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INALCO

/ Initiation /L1 : Histoire du monde arabe et du Moyen-Orient (ALI1A50C) CM3


Anne-Claire Bonneville et Chantal Verdeil
2017-2018

Les conquêtes coloniales de l’Afrique du Nord


CM 3


La phase de conquête coloniale de l’Afrique du Nord – française, britannique et italienne –
dure près d’un siècle, des années 1830 aux années 1930. Processus très lent, avec beaucoup
de tâtonnements, qui suscite des résistances et déstructure les populations locales.

Pb : Comment le nord de l’Afrique est-il passé au XIXe siècle d’une situation presque
équivalente avec les puissances européennes, à une situation de dépendance à l’égard de
l’Europe ? Quelles sont les modalités de la conquête coloniale dans ces régions ?

Dans ce cours, on verra les grandes étapes – financières, diplomatiques et militaires – de la
conquête et la semaine prochaine (CM4), on mettra l’accent sur les modalités concrètes de
contrôle de ces territoires et d’administration des populations maghrébines (aspects
administratifs et juridiques notamment).
Avoir en tête le tableau de cette région à la veille de la conquête (CM1) pour prendre toute
la mesure du bouleversement que représentent la conquête puis la domination coloniale.

Rappels du CM1
- Entre le XVIe et le XIXe siècle, l’Afrique du nord est sous l’autorité de l’Empire ottoman :
provinces, beyliks et régences couvrent les régions actuelles de l’Algérie, la Tunisie, la Libye
et l’Égypte. Seule la partie la plus occidentale, le Maroc ou Maghrib al-Aqsâ, échappe à l’EO.
- Les liens avec le pouvoir central sont lâches : le pouvoir du sultan – celui du Maroc comme
celui de l’EO – ne s’exerce que sur une partie du territoire ; les tribus sont très influentes au
niveau local ; les révoltes sont fréquentes (on parle de bled siba).
- La population est peu nombreuse, rurale et diverse (majorité arabo-berbère musulmane et
des minorités (Turcs, juifs, Noirs, etc.).
>> Ce Maghreb qui n’est ni inculte, ni barbare, mais il « vit au ralenti » (L. Valensi) par
rapport à l’Europe où la population s’accroît et où s’épanouit la révolution industrielle.

I- Une plus grande dépendance à l’égard de l’Europe
Ces conquêtes sont liées à des enchaînements complexes : appétits financiers et rivalités
diplomatiques entre les puissances européennes rencontrent des considérations de
politique intérieure.

A. L’expédition d’Alger, un concours de circonstances ?
Dans le cas d’Alger, il y a précisément :
1- une histoire embrouillée de créances entre la France, le dey et deux négociants juifs
d’Alger (dont la liquidation traîne depuis 1798).
2- un incident diplomatique : Le dey s’emporte devant l’attitude hautaine du consul français
et lui donne un coup de chasse-mouche (1827). [Le dey se sent victime d’une escroquerie

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autour de cette question de créances et d’une atteinte à l’intégrité de son territoire en
raison de la fortification du port de La Calle par les Français].
3- des enjeux de politique intérieure française : Charles X cherche, à la fin des années 1820,
une « utile diversion » pour masquer les problèmes de son Royaume.

Pour débloquer la situation, un émissaire français est envoyé mais son vaisseau est pilonné.
Le roi riposte par une expédition, qui aboutit le 5 juillet 1830, à la prise d’Alger.

Remarque 1 : Il n’y a pas consensus, en France, sur la pertinence de coloniser l’Algérie. Les
critiques fusent dans les années 1830 : certains Français dénoncent les exactions et des
pillages, d’autres demandent la « décolonisation » de l’Algérie jugée trop coûteuse.
Il ne s’agit pas d’un projet prémédité de longue date et les 1ères années sont marquées par
les incertitudes. Il faut imaginer que la colonisation aurait pu ne pas avoir lieu : au départ, il
s’agit d’une simple opération de police en Méditerranée.
Ce n’est que progressivement qu’il a été question de « rester ».

