2010) TCP/PRC/3202 BABY
02 d’un montant de 93,975 millions de dollars ;
- système d’alerte précoce à l’érosion pluviale et à la
dégradation des terres à Brazzaville (2009-2010)
TCP/PRC/3202 BABY 03 d’un montant de 375,716 millions
de dollars ;
256
Le Congo a ratifié diverses conventions conclues sous les auspices de
la FAO. Il s’agit notamment de : la Convention internationale pour la
protection des végétaux du 3 décembre 1951 et du Traité international
sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture
du 3 novembre 2001.

- 480 -
- appui à l’évaluation des ressources en arbres et forêts –
Phase II du Projet TCP/PRC/3101 (2009-2010) d’un montant
de 90,000 millions de dollars ;
- analyse sous régionale de la flambée des prix (ISFP)
TCP/RAF/3203 BABY 01 (2008-2010) d’un montant de
115,608 millions de dollars ;
- atelier sous régional sur les biocarburants (2008-2009)
TCP/RAF/3203 BABY 02 d’un montant de 115,608 millions
de dollars ;
- appui au Comité sous régional des pêches du Golfe de
Guinée (COREP) pour la préparation d’un plan d’action
stratégique et d’un programme régional de promotion de la
pêche 2009-2010 TCP/RAF/3217 d’un montant de 123,050
millions de dollars.
- formulation d’un programme d’action et des outils de
mise en œuvre pour la gestion durable des pêches et de la
sécurité alimentaire dans le bassin du fleuve Congo
TCP/RAF/33.3 (2010-2011) d’un montant de 430,000 millions
de dollars.

Peu de temps après son accession à l’indépendance, le


Congo intègre l’Union internationale des télécommunications
(UIT), l’Union postale universelle (UPU), l’Organisation de
l’Aviation Civile Internationale (OACI), l’Organisation
Mondiale du Commerce (OMC) et l’Organisation Mondiale du
Tourisme (OMT) qui lui permettent d’intensifier sa
coopération dans les domaines de l’aviation civile
internationale, la protection intellectuelle, le développement
industriel, les télécommunications, le commerce et le tourisme.

L’Union internationale des télécommunications (UIT)


contribue à l’amélioration, à l’utilisation rationnelle des
télécommunications et à la mise au point d’installations

- 481 -
techniques destinées à améliorer l’efficacité des services de
télécommunications.
La coopération du Congo avec l’Union internationale des
télécommunications est fructueuse. L’Union postale
universelle (UPU) assure un rôle de conseil, de médiation et de
liaison entre les Etats et les services postaux. A ce titre, elle
fixe au moyen de sa Constitution, de ses protocoles
additionnels, du Règlement général et de la Convention postale
universelle diverses règles qui lient le Congo à compter de son
adhésion le 5 juillet 1961. Il est en 2010 membre de l’UPU qui
regroupe quarante et un pays membres.

Sa participation à l’Organisation de l’Aviation Civile


Internationale (OACI) date du 26 avril 1962. Elle assure
l’uniformisation de la réglementation, des normes et des
procédures relatives à l’aviation civile internationale257.

La République du Congo adhère aux institutions financières


chargées de promouvoir la coopération monétaire
internationale, de garantir la stabilité financière et de faciliter
les échanges. L’admission au Fonds monétaire international
(FMI) conditionne la participation à la Banque mondiale et aux
autres institutions financières internationales. C’est ainsi que le
10 juillet 1963, la République du Congo devient partie aux
Accords de Bretton Woods du 22 juillet 1944. L’adhésion à
l’Association internationale de développement (AID) s’opère
le 8 novembre 1963, à la Société financière internationale
(SFI), le 10 octobre 1980, à la Convention portant création de
l’Agence multilatérale de garantie des Investissements

257
L’adhésion à la Convention relative à l’aviation civile internationale
(OACI) du 7 décembre 1944 s’opère en même temps que l’adhésion à
l’Accord sur le transit des services aériens et l’Accord sur le transport
aérien international.

- 482 -
(AMGI), le 5 juillet 1990 et, à la Convention pour le règlement
des différends relatifs aux investissements entre Etats et
ressortissants d’autres Etats (CRDI), le 23 juillet 1966.
Le Congo entretient une coopération intense avec la Banque
mondiale. A la date du 17 septembre 2008, le portefeuille de la
Banque de Brazzaville s’élève à 172 millions de dollars
américains dont 144 millions sous forme de don au titre de
sept projets. Il s’agit du Projet de renforcement des capacités,
de transparence et de gouvernance (projet PRCG 62) 2008-
2012 de quinze millions de dollars, du Projet d’urgence de
relance et d’appui aux communautés (PURAC) 2003-2008,
quarante et un millions de dollars, du Projet de lutte contre le
VIH/SIDA et de Santé (PLVSS) 2004-2009, dix-neuf millions
de dollars, du Projet d’appui à l’éducation de base
(PRABASE) 2005-2008, vingt millions de dollars, du
Programme national de désarmement, démobilisation et
réinsertion des ex-combattants (PNDDR) 2006-2009, dix-sept
millions de dollars, du Projet de Développement agricole et de
Réhabilitation des pistes (PDARP) 2008-2013, vingt millions
de dollars et du Projet sectoriel de développement du secteur
de la santé (PDSS) 2008-2012, quarante millions de dollars.

Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale


lancent en 1996 « l’initiative pays pauvres très endettés » qui
permet d’alléger la dette excessive des Etats et qui compromet
leurs possibilités de développement. L’allègement de la dette
contribue à la réduction de la pauvreté et permet de soutenir
les secteurs sociaux, notamment la santé et l’éducation ainsi
que les programmes favorables aux pauvres. Afin de bénéficier
de cette « initiative », l’Etat doit réduire la pauvreté au moyen
de réformes structurelles qui lui permettent, au stade initial,
d’être admis au point de décision après avoir notamment
élaboré un « Document de stratégie de réduction de la

- 483 -
pauvreté » (DSRP) sur la base d’un processus participatif aux
niveaux local et national.
Le point d’achèvement permet à l’Etat qui a réalisé de
bonnes performances, dans le cadre des programmes soutenus
par des prêts du Fonds monétaire international et de la Banque
mondiale, d’obtenir la réduction intégrale de sa dette.
Les Conseils d’administration de la Banque mondiale (BM)
et du Fonds monétaire international (FMI) approuvent,
respectivement, les 26 et 27 janvier 2010, le point
d’achèvement après le point de décision, effectif depuis le 8
mars 2006, qui lui permet de bénéficier d’un allègement total
du service de la dette de 1,9 milliards de dollars dont 1,7
milliards, dans le cadre de l’ « ’initiative Pays pauvres très
endettés » (PPTE) et, 201,3 millions, au titre de l’initiative
d’allègement de la dette multilatérale (IADM)258.
Le Congo est le 28è Etat à atteindre le point d’achèvement.
Dans un communiqué du Fonds monétaire international
(Communiqué de presse n° 10/20 du 28 janvier 2010), il
ressort que les autorités ont exécuté intégralement les mesures
liées à la stratégie nationale de réduction de la pauvreté, à la
stabilité macro-économique, à la gestion des finances
publiques et à la gouvernance du secteur pétrolier et les
réformes dans les secteurs de l’éducation et de la santé. La
dette congolaise est passée de 9,2 milliards de dollars
américains, fin 2004, à 2,4 milliards de dollars américains.

258
L’initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM) est instituée
par le G8 en 2005 lors du sommet de Gleneagles en Ecosse. Elle vise
l’annulation de la dette des pays très endettés notamment africains et la
fourniture de ressources supplémentaires aux pays bénéficiaires de
l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) afin de les aider à
atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
Cette initiative d’allègement de la dette multilatérale ne concerne que
l’Association internationale de développement (AID), le Fonds
monétaire international et le Fonds africain de développement.

- 484 -
Le Congo est membre du Centre pour le règlement des
différends relatifs aux investissements entre Etats et
ressortissants d’autres Etats (CIRDI) depuis le 23 juin 1966
dont il a ratifié les quatre règlements259.
Quatre requêtes contre la République du Congo ont été
soumises au CIRDI, dont deux ont été retirées260 et deux ont
débouché sur des sentences arbitraires261. En application de
l’article 54 (2) de la Convention de Washington du 8 mars
1965 instituant le CIRDI, le Congo a désigné le Tribunal de
Grande Instance de Brazzaville comme étant la juridiction
compétente en matière de reconnaissance et d’exécution des
sentences arbitrales rendues par le CIRDI262.

