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Les sciences sociales aujourd'hui

Examen : dure 3h, questions (entre 5 et 10) de cours et sur textes à lire. Textes en ligne sur la
plateforme, à lire impérativement puisqu’on sera évaluer là-dessus.
ð Beaud et Masclet, « Des « marcheur s » de 1983 aux émeutiers de 2005 – deux générations
d’immigrés »
ð Kakpo, L’islam, un recours pour les jeunes, chapitre 3
ð Sayad, « Les trois « âges » de l’émigration algérienne en France » + « Immigration et étranger
d’Etat »
ð Spire, « De l’étranger à l’immigré », p. 50 à 56
ð Noiriel, Le creuset français

Introduction : la difficile émergence de la sociologie de


l’immigration en France

On étudiera l’analyse du phénomène de l’immigration. Ce champ de recherche s’est


développé assez récemment en France, il croise des domaines variés : sociologie, science politique,
histoire.
D’autre part, la présence durable de populations immigrées interroge les grandes catégories
de la sociologie : renouvellement de l’analyse de la société française.

Avant en France, l’immigration était un champ de recherche marginal, aujourd’hui elle est
au centre des débats. En 30 ans, la recherche a connu un développement quantitatif impressionnant
(le nombre de thèses soutenues a explosé).
Ce développement s’est focalisé plus que l’immigration en générale sur une vague
migratoire particulière : on s’interroge sur le devenir de la grande vague migratoire des 60’s
(Afrique du Nord, ex pays colonisés principalement).
En France, la première grande vague date de la fin du 19ème, l’immigration n’est donc pas
une question récente en France. Pourtant la recherche attend les 80’s pour s’intéresser à cette
question. Quelle en est la raison ?

On s’intéressera à l’histoire coloniale, à son poids dans les enjeux et pratiques relatifs à
l’immigration ; à la catégorisation de la population migratoire ; au passage de la question sociale à
la question raciale à l’heure actuelle ; à la question de la gestion de la diversité religieuse de la
France contemporaine.

On peut souligner, comme Maryse Tripier, que la situation française diffère de celle de
l’Allemagne où la sociologie s’est très vite confrontée à la question de l’immigration.
Cf. Zimmel qui définit l’immigré comme un membre à la fois extérieur et intérieur ou groupe

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Cf. Weber qui définit les groupes ethniques, rassemblés autour d’une culture commune, avec une
approche subjective.

La situation de la France est totalement différente de celle de l’Allemagne et même de la


sociologie américaine de la Première Ecole de Chicago. Cette dernière focalise son attention sur les
relations ethniques en milieu urbain (voir cours de Mr Renard, chapitre de la sociologie américaine,
semestre 5). A partir des 60’s, le paradigme dominant est le Race Relations.
Les différences de modèles d’intégration nationales conditionnent l’apparition de la
sociologie migratoire.

En France, la sociologie de l’immigration ne s’autonomise que très péniblement à partir du


moment où les textes des chercheurs de la Première Ecole de Chicago sont traduits en français dans
les 70’s. En France on commence donc vraiment début des 80’s à s’interroger sur l’intégration de
l’étranger dans la société urbaine. Au début donc c’est dans le cadre de la sociologie urbaine,
ensuite on parle de sociologie migratoire.

On a beaucoup de similitudes avec les USA début du 20ème. Le point culminant de


l’immigration en France tourne autour des 20’-30’s. Dans l’entre-deux guerre la France est le
premier pays d’immigration au monde puisque les USA instituent des quotas aux frontières et
ferment donc l’accès à de nombreux immigrés.
1931 : France accueille 2 890 000 étrangers, italiens polonais, espagnols, belges.
Pourtant la France est longtemps restée un pays d’immigration qui s’ignore.

La deuxième similitude est qu’à partir des 50’s-60’s, c’est l’immigration non européenne qui
va être majoritaire. En dépit de cela, alors qu’aux USA la recherche s’adapte, en France on ignore le
phénomène et on s’intéresse à d’autres thématiques.
Noiriel souligne donc le paradoxe qu’on a une population étrangère ancienne et massive
mais qui n’est pas pensée comme fondamentale dans la société française. On tient moins compte du
nombre que de la manière dont on peut concevoir l’intégration.

Il faut donc réinscrire le traitement disparate de l’immigration dans l’environnement social


et politique des USA et de la France. Plusieurs éléments sont à prendre en considération pour
expliquer ces différences d’évolution de la sociologie migratoire :

v En France, la construction de la Nation s’est faite avant les grandes vagues migratoires. Elle
considère donc l’immigration que comme un phénomène migratoire. Les historiens pointent un
« déni de mémoire » à la faveur de laquelle la France s’est donnée comme mémoire celle d’un corps
ancien issu des terroirs. La culture française s’est construite en occultant la part importante que
l’immigration avait prise.
Ce n’est donc pas par méconnaissance des phénomènes ethniques mais par évitement.
L’immigration a été pensée comme une question extérieure n’ayant rien à voir avec les français et
leur passé. Tout au long du 20ème, la présence étrangère est pensée en termes « d’assimilation » et
non pas « d’intégration ».

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Si on reconnaissait aux étrangers la possibilité de s’installer sur le sol français, ils étaient
pris dans un processus d’assimilation, de sorte qu’ils se détachaient complètement de leurs racines,
ils étaient censés se fondre dans le creuset français dont parle Noiriel.
La doctrine de l’assimilation est remise en cause dans les 70’s à la fois en raison de ces
connotations colonialistes et aussi parce qu’elle sera contestée dans la pratique. On prend acte de
différences notables au sein de la population française. On revendique le droit à la différence.

v L’immigration en France a pour but la recherche d’une main d’œuvre pour réaliser la
révolution industrielle.
v Aux USA, les vagues migratoires ont précédé la construction de la Nation américaine.
L’immigration a créé la nation américaine, c’est une valeur constitutive. L’immigration est donc
pensée comme une variable intérieure, contrairement au cas français.

Le sens qu’on va donner de part et d’autre de l’Atlantique au fait migratoire va conditionner


le modèle d’intégration nationale. Aux USA la citoyenneté est portée par une conception libérale,
contractuelle et juridique de l’universalité.

L’immigration émerge en tant qu’objet de discours focalisé sur la société d’accueil. Cela va
en faire un objet d’études en France.
Le rapport d’une société à l’immigration est éclairant sur le modèle de fonctionnement de
cette société.
Pour comprendre comment s’est construit l’objet « immigration » en France, il faut
s’intéresser aux conditions sociales ayant permis la mise en place de telles études. Par là, on impose
une problématique à la recherche. L’immigration a émergé en tant que problème. La recherche se
focalise donc dans un premier temps sur les aspects problématiques de l’immigration !
Cf. Noiriel : « il n’y a pas un problème des immigrés, il n’y a qu’un problème de l’immigration »

A. Approche américaine de la sociologie de l’immigration

La nation aux USA comme au Canada est composée de vagues d’immigration successives
cherchant fortune et liberté.
On parle alors du melting pot nationale constitué par ces vagues. Elles sont pensées comme
des phénomènes qui ne disparaitraient jamais totalement.
La formation de la Nation est conçue comme un processus fusionnel des différentes vagues
au sein du creuset duquel ressort le citoyen américain.
La culture américaine est donc à la fois composite et uniforme.

L’immigration participe totalement du récit national. On peut rester italo-américain tout en


étant citoyen américain.

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La sociologie américaine née à Chicago se focalise sur les conflits urbains interethniques qui
apparaissent plus centraux que la lutte des classes. On s’intéresse donc plus à la ville et aux
relations interethniques plutôt qu’aux classes sociales, contrairement à la France.
Aux USA, les racines ne sont pas tenues de disparaître dans l’espace privé et la communauté
n’est pas perçue comme une menace comme nous l’a appris Tocqueville.