Trans. : L’occupation de l’Algérie alerte l’Empire ottoman. Dès le milieu des années 1830, il
reprend pied en Tripolitaine1 et les ambitions de Mehmet Ali sont circonscrites à l’Égypte en
1840 (il doit renoncer à la Syrie). Mais les réformes engagées en Tunisie, en Égypte et au
Maroc mettent à mal les finances, donnant aux Européens un motif d’intervention.

B. Tunisie, Égypte, Maroc : de la mise sous tutelle financière à la domination politique
La prise de contrôle de ces 3 pays suit un schéma assez similaire :
1) Pénétration économique, endettement et sanctions financières.
2) Négociations diplomatiques des Européens pour « se partager le gâteau ».
3) Interventions militaires sous prétexte que les intérêts européens sont menacés.

1. L’ouverture aux capitaux européens
L’Europe importe du Maghreb et du Moyen-Orient des matières premières. Le coton
égyptien est un produit de grande qualité, dont la culture est développée sous Mehmet Ali.
Ensuite dans les années 1860, ce produit bénéficie de l’arrêt de la production américaine
durant la guerre de Sécession (1861-1865). Les exportations de coton connaissent une
croissance exceptionnelle (passant de 1,43 millions de livres égyptiennes à plus de 15
millions entre 1861 et 1865). Ce sont souvent des étrangers qui assurent le financement de
la production et la commercialisation du coton.
L’huile d’olive tunisienne est aussi très demandée en Europe pour la fabrication du savon.

La pénétration économique se traduit aussi par un afflux de marchandises européennes qui
concurrencent les productions locales. Le commerce tunisien tombe aux mains d’un petit
groupe de négociants liés aux Européens.

Au tout début du XIXe siècle, le Maroc tourne le dos à l’Europe et à la mer, avec de fortes
entraves au commerce. Le commerce s’ouvre très progressivement, à partir des années

1
La Porte se débarrasse de la famille Karamanli en 1835 et restaure son autorité directe.

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1830-1840. Rôle crucial des intermédiaires juifs et musulmans qui versent d’importantes
commissions au sultan. Le sultan conserve néanmoins le monopole des produits
névralgiques (thé, sucre), dont les prix augmentent très vite (ce qui fait sa fortune).
Cette situation embarrasse les négociants britanniques qui, en 1856, obtiennent par un
traité la suppression des monopoles (sauf sur les céréales), la liberté de commerce,
l’abaissement des droits de douane.
Ouverture par rapport avec la période précédente. Ce traité dit de la porte ouverte signé en
1856 est ensuite étendu : il facilite le commerce, mais certains y voient déjà une menace
pour l’intégrité territoriale du pays (perte d’autonomie).

2. La mise en place de réformes coûteuses
Moderniser l’armée, embaucher et former davantage de fonctionnaires, construire des
écoles, … la politique des réformes coûte très cher. Elle accroît l’endettement et l’ouverture
aux investisseurs occidentaux.

Égypte : Les réformes se poursuivent après Mehmet Ali, dans les années 1860 et 1870, avec
les khédives Sa’id (1854-63) et Isma’il2. L’État s’arroge de nouveaux secteurs d’intervention
(médecine, génie civil). Une nouvelle classe dirigeante s’enrichit (mamelouks et Turcs cèdent
le pas aux Européens et aux Égyptiens, les militaires aux fonctionnaires civils).
Au début des années 1860, le boom du coton soutient la politique de grands travaux. Le
canal de Suez est inauguré en 1869 (idée et réalisation de Ferdinand de Lesseps).
Avec la chute du prix du coton, le khédive doit cependant recourir massivement à l’emprunt.

La Tunisie mène aussi des réformes ambitieuses : Mohammed Bey (1855-59) proclame avec
le pacte fondamental de 1857 : l’égalité de tous les sujets, la liberté de conscience, l’égalité
devant la loi, l’impôt, l’accès de tous à la propriété. Les juifs ne sont plus des dhimmis (accès
à la propriété immobilière et à l’égalité de traitement devant les juridictions pénales). Le bey
proclame ensuite une constitution en 1861 (15 ans avant la constitution ottomane !) : ce
texte prévoit la création d’un Grand Conseil et encadre le pouvoir du bey. Voulu par les
dignitaires locaux et les consuls européens, il n’est, dans les faits, guère appliqué3.