259
Il s’agit du Règlement administratif et financier, du Règlement de
procédure relatif à l’introduction des instances de conciliation et
d’arbitrage, du Règlement de procédure relatif aux instances de
conciliation et du Règlement de procédure relatif aux instances
d’arbitrage.
260
Il s’agit de la requête de la Société Kufpec (Congo) Limited contre
Republic of Congo (ICSID case n° ARB/97/2) du 27 janvier 1997,
retirée le 8 septembre 1997 et de la requête de Sancem international
ANS contre Republic of Congo (ICSID case n° ARB/06/12) du 17
juillet 2006, retirée le 10 juillet 2008, après un règlement amiable.
261
La procédure initiée par AGIP S.P.A contre People’s Republic of
Congo (ICSID case n° ARB/77-1) du 4 novembre 1997 a conduit à la
constitution du Tribunal arbitral le 18 juillet 1978 formé par Jǿgen
Trolle (Danemark), R.J. Dupuy (France), Fuad Rouhanni (Iran) qui a
rendu sa sentence arbitrale le 30 novembre 1979, voir, la Revue
critique de droit international privé, 1982, pp. 92-105. La requête de
SARL-Benvenuti et Bonfant contre République populaire du Congo
(ICSID Case n° ARB/77/2) du 15 décembre 1977 donne lieu à la
formation d’un Tribunal arbitral le 9 mai 1978, reconstitué le 6 juin
1978, composé de Jǿgen Trolle, Rudolf Bystrieky et Edulberg
Razafindialambo. La sentence arbitrale est rendue le 8 août 1980. Voir
Revue critique de droit international privé, 1982, pp. 379-382 et
Journal de droit international, 1981, pp. 365-370.
262
Voir sur ce point le document ICSID/8-E, p. 2.

- 485 -
La participation à l’Union de Paris et à l’Union de Berne, au
moyen de la succession d’Etats à la France263 précède
l’adhésion à la Convention instituant l’Organisation mondiale
pour la propriété intellectuelle (OMPI) le 2 septembre 1975.

L’accession à l’Organisation maritime internationale (OMI),


le 5 septembre 1975, et l’adhésion à de multiples conventions
contribuent à la sécurité du transport maritime, à la prévention
de la pollution par les navires, à la détermination des
responsabilités et à l’indemnisation ainsi qu’à la facilitation du
trafic maritime.

Membre de l’ONU, le Congo a participé activement aux


travaux de l’Organisation des Nations unies pour le
développement industriel (ONUDI), organe subsidiaire de
l’Assemblée générale de l’ONU avant sa transformation en
institution spécialisée264. Il adhère le 16 mai 1983 à la nouvelle
institution spécialisée.
Le Congo a bénéficié depuis son admission à l’Organisation
des Nations unies pour le développement industriel265
(ONUDI) du financement de quinze projets pour un montant
total de 1.290.836 dollars. On peut citer notamment,
l’assistance à la gestion stratégique au plan intégré de
développement industriel (PIDA), le projet d’appui à la mise

263
Le Congo succède à la France, le 8 mai 1962 à la Convention pour la
protection des œuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886 et à
la Convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques,
révisée à Bruxelles le 26 juin 1948.
264
Ph. Bretton, 1979, « La transformation de l’ONUDI en institution des
Nations unies », AFDI, pp. 567-578.
265
Le retard dans le paiement de ses contributions au titre des années
2002 à 2005, lui vaut une suspension de son droit de vote à l’ONUDI
en juillet 2005. Après paiement desdites cotisations, le Congo est
rétabli dans son droit.

- 486 -
en œuvre de la Convention de Stockholm sur les polluants
organiques persistants et le programme intégré de relance des
activités industrielles.

Le Congo devient membre de l’Organisation Mondiale du


Tourisme (OMT), instituée le 27 septembre 1970, le 29 juillet
1977. Membre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le
commerce (GATT), il accède à l’Organisation Mondiale du
Commerce (OMC) le 27 mars 1997.

L’appartenance au Fonds international de développement


agricole (FIDA), depuis le 27 juillet 1978, assure au Congo le
financement de multiples projets d’appui au développement
rural, à la commercialisation et aux initiatives locales, à la
pêche artisanale et au développement des cultures vivrières.
De 1983 à 1990, le Congo a bénéficié du financement de 4
projets à hauteur de 39.250.000 dollars.
La FIDA a financé depuis 1983, six projets à hauteur de
46,2 millions de dollars qui ont bénéficié à 97.573 ménages.
Le montant total de ces projets s’élève à 78,7 millions de
dollars. Trois opérations sont terminées et trois projets sont en
cours.
Pour les opérations terminées, il s’agit de :
- marketing et projet d’initiatives locales, 14,3 millions de
dollars, prêt FIDA, 7,7 millions de dollars au 12 décembre
1990 ;
- projet de développement de cultures alimentaires à
Kindamba, 4,7 millions de dollars, prêt FIDA, 2,2 millions de
dollars au 3 avril 1986 ;
- projets de pêche artisanale dans la Cuvette, 5,2 millions
de dollars, prêt FIDA : 3,1 millions de dollars au 20 avril 1983.

Pour les opérations en cours, il s’agit de :

- 487 -
- projet de développement rural dans la Likouala, le Pool et
la Sangha, 18,7 millions de dollars (total du montant accordé,
8,6 millions de dollars au 9 novembre 2009 ;
- projet de développement rural dans les secteurs du Niari, de
la Bouenza et de la Lékoumou, 20,8 millions de dollars, prêt
FIDA, 8,4 millions de dollars, date d’approbation, 20 avril
2006 ;
- projet de développement rural dans les Plateaux, Cuvette et
la Cuvette-Ouest, 15,2 millions de dollars, prêt FIDA, 11,9
millions de dollars, date d’approbation, 21 avril 2004.

La stratégie du FIDA au Congo est formulée dans le


Document de Stratégie, élaboré en 2002, qui vise la
restauration de la capacité de production, le soutien aux
agriculteurs et l’appui aux services sociaux de base, la
réhabilitation des infrastructures et l’amélioration de l’accès
aux services financiers. Cette approche intégrée tient compte
des aspects économiques et sociaux, des besoins en matière de
développement communautaire ainsi que de la gestion des
financements et des ressources naturelles.

C’est le 15 juillet 2009 que le Congo décide de devenir


membre de l’Agence internationale pour l’Energie Atomique
(AIEA), organisme placé sous l’égide des Nations unies.
Organisée par les statuts du 23 octobre 1956, l’AIEA est
chargée de contribuer à l’usage de l’énergie atomique en
faveur de la paix, de la santé et de la prospérité du monde. En
outre, elle est chargée de la mise en œuvre du traité de non-
prolifération des armes nucléaires266.
Afin d’assurer l’efficacité du traité de non-prolifération des
armes nucléaires du 1er juillet 1968, les Etats parties

266
Article II des Statuts de l’Agence internationale pour l’Energie
Atomique (AIEA) du 23 octobre 1956.

- 488 -
s’engagent, dans les dix-huit mois de leur adhésion, à conclure
avec l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (AIEA)
des accords de garantie en matière de vérification. Le Congo,
après son adhésion à l’AIEA, élabore un protocole additionnel
approuvé par le Conseil des gouverneurs de l’AIEA, le 7
septembre 2009 et qu’il a signé le 13 avril 2010, mais pas
ratifié à ce jour.

CONCLUSION

La République du Congo apparaît à l’issue de ce survol267


comme un membre actif et bien intégré du concert des nations.
Il convient de préciser que la République du Congo en sa
qualité de membre de l’ONU participe à de multiples
programmes et fonds institués par l’organisation. On peut citer
entre autres, le Programme des Nations unies pour le
Développement (PNUD), le Haut-Commissariat aux réfugiés
(HCR), le Programme alimentaire mondial (PAM), le Fonds
des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et le Fonds des
Nations unies pour la population (FNUAP). Le volontarisme
qui préside à la conduite de sa politique étrangère se traduit
notamment par des options diverses aux niveaux bilatéral et
multilatéral. Sur la base de ces acquis, et après cinquante ans
d’indépendance, l’avenir se présente chargé de promesses
auxquels le peuple congolais aspire légitimement et dont il
attend avec espérance la réalisation.

267
Voir sur ce point, D..E. Emmanuel-Adouki, 2007, Le Congo et les
traités multilatéraux, Paris, L’Harmattan, pp. 75-81.

- 489 -
CHAPITRE 16

LE CONGO DANS L’AFRIQUE: APERÇU GENERAL


DE POLITIQUE EXTERIEURE

par Pascal GAYAMA

INTRODUCTION

En tant que champ d’action immédiat et cadre naturel de


déploiement de ses politiques, l’Afrique représente pour la
République du Congo, sujet de droit international depuis
cinquante ans, le lieu normal de son positionnement dans le
monde et le baromètre indiquant son degré d’insertion dans le
rôle imparti à chaque nation à l’échelle planétaire. En une
cinquantaine d’années, la République du Congo a ainsi été
appelée autant à s’affirmer elle-même qu’à se constituer en
maillon d’une chaîne commune, à travers des modalités
multiples. Si elle a eu à se façonner à travers cinq
Constitutions et environ autant de Lois ou d’Actes
fondamentaux, le principe d’un président de la République clef
de voûte de la politique extérieure n’a jamais varié au fil des
changements intervenus à la tête de l’Etat. En somme, qu’il
s’agisse de Fulbert Youlou, Alphonse Massamba-Débat,
Marien Ngouabi, Joachim Yhomby-Opango, Denis Sassou
Nguesso, Pascal Lissouba et de nouveau Denis Sassou
Nguesso, chacun d’eux a été, en vertu de la Constitution :

garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du


territoire et du respect des accords et des traités
internationaux, responsable de la nomination des
ambassadeurs et des Envoyés Extraordinaires auprès

- 491 -
des puissances étrangères, lesquels accréditent auprès
de lui leurs ambassadeurs et Envoyés extraordinaires.

