Figure 3-1
Disposition schématique d’un atelier de forage rotary (d’après A. MABILLOT.
Les différentes techniques de forage 75
Cette méthode est basée sur le principe d’une percussion sans rotation. Elle met
en œuvre un taillant pilote avec aléseur excentrique qui permet de forer des trous
d’un diamètre légèrement supérieur au diamètre extérieur des tubes. Le tubage est
ainsi enfoncé progressivement à la suite de l’aléseur sous l’effet de son propre poids
et de l’énergie de percussion du marteau. Les tubes sont solidarisés entre eux soit par
soudure, soit par filetage. Le taillant excentrique se déploie par rotation dans le sens
des aiguilles d’une montre, une rotation en sens inverse en fin de foration permet son
repli et la remontée de la garniture. Comme en foration au marteau fond de trou
classique, l’évacuation des cuttings est là aussi assurée par la remontée de l’air, ici
entre tiges et tube.
Inconvénients : il arrive que l’excentrique se coince, il est alors souvent
nécessaire de remonter l’outil en arrachant tout le tubage.
L’emploi de mousse est indispensable dès que la profondeur dépasse 15 mètres.
La mousse a ici le même rôle qu’en système marteau fond de trou classique, de plus
elle lubrifie et stabilise le trou facilitant ainsi la descente du tubage.
Spécialement étudié pour la perforation des terrains de recouvrement, cet
équipement arrive à passer dans des formations très hétérogènes qui peuvent aller de
la terre meuble à la roche homogène. L’Odex peut ainsi forer au travers de blocs, soit
qu’il les traverse, soit qu’il les repousse sur les côtés.
En forage d’eau le système Odex est surtout utilisé pour le tubage depuis la
surface jusqu’à la roche homogène, ou en tubage sur toute l’épaisseur des formations
instables. Cependant, lorsqu’on veut poursuivre le forage dans la roche dure sous-
jacente, le diamètre du télescopage est limité par le diamètre du sabot au bas du
tubage.
L’Odex est aussi très utile pour isoler des nappes d’eau supérieures, plus sensibles
aux pollutions.
a) Densité
La densité de l’eau pure (à 4°C) est de 1. Celle d’une boue pourra varier entre 0,8
si on y incorpore de l’air et 2 si on ajoute de la barytine (sulfate de baryte : BaSO4,
densité 4,3). Une boue bentonitique neuve a une densité de 1,02 à 1,04 mais celle-ci
peut varier en cours de foration. La densité est mesurée avec une balance Roberval ou
mieux, avec une Baroïd.
La densité de la boue devra être réglée pour permettre en permanence la remontée
des débris de forage et l’amélioration de la tenue des parois. De plus, elle peut
équilibrer d’éventuelles venues d’eau (artésianisme). En utilisant la barytine ou l’eau,
il est possible d’alourdir ou d’alléger une boue de forage (cf. figures 3-2 et 3-3).
Les fluides de forage 79
16 1,8
10 2 1,5
8 1,8 1,4
6 1,6 1,3
4 1,4 1,2
2 1,2 1,1
0 1 1
Figure 3-2
Alourdissement d’une boue par la baryte (d’après A. MABILLOT, 1971).
Dans cet exemple, pour porter à 1,8 la densité de 10 tonnes de boue à 1,2 il faudra ajouter
10,5 tonnes de baryte.
D’une manière générale la densité de la boue est de l’ordre de 1,1 soit un dosage
de bentonite variant de 3 à 8 % soit 30 à 80 kg de produit par mètre cube de boue.
Il est fréquent d’observer des variations du volume de la boue, soit une
augmentation liée à une dilution par la rencontre d’une couche aquifère dont la
pression est supérieure à celle de la colonne de boue, soit une perte de boue liée à la
rencontre d’une zone fissurée ou d’une zone en dépression.
En cas d’augmentation de volume il convient d’arrêter l’éruption en alourdissant
la boue. On considère que la charge au fond du trou est égale à :
Hd
10
avec :
H : profondeur du trou en mètres,
d : densité.