La définition américaine de l’immigration fait qu’on l’appréhende comme un acte


volontaire : on y exclut tout mouvement de population ne répondant pas à cette caractéristique
volontariste.
Le véritable immigrant au départ est le WASP (White Anglo Saxon Protestant). Donc les non
WASP ne seraient pas forcément les bienvenus au début du 20’s : on a une Amérique anglo-
centrique, qui se définit comme une population blanche, parlant anglais et catholique, donc
xénophobe à bien des aspects et notamment à l’encontre des vagues migratoires irlandaises.
On ne s’est pas préoccupé du problème noir et indien jusqu’à l’émergence de la Black
sociology.
Première recherche : 1899, Du Bois s’intéresse au sort des noirs de Philadelphie.
On avait l’idée que les enfants d’immigrants allaient connaitre un parcours d’intégration
plus aisé que leurs parents et qu’ils allaient connaitre le processus d’assimilation assez vite.
Néanmoins la manière de concevoir l’assimilation aux USA est bien différente de la France : la
doctrine assimilationniste ne mène pas à la destruction de cultures dites « minoritaires ». Ils n’ont
pas à répudier leurs normes, leurs valeurs pour adopter celles du pays d’accueil. L’assimilation
mène alors au métissage, perçu comme un enrichissement mutuel.

Les premiers travaux de l’Ecole de Chicago reposent sur ce modèle d’assimilation linéaire
selon lequel les immigrants vont adopter une identité américaine en réduisant leurs liens avec leur
communauté d’origine sans pour autant renier leurs racines.

Dans les 60’s on parle du réveil ethnique pour qualifier l’attitude de certains enfants
d’immigrants qui cherchent à renouer avec leurs racines alors que leurs parents ne le font pas
forcément.

Un cours de trou mais qui devrait être rattrapé facilement


Dans les années 1970 les problèmes liés aux immigrés apparaissent comme nouveaux, on les
traite différemment. Plusieurs points :
• Le modèle d'intégration national tel qu'il est présenté par J.Weber
• Le renouveau historique via les travaux de G.Noiriel (Le Creuser français) : parler de
crise du modèle d'intégration suppose qu'il y ait eu un âge d'or... cela paraît difficile à
montrer car la grande majorité des étrangers qui ont immigrés en France par le passé
n'ont été là que de manière transitoire et peu se sont installés. Ceux qui sont resté en
France ont été historiquement confinés dans les secteurs les plus défavorisés du marché
de l'emploi, exposé aux accidents du travail et privés de droits (sans parler de la
xénophobie). La stigmatisation de l'étranger n'est pas une spécificité de tel ou tel groupe,
ce n'est pas un problème arabe ou juif : de nombreux incidents xénophobes apparaissent

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dès le XIXe siècle, souvent axés autour d'un problème de concurrence sur le marché du
travail. Une source de tension particulière intervient durant le service militaire qui
amenait les jeunes français à quitter leur travail pendant deux ou trois ans. On pense au
cas célèbre de chasses à l'homme, d'agressions violentes contre les Italiens dans le Sud
de la France (Marseille, Aigues Mortes ou Lyon).
• Le fait d'être catholique a souvent été un handicap, on pense notamment aux Polonais
qui étaient très mal perçus à travers leur pratique de la religion. Les conflits ont été
alimentés par des critiques autour de cette pratique de la religion aussi dans les vagues
d'immigration italiennes, portugaises et espagnoles.
• Après la crise des années 1930 la xénophobie se développe dans la société française avec
un renforcement de l'antisémitisme qui va engranger des lois de protection du marché du
travail notamment autour des classes moyennes. Les médecins anti-nazis réfugiés en
France ont été interdits d'exercice de leur profession par exemple, ces mesures
expliquent la migration d'Enstein aux USA.
• Avant les années 1970/80 aucun gouvernement ne s'est penché sur cette question de
l'intégration, d'assimilation : il est anachronique de parler de modèle d'intégration, c'est
un mythe. Les migrants se sont fondus dans la population française sans politique
gouvernementale. En comparaison aux USA on remarque que les deux pays n'ont pas de
différence majeur dans ce processus d'intégration alors que les systèmes sont très
différents. Cela amène à penser que les immigrants sont les premiers acteurs de leur
intégration. L'invocation du mythe du modèle d'intégration n'est pas suffisant. On voit
que l'ascenseur social a fonctionné et c'est un facteur explicatif évident à l'intégration : il
n'y a pas eu de réel phénomène de « seconde génération ».
• A partir des années 1970 le discours politique va introduire une différence entre bons
immigrés du passé et les mauvais de la deuxième génération. On va mettre en valeur des
critères culturels pour montrer que l'intégration est impossible et du même coup occulter
les facteurs fondamentaux que sont les facteurs économiques et sociaux. Ces populations
sont les premières touchées par la crise. L'ascenseur social ne marche plus, l'intégration
non plus. Nombreux sont les enfants d'immigrés qui ne parviennent plus à échapper à
leurs conditions sociales d'origine et qui reste fixés dans leur milieu social défavorisé.
• Le processus migratoire s'arrête aux enfants, aux petits enfants. Ils ne sont plus des
immigrés mais n'apparaissent pas comme des Français comme les autres. Il ne faut pas
généralisés mais le fait que quelques uns s'en sortent accentue le sentiment d'exclusion
des autres. C'est la mise en exergue progressive dans le discours d'un déterminisme
culturelle mettant en avant un comportement non conforme, violent et machistes. Le
regard que l'on porte sur cette population va s'islamiser. On ne parle plus de jeune issus
de la troisième génération mais de « jeunes musulmans ». Cette identité musulmane n'est
pas la seule disponible voire n'est pas saisit par une majorité de ces jeunes.
• On voit apparaître une singularité de l'expérience des jeunes issus de l'immigration post-
coloniale par rapport aux jeunes issus des vagues migratoires précédentes.

C. La genèse de la sociologie de l'immigration en France


Les premiers travaux de recherches sur l'immigration découle d'une démarche militante
dénonçant les conditions d'accueil aux nouveaux venus tout en posant des questions sur la
pertinence scientifique. Mais on a aussi des travaux qui émanent d'une demande publique ce qui
pose d'autres question scientifiques : en répondant à des besoins précis on développe des analyses