En outre, ce pays qui s’est intitulé « République du


Congo » dès 1958, confirmé comme tel en 1960, autoproclamé
« République Populaire du Congo » de 1969 à 1991 avant de
se rappeler au bon souvenir de la « République du Congo », a
toujours entretenu dans son opinion politique nationale, un
fond idéologique fait à la fois d’anti-colonialisme de principe
que d’un panafricanisme nécessaire, lesquels ont déterminé
différentes formes d’actions au sein d’un espace régional et
mondial à la fois ouvert et compartimenté. Aussi, pouvons-
nous distinguer dans cette expérience cinquantenaire :

- ce qui, à travers une « indépendance conditionnée »,


relève de la mouvance francophone, avec la France, longtemps
puissance africaine de fait, et comme tel, gestionnaire de pans
entiers de la politique de ses « partenaires » ;
- ensuite les caractéristiques de la solidarité sous-
régionale, organisée autour de la CEMAC et de la CEEAC,
étapes obligées vers un horizon continental stratégique
constitué par l’Union Africaine, émanation directe de
l’Organisation de l’Unité Africaine ;
- la prise en compte du processus de libération, en tant
que préalable indispensable à la paix, à la stabilité et au
règlement des conflits, dans une Afrique minée par les
contraintes du développement, et interpellée par des enjeux
environnementaux de plus en plus présents.

I - Une indépendance conditionnée

1. La coopération-parrainage
A l’accession de la République du Congo à l’indépendance
le 15 Août 1960, le domaine des Affaires Etrangères, symbole

- 492 -
emblématique de la souveraineté internationale (268), figurait au
nombre des secteurs transférés par la République française au
jeune Etat. Mais, pour de multiples raisons, la France n’en
continuait pas moins à porter une attention vigilante sur la
politique extérieure du Congo. En effet, la Constitution de la
Ve République Française, en vertu de laquelle son président
était également président de la Communauté franco-africaine,
n’était pas encore amendée(269); tandis que les esprits des
premiers dirigeants officiels du pays semblaient encore
marqués par le clair-obscur politique de l’autonomie interne,
instauré deux ans auparavant avec, à la clef, la « fatwa » (pour
délit de sécession) prononcée contre la Guinée par un Général
de Gaulle très amer, ulcéré de ce qu’un territoire sous
domination française ait pu opter pour l’indépendance
immédiate comme ne l’y avait apparemment pas autorisé,
selon lui, le référendum de 1958 ! Les propos tenus cette
année-là par De Gaulle le 24 septembre à Brazzaville étaient
en effet ceux-ci :

A l’intérieur de cette communauté, si quelque


territoire, au fur et à mesure des jours, se sent, au
bout d’un certain temps que je ne précise pas, en
mesure d’exercer toutes les charges, tous les devoirs
de l’indépendance, eh bien, il lui appartiendra d’en
décider par son Assemblée élue, et si c’est
nécessaire, par le référendum de ses habitants. Je
garantis d’avance que dans ce cas, la métropole ne
s’y opposera pas…

268
Les autres domaines de souveraineté concernés étaient ceux de la
Défense, de la monnaie et de la Justice.
269
C’est en 1995 seulement qu’intervint un tel amendement portant sur le
titre intitulé De La Communauté.

- 493 -
Or deux ans seulement avaient suffi pour que les charmes de
l’indépendance dans la Communauté se laissent ébranler par
l’irrésistible attraction de respect et d’honorabilité internationale
exercée par la Guinée sur tous les autres pays demeurés dans le
giron de l’ancienne métropole! Paris dut donc faire une
concession à l’évolution de l’Afrique, tout en tâchant de s’y
maintenir de son mieux, par le biais d’une coopération
envisagée en tant que contrepartie de l’indépendance.
Celle-ci ainsi octroyée, dans une sorte de Commonwealth à
la française, ne pouvait être exempte de conditionnalités : la
première consistant en la signature concomitante d’Accords de
Coopération, fondements d’une aide nécessairement liée, où il
y allait autant du maintien du rang et des intérêts de grande
puissance de la France dans le monde, que des prérogatives
directes des Africains eux-mêmes dans les charges
d’investissement et de gestion relevant des domaines
prioritaires de leur pays, notamment ceux du social et des
infrastructures(270). Le Président Fulbert Youlou ne s’en
formalisait pas outre-mesure qui, dans son discours à
l’occasion de la proclamation de l’indépendance, pouvait
déclarer devant André Malraux, Envoyé Spécial du
gouvernement français :

Nous avons été heureux de vous demander de


continuer l’aide que vous nous apportez déjà et qui
va être concrétisée et précisée dans les accords de
coopération que nous avons signés tout à l’heure…

Pour s’en rendre compte davantage, il n’est que de se


référer, mutatis mutandis, à la correspondance adressée par le

270
Dans ses Mémoires, De Gaulle révèle clairement combien un statu
quo colonial aurait bien été plus préjudiciable à la France, avec les
charges qu’il entraînait, qu’une évolution maîtrisée.

- 494 -
Premier ministre français, Michel Debré, à son « homologue »
Léon Mba du Gabon (indépendant le 17 août), où il demandait
à ce dernier de lui confirmer par écrit que sitôt l’indépendance
proclamée, le Gabon procéderait à la signature des accords de
coopération avec la France(271). Du côté congolais, la sincérité
du Président Fulbert Youlou ne pouvait être mise en doute
lorsqu’au jour de l’indépendance, à la cérémonie de lever des
couleurs du drapeau congolais, il pouvait s’émouvoir le plus
naturellement du monde du sort fait au drapeau français,
comme si un enfant pouvait, à ses premiers pas, se passer de
son tuteur (272). Pour combler ce vœu, la France, prévenante,
avait déjà fait en sorte que son dernier Haut-Commissaire au
Congo, Guy Georgy, devint également son premier
ambassadeur dans le pays273. Dans le même temps, la politique
africaine de la France se fit « domaine réservé » confié à
Jacques Foccart (et ses successeurs), Conseiller spécial à
l’Elysée pour les affaires africaines et qui, de ce fait, pouvait
échapper au contrôle du Parlement. Les formes archaïques de
la « Françafrique » étaient campées…

2. Le pied à l’étrier
André Malraux ne s’y trompait pas, qui déclarait en
substance, ce 15 Août 1960 :

271
Alfred Grosser, 1966, La Politique extérieure de la Ve République,
Paris, Le Seuil
272
Guy Georgy, 1989, Le Petit Soldat de l’Empire, Paris.
273
A Paris, pour donner évidemment la preuve que tout avait changé sans
que dans la forme des choses, rien, ou si peu n’ait changé, le Ministère
de la Coopération, logé rue Monsieur, dans les locaux mêmes du
Ministère des Colonies dont il était le prolongement, fut érigé en
interlocuteur privilégié des diplomaties africaines, en lieu et place du
Ministère des Affaires Etrangères situé Quai d’Orsay.

- 495 -
La France vous lègue des structures économiques,
administratives et financières, mais s’il n’y a pas
d’Etat, elles ne suffisent pas à en faire un.

Avertissement aux accents prémonitoires, qui avait bien


valeur d’engagement : la France restait toute disposée à
continuer une œuvre à parachever… Brazzaville pouvait dès
lors compter au nombre des destinations les plus prisées par la
diplomatie et la coopération françaises, étant donné l’intérêt
spécial que lui accordait l’homme de Brazzaville, alias le
Général de Gaulle.
Est-ce paradoxalement en raison même de cet intérêt que
celui-ci ne crut pas devoir venir en personne proclamer
l’indépendance de « son » Afrique, dans sa bonne ville de
Brazzaville, comme le fit la Reine Elizabeth II en 1957 pour le
Ghana à Accra, ou le roi Baudoin quelques semaines plus tôt, le
30 juin à Léopoldville, préférant y déléguer, non pas le Premier
ministre Michel Debré, mais André Malraux, Ministre d’Etat,
certes, homme de culture de surcroit, et sans doute interprète
profond des grandes énigmes de l’histoire ? Pour être
énigmatique, la cérémonie du 15 août 1960, haute en couleurs
pourtant, ne manqua pas de l’être à plus d’un titre, à commencer
par ces mots très persuasifs du Président Fulbert Youlou :

Comment ne pas être ému en constatant le réalisme de


cette France amie qui a su nous conduire à la
plénitude de la souveraineté, dans l’estime et
l’affection, affermissant nos pas dans la conduite des
affaires, sans réticence ni arrière-pensée, sachant bien
que nous continuerons à lui porter…

Avant de conclure par un simple et clair « Vive la France »!


