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cabinet Forum Med Suisse 2008;8(18–19):336–340 

Algies faciales
Urs Pató, Matthias Sturzenegger
Neurologische Klinik, Inselspital, Bern

lement partie de la tête. Nous n’aborderons pas


Quintessence ici les douleurs faciales accompagnant en géné-
( Il faut distinguer entre deux formes d’algies faciales: la forme primaire, idio- ral les formes de céphalées les plus répandues
pathique (l’étiologie n’est pas identifiable par les méthodes diagnostiques que sont les céphalées de tension et les migraines.
actuelles et le mal ne peut être traité de manière ciblée), et la forme secondaire, Dans la routine clinique, une subdivision selon
symptomatique (liée à une pathologie de base, par ex. inflammatoire ou néopla- l’étiologie se révèle judicieuse: l’algie peut être
sique). d’étiologie musculo-ligamentaire, resp. provenir
des tissus mous, ou encore être d’origine dento-
( Toute structure anatomique affectée peut provoquer une algie faciale: peau, alvéolaire, oculo-orbitaire, neurologique ou vas-
tissus sous-cutanés, os, articulations temporo-mandibulaires, nez, bouche, sinus,
culaire (tab. 1 p) [1]. La complexité anatomique
nerfs et vaisseaux ainsi que le globule oculaire et l’orbite.
de la face induit, du moins en théorie, un grand
( Le diagnostic doit s’efforcer de reconnaître les formes secondaires d’algies nombre de tableaux cliniques à évaluer lors du
faciales. diagnostic différentiel, et implique de nombreux
domaines spécialisés: ORL, ophtalmologie, chirur-
( L’anamnèse et l’examen détaillés forment la base permettant de cibler le diag-
gie maxillaire, dentisterie, rhumatologie et neuro-
nostic.
logie [2]. La suite de cet article présente, du point
( L’IRM est indiqué lors d’une suspicion de pathologie des tissus mous, des vais- de vue clinique et diagnostique, les causes les plus
seaux et des structures intracrâniennes; le CT en cas de suspicion de pathologie fréquentes de douleurs localisées principalement
osseuse ou articulaire. au niveau du visage et leur traitement.
La version actuelle de la classification internatio-
( En cas d’algie, les diagnostics les plus fréquemment manqués concernent
nale des céphalées (International Classification of
les pathologies suivantes: sinusite sphénoïde, infiltrations profondes de type
Headache Disorders [CHD-IIR1]), établie par la
néoplasique ou inflammatoire, dissection carotidienne, thrombose caverneuse,
International Headache Society (IHS), peut être
artérite à cellules géantes.
téléchargée en format Word depuis l’un des sites
www.i-h-s.org ou www.ihs-classification.org/en.
Summary
Facial pain
( In facial pain, as with headaches, it makes sense to differentiate primary
Les névralgies
(idiopathic) from secondary (symptomatic) forms.
La lésion de tout nerf crânien innervant les struc-
( Disorders of many anatomical structures such as cutis, subcutis, bones, jaw tures de la face peut provoquer une névralgie.
joints, nose, mouth, sinuses, cranial nerves, eye and orbit may cause facial pain. Celle-ci se caractérise par des attaques doulou-
( The primary goal must be to recognise secondary forms of facial pain. reuses à localisation stéréotypée, très violentes,
courtes (quelques fractions de seconde), à répéti-
( A detailed patient history and clinical examination are the basis for further tions aiguës et lancinantes. Dans les formes symp-
diagnosis and treatment. tomatiques, une douleur persiste parfois entre les
( MRI is the imaging method of choice when disorders of soft tissue, intra- attaques. En cas de névralgie, il faut toujours dif-
cranial structures and/or vascular lesions are suspected, and CT where disor- férencier les formes secondaires (par ex. dues à
ders of the bones and joints are suspected. une inflammation [sclérose en plaques, borréliose],
à des compressions ou des infiltrations d’origine
( Frequently overlooked disorders are sinusitis sphenoidalis, deeply located tumorale) de la forme primaire (idiopathique).