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fragmentées sans réelle prise en compte de la é du migrant. Sayad critique fortement ce second tpe
de travaux en montrant que la migration en France est totalement dominée en étant réduite à sa
condition de main d’œuvre : seul le travail justifie la présence de l'étranger en France. On ne
s'intéresse qu'à la dimension immigré de cette population en occultant son aspect émigré. On réduit
l'immigré à une force de travail exploitée et présente temporairement sur le sol français en lui
déniant son statut d'acteur. Il est réduit à être une variable d'ajustement du marché du travail.
Ces premiers travaux font émerger la figure type de l'immigré insiste sur cette dimension :
un homme seul issu du milieu rural du Maghreb cherchant du travail en France. Cela va conduire à
une profonde dévalorisation de cet objet de recherche et par conséquent décrédibiliser les
chercheurs qui s'y intéressent. La sociologie de l'immigration n'était pas pensée comme pouvant
produire concepts et résultats susceptibles de rendre compte des évolutions de la société française.
Les objets centraux de la sociologie française des années 1960/70 sont ailleurs alors même que le
phénomène migratoire ne cessait d'augmenter. C'est essentiellement le poids des grilles d'analyses
marxistes qui a contribué à freiner le développement de cette sociologie en analysant tout en terme
de classe sociale. La classe ouvrière a constituée la classe d'accueil de cette immigration, les
sociologues vont privilégiés des analyses au travers d'une théorisation marxiste. Ce n'est que dans
les années 1980 que se renouvellent réellement les problématiques de recherche. On va avoir tout
d'abord la création de réseaux de recherches interdisciplinaires sur l'immigration, impulsés par le
CNRS et le ministère des affaires sociales. C'est la création du GRECO 13. C'est une avancée
symbolique.
La sociologie de l'immigration va être démarginalisée et va pouvoir se développer dans le
cadre de la construction d'une sociologie critique : on s'intéresse aux femmes, aux fous, aux exclus,
aux immigrés. Les immigrés vont acquérir une fonction miroir de la société française. On va
transposer au champ de la sociologie de l'immigration des analyses d'autres champs. On pense par
exemple aux travaux de E.Goffman sur la stigmatisations (Stigmates, 1963) mais aussi les analyses
de N.Elias sur les logiques d'exclusions. Ce qui change dans les années 1970/80 c'est qu'on prend
conscience de la possibilité d'aborder ces populations dans une perspective plus générale des
rapports sociaux entre groupe.
A côté de ce qui se joue au niveau théorique de l'évolution des sciences sociales il faut noter
que la sédentarisation de l'immigration va faire évoluer également les questionnements.
L'émergence de la question migratoire sur la scène publique va bien entendu contribuer au
développement d'une sociologie spécifique. Le contexte post-colonial va conférer à ce débat une
dimension émotionnelle particulièrement vive. L'hostilité d'une partie de la population va être
ranimée avec la crise avec le renouveau xénophobe, en témoigne la montée en puissance du Front
National. Tous les acteurs de la guerre d'Algérie sont présents sur le sol français : appelés, harkis,
immigrés algériens... On va quitter les approches en terme de domination pour interroger la
pertinence du modèle français d'intégration nationale. La sociologie de l'immigration va se
développer notamment en important des concepts travaillés outre-Atlantique : assimilation et multi-
culturalisme vont être pensés dans le modèle français laïc et républicain.

Il faut ici faire un point sur le pionnier de la recherche sur l'immigration en France, l'élève de
Bourdieu : Sayad. Il va inviter à déconstruire l'objet « immigration » en invitant à mettre à distance
un ethnocentrisme inconscient. Il y a deux éléments fondamentaux dans sa réflexion :
• Penser de manière globale le discours scientifique tenu sur l'immigré et l'immigration.
Le discours tenu sur l'immigré est le produit d'une problématique imposée de l'extérieur
et dont il est très difficile de sortir. On ne perçoit l'immigration qu'au travers des
problèmes que celle-ci engendre dans la société française. Sayad se demande : Est-il
possible d'arriver à en parler autrement ?

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• Penser l'immigration comme un fait total, elle a toujours été abordée du point de vue de
la société d'accueil qui ne se pose que le problème des immigrés mais il faut prendre en
compte les raisons du départ de ces populations. La problématique de l'émigré est
indissociable de celle de l'immigré. Il faut prendre en compte des trajectoires souvent
très différentes : tous ne sont pas partis pour les mêmes raisons, tous ne sont pas issus de
la même classe sociale, tous ne peuvent être regroupés sous un seul dénominateur
commun. Il faut rompre avec le type de l'immigré tel qu'il a été décri précédemment
(homme, rural, Maghreb).
Sayad va donc inviter à ne pas raisonner en dehors de ces schémas globaux
(immigration/émigration). Ces deux dimensions sont inexplicables l'une sans l'autre. Il va prendre
en compte la trajectoire des individus dans leur intégralité. L'histoire du séjour en France n'est pas
suffisante en elle-même pour comprendre ce qui s'y joue. Il faut réfléchir en terme de trajectoire, d
processus et comprendre ce que sont les deux bouts de la chaine. Toutes les données sont à prendre
en compte.

Il faut aussi s'attarder sur le vocabulaire, les mots employés pour dire l'altérité. Les enjeux
politiques qui tournent autour de l'immigration rendent difficile l'appréhension scientifique de cet
objet. Le vocabulaire est assez significatif des rapports entre la société et l'altérité.
Les Allemands utilisent des expressions mettant l'accent sur le caractère temporaire du
passage de l'étranger. Il y a une évolution et un terme désignant l'immigré est adopté dans les années
2000 rompant avec une conception ethnique de la nationalité.
En Belgique ou aux Pays-Bas on parle d'immigrant, ou du couple allochtone/autochtone. Ce
terme officiel n'est pas sans poser problème aux Pays-Bas.
En France on préfère distinguer l'immigration de l'émigration. La définition actuelle du
terme d'immigré est assez récente et notamment son usage statistique : la décision de cristalliser une
définition à l'INSEE s'inscrit dans le contexte particulier des années 1980 avec la polémique liée à
la généralisation des thèmes du FN. Dans les recensements on voit que la part d'étrangers diminue
dans la population mais les responsables de droites considéraient que le seuil de tolérance était
quand même atteint et on va mettre en cause les critères de la nationalité. On met en place la
catégorie immigré pour identifier ceux qui ont accomplis leur migration. C'est pour l'INSEE une
personne née à l'étranger et qui vie en France depuis un an au minimum. Autrement dit même si on
est Français depuis 50 ans on reste immigré pour toujours dès lors que l'on est né à l'étranger. La
catégorie d'étranger a des effets juridiques mais pas celle d'immigrée. Petit à petit les organismes
employant des démographes ou des statisticiens vont substituer la catégorie immigré à celle
d'étranger. Cela est sensé permettre de démontrer l'apport démographique de l'immigration à la
population française d'autant plus si on identifie leurs descendants. Est créé dans le même
mouvement le haut conseil à l'intégration qui va encourager ce développement statistique par
l'intermédiaire d'un groupe de travail qui va produire des chiffres sur l'immigration. Depuis cette
catégorie a été ajoutée dans le recensement en 1999. Les personnes nées françaises à l'étranger ne
sont cependant plus comptées comme immigrés dans la définition utilisée.
En parlant de plus en plus de personne « d'origine immigrée » on perd toute référence à la
migration et finalement on constitue dans un discours éminemment politique un groupe social. Les
personnes issues de pays riches ont très peu de chance de se voir attribuer cette qualification alors
que pour l'essentiel cette catégorisation va inclure des Français. Le discours médiatiquement relayé
va avoir un impact sur les rapports sociaux : on parle couramment de « jeunes d'origine
maghrébine ». On va mettre l'accent sur cette dimension migratoire, sur leur origine supposée plutôt
que sur leur situation sociale.

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G.Noiriel Les jeunes d'origines étrangères n'existent pas : ces jeunes sont renvoyés à des
références discriminatoires, à une religion qu'ils ne pratiquent pas ou peu etc (à lire en ligne sur la
plateforme).
Les chercheurs utilisent de plus en plus le terme d'immigrant. Terme répandu dans la
littérature de langue anglaise il évite toute confusion avec le vocabulaire administratif et en plus il
permet de prendre acte de la participation de ces populations à l'histoire de la Nation française.

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Thème 1 : Le creuset français, deux siècles d'immigration de
masse en France

A. L'immigration jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale


Jusqu'au début du XXe siècle les mouvements de populations sont assez libres. C'est avec le
vote des premières grandes lois sur la nationalités (1889) que l'on va commencer à s'interroger sur
l'immigration. Cette loi instaure le droit du sol en complément du droit du sang pour acquérir la
nationalité. L'objectif était de franciser les enfants d'italiens.
En 1881 il y a 1 millions d'étrangers en France. On retrouve une forte immigration italienne
qui va dépasser l'immigration belge à partir de 1901. Mais il y a aussi une migration intérieure des
campagnes aux villes. Il faut aussi considérer l'immigration juive face à l'antisémitisme montant à
l'Est. On a commencé en 1914 à faire venir de coloniaux pour participer à l'effort de guerre (au front
ou à l'usine). Ensuite c'est pour répondre à une problématique de reconstruction que l'on fait appel à
l'immigration d'autant plus que la France a perdu 10% de sa population masculine.
La venue des immigrés est parfois organisée au travers d'accord avec des États comme la
Pologne par exemple qui vont faire déplacer des villages entiers (avec les prêtres, les femmes, les
enfants...). On va les installer dans des lieux où ces populations ne vont pas se mélanger avec la
population française. On voit encore une fois les limites du modèle républicain de l'intégration.
Pendant les années 1930 la France commence à refuser des immigrés et à les expulser par
familles entières. On va interpeller les étrangers considérés comme fauteurs de troubles et on va
commencer à interner les personnes juger comme indésirables à commencer par les Allemands. A
cela s'ajoute la reprise d'un antisémitisme virulent.