A quoi, le grand Malraux répondit, énigme pour énigme, à la
fin de son propos, par un non moins vibrant: « Voici

- 496 -
l’indépendance du Congo, et le drapeau vivant de la
Communauté ! ». Chacun avait compris; et c’était l’essentiel…

C’est donc tout naturellement, avec la participation de la


France, que le Congo posa les premiers jalons de sa
diplomatie, en particulier par la formation des premiers cadres
(dont Charles-David Ganao et Bernard Kolelas)(274). Le Congo
entreprit d’adhérer aux principaux traités et conventions
régissant les relations diplomatiques et consulaires
internationales(275), et le Statut Commun du Personnel
Diplomatique et Consulaire fut élaboré en 1961. En diplomatie,
le pied à l’étrier consista aussi dans le privilège reconnu à la
France de représenter le Congo partout où n’existait pas de
représentation diplomatique ou consulaire congolaise; tandis
que l’ambassadeur de France au Congo avait automatiquement
qualité de Doyen du corps diplomatique quelle que fût son
ancienneté en poste.
Le Congo ne tarda pas à tisser la toile de son réseau
diplomatique en privilégiant deux axes : l’Afrique Centrale et
les lieux d’intérêt prioritaire comme les grandes capitales
occidentales et les Organisations internationales, à commencer
par les Nations-Unies où il fut admis le 20 septembre. En un
demi-siècle, le Congo peut se flatter d’avoir étendu ce réseau à
105 des 192 pays membres de l’ONU dont 35 des 54 pays
d’Afrique. Une trentaine d’ambassades ont été disséminées
dans le monde et autant implantées à Brazzaville, sans compter
celles qui opèrent à partir de Kinshasa, ni les institutions

274
Cf. Charles-David Ganao: Interview dans Le Regard Diplomatique, n°
1, Oct-Nov. 2008, Brazzaville.
275
Au 40e anniversaire de l’indépendance, le nombre d’instruments
juridiques de coopération auxquels le Congo était partie s’élevait à 250; et,
avec l’Afrique seulement, le nombre des Grandes Commissions Mixtes à
25.

- 497 -
internationales, ainsi que les Consulats généraux ou
honoraires276dont certains sont basés à Pointe-Noire.

3. Le Congo au sein de la mouvance francophone


Le facteur linguistique, la défense et la monnaie ont
longtemps déterminé l’appartenance au groupe francophone
d’Afrique.
S’agissant du facteur linguistique, le Congo et les Etats de
sa génération ont naturellement opté pour le français comme
langue officielle. De là à fonder toute une philosophie et toute
une démarche politique, il n’y a qu’un pas adopté par les pays
intéressés, non sans des avantages, mais aussi des limites,
voire même parfois des handicaps. En tant qu’avantage, la
langue française apparaît comme un dénominateur à travers
lequel certaines formes de relations multilatérales ont parfois
été envisagées. Elle a permis à des écrivains congolais de jouir
d’un grand rayonnement international : Tchicaya U Tam’si,
Sylvain Bemba, Sony Labou Tansi, Henri Lopès, Jean-
Baptiste Tati Loutard, Emmanuel Dongala, Alain Mabanckou,
Théophile Obenga, etc. Cependant, le Congo eut parfois à
marquer des réserves vis-à-vis d’initiatives susceptibles de
diviser l’Afrique en zones d’influences linguistiques
contrôlées de l’extérieur. Sur ce plan, l’OUA a été amenée à
s’accommoder des langues des anciens maîtres, même si
l’article 29 de la Charte de 1963 disposait que :

Les langues officielles de l’Organisation et de toutes


ses institutions sont, si possible, des langues

276
Ainsi, dès 1960, des relations diplomatiques furent établies avec les pays
suivants : Gabon, Tchad, Centrafrique, Congo-Léopoldville, Cameroun,
France, Royaume-Uni, Portugal, Etats-Unis et Canada, mais aussi Côte
d’Ivoire, Madagascar et Mauritanie. La primeur revint naturellement à
l’Afrique Centrale, objet d’un maillage serré, avec des relations nouées
peu à peu avec tous les 10 autres membres de la CEEAC.

- 498 -
africaines, ainsi que le français et l’anglais (le
portugais ensuite).

En matière de défense, le Congo a dénoncé, en 1965, des


accords qui justifiaient le maintien sur son sol de bases
militaires françaises, se prémunissant ainsi contre des formes
intempestives d’interventions de quelque gendarme de
l’Afrique que ce fût, au motif de sécurité extérieure voire
même intérieure. Il s’est instauré par la suite une coopération
militaire plus décomplexée, qui touche aussi bien à la
formation du personnel qu’à l’équipement des armées ou à des
programmes conjoints, intégrant des concepts comme ceux du
RECAMP (Renforcement des Capacités Africaines en Matière
de Paix et de Sécurité), côté français, ou AFRICOM
(Commandement militaire pour l’Afrique), côté américain,
avec ou sans implication d’organismes multilatéraux (CEEAC
ou UA).

Pour ce qui est de la monnaie, le Franc CFA n’a connu


qu’un changement de façade, passant de Colonies Françaises
d’Afrique à Communauté Financière Africaine : le trésor
français continue d’en garantir la convertibilité moyennant une
étrange disposition consistant dans le dépôt, par le pays
africain, jusqu’à 65% de ses avoirs en devises. Des voix de
plus en plus impatientes s’élèvent aujourd’hui, non sans
raison, pour s’étonner d’une situation que n’a pratiquement
guère modifié l’institution de l’Euro, ce qui ne fait
qu’infantiliser des pays, indépendants depuis cinquante ans
mais hésitant encore à s’approprier un des attributs essentiels
de leur souveraineté, préférant en laisser la maîtrise au bon
vouloir du partenaire européen, libre d’en déterminer à sa
guise le sort, notamment les taux de dépôt en question, leur
usage, les modalités de convertibilité ou de dévaluation.
L’Union Monétaire d’Afrique Centrale (UMAC) et la

- 499 -
Communauté Economique Africaine qui prévoient des
mécanismes bancaires et monétaires aux niveaux sous-régional
et régional, constituent plus que jamais pour le Congo les
cadres appropriés en vue des réformes qui s’imposent à cet
égard.

Le « Groupe de Brazzaville » est l’appellation issue d’une


concertation organisée dans la capitale congolaise dès
décembre 1960, avec la participation des Etats de l’ex-AOF et
de l’ex-AEF plus le Togo, le Cameroun et Madagascar, et qui
allait donner naissance à l’UAM (Union Africaine et
Malgache) bientôt transformée, en Organisation Africaine et
Malgache de Coopération Economique (UAMCE) en1961.
Celle-ci se mua, en février 1965, en OCAM (Organisation
Commune Africaine et Malgache). Le Congo en abrita
longtemps un organisme de coordination technique dans un
domaine-pivot, l’UAMPT, (Union africaine et Malgache des
postes et télécommunications).

On doit aussi à ce groupe la création d’une compagnie


aérienne emblématique, Air Afrique, qui après un parcours
prometteur, ne survécut pas au manque de cohérence entre ses
parrains(277). L’OCAM eut du mal à s’imposer à l’OUA et
internationalement comme organisation sous-régionale, eu
égard au caractère composite de son implantation
géographique qui allait des rives du Sénégal à l’Océan Indien.
Son bilan politique, entaché de postures ambigües dans des
dossiers comme la crise du Congo-Léopoldville, du Biafra, des
Comores, de l’Angola, de l’Afrique australe, etc. acheva de
relativiser sa pertinence sur l’échiquier continental.

277
Entre les Etats concernés et les partenaires stratégiques (UTA ou Air
France), il ne semble pas y avoir eu de perspectives de coopération
fondée sur le développement autonome de la compagnie africaine.

- 500 -
En revanche, l’ACCT (Agence de Coopération Culturelle et
Technique) qui tint sa première session en 1970, prépara l’OIF
(Organisation Internationale de la Francophonie) et son
Conseil International de la Francophonie, dont l’ossature est
formée par les relations franco-africaines élargies au Canada, à
la Belgique et à la Suisse, et qui rassemble aujourd’hui des
membres d’Europe, d’Afrique, d’Asie et des Amériques. En
s’y aménageant une place progressivement affirmée, le Congo
en est devenu maintenant un des membres les plus fiables.
L’OIF se cherche toujours des marques sûres pour représenter
aux yeux du monde, davantage qu’un simple « ensemble
d’exception culturelle », mais un véritable vecteur de
développement multisectoriel (socio-politique, humain), face à
une anglophonie conquérante. La place de l’OIF chez les
Occidentaux eux-mêmes manque encore de réelle visibilité…

Quant à la Conférence des pays d’Afrique et de France, qui


tint son premier sommet en février 1986, elle a commencé par
réunir des pays francophones avant de s’élargir à d’autres.
Toutefois, son ritualisme l’a rendu propice à certaines illusions
comme la fameuse injonction de La Baule (juin 1990), qui fit
accréditer l’idée d’un rôle pionnier de Paris dans la
démocratisation des pays africains, malgré un bilan qui
attestait plutôt le contraire. La vérité est que la perestroïka et
la glanost gorbatcheviennes dataient déjà de 1985, et qu’au
moins en 1989, l’Assemblée des Chefs d’Etat et de
Gouvernement de l’OUA avait à cet égard adopté une très
importante « Déclaration sur la situation politique et socio-
économique en Afrique et les changements fondamentaux qui
se produisent dans le monde », soulignant la volonté et la
détermination des Africains à piloter eux-mêmes les processus

- 501 -
liés à la démocratisation et au développement de leur
continent(278).

