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PHILOSOPHIE
Stanislas Deprez
ISSN 0035-3833
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REVUES CRI TI QUES
La vocation et le métier
de sociologue de la philosophie
L’objet
1. Deux des textes les plus fameux de Weber sont « La profession et la voca-
tion de savant » (Wissenschaft als Beruf) et « La profession et la vocation de
politique » (Politik als Beruf). Cf. Max Weber, Le savant et le politique, Paris, La
Découverte, coll. « Poche. Sciences humaines et sociales », 2003 (édition originale
allemande en 1919).
Revue philosophique, n° 2/2011, p. 211 à p. 230
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Le livre souligne plus clairement que les autres les enjeux politiques
les sciences. Des analyses très intéressantes sont consacrées aux rap-
ports complexes de la rmm avec Durkheim et les durkheimiens. Le
dernier chapitre aborde d’autres relations compliquées : celles entre
la rmm et Bergson. Celui-ci est un auteur incontournable, dont Léon
veut s’assurer le concours. Et cependant, le style anticartésien de
Bergson heurte la ligne rationaliste des responsables de la rmm. Il
s’ensuit un certain nombre de prises de distance et de controverses
que Soulié présente avec une grande finesse. Un index des person-
nages cités, très utile, et une bibliographie conséquente parachèvent
ce travail ample et minutieux. Quelques redites (par exemple, trois
occurrences pour signaler que Christophe Prochasson – qui signe la
préface – est l’auteur de l’appellation « système R2M » [7, p. 11, 113
et 236]) ne diminuent pas les qualités de l’ensemble et la maîtrise
de l’érudition.
La référence : Bourdieu
On retrouve cet objectif dans les livres de Pinto, qui montrent que
la constitution du champ philosophique se réalise par la revendication
d’un espace irréductible aux conflits sociaux. Cela passe, chez les
professeurs de philosophie, par l’idée que la classe de philosophie est
un lieu où l’on peut penser par soi-même, hors de toute préoccupa-
tion utilitaire, dans l’unique but d’exercer sa pure raison, évidemment
accessible à tous ceux qui s’en donnent la peine [1, chapitres 1 et 2].
Mais cela peut aussi prendre des formes plus éloignées de la profes-
sion de foi laïque et républicaine, comme dans les cas de Levinas,
Cohen ou Lachelier, où une place est faite à la croyance à condition
d’interdire toute allusion à ses formes irrationnelles, que ce soit celle
de la religion populaire ou celle de la mystique : « le contact avec
l’Absolu ne passe pas par les voies de l’affect mais par celles de l’abs-
traction, de l’intellect, de l’effort sur soi-même ». Ce dernier aspect
est important. La condition pour que la philosophie soit une quête
du sacré, remarque Pinto à propos du spiritualisme de Lachelier, est
« la négation incessante de la jouissance », loin des « satisfactions
bourgeoises et populaires » [4, p. 9 et 168]. Dans une religion phi-
losophique, d’où toute forme de culte est bannie, et où le devoir-être
éthique tient seul lieu de prière, la gratification est sans cesse différée.
Comme le protestant wébérien s’assure de son salut en réinvestissant
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La méthode
et 93-94). D’autres statistiques font ressortir les liens entre filières
revues intellectuelles font la part belle aux auteurs et thèmes actuels, tandis que
les articles des revues universitaires sont majoritairement consacrés à l’histoire de
la philosophie.
1. Christian Delacampagne (présentation), Douze leçons de philosophie, Paris,
La Découverte-Le Monde, 1985.
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1. René Toulemont se voit prénommé Robert [2, p. 130, 142 et 379] ; les
Réflexions sur la question juive de Sartre deviennent Réflexions sur la condition juive
(p. 148) ; Godelier est orthographié avec un accent aigu (p. 193) ; Sokal est pré-
nommé tantôt Alan tantôt Alain [1, 226, texte et note 1 ; 3, p. 48 texte et notes 46
et 47] tandis que son comparse Jean Bricmont devient Alain [1, p. 226 note 1 ; 3,
p. 48 note 46]. Par ailleurs, la théologie se voit retirer son statut universitaire [1,
p. 184], alors qu’elle est pourtant enseignée dans de nombreuses universités d’État
de par le monde, et en France à Strasbourg.
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1. C’est ce que laisse entendre Pinto, qui ne voit dans l’approche « micro »
qu’un moyen de valoriser les « individus créateurs » aux dépens de « l’objectivité
de structures formelles et abstraites » [3, p. 104].
2. Frédéric Keck, Un monde grippé, Paris, Flammarion, coll. « Essais »,
2010.
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Quelle philosophie ?
1. En sciences, « pas de “profondeur”, tout n’est que surface. […] Tout est
accessible à l’homme » « Manifeste du cercle de Vienne », in Antonia Soulez,
Manifeste du Cercle de Vienne et autres écrits, Paris, puf, coll. « Philosophie
d’aujourd’hui », 1985, p. 115).
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