facial inflammations or neoplastic infiltrations, carotid artery dissection,
thrombosis of the cavernous sinus, and giant cell arteritis. Névralgie du trijumeau [3]
La névralgie la plus fréquente au niveau du visage
touche les régions innervées par l’une des trois
Introduction/contexte branches du trijumeau; son incidence annuelle est
de 3–13/100 000 et elle atteint 30/100 000 dans
Dans la routine hospitalière, l’algie faciale est une la catégorie des 70 ans et plus. Les femmes sont
pathologie répandue, mais très hétérogène. Ses atteintes plus souvent que les hommes. La névral-
syndromes ne la distinguent pas clairement des gie idiopathique du trijumeau est une maladie de
divers syndromes de céphalées – la face fait fina- la vieillesse, qui survient presque toujours après

Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 329 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
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Tableau 1. Classification des douleurs oro-faciales. thique du trijumeau est en général normal; en
particulier le réflexe cornéen est normal. Par
Musculo-ligamentaires ou dans les tissus mous
contre, les troubles neurologiques peuvent être
Douleurs articulaires temporo-mandibulaires considérables dans les formes secondaires (moins
Douleur myofasciale de 10%), selon la pathologie de base impliquée.
Pathologies des glandes salivaires En cas de névralgie du trijumeau, les symptômes
Infections (candidiase) des formes primaires et secondaires se chevau-
Néoplasies (primaires, métastases) chent. C’est pourquoi la recherche ciblée d’une
Dento-alvéolaires forme secondaire est toujours de rigueur, parti-
culièrement en présence de signaux d’alarme
Dentaires
tels que: patient jeune, symptômes atypiques (par
Périodontales
ex.: douleurs persistantes, dysfonctions névral-
Pulpaires
giques telles que dysesthésies ou hypoacousie).
Sinusite Les méthodes diagnostiques adéquates sont l’IRM
Odontalgie atypique du crâne et, en cas de suspicion inflammatoire,
Oculo-orbitaires l’analyse du liquide céphalorachidien.
Glaucome Le traitement médicamenteux reste le premier
Orbitopathie endocrine choix. L’administration des substances suivantes
Thrombose artérielle ou veineuse est basée sur l’évidence: a) carbamazépine (Num-
ber Needed to Treat: 1,7), dont les effets secon-
Processus occupant de l’espace intra-orbitaire
daires (vertiges, démarche instable, étourdisse-
Panophtalmie
ment, hyponatrémie, induction enzymatique)
Neurologiques
empêchent souvent l’administration en dose suf-
Névralgie, neuropathie fisante pour être efficace, en particulier chez les
Vasculaire (vasculite, dissection, thrombose) personnes âgées; il en va de même pour l’oxcar-
Idiopathique (migraine, cluster-headache, SUNCT bazépine; b) lamotrigine (NNT: 2,1), dont la po-
[Short lasting unilateral neuralgiform headache attacks sologie doit être augmentée très lentement en
with conjunctival injection and tearing])
raison d’un risque de réaction cutanée sévère; c)
Inflammatoire (syndrome de Tolosa Hunt, névrite) baclofen (NNT: 1,4), dont les effets secondaires
Divers sont également le vertige, l’étourdissement et
Burning mouth syndrom l’ataxie. Toutes les études sont encore en cours
Algie faciale atypique pour les antiépileptiques suivants: gabapentine,
Idiopathique phénytoïne, valproate, clonazépam. Les dosages
des trois derniers de ces antiépileptiques peuvent
être augmentés rapidement et éventuellement ad-
ministrés i.v. Les différentes substances mention-
la quarantaine. Avant cet âge, son apparition est nées peuvent aussi se combiner.