II – Expérience de solidarité sous-régionale

1-Dispositions préliminaires: de l’URAC à l’UDEAC


L’histoire et la géographie ont doté le Congo d’une position
qui l’appelait à jouer un rôle de catalyseur sur le plan sous-
régional. La capitale de l’ex-AEF, Brazzaville, qui comptait
déjà plus de 100.000 habitants en 1960, et son arrière-pays,
avec le port de Pointe-Noire, jouissaient d’infrastructures
relativement développées qui attiraient spontanément les
partenaires désireux de s’implanter dans la sous-région à
moindre frais ou soucieux d’en faire la plaque-tournante d’un
nombre convenable d’activités diplomatiques, économiques et
de services. En réaction à la « balkanisation » imposée par
l’ex-colonisateur, et la date fatidique de l’indépendance
s’approchant, trois des quatre territoires de l’ex-ensemble
aéfien, Congo, RCA et Tchad, las d’attendre l’aval du Gabon
et de la France, convinrent, en mai 1960, de se constituer en
URAC (Union des Républiques d’Afrique Centrale), avec
toujours pour capitale Brazzaville, en vue d’une accession
commune à l’indépendance.
Mais, ce sursaut assez tardif ne survécut guère aux entraves
aussitôt dressées sur son chemin, à commencer par celle du
Gabon préférant un splendide « isolement » plutôt que de

278
Cette conférence est de plus en plus concurrencée par d’autres fora du
genre : Chine-Afrique, Inde-Afrique, Japon-Afrique (TICAD), Etats-
Unis-Afrique, Amérique Latine-Afrique, etc. Ce qui justifie la
pertinence d’une solidarité sous-régionale ou régionale africaine
préalable et incontournable.

- 502 -
servir de « vache à lait » des autres (279; et celle de l’ancienne
métropole qui, après le démantèlement des grands ensembles
fédéraux n’était prête à soutenir, ni l’expérience du Mali (entre
le Sénégal et le Soudan) en Afrique de l’Ouest, ni celle de
l’URAC. Il y eut aussi la mort brutale (et non encore
totalement élucidée) une année plus tôt, de Barthélémy
Boganda, dernier Président du Grand Conseil de l’AEF et
meilleur avocat de l’unité fédérale. Enfin, s’imposait un
nationalisme naissant dans chacun des pays qui se
découvraient, à l’instar de la Guinée de Sékou Touré, une
vocation à devenir membres à part entière de la communauté
internationale avec honneurs et prérogatives conséquents.
Cependant, les structures de l’Agence Trans-Equatoriale de
Communications (ATEC) comprenant le port de Pointe-Noire,
le Chemin de Fer Congo-Océan, les ports fluviaux de
Brazzaville et Bangui, ainsi que la voie dorsale Bangui-Tchad
constitueront la base physique de l’Union Douanière
Équatoriale auquel le Cameroun se joignit pour former, en
1964, l’UDEAC (Union Douanière et Economique de
l’Afrique Centrale). Lorsqu’en Août 1963, le Congo vire au
socialisme scientifique, en raison de cette singularité, il allait
être l’objet d’une méfiance confinant à un véritable cordon
sanitaire, pour risque de contagion révolutionnaire. Le bras de
fer qui s’ensuivit entre le Congo et ses voisins qu’il taxait de
« valets de l’impérialisme », créa une tension suffisante pour
justifier, en 1970, la nationalisation des infrastructures de
l’ATEC basées au Congo(280). Néanmoins, par réalisme, le

279
Attitude symétrique à celle de la Côte-d’Ivoire qui s’opposa à un
exécutif fédéral en ex-AOF.
280
En mesure de rétorsion, la RCA et le Tchad, pays enclavés,
commencèrent à privilégier, pour leur approvisionnement, le port de
Douala au Cameroun, au détriment de Pointe-Noire. Tandis que la
Société des Pétroles de l’Afrique Equatoriale (SPAE), qui se proposait

- 503 -
principe des relations de bon voisinage prévalut, s’exprimant à
travers la CEMAC et la CEEAC, auxquelles s’imposent des
préoccupations pressantes relatives à la Paix, à la Sécurité et à
l’Environnement.

2-Initiatives communautaires impliquant le Congo


 La CEMAC (Communauté Economique et Monétaire
d’Afrique Centrale) voit le jour le 16 Mars 1994, et correspond
à une évolution de l’UDEAC vers un véritable marché
commun doté d’organes politiques (Chefs d’Etats et de
Gouvernements, Ministres, Parlements) ainsi que d’institutions
ou d’instruments techniques appropriés tels que la Banque
Centrale, la Banque de Développement, l’Union monétaire,
etc. Aux cinq de l’UDEAC, s’est ajouté la Guinée Equatoriale
qui y joue un rôle de plus en plus remarqué. Chaque année, la
CEMAC célèbre sa « journée » le 16 mars; et elle a adopté un
Programme Economique Régional (PER) allant de 2010 à
2015 qui prévoit entre autres, l’instauration d’un document de
voyage, un instrument de paiement (chèque) régional, ainsi
qu’une compagnie aérienne communautaire, AIR CEMAC.

 La CEEAC (Communauté Economique des Etats


d’Afrique Centrale), bien que née en 1983 et relancée en 1999
en raison des vicissitudes traversées par plusieurs de ses
membres dont le Congo, en 1997, constitue présentement un
des maillons de la Communauté Economique Africaine qui, on
le sait, repose sur les cinq groupements économiques
régionaux du continent. Son espace comprend, outre les
membres de la CEMAC, ceux de la CEPGL (Communauté
Economique des Pays des Grands Lacs) composée des

d’installer sa seconde raffinerie au Congo, second producteur de la zone,


décida de la construire là où se trouvait déjà la première, au Gabon.

- 504 -
anciennes colonies belges (R.D.Congo, Ruanda et Burundi),
des anciennes colonies portugaises (Angola et Sao-Tomé-et
Principe), ainsi que la Guinée Equatoriale. Son actuel
Secrétaire Exécutif est l’ancien Premier ministre congolais,
Louis Sylvain-Goma.
La CEEAC entend s’atteler, dans des conditions sans doute
difficiles, ne serait-ce qu’en raison des disparités spatiales et
juridiques, à une intégration physique, économique et
monétaire de ses 11 Etats membres. Ses axes stratégiques,
définis au sommet de Brazzaville en Octobre 2007, visent les
communications, et autres secteurs prioritaires, en vue de la
réalisation progressive d’une zone de libre échange, et d’un
marché commun. Dans les prochaines années, la CEEAC
s’impliquera de plus en plus dans les domaines de la paix et de
la sécurité, ainsi que dans le domaine de l’environnement au
sein du grand bassin du Congo.
Le grand projet du bassin du Congo constitue présentement
la « réponse » donnée par un grand nombre de pays aux
préoccupations d’ordre environnemental d’intérêt mondial qui
touchent autant à la conservation des écosystèmes, à la gestion
et à la préservation de la diversité biologique, qu’à l’impact sur
les changements climatiques de ce second poumon écologique
du monde, après l’Amazonie.
La gestion de ce dossier, fruit d’initiatives particulières
auxquelles se sont engagés les Chefs d’Etat d’Afrique
Centrale, en 1999 à Yaoundé et en 2005 à Brazzaville, a abouti
à la signature du Traité instituant la Commission des Forêts
d’Afrique Centrale (COMIFAC). Tout son enjeu consistera
dans la conciliation des nécessités de développement des pays
africains concernés, habilités à faire une exploitation
rationnelle de leurs ressources naturelles, tout en faisant leur
juste part aux impératifs de survie de la planète. Défi majeur
qui justifie une coopération Nord-Sud exprimée, à l’instigation
du Congo et des USA (en septembre 2002 à Johannesburg),

- 505 -
par le lancement d’une coalition mondiale intitulée
« Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo » (PFBC)
avec des enjeux hautement stratégiques nécessitant la
mobilisation de la double solidarité régionale et internationale,
avec ce qu’une telle ruée vers l’or vert implique d’éveil
d’intérêts de la part de toutes les puissances du monde. Sous
les auspices générales de la CEEAC, le bassin du Congo et la
COMIFAC s’activent à mobiliser des financements (200
millions de dollars au début), en appui aux mesures
essentielles destinées à la préservation de cet écosystème
forestier et aquatique de premier plan.

