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La fœtopathologie

par Jean-Paul HENNEQUIN

La fœtopathologie est l’étude des fœtus mort-nés des deuxième et troi-


sième trimestres de gestation, dont la mort est soit spontanée, soit due à une
interruption de grossesse pour motif de malformations ou d’anomalies, et aussi
l’étude des nouveau-nés décédés à la naissance, accompagnés de leur placenta.
Pour comprendre de façon plus générale ce qu’est la pathologie, appelée
en France le plus souvent anatomie pathologique, il faut revenir au concept de
maladie : la maladie est un ensemble de phénomènes biologiques représen-
tant un type de réaction vitale particulier : l’action d’un déséquilibre prove-
nant de l’environnement engendre l’apparition d’une réaction pathologique
qui correspond à une viciation de forme, donc de fonction de la matière
vivante dont le retentissement biochimique, métabolique, neuro-endocrinien
etc. tendra à la généralisation des phénomènes morbides et à l’installation de
nouveaux cycles d’actions pathogènes secondaires consécutives. La pathologie
humaine est une pathologie d’addition.
En résumé : une action pathogène provoque une réaction de l’organisme,
c’est-à-dire des lésions, altérations de la morphologie normale, d’où une
fonction altérée, génératrice de symptômes cliniques.
L’étiologie étudiera les agents pathogènes, la pathogénie la façon dont
l’agent pathogène provoque les réactions de l’organisme que sont les lésions.
L’anatomie pathologique étudiera les lésions ; la physiopathologie étudiera les
fonctions altérées, et la clinique, les symptômes. L’ensemble de ces phéno-
mènes constitue l’état de maladie.
Les lésions sont donc des perversions de l’état normal.

Agent causal
Mécanisme pathogénique
Lésions Anomalies de fonctions
Manifestations cliniques et biologiques

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Mémoires de l’Académie Nationale de Metz – 2010

Le véritable intérêt de la pathologie n’est pas dans la description et la


nomenclature des lésions, mais dans la recherche et la compréhension des
anomalies fonctionnelles que créent les lésions ou dont elles dépendent.
L’interprétation des lésions peut arriver à différents niveaux de diagnostic :
1. Identification de la lésion
2. Identification du processus lésionnel, par exemple une inflammation
3. Identification du mécanisme lésionnel, par exemple foie de choc dû
à une hémorragie ou à un infarctus du myocarde…
4. Identification du syndrome anatomo-clinique par exemple une
hépatite due à un virus ou un toxique
5. Identification de l’agent causal
Les agents responsables des lésions fœtales peuvent être multiples :
l’existence d’un individu commence à la conjonction des gamètes, et dès ce
moment, elle est menacée. Des anomalies qualitatives ou quantitatives des
chromosomes peuvent survenir ou se transmettre lors de la fécondation et
retentir sur le développement ultérieur de l’œuf. L’évolution de cet œuf, puis
de l’embryon et du fœtus, risque d’être également perturbée par l’agression
d’agents divers, viraux, bactériens, immuno-pathogènes, physiques ou
chimiques. Comme ils agissent pendant la gestation, ils touchent des cellules
en multiplication active et en cours de spécialisation, d’où des troubles de
l’édification des tissus, des viscères ou même de l’organisme entier. En analy-
sant les caractères d’une malformation, on peut déterminer le moment où
l’agent tératogène s’est manifesté. Un calendrier des dysgenèses a été établi :
Entre 18 et 26 jours : le névraxe.
Entre 22 et 50 jours : le cœur.
Entre 25 et 28 jours : le globe oculaire
Entre 28 et 60 jours : la face.
Entre 35 et 60 jours : le rein.
Le risque maximum se situe pendant les deux premiers mois. Le déve-
loppement d’un organe est assez comparable à l’édification d’un bâtiment.
L’architecte en détermine d’abord la forme et l’organisation. Puis les maté-
riaux sont assemblés en fonction des plans établis, divers corps de métier
intervenant au fur et à mesure que l’ouvrage avance pour en pousser la
construction dans le détail et l’amener à sa finition. Entre la mise en chantier
d’un viscère et son achèvement, des modelages s’opèrent sous l’influence
d’inductions en chaîne, l’induction provoquant la différenciation et le tissu
différencié devenant lui-même inducteur.
Au 4e mois, les facteurs mécaniques, les problèmes placentaires, les
infections peuvent atteindre le fœtus et au 8e mois les iso-immunisations.

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La fœtopathologie

M. HÉRÉDITAIRES
PROGEse Gène anormal
Anomalies chromosomes M. par ABERRATION
CHROMOSOMIQUE
1 mois
virus
rayons X EMBRYOPATHIES
2
drogues

4 facteurs mécaniques

5
dystrophies placenta
MÉTAGENÈSE

6 FŒTOPATHIES

7 infections

8
immunisation

Schéma de la chronologie des maladies innées.

La fœtopathologie, branche spécialisée de l’anatomie pathologique, a


vraiment démarré vers les années 1970, avec le début du diagnostic prénatal.
Le fœtus est alors considéré comme un patient identifié grâce à l’échographie
et à la biologie exercées sur un patient jusque-là invisible. L’examen des fœtus
morts et des interruptions de grossesse pour raisons médicales a d’abord eu
des visées tératologiques, puis s’est intéressé à la pathologie du développe-
ment fœtal d’où est sorti un concept de médecine périnatale avec une phase
pré et néo-natale.