Les fluides de forage 80
Ainsi pour une éruption provoquée à 150 m de profondeur par une nappe dont la pression
résiduelle au sol est de 7 kg, la pression totale de la nappe au fond est égale à :
150
10 + 7 = 22 kg
pour contrebalancer cette pression il convient d’avoir une boue de :
22 . 10
150 = 1,47
Les volumes et le poids de baryte à ajouter sont facilement identifiables à partir des
figures 3-2 et 3-3 empruntées à A. MABILLOT.
35
Volume d'eau en m3 à ajouter à 10 m3 de boue initiale
30 Densité à 1,25
obtenir
20 1,5
1,2
15
1,3
10 1,4 1,75
1,5
5 1,6
1,7
1,8
0 1,9 2
Figure 3-3
Allégement par l’eau d’une boue de forage (d’après A. MABILLOT, 1971).
Dans cet exemple, pour ramener à 1,2, la densité de 10 m3 de boue de densité 1,8, il
faudra ajouter 10 m3 d’eau.
En cas de perte de boue les causes peuvent être très variables : boue trop fluide,
terrain fissuré ou fracturé, aquifère à faible pression, etc. Chaque cas particulier doit
trouver une solution adaptée, le cas le plus ennuyeux, et pourtant relativement
fréquent, est la perte totale qui met réellement l’ouvrage en péril. De multiples
solutions existent mais là encore elles doivent être adaptées au cas par cas.
Les fluides de forage 81
b) Viscosité
Une viscosité appropriée permet d’avoir un outil bien dégagé ainsi qu’une bonne
remontée et un dépôt rapide des débris de forage. De plus, elle permet de réduire les
pertes de charge dans le train de sonde.
On peut mesurer la viscosité d’une boue avec le viscomètre Marsh (sur le
chantier) ou le viscomètre Stormer (en laboratoire).
c) Cake et filtrat
Dans une formation perméable, la boue a tendance à laisser passer de l’eau au
travers de la paroi (filtrat) et à déposer une couche d’argile (cake) sur cette dernière.
Dans tous les cas, la nature du cake et du filtrat sera fonction de la composition
initiale de la boue. Or, comme nous l’avons vu, ces propriétés peuvent évoluer lors de
la foration. Il est donc important de contrôler régulièrement le cake et le filtrat.
Si le filtrat est trop grand (cake trop fin), les parois ne sont pas tenues et des
éboulement risquent de se produire. Si le filtrat est trop faible (cake trop épais), la
boue risque de colmater la formation aquifère.
Les mesures sont effectuées avec une presse Baroïd dans laquelle on dispose un
échantillon de boue qui sera égoutté. Il faut alors noter le volume de filtrat recueilli en
un temps donné ainsi que l’épaisseur et la consistance du cake obtenu.
d) pH
Le pH permet d’apprécier l’acidité ou l’alcalinité de la boue de forage. Si le pH
est compris entre 0 et 5, la solution est acide ; entre 6 et 8, elle est neutre ; au-delà de
8, elle est basique (alcaline). La mesure du pH est importante car elle révèle la
contamination par le ciment ou par l’eau de la couche aquifère si sa valeur est
supérieure à 10 ou 11. Par contre, si elle est inférieure à 7, les risques de floculation
sont à redouter. La mesure du pH doit être faite sur le filtrat.
e) Teneur en sable
Il est évident que la présence de sable dans la boue est néfaste à cause de son
caractère abrasif (problèmes d’usure des tubes, flexibles, pompes etc.). Il augmente
également la densité de la boue et risque, en cas de dépôts importants sur le fond, de
bloquer la garniture. On estime généralement que la teneur maximale admissible de
sable dans une boue est de 5 %. On peut la mesurer grâce à un élutriomètre.
L’élimination du sable se fait par l’intermédiaire de bacs ou fosses de décantation
ou par dessableurs centrifuges.
Les fluides de forage 82
f) Thixotropie
La thixotropie est la faculté, pour un mélange à base de produits en suspension,
de passer de l’état solide (gel) à l’état liquide sous l’action d’une agitation et de
revenir à l’état initial lorsque l’agitation cesse. Il faut donc maintenir la circulation
dans un forage même si la ligne de sonde ne tourne pas, pour éviter que la boue ne se
solidifie en bloquant l’outil.
g) Conditionnement de la boue
Le tableau III-I résume l’importance des différentes caractéristiques de la boue de
forage et les moyens de les modifier.