 Quant à la Conférence Internationale des Pays des


Grands Lacs, qui réunit les pays suivants : Angola, Burundi,
Congo, Kenya, RCA, République Démocratique du Congo,
Ruanda, Ouganda, Soudan, Tanzanie et Zambie, elle est
appuyée par des partenaires internationaux, et se propose de
déployer quatre séries d’objectifs :
a) démocratie et bonne gouvernance;
b) paix et sécurité;
c) développement économique et intégration régionale;
d) questions sociales et humanitaires. Un Pacte sur la
sécurité, la stabilité et le développement y a vu le jour en 2006,
avec pour principaux instruments : 4 protocoles relatifs à : la
non-agression et la défense mutuelle; la coopération judiciaire;
la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles ;
et la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance.

En matière de paix et de sécurité, l’Afrique centrale a déjà


posé, sous l’égide de la CEEAC, les jalons d’une organisation
affirmée par la signature, en Juillet 1996 à Yaoundé, d’un
Pacte de non-agression, avec le concours appréciable du
Comité Spécial des Nations-Unies sur la Paix et la Sécurité en
Afrique Centrale, un organe ad hoc du Département des

- 506 -
Affaires Politiques du Secrétariat de l’ONU. La sous-région
entreprend, en outre, depuis quelques années également, de se
prendre en charge; et de ce point de vue, elle abrite à Yaoundé,
un Centre sous-régional des Droits de l’Homme ; elle s’est
dotée en 1999, d’un Conseil de Paix et de Sécurité dénommé
COPAX, chargé de promouvoir la paix et la sécurité. Au titre
de ses préoccupations actuelles, figure la lutte contre la
prolifération des armes légères. Et parmi les autres dispositions
à son actif, figurent: un Mécanisme d’Alerte Rapide
(MARAC) et la Force Multinationale de l’Afrique Centrale
(FOMAC), chargée du maintien de la paix, actuellement
déployée en RCA avec, entre autres, l’assistance de l’Union
Européenne. Le rôle actif joué par le Congo au sein de la
FOMAC lui a déjà valu d’en assurer le commandement, avec
le Vice-Amiral Hilaire Moko.

3. Approches bilatérales
Avec tous ses voisins, le Congo a développé des relations
bilatérales intenses. Le Gabon, la RD Congo, l’Angola et le
Tchad se sont particulièrement illustrés à cet égard.

Ainsi, avec le Gabon, les relations sont passées d’une


atmosphère d’étrange incompréhension du temps des « pères
de l’indépendance », Léon Mba et l’Abbé Fulbert Youlou, à
une bienveillante amitié avec El Hadj Omar Bongo et ses
homologues congolais successifs, Alphonse Massamba-Débat,
Marien Ngouabi, Joachim Yhomby-Opango, Denis Sassou-
Nguesso et Pascal Lissouba, non sans quelques traits de
méfiance sporadiques, toutefois.
La crise culmina en 1962 lors des rencontres sportives de la
Coupe des Tropiques. L’amélioration constante des relations
entre les deux pays s’est manifestée en plus d’une
circonstance, par exemple pour l’évacuation du manganèse de
la Compagnie Minière de l’Ogooué (COMILOG) par le

- 507 -
Congo(281). Le rôle du Gabon fut également décisif dans les
bons offices entre les belligérants congolais de la guerre civile
de 1997. Le président Omar Bongo Ondimba ne ménagea ni
son temps ni ses efforts pour réunir les Congolais à Libreville
ou se déplacer à Brazzaville pour s’impliquer personnellement
dans les délibérations, comme en 2001 au Dialogue National
sans exclusive.

La République Démocratique du Congo a entretenu avec


son homonyme, la République du Congo, des rapports
contrastés. L’annonce faite par Charles de Gaulle le 24
septembre 1958 à Brazzaville en faveur des indépendances prit
de court le Congo belge. Par la suite, le gouvernement de
Patrice Lumumba reprocha à celui de Fulbert Youlou sa
sympathie à l’égard de Joseph Kasavubu, ou de Moïse
Tshombé, leader de la sécession du Katanga. Les changements
de régime intervenus de part et d’autre ne furent pas toujours
bénéfiques. Sur fond de guerre froide, avec la rébellion
lumumbiste ou la guerre en Angola, ce fut, pour Tschombé
puis Mobutu à partir de 1966 à Kinshasa, Massamba-Débat
ensuite Marien Ngouabi à partir de 1968 à Brazzaville, des
occasions de développer des rapports en dents de scie.
En dépit d’événements dramatiques ayant de temps à autre
occasionné fermetures de frontières, on n’omettra pas des faits
plus positifs, fruits des délibérations de la Commission mixte
de coopération entre les deux Congo, tels que divers accords
de paix et de sécurité à l’instar du Mémorandum du 16 juin
1974 entre les présidents Marien Ngouabi et Mobutu Sese
Seko; divers accords commerciaux ou sectoriels, relatifs à

281
Le Gabon mit fin à l’arrangement concernant la COMILOG suite à un
grave malentendu intervenu en 1991 lors de l’accident ferroviaire de
Mvoungouti.

- 508 -
l’interconnexion des réseaux électriques des deux villes à
partir du barrage d’Inga; le projet de liaison route-rail, etc.

La situation en Angola a longtemps constitué pour la


diplomatie congolaise un des dossiers les plus emblématiques.
Le gouvernement Youlou s’y impliqua de très bonne heure
comme l’indique l’intervention de Stéphane Tchichelle,
Ministre des Affaires Etrangères, le 15 Octobre 1960 devant la
tribune de l’Assemblée Générale de l’ONU, appelant Salazar à
ne pas se montrer « moins généreux que De Gaulle et
Elizabeth II » (qui ont décolonisé leur partie de l’Afrique); et
que l’Angola ne constituait nullement une province comme le
prétendait le Portugal, mais une colonie. Tchichelle n’en
appelait pas moins les Angolais à faire montre d’un
nationalisme véritable pour ne pas succomber à la tentation
d’un nationalisme à rebours (anti-portugais). A la session
suivante, en 1961, les deux Congo demandèrent sans succès
une réunion du Conseil de Sécurité pour traiter du cas angolais
qui leur occasionnait déjà un flux incessant de réfugiés.
Une réunion tenue par les gouvernements des deux Congo
sur le fleuve au mois de juin 1963 aboutit à un communiqué ne
préconisant « ni dialogue, ni rupture avec le Portugal », mais
l’invitant à entamer sans tarder le processus de décolonisation.
En Juillet de la même année, dans un appel articulé, l’Abbé
Fulbert Youlou invitait les mouvements nationalistes angolais
à s’unir :

Vous avez le droit de tout faire, de choisir votre


politique, votre tactique, mais vous n’avez pas le droit

- 509 -
d’échouer, leur déclarait-il, ajoutant : Vous avez le
devoir de réussir et même de réussir vite282.

A partir d’août 1963, le Mouvement Populaire de Libération


de l’Angola (MPLA) se vit accorder pleine reconnaissance et
plein soutien à Brazzaville qui en devint alors Quartier Général
politique et militaire. Le Congo fournit à la lutte de libération
de l’Angola un appui multiforme, diplomatique et logistique
notamment, et mit à sa disposition toutes les conditions en son
pouvoir à cet effet, et ce, tout au long des deux périodes de
guerre que furent: la guerre anti-coloniale proprement dite, qui
dura jusqu’en 1975, année de l’indépendance; et la guerre
civile, allant de 1975 à 2002, ayant opposé le MPLA au FNLA
et à l’UNITA.

Le Congo s’impliqua aussi à travers de nombreux bons


offices joués en vue de la réconciliation des frères angolais
divisés, soit entre les Mouvements de Libération (MPLA,
FNLA et UNITA de Jonas Savimbi entré en lice en1974), soit
au sein du MPLA (avec la « Révolte de l’Est » dirigée par
Daniel Chipenda, et la « Révolte Active » menée par Joaquim
et Mario de Andrade). Toujours est-il que le territoire de la
République Populaire du Congo fut d’un intérêt stratégique
majeur pour l’assistance fournie par l’URSS et Cuba en faveur
du Gouvernement angolais dirigé par le MPLA, même si le
Congo était encore seul à pouvoir jouer les médiateurs entre le
Zaïre et l’Angola alors qu’ils s’accusaient mutuellement
d’ingérence, par soldats cubains et gendarmes katangais
interposés.

282
Ce plaidoyer vibrant eut pour effet immédiat le rappel par le Portugal
de son ambassadeur à Brazzaville et la rupture des relations
diplomatiques avec le Congo.