B. Les Trente Glorieuses : la création d'une politique de limmigration


A partir des Trente Glorieuses tout un système est mis en place pour encourager
l'immigration. Cette période se caractérise par un grand afflux de population encore timide à la
Libération mais qui connait une forte accentuation entre 1956 et les années 1970. Mais dès 1944 le
GPRF reconnaît la « nécessité d'encourager de bons éléments d'immigration » par la bouche de De
Gaulle. Le CNR est favorable à l'arrivée d'étranger et l'opinion publique est peu réticente à cette
arrivée d'une population qui a participé à l'effort de guerre pour libérer la France. Ce qui va marquer
la période de la WWII c'est l'idée que l’État doit avoir la maitrise de la politique migratoire.

A propos de la question de la nationalité il faut mentionner deux textes : une ordonnance du


19 octobre 1945 qui réaffirme le droit du sang tout en reconnaissant le droit du sol et en
réglementant la procédure de naturalisation ainsi qu'une autre aussi en 1945 qui organise l'office
nationale de l'immigration afin de réglementer l'entrée des étrangers en fonction du besoin de main
d’œuvre du pays. Mis en application en mars 1946, l'ONI va être chargée de toutes les opérations de
recherche, de sélection des travailleurs étrangers. Elle dépendait du ministère du Travail et de la
Sécurité Sociale ainsi que du ministère de la Santé Publique. Il y a donc une mise en place d'une
politique publique de l'immigration mais dans la pratique l'ONI a très mal fonctionné jusqu'en
1974 : le rôle de régulateur n'a pas marché et les Italiens, les Portugais et les Espagnols sont rentrés
illégalement, sans titre de séjour ni contrat de travail ou maitrise du Français. Même les employeurs
contournent l'ONI (cf film). Les différentes administrations ne sont, encore aujourd'hui, pas toute

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sur la même longueur d'onde et cela explique en partie la longue période entre l'entrée sur le
territoire et la régularisation. En 2009 la création de l'Office Française de l'Immigration et de
l'Intégration remplace l'ONI et rentre complètement dans le champ d'action du ministère de
l'Intérieur.
Avec la création en 2005 de l'ANAEM et la mise en place du contrat d'accueil et
d'intégration on voit se dessiner de plus en plus un rôle intégrateur à l’État : on ne s'intéresse plus à
leur santé par exemple mais bien d'avantage à la connaissance de la langue française.

De grands ensembles modernes vont être construits par les immigrés dans les banlieues sans
pour autant en profiter et ils vont s'entasser dans des bidonvilles notamment dans la région
parisienne. Ces travailleurs sont généralement Algériens et Portugais mais aussi des Espagnols, des
Marocains et des Tunisiens. Une ville comme Nanterre comptait neuf bidonvilles sans accès à l'eau.
En 1964, on estime que 43% des Algériens vivant en France logeaient dans ces bidonvilles. Les
conditions de vie sont déplorables : rapports à l'administration conflictuels (plusieurs mairies
refusent d'inscrire l'adresse du bidonville sur les papiers officiels, ne pas délivrer de certificat de
domicile empêchait le retour ponctuel au pays),
La guerre d'Algérie a pour conséquence la mise en place d'une politique de construction de
logement/hôtel (foyers SoNaCoTra). On met en place également un Fond d'Action Social pour les
travailleurs d'Algérie qui deviendra par la suite un organisme de lutte contre les discrimination en
ayant pour particularité d'agir des deux côtés de la Méditerranée. Au niveau du logement on estime
que les bidonvilles disparaissent dans les années 1970. Les immigrés font leur entrée dans les
grands ensembles urbains au moment où les populations qui y habitaient vont accéder à de
nouveaux logements pavillonnaires.
Pour répondre aux besoin de l'après guerre on va rédiger des textes internationaux sur le
droit des réfugiés. C'est la mise en place en 1951 du statut de réfugié et du droit d'asile. En 1952 est
créé l'OFPRA (office française de protection des réfugiés et des apatrides) et une cour de recours
pour les réfugiés. A sa création l'office était dirigée par le ministère des affaires étrangères et est
maintenant sous la coupe du ministère de l'immigration. Il y a une évolution dans la manière
d'accueillir les réfugiés politiques.

C. Le changement de politiques migratoires


La suspension es migrations économiques est proclamée par J.Chirac en 1974. S.Laurens
invite à considérer la question de la technocratisation de la gestion des étrangers pour comprendre
ce coup d'arrêt à la politique migratoire. En effet dans les trois décennies qui suivent la création de
l'ENA, les anciens fonctionnaires en charge de l'administration des étrangers vont être remplacer par
les énarques. Il vont apporter de nouvelles manières de faire, de penser, différentes. Ils vont
s'occuper des question d'immigrations mais ils vont intégrer une nouvelle croyance économique qui
veut que l'immigration ait un coût. Avec ces présupposés ils vont souhaiter rationaliser les choix
budgétaires, les coûts et les allers-venus des étrangers. On voit que l'idéologie des énarques de
l'époque, via l'étude des notes administratives, est animée certes par une peur de recevoir tout le
Tiers-Monde en France mais surtout que ces étrangers viennent grossir les rangs de l'extrême
gauche. La peur d'un second Mai 68 est omniprésente. On met fin aux politiques de régularisation
systématiques. A partir de ce moment là le problème de l'immigration ne quitte plus l'espace
publique et les lois vont se durcir et se multiplier. L'arrivée de la gauche au pouvoir ralentit ce
mouvement (régularisation de 130,000 sans papiers, abrogation de la loi Bonnet, assouplissement
du regroupement familiale...) mais dès 1983 la répression reprend de plus belle et on s'attaque
même au droit d'asile (carte de séjour). Cette orientation va être confirmée par les lois Pasqua de

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1986 ainsi que la création de « zone d'attente » dans les aéroports où on maintien hors du territoire
les étrangers en situation irrégulière. L'évolution de la politique migratoire suit celle des politiques
européennes. Ces politiques deviennent des politiques sécuritaires (J.Valluy) qui visent à protéger
les pays de l'UE de « l'invasion migratoire ». On va concentrer les immigrés dans des camps dits de
transit dans les pays jouxtant l'UE (Albanie, Maroc...).
La nouvelle population immigrée est essentiellement citadine (bien que les études manquent
en zone rurale) et souvent d'origine extra communautaire. Elle présente une plus grande
vulnérabilité au chômage et occupe une population temporaire et caractérisée par sa grande
diversité.
Depuis 1974 l'immigration dites de travail (c'est à dire un employeur qui fait venir de la
main d’œuvre) a pratiquement cessée mais cela ne veut pas dire immigration zéro. Chaque année
environ 80,000 personnes rentrent pour long séjour sur le territoire, essentiellement pour des raisons
familiales.

