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Université du Québec à Montréal

LA REPRÉSENTATION DE LA FEMME DANS LE CANTIQUE DES CANTIQUES

Travail présenté à
Geneviève Pigeon
dans le cadre du cours
REL2614 : Religion et sexualité

Par
Emmanuelle Boyer-Guay
BOYE17549507

17 décembre 2018
Le Cantique des Cantiques est le livre de l’Ancien Testament qui a été le plus

interprété et questionné lors de plusieurs périodes de l’histoire occidentale. Véritable

compilation de chants d’amour entre une femme et un homme, il aurait été écrit dans le

Proche-Orient Ancien1, au VIe siècle avant Jésus-Christ. Dans sa plus simple

interprétation, il célèbre la vie amoureuse et érotique à travers des louanges et

déclarations amoureuses que s’échangent l’époux et l’épouse. Cependant, les

interprétations varient selon les siècles, les époques et les courants de pensée

théologiques, et ce, jusqu’à aujourd’hui. Ce texte fut souvent considéré comme étant un

texte érotique profane et à proscrire dans l’analyse de la Bible certes, mais également

comme une preuve de dévotion totale de l’humanité envers Dieu. Qu’en est-il du rôle de

la femme dans le Cantique des Cantiques? Pour la première fois, la femme prend une

place importante dans les écrits sacrés2, puisque plusieurs images et symboles sont

présentés afin de faire l’éloge du genre et du sexe féminin. Afin de bien cerner la

représentation de l’épouse dans le Cantique des Cantiques, il sera, tout d’abord, question

de l’évolution des différentes interprétations faites dans l’histoire de ce chant amoureux.

En effet, l’Église a adopté une position centrée sur la théologie et sur Dieu, tout en

reniant le caractère érotique et sensuel des écrits du Cantique. Cependant, les

interprétations changent à partir du XIXe siècle, et se complexifient jusqu’à aujourd’hui

avec les interprétations queer. Une analyse de la condition féminine permettra également

de comprendre les relations entre les hommes et les femmes à l’époque de l’Ancien

1
SANDOZ, Jean-Pierre, « Cantique des Cantiques » dans Encyclopédie Universalis,[En ligne]
http://www.universalis-edu.com.proxy.bibliotheques.uqam.ca/encyclopedie/cantique-des-cantiques/ (page
consultée le 24 octobre 2018)
2
ASSOCIATION CATHOLIQUE DES ÉTUDES BIBLIQUES DU CANADA, 1995. Des femmes aussi
faisaient route avec Lui : perspectives féministes sur la Bible, Montréal, Éditions Médiaspaul, page 109 [En
ligne],
https://books.google.ca/books?id=cvJUmVflc1oC&dq=le+cantique+des+cantiques+femme&hl=fr&source
=gbs_navlinks_s (page consultée le 25 octobre 2018)

1
Testament, et les obligations sociales de ces dernières dans la société israélienne

préchrétienne. Ainsi, le mariage sacré, quoique pas directement cité dans le Cantique,

demeure un élément central de la représentation féminine de l’époque et de son rôle au

sein de la société antique. L’absence de références à la maternité et à l’éloge de la

fécondité féminine surprend lorsqu’on tente de démontrer la représentation de la femme

dans le texte, puisque l’acte de donner la vie représentait la fonction spirituelle centrale

du genre féminin au commencement du christianisme. Enfin, en faisant une lecture

détaillée du Cantique des Cantiques, on peut observer que le corps de l’épouse est glorifié

par de nombreux chants et images qui personnifient sa grâce et sa sensualité. Puisque le

corps féminin est intégralement couvert dans le Cantique et que les interprétations à ce

propos furent abondantes au fil des siècles, cette recherche se concentrera sur les deux

parties du corps de la femme qui sont le plus intimement lié à la sexualité. En effet, les

seins et les lèvres de la femme sont chantés à plusieurs reprises dans ce livre de la Bible,

et les interprétations historiques, principalement émises par des hommes, surprennent par

leurs références quasi-omniprésentes à Dieu et au Saint-Esprit.

