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FACULTES UNIVERSITAIRES PRIVEES D’ABIDJAN Année Académique 2017-2018

THEME

MIGRATION ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE EN AFRIQUE DE


L’OUEST

Noms des Intervenants Nom du Professeur


DIALLO Abdoulaye Professeur KOUADIO Bénié Marcel
KOUAME Ekra
OUEDRAOGO Cheickh
YAO Boris

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INTRODUCTION

La migration est un déplacement des populations ou des individus motivés par une inégalité
de conditions ou de perspectives de modes de vie entre le pays d’origine et celui de
destination. La migration est aussi un déplacement du lieu de vie d’individus et est l’une des
dimensions de la « mobilité » des populations.
Cette migration est couramment caractérisée comme temporaire ou définitive, elle peut
être contrainte, quand le migrant ne dispose d’aucune liberté dans l’acte de migrer, ou à
l’inverse non contrainte. Cette dernière apparaît alors articulée sur un différentiel entre un
territoire de départ perçu à un moment donné comme plus ou moins répulsif, et un
territoire d’arrivée que l’on se représente alors comme plus attractif.
En somme la migration peut se définir comme étant le processus intégrant tout type de
mouvements interne ou international de personnes sans considération de la durée et des
motifs. On parle alors, selon le point de vue, d’émigration (sortie du pays d'origine) ou
d'immigration (entrée dans le pays de destination).
Le développement économique quant à lui désigne les évolutions positives dans les
changements structurels d'une zone géographique (monde, continent, pays, régions) ou
d'une population : changements démographiques, techniques, industriels, sanitaires,
culturels, sociaux, etc. De tels changements engendrent l'enrichissement de la population et
l'amélioration des conditions de vie.

Maintenant que nous avons brièvement présenté ces deux notions, il nous ressort cette
interrogation : Quelle relation existe-t-il entre le phénomène de migration et le processus de
développement économique en Afrique de l’Ouest ?

Il s’agira donc pour nous de faire une étude corrélative de ces deux volets.

Partitionnée en 2, notre étude consistera à :

 Présenter le phénomène de migration en Afrique Occidentale


 Montrer l’impact que pourrait avoir la migration sur le développement économique

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SECTION I : PHENOMENE DE MIGRATION EN AFRIQUE OCCIDENTALE

Il convient dans cette première section comme annoncé précédemment de présenter le


phénomène de migration en Afrique occidentale, phénomène qui ne date pas d’hier et qui
était déjà pratiqué par les premiers êtres humains vivants sur terre. Plus récemment, notre
point de départ historique se situera autour des années 1960, période qui marque
l’accession à l’indépendance des pays Africains. Partant de là nous pourrons observer
l’évolution du phénomène de migration Ouest Africain jusqu’à nos jours.

I : HISTORIQUE DE LA MIGRATION OUEST AFRICAINE

PARAGRAPHE 1 : Les Migrations Des Années 1960 A La Fin Du 20ème Siècle

A. Histoire de la migration sous régionale Ouest-Africaine

Au cours de la période coloniale, la géographie des migrations intra-ouest-africaines est


essentiellement calquée sur les évolutions des implantations administratives, militaires et
portuaires des colonies. Par la suite, ce système migratoire tentera de s’adapter aux
fluctuations économiques des pays d’accueil ; au rythme des crises ou de l’essor économique
de l’un ou l’autre pays, les migrants ouest-africains empruntent des routes migratoires
différentes et optent pour les pôles d’immigration les plus prospères.

À l’aube des Indépendances et au cours de la décennie 1960, les pays de culture de rente
ouest-africains pratiquent une politique d’ouverture à l’immigration, consécutive au boom
économique, du cacao et du café notamment. Des dispositions incitatives à la libre
circulation des personnes et au recrutement d’une main d’œuvre étrangère sont adoptées ;
plusieurs pays, comme le Ghana ou la Côte d’Ivoire, constituent des pôles attractifs pour les
migrants de la région. Le recensement ghanéen de 1960 donne 827000 étrangers dont 98%
d’Africains, originaires pour la plupart des pays voisins. L’essor économique ivoirien attire
non seulement une main-d’œuvre peu qualifiée, destinée aux plantations, mais aussi de
nouveaux migrants, notamment sénégalais, pour la plupart « aventuriers » ou artisans.
Particulièrement présents dans le secteur du bâtiment, ils se lancent dans des chantiers de
construction, remportant de gros marchés.

Dans ce contexte, au début des années 1970, trois sous-systèmes migratoires émergent ; ils
s’organisent autour du pôle Côte d’Ivoire – Ghana, du Nigeria, premier exportateur « d’or
noir » en Afrique et l’un des six premiers pays exportateurs de pétrole dans le monde, et du
Sénégal, pays du commerce et de l’arachide. Cette organisation prévaut encore au cours des
années 80 et au début des années 90.

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Cependant, confrontés à des difficultés économiques et/ou à des troubles politiques,
plusieurs pays ouest-africains d’accueil se ferment, parfois expulsent, et prennent des
mesures comparables à celles adoptées par les pays européens visant à « arrêter toute
immigration de travailleurs ». En 1993, en Gambie des rafles d’étrangers provoquent
l’expulsion de 55 Guinéens et de 60 Sénégalais ne disposant pas de l’« Alien’s Certificate »
(carte de séjour instituée depuis 1973). En dépit des accords qui régissent la libre circulation
des personnes entre les pays de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO),
la Côte d’Ivoire instaure la carte de séjour en 1992.

Toutefois, à cette période encore, lorsque des difficultés de ce type surgissent, les migrants
s’orientent vers des pays voisins et un nouvel équilibre s’établit rapidement au sein de la
région. Incontestablement, les années 90 constituent un tournant : les règles du jeu du
système migratoire de l’Afrique de l’Ouest commencent à changer : les éléments qui le
structurent ne reposent plus sur une bipolarité des échanges — Sud-Sud ou Sud-Nord —
mais traduisent la complexité des itinéraires empruntés (routes nouvelles ou héritées de
circuits commerciaux anciens) et la diversité des forces en présence. Ces mutations se
poursuivent et s’affirment au cours de la décennie 1990.

Les périodes de crise économique, sociale et/ou politique que traversent les principaux pays
d’accueil ouest africains favorisent l’augmentation et la diversification des candidats à
l’émigration internationale (migrants économiques ou réfugiés), le développement des
migrations de transit et l’évolution de la nature des flux, notamment par l’émergence des
réseaux de trafic illicite de migrants. De nouvelles modalités de circulation apparaissent et
une multifonctionnalité des lieux s’impose, le même pays pouvant être successivement ou
simultanément pôle d’émigration, d’immigration ou de transit.

B. Vers de nouvelles formes de migrations

Les changements observés au Sénégal, en Côte d’ivoire et au Nigeria illustrent ces


évolutions. Au Sénégal, historiquement, les migrations internationales ont d’abord concerné
les « gens du fleuve », essentiellement originaires du monde rural. Mais depuis le début des
années 1980, l’émigration sénégalaise a connu de profonds bouleversements, provoqués
notamment par différentes crises rurales. Les zones de départ se sont multipliées. Au début
du XXème siècle, l’introduction de l’arachide permet le développement d’un nouveau pôle
économique : le bassin arachidier. Mais au début de la décennie 1970 plusieurs années de
sécheresse entraînent le déclin de la production arachidière et favorisent l’exode rural, lui-
même relayé par des mouvements migratoires internationaux.

L’émergence de cette nouvelle émigration internationale depuis le bassin arachidier est sans
conteste le reflet d’une crise agricole profonde mais elle est aussi l’expression du dynamisme
de la communauté mouride.
Sans celui-ci, l’exode rural se serait probablement orienté essentiellement vers Dakar et
n’aurait pas été aussi rapidement et aussi fortement relayé ou soutenu par l’émigration
internationale. Le système confrérique mouride a polarisé l’émigration interne vers un

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espace symbolique, la ville sainte de Touba, et a défini les modalités d’une nouvelle
migration internationale. Le potentiel migratoire du bassin arachidier réside donc à la fois
dans la crise d’une culture de rente et dans la force de l’organisation sociale d’une confrérie
religieuse très active dans le secteur du commerce.

En moins d’une génération, le Sénégal, d’abord pays d’immigration, accueillant


principalement des ressortissants de pays voisins, (Guinée, Mali et Mauritanie), devient l’un
des principaux pays d’émigration ouest-africain puis un pays de transit, à l’échelle régionale
et intercontinentale. Aujourd’hui, il associe simultanément les trois fonctions.

PARAGRAPHE 2 : Nouvelles Tendances Migratoires (De La Fin Du XXème Siècle Aux Années
2000

Plus récemment et de manière plus brutale, la crise ivoirienne a modifié en profondeur


l’espace migratoire ouest-africain. Selon les Nations unies, elle aurait contraint plus de 500
000 personnes à la migration internationale, entraînant le retour des migrants économiques
dans leur pays d’origine (Burkina Faso, Ghana, Guinée, Mali, notamment) et générant des
flux de réfugiés, principalement vers la Guinée et le Liberia.
Ces migrations forcées ont de fortes répercussions sur les nouvelles communautés d’accueil
et sur les communautés d’origine, souvent rurales, qui se trouvent particulièrement
fragilisées. Jusqu’à la tentative de coup d’État du 19 septembre 2002 qui a provoqué une
partition du pays, la Côte d’Ivoire était non seulement le premier pays d’accueil en Afrique
mais aussi un pays de transit important pour les migrants ouest-africains. Le pays
représentait un lieu d’accumulation, sur le chemin de l’Afrique, de l’Europe ou des États-
Unis. Les candidats à l’émigration, originaires de pays à longue tradition d’émigration vers la
Côte d’ivoire, ont dû rechercher de nouvelles destinations, et se sont engagés sur les routes
transsahariennes ou maritimes, dans l’espoir de rejoindre l’Europe.

De plus, au cours de cette même période, des portes se sont également fermées à l’extérieur
de la région : l’instabilité politique en Centrafrique et dans les deux Congo limitent les
opportunités migratoires dirigées vers le Sud ou obligent à aller toujours plus loin (Angola,
Afrique du Sud) ; tandis que les mouvements vers le Nord se heurtent à la fermeture des
voies migratoires légales vers les pays d’émigration traditionnels (France, Grande-Bretagne)
dans un premier temps (années 1990), puis vers les pays d’Europe du Sud ensuite (années
2000).

Dans le même temps, le Nigeria s’affirme comme pays d’origine ou de transit des réseaux de
traite de personnes, femmes et enfants principalement, souvent originaires des zones
rurales. L’enfant trafiqué hier entre le Nigeria et le Gabon ou la Côte d’Ivoire pour des
travaux domestiques ou agricoles est aujourd’hui aussi une jeune fille achetée pour la traite
de l’industrie du sexe en Italie, en Hollande ou en Arabie saoudite. Au système de « confiage
» des enfants se substituent des méthodes de recrutement parfois assorties d’intimidation.
Ces différents exemples soulignent que le système migratoire ouest-africain tend à la
multipolarité et les forces qui l’animent sont de plus en plus variées. De ce fait, le devenir

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des migrations internationales ouest-africaines se trouve fragilisé. Par voie de conséquence,
c’est la stabilité régionale même, dont elles sont l’un des piliers, qui est menacée. En effet,
l’histoire le montre en Afrique de l’Ouest, les migrations internationales de main-d’œuvre
ont toujours été une source d’équilibre économique et politique.

C’est dans ce contexte que sont apparus les premiers départs depuis les côtes sénégalaises,
révélés au monde en 2006. En fait, d’octobre 2005 à mai 2006 les lieux possibles de passage
entre l’Afrique et l’Union européenne se sont déplacés de 3000 kilomètres : de Melilla et
Ceuta (Espagne) à Layoun (Maroc) puis Nouadhibou (Mauritanie), de Saint-Louis à Dakar puis
à la Casamance (Sénégal).

Au total 30 000 candidats à l’immigration seraient arrivés aux Canaries au cours de l’année
2006 ; selon les autorités espagnoles, la plupart d’entre eux seraient d’origine
subsaharienne.
Ces évolutions placent les pays ouest africains d’accueil ou de transit dans une position
d’autant plus délicate que les pays du Nord, et notamment ceux de l’Union européenne,
s’efforcent d’externaliser la gestion de leurs frontières en conférant aux pays du Sud une
part grandissante de la responsabilité de leur contrôle.

L’ensemble de ces facteurs, démographiques, politiques et économiques a participé à


complexifier les itinéraires migratoires tout en les intensifiant. Au-delà de leur diversité, et
de la spécificité de chaque période (années 1990 et années 2000), on peut néanmoins
identifier quelques caractéristiques communes à ces mobilités.

PARAGRAPHE 3 : Caractéristiques Communes Des Mouvements Migratoires

A. Facilité de circulation croissante des mouvements intra-régionaux

Le premier constat est celui d’une fluidité et d’une volatilité croissante des flux intra-
régionaux. Les destinations se multiplient et les migrations semblent se dessiner par étapes
successives, de ville en ville, voire même de capitales en capitales, en fonction des
opportunités d’emploi.
Les migrants reviennent aussi fréquemment chez eux ou dans leurs capitales, avant de
repartir à nouveau. Ainsi, les migrations apparaissent de plus en plus « circulaires ». Les
projets migratoires s’individualisent et ne suivent plus nécessairement les réseaux de
solidarité ethnique ou villageoise d’autrefois. De nombreux candidats partent sans
information précise ou actualisée et ne trouvent pas toujours, dans les pays d’accueil, de
structures d’accueil communautaires, pouvant faciliter leur insertion économique et assurer
leur protection.
Parce qu’ils souhaitent satisfaire leur espoir de stabilité mais aussi parce qu’ils sont
victimes de rafles policières, ils sont alors très souvent contraints de repartir dans une autre
capitale.