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Thème 2 : L'Islam en France, logique de l'implantation d'une
religion
L'émergence progressive de l'Islam dans l'espace public français depuis les années 1980
(multiplication des librairies, des salles de prière, des boucheries halal...) suscite de vifs débats sur
la place de cette religion dans la République. On aboutit vite à un débat où un certain nombre de
raccourcis sont problématiques et de plus en plus accentués notamment depuis le 11 septembre.
On pose l'existence d'une nature islamique qui serait problématique. Toutes les populations
issues de l'immigration maghrébine sont perçus comme musulmans et associés à cette nature. Les
difficultés sociales de cette population sont mises en relation dans le débat public avec l'Islam.
On va ici se servir de la sociologie des religions, des recherches historiques et bien sur des
données de sociologie politique.

A. Implantation de l'Islam en France


On va débuter notre étude à l'entre-deux-guerres jusqu'aux années 1970. C'est un Islam qui
est qualifié de discret par les sociologues car confinés à la sphère privée et donc non visible dans
l'espace public. C'est surtout après la seconde guerre mondiale que l'on commence à noter une
présence importante de populations musulmanes en France. On a affaire à une main d’œuvre
essentiellement masculine, jeune et peu cultivée. Elle était encadrée par des syndicats et des
associations de travailleurs. Cette main d'œuvre pratiquait un Islam essentiellement dans la sphère
privée. Cette attitude spécifique est accentuée par le fait que les immigrés se considéraient comme
de passage. Juste dans les années 1970 aucun signe cultuel musulman n'était visible. L'Islam se
pratiquait à la maison, dans des arrières boutiques. Il y a bien sur des lieux de cultes comme la
Grande Mosquée de Paris construite en 1927 mais ils sont peu nombreux.
Sur cette période des Trente Glorieuses, on a assez peu de travaux sur les pratiques
religieuses de ces primos arrivants. On a néanmmoins des témoignages qui montre que l'Islam
pratiquée n'était pas très orthodoxe du fait des conditions de travail qui empêchaient les cinq prières
quotidiennes et le Ramadan.
Pour la littérature scientifique sur la période on peut citer les travaux de J.Césari (Etre
musulman en France). Elle montre notamment que ces musulmans célibataires, venus sans leurs
proches en France pouvaient se considérer comme des voyageurs, la société d'accueil était un lieu
de passage ce qui permet, d'après le Coran, quelques entorses aux prescriptions rituelles. La
consommation d'alcool, les jeux de hasard et les relations sexuelles extra-conjugales étaient
pratiques courantes dans cette première génération. Il y avait dans certaines entreprises une sorte
d'accord tacite, une tolérance envers ce culte notamment dans l'industrie automobile ou dans
l'industrie des mines où des salles de prières ont été aménagées assez tôt. Ces pratiques étaient
encouragées par le gouvernement afin de détourner les travailleurs musulmans de l'influence des
syndicats.
La situation va évoluer à partir des années 1970, c'est une phase de visibilisation de la
religion musulmane en France qui va s'enclencher. C'est dut notamment au contexte législatif avec
d'une part la fin de l'immigration organisée et la mise en place du regroupement familial. Le rapport
à l'environnement va évoluer et vont naître des revendications pour l'organisation d'un culte qui a
besoin de reconnaissance et de dignité. L'enracinement des immigrés dans l'hexagone va faire
évoluer les projets de vie : on fait le deuil d'un possible retour au pays. Les familles vont se
retrouver, vont se recomposer sur le territoire national et des enfants vont naître. Cette demande
religieuse se comprend à la lumière également de l'échec migratoire.

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La migration, à l'origine, était un projet de déplacement temporaire en vue d'un
investissement dans la patrie d'origine. Du fait de la crise économique ce fut un échec. Les
questions laissés comme secondaires juste alors, notamment celles autour de la religion, vont refaire
surface. La dimension collective du culte va émerger. On passe d'un culte privé à une pratique de
groupe. Les boucheries halals, les demandes pour les salles de prières, le port du foulard, les carrés
musulmans dans les cimetières vont se multiplier. Il y a deux circulaires qui permettent la mise en
place de ces carrés musulmans dans les cimetières, en 1975 et en 1991. Le cimetière de Bobigny est
le plus connu, il est rattaché à l'hôpital franco-musulman. Si au début le culte musulman avait peu
de moyen, il y a aujourd'hui deux mille associations capable d'accueillir des fidèles dont vingt qui
peuvent recevoir plus de mille fidèles.
Pour comprendre comment a évolué le culte en France, il faut prendre en compte plusieurs
éléments :
• Importance des chefs de familles, primo-migrants, qui vont se réunir sur la base de
nationalité afin de mettre en place ces lieux de culte.
• Influence du mouvement Tabligh (Foi et Pratique) reconnaissables par leur habillage
traditionnel pakistanais.
• Loi du 9 octobre 1981 qui enlève les restrictions d'associations des étrangers.
Le problème du financement est posé, l’État ne s'y engage pas. Les communes peuvent
cependant louer un terrain à une association pour un euro symbolique et pour 99 ans. La difficulté
réside dans la construction du lieu de culte : droit de préemption, refus de permis de construire...
Beaucoup des lieux de cultes sont financés par l'extérieur ce qui pose le problème du contrôle de ces
Mosquées par des puissances étrangères (envoie d'Imam, de formateurs...).
Doit-on parler d'islamisation ou de changement d'attitude vis à vis de la société d'accueil ?
L'Islam émerge en France au moment où la révolution islamique intervient en Iran et où les masses
se mobilisent dans le monde arabe. Mais J.Cesari rappelle qu'il ne faut pas omettre l'impact du
contexte non-islamique sur la religion en France. Il ne faut pas avoir une vision totalisante de
l'Islam en France et invite à considérer les dimensions individuelles de la question. Des structures
sont mises en place pour assurer l'éducation religieuse des enfants et transmettre des valeurs.
Mais dans quelles mesures peut-on parler d'un Islam de France ?
L'émergence des revendications liées à la pratique de l'Islam collective en France est liée à
l'installation définitive sur le territoire français. Les carrés musulmans sont une évolution très forte
car renoncé à se faire inhumer en terre d'Islam montre l'attachement de ces populations au territoire
français. Il y a une volonté d'affirmer la liberté religieuse jusque dans la mort.
L'Islam se conjugue au pluriel dans le monde contemporain. Les jeunes s'approprient le
culte, mouvement qui se retrouve dans toutes les religions monothéistes. Les jeunes font leur
cheminement personnel dans la religion qui ont une grande marge de manœuvre. Il y a des
identifications partielles et partiales à la religion. Ce qui marquerait le passage de l'Islam en France
à l'Islam de France c'est la possibilité pour les jeunes de choisir leur Islam. A l'heure actuelle
l'individu est beaucoup plus libre de choisir les normes dans lesquelles il va se retrouver dès lors
que l'on est dans un contexte sécularisé, laïc et en dehors des terres d'Islam.
Il y a une polémique quant à la quantification des musulmans de France. On en est réduit à
procédé à des évaluations à partir de l'origine de la population immigrée. M.Tribalat dénombre 3,65
millions de musulmans potentiels. Mais il faut faire une différence entre culte et habitude sociale.
En 2011, P.Simon pose directement la question aux intéressés en recensant des « musulmans
déclarés » qui s’élèveraient à 2,1millions de personnes entre 18 et 50 ans.

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La question de l'Islam en France est étroitement liée au Maghreb (82,2%) contre 8% avec la
Turquie.

Il faut attendre les années 1980 pour voir apparaître des travaux montrant les engagements
politiques des immigrés. Mais dès l'entre-deux-guerres on voit des Algériens s'engager pour
l'indépendance, au PCF et plus tard dans la Résistance. D'autre part, on voit des pratiques
religieuses prendre forme dès le début du XXe siècle, il n'y a donc pas d'islamisation dans les
années 1970.

