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Dakar : d’une forte urbanisation à une diversité des modes d’appropriation de

l’espace
Sociologie Urbaine et de l’Aménagement

Docteur Mame Amade Ngom Gueye


Mamengom88@gmail.com

L 1/ESU2A

Objectif(s) spécifique(s) :

 OS1 : Aborder la particularité de Dakar en matière d’urbanisation par rapport


au reste du Sénégal,

 OS2 : Montrer en quoi les migrations et l’exode rural constituent des causes de
la forte urbanisation de Dakar ainsi que les faits sociaux urbains qui en

découlent,
 OS3 : Comprendre les logiques d’appropriation spatiale à Dakar par les

différentes catégories de populations.


Sociologie Urbaine et de l’Aménagement – Dakar : d’une forte urbanisation à une diversité des modes d’appropriation de l’espace

II. DAKAR : D’UNE FORTE URBANISATION À UNE DIVERSITÉ DES


MODES D’APPROPRIATION DE L’ESPACE

La ville de Dakar a été officiellement fondée le 25 mai 1857 par Émile Pinet Laprade, et
en juin 1858, on assiste à l’élaboration du premier plan cadastral de Dakar. En juin 1862,
Pinet Laprade initie un nouveau plan cadastral1. On élabore ainsi un nouveau plan
d’alignement de la ville dans la mesure où Dakar était un véritable labyrinthe de rues et
d’impasses, de tours et de détours. En 1872, la commune de Gorée est créée et en 1875, Dakar
devient le centre d’arrondissement à la place de Gorée ; et l’année suivante, intervient le
nouveau plan cadastral de Dakar. En 1878, Dakar compte environ 1600 habitants et devient le
17 juin 1887 une commune distincte et moins dépendante de Gorée.

Dakar connaît une forte croissance démographique dans la mesure où elle comptait
désormais 8737 habitants en 1891. Il devient en 1902 la capitale de l’Afrique Occidentale
Française. Ainsi, de 1903 à 1908, le Gouverneur Général Roume transforme Dakar par un très
gros effort d’urbanisation. En effet, Dakar comptait environ 18 500 habitants en 1904 et près
de 25 000 en 1909 ; et en 1910, il est déjà le premier port du Sénégal2.

En 1947, la population dakaroise est estimée à 135 000 habitants environ3. Du fait de sa
rapide croissance démographique, Dakar est confronté à une pénurie de logements, d’emplois
et de matières premières. Le 11 juin 1958, Dakar devient la capitale économique et
administrative du Sénégal, au détriment de Saint-Louis. Depuis 1958, la région de Dakar est
devenue le siège du gouvernement du Sénégal4.

Aujourd’hui, Dakar compte plus de trois millions d’habitants et est urbanisé à 96%. De
par son statut de capital, Dakar concentre l’essentiel du tissu industriel, des établissements
commerciaux et financiers. Cette situation explique, sans doute, le boom démographique qu’a
connu Dakar. Ainsi, Serigne Mansour Tall affirme que

1
Agence régionale de la Statistique et de la Démographie de Dakar, 2015, Situation économique et sociale de la
région de Dakar, p. 16.
2
Agence régionale de la Statistique et de la Démographie de Dakar, Ibid.
3
Agence régionale de la Statistique et de la Démographie de Dakar, p. 17.
4
Agence régionale de la Statistique et de la Démographie de Dakar, p. 17.

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Le délestage du poids démographique de l’intérieur du pays est la conséquence du


processus de centralisation des infrastructures et de l’activité à Dakar5.

Tout comme la ville de Chicago qui est considérée comme étant le lieu de naissance de
la sociologie urbaine, Dakar accueille un nombre considérable de migrants originaires aussi
bien des régions de l’intérieur du Sénégal mais aussi de l’étranger. Nous verrons ainsi
comment l’exode rural, les migrations internes et internationales ont participé à la forte
urbanisation de Dakar ainsi que les modes d’appropriation de l’espace par les populations.