I. L’évolution historique de l’interprétation du Cantique des Cantiques : une vision

théocentrique et androcentrique

Pendant plus de vingt siècles, les textes sacrés de la chrétienté occidentale furent

interprétés seulement et exclusivement par des hommes. En effet, la femme fut exclue

des grands débats ecclésiastiques et n’était pas autorisée à lire les Écritures sacrées de ses

propres yeux3. Les recherches actuelles peuvent conclure que le texte, d’auteur inconnu,

aurait été écrit par un individu qui aurait voyagé en Arabie du Sud jusqu’en Inde, à l’âge

3
ASSOCIATION CATHOLIQUE DES ÉTUDES BIBLIQUES DU CANADA, Ibid.,page 103

2
d’or du commerce juif avec l’Orient. Les premières interprétations du Cantique des

Cantiques sont des interprétations allégoriques, qui comparent l’amour exprimé entre

l’époux et l’épouse à l’amour de Yahvé et de son peuple4. Vers l’an 100, les rabbins

acceptent le fait qu’il s’agit d’un dialogue amoureux. Comment ce texte érotique a-t-il pu

devenir sacré? Dans le Proche-Orient ancien, le peuple juif est en contact direct avec

d’autres peuples, tels que les Sémites et les Hittites, qui présentent dans leurs rituels

religieux des célébrations orgiaques et des rites sexuels pour plaire à leurs divinités 5. La

tradition juive ne présente aucun rite sexuel. On retrouve donc un lien entre la présence

du Cantique des Cantiques dans les textes sacrés aux célébrations orgiaques dans les

cultes funéraires babyloniens et grecs. Une idée très répandue dans la théologie

chrétienne affirme que l’amour ne serait pas un thème biblique, et que toute connotation

amoureuse associée au Cantique serait à proscrire. Les références à l’amour physique et

la sensualité furent considérées comme étant pornographiques, et donc proscrites par les

pères de l’Église chrétienne, car la sensualité était profane et peu abordée directement

dans les écrits bibliques6. Les moralistes s’offusquent des avances faites par une femme

dans cet éloge à l’amour. En effet, la montée du christianisme remet l’emphase sur les

aspirations de dévotion de l’Église avec Dieu. C’est lors du Moyen Âge, plus

particulièrement à partir du XIIe siècle, que les interprétations théologiques se

multiplient. Les philosophes scolastiques et mystiques divisent le monde théologique et

utilisent le texte de Salomon comme arme utile pour trouver les fondements et prouver

leurs doctrines. Le théologien le plus célèbre et le plus couramment cité par ses

4
KRISTEVA, Julia. 2002, « Le Cantique des Cantiques », Pardès, vol. 32-33, page 67
5
KRISTEVA ,Ibid., page 67
6
ROMER, Thomas. 2009. Dieu obscur : cruauté, sexe et violence dans l’Ancien Testament. Genève,
Éditions Labor et Fides, page 105

3
contemporains fut incontestablement Bernard de Clairvaux. Ce moine français prêche

l’amour pur de l’âme chrétienne envers Dieu et trouve de nombreuses significations

sacrées dans le texte. Il associe ces significations à de fortes prescriptions morales, telles

que la pureté, la dévotion du fidèle envers Dieu, le rejet de la tentation et les moyens de

les combattre7. La mort de l’abbé de Clairvaux laisse cependant les interprétations

incomplètes. Cependant, ses successeurs centrent leurs analyses sur des bases

théologique. La réforme protestante modifie les interprétations du Cantique des

Cantiques, puisque Luther demeure en désaccord avec les lectures de ces prédécesseurs

catholiques. En effet, ce dernier croit que Salomon célèbre des louanges envers Dieu car

ce dernier a favorisé les institutions politiques de son gouvernement 8. C’est à partir de la

fin du XVIIIe siècle que les interprétations se centrent sur l’art amoureux et sur le drame

littéraire. Avec la Révolution française et la séparation de plus en plus grandissante de la

religion et de l’État, les penseurs centrent leur lecture sur l’érotisme et la sensualité. C’est

à partir du XIXe siècle que les interprétations modernes et plus simplistes du Cantique

voient le jour. En effet, ce chant amoureux raconterait l’histoire de l’Épouse, qui est

attirée à la cour du roi Salomon pour satisfaire ses vœux sexuels. Cette dernière, fidèle et

attachée à son bien-aimé, résiste à toutes les tentations9. L’explication théologique est

rejetée, et l’amour demeure le thème central du Cantique des Cantiques. Depuis les

années 1990, ce livre de l’Ancien Testament est remis en cause par la montée de

plusieurs mouvements féministes. En effet, par exemple, l’herméneutique queer construit

un discours qui se base sur un questionnement des normes sexuelles. Cette déconstruction