un signal d’alarme indiquant une névralgie du tri- Mesures chirurgicales: elles doivent être envisa-
jumeau secondaire causée par ex. par une sclé- gées lorsque les traitements médicamenteux sont
rose en plaques ou par une tumeur occipitale. inefficaces ou le deviennent, et lorsque les effets
Le mécanisme de la névralgie idiopathique du secondaires de la médication sont intolérables.
trijumeau n’est pas compris avec précision. Une Cette situation se présente, à long terme, pour 30
explication souvent citée, avançant que la racine du à 70% des cas documentés d’algie idiopathique.
trijumeau serait comprimée par une boucle vascu- Toutes ces méthodes produisent de bons résultats,
laire, demeure hypothétique et insatisfaisante. bien qu’il n’existe à leur propos aucune étude
Les patients souffrent typiquement de douleurs uni- contrôlée. Les méthodes percutanées, peu inva-
latérales et lancinantes au niveau de la deuxième sives (thermocoagulation [différentielle par radio-
branche du trijumeau (35%), de la troisième (30%), fréquence, thermorhizotomie]; infiltration cister-
ou d’une combinaison des première et deuxième nale rétroganglionnaire de glycérol; compression
(10%), ou des deuxième et troisième (20%). La par ballonnet du ganglion de Gasser), sont initia-
première branche est la moins touchée (5%); une lement effectives dans 90% des cas mais grevées
atteinte de cette dernière signale une forme symp- toutefois par un taux de récidive de 30 à 50%
tomatique éventuelle. Les attaques durent quelques après dix ans. On peut cependant normalement
secondes à deux minutes au maximum; une dou- répéter ces interventions avec un faible risque de
leur sourde, plus fréquente dans les formes se- complications de l’ordre de 1 à 10% (dysesthésie
condaires, peut cependant persister entre deux et anesthésie douloureuses, kératite neuro-para-
attaques. L’algie est typiquement déclenchée par lytique, infection), qui dépend en grande partie
des facteurs tels que: contact du visage, courant du degré d’expérience du chirurgien. On rapporte
d’air, rasage, expression orale, mastication. Elle un taux de réussite semblable – avec toutefois
peut provoquer une perte pondérale rapide en un effet retardé – pour la radiochirurgie sté-
raison de l’incapacité d’absorption de nourriture. réotaxique (gamma-knife). L’opération dite de dé-
L’examen neurologique de la névralgie idiopa- compression microvasculaire selon Jannetta,
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procédant à une craniotomie occipitale, n’est au- La forme la plus répandue, le cluster headache,
jourd’hui plus pratiquée qu’exceptionnellement. est facile à reconnaître pour l’initié. Sa préva-
lence parmi les algies faciales est plutôt faible
La névralgie postzostérienne en comparaison avec celle de la migraine (0,1%
La névralgie postzostérienne est probablement contre 12%). Elle doit son nom au caractère de
la forme secondaire la plus répandue de névralgie ses attaques, qui apparaissent de manière pério-
du trijumeau [4]. dique par «grappes» ou épisodes rapprochés (clus-
Son incidence augmente avec l’âge pour atteindre ters). Les douleurs sont strictement unilatérales,
8/1000/an dès 70 ans. Les patients âgés, ou ceux en général toujours du même côté, circonscrites
dont le système immunitaire est affaibli, courent et constamment localisées (temporales, périorbi-
un risque élevé de névralgie zostérienne et même taires, rétro-oculaires, frontales), très violentes,
postzostérienne. La névralgie zostérienne est fré- sous forme d’attaque; leur début et leur fin sont
quente en cas de névralgie des nerfs crâniens. Le abrupts, leur paroxysme est atteint rapidement
plus souvent, c’est la première branche du triju- (en moins de 15 min). Les attaques durent envi-
meau qui est atteinte (zona ophtalmique). ron deux heures (entre quinze minutes et trois
D’entrée, les douleurs neuropathiques sont les heures) avec une fréquence d’une à cinq par jour,
symptômes prédominants: douleurs brûlantes per- souvent selon un «horaire» régulier.
