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INTRODUCTION

La première particularité de la Grande Guerre est son


caractère universel et elle ne peut se comprendre sans une
version géographique et cartographique qui rende compte
à la fois des opérations militaires sur le terrain, qu’il s’agisse
d’avances de quelques centaines de mètres ou de quelques
centaines de kilomètres, et des grandes redistributions
territoriales issues des traités de paix de 1919.
Et pourtant, par un paradoxe de l’histoire, il est permis
d’écrire que la Grande Guerre a subi la malédiction des
cartes. Jamais, sans doute, la cartographie n’a été poussée
aussi loin que pendant ce conflit, les cartes d’état-major au
1/80 000 ne suffisant plus aux généraux. À mesure que la
guerre s’enlisait dans les tranchées, les cartes usuelles
devenaient inutiles. Il fallait sans cesse se rapprocher du
détail puisque, faute de grandes offensives triomphantes, la
guerre elle-même devenait une affaire de détail. C’est ainsi
que les artilleurs ont demandé des canevas de tirs au 1/25
000, puis au 1/10 000. L’infanterie n’était pas en reste : il a
fallu des plans directeurs à des échelles encore jamais vues
dans l’histoire des armées. La Première Guerre mondiale
s’est presque jouée sur des plans du cadastre, au 1/5 000,
voire à une échelle plus grande. Comment reproduire
autrement tel nid de mitrailleuses, tel abri d’infanterie, tel
réseau de barbelés ?
Ceci n’aurait pas eu de grandes conséquences si les cartes à
très grande échelle n’avaient fini par envahir les murs des
états-majors. Au 1/200 000, 1 centimètre = 2 kilomètres.
Mais au 1/20 000, le centimètre ne représente plus que 200
mètres, 100 mètres au 1/10 000, et 50 mètres au 1/5 000.
Ainsi, des avances sur la carte de 10 centimètres, qui
auraient représenté 20 kilomètres au 1/200 000, ne sont
plus que de ridicules sauts de puce au 1/5 000 : 500 mètres.
Des centaines ou des milliers d’hommes sont morts pour
gagner quelques centimètres sur une carte, qui ne
représentaient que quelques centaines ou dizaines de
mètres et non plus des kilomètres. C’est particulièrement
frappant pour la période allant de l’automne 1914 à la
bataille de Verdun, en 1916.
Nous invitons le lecteur à ne pas succomber à la même
malédiction de la carte que le général Joffre. Les cartes de
cet ouvrage permettent d’appréhender, mieux qu’un long
discours, les différentes phases d’un conflit aussi complexe.
Mais la guerre est avant tout une aventure humaine faite de
souffrance et de dévastation. Chaque flèche qui se
superpose à une ligne de tranchée correspond à des
centaines ou des milliers de morts. Chaque petit cercle au
milieu de l’océan correspond à un navire coulé, le plus
souvent avec son équipage entier. Chaque changement de
frontière s’accompagne de l’expulsion de milliers, si ce n’est
de millions d’individus. Le but de cet atlas est de nous
permettre de comprendre une époque charnière de
l’histoire du monde. Elle a redéfini les rapports de force, non
seulement en Europe, mais dans le monde entier. Ses
répercussions politiques se font encore sentir aujourd’hui
dans les tensions qui agitent la planète, dans les Balkans, au
Moyen-Orient, en Afrique. D’une façon plus immédiate
encore, elle a provoqué la Seconde Guerre mondiale et
accéléré l’avènement des États-Unis comme première
puissance mondiale.
Pour la France, la Grande Guerre est la dernière épopée
nationale : touchant toutes les familles, elle a profondément
marqué la culture et l’imaginaire de tout un peuple.
Au début du XXe siècle, la Belle Époque
correspond à l’apogée de la puissance
européenne. Certes, des signes avant-
coureurs d’un déclin commencent à
apparaître, mais nul ne peut penser qu’en
l’espace de quelques années, un continent
aussi florissant et dominateur va s’enfoncer
dans une tragédie dont il ne se relèvera pas.
D’un point de vue économique, la
domination du Royaume-Uni commence à
fléchir. La concurrence de l’Allemagne, en
Europe, focalise l’attention des
gouvernements britanniques, mais c’est
finalement outre-Atlantique que se produit
le premier bouleversement : en 1910, les
États-Unis deviennent la première
puissance commerciale du monde.
Sur le continent européen, les vieux
empires semblent incapables de se
réformer, que ce soit en Russie ou en
Autriche-Hongrie. Une seule nation,
récente puisqu’elle n’est unifiée que depuis
1871, montre un dynamisme que rien ne
semble pouvoir freiner : l’Allemagne. La
France, nettement moins peuplée et moins
puissante, a besoin d’alliances
internationales pour espérer rivaliser avec
son encombrant voisin.
La domination des grands empires
Au début du XXe siècle, le monde est divisé entre plusieurs
vastes empires, essentiellement européens. Seule
l’Amérique, du Nord comme du Sud, s’est émancipée, lors
des siècles précédents, de la tutelle des pays européens.
Ce fait doit cependant être relativisé, car il s’agissait de
colonies de peuplement dont les classes dominantes – si
ce n’est l’immense majorité de la population comme aux
États-Unis – sont d’ascendance européenne. La Chine elle-
même n’est plus que l’ombre d’un empire jadis puissant :
la guerre des Boxers, au tout début du siècle, vient
marquer en point d’orgue la domination européenne sur
le monde entier.