- 510 -
Ce rôle de médiation permit par ailleurs au Congo de
clarifier sa position au sujet du Cabinda. Car, en 1975 à
Kampala, lors d’une session ministérielle de l’OUA sur
l’Angola, le Congo et le Zaïre avaient ensemble demandé que
soient prises en considération les vues des indépendantistes
cabindais du FLEC (Front de Libération de l’Enclave du
Cabinda). L’émotion suscitée était partagée par les 3
Mouvements angolais pour qui l’enclave du Cabinda faisait
partie intégrante de l’Angola. Le président Marien Ngouabi
dut se rétracter de cette alliance improbable avec le Zaïre et
déclarer devant le sommet de l’OUA de juillet 1976 en
substance:

Nous savons qu’il existe des problèmes au Cabinda;


mais pour le moment, il nous faut nous concentrer
sur la lutte de libération contre le colonisateur
portugais. Une fois libérés, nous faisons confiance à
nos frères angolais pour trouver eux-mêmes les
solutions appropriées à leurs différends.

Ainsi fut mis fin au bref accès de sympathie pro-cabindaise


dont le Congo put être soupçonné un moment.

En reconnaissance de toutes les marques de solidarité,


manifestées par le Congo, ce fut le premier pays à dépêcher en
1974 en Angola libéré, une délégation officielle reçue très
chaleureusement par l’amiral Coutinho, membre du MFA et
avant-dernier gouverneur portugais à Luanda. Le premier
ambassadeur du Congo à Luanda, Benjamin Bounkoulou, y fit
longtemps office de Doyen du Corps Diplomatique. Les
Angolais tenaient en effet que ce fut non pas un politique, mais
un diplomate de carrière capable de coopérer avec eux à
l’organisation de leur jeune service diplomatique. Cette
disponibilité active du Congo perdura au profit du MPLA-Parti

- 511 -
du Travail et du gouvernement angolais tant qu’à Brazzaville
l’allié Parti congolais du travail gérait le pouvoir. Mais elle
bascula au profit de l’opposition UNITA de Jonas Savimbi,
sous le président Pascal Lissouba (entre 1992 et 1997).

Avec le Tchad, le Congo s’est impliqué depuis le milieu


des années 70 en proposant ses bons offices aux protagonistes
de la guerre civile ayant caractérisé la fin du régime
Tombalbaye, les invitant à ce effet à Brazzaville et y recevant
même des réfugiés de ce pays. Sous les auspices de l’OUA, un
contingent congolais y a été dépêché en 1981 dans des
conditions de grande précarité sécuritaire. Avec l’UA, en
2006, le Tchad et le Soudan se sont offert à une médiation
congolo-libyenne, aboutissant à un engagement réciproque
d’interdiction de présence et de séjour de rebelles dans les
territoires de l’une ou l’autre partie.
Concernant le Darfour voisin, l’Accord du 5 Mai 2006
signé à Abuja entre le gouvernement soudanais et la plupart
des rebelles est à mettre à l’actif du Congo, tout comme les
Accords de Dakar du 23 mars 2008 établissant un Groupe de
Contact présidé par le Congo, auquel on doit en bonne partie
l’amélioration du climat tchado-soudanais espéré par l’Afrique
et la communauté internationale.

III - Le Congo en Afrique

1-De l’Organisation de l’Unité Africaine à l’Union


Africaine
Le 25 mai 1963, le Congo participe à la création de
l’Organisation de l’Unité Africaine, par l’adoption de sa
Charte suivi de sa ratification par le Président Fulbert Youlou

- 512 -
le 12 juillet (283). Lorsqu’en l’an 2000, les pays africains
décident de passer de l’Organisation de l’Unité Africaine à
l’Union Africaine, l’Acte Constitutif de l’UA succédant à la
Charte de l’OUA, le Congo en est également membre
fondateur, non sans avoir formulé, au départ, quelques réserves
sur l’opportunité d’une telle mutation et surtout sur l’intérêt
d’une démarche pragmatique en vue d’un gouvernement
continental éventuel. Toujours est-il que sur un parcours global
de positionnement et d’action, le Congo a pu particulièrement
s’illustrer à travers trois domaines : l’appui aux mouvements
de libération; la conciliation, le règlement des conflits et les
questions relatives au développement.
En matière de conciliation, le Congo a fait preuve de
temporisation dans la question du Sahara Occidental qui, de ce
point de vue, constituera un cas spécifique. La République
Populaire du Congo avait, du temps du Président Marien
Ngouabi, reconnu la RASD et la République du Congo est
revenue sur cet acte, après la Conférence nationale souveraine.

2. En première ligne
Par son engagement sans réserve dans le soutien aux
mouvements africains de libération, le Congo s’est identifié
aux pays de la Ligne de Front considérés alors comme les
appuis les plus déterminés en faveur des luttes engagées contre
les régimes coloniaux et racistes. Très tôt en effet, il a pris
place au sein du Comité de Coordination pour la Libération de
l’Afrique, organe spécialisé de l’OUA, composé de 17 pays
membres et installé à Dar-Es-Salam. Le Comité de Libération
a fourni un appui considérable aux Mouvements d’Angola
(MPLA, FNLA et UNITA), du Mozambique (FRELIMO), de
Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC), de Sao-Tomé-et

283
A partir d’Août 1963, le pays passe du camp « modéré » (Groupe de
Monrovia), à celui de « progressiste ».

- 513 -
Principe (FLSTP) ; et d’Afrique australe : SWAPO de
Namibie, ANC et PAC d’Afrique du Sud, ZAPU et ZANU de
Rhodésie-Zimbabwe.
Et le Congo fut de ceux qui, parmi les Etats membres de
l’OUA, étaient les plus stricts à appliquer les décisions
continentales concernant par exemple les boycotts et les
embargos. Il suspendit ainsi ses relations diplomatiques avec la
Grande Bretagne, entrainant la fermeture de l’ambassade
britannique à Brazzaville, tandis que les Etats-Unis décidaient
eux-mêmes de partir avant que les deux ne reprennent plus
tard le dialogue direct avec le Congo.
Il en fut de même avec Israël, par solidarité avec la cause
palestinienne et arabe réputée, en partie, cause africaine.
Dans le même contexte, le Congo supprima ses liaisons
aériennes avec l’Afrique du Sud(284), et point n’est besoin de
préciser qu’il en était résulté des pertes financières très
importantes pour le Congo,

3. Actions spécifiques sur la scène africaine


Le Congo fit également partie de la Conférence des Etats
d’Afrique Centrale et Orientale qui lui valut, sous la
présidence de Marien Ngouabi, d’abriter, en 1976, la
Conférence des 16 (devenus 17 après adhésion du Cameroun),
et d’ériger à Brazzaville la « Cité des 17 ». C’était un cadre de
solidarité et de mobilisation des capacités de pays membres, au
sein de l’OUA, certes, mais tenant compte d’une unité
géographique et culturelle qui, en outre, les exposait plus que
d’autres aux charges et pressions résultant de la lutte contre le
colonialisme et l’apartheid.

284
La mesure occasionna la fermeture de l’Agence de la compagnie
aérienne néerlandaise KLM, en 1975 également, puis la ligne
Johannesburg-Brazzaville alors exploitée par la compagnie française UTA.

- 514 -
En assumant à deux reprises les fonctions de Président en
exercice, pour l’OUA en 1986-1987, ensuite l’UA de 2006 à
2007, Denis Sassou Nguesso a pu s’identifier à certaines
initiatives, longtemps dans le dossier du Tchad, mais encore
concernant particulièrement :

- le Symposium International des Hommes de Lettres


contre l’Apartheid en Mai 1987 sous le thème « Les écrivains
accusent l’apartheid », et qui préconisa, entre autres,
l’instauration d’un programme consacré à l’apartheid dans
chaque école africaine;
- le Premier Congrès des Hommes de Sciences, en Juin
1987, toujours à Brazzaville, qui aboutit à la création de
l’UPST (Union africaine de la Science et de la Technologie),
dont le premier Secrétaire Général est le Professeur Lévy
Makany.

A ces initiatives s’ajoutèrent: la création du Fonds Africa


qui rallia, entre autres, l’appui des Pays Non-Alignés;
l’aménagement de la Salle des Fêtes de l’OUA à Addis Abéba,
le « Congo Hall »; et la mise en place d’un Comité ad hoc
Permanent sur l’Afrique australe que Denis Sassou Nguesso
anima au-delà de la fin formelle de son mandat.
C’est dans ce contexte que se situe l’organisation, à
Brazzaville, des pourparlers décisifs qui aboutirent au
« Protocole de Brazzaville » du 13 décembre 1988 réunissant
Américains, Sud-Africains, Angolais, Namibiens et Cubains,
ouvrant la voie à l’indépendance de la Namibie, proclamée en
mars 1990 et que les parties américaine et sud-africaine
conditionnaient au retrait des troupes cubaines d’Angola.
Accompagnant le processus, le Congo fit partie du GANUPT
(Groupe d’Assistance des Nations-Unies pour la Transition en
Namibie). L’action du Congo avec la Namibie et l’Afrique du
Sud s’est depuis, inscrite dans une durée symbolisée par

- 515 -
d’importants accords de coopération touchant à des domaines
essentiels de développement tels que l’agriculture, les mines,
la pêche, les transports, etc. Et les Namibiens se souviennent
encore de leur domaine à Loudima…
A ces actions, se sont ajoutées celles menées en rapport
avec le dossier de la crise en Côte d’Ivoire en 2006, où le
Congo s’est associé, ès qualité, au GTI (Groupe de Travail
International) dans le processus de désarmement et
d’identification devant conduire aux élections. Un
Représentant de la présidence en exercice de l’UA avait alors
été nommé à Abidjan en la personne du Général Jean-Marie
Michel Mokoko.