Les méthodes d’exploration du fœtus ont progressé comme les connais-


sances en physiologie et en pathologie du fœtus. La fœtopathologie a participé
à la caractérisation de tableaux anatomocliniques et des mécanismes de

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survenue de certaines affections. De meilleurs délais, de bonnes conditions


techniques dans le respect du fœtus et de sa famille aboutissent, après le
diagnostic morphologique et l’examen du placenta, à la constitution de
banques d’ADN.

Il convient d’identifier toutes les anomalies pouvant s’intégrer dans un


syndrome, une affection malformative ou métabolique génétiquement trans-
missible, ou une pathologie acquise in utero. Cette étude doit aboutir à un
diagnostic précis débouchant sur une information des parents concernant les
risques de récurrence et une surveillance, une prévention et un traitement des
grossesses ultérieures.

Un protocole très rigoureux est nécessaire :


1. Examen à l’état frais du fœtus, avec connaissance des examens préna-
taux pour constituer un véritable dossier médical comportant des
photographies pouvant être conservées.
2. Examen morphologique détaillé à la recherche d’éventuelles dysmor-
phies, et notant les données anthropométriques de poids, taille,
longueur du pied, distance inter-orbitaire, permettant des comparai-
sons avec des tables de référence.
3. Autopsie complète à la recherche d’éventuelles malformations,
détaillant le poids des organes, examinant le cœur, l’encéphale (après
fixation au formol) dans lequel on peut mettre en évidence des lésions
hypoxiques, des infections, ou des anomalies de migration des
neurones. Des prélèvements complémentaires sont gardés dans
l’azote liquide à – 80 °C pour caractérisation de l’ADN, la virologie,
la constitution d’une tissu-thèque, la détermination du caryotype,
l’étude des muscles à effectuer dans des laboratoires spécialisés.
4. Histologie : elle permet de déterminer l’âge fœtal à partir de l’examen
des poumons, de trouver des signes d’infection, des lésions diverses…
5. Examen du placenta (poids, taille, anomalies du cordon…).
6. Il convient de disposer de bases de données informatisées pour l’iden-
tification des syndromes malformatifs, comme London Dysmorphology
Database, ou Gendiag par internet, et aussi d’une bibliothèque
spécialisée.

La fœtopathologie exige des médecins à connaissances vastes et adaptées,


ayant les bases de l’anatomie pathologique et des connaissances spécifiques
d’embryologie, de biologie du développement, de génétique, d’obstétrique,
d’échographie pour comprendre, interpréter et corréler. Il s’agit donc d’une
spécialité nouvelle, intégrée à la médecine périnatale et liée au diagnostic
anténatal. D’où la constitution de groupes pluridisciplinaires, seuls capables
de mettre en commun et d’analyser les documents complexes recueillis.

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L’aspect législatif est important, souligné encore il y a quelque temps par


la découverte de plus de 200 fœtus conservés dans le formol dans un service
d’anatomie pathologique de la région parisienne.
La loi du 8 janvier 1993 prévoyait que tout enfant déclaré né vivant et
viable et décédé lors de la déclaration à l’état-civil doit avoir un acte de nais-
sance et un acte de décès, à partir de 28 semaines de gestation ou au-dessus
d’un poids de 500 grammes, sur production d’un certificat médical. Les enfants
mort-nés après une gestation de plus de 28 semaines ont un acte d’enfant sans
vie. Pour pratiquer leur autopsie, il faut un accord des parents.
Avant 28 semaines de gestation, les fœtus étaient des riens, des avortons,
et le consentement des parents n’était pas nécessaire.
Depuis une circulaire du 30 novembre 2001, le seuil de reconnaissance
juridique du fœtus est fixé à 22 semaines d’aménorrhée ou à un poids fœtal
de 500 grammes (suivant ainsi les recommandations de l’OMS de 1977).
Il y a donc aujourd’hui trois situations différentes au regard du droit ;
1. Si le bébé est né vivant et viable, mais est décédé avant la déclaration
à l’état-civil, cette déclaration est faite et l’enfant a droit à des funé-
railles. Il a une personnalité juridique.
2. Si l’enfant est né vivant mais non viable ou s’il est mort-né à plus de
22 semaines ou a plus de 500 grammes, il peut être inscrit à l’état-
civil avec un acte d’enfant sans vie. Les parents peuvent réclamer le
corps et organiser des funérailles.
3. Si le fœtus a moins de 22 semaines ou pèse moins de 500 grammes,
il a le statut de pièce anatomique. Il n’est pas enregistré à l’état-civil
et est incinéré ou détruit.
Mais un arrêt du 6 février 2008 de la Cour de cassation écarte la circu-
laire de 2001 qui n’a pas force de loi et indique qu’il faut s’en tenir à la loi de
1993 qui ne subordonne pas l’établissement d’un acte d’enfant sans vie ni au
poids du fœtus, ni à la durée de la grossesse, d’où une inscription possible à
l’état-civil avec un prénom, inscription sur le livret de famille et ouverture des
droits sociaux, organisation possible d’obsèques.
Le transport des corps ne pose pas de problème pour les mort-nés, alors
que la législation habituelle s’applique aux autres.
Le devenir des corps : ce n’est pas un déchet organique. Les obsèques
sont obligatoires pour les enfants nés vivants et sont possibles pour les enfants
sans vie. En cas d’absence de prise en charge par la famille, le corps est soit
inhumé si l’établissement de santé a pris des dispositions spécifiques avec les
communes, soit incinéré dans un crematorium aux frais de l’établissement.
Pour les autres, sans état-civil, le corps est incinéré dans un crématorium ou
inhumé dans le cimetière communal suivant le désir de la famille. Les parents
doivent être informés des différents possibilités de prise en charge du corps.

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