B. Les religiosité islamiques dans la France d'aujourd'hui


Le chercheur ne va jamais pouvoir avoir accès au noyau dur de la religiosité, à la foi. Il va
porter son attention sur la manière dont les individus vont construire leur pratique religieuse. On va
essayer de comprendre comment l'individu va donner sens à son appartenance religieuse. L'intérêt
ici de la sociologie des religions c'est de porter le regard vers les acteurs de manières fine.

L'Islam de la première génération d'immigré est hérité, issu des cultures d'origines. Il est
nécessaire de le comprendre pour comprendre le clivage générationnel. Cette première génération a
été élevée dans un bain d'Islam sans que soit concevable une alternative. Elle arrive en France avec
un bagage religieux même si l'exil va entrainer un certain nombre de recompositions au contact
avec une terre extérieure à l'Islam et sécularisée. Cette prise de distance est en partie liée aux
conditions de travail particulièrement difficiles mais aussi liée à la situation même de l'exil qui va
entrainer une prise de distance dû à l'absence de pression communautaire. La religion n'était pas
absente mais plutôt assez peu suivie d'une pratique effective. Le tournant manifeste a lieu dans les
années 1970/80 où l'on passe d'un Islam en France à un Islam de France. C'est à ce moment là que
l'Islam apparaît dans l'espace public. C'est un moyen de retrouver un système de normes qui va
permettre de se repérer dans un environnement souvent hostile, parce qu'elle va permettre de
retrouver une dignité perdue lorsque l'on se retrouve au chômage. Ce peut être un moyen de
surmonter le sentiment de déracinement. Ce qui se joue avec la crise des années 1970, c'est
l'occasion de retrouver une forme de légitimité, renouveler l'autorité masculine au sein du foyer
(ruiner par le chômage). C'est aussi un moyen de résistance, de recomposition de liens
communautaires, d'une recomposition des liens sociaux à l'intérieur du quartier, un moyen de se
réaffirmer via la constitution d'un identité sociale. L'Islam peut servir de nationalité de substitution,
elle permet de préserver un patrimoine culturel ou symbolique. Cette génération est en mesure de
réactiver le lien avec le pays d'origine. Matériellement l'enjeu se cristallise autour du lieu : la salle
de prière dont la gestion et la construction sont très liées avec le pays d'origine.
Pour les générations suivantes, des chercheurs comme O.Roy, vont parler de l'émergence
d'un Islam européen. Ces générations nées en terre extérieures à l'Islam ne peuvent appréhender la
religion comme un automatisme hérité. Les enfants vont développer une expérience personnelle en
faisant un cheminement souvent singulier vers la religion. On passe d'un Islam ''subit'' à un Islam
''choisi''. Mais c'est un mouvement qui concerne toutes les religions, pas seulement l'Islam. Cela va
s'illustrer par l'individualisation du ''croire''. Cet Islam est profondément différent. La logique est
dissemblable comme le montrent les travaux de Babès, Khosrokavar et Kakpo. Ces jeunes
réaffirment la dimension élective de la religion, qu'ils aient ou non été éduqués par les parents à
l'Islam. On rationalise le rapport à l'Islam. Il y a une tendance à remettre en cause ce qui est reçu par
les parents, par exemple, s'affirmer comme musulman pratiquant, en le publicisant (en portant le
voile par exemple), c'est un moyen de se positionner dans sa famille, de s'affirmer.
Il y a donc une multiplicité de manières de pratiquer sa religion, de la vivre. Pour les jeunes
générations on peut mettre en avant des éléments, exclusifs ou non. Les revendications religieuses

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sont très peu présentes dans les marches des années 1980 et vont arriver d'une manière très
différente dans les années 1990. A partir de là, il y a un besoin d'identification et de reconnaissance
en se saisissant du sentiment religieux. N.Kapko parle de requalification de soi par l'Islam. Les
explications apportées sont à la fois l'échec du mouvement ouvrier, du mouvement beur et à la
récupération politique par le PS des marches. L'Islam va permettre de centraliser un certain nombre
de revendications comme pouvait le faire auparavant le PCF. L'intégration économique, sociale et
culturelle est de plus en plus difficile, et l'Islam devient alors une dimension fondamentale pour
l'identité de ces jeunes. Pour une parte d'entre eux, l'Islam est le seul bien qui va permettre de
transformer une exclusion subit quotidiennement en une différence que l'on va volontairement
assumer. L'Islam permet de trouver un espace à soi.
Une autre dimension, qui n'exclue pas la première, se traduit par l'ostentation religieuse,
notamment chez les garçons (habits, pilosité...) que la pratique va être un moyen de passer de la
situation de victime (petite délinquance, drogue ou alcool) à celle d'acteur. Ceux qui vont chercher à
montrer leur appartenance à la religion, vont chercher à redécouvrir leur religion en fréquentant des
étudiants venus du Maghreb ou des convertis français, plus lettrés, qui vont, de manière prosélyte,
les amener vers la religion. La dimension prosélyte de certains mouvements est essentielle pour
comprendre ces comportements. L'Islam ostensiblement revendiquée permet de transcender l'espace
confiné du quartier où ils vivent. C'est un espace infini qui s'offre à eux, c'est un espace
d'appartenance et d'identité. Sur un plan individuel, l'Islam donne accès à un horizon de sens qui
dépasse la vie terrestre et permet de relativiser l'exclusion économique et sociale. C'est un moyen de
contourner le confinement spatial.
Une question périphérique, celle de l'Islam d'affichage, occupe une partie de la recherche.
On observe en effet une augmentation des déclarations d'appartenance à l'Islam. Il s'agit pour
certains plus d'un affichage qu'une croyance. C'est à apprécier en fait dans une dimension identitaire
avant d'être une dimension religieuse. Cette « conscience musulmane » est le résultat d'une
injonction extérieure (on étiquette systématiquement des « jeunes musulmans » au lieu des « jeunes
issus de l'immigration » des années 1990) et d'une démarche personnelle. La stigmatisation
permanente a cristallisé un sentiment de solidarité chez les musulmans sociologiques, a renforcé la
« conscience musulmane ». Cela correspond moins à un retour du religieux, à une ré-islamisation
qu'à une volonté de se revendiquée comme tel, en sociologie on parle d'un processus « d'inversion
du stigmate » (très courant). Être musulman en France aujourd'hui ne renvoie en fait pas forcément
à un programme, à une pratique stricte mais bien plus à un réseau de représentations et
d'identifications.

Ce qui fait la spécificité de l'Islam en Europe c'est qu'il est une expérience personnelle
intense, que les subjectivités religieuses sont extrêmement mobiles avec un rapport au religieux qui
évolue au cours de la vie. Il faut prendre en compte cette dimension évolutive car actuellement on
parle beaucoup des mouvements d'entrée dans l'Islam mais très peu des sorties de l'Islam, sujet
tabou et très dur à appréhender. La part de la dimension élective est donc très importante dans
l'Islam européen. L'Islam tel qu'il peut être revendiqué dans l'enceinte scolaire relève plus d'un
Islam d'affichage (V.Geysser), c'est une manière de se valoriser au sein du groupe d'élève plutôt que
véritablement rentrer dans une croyance. Ce peut être un moyen de contester l'autorité, de faire
porter des revendications spécifiques au chef d'établissement. L'islamité devient un vecteur de
présentation de soi, un conservatisme de principe qui n'est pas forcément relayé dans la pratique.