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Dans ce contexte, il devient difficile de distinguer les pôles d’immigration et d’émigration et
les distinctions classiques se brouillent : la plupart des pays alternent entre immigration et
émigration ou participent aux deux mouvements en même temps.
Toutefois, malgré l’irrégularité des flux migratoires contemporains et la grande diversité des
étapes et des destinations, on constate que 80% des mouvements se font encore entre pays
limitrophes. 10% se font entre pays de la sous-région, plus éloignés, et les 10% restant
sortent de la sous région pour se diriger vers d’autres pays africains (Afrique centrale et
Maghreb), l’Europe, l’Amérique ou le reste du monde. Les études les plus récentes font
également ressortir encore quelques pôles d’immigration et d’émigration, qui démontrent
une certaine continuité avec dynamiques passées.

1. Les Pays d’immigration (Gambie, Côte d’Ivoire, Nigéria, Burkina-Faso, Sénégal)

Seule la Gambie et la Côte d’Ivoire sont clairement des pays d’immigration avec des taux de
15,3% et 13,1% d’immigrés parmi leur population. En nombre absolu, les flux vers la Gambie
ne sont pas réellement significatifs (0,2 million d’individus) comparativement aux
mouvements vers la Côte d’Ivoire (2 millions). Des flux important se dirigent également vers
le Ghana, le Nigéria et le Burkina-Faso, sans pour autant en faire des pays d’immigration
puisqu’ils sont également touchés par l’émigration.
Ainsi le Ghana est simultanément le 2ème pays d’accueil et le 3ème pays de départ de la
sous-région, en nombre absolu.
De même le Burkina-Faso reçoit beaucoup d’immigrants (0,8 million, soit 5,8% de sa
population) mais envoie encore plus d’émigrés à l’extérieur (1,1 millions, soit 8,5%).
Enfin, au Nigéria, l’immigration et l’émigration y sont quasiment égal (0,9 million
d’immigrants et 0,8 million d’émigrants) mais se caractérisent par la longue distance des
mouvements.

Les immigrés proviennent de toutes la sous-région, et non pas seulement des pays
frontaliers, tandis que les émigrés se dirigent facilement jusqu’en Europe ou aux Etats-Unis.
Pourtant, en pourcentage de la population, ces déplacements restent relatifs (0.7%
d’immigrants et 0.6% d’émigrés). Ne ressortant pas des statistiques, le Sénégal semble aussi
être une destination attractive pour son offre éducative et universitaire et pour son image
d’îlot de stabilité politique et économique. C’est également une destination qui miroite son
ouverture, de plus en plus fictive, sur l’Europe.

2. Les Pays d’émigration (Mali, Cap Vert, Nigéria, Burkina-Faso, Ghana, Sénégal)

Seuls deux pays peuvent être clairement qualifiés de pays d’émigration : le Mali, qui compte
1,2 millions de personnes à l’étranger, soit 9,0% de sa population contre seulement 0,3%
d’immigrants, et le Cap Vert avec un taux d’émigration très fort (35,8%) mais qui ne
représente que peu d’individus en nombre absolu (0,8 millions de personnes). Le Cap Vert se
distingue également par le fort pourcentage d’émigrants sortant de la sous-région.
Ainsi, à l’exception de trois pays ayant des soldes migratoires assez claires : le Mali et le
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Cap Vert (pays d’émigration) et la Côte d’Ivoire (immigration), les autres sont concernés par
les deux tendances et montre des taux d’immigration et d’émigration très proches. On
remarque néanmoins une certaine continuité historique, le Sénégal, le Nigéria, le Ghana et la
Côte d’Ivoire restant encore des pôles attractifs. Le Burkina-Faso fait toutefois partie des
nouveaux pôles d’immigration mais cela est en partie liée aux mouvements de population
engendrés par la crise ivoirienne.

3. Les Principaux itinéraires intra-régionaux

a. L’itinéraire Sud côtier ou la « voie sud », reliant la côte ouest à la côte sud de la
sous-région. Sur cette route, les migrants alternent entre voie terrestre et voie maritime. Sur
les bateaux, certains se font embaucher en tant que mécaniciens, cuisinier ou pêcheur pour
financer le voyage. La route se fait suivant le mode du cabotage, avec des arrêts dans chaque
capitale côtière traversée, jusqu’à atteindre le Nigéria, où certains continuent vers le sud via
Calabar, pour rejoindre Douala.

b. L’itinéraire sahélien ou la « voie nord » : emprunté à l’origine par les convoyeurs


de bétail, il traverse le Sénégal, le Mali, le Burkina-Faso, le Niger (par Maradi), puis le Nigéria
(par Kano) ; puis certains continuent jusqu’à Garoua pour prendre le train jusqu’à Yaoundé.
Ceux qui partent pour le Cameroun et qui en ont les moyens préfèrent généralement éviter
le Nigéria, dont les frontières ont mauvaise réputation, et prendre l’avion à partir de Lomé
ou de Cotonou.

c. L’itinéraire « médian », qui combine les routes nord et sud, et qui relie Dakar ou
Nouakchott à Bamako-Ouagadougou-Abidjan et Accra, et combine le train (Dakar-Bamako)
aux transports en communs (cars rapides) et parfois à la voie maritime. Néanmoins,
l’essentiel des mouvements intra-régionaux (80%1) reste encore transfrontaliers, entre pays
limitrophes. Les mouvements les plus soutenus sont toujours autour des frontières nord de
la Côte d’Ivoire et du Ghana, aux frontières sénégalaises et entre les pays du Golf de Guinée.
Les échanges sont également importants entre le Mali et la Burkina-Faso, la Guinée Bissau et
le Cap Vert, le Liberia et la Sierra-Léone, le Nigeria et le Tchad.

B. Diversification et complexification des destinations extra-régionales

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1. Les conséquences du durcissement des politiques d’immigration européenne

A partir des années 1990, le durcissement des politiques d’immigration des pays d’accueil
traditionnels (France et Grande-Bretagne) entraîne une réorientation des flux migratoires
ouest-africains en partance pour les pays occidentaux vers le Sud de l’Europe d’une part, et
les Etats-Unis, de l’autre. Si la voie aérienne vers la France et la Grande-Bretagne s’est
progressivement « fermée », de nouvelles voies terrestres (via le désert) et maritimes (via
l’Océan atlantique et la mer méditerranée) se sont ouvertes à destination de l’Italie et de
l’Espagne, transformant les pays du Maghreb en un nouvel espace de transit.

Ainsi, alors qu’autrefois, ce sont principalement les Sénégalais (82 000 recensés en France en
l’an 2000), les Ivoiriens (42 200 en France en 2000), des Ghanéens (56 100 en Grande
Bretagne en 2000) et des Nigérians (88 400 en Grande Bretagne en 2000), Capverdiens (44
900 au Portugal en 2000) qui partaient pour l’Europe3, depuis la fin des années 1990, on
retrouve également des Maliens, des Gambiens, et des Mauritaniens principalement en
Espagne ; et des Ivoiriens, des Burkinabés et des Libériens en Italie. L’Italie a aussi attiré les
migrants « traditionnels », puisqu’on y retrouve de nombreux Sénégalais (24 000 en Italie en
2000) ; Nigérians (15400 en Italie) et Ghanéens (17500 en Italie).

Contrairement aux anciennes métropoles, les pays d’Europe du Sud ont encore de forts
besoins en main d’oeuvre étrangère et procèdent, dans un premier temps, à des
régularisations massives des migrants sans-papier, qui contribuent à encourager les voyages
clandestins. Face à ce que l’on pense être un « déferlement » d’Africains sur l’Europe, les
Etats membres de l’Union européenne s’engagent alors, à renforcer les mécanismes de
régulation de la migration et de contrôles des frontières sud. Ceci, à travers l’établissement
de partenariats bilatéraux avec les pays de transit et/ou d’origine et de diverses formes de
dialogues multilatéraux avec les pays d’Afrique du Nord, d’Afrique de l’Ouest, puis du
continent Africain dans son ensemble. Le premier dialogue intergouvernemental, le Dialogue
5+51, est initié par les pays méditerranéens au début des années 1990 de manière
informelle.

Peu à peu, ces rencontres se sont institutionnalisées à travers notamment l’intervention


d’organisations internationales (IOM, ICMPD) et des Unions Européenne (UE) et l’Union
Africaine (UA). Une des principales initiatives des ces dialogues politiques est le
renforcement de la surveillance aux frontières nord-africaines par les Etats du Maghreb
moyennant une aide financière et un soutien technique de la nouvelle agence FRONTEX.

2. Des itinéraires toujours plus dangereux et repoussés vers le sud

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Loin de maîtriser les flux migratoires en partance pour l’Europe, les accords bilatéraux entre
l’UE et les pays du Maghreb2 auront pour principale conséquence de pousser les migrants à
emprunter des itinéraires de plus en plus dangereux tels que la voie maritime, directement
au départ de la Mauritanie (Nouadhibou) et du Sénégal (Saint-Louis), pour rejoindre les îles
Canaries. Les autorités espagnoles réagissent alors par une nouvelle politique, incluant la
signature d’accords bilatéraux avec la Mauritanie (2006) et le Sénégal (2006, 2007 et 2008)3
et sollicitent, à partir de 2006, l’intervention de FRONTEX dans la surveillance des côtes
ouest-africaines.
Ces mesures, couplées à des arrestations de passeurs et à de nombreuses campagnes de
sensibilisation menées par l’OIM et des associations locales, contribueront à diminuer le
nombre de pirogues atteignant l’Espagne, à un peu plus d’une centaine par an en 2007 (101
embarcations identifiés en 6 mois en 2007 contre environ 990 pour tout 2006).

Toutefois, les chiffres ci-dessus ne tiennent pas compte des nombreux bateaux qui sombrent
en mer ni de ceux qui sont interceptés et ramenés sur les rives ouest-africaines avant même
que la situation des migrants – et leurs éventuels besoins de protection – aient été
examinés.

De plus, ces mesures contribuent aujourd’hui à repousser les départs en mer toujours plus
au sud et contraignent les pirogues à naviguer toujours plus au large. Ainsi, les départs se
font désormais à partir du sud du Sénégal (Mbuur et Casamance), de la Gambie mais aussi
de la Guinée (OIM, 2007) et les trajets prennent la haute mer pour éviter les patrouilles. Le
renforcement des contrôles profite également aux passeurs.

Par ailleurs, les voyageurs continuent à tenter la voie terrestre, via le désert. Afin de
contourner l’Algérie et le Maroc, où les contrôles se sont désormais renforcés (et les
expulsions de migrants fréquentes), les migrants privilégient désormais la route libyenne
pour rejoindre les côtes italiennes ou espagnoles, via Tunis. Ils se rejoignent ainsi au départ
d’Accra, d’Abidjan, ou même de Dakar, pour rejoindre Ouagadougou, puis traverser le Niger,
via Niamey et Agadez, avant d’atteindre la côte méditerranéenne.

Ainsi peut-on souligner le faible impact des mesures restrictives sur le nombre de tentatives
de départ, du fait de la faculté d’adaptation et de renouvellement des filières migratoire.
Le renforcement des contrôles et la fermeture de la voie migratoire légale vers l’Europe ont
eu pour principale conséquence de transformer des flux autrefois réguliers en mouvements
irréguliers. Il faut également rappeler que ces politiques ne concerne qu’une faible
proportion des migrations ouest-africaines, le 90% prenant place au sein même de la sous-
région.7 En chiffres absolus, les migrations sub-sahariennes irrégulières vers les îles Canaries
(dont la majorité est ouest-africaine) se chiffraient en 2006 à 27 000 arrivées aux Canaries et
17 000 à Lampedusa1 La moitié serait d’origine sénégalaise. En 2007, 16.482 immigrés
arrivaient toujours irrégulièrement en Italie (Lampedusa) et mais plus que 11 500 vers les
îles canaries.

3. L’Afrique de l’Ouest comme nouvel espace de transit (Sénégal, Niger, Mali)

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Le durcissement des politiques européennes a eu pour deuxième conséquence de pousser
plus au Sud les villes-relais et les pays de « transit ». Alors que jusque là, les pays
maghrébins, l’Algérie, la Libye et le Maroc, occupaient ce rôle, l’intensification des contrôles
dans ces pays obligent les migrants à s’y installer plus durablement et/ou à se replier plus au
Sud.

Ainsi, la période de transit se rallonge et entraîne une sédentarisation plus ou moins partielle
des migrants pouvant aller jusqu’à plusieurs années. Si de nombreux sub-sahariens se sont
durablement installés au Maroc (autour d’Oujda), en Algérie dans la ville de
Tamanrasset (50% de la population en 2005), ou encore à Nouadhibou en Mauritanie
(10% de la population en 2005), ils sont désormais de plus en plus nombreux à se retrouver
bloqués aux portes nord de l’Afrique de l’Ouest.

Si les chiffres restent rares, les enquêtes qualitatives montrent que des villes comme Agadez
au Niger, Gao et Kidal au Mali, mais aussi Saint-Louis au Sénégal ou encore Nouadhibou en
Mauritanie font office à la fois de villes-relais mais aussi d’« impasses ». S’y côtoient en effet
les migrants en partance pour l’Europe, qui y travaillent, le temps de se constituer le budget
nécessaire pour « partir », des migrants installés de longue date depuis les années 1980, et
ceux qui ont été interceptés en mer ou dans le désert ou renvoyés par les autorités
espagnoles, algériennes, mauritaniennes ou libyennes. Ainsi, il reste très difficile de
distinguer, dans ces pays, la part de migrants en résidence permanente de ceux en transit de
courte durée, d’autant plus qu’une large part de la population étrangère opère des
mouvements saisonniers.