L’EUROPE À LA CONQUÊTE DU MONDE : DIFFÉRENTS MODÈLES DE


COLONISATION
La colonisation n’est pas un phénomène caractéristique du XIXe siècle. Déjà,
dans l’Antiquité, les peuples méditerranéens se sont livrés à trois formes de
colonisation : le comptoir-escale, la cité indépendante et la clérouquie, c’est-à-
dire la constitution de postes militaires peuplés de citoyens d’une cité (en
l’occurrence Athènes), qui doivent un service militaire en échange d’un lot de
terre (cleros). La première forme de colonisation « moderne » revient à
Athènes et à la ligue de Délos.
Portugal et Espagne : la colonisation de masse. La colonisation moderne
débute à la fin du Moyen Âge, lorsque l’Europe commence à s’étendre et à
conquérir. Elle a des besoins en matières premières et ne produit plus assez de
métaux précieux pour frapper la monnaie. Le Portugal, puis l’Espagne, se
lancent à corps perdu dans la colonisation et fondent les deux premiers
empires.
En raison d’une crise profonde au XIVe siècle, la société portugaise a subi une
mutation spectaculaire : la vieille aristocratie terrienne a été supplantée par la
bourgeoisie des villes et des ports. Bons navigateurs, les Portugais descendent
peu à peu les côtes africaines, puis franchissent le cap de Bonne-Espérance. Ils
s’ouvrent ainsi la route de l’or et des épices. Les Espagnols font de même, mais
leur empire est différent de celui des Portugais, notamment en raison de son
centralisme. Une administration nombreuse et puissante gouverne les
colonies, sous l’autorité directe du Conseil des Indes, à Madrid. La décimation
des populations indiennes entraîne un besoin de main-d’œuvre. Comme les
émigrés d’origine européenne ne suffisent pas, l’Espagne, puis les autres
colonies européennes, s’emparent d’esclaves sur les côtes africaines pour les
déporter vers le Nouveau Monde.
En 1494, le traité de Tordesillas sépare le monde en deux : le domaine
portugais et le domaine espagnol. Ceci n’est pas du goût des autres
puissances européennes qui veulent se lancer dans la conquête coloniale : la
Hollande, la Grande-Bretagne et la France.
L’ère des compagnies : le mercantilisme. Les grandes compagnies ouvrent
une nouvelle période. Les pays qui disposent de capitaux privés importants,
l’Angleterre et la Hollande, inaugurent le règne des compagnies à charte, qui
disposent du monopole du commerce avec des faveurs douanières. C’est ainsi
que la Compagnie anglaise des Indes orientales obtient, dès 1600, un
monopole du commerce et la pleine propriété des territoires qu’elle peut
acquérir. Cette phase de la colonisation est appelée mercantiliste, car il ne
s’agit alors que de s’enrichir, sans chercher à peupler ou à exploiter
directement les autres pays.
L’esprit du siècle des Lumières, puis la révolution industrielle mettent à mal
cette doctrine. Nombre de colonies se révoltent contre leur métropole : les
États-Unis se détachent de l’Angleterre ; les colonies sud-américaines, de
l’Espagne et du Portugal. Le second système colonial apparaît entre 1870 et
1880, et va dominer au début du XXe siècle. Il est fondé sur la conquête de
pays entiers, afin d’en exploiter les matières premières et parfois de les
peupler.