II.1. Dakar: une population très jeune avec une forte urbanisation

Dakar se situe à l’extrême ouest du Sénégal sur la presqu’île du Cap-Vert avec une
superficie de 550 km2, soit moins de 0,3% du territoire national. Le dernier Recensement
Général de la Population et de l’Habitat, de l’Agriculture et de l’Élevage (RGPHAE 2013) a
estimé la population de la région de Dakar à 3 137 196 habitants en 2013, soit prés de 23,2%
de la population totale du Sénégal6. En outre, selon le rapport sur la situation économique et
sociale de la région de Dakar en 2013, la population de la capitale est légèrement dominée par
les hommes qui représentent 50,3% de celle-ci. Parallèlement, la pyramide des âges de la
région de Dakar présente un sommet rétréci et une base très large, caractéristique de la
jeunesse de sa population. En réalité, la structure par âge montre que la population de la
région de Dakar est très jeune. Les moins de 20 ans représentent 44,5%. La proportion des 15-
35 ans, communément appelés jeunes, est de 39,7% ; donc, si l’on considère la population
des enfants (moins de 15 ans) et celle des jeunes, la proportion atteint 72,5%. Cette structure
montre que 7 personnes sur 10 qui vivent dans la région de Dakar ont moins de 35 ans7.

La région de Dakar, avec un taux d’urbanisation de 96%, regroupe presque la moitié de


la population urbaine du pays (49%). Elle est suivie de loin par la région de Thiès, avec 49%
de taux d’urbanisation, représentant 14% de la population urbaine. Les trois régions de
Diourbel, Fatick et Kaffrine sont les moins urbanisées, avec un taux de 16% chacune.8 Cette
situation s’explique, d’une part, par un accroissement fort élevé de la population et, d’autre
part, par le flux migratoire vers Dakar qui est de plus en plus important. Ainsi, cette forte

5
Serigne Mansour Tall, op. cit., p. 64.
6
Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie, septembre 2014, Recensement Général de la
Population et de l’Habitat, de l’Agriculture et de l’Élevage (RGPHAE 2013), p.67.
7
Agence Régionale de la Statistique et de la Démographie de Dakar, p.24.
8
Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie, mars 2014, Recensement Général de la Population,
de l’Habitat, de l’Agriculture et de l’Élevage (RGPHAE 2013), rapport provisoire, p. 21.

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urbanisation n’est pas sans conséquences majeures dans la mesure où il en résulte un cortège
de problèmes liés à l’assainissement, au transport, à l’emploi, au logement, à la mendicité…

Rappelons que la région de Dakar occupe seulement 0,3% de la superficie totale du


pays. Par ailleurs, il est intéressant de souligner que les régions orientales sont les moins
peuplées. En effet, Tambacounda, qui est la région la plus étendue du Sénégal, abrite 6% de la
population du pays et la région de Kédougou en abrite 1%. En outre, selon le (RGPHAE
2013), la région de Dakar est marquée par un taux d’accroissement qui est de l’ordre de 2,5%
et a une densité de 5735 habitants /km2. L’urbanisation de Dakar pose ainsi de sérieux
problèmes qui découlent d’une part de l’arrivée massive de migrants.

II.2. D’importants flux migratoires vers Dakar

La relation de cause à effet établie entre le niveau de développement économique et la


migration fait que les régions offrant plus de possibilités d’emplois rémunérateurs et d’autres
opportunités sont les plus attractives. De là, le développement économique que connaît Dakar,
comparé aux autres régions moins favorisées, joue un rôle prépondérant dans l’explication du
phénomène migratoire auquel cette région est confrontée. La spécificité de la région de Dakar
par rapport aux autres régions du pays s’explique par sa position géographique, son climat,
son développement économique et social, les opportunités d’emplois existants, entre autres
opportunités dont elle dispose.

Cette situation illustre parfaitement la vision de Yankel Fijalkow qui considère la ville
comme étant un produit économique et social. Dans son livre traitant de la sociologie urbaine,
Yankel Fijalkow estime que

La première idée qui vient à l’esprit dans la définition économique de la ville est sa
différence avec le monde rural, la ‘‘campagne’’. La ville est marquée par la concentration
de populations, de produits, d’entreprises, alors que la campagne s’illustre par leur
éparpillement9.