7
CUNITZ, Eduard. 1834, Histoire critique de l’interprétation du Cantique des Cantiques : thèse.
Strasbourg : Éditions Frédéric-Charles Heitz, page 20
8
CUNITZ, Ibid., page 29
9
CUNITZ, Ibid., page 36

4
des normes se fait principalement par un questionnement des oppositions de genre et des

identités sexuelles si souvent imposées dans l’histoire. Le Cantique des Cantiques

demeure le livre de la Bible qui permet la meilleure interprétation des genres et les

relectures féministes. Cinq aspects principaux sont abordés lorsqu’on interprète le

Cantique des Cantiques à l’aide de l’herméneutique queer. La marginalité de la bien-

aimée, la réciprocité du désir amoureux, le brouillage des frontières sexuelles, l’absence

d’allusion à la procréation et l’amour malgré l’oppression sociale demeurent les thèmes

les plus explorés10.

II. La condition féminine au commencement de l’histoire chrétienne

L’Ancien Testament, livre fondateur du judaïsme et des fondements de la

chrétienté, fut écrit dans le Proche-Orient ancien, dans la société juive antique. Il existe

un éloignement évident entre notre société et la société juive de l’époque de l’Ancien

Testament. Il demeure difficile de lire ces textes sans notre jugement actuel, puisque ces

derniers furent interprétés pendant des siècles avec des normes et des valeurs bien

différentes11. L’Ancien Testament présente une panoplie de personnages féminins, qui

démontrent bien la condition féminine à cette époque. L’Ancien Testament demeure donc

la principale source historique qui nous permet d’explorer la condition féminine au début

de l’histoire chrétienne. En effet, peu de sources primaires relatent la vie des femmes de

cette époque, mais nous savons aujourd’hui que la relation entre les hommes et les

femmes étaient centrée sur la fécondité de l’épouse. Il est également connu que la

10
LÉTOURNEAU, Anne et LAVOIE, Jean-Jacques. 2010. « Herméneutique queer et Cantique des
Cantiques ». Laval théologique et philosophique. Vol. 66, no.3, page 513. Dans Érudit, [En ligne],
https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2010-v66-n3-ltp3991/045336ar/ (page consultée le 27 octobre 2018)
11
PELLETIER, Anne-Marie. 2001. Le christianisme et les femmes: vingt siècles d’histoire. Paris: Les
Éditions du Cerf, page 13

5
monogamie n’était pas la seule union maritale possible à cette époque. En effet, la

polygamie était également chose courante. La femme est représentée comme une

nécessité vitale à l’homme, bien que la méconnaissance et la rivalité engendre un côté

obscur à la condition féminine12. Principalement centrée sur le mariage, la condition

féminine du Proche-Orient ancien impose certaines qualités à la bonne épouse. Cette

dernière doit être aimable, dévouée, intègre et courageuse13. La femme détient le pouvoir

au sein du foyer, tandis que le pouvoir religieux et politique est accordé exclusivement

aux hommes. Bien que la femme demeure essentielle par sa fécondité dans l’Ancien

Testament, elle également présentée comme un objet de désir dangereux. La littérature de

la sagesse associe la féminité à la méchanceté et à la querelle. La femme serait la source

des tourments et des mauvais génies de l’homme14. Le Cantique des Cantiques est le

premier livre de la Bible à présenter la femme sous un autre jour, où la femme est vantée

de sa beauté et son amour inconditionnel pour son époux.

III. Le Cantique des Cantiques et le mariage sacré : l’état matriarcal

Dans le Cantique des Cantiques, l’époux et l’épouse s’échangent des louanges

amoureuses afin de démontrer leur désir et leur affection fusionnelle. L’épouse donc vit

donc au sein d’un mariage, tel que valorisé par la tradition juive de l’époque de l’Ancien

Testament. Le Cantique se présente comme un chant, et on peut observer que l’épouse a

plus souvent la parole que son époux. En effet, la jeune fille chante environ soixante-dix

versets, contre les quarante-cinq versets chantés par l’homme15. Ce phénomène est

12
PELLETIER, Ibid., page 17
13
PELLETIER, Ibid., page 19
14
PELLETIER, Ibid., page 24
15
ASSOCIATION CATHOLIQUE DES ÉTUDES BIBLIQUES DU CANADA, Ibid., page 104