Dans ces villes-relais se développe néanmoins une « économie de transit » (hôtellerie,


commerce ambulant, transport, etc.) qui dynamise et modifie profondément les espaces
urbains, mais qui favorise aussi le développement de réseaux de trafics et de prostitution.
A la charnière de ces villes-relais, on retrouve également le rôle clé joué par les capitales
sahéliennes que sont Bamako, Ouagadougou et Niamey, comme étapes obligées vers les
zones de transit.

4. Des départs vers les autres pays d’Afrique toujours plus lointains

Avec les guerres qui ont déchiré l’Afrique centrale, et notamment la Centrafrique, et les deux
Congo, les départs vers le Sud se sont, eux aussi, complexifiés. A l’exception de quelques
travaux effectués sur la migration haalpulaar, soninké et wolof au Cameroun, Congo-
Brazzaville, Congo-Kinshasa et en Centrafrique, il existe peu d’informations récentes au sujet
de ces flux. Les recherches qualitatives montrent simplement que les destinations se sont
diversifiées et les trajets rallongés.
Ainsi, si de nombreux ouest-africains vont encore au Gabon, beaucoup se dirigent également
vers l’Angola et l’Afrique du Sud depuis la fin de l’apartheid, attirés par les ressources
minières et en pétrole.

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C. Rapatriements et nouveaux flux de réfugiés

1. Des conflits aux mouvements de rapatriement

Après la crise mauritano-sénégalaise de 1989 et l’instabilité sporadique en Casamance, les


années 1990 puis 2000 ont été marqué par des conflits meurtriers dans la sous-région. Les
guerres du Sierra-Léone et du Libéria ont été les plus longues et ont eu des conséquences
durables sur la dynamique des flux sous-régionaux en transformant les pays du Golfe de
Guinée (Guinée-Conakry, Ghana) en zone refuge et en allongeant la durée moyenne de l’exil
à 17 ans. Plus récemment, la crise ivoirienne puis togolaise ont aussi engendré de nouveaux
mouvements de population significatifs à la fois internes (la Côte d’Ivoire comptait encore
plus de 700 000 déplacés internes et externes (5886 réfugiés togolais au Bénin en Juin 2008 ;
6850 réfugiés ivoiriens au Libéria en Juin 2008).

Dans la région du golfe de Guinée, les pays hier producteurs de réfugiés sont ainsi devenus
des pays d’accueil et vice et versa. A ces conflits sous-régionaux se sont ajoutés des flux de
réfugiés en provenance des régions instables du Nord Cameroun, d’Afrique centrale et du
Darfour, faisant ainsi de l’Afrique de l’Ouest la deuxième région d’asile du continent, après
l’Afrique centrale.

En 2007, le nombre de personnes relevant du mandat du HCR s’élevait ainsi encore à plus de
950 000 Toutefois, la sous-région a aujourd’hui retrouvé une certaine stabilité ayant permis
au HCR, par le biais d’un ensemble d’accords triparties, d’initier quatre opérations majeures
de rapatriement en faveur des Libériens (350 000 personnes de 2003 à 2007, des Sierra-
léonais (178 000 au total), des Togolais (3398 rapatriés en 2007) et des Mauritaniens (4000
rapatriés en 2008), et des Camerounais (8000 en 2007), des Nigérians (17 000 rapatriés du
Cameroun en 2007). Cette accalmie a également permis au HCR de recommander aux
gouvernements la cessation du statut de réfugiés pour les Sierra-léonais en décembre 2008
et de planifier celle pour les Libériens en 2009, et laisse espérer la fermeture de plusieurs
camps.

De nombreux réfugiés sont néanmoins encore réticents à envisager le retour. Ainsi, 14,000
Sierra-léonais et 79 000 Libériens souhaitent rester dans leur pays d’installation qu’il s’agisse
de leur premier pays d’accueil (Guinée, Libéria, Côte d’Ivoire) ou d’autres pays d’installation,
principalement dans les capitales des pays anglophones (Ghana, Nigéria, Gambie). On
retrouve également de nombreux Ivoiriens dans les capitales francophones, qui attendent
les résultats d’une élection présidentielle, qui n’a eu cesse d’être reportée depuis 2005.
L’Afrique de l’Ouest présente ainsi la particularité de compter de nombreux réfugiés urbains,
majoritairement ressortissants de la CEDEAO.

2. Flux de réfugiés et de demandeurs d’asile actuels

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Les flux actuels sont constitués en majorité d’Ivoiriens et de Sierra-léonais. Ces deux groupes
se retrouvent dans tous les pays ouest-africains, mais plus fortement en Guinée. Les
Libériens continuent également à demander l’asile. Parmi les autres demandeurs d’asile
ouest-africains, se trouvent des Togolais, surtout dans les pays voisins, des Nigérians en Côte
d’Ivoire et au Bénin. Les flux provenant de l’extérieur de la sous-région sont dorénavant plus
importants. Les Congolais (Kinshasa) demandent la protection dans tous les pays ouest-
africains, mais en majorité au Nigeria. Les Soudanais et Tchadiens arrivent surtout au Ghana
et au Bénin. Quelques Camerounais demandent encore l’asile au Nigéria. On compte
quelques Rwandais et Burundais notamment au Bénin, Togo et Sénégal.

Plus récemment, on compte également des Sri-lankais parmi les demandeurs d’asile dans la
sous-région (89 au Sénégal, qui ont été déboutés et sont repartis ; 4 au Ghana, 8 en Côte
d’Ivoire ; 2 au Togo, et 13 au Nigéria.

Enfin, il faut aussi relever 2 Népalais qui ont demandé l’asile au Sénégal en 2007 ainsi qu’un
couple de Népalais qui a obtenu l’asile en Gambie.

Aujourd’hui, avec la fin relative des conflits en Afrique de l’Ouest, les gouvernements ouest
africains n’accordent plus que rarement le statut de réfugié prévu par la Convention de
l’OUA (1969) et généralement accordé de prima facie.
Dorénavant, les réfugiés sont majoritairement reconnus sur une base individuelle, suivant
les critères de la Convention de Genève relative au statut de réfugié (1951) et son Protocole
additionnel (1967).

3. Nouveaux foyers d’instabilité

Si la sous-région connaît une accalmie, elle n’est toutefois pas à l’abri de conflits dans les
années à venir et de nouveaux mouvements forcés de population. Outre des tensions
politiques, liées à des mouvements de grève, des mouvements rebelles encore actifs, et/ou à
l’exploitation des ressources (notamment pétrolières), la sous-région s’expose à de
nouvelles « émeutes de la faim » avec l’augmentation des prix des denrées de première
nécessité. Les changements climatiques et l’éventualité de nouvelles sécheresses ou
famines, pourront également participer à de nouveaux mouvements de population. Enfin, la
montée de la xénophobie, dans un contexte de faible croissance économique et/ou de
répartition inégale des richesses, peut aussi susciter de nouvelles dynamiques d’exclusion et
de redéfinitions des critères de l’autochtonie.

D. Individualisation, féminisation et précarisation des projets migratoires

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1. Rajeunissement et féminisation des flux

La majorité des migrants ouest-africains a moins de 40 ans et la tendance actuelle est au


« Rajeunissement » des mouvements migratoires. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir de
jeunes adolescents de moins de 18 ans mais aussi des enfants circuler dans la sous-région, ce
qui n’est pas surprenant étant donné que 66% de la population a moins de 25 ans. Parmi les
migrations régulières et enregistrées, le taux de femmes atteint les 47,9%, ce qui est un peu
plus faible que la moyenne mondiale mais qui illustre aussi une certaine féminisation des
flux par rapport à la période précédente.1 On remarque également dans cette catégorie de
migrations « régulières », une augmentation de la mobilité des personnes qualifiées et des
étudiants, qui se dirigent principalement vers le Sénégal, le Ghana et avant 2002, la Côte
d’Ivoire.
Il est plus difficile d’établir de nouvelles tendances pour les migrations irrégulières. Les
enquêtes qualitatives montrent néanmoins qu’elles restent en majorité l’apanage de jeunes
hommes, entre 16 et 35 ans, dont les niveaux de formation sont variés (école primaire,
formations professionnelles en petits métiers, quelques diplômés). Toutefois, dans les villes
relais, et sur les routes à destination de l’Europe (que ce soit la voie maritime ou terrestre),
on rencontre également de plus en plus de femmes (parfois enceintes) et d’enfants, parfois
non accompagné.

2. Individualisation des mobilités et affaiblissement des structures d’accueil

Les facteurs démographiques, économiques et politiques évoqués plus haut ont aussi
contribué à affaiblir les structures d’accueil communautaires basés sur des réseaux de
solidarité ethniques et villageois implantés dans les pays de destination. Faisant face d’un
côté à une mobilité accrue, et de l’autre à une diminution des opportunités économiques,
ces structures se trouvent, dans certains pays, incapables d’absorber l’ensemble des
migrants originaires d’une même communauté ou groupe ethnique. Des études qualitatives
ont montré comment en Côte d’Ivoire, par exemple, les structures d’accueil des migrants
(d’ethnie haalpulaar) originaires de la vallée du fleuve Sénégal se sont progressivement
déstructurées.
Cette situation affecte migrants comme réfugiés qui, sans soutien communautaire, se
retrouvent plus facilement exposés à des violations de leurs droits fondamentaux.

Toutefois, d’autres travaux montrent que des réseaux de solidarité perdurent (notamment
religieux, au sein des confréries mourides), tandis d’autres s’élargissent pour regrouper les
migrants originaires d’un même pays (et non plus d’un même village ou ethnie).
A ce phénomène s’ajoute celui d’un désir d’« émancipation » de certains jeunes, qui
souhaitent échapper au contrôle familial et à la pression sociale d’un « partage » des
revenus trop anticipé. Aux projets migratoires collectifs, soutenus par la famille, se
superposent ainsi des projets de plus en plus individuels de jeunes cherchant à subvenir à
leurs besoins par eux-mêmes6. La majorité des personnes rencontrées est ainsi partie seule,
sans en avertir leur famille mais avec l’intention de la contacter qu’une fois la « réussite »
assurée.

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Dans leur pays d’installation, ils évitent alors d’entrer en contact avec les structures d’accueil
de leur communauté d’appartenance, qui exercent toujours un certain « contrôle social » sur
leurs membres et peuvent rapporter leur situation à la famille ou village d’origine.
Sans soutien communautaire, les jeunes migrants sont ainsi livrés à eux-mêmes et beaucoup
plus vulnérables à différentes formes d’exploitations, d’abus et de rafles policières.

3. « Mixité » des motivations

Les motivations sous-jacentes aux mobilités ouest-africaines sont extrêmement complexes


et mêlent des dimensions politiques, économiques, sociales et environnementales. On peut
ainsi distinguer trois types de causes qui se superposent ou se succèdent dans le temps :

a. Recherche de protection internationale ou d’assistance :

La recherche d’asile et de protection internationale concerne aujourd’hui principalement les


personnes fuyant des zones de conflits ou d’instabilités politiques (cas des Ivoiriens,
Soudanais, Tchadiens), ou ne souhaitant pas rentrer dans leur pays d’origine, qu’ils ne jugent
pas encore sécurisés contrairement au HCR (cas de certains Mauritaniens, Sierra-Léonais,
Libériens, Togolais ou Congolais). Certaines personnes, qui ont été expulsées d’Algérie ou du
Maroc vers le dernier pays de transit dans des conditions inhumaines ou dégradantes, se
retrouvent également dans une position difficile et recherchent une assistance. Ces-derniers
ne sont généralement pas en mesure de rentrer chez eux par manque d’argent, par peur de
subir la « honte » et « l’humiliation », ou par peur de regagner leur pays d’origine et par
manque d’attache dans le dit-pays. Il arrive aussi que certains n’aient plus de parents ou
réseaux sociaux dans leur zone d’origine.

Toutefois à ces raisons se mêlent également des motivations économiques liées à une quête
de stabilisation financière dans des pays à plus forte croissance économique.

b. Recherche d’opportunités économiques et diversification des risques :

La mobilité constitue encore pour une majorité de migrants une stratégie de diversification
des risques, dans des contextes économiques et politiques fortement aléatoires où l’absence
de relations sociales ne permet pas d’avoir une bonne « place » et où le système de «
débrouille » et de « petits métiers » domine.