On estime que les caractéristiques idéales d’une boue neuve sont les suivantes :
— viscosité : 40 à 45,
— filtrat : 8 cm3 pour un échantillon de 600 cm3,
— pH : 7 à 9,
— solides : 0,5 %.
a) Bentonite
Les bentonites sont caractérisées par les limites d’Atterberg.
— Limite de liquidité : elle représente la teneur en eau au-dessous de laquelle
une pâte argileuse se comporte comme un semi-liquide.
— Limite de plasticité : représente la teneur en eau au-dessous de laquelle une
pâte argileuse n’a plus de comportement plastique.
— Indice de plasticité : représente la différence entre les limites de liquidité et de
plasticité.
Les fluides de forage 84
Kaolin 20 à 50 1à2
Argiles plastiques 50 à 100 10 à 40 10 à 40 2à3
Argiles bentonitiques 80 à 150 3à6
Attapulgite
Illite 80 à 150 30 à 40 50 à 110 4à8
Sépiolite
Forage au rotary
a) Forage au rotary
L’air comprimé est efficace dans les formations dures et stables (roches ignées,
métamorphiques ou sédimentaires denses).
En cours de forage le débit d’air sera ajusté pour maintenir une vitesse annulaire
nécessaire à la bonne remontée des cuttings. En principe, la capacité de remontée de
l’air est proportionnelle à sa densité et au carré de sa vitesse annulaire.
22"
3/8
560 mm
13" - 340 mm
17" 3/8
5/8
441 mm
9" - 244 mm
12" 1/8
7" ou 6" 5/8
308 mm
178 ou 168 mm
8" 1/2
4" 1/2
216 mm
114 mm
152 ou 149 mm
3" 7/8 - 96 mm
Diamètre de l'outil
de foration
Figure 3-4
Relations entre les diamètres des outils rotary et les diamètres des tubages les plus
courants.
3.3.1 Tubages
Le diamètre du tubage sera fonction du débit espéré. Le tableau III-V permet
d’évaluer le diamètre pour le débit maximal dans les cas les plus fréquents.
Le choix du type du tubage sera ensuite fonction de la résistance aux diverses
sollicitations :
— efforts de traction ;
— efforts d’écrasement ;
— efforts d’éclatement ;
— efforts de flambage.
Equipement des forages 92
4" 3
6" 50
8" 140
10" 250
3.3.2 Crépines
La crépine constitue l’élément principal de l’équipement d’un ouvrage
d’exploitation d’eau. Placées à la suite du tubage plein, face à une partie ou à la
totalité de la formation aquifère, les crépines doivent :
— permettre la production maximale d’eau claire sans sable ;
— résister à la corrosion dûe à des eaux agressives ;
— résister à la pression d’écrasement exercée par la formation aquifère en cours
d’exploitation ;
— avoir une longévité maximale ;
— induire des pertes de charges minimales.
Le plus souvent, dans le cas d’une nappe artésienne unique, les ouvrages de
captage sont de l’un des deux types suivants :
— ouvrage à équipement monolithique ;
— ouvrage télescopé à crépine de diamètre inférieur à celui du tubage
d’occultation des niveaux supérieurs.
Equipement des forages 93
0,50 2
3,5
4
0,30 4,5
0,20
0,10
0,00
0,00 0,50 1,00 1,50 2,00 (mm)
Dimensions de l'ouverture
Figure 3-5
Ouverture, fils et coefficient d’ouverture des crépines Johnson, (d’après documentation
Johnson Filtration Systems, 1992).
Equipement des forages 94
Les tableaux et graphiques 3-5 et 3-6 résument les principales caractéristiques des
crépines Johnson (diamètres, ouverture, slot, débit linéaire).
Des crépines préfabriquées existent également en matière plastique (PVC). Pour
des ouvrages AEP il convient d’éviter le plus possible les crépines fabriquées
manuellement.
Note : la résistance à l’écrasement et le poids des crépines est donné pour une ouverture
nulle, pour obtenir le poids d’une crépine à ouverture à fente (f) donnée, il faut multiplier
le poids (sans fente) mentionné dans le tableau ci-dessus par l / l + f, l étant la largeur du
fil enveloppe. Il convient de procéder de la même façon pour obtenir la résistance à
l’écrasement : multiplier la résistance à l’écrasement à fente 0 par f / f + l.