sistantes, d’une cruelle intensité, exacerbées par Ces céphalées s’accompagnent des symptômes
des piqûres fulgurantes («névralgiformes»). L’in- secondaires suivants: agitation, va-et-vient (pa-
flammation peut s’étendre à l’œil, à d’autres nerfs cing), symptômes autonomes crâniens: œil rouge,
crâniens (parésie faciale), voire au cerveau. larmoiement, syndrome ciliaire, obstruction na-
On recourt dès que possible à des substances anti- sale, écoulement nasal, syndrome de Horner, hy-
virales et à des corticostéroïdes afin de diminuer perhydrose frontale. Contrairement à la migraine,
les douleurs aiguës et la durée de l’exanthème. le cluster headache affecte principalement des
Un traitement analgésique combiné et précoce hommes et apparaît en général pour la première
est efficient en cas de névralgie postzostérienne: fois après l’âge de vingt ans. Les triptans sous
antidépresseurs tricycliques (amitriptyline, imi- forme sous-cutanée ou en spray nasal, ou l’oxy-
pramine, clomipramine, NNT: 1,6); antiépilep- gène par masque, peuvent couper ces attaques.
tiques (gabapentine, prégabaline, carbamazépine, Les traitements avec le verapamil, les stéroïdes,
NNT: 2,2); opioïdes (oxycodone, NNT: 2,5; tra- l’acide valproïque et le lithium se sont révélés ef-
madol, NNT: 4,7); application locale de lidocaïne. ficaces. En cas de tableau clinique atypique ou
La vaccination de rappel est le moyen de préven- d’échec du traitement, il faut prendre soin d’ex-
tion le plus prometteur chez les personnes âgées: clure les formes secondaires par IRM, et éven-
lorsqu’elles sont vaccinées, leur risque de né- tuellement par ponction lombaire.
vralgies zostériennes diminue de 61% et celui de
douleurs postzostériennes de 66% [5].
D’autres névralgies faciales sont plus rares: la né- Les algies vasculaires de la face
vralgie glossopharyngienne, la névralgie du gan-
glion géniculé, la névralgie du nerf intermédiaire, Artérite temporale
la névralgie naso-ciliaire, etc. (artérite à cellules géantes) [7, 8]
L’artérite à cellules géantes survient de manière
typique chez les personnes âgées, en moyenne à
Les céphalées trigéminales 71 ans. Pour les plus de 50 ans, son incidence
autonomes [6] fluctue entre 0,5/100 000 et 23,3/100 000 par
année. Les femmes en sont atteintes environ trois
Comme leur nom l’indique, ce groupe d’algies fa- fois plus souvent.
ciales se caractérise par un syndrome douloureux Son histologie vasculaire caractéristique permet
unilatéral de la face dans les régions innervées d’assurer le diagnostic. Chez 70% des patients, les
par le trijumeau, en association avec des signes symptômes principaux se manifestent sous forme
localisés au visage, indiquant une dysfonction du de céphalées et d’algies faciales nouvelles et très
système neurovégétatif. La physiopathologie de intenses, le plus souvent unilatérales, localisées
ces douleurs est peu claire, et elles sont rangées dans la région temporale ou occipitale, renforcées
parmi les formes d’algie primaires (idiopathiques). par la toux, les mouvements de la tête et la masti-
Les résultats des recherches récentes mettent en cation (claudication de la mâchoire). L’artère cor-
avant une cause fonctionnelle neuronale centrale. respondante, temporale ou occipitale, est parfois
On distingue les formes suivantes (ICHD): cépha- douloureuse à la palpation ou indurée. Dans 10 à
lée en grappe, dite cluster headache (variante épi- 15% des cas, l’artère ophtalmique resp. l’artère
sodique et chronique); hémicrânie paroxystique centrale de la rétine est impliquée, ce qui repré-
(variante épisodique et chronique); syndrome de sente la complication majeure de cette pathologie
SUNCT (Short lasting unilateral neuralgiform qui, sans traitement, peut mener à la cécité.