6
unique dans la Bible16 et va à l’encontre des mœurs patriarcales d’Israël. Cependant,

l’épouse présentée dans le texte sacré possède toute les vertus. Elle est attentive,

laborieuse, fidèle et délicate, et peut ainsi réaliser sa mission auxiliaire à celle de

l’homme17. Bien que l’union polygame fût chose courante à l’époque de l’Ancien

Testament, le Cantique démontre l’importance de l’union monogame. Le mariage était

décidé par le père, qui était en charge de sa fille jusqu’à son mariage. Un fait étonne dans

le Cantique des Cantiques par rapport à l’union maritale. L’aspect patriarcal du mariage

n’est pas mentionné et c’est, au contraire, un système matrilinéaire qui est représenté. Cet

état de matriarcat ignore les structures sociales de l’époque, puisque c’est la femme qui,

selon les coutumes, rentre dans la maison de la famille de l’époux. Au contraire, dans le

Cantique des Cantiques, l’époux entre dans la maison de la mère pour s’y établir. « Je l’ai

saisi et ne le lâcherai pas que je l’aie fait entrer dans la maison de ma mère, dans la

chambre de cette qui m’a conçue »18. L’épouse exprime son amour dans le cadre de son

mariage de manière égale à l’homme, puisque l’amour peut dépasser les inégalités entre

les genres sexuels19. Les mouvements féministes auraient donc tort de rejeter les

traditions bibliques, puisque ce vieux texte présente une image de la femme plus juste

que le reste de la Bible.

16
GAGNON, Micheline. 1997, « Les femmes de la Bible : Le double rapport stérilité-fécondité et
virginité-maternité ». Thèse de doctorat. Montréal. Université de Montréal, page 82 . Dans Proquest ,[En
ligne], https://search-proquest-
com.proxy.bibliotheques.uqam.ca/docview/304410485/previewPDF/265E436204C44AC8PQ/1?accountid
=14719 (page consultée le 28 octobre 2018)
17
ASSOCIATION CATHOLIQUE DES ÉTUDES BIBLIQUES DU CANADA, Ibid., page 103
18
Ancien Testament, Cantique des Cantiques, 3;4
19
ROMER, Ibid., PAGE 105

7
IV. La maternité dans le Cantique des Cantiques :une absence étonnante

Tel que mentionné précédemment, le rôle principal de la femme dans le Proche-

Orient ancien fut associé principalement à sa capacité de donner la vie par sa fécondité.

Plusieurs écrits de l’Ancien Testament accordent une grande importance à la descendance

et des problèmes futurs que la stérilité peut engendrer20. La femme est mère et épouse et

assure le bien-être de son époux et de ses enfants au sein du foyer. Dans l’histoire, la

maternité reste un élément central de la condition féminine, et on pourrait croire que cet

élément serait abondamment exploré dans le texte le plus érotique de la Bible. Au

contraire, l’absence de références à l’acte sexuel étonne et surprend les contemporains,

puisqu’une lecture simpliste pourrait mener à une interprétation directement liée à la

l’accouplement. Bien qu’étonnant, la maternité n’est pas directement citée dans le

Cantique des Cantiques. En effet, ce fait remarquable étonne puisque la maternité était la

principale source de respect et d’estime accordée à la femme en Israël. L’épouse n’est pas

seulement considérée comme un ventre et réduite à sa capacité de féconder, ce qui libère

cette dernière de l’étau patriarcal imposé dans les autres livres bibliques. On insiste

davantage sur le fait que l’amour du couple consacré à la loi religieuse est un pilier de la

société juive. Les époux sont dévoués et leur fidélité est maintenue par la jalousie du mari

et par le maintien de la sécurité de la femme21. Dans les interprétations historiques

actuelles, l’absence d’allusion à l’acte sexuel et à la fécondité de la femme reviennent à

plusieurs reprises22.

20
ASSOCIATION CATHOLIQUE DES ÉTUDES BIBLIQUES DU CANADA, Ibid., page 105
21
KRISTEVA, Ibid., page 74
22
LÉTOURNEAU et LAVOIE, Ibid., page 513

8
IV. La représentation du corps de la femme : Les seins et la bouche

Lorsqu’on concentre la lecture du Cantique des Cantiques sur la représentation de

la femme, on peut observer que les allusions à cette dernière sont principalement centrées

sur son corps. En effet, l’Époux glorifie le corps de sa douce en énumérant et en

établissant des métaphores à propos de toutes les parties du corps. L’épouse est analysée

de la tête aux pieds, en passant par ses dents, sa chevelure et son ventre. À travers les

époques, nombreux sont les auteurs qui ont tenté de comprendre les différentes louanges

faites au corps féminin dans le Cantique. « Le Cantique chante le corps tantôt des pieds

à la tête, tantôt de la tête aux pieds »23. Puisque les interprétations sont trop nombreuses

et le corps au complet est scruté par l’Époux, cette présente analyse sera centrée sur les

parties du corps féminins pourvus d’une signification sensuelle et érotique plus forte. En

effet, les seins et les lèvres de l’épouse sont chantés par des louanges amoureuses et

sensuelles.