Les valeurs standards de f = 0,5 ; 1 ; 1,5 ; 2 et l = 2 ; 2,5 ; 2,75 ; 3 ; 3,25 ; 3,5 ; 3,75 ; 4 ;
6,5.
Equipement des forages 95
120
Débits en m 3/h par mètre de crépine 0,5
100
Coefficient d'ouverture
Vitesse de l'eau : 3 cm/s
0,4
80
0,3
60
40 0,2
20 0,1
0
0 100 200 300 400 500 600
Diamètres extérieurs (mm)
Figure 3-6
Débits, diamètres et coefficients d’ouverture des crépines Johnson, (d’après documentation
Johnson Filtration Systems, 1992).
f
Exemple : coefficient d’ouverture C = f + l
avec f : dimension de la fente entre deux spires de fil, et l: largeur du fil enveloppe.
Pour f = 1 mm et l = 1,14 mm, C ≈ 46 %, alors qu’avec la même ouverture, on obtient :
- C ≈ 4 à 6 % pour une crépine à persiennes.
- C ≈ 16 % pour une crépine à nervures repoussées.
Ce qui conditionne la relation entre les trois grandeurs précédentes (cf. figure 3-
6), c’est la vitesse d’entrée de l’eau dans la crépine. Expérimentalement, la vitesse
optimale a été définie à 3 centimètres par seconde. La formule qui relie les trois
grandeurs (débits, diamètres, coefficient d’ouverture des crépines) est la suivante :
Q = π . DC . 0,03 . 3600
donc
Q = 340 . DC
avec :
Q : débit en m3/h pour un mètre de crépine,
D : diamètre extérieur en mètres de la crépine,
C : coefficient d’ouverture.
Equipement des forages 96
132 132
Sable
grossier 0,76 mm 0,75 mm 5m
136
137
Sable
1,52 mm
très grossier 1,5 mm 8m
145
Figure 3-7
Choix des fentes des crépines dans une formation hétérogène, (d’après R. LAUGA, 1990).
Equipement des forages 98
Figure 3-8
Différents types de crépines (d’après : 1 à 4 — données TUBAFOR ; 5 - A. MABILLOT,
1971)
Equipement des forages 99
100 %
90 Calibre caractéristique
80 Valeur à 40 %
Coefficient d'uniformité = --------------------
Valeur à 90 %
70
60
50 Indice de finesse
40 Valeur à 40 %
30
Classe D
Classe C
20 Classe B
10
Classe A
0%
0,5 1,0 1,52 2,03 2,54 3,04 mm
Figure 3-9
Courbes granulométriques caractéristiques des terrains granulaires, (d’après R. LAUGA).
3.4 Cimentation
Cette méthode consiste à remplir, par un mélange à base de ciment, tout ou partie
de la hauteur de l’espace annulaire entre un tubage et les parois du trou. La
cimentation est utilisée notamment dans les cas suivants :
— pour colmater une cavité ou des grosses fissures qui engendrent de fortes
pertes de boue lors de la foration,
— pour rendre étanche l’espace annulaire et empêcher la pollution par les eaux
de surface, des nappes souterraines mises en exploitation,
— pour fixer les colonnes de tubage au terrain et les protéger ainsi contre les
attaques corrosives de certaines eaux.
La figure 3-10 indique comment déterminer le volume d’eau et le poids de ciment
à utiliser pour obtenir une densité donnée et le volume de coulis correspondant.
Notons qu’il existe sur le marché bon nombre de ciments à prise rapide qui peuvent
être utilisés de manière à limiter l’immobilisation de l’atelier de forage.
Le choix de la qualité du ciment et l’adjonction d’additifs éventuels doivent être
décidés en fonction :
— de la nature du terrain et des eaux rencontrées,
— de la température du terrain (pour les forages très profonds),
— de la vitesse de prise du lait de ciment,
— du volume de ciment à mettre en œuvre,
— de la résistance du lait de ciment aux contaminants éventuellement présents
dans le forage,
— de la résistance finale du ciment à l’écrasement après prise à 7 et 28 jours.