...
LE COLONIALISME À LA FRANÇAISE : L’ESPRIT DE LA IIIE RÉPUBLIQUE
La révolution industrielle propulse l’Angleterre sur le devant de la scène dès le
début du XIXe siècle. Son économie a besoin à la fois de matières premières et
de débouchés pour ses produits, tandis que l’accroissement de sa population
impose des colonies de peuplement. Si la France lui emboîte le pas avec un
certain retard, l’impérialisme, sous la IIIe République, est considéré comme une
nécessité absolue et une question de prestige national. En France, un homme
politique symbolise à lui seul le colonialisme : le très républicain Jules Ferry.
Il résume sa doctrine le 28 juillet 1885 en déclarant devant les députés : « Le
parti républicain […] a montré qu’il faut autre chose à la France ; qu’elle ne
peut être seulement un pays libre ; qu’elle doit être aussi un grand pays,
exerçant sur les destinées de l’Europe toute l’influence qui lui appartient,
qu’elle doit répandre cette influence sur le monde, et porter partout où elle le
peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie. »

...

LE COLONIALISME À L’ALLEMANDE : UN POSITIONNEMENT DANS L’EUROPE


Paradoxalement, c’est le chancelier Bismarck qui fait de l’Empire allemand une
puissance coloniale. En effet, en bon aristocrate de Prusse-Orientale, son
horizon est purement continental. Après la victoire de 1870, il s’efforce d’isoler
la France en tissant des alliances avec ses voisins, mais l’expansion de
l’Allemagne outre-mer ne l’intéresse pas.
Pourtant, le fait colonial inspire aussi quelques appétits en Allemagne. Les
industriels et les commerçants, dès le milieu du XIXe siècle, établissent des
comptoirs, notamment en Afrique orientale. Cédant au désir colonial des villes
de la Hanse, Bismarck obtient quelques possessions en Océanie en 1879. En
1884-1885, outré par le protectionnisme anglais dans l’Empire britannique, il
obtient, grâce à des conquêtes pacifiques, le protectorat de l’Allemagne sur
plusieurs pays africains : le Togo, le Cameroun, le Sud-Ouest africain (Namibie)
et l’Afrique orientale.
.

Verbatim
« Un mouvement irrésistible emporte les grandes nations
européennes à la conquête de terres nouvelles […]. La
politique coloniale est une manifestation internationale des
lois éternelles de la concurrence. »
Jules Ferry, 1890.
Les puissances économiques
Contrairement à ce qu’on pense généralement, les États-
Unis sont devenus très tôt une puissance économique de
premier plan. En termes de volume du PNB total, ils
occupent la première place vers 1860 et, en termes de
PNB par habitant, vers 1875. Quant à la production
manufacturière, elle devient la première du monde vers
1890. La Grande-Bretagne perd ainsi sa première place
dans le monde, mais elle est aussi menacée par
l’émergence d’une nation bien plus dynamique qu’elle,
l’Allemagne. Ce déclin annoncé n’est masqué
provisoirement que par l’étendue de l’Empire britannique.