Ainsi, les familles ouest-africaines sont pour la plupart éparpillées entre plusieurs localités et
plusieurs pays à la fois, et s’entraident par le biais de transferts d’argent. Les modes de vie

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sont, de plus en plus, « transnationaux », et s’appuient sur plusieurs activités économiques
(urbaines et rurales) en même temps, ainsi que sur les faibles différentiels économiques
entre les pays de la sous-région (ce qui explique aussi la volatilité des flux). La recherche de
sécurité économique se fait donc via la mobilité et non pas la sédentarité, ce qui souligne,
une fois encore, le rôle régulateur des migrations et leur dimension «positive». Il faut
également noter que la mobilité économique est aussi sous tendue par une recherche de
sécurité juridique, car en démultipliant les lieux d’implantation de sa famille ainsi que ses
cartes d’identité (obtenues par voie frauduleuse), le migrant multiplie aussi ses chances de
pouvoir se replier dans une zone sûre, en cas d’aléas politiques ou climatiques.

c. Pressions familiales et dimension genre de la migration

Dans la plupart des sociétés ouest-africaines, la pression sociale est tournée vers les jeunes
hommes qui se doivent d’aider leur famille ; les mères leur inculquent très tôt une éthique
de la responsabilité les engageant à leur venir en aide dès que possible. Or, dans les zones
rurales, les seuls exemples de réussite sociale semblent être liés à la migration et aux
transferts d’argent opérés par ceux qui sont à l’étranger, et encore plus en Occident. Les «
Espagnols » ou les « Français », comme on les surnomme localement, affichent leur succès
par la construction d’une maison en « dur » ou « à étages » et l’acquisition de biens de
consommation symboliques (TV, voitures), créant ainsi des jalousies et un sentiment de «
honte » chez les autres. Ce sont aussi les migrants qui se marient avec les plus « belles filles
» ou celles de « bonnes familles ».
Dans les campagnes, les jeunes sont donc « contraints », selon leur expression, de partir,
poussés par des raisons sociales, et pas seulement économiques. Dans les foyers polygames,
ces pressions sociales sont d’autant plus importantes qu’elles s’inscrivent dans des rapports
de concurrence entre demi-frères, sur fond de rivalités entre coépouses. Les mères sont les
premières à encourager leur fils à l’émigration, pour assurer leur « réussite » au sein du
foyer. Elles financent les voyages et contactent les marabouts, qui jouent également un rôle
clé : fournir la protection mystique nécessaire au périple. A ces pressions s’ajoutent, enfin,
une forte valorisation sociale de l’« aventure » et de la « débrouille » comme nouveaux
modèles de réussite, la migration des jeunes prenant alors aussi une dimension de rite de
passage vers l’âge adulte.

Dans certains cas néanmoins, notamment dans les foyers monogames, la concurrence entre
frères est moins accentuée, et la migration s’inscrit encore dans une stratégie familiale : si
un frère migre, il permettra à celui qui est resté d’investir dans le commerce et lui confiera la
gestion de ses relations (transferts d’argent aux parents) mais aussi de ses affaires (achat de
terrains, etc).

4. Profil des migrants en partance pour l’Europe

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Toutefois, qu’elle soit motivée par des raisons politiques ou économiques, la migration vers
l’Europe reste en général hors de portée pour la plupart des jeunes, parce que trop coûteuse
et risquée. Les départs pour l’Europe ou l’Amérique nécessitent un capital social et
économique relativement important pour pouvoir emprunter l’argent nécessaire au
financement du voyage. Qu’il s’effectue par voie aérienne (recherche de visa, via des «
agents »), ou par voie terrestre et maritime via des passeurs, le voyage coûte très cher et sa
préparation peut s’échelonner sur plusieurs années. Une partie de l’argent est souvent
envoyée par un parent, déjà bien « placé » en Europe, et l’autre est réunie par la famille (la
mère) ou par les confréries religieuses. Ces parents sont omniprésents dans les récits
migratoires.

Ainsi, les « clandestins » en partance pour l’Europe ne sont pas les plus démunis. Qu’ils
soient réfugiés, demandeurs d’asile ou migrants économiques, ce ne sont pas, en général,
les plus pauvres ni les plus vulnérables qui s’engagent sur les routes vers l’Europe. La
majorité a de petits métiers, d’autres sont bien qualifiés, et d’autres encore ont épuisé
toutes les voies d’immigration légales.

Migration et développement vont de paires on ne peut parler de migration sans véhiculer


non plus l’impact qu’elle a sur le développement. Ceci montre à bien l’objet de la seconde
partie de notre étude.

SECTION II : IMPACT DE LA MIGRATION SUR LE DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE DE


L’OUEST

La migration et le développement sont des processus inséparables et interdépendants qui


s’inscrivent dans un contexte mondialisé (global). La migration ne peut remplacer le
développement tout comme le développement ne dépend pas nécessairement de la
migration, mais chaque processus peut influencer profondément l’autre. La corrélation entre
migration et développement est au centre de l’attention de la communauté internationale
en raison de ses avantages possibles pour le développement des pays d’origine et d’accueil.
C’est donc pour plus de précisions que nous nous évertuerons à montrer la corrélation entre
migration et développement du côté ouest-africain et par la suite présenter des
recommandations des politiques à suivre pour maximiser les gains potentiels de la
migration.

I : MIGRATION SOURCE DE DEVELOPPEMENT

Nombreux sont les individus qui émigrent dans l'espoir de trouver ailleurs de meilleures
conditions de vie et de travail pour eux-mêmes et leur famille, un fait qui souligne le rôle
important du marché du travail dans l'expérience migratoire.  Mais celui-ci est également
important dans la contribution des travailleurs migrants au développement économique du

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pays de destination et dans l'influence exercée par les migrations sur le développement dans
le pays d'origine.
Les pays de destination tendent à tirer profit des migrations en ce sens que l'afflux de
travailleurs peut aider à répondre aux pénuries de main-d'œuvre qualifiée ainsi qu'au recul
de la main-d'œuvre ; contribuer à la reprise potentielle de nombreux secteurs traditionnels
tels que l'agriculture et les services ; et participer au financement des programmes de
retraite et autres mesures de sécurité sociale. Dans le même temps, il convient de pondérer
ces bénéfices en fonction de l'impact ou des conséquences perçu(es) que la présence des
travailleurs migrants peut avoir sur le marché du travail des pays de destination.
Les pays d'origine peuvent eux aussi tirer avantage des rapatriements de fonds et des
transferts d'investissements, de technologies et de qualifications (ces derniers étant opérés
via la migration de retour permanente ou temporaire). On dit de ces facteurs qu'ils
améliorent les résultats sur le plan du développement (croissance accrue, réduction de la
pauvreté, etc.) dans les pays caractérisés par une tendance migratoire vers l'extérieur. Cette
dernière est en outre censée réduire la concurrence et les pressions exercées sur la main-
d'œuvre dans les pays d'origine, en améliorant la position relative des travailleurs dans ces
pays. Cependant, la migration vers l'extérieur ou émigration de main-d'œuvre (qualifiée ou
autre) pourrait aussi représenter une perte en capital humain pour les pays d'origine, en
entravant le processus de développement du moyen au long terme.
Le présent exposé se concentre sur l'émigration en Afrique de l’ouest. Cinq pays peuvent être
qualifiés de pays d’émigration à savoir le Mali, Cap Vert, Nigéria, Burkina-Faso, Ghana, Sénégal. Seuls
deux pays peuvent être clairement qualifiés de pays d’émigration : le Mali, qui compte 1,2
millions de personnes à l’étranger, soit 9,0% de sa population contre seulement 0,3%
d’immigrants, et le Cap Vert avec un taux d’émigration très fort (35,8%) mais qui ne
représente que peu d’individus en nombre absolu (0,8 millions de personnes). Mais pour
insuffisance d’informations récentes sur les migrations au Cap-Vert et au mali, nous nous
focaliserons sur le Sénégal comme pays d’émigration. Il (l’exposé) aspire notamment à
explorer les canaux par lesquels la migration vers l'extérieur peut influencer le
développement dans les pays d'origine en termes de : (i) impact sur le marché du travail
local et le développement ; (ii) retours de capitaux via les rapatriements de fonds
(ressources financières) ; et (iii) migration de retour (capital humain : migration temporaire,
circulaire ou permanente).
Le présent exposé étudie ces questions en Afrique de l’ouest (en se concentrant sur le
Sénégal). Si le pays étudié intègre à différents degrés les questions de migration à leurs
stratégies de développement, il subsiste encore un besoin de mieux comprendre et
davantage mettre en exergue le rôle de l’emploi et des marchés du travail. L’OIT estime que
le monde du travail revêt une importance centrale pour ce qui concerne le lien migration-
développement. En 2005, le Conseil d’administration du BIT a adopté le Cadre multilatéral
pour les migrations de main-d’œuvre, dont la Ligne directrice 15.1 recommande d’« intégrer
pleinement les migrations de main-d’œuvre à la politique nationale en matière d’emploi, de
marché du travail et de développement. »

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Le paragraphe 1 établi le contexte du marché du travail dans les pays d'origine, incluant
l'importance de la migration et les raisons à sa source. Le paragraphe 2 examine les
tendances majeures en matière d'émigration et analyse la performance des travailleurs
migrants d'Afrique de l'Ouest (pays d’origine) sur le marché du travail ainsi que les questions
y relatives en matière de capital humain et de développement dans ces pays d'origine. Le
paragraphe 3 se concentre sur le thème des rapatriements de fonds vers le pays étudié, en
incluant les facteurs du marché du travail (et autres) déterminant la probabilité de rapatrier
des fonds et les questions associées à l'impact de ces rapatriements sur le développement.
Le paragraphe 4 considère le sujet de la migration de retour, c'est-à-dire les travailleurs
migrants qui regagnent leur pays d'origine après avoir vécu et travaillé ailleurs (de façon
temporaire ou permanente). Il examine les raisons qui ont motivé leur décision de revenir et
les facteurs déterminant leur réussite sur le marché du travail à leur retour.

PARAGRAPHE 1 : le MARCHE DU TRAVAIL DANS LES PAYS D’ORIGINE

A. L’EMPLOI COMME RAISON PRINCIPALE DE L’EMIGRATION

Les pays de destination répertorient souvent les migrants en fonction des raisons qui les ont
poussés à émigrer (par ex. regroupement familial, réfugiés et demandeurs d’asile et
migrants économiques) mais ces catégories peuvent devenir confuses. Il est important de
reconnaître que bon nombre de ceux qui émigrent à l’origine pour d’autres raisons peuvent
finir par chercher un emploi dans le pays de destination. Lorsque les individus décident
d’émigrer, leurs motivations sont multiples et leurs raisons souvent mixtes (Déterminants de
la migration). On évoque parfois le conflit comme un puissant facteur motivant à émigrer, en
particulier en Afrique. On estime cependant qu’il est associé à seulement quelque 13 pour
cent des mouvements internationaux sur le continent africain. Les motifs économiques, à
l’instar de la recherche d’emploi ou de meilleures conditions de travail, jouent un rôle
significatif dans la décision d’émigrer.

Déterminants de la migration : Facteurs endogènes et exogènes

Facteurs endogènes.

On relève un certain nombre de facteurs incitant les migrants à quitter leur pays d’origine, et
notamment les conflits ethniques et sociaux, l’instabilité politique et la dégradation de
l’environnement. Les facteurs environnementaux incluent sécheresse et désertification, qui
peuvent engendrer la famine ou rendre certaines terres inhabitables. Les raisons
sociales/politiques incluent les violations des droits de l’homme, les conflits et l’instabilité
politique. Les circonstances économiques, dont le manque d’opportunités professionnelles
valables, les taux de chômage élevés, la protection sociale inadaptée et la pauvreté,
constituent elles aussi des facteurs endogènes majeurs.

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Facteurs exogènes

Les facteurs exogènes incluent le regroupement familial, le désir de s’assurer un meilleur


niveau de vie et la recherche de meilleures opportunités d’emploi et conditions de travail.
Les migrants potentiels peuvent être incités à migrer après avoir entendu des parents ou
amis parler des opportunités d’emploi, des salaires et des conditions de vie offertes à
l’étranger. Il ne s’agit pas de dire que toutes les formes d’émigration depuis l’Afrique de
l’Ouest peuvent s’expliquer par des facteurs économiques et liés au marché du travail, en
fait, les flux migratoires en provenance d’Afrique n’obéissent pas à un schéma unique mais
sont plutôt de nature diverse.

B. CONDITIONS DU MARCHE DU TRAVAIL

Le rôle du marché du travail dans le contexte de la migration revêt une importance cruciale,
et notamment parce que, comme précédemment illustré, les chances en matière d’emploi et
les conditions du marché du travail des pays d’origine comme de destination peuvent
constituer des éléments incitateurs décisifs dans le cadre de la décision de migrer. Cette
section vise à élaborer une compréhension de la situation du marché du travail en Afrique
l’Ouest. Il convient cependant de ne pas oublier que certaines informations pertinentes sur
le marché du travail dans la région présentent un caractère limité.

1. STRUCTURE ET CARACTERISATION DE LA MAIN D’ŒUVRE

1.1 STRUCTURE PAR AGE ET PAR SEXE

La pyramide des âges de la main-d’œuvre diffère significativement de celle de la population


en âge de travailler de par sa base nettement plus arrondie, traduisant ainsi la présence
relativement faible des jeunes âgés de 15 à 29 ans au regard de leur poids dans la population
en âge de travailler. En effet ils représentent 45,5% de la population en âge de travailler mais
ne constituent que 37,5% de la main-d’œuvre. Cette faible participation des plus jeunes à
l’activité économique pourrait s’expliquer d’une part par leur sortie tardive du système
éducatif et leur manque d’expérience dans la recherche d’emploi. Cette tendance s’observe
aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Les hommes représentent la plus grande
part de la main d’œuvre car représentant 57,6% de cette dernière. Ceci traduit une sous-
utilisation plus importante de la main-d’œuvre féminine que celle masculine.

1.2 SITUATION PAR RAPPORT A L’OCCUPATION DE LA MAIN D’ŒUVRE

La main d’œuvre est occupée à 84,4%. Au regard du statut d’occupation, on note que la
main-d’œuvre occupée est essentiellement constituée de travailleurs indépendants (35,8%),
d’employés salariés (30,1%) et d’aides familiaux (25,3%). Les personnes occupées en emplois
non-salariés et celles qui sont employeurs étant évaluées respectivement à 5,4% et 2,1% du
total des occupés. Les chômeurs qui représentent 15,7% de la main-d’œuvre sont en
majorité en situation de primo-demandeur, c’est à-dire à la recherche de leur premier
emploi (80,9% du total des chômeurs).