Cimentation 102
70
66 1,70
48 1,85
44 1,90
40 1,95
37 2,0
35 2,05
30 2,1
100 90 80 70 60
Volume du coulis
Figure 3-10
Diagramme triangulaire donnant les différents paramètres de préparation de coulis de
ciment pur (d’après R. LAUGA, 1990).
Une opération de cimentation d’une colonne de tubage doit être effectuée de bout
en bout, sans interruption. Nous décrirons sommairement les principaux types de
cimentation utilisés en forage d’eau.
Tête de
cimentation Vanne ouverte Vanne fermée
Lait de ciment
Boue légère
Bouchon
Ciment
Boue
Mélange
boue-ciment
Figure 3-11
Envoi d’un bouchon avant injection de lait de ciment.
Cimentation 104
Tête de
cimentation Vanne ouverte Vanne fermée
Boue
Boue
Bouchon
Lait de ciment
Lait de ciment
Mélange
boue-ciment
Figure 3-12
Envoi d’un bouchon après injection de lait de ciment.
d) Cimentations partielles
Il est possible de ne cimenter qu’une partie de la colonne en évaluant précisément
le volume de ciment à mettre en œuvre. De cette façon, on peut cimenter la partie
inférieure d’un captage, la partie supérieure ou même effectuer plusieurs
cimentations successives séparées par des filtres de sable fin. Ce cas est
particulièrement intéressant pour isoler les uns des autres des horizons aquifères
superposés.
3.5.1 Nettoyage
Lorsque la foration est terminée et que le tubage et le massif filtrant sont en place,
il est nécessaire dans un premier temps, de nettoyer l’ouvrage. Cette opération très
simple permet d’obtenir une eau claire et « propre », après remontée des cuttings et
des éléments fins accumulés dans le trou. On peut considérer que le nettoyage est la
première phase du développement du captage.
Le nettoyage d’un forage s’effectue généralement par pompage à l’émulseur. Il
dure jusqu’à obtention d’une eau claire. Il peut conduire à une augmentation de son
débit d’exhaure (développement naturel).
Afin de lessiver le plus parfaitement possible toute la hauteur des terrains
imbibés, il est utile d’alterner les périodes de pompage et les périodes de repos. Les
fluctuations successives du niveau piézométrique permettent alors de nettoyer
correctement la formation aquifère.
3.5.2 Développement
Comme nous l’avons vu, le développement d’un forage consiste, entre autres, à
améliorer la perméabilité de la formation aquifère située autour de la crépine et à
stabiliser cette formation. Il faut savoir que la mise en production immédiate d’un
ouvrage sans développement aurait des conséquences fâcheuses :
— elle ne permettrait pas d’obtenir le débit optimal pouvant être fourni par
l’aquifère ;
— elle entraînerait très certainement d’importantes venues de sable (risques de
dommages à la crépine et à la pompe, de colmatage, de tassement du massif de
gravier).
Le développement est donc destiné à parfaire le nettoyage du trou, de la crépine et
du massif de gravier et à améliorer les caractéristiques hydrodynamiques de
l’aquifère autour de la crépine, dans le but d’augmenter le débit exploitable et de
produire une eau propre. La perméabilité du terrain près de la crépine est ainsi
améliorée, notamment par élimination dans cette zone du maximum d’éléments fins
et par restructuration et stabilisation du massif de gravier.
Les méthodes de développement s’appliquent essentiellement à des formations
peu ou pas consolidées, également à des roches de type schistes ou granites anciens,
mais très rarement à des calcaires fissurés ou karstiques.
Développement des forages en formation alluviale 107
a) Méthodes de développement
Développement par surpompage
— C’est la méthode la plus simple. Elle consiste en un pompage à un débit très
supérieur au débit d’exploitation estimé ;
— il y a des risques de développement irrégulier selon les variations verticales
de perméabilité du terrain ;
— il est possible que ce type de développement provoque une compaction des
sédiments fins entraînant une diminution de la perméabilité ;
— il y a enfin des risques de création de « ponts de sable » et donc d’une
diminution de la perméabilité, par un flux unidirectionnel (cf. figure 3-13).