3. La spirale de l’endettement et la mise sous tutelle financière
L’Égypte se procure 1,3 milliards de francs grâce à 8 emprunts. L’endettement frappe aussi la
Tunisie et le Maroc.
Les dépenses de l’État sont également couvertes par des hausses d’impôts. Les populations
acceptent mal la pression fiscale (vue comme la conséquence de réformes imposées par
l’extérieur). Ampleur et unanimité de la révolte de 1864 en Tunisie4 : elle fédère les tribus,
citadins et villageois, bédouins et sédentaires et se diffuse à quasi-totalité du pays. La révolte
est durement réprimée, mais le bey reste affaibli face à la pénétration européenne.


2 Assemblée élue déjà sous Isma’il avant la constitution de 1876.
3
La constitution n’a guère d’échos dans les profondeurs de la société tunisienne et est suspendue dès 1864,
après la grande révolte contre les augmentations d’impôts et pour un retour aux traditions.
4 er
Pour éviter la banqueroute, la Tunisie double l’impôt personnel (la mejba) pour rembourser un 1 impôt
international.

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L’endettement mène à la banqueroute : les puissances créancières imposent une tutelle
financière internationale.
La banqueroute tunisienne de 1867 débouche sur la création (en 1869) d’une commission
financière internationale (où siègent la France, l’Angleterre et l’Italie).
En Égypte, le vice-roi Isma’il doit revendre ses parts dans la Compagnie du canal de Suez
(rachetées par des Britanniques), puis accepter, en 1876, qu’une Caisse de la dette publique
affecte une partie des revenus de l’État au remboursement de la dette.

Le Maroc : même s’il n’est pas sous domination ottomane, il suit un processus similaire de
réformes. Le sultan cherche à moderniser son pays pour échapper à la domination
européenne (choc de prise d’Alger puis de la défaite d’Isly contre les Français en 1844).
Création d’une école de fonctionnaires (madrasa makhzaniyya), modernisation de l’armée.
L’Espagne cherche à agrandir le territoire de Ceuta et Mellila (régulièrement attaqué par les
tribus). Elle provoque une guerre en 1859 qui coûte cher au sultan : les très fortes
indemnités renforcent la pression fiscale et la spirale de l’endettement.
La conférence de Madrid d’avril 1880 confirme les privilèges des Européens dont l’Allemagne
qui jouissent désormais des mêmes privilèges que les Français et les Anglais,.

Trans. : Des similitudes fortes entre ces 3 situations : investisseurs, officiers, consuls
européens deviennent omniprésents dans les affaires intérieures. Avant de passer par les
armes, la domination européenne emprunte les circuits financiers, mais aussi diplomatiques.

II- Les rivalités diplomatiques entre puissances européennes
Le contexte international permet de comprendre les colonisations de la Tunisie en 1881, de
l’Égypte, du Maroc puis de la Libye.

A. Dans le cas tunisien, la rivalité franco-italienne
L’Italie cherche à s’affirmer comme une grande puissance en Méditerranée notamment face
à la France. Elle compte là-bas 10 000 ressortissants, pour seulement un millier de Français.
Mais la France considère que la conquête de l’Algérie lui confère une sorte de
prépondérance au Maghreb.
De son côté, les Anglais ne sont pas favorables à une occupation italienne de la Tunisie. Ils
redoutent qu’en contrôlant à la fois la Sicile et la Tunisie, l’Italie puisse bloquer le passage
vers les Indes5.
En acceptant une colonisation française de la Tunisie, l’Allemagne espère, quant à elle,
détourner les Français d’une volonté de revanche (après 1871).
>> Pour comprendre les raisons de la colonisation de la Tunisie, il faut donc prendre en
compte le contexte européen.

Au congrès de Berlin de 1878, la Grande-Bretagne et l’Allemagne s’entendent pour laisser la
France établir son protectorat sur la Tunisie. Bismarck aurait dit : « Je crois que la poire
tunisienne est mûre et qu’il est temps pour vous de la cueillir ».