Les interprétations dans l’histoire se concentrent sur la théologie chrétienne, et non sur la

sensualité féminine. Cependant, aucune forme n’est officiellement reconnue ou adoptée

par l’Église chrétienne ou juive. Les lèvres de l’homme et de la femme sont chantées

dans le Cantique, et ces lèvres s’ouvrent pour laisser partir les paroles humaines24.

« Comme un ruban d’écarlate, tes lèvres ; tes paroles : une harmonie. Comme une moitié

de grenade, ta joue au travers de ton voile »25. Les lèvres sont comparées à une porte par

les auteurs du Moyen Âge, car ces dernières sont le lieu par excellence de la

23
CHRÉTIEN, Jean-Louis. 2005. Symbolique du corps. La tradition chrétienne du Cantique des Cantiques.
Paris : Presses Universitaires de France. Page 11 Dans Cairn, [En ligne], https://www-cairn-
info.proxy.bibliotheques.uqam.ca/symbolique-du-corps--9782130549864.htm (page consultée le 30 octobre
2018)
24
CHRÉTIEN, Ibid., page 105
25
Ancien Testament, Cantique des Cantiques, 4;3

9
communication, de la vérité ou du mensonge. Les lèvres de la femme sont des « […]

prédicateurs de la parole de Dieu »26. Cependant, certains théologiens, tels qu’Ambroise

de Milan et Bède le Vénérable, associent les lèvres à la passion. Il ne s’agirait pas d’une

passion amoureuse, mais bien d’une passion pour le Christ et le Seigneur27. La couleur

rouge écarlate est mentionnée dans le Cantique des Cantiques, et cette couleur fait

souvent référence, dans la mythologie, à la passion et le désir. Cette couleur enflamme

par l’amour de la vie éternelle, et les lèvres rouges de la femme sont porteuses de cet

amour.

Les seins de la femme portent deux messages principaux, tel que démontré par les

individus qui ont analysé le Cantique dans l’histoire. En effet, ces derniers sont comparés

à plusieurs animaux, tels que des cabris, des chevreuils ou des faons. Les interprétations

qui relient la poitrine féminine à ces animaux demeurent contestées. En effet, cette

surdité poétique est libre d’interprétation. Cependant, dans la symbolique médiévale, le

faon est décrit comme étant un animal perçant, qui se distingue par la rapidité de sa

course et sa liberté dans ses déplacements. Les faons suivent leurs désirs et se nourrissent

de lis dans le Cantique, symbole de pureté et de chasteté28. Guillaume de Saint-Thierry

associe les seins de la femme à un objet pour contrer la tentation, et que le désir éprouvé

par l’époux lorsqu’il s’exprime sur les seins de sa femme présente un signe de faiblesse29.

Selon les théologiens, qui partagent cette opinion pendant plusieurs siècles, Le lait sortant

des seins de la femme sont les paroles et les enseignements de Dieu. Cet élixir maternel

est aussi charnel, donc relatif à l’instinct sexuel. Le lait est associé à l’acte de donner la

26
CHRÉTIEN, Ibid., page 110
27
CHRÉTIEN, Ibid., page 111
28
CHRÉTIEN, Ibid., page 214
29
CHRÉTIEN, Ibid., page 207

10
vie30. Malgré toutes les références aux seins et aux lèvres de l’Épouse dans le Cantique

des Cantiques, et qu’une lecture plus simpliste peut mener à la conclusion que ce livre

biblique est entièrement érotique et axé sur l’acte sexuel, les représentations faites dans le

passé nous démontrent le contraire.