headache attacks with conjunctival injection and Une des caractéristiques de cette maladie est
tearing). une vitesse de sédimentation de plus de 50 mm/h
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durant la première heure. Dans un maximum de fistules artério-veineuses, anévrismes, infections


15% des cas, la vitesse de sédimentation est ce- de l’orbite et du sinus paranasal, sarcoïdose). Au
pendant normale en dépit d’une histologie ca- début, ce syndrome se manifeste cliniquement
ractéristique. La protéine CRP et l’interleukine-6, par des douleurs intenses orbitaires ou tempo-
si leurs valeurs sont élevées, peuvent également rales, le plus souvent unilatérales. Au cas où s’y
servir de paramètres d’évolution. L’échographie ajoutent des troubles oculo-moteurs, un chémo-
duplex peut éventuellement mettre en évidence sis conjonctival et une exophtalmie, le diagnostic
un épaississement de la paroi vasculaire (halo). est évident. Le diagnostic et la thérapie diffèrent
L’histologie des vaisseaux sanguins concernés est nettement selon les nombreuses causes possi-
l’étalon du diagnostic. Durant les premiers jours, bles; l’étiologie exige parfois qu’ils soient effec-
le traitement à base de corticostéroïdes n’in- tués de manière interdisciplinaire. Une imagerie
fluence que peu les résultats histologiques, et il faut cérébrale est toujours requise: selon la pathologie,
commencer la thérapie sans tarder: sans traite- il peut être nécessaire d’effectuer une combinai-
ment, une cécité irréversible peut survenir en son d’IRM, de CT et d’angiographie. Si l’on pense
quelques jours. à une inflammation, il faut également réaliser une
La thérapie standard est un traitement par corti- ponction lombaire.
costéroïdes, initié rapidement, et d’une durée
allant de quelques mois à quelques années. Si le Sinusite [11]
dosage nécessaire des stéroïdes s’avère trop élevé, La sinusite aiguë est probablement la cause la
on peut en parallèle envisager un traitement im- plus fréquente d’algies faciales et de céphalées
munosuppresseur avec de l’azathioprime, du mé- symptomatiques; en vertu des symptômes qui
thotrexate ou même des anti-TNF-a qui permet- l’accompagnent, elle est en règle générale facile
tent de le réduire. à reconnaître. En particulier, la sinusite sphénoï-
dale peut déclencher de violentes céphalées et
Dissection carotidienne [9] algies faciales, nocturnes surtout; on ne peut la
La dissection carotidienne représente un diag- déterminer qu’au moyen d’un CT. Il faut savoir
nostic différentiel important, avec ou sans symp- également reconnaître à temps les origines bac-
tômes autonomes, en cas d’algie de la face et de tériennes qui peuvent entraîner une propagation
céphalée unilatérales. Elle peut apparaître spon- de l’infection (orbitaire, intracrânienne), mais
tanément, ou par suite d’un traumatisme dans la qui apparaissent rarement.
région cervicale. Les maladies du tissu conjonc-
tif (collagénose) et les vasculopathies non arté- Douleurs temporo-mandibulaires [12]
riosclérotiques (par ex.: la dysplasie fibromuscu- 75% des personnes prises dans une population
laire, dans jusqu’à 15% des cas) y prédisposent. normale présentent des troubles fonctionnels
Son incidence est de 2,5–3/100 000. Au point de temporo-mandibulaires; seuls 5% souffrent de
vue physiopathologique, il s’agit d’une déchirure douleurs cliniquement significatives. Ces dou-
de l’intima artérielle suivie d’un hématome pa- leurs sont généralement sourdes, localisées sur
riétal. Chez les patients de moins de 45 ans at- la tempe ou dans la région pré-auriculaire, per-
teints d’accidents vasculaires cérébraux, environ sistantes et typiquement déclenchées ou ampli-
20% de tous les cas sont causés par des dissec- fiées par la mastication. Ces douleurs sont ac-
tions. Au point de vue clinique, la dissection se centuées par la palpation autour de l’articulation
manifeste typiquement par des algies unilaté- temporo-mandibulaire. La gouttière occlusale
rales du cou, de la tête et de la face, associées du contribue à réduire les douleurs chez 64% des
même côté à un syndrome de Horner et, de façon patients et à les supprimer complètement chez
éventuellement passagère, à des troubles neuro- 30% des patients. De plus, on procède à une phy-
logiques provoqués par des embolies artério- siothérapie spécifique de la musculature masti-
artérielles. Une IRM du crâne et surtout des vais- catoire.