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Au congrès de Berlin (1878), les Anglais viennent en outre de recevoir l’île de Chypre des Ottomans

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En 1881, le gvt français se décide à agir. Un incident de frontière (un accrochage entre
troupes françaises et tribus tunisiennes à la frontière algérienne) sert de prétexte au
lancement d’une expédition militaire. Le Parlement vote un crédit pour châtier les tribus
« kroumirs » (du nom de cette région tunisienne frontalière, la Kroumirie), et des militaires
français débarquent à Bizerte.
Le bey n’a d’autre choix que de signer la convention de protectorat le 12 mai 1881 (traité du
Bardo).

B. L’Égypte aux Anglais : préserver la route des Indes
L’ouverture du canal de Suez a révolutionné les transports maritimes (temps de parcours
réduit entre Londres et Bombay, développement de la marine à vapeur).
Entre 1870 et 1879, les Britanniques représentent les 3/4 de la clientèle du canal.
Il devient essentiel pour eux de protéger cette voie d’eau et d’empêcher d’autres puissances
rivales de la contrôler. « L’Egypte, c’est Suez ; Suez, c’est les Indes ; les Indes, c’est
l’Angleterre. », disait Lamartine.

Pourtant, Isma’il Pacha tente de s’opposer à cette tutelle européenne de plus en plus
pesante. À la fin des années 1870, on dénombre près de 1300 employés européens dans
l’administration financière égyptienne ; des ministres français et anglais sont nommés dans
le gouvernement égyptien.
La tension monte. Français et Anglais obtiennent du sultan la déposition du khédive en juin
1879. Isma’il est remplacé par son fils (Tawfiq) à la personnalité beaucoup plus effacée.

Ces immixtions étrangères nourrissent un mouvement d’opposition (contestation du pouvoir
autoritaire du sultan). Se fédère derrière la personnalité du colonel ‘Urabî et le mot d’ordre
« l’Égypte aux Égyptiens ».
La GB et la France voient dans ce mouvement une menace : pour leurs intérêts financiers,
pour la sécurité des Européens et pour la libre circulation via le canal de Suez. Pour le sultan
ottoman, le nationalisme d’Urabî risque de faire exemple dans les autres provinces arabes.
Les revendications d’une constitution et d’un parlement pourraient devenir contagieuses.

L’Égypte se retrouve divisée au point d’avoir jusqu’à 2 gouvernements. Les Français et les
Anglais prennent le parti du khédive contre les Urabistes. Lorsque une dizaine d’Européens
sont tués dans une rixe à Alexandrie, les Britanniques réagissent en bombardant la ville, le
11 juillet 1882
Les troupes britanniques débarquent ensuite à Suez6, écrasent les forces égyptiennes, puis
atteignent le Caire. Début d’une occupation qui ne dit pas son nom.
Les Britanniques prennent progressivement en main l’administration de l’Égypte, tout en
indiquant que leur présence est temporaire (officiellement ils sont là pour rétablir l’ordre et
l’autorité du khédive). Dès lors, aucune convention ne vient entériner leur présence
britannique. L’Égypte reste une province ottomane, jusqu’en 1914, quand ce protectorat
voilé est officiellement proclamé.


6
Le parlement français refuse de participer. Certains députés y voient des « complications internationales »,
d’autres ont eu le sentiment d’avoir été trompés par l’exécutif dans l’occupation de la Tunisie en 1881.

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C. Un Maroc très disputé
Les enjeux diplomatiques expliquent aussi l’occupation du Maroc par la France, cette fois
avec une très forte rivalité entre la France et l’Allemagne au début du XXe siècle.
La France, qui cherche à dominer l’ensemble du Maghreb, parvient à des accords avec les
puissances rivales, d’abord avec l’Italie, puis avec l’Angleterre et l’Espagne.
En 1900, les Français acceptent que les Italiens s’emparent d’une partie de la Tripolitaine.
En 1904, les Français parviennent aussi à un accord avec le Royaume-Uni et acceptent :
- une complète liberté d’initiative des Anglais en Égypte,
- et le maintien du régime de la « porte ouverte » en faveur des Anglais pour 30 ans au
Maroc (depuis 1856).
La même année, en 1904, la France s’accorde avec l’Espagne pour lui reconnaître une zone
saharienne et une étroite bande côtière au nord du Maroc.