Dakar constitue un pôle d’attraction migratoire vers lequel se ruent les populations des
régions intérieures et celles des pays frontaliers, mais aussi d’autres pays. En effet, le RGPH
III estime à 1 510 337 le nombre de Sénégalais vivant en dehors de leur région de naissance.
Accueillant 42,3% de ces derniers, Dakar constitue le point de chute des migrants durée de

9
Yankel Fijalkow, 2002, Sociologie de la ville, Éditions La Découverte, p.8.

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vie du pays. Par ailleurs, il faut noter que les natifs des autres régions migrent plus vers
Dakar, sauf ceux de la région de Louga dont la majorité migre vers Diourbel. Néanmoins, les
migrants durée de vie résidant à Dakar proviennent essentiellement des régions de Thiès,
Diourbel et Ziguinchor avec, respectivement, 21,2%, 14% et 12,7%.10 Dakar connait ainsi un
fort taux d’exode rural qui est lié à son statut de capitale.

II.2.1. L’exode rural


L’exode rural s’explique en grande partie par le fait que la pauvreté soit plus accentuée
en milieu rural qu’en zone urbaine. A cela s’ajoute le manque d’emplois dans les campagnes.
La principale activité des jeunes demeure l’agriculture. Ce qui fait qu’ils ne travaillent qu’une
partie de l’année. En outre, les jeunes ne disposent pas souvent de terres pour s’adonner à des
activités agricoles. Malgré les nombreux efforts des autorités étatiques pour encourager les
jeunes à rester dans leurs contrées (Plan REVA initié par le président Wade, la création
récente de l’Agence Nationale d'Insertion et de Développement Agricole), ces derniers
continuent de migrer vers les grandes agglomérations comme Dakar.
Cet exode rural participe fortement au phénomène d’urbanisation auquel Dakar est
confronté. Ces jeunes qui sont originaires du milieu rural sont pour la plupart sans
qualification. Une fois à Dakar, ils sont confrontés à d’énormes difficultés d’insertion
professionnelle mais aussi d’intégration socioéconomique. En réalité, les jeunes issus de
l’exode rural occupent très souvent des emplois précaires ; ce qui fait qu’ils n’ont pas de
revenu pouvant leur permettre de se prendre en charge convenablement (nourriture,
logement, santé, etc.). En termes plus clairs, une fois à Dakar, ils logent dans des quartiers
installés le plus souvent dans des zones impropres à l’habitation sans autorisation préalable.
Cela favorise le développement d’habitas spontanés et la massification des populations de la
banlieue. Sur le plan socio professionnel ils connaissent des difficultés d’insertion et cela est
du à leur manque de qualification, Leur cadre de vie est donc déficitaire en matière
d’infrastructures sociales de bases. Ce qui fait qu’ils sont souvent victimes de d’exclusion
sociale, d’assignation territoriale, etc.
Parallèlement, Il est observé que Dakar est la région qui bénéficie le plus des flux
migratoires internes durée de vie11. Les migrations internes sont essentiellement liées à des

10
Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH III), p. 46.
11
Selon le RGPH de 2013, Un migrant interne « durée de vie » est une personne recensée résidente dans une
région autre que sa région de naissance.

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raisons familiales ou sociales. En effet, les migrants qui viennent des régions de l’intérieur du
pays sont souvent motivés par la recherche d’emploi, les études et l’apprentissage.
Dakar constitue également une terre d’attraction de populations venues hors du Sénégal.
Ainsi, selon les résultats du Recensement Général de la Population et de l'Habitat de 2013
(RGPH 2013) les immigrants internationaux durée de vie sont estimés à 244953 individus,
soit 2% de la population résidente12. Cette catégorie renvoie aux résidents qui sont nés à
l’étranger, quelle que soit leur nationalité. Ils sont essentiellement composés des Africains de
l’Ouest (46,8%). La répartition des immigrants internationaux durée de vie montre que la
plupart d’entre eux résident dans la région de Dakar avec 57,0%.

II.2.2. L’immigration internationale

Selon le rapport de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) publié en


2009, le Sénégal comptait, en 2005, 220.208 migrants, soit 2% de la population totale. Ces
derniers viennent principalement de la Guinée (39 %), de la Mauritanie (15 %), de la Guinée-
Bissau (11 %), du Mali (8 %), de la France (8 %), du Cap-Vert (4 %), de la Gambie (3 %), du
Maroc (2 %) et du Burkina Faso (1%)13 .