1.3 NIVEAU D’INSTRUCTION DE LA MAIN D’ŒUVRE

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Le niveau d’instruction est un facteur déterminant dans le positionnement des individus sur
le marché du travail. Les chances, pour un individu, de trouver un emploi de meilleure
qualité sont d’autant plus élevées que le niveau d’instruction l’est. L’analyse du niveau
d’instruction des individus de la main-d’œuvre montre que 60,5% d’entre eux n’ont jamais
fréquenté l’école. Parmi les 39,5% qui ont fréquenté l’école, 87,1% ont un niveau
d’instruction inférieur ou égal au deuxième cycle de l’enseignement secondaire (avec 74,3%
ayant un niveau inférieur au premier cycle de l’enseignement secondaire et 49,6% n’ayant
que le niveau primaire). Cette proportion de la main d’œuvre ayant un niveau d’instruction
inférieur ou égal au second cycle de l’enseignement secondaire est plus élevée chez les
femmes pour lesquelles elle est de 89,1% (contre 85,8% pour les hommes).

Tableau III-3. Répartition de la main-d'œuvre selon le niveau d’instruction (CITE-97)


Niveau d’instruction Homme Femme Total
Education de la petite enfance 0,4 0,9 0,6
Enseignement primaire 47,7 52,6 49,6
Premier cycle de 23,9 24,4 24,1
l’enseignement secondaire
Enseignement post-secondaire 13,8 11,2 12,8
non-primaire
Enseignement supérieur de 0,6 0,5 0,6
cycle court
Licence ou niveau équivalent 3,9 3,2 3,6
Master ou niveau équivalent 3,5 2,4 3,1
Doctorat ou niveau équivalent 5, 3 4,2 4,9
Total 100,0 100,0 100,0
Source : ANSD, ENES 2015

L’analyse par niveau d’instruction et selon le sexe montre que c’est au niveau de la main-
d’œuvre ayant un niveau équivalent à la l’éducation de la petite enfance que l’on note la
prédominance de la main d’œuvre féminine. En effet, près de 6 individus sur 10 de la main
d’œuvre ayant un niveau d’éducation équivalent à la petite enfance sont des femmes. Pour
tous les autres niveaux d’instructions, on note une proportion plus importante de la main-
d’œuvre masculine. Dans l’ensemble, il ressort que le niveau d’instruction de la main-
d’œuvre est relativement faible, en particulier pour celle féminine.

1.4 TAUX DE PARTICIPATION DANS LA MAIN D’ŒUVRE

Le taux de participation dans la main-d’œuvre est un indicateur de mesure de l’intensité de


la main-d’œuvre dans la population en âge de travailler. En 2015, ce taux de participation est
estimé à 53,6% au niveau national. Le taux global observé cache des écarts importants entre
les hommes et les femmes, avec un taux global de 65,9% pour les hommes qui excède celui
des femmes de 23,2 points de pourcentage. Cet écart de niveau de participation entre
hommes et femmes est plus frappant en milieu rural où il atteint 26,1 points de
pourcentage.

Tableau III-5 : Taux de participation dans la main-d'œuvre par strate, selon le sexe
Strate Homme Femme Total

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Dakar Urbain 68 ,3 48,7 58,2
Autres Urbains 60,0 39,2 49,0
Rural 68,0 41,9 53,9
Total 65,9 42,7 53,6
Source : ANSD, ENES 2015

2. Considérations dans le domaine de l’emploi

L’analyse de la structure des emplois selon le secteur d’activité permet d’identifier les
principaux secteurs pourvoyeurs d’emplois ainsi que les secteurs pour lesquels la création
d’emploi reste encore faible. Après analyse, il ressort que près des trois quart (78,5%) des
emplois sont concentrés dans cinq (5) secteurs d’activité que sont :

- le « secteur de l’agriculture, de l’élevage, de la sylviculture et de la pêche » dans lequel


31,8% de la main d’œuvre occupée se retrouve. En termes de structure selon le sexe, les
occupés de ce secteur sont à 65,6% des hommes. Au regard du statut dans la profession, les
aides familiaux et les travailleurs indépendants y sont dominants et re présentent
respectivement 62,1% et 25,0% des occupés de ce secteur.

- le « secteur commerce de gros et détail, des réparations et véhicules automobiles et de


motocycles » dans lequel se retrouve 19,9% de la main d’œuvre occupée. Les emplois de ce
secteur sont dans la majorité (52,0%) occupés par des femmes, avec comme professions
dominantes les employé s salariés (61,3%) et les travailleurs indépendants (26,9%).

- les « autres activités de services » et le secteur des « activités des ménages privés
employant du personnel domestique; activités non différenciées de production de biens et
de services des ménages privés pour usage propre » dans lesquels se trouvent
respectivement 9,9% et 9,4% des personnes occupées. Si dans le secteur des « autres
activités de services », la proportion des hommes est prédominants (66,0%), dans celui des «
activités des ménages privés employant du personnel domestique; …. » près de 8 occupés
sur 10 sont des femmes. Au regard des professions, dans ces deux secteurs les statuts
dominants sont ceux d’employés salariés (respectivement 63,1% et 78,0%) et de travailleurs
indépendants (respectivement 22,6% et 14,8%).

- Le secteur des « activités de fabrication » dans lequel s’activent 7,5% des personnes
occupées et dans lequel les 71,2% des occupés sont des hommes. Dans ce secteur, le poids
des salariés est de 47,1% tandis que ceux des travailleurs indépendants et des emplois non-
salariés sont respectivement de 32,3% et 13,5%.

L’emploi en Afrique, Afrique du Nord et de l’Ouest y compris, est majoritairement de nature


informelle. Or, par définition, les données relatives à l’emploi informel sont rares et il est
difficile de les comparer entre divers pays. Un problème exacerbé par l’adoption de
différentes approches pour en mesurer le caractère informel.
Au Sénégal, la disponibilité des données sur l’emploi informel est particulièrement limitée.
Les données des années 90 indiquent que les travailleurs salariés sénégalais ne représentent
que 10 pour cent de la population active, le pourcentage restant étant composé des
travailleurs informels ou des ouvriers agricoles.

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La tendance croissante à l’emploi informel s’accompagne de plusieurs défis. Tout d’abord, la
rémunération moyenne des travailleurs informels est inférieure à celle des travailleurs
réguliers et les conditions de travail sont souvent non réglementées. Ensuite, les travailleurs
informels n’ont qu’un accès limité aux avantages de sécurité sociale – une préoccupation qui
ne se limite pas aux travailleurs informels du Sénégal. Dans le contexte des problèmes
associés à la migration, il est probable qu’une part considérable d’employés informels soit
des travailleurs migrants, soit en provenance d’autres pays, soit de simples travailleurs
ruraux qui ont migré vers les zones urbaines à la recherche d’un emploi.
En termes de structure de l’emploi, le secteur primaire demeure un élément important en
Afrique de l’Ouest, en particulier au Sénégal.

3. TAUX DE CHOMAGE

Le taux de chômage qui évalue le poids en pourcentage des chômeurs dans la main d’œuvre
est estimé en 2015 à 15,7% de la main d’œuvre. Ce taux de chômage varie selon la classe
d’âges, la région et le sexe.

3.1 TAUX DE CHOMAGE PAR AGE ET PAR SEXE

Le taux de chômage varie en fonction des classes d’âge et est plus important chez des jeunes
âgés de 15 à 29 ans pour lesquels on dénombre 20 à 30 personnes sur 100 au chômage. Au-
delà de 29 ans, ce taux diminue avec l’âge. Les femmes prédominent dans la population des
chômeurs (63,0%) et leur taux (23,3%) est deux fois plus élevé que celui des hommes
(10,0%).

3.2 TAUX DE CHOMAGE PAR NIVEAU D’INSTRUCTION

Pour la main-d’œuvre ayant une fois fréquenté l’école, le taux de chômage est largement
plus élevé chez les femmes (supérieur de 10,3 points de pourcentage à celui des hommes) et
varie selon le niveau d’instruction. Le taux les plus élevés sont observés pour la main-
d’œuvre ayant un niveau d’enseignement post-secondaire non supérieur, ceux ayant un
niveau master ou équivalent et ceux ayant un niveau d’enseignement préscolaire. Par
contre, le plus faible taux de chômage se retrouve chez les individus de la main d’œuvre d’un
niveau doctorant ou équivalent.

Le manque d’opportunités de travail décent à un âge précoce peut compromettre de façon


permanente les perspectives futures d’emploi des jeunes, nuire à leur développement et
induire des implications importantes eu égard à la motivation de migrer. On craint en outre
que, dans un contexte de croissance de la population en âge de travailler, l’absence
d’opportunités d’emploi pour les nouveaux arrivés sur le marché du travail puisse réfréner le
désir d’entreprendre des activités éducatives, créant ainsi un cercle vicieux.

C. CONSIDERATIONS FINALES

Ce paragraphe montre les raisons à la source de la migration des sénégalais. Toutefois, la


situation de l’emploi dans la région demeure assez précaire.

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Pour beaucoup de pays d’Afrique de l’Ouest plus précisément le Sénégal, l’essentiel de la croissance
économique s’est concentré dans des secteurs où l’intensité de l’emploi paraît faible. Le taux
d’emploi des personnes âgées de 15 ans et plus est majoritairement inférieur à 50 pour cent, avec
des taux d’emploi des femmes s’élevant parfois à 13 pour cent seulement. Par ailleurs, les jeunes en
âge de travailler qui représentent une part significative de la population dans la région se trouvent
confrontés à des perspectives d’emploi peu réjouissantes, près d’un tiers d’entre eux étant à la
recherche d’un emploi, mais en vain.
Si la décision d’émigrer peut être motivée par des raisons très diverses, la recherche d’emploi et la
perspective d’amélioration de la situation professionnelle constituent un facteur important. Ces
dernières raisons expliquent plus des deux tiers des migrations depuis le Sénégal vers d’autres pays
d’Afrique de l’ouest. Fort de tous ces éléments, le paragraphe 2 examine les caractéristiques des
émigrants ainsi que les tendances majeures en matière de migration, en incluant une analyse de la
performance des travailleurs migrants sur le marché du travail des pays de destination ainsi que les
questions y relatives en termes de capital humain.

PARAGRAPHE 2 : EMIGRATION, CAPITAL HUMAIN ET MARCHE DU TRAVAIL

Comme le fait observer le Rapport mondial sur le développement humain 2009, l’impact de
la migration sur le développement dépend de façon déterminante « du profil des migrants,
de la manière dont ils s’en sortent dans leur pays de destination et des contacts qu’ils
conservent avec leurs racines par le biais des rapatriements de fonds, de connaissances et
d’idées ». Le présent paragraphe se propose de présenter les tendances clés en termes d’é-
migration, de capital humain et de rapports avec la performance sur le marché du travail
dans les pays de destination, en vue d’étudier les implications induites pour le
développement dans les pays concernés. L’émigration s’accompagne de défis et
d’opportunités dans les pays d’origine. Certains auteurs soutiennent que celle-ci, en
particulier dans le cas d’individus peu qualifiés, peut être bénéfique pour ceux qui restent
dans le pays d’origine, en générant notamment une baisse du taux de chômage et une
hausse des salaires. Les pénuries de main-d’œuvre (et les hausses salariales qui s’ensuivent)
de cette nature ont davantage tendance à apparaître dans des secteurs spécifiques ou des
zones locales. En règle générale, cependant, l’argument classique accuse le phénomène de
migration des personnes qualifiées de priver le pays d’une ressource précieuse – c’est ce que
l’on nomme la « fuite des cerveaux » (brain drain). Outre les compétences ainsi perdues,
lorsque leur éducation bénéficiait d’un financement public, les pays d’origine fournissent
effectivement des subventions aux pays d’accueil, en plus des revenus fiscaux antérieurs et
d’autres effets secondaires probables tels que les réductions de potentiel d’innovation à
venir.
Mountford (1997) soutient d’un autre côté que la possibilité de migrer incite les individus à
s’instruire et encourage l’investissement en capital humain dans le pays d’origine.6 Un
niveau « modéré » de fuite des cerveaux pourrait par conséquent se révéler bénéfique dès
lors que l’on observe une « externalité de croissance » due à l’augmentation des travailleurs
instruits dans l’économie.
La Section A présente par thèmes les tendances en matière d’émigration afin d’apporter des
éclaircissements quant à la composition des stocks et des flux d’émigrants, et notamment
une discussion sur l’évolution des formes de migration dans le temps. La Section B évalue
ensuite la performance des travailleurs migrants sur le marché du travail des pays de
destination ; cette évaluation inclut des aspects tels que l’emploi et la rémunération, qui
constituent des éléments déterminants pour comprendre dans quelle mesure les fonds et les
qualifications peuvent être rapatriés dans le pays d’origine et, à leur tour, contribuer au

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développement de celui-ci (ces sujets seront abordés dans les paragraphes 3 et 4,
respectivement).

A. EMIGRATION : NIVEAUX ET TENDANCES

Les statistiques sur l’émigration sénégalaise sont très controversées tant dans le milieu
politique que de la recherche. Les données sont souvent contradictoires, faute d’harmonie
des définitions et des méthodes de collecte ou d’estimation. On distingue les données
estimées par le Ministère des Sénégalais de l’extérieur et celles fournies par les différentes
enquêtes, RGPH et sources internationales.
D’une part, les données administratives du Ministère des Sénégalais de l’extérieur ont été
collectées auprès des différentes ambassades et consulats du Sénégal à l’étranger.
Cependant, les chiffres officiels publiés sont quelque peu sous-estimés, car beaucoup de
missions diplomatiques et consulaires auprès desquelles les statistiques sont obtenues ne
disposent pas d’informations complètes (MSE, 2006). Par ailleurs, l’inscription des émigrés
sur le fichier électoral s’est révélée être une source d’information additionnelle.
D’autre part, l’ESAM II de 2001, à travers son volet migration, a été une occasion pour la
Direction de la prévision et de la statistique d’appréhender certains aspects liés à la
migration. De même, l’EMUS de 1992/1993 a fait une analyse assez profonde de cette
question. Par ailleurs, le RGPH III de 2002 s’est également penché sur la question de
l’émigration internationale, mais aucune analyse n’a été faite dans son rapport.
En définitive, on retiendra également que les définitions des émigrants diffèrent sur la
période de référence selon l’enquête. L’EMUS de 1992/1993 a retenu que l’émigrant
international est celui qui a quitté le pays pour une destination étrangère depuis au moins
six mois ou qui a l’intention d’y résider pour plus de six. Pour l’ESAM, la période de référence
est d’un an au lieu de six mois.