seaux cervicaux (mise en évidence de l’hématome
pariétal) est le moyen le plus simple pour parve- Algie faciale idiopathique persistante
nir à un diagnostic. Il faut absolument mettre ces (anciennement algie faciale atypique) [13]
patients sous anticoagulants dans les délais les Ce groupe hétérogène de pathologies comprend
plus brefs afin de prévenir l’embolisation artério- des algies faciales non élucidées (idiopathiques),
artérielle tant redoutée, pouvant mener à un généralement unilatérales et persistantes, aug-
grand infarctus de la média. mentant avec l’âge et touchant particulièrement
les femmes – du moins recherchent-elles plus
Syndrome du sinus caverneux [10] fréquemment une aide médicale. Par définition,
Le syndrome du sinus caverneux représente les causes de ces douleurs ne sont pas claires,
un diagnostic différentiel important, surtout en c’est pourquoi l’IHS a proposé le terme de «per-
présence de douleurs orbitaires. Ce syndrome sistent idiopathic facial pain», ou algie faciale
est plutôt rare et relève de causes très différentes idiopathique persistante. Il n’est pas rare que ces
(thrombose du sinus caverneux, syndrome de To- algies soient déclenchées par des traumatismes
losa-Hunt, tumeurs orbitaires et rétro-orbitaires, bénins, des interventions chirurgicales ou des
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blessures au niveau du visage, des lésions den- des anticonvulsivants (carbamazépine, phénitoïne,
taires ou gingivales et des interventions den- gabapentine et lamotrigine). Les interventions
taires. Le diagnostic ne doit s’établir que par ex- chirurgicales sont résolument déconseillées.
clusion, même si, ou plutôt parce que ces patients
ont souvent des précédents psychiatriques. Ces
algies peuvent cacher des infiltrations nasopha- Perspectives
ryngées; un processus médiastinal, comme par
exemple des tumeurs du poumon, peut occasion- Contre les algies faciales, il n’existe malheureu-
ner des douleurs rayonnant vers un côté de la face sement que peu de méthodes de traitement ba-
et vers l’oreille, via l’excitation du nerf vague. sées sur des preuves. Au vu de la diversité des
On postule que la cause en serait un trouble d’or- étiologies potentielles et souvent peu claires, cela
dre central (sensibilisation) ou somatique. ne semble pas étonnant. Dans les cas sévères,
Types de douleurs: persistantes, difficiles à loca- réfractaires à toute thérapie, présentant des cé-
liser, unilatérales, dans la région du pli nasolabial phalées trigéminales autonomes et comportant
ou dans la région périorbitaire, non attribuables un taux élevé de suicides, la stimulation cérébrale
à une région précise d’innervation, sans déficits profonde va sans doute jouer un rôle central dans
neurologiques ni facteurs précis de provocation. la thérapie.
Il n’existe pas de directives de traitements claires Il existe de nombreux cas où le problème des
et basées sur des preuves. En premier lieu, on algies faciales nécessiterait une prise en charge
prescrit des antidépresseurs tricycliques. La ven- pluridisciplinaire par des professionnels de la
lafaxine est également efficace et provoque moins douleur.
d’effets secondaires. On peut également prescrire

Références
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Dr Urs Pató 6 Cohen AS, Matharu MS, Goadsby PJ. Trigeminal autonom- 13 Agostoni E, Frigerio R, Santoro P. Atypical facial pain: clin-
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