Cette forte migration est facilitée par la position géographique de Dakar. Le RGPH de
2013 renseigne que sur le plan géographique, le Sénégal partage de vastes frontières avec la
Mauritanie au Nord, la Guinée et la Guinée Bissau au Sud et le Mali à l'Est. A l'Ouest, le
Sénégal à une large ouverture sur l'Océan Atlantique. La Gambie constitue une enclave à
l’intérieur du pays. Sur le plan des infrastructures de communication, le Sénégal est bien relié
au reste du monde. Un réseau routier concentré à l’Ouest du pays est prolongé par la grande
route Nationale 2 qui fait le tour du pays reliant le Sénégal au Mali et à la Mauritanie. La
transgambienne relie le pays à la Gambie et les pays voisins, à savoir la Guinée Bissau et la
Guinée Conakry. Hérité de la colonisation, l’express Dakar Niger qui reliait le pays avec ses
voisins est remplacé par le train Dakar Bamako. Les mouvements migratoires sont facilités
par de vastes frontières avec les pays limitrophes, une grande ouverture sur l’Océan
Atlantique (500 km de côte) et des infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires de
rang international.

12
RGPH, 2013, p. 235-236
13
Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), 2009, Migration au Sénégal, profil 2009, p. 45.

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II.3. Les logiques d’appropriation de l’espace à Dakar

En prenant l’exemple des Guinéens, il apparait que contrairement à beaucoup d’autres


groupes de migrants étrangers, ils se concentrent plutôt dans les quartiers centraux ou
péricentraux de la ville. Cette concentration suit un axe qui part du Plateau, se poursuit vers
Rebeuss, la Médina, Grand-Dakar, Derklé et débouche sur les grands quartiers populaires
périphériques de Grand-Yoff et des Parcelles Assainies.

Au Plateau, les Guinéens occupent principalement l’avenue Georges Pompidou et le


boulevard Faidherbe d’une part. D’autre part. Ils sont surtout visibles à la rue Sandiniéri où ils
font prospérer leurs commerces de fruits depuis des dizaines d’années. Cette rue est l’un des
lieux de concentration les plus originaux de la communauté guinéenne de Dakar.
Symboliquement, la majorité des Dakarois associent automatiquement le nom de cette rue au
commerce de fruits et aux Guinéens.

Par ailleurs, les immigrés Guinéens sont présents dans deux autres secteurs du Plateau
tels que Niayes-Tioker et Rebeuss. À Niayes-Tioker, les migrants guinéens s’adonnent à une
grande variété d’activités économiques restauration, menuiserie, commerce de détail, etc. À
Rebeuss, ils s’adonnent aussi au commerce et à la restauration populaire locale.

Les Guinéens sont ainsi une des composantes du melting-pot du Plateau. À l’opposé
des Libanais qui ont acquis de véritables fortunes immobilières, les Guinéens occupent
principalement des immeubles vétustes, des maisons en ruine ou des baraques.

La Médina, quartier populaire du centre ville, constitue également un grand lieu de


concentration de l’immigration guinéenne. A la fin des années 1990, les guinéens étaient le
troisième groupe «ethnique» du quartier (9%) derrière les Wolof (34%) et les Toucouleur
(13%)14. On trouve un grand nombre de Guinéens à l’Avenue Blaise Diagne qui est l’un des
principaux bassins d’emploi pour la colonie guinéenne de Dakar. Les guinéens y tiennent
des boutiques, des tangana. Le marché Tylène est également un lieu où les Guinéens font
prospérer des affaires de vente de fruits, de légumes et de boucherie depuis plusieurs
décennies.

14
Di Meo G., Jambes J-P., Guerrero R. – « Dynamique socio-géographique et consommation domestique dans
l’agglomération dakaroise », in Trav. Et doc. de géographie tropicale, n° 60, novembre 1987, 15-61

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On trouve aussi des migrants guinéens à la Gueule Tapée, Grand Dakar, Colobane,
Niary taly, HLM, etc. Les quartiers périphériques de Grand-Yoff et des Parcelles Assainies
enregistrent également un important nombre de Guinéens. Les immigrés guinéens, présents
un peu partout à Dakar, partagent donc leur condition avec des Sénégalais et d’autres
étrangers. Ainsi, la forte mixité empêche l’émergence des particularismes ethniques et
nationaux.

Il est évident que les immigrants guinéens se concentrent dans les quartiers centraux
(proches du centre ville). Cela s’explique par le fait que ces derniers constituent les
principales zones pourvoyeuses d’emploi dans le secteur des services ou du petit commerce
informel. L’occupation spatiale de l’agglomération dakaroise par les Guinéens répond donc à
une certaine logique liée à l’activité professionnelle. Il apparait ainsi les migrants guinéens
choisissent délibérément un logement assez proche de leur lieu de travail.