1. DESTINATIONS FAVORITES

Selon des données disponibles auprès du Centre DRC sur la migration, la globalisation et la
pauvreté (basées sur les données des recensements sur la période 1995-2005), le stock des
émigrants sénégalais est évalué à 479 515. Les principales destinations sont la Gambie (20
%), la France (18 %), l’Italie (10 %), la Mauritanie (8 %), l’Allemagne (5 %) et le Ghana (5 %)
(DRC, 2007).
Depuis les années 1980, le conflit casamançais a engendré de nombreux déplacés internes et
des milliers de réfugiés sénégalais, vers la Gambie et la Guinée-Bissau en particulier. Selon le
Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’effectif des réfugiés d’origine
sénégalaise a pratiquement doublé entre 2005 et 2006 : il est passé de 8 671 réfugiés en
2005 à 15 163 en 2006. En 2007, les réfugiés étaient au nombre de 15 896 personnes dont
près de 95 % étaient en Gambie et Guinée-Bissau (HCR, 2008). Depuis fin 2004, un cessez-le-
feu est instauré entre l’Etat et les forces rebelles indépendantistes du Mouvement des forces
démocratiques de Casamance (MFDC) pour laisser place à des négociations pour la paix. Des
conflits sporadiques ont tout de même eu lieu, maintenant la région de la Casamance dans
une situation d’insécurité permanente pour les populations civiles.

2. FLUX D’EMIGRANTS (GENRE ET AGE)

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L’Enquête sur les migrations et urbanisation au Sénégal a estimé à 171 387 le nombre de sénégalais
partis à l’étranger entre 1988-1992 (EMUS 92/93). Le flux de l’émigration s’est fait en moyenne à un
rythme annuel de 10 000 personnes entre 1995 et 2000 (Sander et Barro, 2003).
Selon l’ESAM II (2001), le flux d’émigrés sénégalais entre 1997 et 2001 était estimé à 168 953
individus, soit 33 791 émigrants par an. Ces émigrés étaient caractérisés comme suit :
- 84,2 % étaient des hommes ;
- 68 % avaient un âge compris entre 15 et 34 ans, 94,1 % sont des émigrants actifs d’âge compris
entre 15 et 54 ans ;
- 46 % allaient en Europe et 43,9 % allaient vers d’autres pays africains ;
- 45,9 % étaient occupés avant leur départ, 29 % étaient des chômeurs ;
- 14,2 % étaient des élèves ou des étudiants.
En 2000, ils étaient près de 68 % à migrer à la recherche d’un meilleur ou d’un nouvel
emploi, notamment pour des travailleurs qualifiés qui représentaient 24,1 % du stock
d’émigrés à l’étranger (Dia, 2006). Pour la même année, 17,7 % de la population ayant un
niveau d’enseignement supérieur a émigré (Docquier et Marfouk, 2005). La fuite des
cerveaux semble être confirmée par les chiffres de Clemens et Petterson (2007) : 51 % des
médecins sénégalais et 27 % des infirmières ont émigrés sur la période 1995-2005,
principalement en France.

3. MARCHE DU TRAVAIL

3.1 DEVELOPPEMENTS RECENTS DU MARCHE DU TRAVAIL AU SENEGAL

Plus de 30 % de la force de travail au Sénégal n’était pas satisfaite, car sous-occupée et


désirant travailler plus selon l’ESAM II en 2001, et seule une personne sur cinq occupait
un emploi à plein temps. Le salaire mensuel médian dans le secteur informel est moins
de 68 dollars E.-U., soit moins de 30 000 FCFA. Entre 1995 et 2004, environ 16 000
emplois directs et indirects sont créés en moyenne chaque année à travers les
programmes mis en place pour assister ceux qui sont à la recherche d’un emploi (Banque
mondiale, 2007). Mais cela touche moins de 5 % du nombre de chômeurs, soit près de
600 000 individus (Banque mondiale, 2007), et de ceux qui se déclarent en situation de
sous-emploi au Sénégal. Les cinq principaux programmes d’emploi sont les suivants: le
Fonds national d’actions pour l’emploi (FNAE) ; le Fonds national de promotion de la
jeunesse (FNPJ) ; l’Agence d’exécution des travaux d’intérêt public (AGETIP) ; le Projet de
promotion des micro-entreprises rurales (PROMER) ; et le service de la main-d’œuvre au
sein de la Direction de l’emploi (Banque mondiale, 2007).

3.2 EMPLOIS ET DIFFERENTS SECTEURS D’ACTIVITE

Les caractéristiques de l’emploi varient énormément suivant le milieu de résidence. En


milieu rural, 59 % de la population active avait un emploi en 2001 (ANSD, 2004),
principalement dans le secteur primaire, au sein d’exploitations de petite taille de type
familial ou individuel (Banque mondiale, 2007). Environ 40 Migration au Sénégal: Profil
National 2009 huit travailleurs sur dix avaient une occupation principale dans l’agriculture,
l’élevage ou l’exploitation forestière (ANSD, 2004). En milieu urbain, le commerce serait
l’occupation principale (ANSD, 2004) et représentait environ un tiers des emplois (dont deux
tiers tenus par les femmes). Les autres deux tiers des emplois se retrouvaient dans les autres
services marchands, l’agriculture, l’élevage, les transports, la communication et le BTP. Les

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femmes seraient sous-représentées dans les professions qualifiées, les trois quarts d’entre
elles exerçant une occupation non qualifiée alors que ce n’était le cas que pour un tiers des
Hommes (Banque mondiale, 2007).

B. PERFOMANCE DES TRAVAILLEURS MIGRANTS SUR LE MARCHE DU


TRAVAIL

Cette section se propose de dépeindre clairement comment les travailleurs migrants s’en
sortent dans le pays de destination en termes de participation au marché du travail, de
chômage, d’emploi et de rémunération. Le rôle des marchés du travail est déterminant pour
comprendre la manière dont la migration peut contribuer au développement. Il convient
également de noter que la performance des travailleurs migrants en matière d’emploi et de
rémunération réelle et perçue est liée aux perspectives futures de migration en ce sens que
les échos concernant la réussite d’amis et de parents sont souvent identifiés comme un
facteur catalyseur dans le cadre de la décision de migrer.

1. TRAVAILLEURS MIGRANTS

Le taux brut d’activité élevé chez les immigrants (presque 60 %) semble indiquer que
l’immigration en Côte d’Ivoire est surtout une immigration de travail (INS, 2002d). L’arrêté
n°2004-6421 du 15 mars 2004 donne les modalités pour le recrutement d’un non-national et
de la délivrance d’un visa de travail : un visa de travail de 24 mois est délivré par l’AGEPE
dans le cadre du contrat à durée déterminée et un visa de longue durée pour un contrat à
durée indéterminée.
Selon l’AGEPE, 4 833 visas de travail ont été délivrés, dont 4 564 aux hommes et 269 aux
femmes, sur la période 2000-2006 (tableau 24 en annexe I). Ces chiffres confirment
l’impression que la majorité des migrants travaille dans le secteur informel pour lequel
aucune déclaration auprès de l’AGEPE n’est effectuée. Ces visas ont été délivrés à plus de 57
% aux Burkinabè et Français sur la base de contrats de travail à durée déterminée (3 966)
pour la plupart. Dans le secteur moderne, les travailleurs migrants sont majoritairement des
permanents avec des contrats à durée indéterminée (82 %). Ces emplois sont des emplois
d’ouvrier (53 %), d’agent de maîtrise (13 %) et de cadre (34 %). Les Burkinabè sont à 95 %
des ouvriers tandis que les Français sont à 97 % des cadres et agents de maîtrise).
Ces migrants internationaux et leurs descendants (majeurs) nés en Côte d’Ivoire exercent
principalement dans l’agriculture, le commerce et les services non sociaux. En 1998,
l’agriculture occupait plus de la moitié des communautés étrangères les plus nombreuses.
Les Burkinabè travaillent prioritairement dans le secteur agricole tandis que les Ghanéens et
Maliens exercent d’avantage d’activités commerciales (INS, 2002d).
Les activités menées par ces communautés étrangères installées en Côte d’Ivoire
appartiennent principalement au secteur non structuré, car plus de 89 % de la population
étrangère est occupée dans l’agriculture traditionnelle et dans le secteur informel non
agricole.

2. NIVEAU DE REVENU

Selon l’AGEPE/Observatoire de l’emploi (2006), le revenu moyen mensuel en 1998 pour


l’ensemble de la population en âge de travailler est de 149 dollars E.-U. Contre 226 dollars
E.-U. en 2002, soit une hausse de 51,2 %. Cette rémunération est beaucoup plus élevée pour

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les travailleurs Maliens en 1998 que pour les autres nationalités, y compris les Ivoiriens.
Cependant, en 2002, les Ivoiriens ont les salaires les plus élevés, les plus bas salaires étant
détenus par les Burkinabè et Ghanéens. Ces moyennes cachent, toutefois, de fortes
disparités dans la distribution des salaires au sein des communautés. Les Maliens et
Burkinabè ayant les plus faibles dispersions de revenus (AGEPE/Observatoire de l’emploi,
2006), ont des revenus relativement bas. Selon l’enquête 1-2-3 réalisée à Abidjan en 2002, la
rémunération moyenne mensuelle est de 188 dollars E.-U. Le secteur industriel rémunère le
mieux avec une moyenne mensuelle de 222 dollars E.-U. Contre respectivement 198 dollars
E.-U. Et 184 dollars E.-U. Pour le secteur des services et le secteur commercial. Hormis les
non scolarisés, les revenus moyens augmentent avec le niveau d’instruction. Ces
rémunérations sont discriminées suivant le sexe. Les femmes gagnent en moyenne moitié
moins que les hommes (INS, 2002e).

C. CONSIDERATIONS FINALES

Malgré tous les défis qui se posent, le potentiel de rémunération supérieure est substantiel. Les
salaires des travailleurs migrants sont plusieurs fois supérieurs aux salaires moyens proposés dans le
pays d’origine. En outre, la performance des travailleurs migrants sur les marchés du travail des pays
de destination présente d’importantes implications pour comprendre comment la migration est
susceptible de contribuer au développement de l’Afrique De l’ouest via les mécanismes de
rapatriement de fonds et de migration de retour. Le paragraphe suivant s’attarde sur la question des
rapatriements de fonds afin d’examiner ces rapports plus en détails.

PARAGRAPHE 3 : RAPATRIEMENTS DE FONDS : DETERMINANTS ET


IMPLICATIONS EN TERMES DE DEVELOPPEMENT

La migration a le potentiel de stimuler le développement par différentes voies, notamment


par l’intermédiaire des flux financiers vers les pays d’origine, mieux connus sous le terme de
«rapatriements de fonds». Les rapatriements de fonds des travailleurs migrants peuvent
contribuer au développement à plusieurs niveaux: au niveau individuel, ils améliorent
considérablement les revenus des ménages et peuvent accroître les investissements dans les
domaines de l’éducation et de la santé. A cet égard, ils contribuent positivement au
développement par l’amélioration de la santé, du logement, de l’éducation et plus
généralement du bien-être familial. Au niveau macro, les rapatriements de fonds collectifs
qui visent, par exemple, à développer des biens communautaires, tels que des écoles ou des
routes, peuvent avoir un impact positif sur le développement. En outre, les rapatriements de
fonds peuvent éliminer les contraintes en matière de crédit et servir d’assurance-risque aux
ménages à la tête de micros entreprises agricoles. Les rapatriements de fonds peuvent
également contribuer à améliorer la production agricole, développer petites et micro
entreprises et promouvoir les compétences entrepreneuriales, ce qui peut contribuer au
développement au niveau micro ou local.

Cependant, dépendre excessivement des rapatriements fonds peut amener un pays à


reporter ou éviter une réforme structurelle pourtant nécessaire. Il en résulte un cercle
vicieux d’attribution des ressources inefficace, une croissance axée sur les exportations
déprimée et une dépendance accrue aux rapatriements de fonds. Celle-ci peut également
rendre l’économie d’un pays particulièrement vulnérable à une soudaine récession
économique dans les pays de destination. Les rapatriements de fonds peuvent également

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affecter la disponibilité de main d’œuvre et l’effort de travail, puisqu’ils se substituent aux
revenus du travail. Dans certains cas, cette situation a eu des effets négatifs sur le
développement au niveau microéconomique, conséquence de la réduction de la production
agricole. On a également observé que les rapatriements de fonds pouvaient contribuer aux
mauvaises performances des exportations, car ils participent à l’augmentation de la valeur
externe de la monnaie d’un pays, rendant ainsi l’économie vulnérable à une soudaine
récession économique.

Indépendamment de ces réserves, les rapatriements de fonds des travailleurs migrants


constituent, pour beaucoup de pays en développement, la première source de financement
étranger, après les investissements directs à l’étranger (IDE), excédant souvent largement
l’aide publique au développement et les investissements de portefeuille. Compte tenu de
leur importance, ce paragraphe cherche à apporter des éclaircissements sur le rôle des
rapatriements de fonds en Afrique de l’Ouest. La section A examinera les dernières
tendances en matière de rapatriements de fonds dans la région. La section B analysera les
déterminants des rapatriements de fonds en vue de mieux comprendre comment ils
peuvent contribuer positivement au développement.