LE MONDE ÉCONOMIQUE EN 1913


Certains auteurs ont écrit que la Première Guerre mondiale était le résultat,
entre autres, de la crise économique de 1913. Mais une étude des chiffres
montre que deux pays seulement ont connu une récession de la production
industrielle cette année-là, la Suède et la France, avec des reculs assez limités
(respectivement, – 3 % et – 2 %). Pour les autres pays, il n’y a ni recul ni
stagnation. À la crise des années 1907-1909 a succédé une période de
croissance.
Progression industrielle. Au contraire, la période qui précède 1914 est l’une
des plus favorables du XIXe siècle… si l’on considère que celui-ci s’achève en
1914. Aux États-Unis, le PNB augmente de 2 % et le chômage baisse par
rapport à l’année précédente. La production industrielle progresse fortement
en Allemagne (+ 4 %) et plus fortement encore aux États-Unis et en Grande-
Bretagne, avec 7 %, un chiffre exceptionnel. Seule la Suisse fait mieux, avec
10 %. La Belgique progresse aussi, avec 3 %. Ce ne sont donc pas les mauvais
résultats de la Suède et de la France qui pourraient faire parler de crise
internationale, alors que les trois pays les plus industrialisés se portent très
bien.
Progression du commerce. Sur le plan des échanges, l’année 1913 est
également très bonne : la valeur des exportations augmente de 6 % et leur
volume, de 5 %. L’année 1914 commence très bien et, selon les données dont
on dispose, on peut affirmer que la première moitié de l’année est excellente.
Il n’y a donc aucune raison pour écrire que certains pays ont voulu sortir de la
crise par la guerre. Peut-être peut-on plutôt parler de rivalité économique.

...

RUSSIE ET JAPON, DEUX ADVERSAIRES EN PLEIN ESSOR ÉCONOMIQUE


La Russie, en raison des problèmes diplomatiques et politiques qui la
secouent, apparaît comme un empire très fragile au début du XXe siècle, mais
d’un point de vue économique, tel n’est pas le cas : elle est en train de devenir
une puissance de premier plan. Partant de plus loin que ses principaux
concurrents, elle connaît une croissance époustouflante. De 1890 à 1900, sa
productivité industrielle augmente de 126 %, sa croissance est le double de
celle de l’Allemagne et le triple de celle des États-Unis. En 1913, l’Empire russe
a dépassé le Royaume-Uni et devient la troisième puissance économique,
derrière les États-Unis et l’Allemagne.
Jusqu’alors très dépendante des investisseurs étrangers, la Russie recouvre son
indépendance financière : en 1914, le capital russe possède 51 % de
l’économie nationale, contre seulement 35 % en 1905.
Le Japon aussi sort de son isolement politique et économique. L’ère Meiji voit
tout d’abord la dissolution du système féodal. L’État se centralise et l’empereur
dispose d’un pouvoir très étendu, presque absolu. La révolution industrielle
commence vraiment à partir de 1860, avec un État qui assure, à la fin du XIXe
siècle, entre 30 % et 40 % des investissements et contrôle presque totalement
l’industrie lourde, notamment l’armement et le chemin de fer. À cette époque,
l’industrie principale au Japon est le textile ; elle représente 70 % des
entreprises. À la différence de l’Europe, la main-d’œuvre y est féminine à 67 %.
En 1914, le Japon est devenu la quatrième nation exportatrice de textiles.
À partir de 1895, l’industrie lourde se développe rapidement, notamment la
construction navale, avec de grands groupes comme Mitsubishi. Elle
représente 26,7 % de l’économie japonaise en 1914. Contrairement à la Russie,
le Japon n’est absolument pas endetté et ses capitaux sont purement
nationaux. Cela dit, le Japon n’est pas encore une puissance économique de
premier plan. Sa part du PIB mondial ne représente que 2,6 %, contre 5,3 % à
la France, 8,3 % à la Grande-Bretagne, 8,6 % à la Russie, 8,8 % à l’Allemagne et
19,1 % aux États-Unis.
Contrairement aux pays européens, directement concernés par une guerre
qui va se dérouler sur leur territoire et entraîner des bouleversements
politiques immenses, le Japon, tout comme les États-Unis, sortira renforcé de
la Première Guerre mondiale.