En comparant Dakar à Chicago, il apparait nettement, qu’ils ont quelques aspects en


commun. Même si les contextes diffèrent, à l’image de Chicago, Dakar est confronté à une
rapide croissance de sa démographie qui est liée en grande partie à des phénomènes tels que
l’exode rurale, la migration interne et celle internationale. Tout comme Chicago, cette rapide
croissance de la démographie est l’origine d’une forte urbanisation de la capitale sénégalaise ;
ce qui engendre de nouveaux modes d’occupation de l’espace par les différents groupes
sociaux. Cette urbanisation rapide a engendré de nombreux phénomènes urbains tels que
l’exclusion sociale d’une certaine catégorie de population, l’assignation territoriale, difficultés
liées à la mobilité spatiale, etc.

Contrairement à la ville de Chicago, à Dakar il n’y a pas le phénomène des enclaves


ethniques. En réalité, certains quartiers comme la Médina, Rebeuss ou Niayes-Tioker
constituent des zones profondément marqués par la présence guinéenne. Néanmoins, il
n’existe pas de ghetto guinéen à Dakar. D’une manière générale, il n’existe pas dans cette
ville de phénomène de concentration et de ghettoïsation. La diversité des populations qui
composent Dakar entraîne des pratiques spatiales multiples qui révèlent des logiques citadines
différentes, largement conditionnées par la situation socio-économique de chaque groupe.
Aucun quartier de Dakar n’est exclusivement contrôlé par un groupe social ou ethnique
particulier, malgré quelques noyaux de concentration évidents, comme c’est le cas pour les
Libanais sur le Plateau, les Cap-Verdiens dans les S.I.CAP Baobab et Karack ou les
Européens à Mermoz.

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A ce propos, Guillaume Lefebvre note :

Les causes de l’absence de ghettoïsation sont également liées à la composition


ethnique originale de Dakar, où l’autochtone lébou ne représente pas plus de 2 % de la
population totale. Les Wolof sont les plus nombreux et leur langue est devenue une lingua
franca citadine, mais ils sont loin d’être majoritaires. 98 % des habitants ne sont dakarois
que depuis moins d’un siècle. (…) La communauté guinéenne, hétérogène, s’est déployée
selon des stratégies qui ont Toujours exclu le regroupement communautaire. Il n’existe pas
de regroupements régionaux dans la ville de Dakar: il n’y a pas de quartiers pour les
originaires de telle ou telle région de Guinée. Les Peul du Fouta-Djalon ont eu peu de
peine à se couler dans l’espace dakarois. Musulmans tidjanes, ils partagent une parenté
culturelle et linguistique avec le groupe Halpuularen sénégalais (Peul et Toucouleur) 15.

En fin de compte, Il apparait que le fort taux d’urbanisation de Dakar est lié en grande
partie aux nombreux flux migratoires issu de la migration interne et internationale. Cette
agrégation de populations d’origine diverse est à l’origine des différents modes d’occupation
de l’espace urbain dakarois. Cependant, aussi nombreux que puisse être les immigrés, il
n’existe pas à Dakar le phénomène de concentration ethnique. Tous comme les autochtones,
chez les migrants l’occupation de l’espace résidentiel varie en fonction de l’activité
professionnelle, du revenu et du lieu d’exercice de son travail.

Après avoir analysé le phénomène d’urbanisation rapide de Dakar, la diversité


socioculturelle de sa population ainsi que les logiques d’appropriation de l’espace, il devient
indispensable d’aborder la problématique de la mobilité spatiale. Pour ce faire, il est d’abord
impératif de revenir sur le concept de centralité. Une telle entreprise permettra d’aborder la
problématique de la centralité historique de Dakar et ses nombreux corolaires. En fin, nous
traiterons naturellement de l’aménagement du territoire et des nombreux projets allant dans le
sens de trouver des solutions à la forte urbanisation de Dakar.

15
Guillaume Lefebvre, 2003, « La ville africaine et ses immigrants : les Guinéens au Sénégal et à Dakar »,
L’Afrique. Vulnérabilité et défis, LESOURD M. (coord.), Éditions du Temps, pp. 159-198.

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