En échange, la prépondérance française sur le Maroc est reconnue. Mais le consensus n’est
pas total. Conflit avec l’Allemagne :
- qui est irritée par l’alliance entre la France et l’Angleterre (l’entente cordiale) de 1904 ;
- la presse allemande présente le sud du Maroc comme un eldorado, un débouché pour
accueillir une immigration allemande.
L’empereur allemand, Guillaume II, en visite à Tanger en 1905 déclare que le Maroc est un
État indépendant et qu’il ne tolèrerait pas la suprématie d’une autre puissance sur ce pays.
Finalement, l’année suivante, en 1906, la conférence internationale d’Algésiras, dans le sud
de l’Espagne, isole l’Allemagne et divise le Maroc entre plusieurs zones d’influence 7 :
- la ville de Tanger est appelée à devenir un port international
- toujours au nord, une partie du Maroc est contrôlée par l’Espagne,
- le reste doit revenir à la France


III. La conquête militaire
Insister sur la chronologie (car le plan est thématique) : la conquête de l’Algérie commence
50 ans avant celle de la Tunisie et 80 ans avant la Libye !

A- 70 ans d’occupation de l’Algérie
Après la prise d’Alger en 1830, flottement de la politique française.
La France définit en 1835 une politique d’occupation restreinte : elle s’en tient dans un 1er
temps à l’occupation d’établissements littoraux :
- Oran est prise en 1831
- Bône en 1832
- Bougie en 1833
Dans un second temps seulement, l’autorité française est étendue aux territoires des trois
anciens beyliks autour d’Alger : À l’ouest comme à l’est, la résistance est vigoureuse. La ville
de Constantine est prise en 1837.
Dans le beylik d’Oran, Abdelkader / Abd al-Qâdir, fédère la résistance :

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Création d’une banque centrale marocaine avec participation des banques française, espagnole, anglaise et
allemande.

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Il est : fils d’un sharîf (lignage qui descend du prophète)
membre d’une confrérie religieuse (la Qâdiriyya)
membre d’une grande tribu, celle des Beni Hachem, près de Mascara ;
passé par l’Orient arabe et fait le pèlerinage de La Mecque.
Abdelkader / Abd al-Qâdir lance le jihâd, la guerre sainte, contre les Français 8 . De
nombreuses tribus le soutiennent, tandis que d’autres reconnaissent les Français comme les
successeurs de l’autorité ottomane.

Cette guerre est très violente. Le général Bugeaud forme une armée mouvante, qui affame
les populations, détruit les récoltes et mène des razzias afin d’affaiblir la résistance.
Abdelkader se réfugie au Maroc, avant de se rendre aux Français en 18479. Sa défaite
marque la fin de la résistance organisée. Par la suite, les Français n’ont plus à faire qu’à des
résistances localisées, comme la révolte d’al-Moqrani en 1871 (Kabylie).

Le bilan est très lourd : le pays est ravagé, la situation économique critique, les épidémies
fauchent les populations sous-alimentées. Par exemple en 1866-1869, des essaims de
sauterelles ravagent les cultures + sécheresse + choléra + famines.
Les morts algériens de la phase de conquête peuvent être évalués entre 250 000 et
400 00010.

Les militaires français continuent leur progression. Notamment en Kabylie dont les massifs
montagneux ne sont soumis qu’en 1857. D’autre part, le Sahara est conquis lentement entre
1852 et 1917. Cet immense désert reste commandé par des miliaires.
L’Algérie est la région où la domination coloniale est la plus longue et la plus intense.

Trans. : Dans le reste de l’Afrique du Nord, les puissances coloniales trouvent des prétextes
pour justifier l’envoi de leurs armées devant l’opinion internationale.

B- Des prétextes pour des interventions militaires et des conquêtes violentes
1- Une série d’incidents à la frontière entre l’Algérie et la Tunisie justifient l’intervention
française (ci-dessus)11.
2- Une émeute à Alexandrie, qui fait des victimes britanniques en juillet 1882, est suivie du
bombardement de la ville par les Anglais, qui prennent le contrôle militaire de l’Égypte (ci-
dessus).