Figure 3-13
Création et élimination des « ponts de sable » autour de la crépine (d’après
A. MABILLOT, 1971).
Tube de forage
Surface du sol
Niveau statique
de la nappe
Piston
Aller-retour du piston
dans la partie supérieure
non crépinée du forage
Tubage
plein
Crépine
Eau chargée de
sable et argile
Figure 3-14
Développement par pistonnage.
Jeu 20 mm
maximum
Jet Jet
Formation
aquifère
Figure 3-15
Schéma du développement au jet sous pression.
— Les polyphosphates sont utilisés pour disperser le cake de forage et les argiles
en provenance du terrain.
Développement des forages en formation alluviale 110
Figure 3-16
Influence du type d’ouverture de la crépine sur l’efficacité du développement au jet sous
pression (d’après F-G. DRISCOLL, 1986).
Diamètre
du tubage: 12"
Sol
0
Sables quaternaires
30
Marnes grises du
lutétien inférieur et
éocène inférieur
Cimentation
240
Crépine entre 245
et 325 mètres
Calcaire blanc
du Paléocène
330
Cimentation
Sable maëstrichtien
Diamètre
du tubage:
10"1/2
Figure 3-17
Coupe du forage de Taïba.
1ère 2e 3e
opération opération opération
Débit (m3/h) 24 25 26
Les résultats bruts après les opérations d’acidification montrent que le débit spécifique de
l’ouvrage est passé de 1m3/h/m à 4,3 m3/h/m, soit une augmentation de 330 %.
Par la suite, des pompages prolongés avec agitation pour faciliter le nettoyage de
l’ouvrage ont montré que la perte de charge dûe au régime turbulent de la nappe était
pratiquement éliminée et que la nappe dans son entier pouvait être considérée comme
animée d’un écoulement laminaire.
Le débit obtenu a été de 130 m3/h pour 31 mètres de rabattement, ce qui correspond à un
débit spécifique de 4,2 m3/h/m.
Développement à l’émulseur
— C’est la méthode la plus utilisée et la plus efficace.
— Elle fait intervenir une alternance de phases de pompage par émulseur et de
phases d’envoi d’air sous pression (chasses d’eau) à partir d’un dispositif « double
colonne », une colonne d’envoi d’air dans une colonne de production d’eau
émulsionnée (cf. figure 3-17).
Développement des forages en formation alluviale 113
— Cette méthode est utilisable soit en trou ouvert en tête avec possibilité de
déplacer le tube d’air et le tube d’eau, soit en trou fermé en tête avec la double
colonne fixe.
— Le développement à l’émulseur avec chasses d’eau se poursuit tant qu’il y a
des venues de sable. Dès que l’eau est claire, le puits peut être mis en production par
émulseur en continu durant au moins 1 heure (nettoyage).
Développement des grès
L’opération de forage dans les formations dures (notamment dans les grès) génère
pratiquement toujours une obturation des parois du trou, que ce soit par la boue de
forage (rotary), par le lissage des parois (battage), par les cuttings, par une obturation
des fissures ou par les sédiments très fins bloquant la porosité des grès. La plupart du
temps, l’emploi des explosifs n’est pas recommandé dans les grès surtout s’ils sont
friables.
Une des méthodes de développement efficace dans ce type de terrain est une
combinaison de pompage à l’émulseur d’une part, et, d’autre part, de flux et de reflux
provoqués par l’envoi d’air comprimé sous pression.
Une autre méthode consiste à mettre le forage en pression pour abaisser le niveau
statique, sans jamais dépasser le pied de tubage, afin d’éviter de faire pénétrer de l’air
dans la formation. L’ouverture rapide d’une vanne de surface provoquera la montée
soudaine du niveau en entraînant les sédiments fins et libres de la formation dans la
crépine. Ces sédiments seront ensuite évacués par air lift.
Robinet 3 voies
air
air
eau
eau
joint
Tubage du forage
Tube d'eau
Tube d'air Tube d'air
Tube d'eau
crépines
Figure 3-18
Schéma d’un émulseur air lif (d’après A. MABILLOT, 1971).
Ces conditions limitent l’emploi des émulseurs à l’exploitation des ouvrages dont
la profondeur permet de recevoir une telle longueur de tuyau au-dessous du niveau
rabattu.