A. TENDANCES DES RAPATRIEMENTS DE FONDS

Les rapatriements de fonds des migrants, dont les données sont principalement réunies par
le FMI et les banques centrales, sont la somme: (i) des fonds envoyés par les travailleurs
migrants; (ii) de l’indemnisation des employés; et (iii) des transferts des migrants.

Fonds rapatriés par les travailleurs migrants: transferts courants privés effectués par les
travailleurs migrants résidant à l’étranger depuis un an ou plus, à des bénéficiaires dans leur
pays d’origine ;

Indemnisation des employés: salaires, émoluments et autres avantages gagnés par les
travailleurs saisonniers ou à court terme qui sont dans le pays de destination depuis moins
d’un an;

Transferts des migrants: richesse nette des migrants qui est transférée d’un pays à un autre
au moment de la migration (pour une période d’au moins un an ).

Le montant réel des transferts de fonds s’avère toujours difficile à évaluer, chaque
institution ne prenant pas forcément en considération les mêmes types de transferts. De
plus, l’importance des transferts de fonds informels est difficilement estimable. Ainsi, des
différences peuvent apparaître entre les données locales et internationales.

L’argent envoyé par les émigrés sénégalais est, au fil des années, une manne financière
importante. Selon les données locales, les transferts rapides3 formels se sont élevés à près
de 544 milliards de FCFA (soit 832 millions d’euros) pour l’année 2007 (BCEAO, 2008), et ceci
sans compter les mouvements financiers informels qui seraient identiques voire plus
importants que les transferts officiels (cf. annexe I, tableau 47). En 2005, les transferts de
fonds représentaient 9,1 % du PIB; 10,3 % en 2006 et 12 % en 2007.

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Selon la Banque mondiale (2008), les transferts de fonds4 des émigrants sénégalais en
direction du Sénégal s’élevaient à 233 millions de dollars E.-U. en 2000 et 1 192 millions de
dollars E.-U. en 2007, soit 10,7 % du PIB (Banque mondiale, 2008).

On estime qu’en 2002 les montants des transferts de fonds représentent une fois et demi
l’aide au développement. En effet, pendant que l’Aide publique au développement (APD)
avait diminué, entre 1997 et 2002, de 240 à 208 milliards FCFA, le volume des transferts de
fonds a augmenté de 16 milliards à 169 milliards au cours de la même période. Le volume de
ces transferts était passé de 6,6 % à 81,3 % par rapport à l’APD (MSE, 2006). Selon des
entretiens réalisés auprès des personnes ressources de certaines banques et structures
financières dans la région de Dakar par le Bureau de l’OIM à Dakar, près de 50 % des envois
finiraient dans la consommation courante, contre 25 % pour l’épargne de précaution, 20 %
pour l’investissement immobilier et seulement moins de 5 % pour l’investissement productif
(OIM, 2007). Cependant, la répartition de l’argent reçu par les ménages au Sénégal n’est pas
encore officiellement établie.

Selon ces chiffres, une augmentation des transferts de 10 % entrainerait une réduction de
l’incidence de pauvreté de 2,8 % (Jongwanich, 2007) et une baisse de 1 % des personnes
vivant avec moins de un dollar par jour (Sanjeev Gupta et al., 2007).

Sept ménages sur dix avaient en leur sein au moins un membre émigré (ANSD, 2004). En
milieu urbain, 76 % des ménages étaient concernés contre 64,5 % en milieu rural. Certains
ménages, dans une stratégie de survie, mettent en commun des ressources pour financer
l’émigration d’au moins un des leurs, souvent les plus qualifiés, jeunes ou travailleurs. Les
sommes envoyées par ces derniers constituent le fruit de cet investissement collectif
(Sanjeev Gupta et al., 2007). Entre 1997 et 2001, 41,8 % des émigrés internationaux
envoyaient régulièrement de l’argent et 30,9 % de façon irrégulière. Par conséquent, près de
72,1% des ménages ayant un émigré, dépendaient directement ou indirectement des
transferts de fonds. Par rapport à tous les ménages du Sénégal, c’est environ la moitié (50,4
%) des ménages qui vivaient de l’argent reçu de l’étranger (ANSD, 2004).

Les émigrés en Europe étaient les plus nombreux à envoyer de l’argent à leurs proches
puisqu’ils étaient 80,8 % à le faire entre 1997 et 2001 (ANSD, 2004) (cf. annexe I, tableau 46).
Leurs transferts rapides d’argent représentent 51,8 % (430 millions d’euros ou 281,7
milliards de FCFA) du montant total des transferts en 2007 (BCEAO, 2008). Les émigrés de
l’UEMOA ont contribué à 7 % (57,7 millions d’euros ou 37,8 milliards de FCFA) de l’ensemble
des transferts rapides, ceux des Etats-Unis ont contribué à 7,7 % (64,2 millions d’euros ou 42
milliards de FCFA), et ceux des autres pays à 33,5 % (cf. annexe I, tableau 47).

Les envois par voie officielle se font généralement par dépôts bancaires ou transferts
bancaires (approvisionnement net des comptes), transferts postaux (mandats et virements),
transferts par réseaux rapides, dont Western Union, Money Gram, Ria Envia, Money express,
WorldWide Services.

Les modalités de transfert d’argent affectent le développement économique du Sénégal. En


effet, la Banque mondiale estime que si les frais de transfert étaient réduits de 5 %, les fonds
envoyés dans les pays en développement augmenteraient de 3,5 milliards de dollars par an.

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Les transferts de fonds de la part des émigrants sénégalais contribuent beaucoup aux
revenus dans les ménages qui ont un expatrié. Les fonds reçus de l’extérieur sont à l’origine
d’une hausse du revenu par tête des sénégalais de près de 60 % par rapport aux ménages ne
recevant pas d’argent de l’étranger (Diagne et Diane, 2008). Selon des entretiens réalisés
auprès des personnes ressources de certaines banques et structures financières dans la
région de Dakar par le bureau de Dakar de l’OIM, près de 50 % des envois finiraient dans la
consommation courante, contre 25 % pour l’épargne de précaution, 20 % pour
l’investissement immobilier et moins de 5 % seulement pour l’investissement productif
(OIM, 2007). Le revers de l’émigration est le fait qu’elle prive le Sénégal de ressources
humaines qui auraient pu contribuer à son développement. En effet, les émigrants ayant une
occupation avant le départ ont représenté près de 46 % des émigrants, tandis que les
chômeurs représentaient 29 % entre 1997 et 2001. De plus, 68 % des émigrants étaient âgés
de 15 à 34 ans (ANSD, 2004). 17,7 % des diplômés de l’enseignement supérieur avaient
émigré en 2000 (Docquier et Marfouk, 2005). Sur la période 1995-2005, on comptait aussi
678 médecins émigrés, soit 51 % des médecins formés dans ce pays, et 695 infirmiers soit 27
% des infirmiers formés dans ce pays (Clemens and Pettersson, 2007).

B. FACTEURS DETERMINANTS DES RAPATRIEMENTS DE FONDS

De récentes analyses des déterminants ont conclu que l’altruisme et l’échange sont les
principales raisons des rapatriements de fonds. Les modèles tiennent compte de l’altruisme
en partant de l’hypothèse que les migrants tirent certains avantages de l’utilisation des
fonds rapatriés par des membres de leurs familles dans leur pays d’origine, dont le niveau de
vie s’améliore. L’échange fait référence à un accord ou un contrat passé entre le migrant et
le bénéficiaire du rapatriement de fonds pour utiliser les fonds transférés à des fins précises,
allant de l’achat de marchandises, services ou biens, au paiement pour la garde des enfants.
Le fondement contractuel de ces rapatriements de fonds souligne le fait qu’une partie de
l’argent envoyé par le migrant doit servir à compenser, pour ses efforts, le membre de la
famille chargé de veiller aux intérêts de l’absent. Ce proche devient un agent spécial qui, par
la fiabilité du service rendu (par exemple la garde des enfants) déclenche une réponse
particulièrement altruiste du migrant. Il va de soi que ces deux motivations ne doivent pas
être traitées indépendamment l’une de l’autre. En effet, l’approche NEMT insiste sur
l’importance d’une relation contractuelle basée sur la famille et mutuellement bénéfique, au
moment de la décision de rapatrier des fonds.

En vue de ces considérations, la sous-section suivante aura pour objectif de clarifier les
interactions entre migration et rapatriements de fonds et leur impact sur le développement
en général, et sur le bien-être des proches et membres des familles restés dans le pays
d’origine et avec lesquels ils conservent des liens, en particulier.

1. LES FACTEURS MACROECONOMIQUES : APERCU

Un certain nombre de facteurs macroéconomiques influenceraient le rapatriement de fonds


par les travailleurs migrants. Dans un premier temps, le volume total des rapatriements de
fonds serait probablement fonction du nombre de migrants à l’étranger. Pourtant, une
simple analyse bi variée de la proportion des émigrants dans la population total et de la part
des rapatriements de fonds dans le PIB, ne révèle qu’un lien très faible.

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D’autres ont suggéré que les migrants venant de pays moins développés sont susceptibles
d’envoyer plus d’argent vers leurs pays d’origine. Cependant, il semble que le lien entre la
part des rapatriements de fonds dans le PIB et la valeur de l’Index de Développement
humain (IDH) soit plus ténu encore. De même, Adams (2008) a constaté que le niveau de
pauvreté dans un pays source de main d’œuvre n’a pas d’impact (positif) sur le montant des
transferts de fonds qu’il reçoit. L’auteur établit une courbe en forme de U inversé entre le
niveau de PIB per capita d’un pays et les fonds rapatriés par les migrants et conclut que les
pays à revenu intermédiaire reçoivent proportionnellement plus de fonds de leurs migrants
que les pays à faible revenu, ou à revenu élevé.

Un certain nombre d’autres facteurs macro ont aussi été identifiés comme ayant une
influence sur le flux des rapatriements de fonds des migrants, tels que les coûts des
transferts de fonds, les écarts des taux d’intérêt et les fluctuation des taux de change entre
les devises des pays d’origine et celles des pays destinataires, mais avec des résultats mitigés
(Sayan, 2006).

Dans l’ensemble, d’après Chami et al. (2008), une fois prise en compte l’hétérogénéité
transnationale des rapatriements de fonds, la relation entre les rapatriements de fonds et
les variables et performances macroéconomique est complexe, et toute une série
d’éléments sont s
usceptibles d’influencer les flux de fonds rapatriés par les migrants. La section suivante a
donc pour objectif d’examiner un certain nombre de déterminants, individuels ou au niveau
micro, des envois de fonds en provenance des pays de destination.

2. LES DETERMINANTS DES RAPATRIEMENTS DE FONDS AU NIVEAU


MICRO

L’analyse des déterminants au niveau micro pourrait s’avérer plus pertinente, puisque les
rapatriements de fonds représentent, dans la plupart des cas, des flux d’argent entre
ménages et sont donc de nature intrinsèquement micro-économique. En outre, la micro-
analyse des déterminants et des effets des rapatriements de fonds peut être
particulièrement utile pour comprendre le comportement économique des travailleurs
migrants et l’impact de ce comportement sur le bien-être de ceux avec qui ils maintiennent
des liens.

C. CONSIDERATIONS FINALES

Au cours des dix dernières années, les flux de rapatriements de fonds vers les pays d’origine
particulièrement le Sénégal ont connu une rapide augmentation. . Ces tendances ont mis en
évidence l’importance des rapatriements de fonds dans le contexte du développement.

L’objectif de ce paragraphe était de faire la lumière sur la nature des rapatriements de fonds
des migrants depuis les pays de destination, afin de mieux comprendre les implications en
matière de développement. L’analyse a montré que les rapatriements de fonds sont
principalement des flux financiers entre membres d’une même famille, entre deux tiers et
trois-quarts des rapatriements de fonds vers les pays d’origine sont destinés au

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conjoint/partenaire ou à un parent. Il n’est pas surprenant que les quelques éléments
d’informations réunis suggèrent que la majeure partie des rapatriements de fonds sont
utilisés pour aider la famille à subvenir à ses besoins. C’est ainsi qu’une enquête réalisée en
2007 par la Banque africaine de Développement a constaté que les fonds reçus de l’étranger
servent prioritairement à la consommation de la famille (biens et services de première
nécessité) et à la santé. Par exemple 98 pour cent des dépenses familiales au Sénégal sont
financées par des envois de fonds.

Les facteurs qui semblent le plus peser sur la décision de rapatrier des fonds semblent se
situer au niveau micro-économique. On observe notamment que la probabilité de
rapatriements de fonds augmente avec la hausse des niveaux de revenus, mais chute,
généralement, avec l’éducation. Autre déterminant crucial des rapatriements de fonds, aux
implications considérables sur le développement: les travailleurs migrants ayant l’intention
de retourner dans leur pays d’origine sont plus susceptibles de rapatrier des fonds.

Pour les pays d’origine, ces informations au niveau micro sont importantes à cause des liens
entre les dimensions macro et micro des rapatriements de fonds en termes d’implications
sur le développement. En effet, des améliorations positives du bien-être de la famille
(comme par exemple la réduction de la pauvreté) peuvent améliorer le développement en
général par des effets multiplicateurs et macroéconomiques, tout en ayant également une
incidence considérable sur la répartition.