4. Le défi du développement
Les questions à caractère économique et social ont enfin
reçu du Congo, au cours des décennies écoulées, au niveau
panafricain, une attention à la mesure de leur importance.
L’OUA qui, dans le préambule de sa Charte, s’assignait
comme devoir « de mettre les ressources naturelles et
humaines de notre continent au service du progrès général de
nos peuples dans tous les domaines de l’activité humaine »,
n’a pas ménagé ses efforts à cet égard. La stratégie africaine,
aujourd’hui articulée autour du Traité d’Abuja instituant la
Communauté Economique Africaine, adopté en 1991, et le
NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement de
l’Afrique) en 2001(285), renvoie aux objectifs résumés dans
l’Acte Final et le Plan d’Action de Lagos de 1980 visant
l’instauration d’un Nouvel Ordre Economique en Afrique sur
une base endogène et auto-entretenue.

285
Si le NEPAD est pour l’UA ce que fut le Traité d’Abuja pour l’OUA,
les deux stratégies sont à tout le moins complémentaires et gagnent à
s’insérer organiquement dans la structure de l’Organisation
continentale.

- 516 -
Le Congo a naturellement participé à l’ensemble de ce
processus, aussi bien à des niveaux techniques que politiques,
en association avec la Commission Economique des Nations-
Unies pour l’Afrique (CEA), qu’avec le concours de la Banque
africaine de développement (BAD). On notera, d’une manière
générale, que sous l’égide de l’ensemble de ces institutions, de
nombreuses conférences statutaires, de niveau ministériel ou
technique (tel le Comité Directeur de l’OUA en 1986 à
Brazzaville) ont été organisées, couvrant la plupart des
secteurs de développement des pays africains (286).
C’est sur la base de ces délibérations que l’OUA ou l’UA
formulent des politiques multilatérales de coopération avec ou
sans l’ONU et ses institutions spécialisées opérant en Afrique,
ainsi que d’autres Organisations régionales comme l’Union
Européenne ou la Ligue des Etats Arabes, dans le cadre de
leurs accords spécifiques. Autant de stratégies qui ont émaillé
les décennies écoulées, et dont on espère qu’elles pourront
bien s’insérer dans les « Objectifs du Millénaire pour le
Développement » adoptés au Sommet Mondial de 2005 à New
York. Il en est ainsi d’importantes mesures et décisions de
politique globale panafricaine (287) auxquelles les Etats ne se

286
Il s’agit, entre autres des Conférences des ministres responsables du
Développement Economique et de la Planification; de l’Education; de
la Commission du Travail et des Affaires Sociales; des Conférences des
Ministres de la Santé, du Commerce, de l’Industrie, de
l’Environnement, etc.
287
Ce sont, entre autres : la Charte Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples(1981) ; le CARPAS (Cadre Africain de Référence pour les
Programmes d’Ajustements Structurels,1989); la Position Commune
Africaine sur le Développement Humain et Social (1994); la Position
Commune Africaine sur l’Environnement et le développement (prélude
à Rio 92); la Position Commune Africaine sur la crise de la dette
extérieure (1997); le programme Africain de Lutte contre la Pandémie
du VIH/SIDA; la Convention de Bamako sur les déchets dangereux; la

- 517 -
réfèrent pas assez alors qu’ils en sont parties prenantes, voire
directement auteurs.
A ces engagements majeurs se sont ajoutées des
préoccupations sociales et humaines interpellant le Congo et
concernant des fléaux meurtriers comme le SIDA, le
paludisme et la tuberculose. Le Congo disposait déjà, sur ce
plan, d’une institution d’envergure, le Bureau Régional de
l’Organisation Mondiale de la Santé pour l’Afrique, installé
depuis 1952 du temps de l’AEF, provisoirement délocalisé à
Harare pour cause de guerre civile au Congo en 1997, et que la
fermeté de l’OUA jointe à l’engagement du gouvernement
congolais ont permis de faire revenir à Brazzaville. Le Congo,
faut-il le rappeler, eut à bénéficier, de la part du Secrétariat de
l’OUA, de deux apports financiers symboliques de 40.000 et
75.000 dollars respectivement, remis au gouvernement par un
Secrétaire Général Adjoint, en assistance d’urgence en faveur
de victimes de ces deux guerres civiles de 1993 et 1997.

CONCLUSION

Dans une évocation comme celle-ci, on ne peut occulter le


souvenir du rôle particulier joué par les Syndicats, les Femmes
et les Jeunes aux niveaux de leurs associations affiliées aux
organisations panafricaines : l’Organisation de l’Unité
Syndicale Africaine (OUSA) basée à Accra, l’Organisation
Panafricaine des Femmes (OPF), basée à Luanda, et
l’Organisation Panafricaine de la Jeunesse (OPJ), basée à
Alger, ainsi que de valeureuses ONG représentant la société
civile.

Charte Africaine de la Participation populaire au développement; la


Charte Africaine d’Action Sociale; etc.

- 518 -
Enfin, une des contreparties majeures de la généreuse
contribution du Congo aux affaires internationales en général
pourrait s’évaluer soit en termes de présence humaine dans les
institutions panafricaines ou internationales, soit à l’aune
d’implantations d’activités à vocation régionale ou
internationale génératrices d’investissements ou de gains
variés sur son sol. Sur ces deux plans, l’utilisation
internationale de l’expertise congolaise reste encore en deçà
des potentialités. Les perspectives restent cependant ouvertes.
Ainsi par exemple le FESPAM (Festival Panafricain de
Musique) géré par le Congo pour le compte de l’Afrique et
dont le caractère intégré, multisectoriel, associant justement
créativité, industrie, communication, coopération, et en fin de
compte participation de partenaires divers, s’inscrit dans ce
sens. Il pourrait en effet en résulter une synergie globale, aussi
bien culturelle, scientifique, que technique et économique,
propre à mettre en valeur et à promouvoir des ressources dont
l’Afrique détient, parmi d’autres, la matrice.

- 519 -
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- 522 -
TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE
DENIS SASSOU NGUESSO ............................................. 5

PARTIE VII
HISTOIRE POLITIQUE ET INSTITUTIONNELLE DU
CONGO (1958-2010) ....................................................... 7

Chapitre 1er
Naissance, indépendance, et gestion de la première
République du Congo, de1958 à 1963
Jean-Marie Melphon Kamba ........................................... 9

Chapitre 2
Le Congo sous l’ère du Mouvement national de la
révolution (MNR), de 1963 à 1968
Martin Mbéri ...................................................................57

Chapitre 3
Le Congo sous l’ère du Parti congolais du travail (PCT),
de 1968 à 1990
Camille Bongou................................................................87

Chapitre 4
La Conférence nationale souveraine et la relance du
processus démocratique au Congo (1991-1997)
Séverin Andzoka .............................................................117

- 523 -
Chapitre 5
Des événements de 1997 à la normalisation de la vie
démocratique au Congo
Ngnia Ngama Moyen......................................................145

Chapitre 6
Le multipartisme au Congo, de 1990 à 2010
Grégoire Lefouoba ........................................................163

Chapitre 7
Histoire des institutions administratives congolaises,
de1957 à 2002
Placide Moudoudou ......................................................193

Chapitre 8
L’évolution de la justice congolaise, de 1960 à 2010
Philippe Ongagna ..........................................................215

Chapitre 9
La recherche scientifique et technologique au Congo
(1960-2010)
Jean Diamouangana........................................................253

Chapitre 10
L’histoire de l’éducation au Congo
Gilbert Ibiou....................................................................285

Chapitre 11
La santé au Congo, de 1958 à nos jours
Cyriaque N’Djobo Mamadoud ........................................311

Chapitre 12
La femme dans l’histoire du Congo
Jeanne Dambendzet.........................................................337

- 524 -
Chapitre 13
La jeunesse dans l’histoire du Congo, de 1960 à 2010
Jean-Pierre Ngombe........................................................393

Chapitre 14
Histoire du mouvement syndical au Congo
Jérôme Ollandet ..............................................................419

BIBLIOGRAPHIE ..........................................................447

PARTIE VIII
HISTOIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES .455

Chapitre 15
Le Congo et le monde
Delphine Edith Emmanuel-Adouki ..................................457

Chapitre 16
Le Congo dans l’Afrique : aperçu général de politique
extérieure
Pascal Gayama ...............................................................491

BIBLIOGRAPHIE ..........................................................521

TABLE DES MATIERES...............................................523

- 525 -
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