Précisons que le niveau statique n’est pas en cause, car il n’intervient qu’au
démarrage.
Les coefficients des trois formules ci-dessus : 0,60, 1,5 et 2,5, peuvent être
quelque peu réduits pour les forages profonds.
Développement des forages en formation alluviale 115
Les mesures effectuées sur un grand nombre d’ouvrages présentant des hauteurs
d’élévation de 7 à 200 mètres ont permis à A. MABILLOT de construire l’abaque qui
permet d’établir un projet de pompage par émulseur (figure 3-18).
Le fonctionnement de l’abaque 3-18 est expliqué par l’exemple suivant, emprunté à
A. MABILLOT :
Considérons un forage de 300 mètres de profondeur et de débit 50 m3/h pour un niveau
rabattu à 90 mètres au-dessous du niveau du sol. Nous souhaitons développer cet ouvrage
au moyen d’un dispositif d’émulseur. La question est de savoir comment dimensionner au
mieux ce dispositif capable de livrer 50 m3/h au niveau du sol, les pertes de charge étant
considérées comme négligeables.
1) Longueur totale du tube d’air : sur l’échelle verticale des profondeurs, à droite du
graphique, on marque le point 90 m (niveau rabattu pour le débit de 50 m3/h). Par ce
point, on trace une horizontale qui coupe la ligne à 45°, portant l’inscription : « niveau
rabattu », au point B. On trace la verticale passant par B. Le segment AB, dont la valeur
est 90 m, correspond à la hauteur totale d’élévation. Le point C1, intersection de AB
prolongée avec la courbe « submergence minimum », détermine la position limite
supérieure du pied du tube d’air. La longueur AC1, mesurée sur l’échelle des profondeurs
est égale à 144 mètres. C’est la longueur totale minimum du tube d’air. Dans ce cas, la
submergence est de BC1 : 144 – 90 = 54 m, soit environ 37,5 % de la longueur totale du
tube d’air.
En prolongeant encore la droite ABC1, on trouve le point C2, intersection de cette droite
avec la courbe « submergence maximum ». La longueur AC2, mesurée sur l’échelle des
profondeurs, est égale à 192 m. C’est la longueur maximum du tube d’air. Au-delà de
cette valeur, on n’obtient pas d’amélioration sensible du fonctionnement. La droite
ABC1C2, prolongée encore jusqu’à sa rencontre avec la ligne en pointillés, donne la
longueur qu’il aurait fallu donner au tube d’air si l’on avait observé la règle généralement
admise fixant la submergence à 60 %, soit, pour notre exemple : 225 mètres.
L’application de cette règle de 60 % aurait nécessité 33 m de plus de tube d’air que pour
la submergence maximum et 81 m de plus que pour la submergence minimum. Outre
cette économie de tube d’air (et de tube d’eau), on voit que l’émulseur aurait pu aussi bien
fonctionner dans un forage limité à 150 m environ, alors qu’avec la règle de 60 % il aurait
fallu au moins 225 m de profondeur forée.
Pour notre exemple, on aura donc le choix entre 144 et 192 m comme longueur totale du
tube d’air. On pourra prendre aussi bien n’importe quelle valeur entre ces deux limites.
On donnera cependant au tube d’eau quelques mètres de plus qu’au tube d’air.
2) Pression d’air au démarrage : cette pression correspond au poids d’une colonne d’eau
ayant pour hauteur la submergence du tube d’air :
. Au minimum : BC1 = 54 m ou 5,4 bars.
. Au maximum : BC2, = 102 m ou 10,2 bars.
3) Volume d’air nécessaire (détendu à la pression atmosphérique). On prolonge, vers la
gauche, l’horizontale passant par C1 ; elle coupe la courbe : « Rapport pour submergence
minimum » au point D1 qui correspond à un rapport, volume d’air/volume d’eau, de 12,5,
lu sur l’échelle horizontale située à la base de l’abaque.