En conclusion, la représentation de la femme dans le Cantique des Cantiques

demeure un sujet très peu exploré dans le monde de la chrétienté et du judaïsme, et la

principale raison que les interprétations liées à l’érotisme de la femme se font si discrètes

pourrait être que les grandes fonctions dans la chrétienté furent menées par des hommes,

et ce, jusqu’à aujourd’hui. En effet, en établissant une lecture plus moderne de ce texte, il

ne serait qu’un chant amoureux, un éloge à l’amour, ou bien une expression pure du

désir, de la sensualité et de passion sexuelle qui dévore les deux époux. Bien au contraire,

les interprétations qui suivent ce discours n’apparaissent qu’au XIXe siècle et se font plus

rares que les nombreuses interprétations du Moyen Âge, de la Renaissance et des

premiers siècles de l’ère chrétienne. Cependant, le Cantique des Cantiques regorge de

modernité, notamment par la place centrale qu’obtient cette femme du Proche-Orient

ancien, ce qui va à l’encontre de la condition des femmes qui vécurent des siècles avant

notre ère. L’épouse vit dans un mariage considéré comme étant matriarcal, ce qui est

contraire aux normes maritales de l’époque, et jouit d’une certaine liberté dans

l’expression de ses désirs. De plus, les références à la maternité, bien que présentes dans

le texte, ne sont pas l’élément central de la représentation de la femme. Le corps de la

femme, notamment par ses seins et ses lèvres, semble être l’objet de désir de l’homme,

qui démontre une réelle passion pour ce corps. Cependant, les lectures du passé nous ont

30
CHRÉTIEN, Ibid., page 202

11
démontré que ce corps ne démontrerait qu’un désir envers Dieu, et une passion pour

Jésus-Christ et le Saint-Esprit. Les historiographies, actuelles, telles que l’herméneutique

queer, permettent déjà d’offrir une vision plus féministe des textes de la Bible. Bien que

le Cantique des Cantiques demeure un mystère encore aujourd’hui, il est l’expression

pure d’une passion, d’un désir et d’un éloge à l’amour.

12
Bibliographie

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faisaient route avec Lui : perspectives féministes sur la Bible, Montréal, Éditions Médiaspaul, 230 pages,
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https://books.google.ca/books?id=cvJUmVflc1oC&dq=le+cantique+des+cantiques+femme&hl=fr&source
=gbs_navlinks_s (page consultée le 25 octobre 2018)

2- ASSOCIATION ÉPISCOPALE LITURGIQUE POUR LES PAYS FRANCOPHONES, 2018. « Ancien


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Francophones, [En ligne], https://www.aelf.org/page/les-missions-de-laelf , (page consultée le 30 octobre
2018)

3- CHRÉTIEN, Jean-Louis. 2005. Symbolique du corps. La tradition chrétienne du Cantique des


Cantiques. Paris : Presses Universitaires de France. Dans Cairn, [En ligne], https://www-cairn-
info.proxy.bibliotheques.uqam.ca/symbolique-du-corps--9782130549864.htm (page consultée le 30 octobre
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4- CUNITZ, Eduard. 1834, Histoire critique de l’interprétation du Cantique des Cantiques : thèse.
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5- GAGNON, Micheline. 1997, « Les femmes de la Bible : Le double rapport stérilité-fécondité et


virginité-maternité ». Thèse de doctorat. Montréal. Université de Montréal, 635 pages. Dans Proquest ,[En
ligne], https://search-proquest-
com.proxy.bibliotheques.uqam.ca/docview/304410485/previewPDF/265E436204C44AC8PQ/1?accountid
=14719 (page consultée le 28 octobre 2018)

7- KRISTEVA, Julia. 2002, « Le Cantique des Cantiques », Pardès, vol. 32-33, pages 65 à 78. [En ligne],
https://www-cairn-info.proxy.bibliotheques.uqam.ca/revue-pardes-2002-1-page-65.htm (page consultée le
5 décembre 2018)

8- LÉTOURNEAU, Anne et LAVOIE, Jean-Jacques. 2010. « Herméneutique queer et Cantique des


Cantiques ». Laval théologique et philosophique. Vol. 66, no.3, pages 503-508. Dans Érudit, [En ligne],
https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2010-v66-n3-ltp3991/045336ar/ (page consultée le 27 octobre 2018)

9- PELLETIER, Anne-Marie. 2001. Le christianisme et les femmes: vingt siècles d’histoire. Paris: Les
Éditions du Cerf, 194 pages

10- ROMER, Thomas. 2009. Dieu obscur : cruauté, sexe et violence dans l’Ancien Testament. Genève,
Éditions Labor et Fides, 147 pages

11- SANDOZ, Jean-Pierre, « Cantique des Cantiques » dans Encyclopédie Universalis,[En ligne]
http://www.universalis-edu.com.proxy.bibliotheques.uqam.ca/encyclopedie/cantique-des-cantiques/ (page
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