3- Maroc : Des incidents à la frontière avec l’Algérie, puis l’assassinat d’un français, le
docteur Mauchamp à Marrakech (1907), facilitent aussi la pénétration française. La ville
d’Oujda (à l’est du Maroc) est occupée en 190712.

8
Les Français reconnaissent l’autorité d’Abdelkader sur une partie de l’Algérie (Traité de Tafna 1837). 1839,
l’émir relance le jihâd, lorsque les Français dépassent cette limite.
9
Abd al-Qâdir est emprisonné en France (1848-1852), vit à Bursa en Turquie, avant de mourir à Damas (1883).
10
Chiffres de Gilbert Meynier. Peut-être plus, selon Bouchène. Ex. les « enfumades », les razzias.
11
En 1878-1880, un bateau français est pillé par des Kroumirs ; des soldats du bey de Tunis frappent des marins
français dans le port de La Goulette ; et des membres de la tribu des Kroumirs entrent dans l’Algérie française.
12
Médecin nommé par le MAE pour établir un dispensaire, il est visé en tant que chrétien. À Casablanca, des
ouvriers européens sont assassinés en 1907.

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Mais ce sont aussi des troubles intérieurs au Maroc qui permettent aux troupes françaises
d’intervenir. Le sultan qui dirige le Maroc à partir de 1894 (Moulay Abdelazziz) est jeune et
inexpérimenté. La population supporte de moins en moins les empiètements européens et
la lourdeur des impôts, qui pèse sur des paysans endettés.
Plusieurs soulèvements sont réprimés dans le sang dans les années 189013. Le pouvoir du
souverain est ouvertement contesté. En 1911, l’armée française intervint en sa faveur.

L’Allemagne proteste et envoie un navire de guerre devant Agadir pour faire pression sur la
France. Finalement, la primauté française sur le Maroc est reconnue (l’Allemagne se voit
accorder une partie du Cameroun) > Traité de Fès, 1912

4- Les rivalités autour de la Libye : La prise de la Tripolitaine, à l’ouest et de la Cyrénaïque à
l’est est le résultat de ce partage du gâteau maghrébin entre puissances européennes.
L’Italie n’a plus que le « choix » de la Libye pour surmonter l’épisode humiliant de la défaite
d’Adoua de 1896 (humiliée face aux troupes éthiopiennes).
En 1911, l’Italie avance un motif officiel : elle s’apprête à occuper militairement la Libye pour
préserver la vie et les biens des Italiens vivant dans la région. Les forces coloniales arrivent
par la mer, par les deux extrémités : d’abord à Tobrouk tout à l’est, puis à Tripoli (pression
sur l’EO se fait sur le Dodécanèse, qui fait lâcher les O.) >> Souveraineté italienne en 1912

Remarque. Ces interventions militaires, puis l’occupation coloniale, suscitent des résistances
dans les populations locales
Exemples
- révolte de tribus bédouines du sud de la Tunisie entre 1915 et 1921.
- guerre du Rif au Maroc (1921-1926)14.
- les Italiens doivent se retirer du Fezzan en 191415.
- révolte d’al-Moqrani en Kabylie (1871), des Aurès en 1916.

Ces résistances Elles répondent aux atrocités commises par les troupes coloniales et
expliquent aussi la lenteur de ces conquêtes. Au Maroc, la guerre de conquête s’étire
jusqu’en 1934 (30 ans après le traité de Fès !) et cause au moins 100 000 morts côté
marocain (+ 20 000 soldats de l’armée française).

Conclusion
Il n’y a pas toujours de plan global, déterminé à l’avance par les puissances européennes ;
Beaucoup d’hésitations mais à l’arrivée cependant, réel partage du « gâteau maghrébin ».

La domination européenne utilise d’abord des canaux financiers et diplomatiques, mais les
conquêtes longues et violentes se font ensuite par la force.


13
Dans le Haouz (1894-96) et la Chaouia (1897-1898).
14
En 1921, ‘Abd al-Karîm inflige une très lourde défaite aux Espagnols, à Anoual, et fonde la République
confédérée des tribus du Rif en 1923. Il se retourne contre la France en 1925 mais son mouvement est
durement réprimé (par Pétain, avec l’aide du sultan Moulay Youssef).
15
Reconquête surtout après 1922, sous régime fasciste.

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