Pour le débit indiqué : 50 m3/h d’eau, il faudrait : 50 x 12,5 = 625 m3/h d’air (à la
pression atmosphérique). Il faudrait donc, dans ce cas, disposer d’un compresseur aspirant
au moins 625 m3/h ou 10 400 l/m d’air et refoulant à 5,4 bars (au minimum) . En
prolongeant plus loin encore sur la gauche l’horizontale passant par C2, on trouve le point
D2 sur la courbe « Rapport pour submergence maximum ». Le rapport volume
d’air/volume d’eau est ramené à 6,4. Pour obtenir 50 m3/h d’eau, le compresseur devrait
aspirer : 50 . 6,4 = 320 m3/h d’air, mais il devrait le refouler à 10,2 bars, comme nous
l’avons indiqué plus haut.
Développement des forages en formation alluviale 116
Profondeur en mètres
50
B
• 90
100
Ni
ve
au
ra
ba
ttu
D1 • • C1 144
150
Ra
ppo
D2 • • C2
rt p
192
our
200
sub
• 225
me
Po
rge
Su
Ra
siti
bm
nce
pp
250
ndo
ort
erg
min
up
po
en
imu
ur
ied
ce
Su
su
min
du
bm
bm
300
tub
im
e rg
erg
Sub
um
e
en
enc
d'a
mer
ce
ir
em
ma
gen
axi
xi m
350
ce à
mu
um
m
60%
400
0 6,4 10 12,5 20
Rapport volume d'air / volume d'eau
Figure 3-19
Pompage par émulsion air-lift : abaque (d’après A. MABILLOT)
Développement des forages en formation alluviale 117
Pour le cas proposé : 50 m3/h, le tube d’eau devrait avoir 150 mm de diamètre
environ. On pourrait prendre un casing de 65/8. Le tube d’air serait constitué par un
tube de 2" (50 . 60). Ce tube pèse 6,4 kg au mètre. Pour 200 m environ, son poids
serait d’environ 1 300 kg. Si le tube lui-même, qui présente une section de métal de
900 mm2, résisterait largement à cette charge, les assemblages devraient être
particulièrement soignés, surtout pour les manchons supérieurs.
6 à 12 60 20
12 à 20 90 30
20 à 30 100 40
30 à 50 125 50
50 à 90 150 65
90 à 170 200 65
170 à 220 250 65
2
Premier essai avant développement
4
Profondeur de l'eau en mètres
6
Deuxième essai après développement
8
Derniers essais
10
developpement
terminé
12
14
15
Niveau statique
2 4 6 8 10 12
Temps de remplissage en minutes
Figure 3-20
Contrôle du développement par essais d’absorption (d’après A. MABILLOT, 1971).
3.6 Conclusion
La réalisation d’un captage d’eau souterraine est une entreprise délicate qui met
en œuvre une suite d’opérations exigeant la maîtrise de nombreuses techniques
spécialisées dont dépendent son succès, sa productivité et sa durée de vie. Toute
défaillance se traduit immanquablement par des difficultés d’exploitation.
Il n’est pas rare malheureusement de s’apercevoir, généralement trop tard, que le
fluide de forage n’est pas parfaitement adapté aux conditions physico-chimiques ou
hydrogéologiques des terrains (cake difficile à éliminer ou problèmes d’éboulement
de forage), que la qualité de l’eau d’exhaure n’est pas excellente (équipement
inadéquat, massif filtrant et développement insuffisant ou inadapté) ou enfin que le
débit n’est pas celui que l’on avait espéré (mauvaise identification de ou des
aquifères, mode de captage inadéquat, colmatage ou obstruction des venues d’eau,
etc.).
Conclusion 119
Par conséquent, la réussite d’une telle entreprise est intimement liée au choix
judicieux des différentes méthodes qui ont été abordées dans ce chapitre. Dans ce
cadre, comme nous le verrons par la suite, le rôle de l’ingénieur chargé du contrôle et
du suivi des travaux est primordial. Il doit, en association avec l’entreprise :
— définir les modalités de la foration (diamètre et type de foration),
— choisir le fluide de foration adéquat et l’adapter au fur et à mesure de son
évolution au contact des terrains rencontrés,
— résoudre les problèmes spécifiques à l’équipement, à la mise en place du
massif filtrant et à la cimentation,
— déterminer le type de développement idéal en fonction des caractéristiques
hydrogéologiques, et en définir le principe et la durée.