Afin de garantir que les rapatriements de fonds se renforcent mutuellement, un certain


nombre de considérations méritent l’attention. Premièrement, il convient d’examiner
comment mettre à profit les rapatriements de fonds afin d’accroître les effets multiplicateurs
globaux. A cette fin, des efforts sont nécessaires pour renforcer les liens entre les ménages
qui envoient les fonds, ceux qui les reçoivent, les communautés et les autorités nationales
dans les pays d’origine. Deuxièmement, en rapport avec cela, sans une infrastructure
économique adéquate, les rapatriements de fonds ne pourront libérer tout leur potentiel
aux niveaux nationaux. Troisièmement, d’importantes connexions pouvant potentiellement
se renforcer mutuellement en termes de développement doivent être réalisées entre les
rapatriements de fonds et la migration de retour, qui sera abordée au paragraphe suivant.
Finalement, le droit de séjour permanent (et dans certain cas temporaire) est associé à une
probabilité plus élevée de rapatrier des fonds. A ce titre, il conviendra d’envisager comment
un processus de migration réglementé et plus ordonné pourrait bénéficier à la fois aux pays
d’origine et à ceux de destination.

PARAGRAPHE 4 : FAIRE DE LA MIGRATION DE RETOUR UN LEVIER DE


DEVELOPPEMENT

Le retour des migrants peut contribuer au développement par la promotion, la mobilisation


et l’utilisation de ressources productives. En pratique cependant, évaluer la contribution des
migrants de retour au développement est un exercice complexe et une considération accrue
est requise afin de comprendre : (i) la composition (en termes d’âge, de niveau de formation,
etc.) et la motivation des migrants de retour ; et (ii) leur capacité à réintégrer les marchés du
travail dans leurs pays d’origine.

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Généralement, la contribution au développement de la migration de retour dépend d’un
certain nombre de facteurs. Le contexte prévalant dans les pays d’origine, les conditions du
marché du travail local et le climat des affaires, peuvent jouer un rôle significatif dans la
détermination de la bonne réintégration des migrants de retour. Elle est également fonction
d’un certain nombre de facteurs individuels, dont l’employabilité et la pertinence de leurs
compétences (notamment celles obtenues dans les pays de destination) dans leurs pays
d’origine.

Le retour des migrants peut prendre différentes formes : retour définitif, migration
saisonnière, migration temporaire. Les retours définitifs peuvent découler de circonstances
voulues ou inopinées, être planifiés ou non. De toute manière, le migrant doit alors se
réintégrer dans un environnement où il avait déjà vécu, mais avec de nouvelles perspectives
et les précieuses économies réalisées à l’étranger. On peut aussi considérer comme des
résidents quasi permanents les individus qui partent de façon systématique travailler à
intervalles saisonniers ou temporaires, et qui reviennent chaque fois avec les économies
souhaitées. La migration peut en outre être circulaires, avec des allers et retours
temporaires ; les migrants de ce type ne s’installent jamais de façon permanente, mais
adoptent une existence transnationale en faisant la navette entre deux régions (ou plus).

Le retour peut favoriser le développement local : les expatriés qui rentrent chez eux dans la
force de l’âge contribuent souvent à l’essor économique de leur pays, en partageant leurs
connaissances et en produisant des retombées financières. Des études toujours plus
nombreuses montrent que ces migrants prennent des initiatives, créent des micro-
entreprises, exploitent les compétences et les ressources (financières) acquises à l’étranger,
et engagent du personnel local. Leurs apports prennent aussi différentes formes de capital
social et humain. En tout état de cause, la tâche n’est pas facile pour les instances chargées
de mettre en œuvre une politique visant à faire revenir les migrants productifs et à les
réintégrer, les retenir dans leur pays d’origine.

Les migrants peuvent également participer à l’économie de leur patrie sans y revenir, par
des formes virtuelles de retour. Les réseaux des diasporas constituent un outil de
développement extraordinairement puissant. Ils contribuent directement au développement
du pays d’origine par leurs envois de fonds et par des échanges commerciaux entre région
d’origine et région d’accueil, tout en servant de vecteurs d’informations. Ces réseaux
transnationaux reproduisent la vie sociale et économique de collectivités locales par-delà les
frontières, reliant les migrants à leurs proches restés au pays. Cela prend notamment la
forme d’associations de migrants de même origine (hometown associations), dont les
objectifs sont multiples (par exemple investissements dans la localité d’origine ou aide à
l’intégration). Même intégrés dans la région d’accueil, les migrants gardent souvent des liens
étroits avec leur patrie. La diversité des modes de vie transnationaux complique l’étude du
phénomène migratoire ; il est notamment difficile de cerner dans ce contexte le début et la
fin du concept de nation.

II. RECOMMANDATIONS

La migration présente d’importantes externalités potentielles, notamment eu égard au pays


d’origine. De nombreux pays en développement se soucient des risques associés à la fuite des

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cerveaux, et notamment la perte de travailleurs qualifiés et l’impact y relatif sur la croissance de
l’économie nationale. Mais ceux-ci perçoivent également l’émigration comme un phénomène
productif, en particulier au travers du retour de capital, qu’il soit de nature financière (rapatriements
de fonds) ou humaine (migration de retour). La question fondamentale sous-jacente consiste en fait
à se demander comment faire de la migration un facteur contributif au développement pour ces pays
d’origine. La présente section vise à débrouiller certaines conclusions empiriques se rapportant à
l’Afrique de l’Ouest et examiner les pratiques et programmes pertinents entrepris ailleurs sur ces
mêmes questions.

1. MOBILISER LES RAPATRIEMENTS DE FONDS AU BENEFICE DE TOUT UN


CHACUN

Comptes de dépôts spécifiques et fonds d’appoint

Les comptes de dépôts spécifiques ont vocation à encourager des rapatriements de fonds
plus importants en proposant des avantages supplémentaires. Au Bangladesh et en Inde, les
banques commerciales ont mis en place des comptes sur lesquels les migrants peuvent
déposer leurs économies en bénéficiant de taux d’intérêt et/ou de taux de change
préférentiels. Les autres systèmes d’incitation proposés incluent des comptes établis dans la
devise du pays d’origine, ou des comptes dont les taux d’intérêt ne sont pas soumis à impôt,
à l’instar de l’Égypte et du Soudan.

Les fonds d’appoint cherchent à exploiter et titrer profit des rapatriements de fonds en
proposant d’associer les fonds au financement du gouvernement (souvent l’aide au
développement) des pays de destination. Souvent, ces programmes sont particulièrement
fructueux lorsqu’ils sont entrepris avec la participation active des réseaux ou associations de
migrants.5 Ceci s’explique par le fait que les réseaux des pays de destination collaborent
fréquemment avec les communautés des pays d’origine, comme c’est le cas au Sénégal.

Ainsi, l’association Sous le Sahel Solidarité Sénégal (SSSS) cible l’amélioration des conditions
de vie des habitants du Sahel. Les membres de l’association constituent un mélange
dynamique de migrants (principalement de la région du Sahel) et de résidents sénégalais.
L’association compte au total plus de 1500 membres (dont 200 à Dakar, 520 en France et 30
aux États-Unis). 10 pour cent environ des membres apportent une contribution financière
(1000 francs CFA par mois ou 1,50 euros pour les résidents sénégalais) et des contributions
spéciales sont prélevées pour les travailleurs migrants afin de financer des projets
spécifiques. Ainsi, les migrants ont contribué à hauteur de 50 euros tous les 3 mois (sur plus
de 2 ans) à un projet visant à rassembler 20 millions de francs CFA pour construire une école
dans le Sahel (un cofinancement de 65 millions supplémentaires a été apporté par les
initiatives de co-développement en France). Actuellement, l’association est engagée sur
plusieurs projets tels que l’expansion du marché de la ville.

Réduire le coût des transferts

L’un des exemples les plus frappants du recours à la technologie est celui des Philippines, où
deux sociétés de télécommunication, Smart Communications et Globe Telecom, proposent
des transactions de rapatriement de fonds par téléphone mobile. Les utilisateurs de
téléphones mobiles s’inscrivent en renseignant des informations personnelles telles le nom
de jeune fille de la mère, à des fins d’identification. Leurs parents à l’étranger peuvent se

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rendre auprès d’un agent agréé dans leur quartier, compléter un formulaire et présenter
leurs documents d’identification ; le montant est alors crédité sur leur compte téléphonique.
Mise à part l’aisance d’utilisation, les frais de transaction sont d’environ 1 pour cent du
montant transféré – contre un montant à deux chiffres pour nombre de pays d’Afrique de
l’Ouest. Le transfert d’argent peut également s’opérer vers un autre téléphone aux
Philippines en utilisant le code PIN de l’utilisateur, un simple code ainsi que le numéro de
téléphone du destinataire.

2. Encourager et maximiser les bénéfices des migrations de retour

Les contrôles excessivement stricts des flux de migration peuvent exercer un impact négatif
sur les migrations de retour et les migrations circulaires. Les politiques mises en œuvre pour
répondre à la crise mondiale de 2008 se sont rigoureusement attachées à limiter les flux
migratoires à une seule direction – forçant souvent les migrants de retour à abandonner
toute éventualité de regagner un jour leur pays de destination. Ces politiques manquent de
vision, limitent les bénéfices potentiels des migrations de retour et circulaires et s’opèrent à
long terme au détriment du développement dans les pays d’origine comme de destination.
Pour y remédier, les Conventions de l’OIT nº 97 et 143 ainsi que les Recommandations qui
les accompagnent fournissent le cadre fondamental d’une politique d’ensemble sur la
migration de main-d’œuvre, la protection des travailleurs migrants, la mise en valeur de leur
potentiel, et des mesures de facilitation et de régulation des mouvements migratoires.

Des liens intéressants sont également apparus entre les questions des migrations de retour
et des rapatriements de fonds. Les conclusions apportées dans le Chapitre 4 indiquent qu’au
sein de la population de migrants de retour, ceux qui ont créé leur entreprise étaient plus
enclins au rapatriement de fonds par le passé. Cela suggère que la promotion de
l’entreprenariat parmi les travailleurs migrants peut engendrer des bénéfices potentiels.
Celle-ci peut s’entrevoir sous la forme d’un soutien à l’entreprenariat, par exemple au
travers de formations ou de fonds d’appoint (évoqués précédemment) – chacune de ces
solutions permettant de maximiser la probabilité de retour et les chances de succès. Ainsi,
les politiques et programmes mis en place peuvent permettre de maîtriser l’impact des
migrations de retour sur le développement en proposant un soutien tout au long du « cycle
» migratoire. Il convient de pousser plus avant les recherches pour bien comprendre les
implications que peuvent avoir sur la conception des politiques les liens entre les migrations
de retour, les rapatriements de fonds et l’entreprenariat, mais les exemples d’efforts visant à
encourager les migrants, et plus particulièrement les entrepreneurs, à regagner leur pays
d’origine, pourraient apporter un éclaircissement sur certaines des considérations évoquées.

La migration de retour des entrepreneurs

En 2007, la Banque Interaméricaine de Développement (IADB) a lancé le Modèle de


migration de retour volontaire basé sur le développement de l’entreprenariat afin
d’encourager les migrants des pays de destination à monter leur entreprise dans leur pays
d’origine.

Le retour de la main-d’œuvre qualifiée

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De nombreux pays ont mis en œuvre des programmes proposant des incitations financières aux
boursiers ainsi qu’aux travailleurs qualifiés afin de les amener à regagner leur pays d’origine et les
aider à y retrouver un emploi.

Associations de migrants ou réseaux de diasporas

3. Les travailleurs migrants potentiels : quelques considérations

Les rapatriements de fonds et les migrations de retour doivent toutefois être considérés
comme un complément au développement plutôt qu’un substitut. En outre, les politiques de
promotion du bon fonctionnement du marché du travail (entre autres), et notamment
l’emploi et le travail décent dans les pays d’origine, sont non seulement bénéfiques pour le
développement mais instaurent également un environnement encourageant les migrations
de retour et les investissements en Afrique de l’Ouest via les rapatriements de fonds.

Dans le cas présent du Sénégal, le marché du travail se caractérise par l’informalité, une
importante inactivité des femmes ainsi qu’un taux de chômage élevé chez les jeunes – le cas
de ces derniers étant particulièrement préoccupant dans le contexte de la migration.

Promouvoir l’éducation et le travail décent des jeunes

Eu égard à l’amélioration des résultats scolaires, des mesures telles que la scolarisation flexible
peuvent contribuer à réduire les taux d’abandon ou offrir une « seconde chance » aux jeunes pour
leur permettre de revaloriser leurs qualifications. Ces mesures se révèlent particulièrement utiles
dans les zones rurales où les étudiants peuvent travailler à temps partiel à leur domicile et suivre des
cours le reste du temps. Au Guatemala par exemple, les étudiants qui travaillent sur les terres
agricoles le matin sont autorisés à aller en classe plus tard et compensent ce temps en étudiant de
manière autonome ou peuvent compléter une scolarité de 1000 heures sans restrictions de temps.
La Gambie et le Lesotho ont mis en œuvre un programme ciblant lui aussi les taux d’abandon scolaire
et formant les élèves à la conduite d’activités de protection de l’environnement et génératrices de
revenus dans les zones rurales comme urbaines. Ces activités incluent l’écotourisme, la conservation
des sols et la culture maraîchère.

Les programmes entrepreneuriaux se sont avérés particulièrement efficaces en termes


d’amélioration de l’emploi et de la rémunération des jeunes.24 On a pu constater qu’une proportion
significative de jeunes d’Afrique de l’Ouest privilégient en fait le statut d’indépendant à celui de
salarié.25 Beaucoup de jeunes africains travaillent déjà au sein de petites entreprises familiales ou à
leur compte dans le secteur agricole. Le développement des compétences entrepreneuriales de ces
jeunes constitue une importante opportunité de croissance.

Rétention des travailleurs : incitations et attaches

CONCLUSION

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