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C. Les luttes pour l'Islam officiel : les enjeux de la structuration de
l'Islam en France

L'organisation de l'Islam en France n'est pas une question récente. Il faut d'abord insister sur
les legs du passé. La France a en effet été amené à traiter des questions liées à l'Islam en métropole
depuis un siècle (pratique de la religion des soldats pendant les conflits mondiaux, inauguration de
la grande mosquée de Paris durant l'entre-deux-guerres, utilisation de l'Islam pour contrôler des
populations comme l'hôpital de Bobigny...) mais si on doit considérer cette relative ancienneté de la
gestion de l'Islam par les pouvoirs publics, il faut bien voir qu'il ne s'agissait pas de politiques en
faveur des musulmans. Au mieux la France a put travailler à la reconnaissance de l'effort de guerre
via la mise en place de sépultures décentes, respectant le culte. Mais plus prosaïquement c'est
surtout une série de précautions qui ont été prises pour satisfaire aux exigences de la prétention
impériale française.
On va s’arrêter dans un premier temps sur l'Algérie coloniale et on mentionnera notamment
les travaux de R.Achi. La présence française en Algérie date de 1830 et on va voir que l'Islam a fait
l'objet d'une administration dérogatoire sous les régimes coloniaux. Par exemple la loi de séparation
de l’Église et de l’État ne s'applique pas à l'Algérie Française alors même qu'elle est reconnue
territoire français en 1848, sans jamais obtenir l'égalité en droit. La France a une position ambiguë :
elle s'affirme comme puissance musulmane au niveau de la société internationale mais les
musulmans n'ont pas accès à la citoyenneté française. C'est le fameux « code de l'indigénat » adopté
en 1875 et imposé aux colonies qui est un recueil de libertés discrétionnaires (pas de liberté de la
presse, de circulation, possibilité d'internement...). Ce code « matraque » comme les algériens
l'appelaient distinguait les sujets français des sujets des colonies. Ce statut dérogatoire est retiré aux
juifs d'Algérie par le décret Crémieu mais les musulmans vont y être confinés. Les musulmans vont
continuer à être régi par la loi musulmane et non par la loi de la république. Les musulmans
devaient renoncer à leur statut personnel issu de la foi et de la coutume pour se faire naturaliser,
d'où le très faible nombre de naturalisation. C'est en 1947 que les choses commencent à changer, on
accepte les citoyens français et musulmans. L'application du concordat napoléonien va être écarté
sous prétexte qu'il n'existait pas d'organisation représentant l'Islam. En revanche on va avoir la
création d'un organisme de contrôle du culte musulman en lui allouant des moyens extrêmement
limités. Les gouverneurs généraux estimaient que l'intérêt supérieur de la domination de l'Algérie
passait par le contrôle de la religion. Il a même été mis en place un programme français de
pèlerinage à la Mecque (investissement dans un complexe hôtelier sur place). Cette Mission
français du pèlerinage a continué jusque dans les années 1980. Il faut mentionner aussi l'Islam
intégré de la Réunion. Il se trouve que la première Mosquée construite sur le territoire français (hors
Algérie) est celle de Saint-Denis en 1905. C'est une Mosquée architecturale avec minaret et un
appel à la prière quotidien autorisé. C'est intéressant de préciser que les musulmans ne représentent
que 2% de la population. Mais ils sont présents sur le territoire depuis très longtemps (originaire du
Nord de l'Inde). Il y a une école privée sous contrat avec l’État de confession musulmane qui a
ouverte en 1947.
Il y a peu à peu des luttes pour la reconnaissance d'un Islam officiel en France. On peut
distinguer deux périodes dans les relations entre l’État et l'Islam en France : 1974-1989 (tolérance
passive, accommodement minimal avec les besoins cultuels des musulmans français) et de 1989 à
nos jours (les politiques se saisissent de la question du fait de la crainte de l'Islam politique radical
et du terrorisme, c'est la promotion d'un Islam national contrôlé par des Français).
La satisfaction des revendications dépassent les possibilités des petits groupes, des petites
associations. Il y a nécessité de rentrer en négociation avec les autorités politiques notamment
locales. Il va se constituer une rivalité entre les associations à l'échelle locale. Tout un tas d'acteurs

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extérieurs vont apparaître, portant parfois d'autres revendications et contestant ces associations. On
va s'appuyer ici sur les travaux de C.De Galembert qui montrent que le cadre communale est
véritablement l'arène où vont se dérouler ces affrontements entre associations. Cela s'explique par la
teneur des revendications (salles de prière, terrain pour la construction de Mosquée, question de
permis de construire...). Si l'action publique relative à l'Islam se fait essentiellement à l'échelle
communale, on va aboutir à des procédures non routinières d'action publique. Le traitement public
du fait islamique est assez disparate de par la diversité des mobilisations et la diversité des
situations. Certaines municipalités se sont saisis très rapidement cette question (Mantes-la-Jolie) là
où d'autres vont l'ignorer par méconnaissance, par ignorance ou par stratégie d'évitement. Un autre
élément à prendre en considération est bien entendu la teneur du marché politique local : pour ne
pas déplaire à leur électorat, certains maires peuvent mettre en place des restrictions dans l'exercice
du culte (ou inversement). Certaines communes vont même sortir de la légalité (on pense à l'affaire
de la mosquée de Charvieu-Chavagneux où le maire a fait raser le bâtiment).
Au niveau national, une politique de l'Islam de France va être constituée à l'échelle de Pierre
Joxe (Intérieur) en 1990. C'est dans un contexte de menace terroriste que cette politique très
interventionniste va être mise en place et surtout prolongée par l'ensemble des ministres qui se sont
succédés par la suite. L’ambiguïté avec la loi de 1905 est forte. L’État n'a pas les compétences pour
organiser et diriger la religion. Si l’État « ne subventionne aucun culte », elle est néanmoins le
garant de la liberté de culte et de conscience. Si dès 1926, on a un interlocuteur en la Grande
Mosquée de Paris pour les pouvoirs publics mais aussi avec les États d'origine. Avec la
multiplication des associations islamiques dans l'hexagone du fait de la levée des restrictions
associatives par la gauche, les pouvoirs publics se voient contraint de se saisir de la question. C'est
la réorientation des politiques publiques avec une volonté de contrôler les associations en veillant à
ce qu'elles ne soient pas sous le joug d'une puissance extérieure qui pourrait porter atteinte à la
souveraineté étatique. P.Joxe va travailler à la mise en place d'un conseil pour doter l'Islam d'une
structure consultative sensé représenter la population musulmane en France : le CORIF. Il y a la
volonté de trouver un interlocuteur mais aussi de remédier à la discrimination dont les musulmans
sont victimes sur le territoire national du fait des fantasmes que suscite cette religion. Fantasmes
attisés par le contexte international (guerre civile en Algérie). Est ensuite créé le fameux Conseil
Français du Culte Musulman qui prend la suite du CORIF sous l'impulsion de J.-P.Chevènement,
dans la volonté de mettre en place une instance élue. Elle est mise en place entre 1999 et 2003.
Ce conseil est créé officiellement en juin 2003 et c'est une étape importante de l'organisation
d'un Islam de France. L'intention de départ était de donner une voix aux musulmans pratiquants,
l'idée n'est pas de représenter toute la population originaire d'un pays musulman. Le conseil devient
progressivement une sorte de médiateur, une délégation s'était par exemple rendu à Bagdad pour
rencontrer les ravisseurs de deux journalistes. Le CFCM intervient régulièrement sur la scène
politique française : émeutes de 2005, Charlie Hebdo... Il dépasse sa vocation d'organisation de
l'Islam Français en devenant de plus en plus un médiateur communautaire. Il tend de plus en plus à
se rapprocher du rôle du CRIF.
Dès 2003 un certain nombre d'acteurs, de musulmans sociologiques vont créer leurs propres
associations pour faire entendre leur voix au delà de la dimension religieuse de l'Islam en France en
appelant à ne pas occulter la dimension social et économique. Il y a de nombreuses associations de
musulmans laïcs qui se créent. L'intrusion très forte des pouvoirs publics (avec notamment la
nomination par cooptation d'un certain nombre de membres du conseil) est vivement critiquée.