...

QUAND LE PÉTROLE N’ÉTAIT PAS ENCORE DE L’OR NOIR…


En 1914, à l’âge de la machine à vapeur, on consommait surtout le charbon
dont l’Europe et les États-Unis étaient largement pourvus. Le premier puits de
pétrole a été inventé par le célèbre « colonel » Edwin Laurentine Drake, aux
États-Unis, en 1865. Vers 1900, la production annuelle de pétrole est de 21
millions de tonnes par an, ce qui représente 30 millions de tonnes en
équivalent charbon, alors que la consommation annuelle en charbon est à
l’époque de 800 millions de tonnes ! Cependant, au début du XXe siècle, les
besoins en pétrole commencent à croître, avec le développement de
l’automobile et la possibilité de son emploi dans les chaudières des navires.
L’essentiel de la production vient alors des pays industrialisés, notamment des
États-Unis. Les autres pays n’assurent alors que 12 % de la production
mondiale et la part du Moyen-Orient, si écrasante aujourd’hui, ne représente
que 0,5 %.
...

LA PREMIÈRE CRISE ÉCONOMIQUE MONDIALE


Les différentes nations industrielles sont déjà très liées entre elles à la fin du
XIXe siècle. En 1907-1908, une crise économique secoue le monde entier pour
la première fois. Elle trouve son origine aux États-Unis et résulte d’une faillite
due à la spéculation, en l’occurrence celle d’une entreprise engagée dans la
spéculation sur le cuivre, dont le cours a chuté. Cette société entraîne dans sa
chute une grande banque, ce qui provoque des faillites en chaîne. Les milieux
financiers sont alors pris d’une véritable panique, connue depuis sous le nom
de « Roosevelt Panic ».
Aux États-Unis, la crise financière se transforme très vite en grave crise
économique. Les chiffres sont parlants : en 1908, la production industrielle
recule de 8 %. Le chômage passe de 3 % en 1907 à 8 % en 1908. Quant au PNB
par habitant, il est frappé encore plus durement, reculant de 10 %. Seule
l’agriculture n’est pas touchée, puisqu’elle progresse de 2 % en 1908. Ceci
montre que cette crise correspond exactement à une crise économique selon
nos critères actuels.
En Europe. Ce phénomène atteint aussi l’Europe, notamment l’Allemagne et la
Grande-Bretagne. Le schéma est assez similaire. L’agriculture continue de
progresser mais, dans les autres domaines économiques, une récession
évidente apparaît. Le PNB par habitant recule dans la plupart des pays
fortement industrialisés de l’époque : Autriche, Belgique, France, Grande-
Bretagne, Pays-Bas, Suède. Notons que l’Allemagne parvient à y échapper. La
Grande-Bretagne est particulièrement touchée, notamment avec une baisse
importante de la production industrielle : – 7 %. Il s’agit du plus net recul
depuis 1826 ! La Grande-Bretagne n’est pas la seule affectée, puisqu’en plus
des États-Unis, l’Allemagne, la France et la Suède subissent une diminution de
leur production industrielle soit en 1907, soit en 1908.
Dans le reste du monde. L’Australie et le Canada sont touchés et la production
recule en Espagne, en Suisse et au Japon. Autant dire que le monde
industrialisé dans son ensemble est concerné.
Le commerce. Fatalement, le commerce international connaît une régression
importante : la valeur des exportations diminue de 7,8 %, soit la plus forte
baisse depuis 1850, date de mise en place des statistiques en ce domaine.
Mais cette crise est vite surmontée et les chiffres redeviennent positifs dès
1909.