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Thème 3 : La politisation des identités. Votes religieux et votes
ethniques.
Les sciences sociales se sont pendant longtemps désintéressés du phénomène migratoire. Le
champ de recherche qui s'est constitué à partir des années 1970 a considéré les immigrés comme
des objets de politiques plutôt que comme des acteurs. Cela fait que les luttes sociales immigrées
ont pendant longtemps été étouffées, oubliées de l'histoire de l'immigration notamment. On voit à
l’œuvre de manière manifeste cet oublie dans la muséification de l'histoire de l'immigration
(notamment avec le musée de l'histoire de l'immigration de Paris qui occulte complètement cette
question dans l'exposition permanente). Cela s'explique par la définition traditionnelle de l'étranger
qui est considéré comme ne faisant, voir ne pouvant faire, de politique.
De manière symptomatique, bon nombre de travaux vont considérés la marche de 1983
comme l'entrée en politique de l'immigration, par les enfants. Cette historiographie particulière tend
à penser qu'il y a dichotomie entre mobilisation des enfants et silence des pères. Or, depuis quelques
années des historiens et des politistes investissent de nouveaux terrains de recherche (foyers
Sonacotra, mobilisation en usine Renault...). Mais c'est aussi le fruit d'un travail militant. Hajjat
montre par exemple que cette immigration n'est pas un désert politique du fait de l'exil. La première
génération n'est pas résigné, on va de plus en plus le considéré comme un acteur politique.
L'immigration est un acte par lui même objectivement politique (Sayad) : partir de son pays lorsque
celui-ci est colonisé, c'est s'affranchir de l'allégeance à l'ordre colonial. C'est la relativisation de la
posture de colonisée, on a une rupture et une prise de conscience de l'historicité de sa condition.
« La vertu politique de l'immigration réside dans la structuration d'une nouvelle conscience
temporelle et d'une nouvelle conscience sociale ». L'immigration algérienne a eu un rôle fondateur
dans l'émergence d'une conscience nationale algérienne : les mouvements indépendantistes sont nés
en métropoles.
Les travailleurs étrangers sont aussi à penser comme des enjeux politiques (ils peuvent par
exemple être employés comme briseurs de grève, ils constituent une cible pour une partie des
ouvriers...). Ils vont se mobiliser comme les autres ouvriers sur des revendication salariales et
sociales mais peu à peu également autour de leurs propres revendications (autour de la question de
la discrimination). On marque une transformation progressive du rapport que les populations
immigrées entretiennent avec les mobilisations collectives. L'immigration a vu se succéder une série
de figures de la contestation politique. On est parti de luttes sociales anti-colonialistes portées par
les « damnés de la terre » avant 1962, auxquelles se succèdent des luttes dans le monde du travail.
Emmerge ensuite la figure du sans-papier, la figure du beur et aujourd'hui du musulman.

On va s'intéresser dans un premier temps à la participation politique minimale, celle du vote


pour étudier la question de l'intégration politique. Il va s'agir de voir comment des identités peuvent
être mobilisées, peuvent avoir une influence ou non sur le comportement électoral. J.Laurent et
Vaissee vont renouveler la manière de recenser les musulmans en France et vont compter 4,5M de
musulmans dont 2,5M Français potentiellement électeurs. La moitié ne sont pas encore en âge de
voté et de nombreux autres ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Il ne reste plus qu'environ
1,5 M d'électeurs. Il est fort peu possible d'aboutir à l'existence d'un opinion unique étant donnée la
diversité de ce million et demi de personnes. On constate d'ailleurs des tensions au sein de cet
électorat, par exemple pour l référendum de 2005, on voit un fort clivage.
Il n'existe pas en France de parti musulman pesant véritablement dans le paysage politique
français. M.Latreche a créé à Strasbourg le Parti des Musulmans de France pour « libérer les
musulmans de France du PS qui est sous l'emprise sionniste ». Il a toujours appelé à voter à droite

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mais il n'a jamais atteint les 1% alors même qu'il se présente dans une circonscription où la
population maghrébine est très forte. Un autre parti s'est créé en 2010, dirigé par A.Ouadah, la
Nouvelle Union Française. C'est plus un lobby qu'un parti et il n'affiche pas de lien direct avec la
religion.
On s'est interrogé avec la marche pour l'égalité sur l'existence d'un vote beur de la même
manière qu'on s'est interrogé sur le vote juif ou catholique. Des réflexions vont être mené sur la
''compatibilité'' de l'Islam avec la démocratie dans les années 1990. Ces études, basé sur l'analyse du
pays d'origine, n'ont plus lieu d'être dans la mesure où les nouvelles populations musulmanes n'ont
connu l'Islam qu'en France. Il y a peu de recherches qui vont isoler la variable religieuse dans
l'étude des comportements civiques. On peut dresser le bilan des enquêtes menées depuis les années
1980 sur le comportement politique des musulmans français :
• A.Muxel qui s'interroge sur l'influence possible de l'insertion culturelle et sociale des
jeunes issus de l'immigration maghrébine sur leur comportement politique. Ces jeunes
partagent un certain nombre de difficultés avec les autres jeunes français mais elle
remarque des caractéristiques spécifiques. Elle considère que la religion n'intervient que
de manière marginale avec la politique (les jeunes qu'elle rencontre à l'époque ont un
rapport très distancié avec la religion). Pour autant elle essaye de faire ressortir les
spécificités de cet électorat plutôt ancré à gauche, moins abstentionniste que le reste de
l'électorat et finalement assez dispersé, remettant en cause le vote monolithique. Il faut
en fait prendre en compte le contexte politique local.
• J.Cesari montre que le développement du FN et la monté des propos racistes dans le
paysage public, a provoqué l'engagement politique de beaucoup de jeunes qui se servent
par exemple du vote comme d'une arme de défense (hausse du taux d'inscription dans les
années 1980).
• C.Dargent montre la hausse dans une étude quantitative de la déclaration d'appartenance
à l'Islam et un investissement plus important dans la politique, et bien plus à gauche que
les autres confessions. Même dans le cas d'ascension sociale, l'ancrage à gauche reste
très fort.
On va essayer de voir ensuite s'il y a des territoires où on pourrait voir apparaître un vote
ethnico-religieux. Dans une certaine mesure les travaux de C.Braconnier ou de C.Hamidi nous
montre l'existence d'un vote communautaire. Dès 1999 on voit que dans les bastions du FN, la
participation des immigrés aux élection est plus forte : la menace raciste engendre une intégration
civique plus forte. A partir de questionnaires téléphoniques et de liste d'émargement, les sociologues
ayant travaillés sur la cité des Cosmonautes à Saint-Denis ont mis en évidence un ''vote d'identité''
caractérisant à la fois le vote des populations issues de l'immigration mais aussi chez les franco-
français. Ces derniers votent massivement FN dans les années 1990 pour répondre à leur sentiment
de déclassement. Mais les scores du parti diminuent par la suite car cette population a tout
simplement quitté la cité.
On va chercher à interpréter et à expliquer le vote de gauche dans les cités. Le vote dont la
gauche bénéficie majoritairement à l'heure actuelle s'apparente encore à un vote d'identité car il
exprime une dichotomie, une représentation duale de l'espace social entre « eux » et « nous », un
clivage entre puissants et dominés. L'identification va être au niveau de la cité, du quartier
revendication d'appartenir à un département à une cité..) et va créer un « nous ». L'identité devient
captive du lieu, du territoire. On cherche à sortir du quartier alors même qu'on le considère comme
un espace protecteur, homogène avec ses codes vestimentaires, ses codes sociaux. La constitution
d'une identité locale forte fonctionne comme une identité substitutive dans un contexte de
décomposition des identités de condition.

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