Verbatim
« En 1914, les États-Unis avaient un retard de près d’un
demi-siècle sur les pays les plus avancés d’Europe en
matière de lois sociales mais les salaires réels des ouvriers y
étaient les plus élevés. »
P. Bairoch, Victoires et déboires.
La question des nationalismes
La question des nationalismes agite l’Europe entière
depuis le traité de Vienne qui, en 1815, solde
définitivement l’héritage de la Révolution française et de
l’Empire. Trois pays dominent alors l’Europe : la Russie, la
Prusse et surtout l’Autriche qui, sous la férule de
Metternich, empêche toute émancipation des peuples
tentant de réaliser leur unité – Allemands, Italiens, Slaves
d’Europe du Sud. Le statu quo perdure jusqu’à la seconde
moitié du XIXe siècle, puis l’Autriche subit une série de
défaites militaires contre les Français, les Piémontais et
les Prussiens, qui permettent la création d’une Italie
indépendante, puis d’un Empire allemand en 1871.
DEUX ÉTATS NOUVEAUX
Le congrès de Vienne, en 1815, conforte la place hégémonique de l’Autriche
en Europe. Celle-ci domine l’Italie et l’Allemagne, myriade de petits États et de
principautés. Pourtant, des mouvements nationaux apparaissent. Ils sont
contenus par le chancelier autrichien Metternich. En 1848, un vent
révolutionnaire secoue l’Europe entière, mais échoue.
En Italie, Victor-Emmanuel et son premier ministre, Cavour, s’allient avec
Napoléon III pour constituer une Italie indépendante. Cette coalition bat les
Autrichiens en 1859. Victor-Emmanuel devient roi d’Italie en 1861. En
Allemagne, c’est le chancelier Bismarck qui impose la Prusse comme
puissance européenne. Il vainc le Danemark en 1864, puis l’Autriche en 1866
et la France en 1870. En 1871, le roi Guillaume Ier est couronné empereur
d’Allemagne.
...

L’AUTRICHE ET LA SERBIE
L’une des principales causes de tension en Europe du Sud est l’antagonisme
larvé entre l’Empire austro-hongrois et la Serbie. En 1903, le roi de Serbie pro-
autrichien est assassiné par la Main noire, une organisation nationaliste serbe.
Dès lors, la politique serbe devient franchement anti-autrichienne. En 1908,
l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche provoque une très vive
tension ; la Serbie ne renonce à la guerre qu’en raison des pressions de la
Russie, alliée traditionnelle des Serbes, peuple slave. Sur le papier, l’Empire
austro-hongrois est plus puissant que la petite Serbie, mais c’est un empire
malade. Avec moins de 1 % de la population détenant 40 % des terres, c’est
l’État le plus inégalitaire d’Europe.
En outre, la domination des Autrichiens et des Hongrois sur tous les autres
peuples est écrasante : cette inégalité ethnique affaiblit encore davantage la
cohésion de l’État. Tous les ingrédients sont réunis pour une situation
explosive.

...

DEUX CONFLITS DANS LES BALKANS


En 1912, la Serbie constitue l’Entente balkanique en s’alliant avec la Grèce et la
Bulgarie pour évincer les Turcs de leurs dernières possessions d’Europe. La
guerre éclate en octobre 1912. Très vite, l’Empire ottoman est battu et
contraint d’abandonner tous les Balkans, à l’exception de Constantinople
(Istanbul) et d’une petite partie de son arrière-pays. Celle-ci demeure
aujourd’hui encore la seule partie européenne de la Turquie. Les vainqueurs
de 1912 ne tardent pas à s’entre-déchirer pour le partage de la Macédoine.
Une nouvelle guerre éclate en 1913, dirigée cette fois contre la Bulgarie, qui
manifeste les ambitions les plus grandes dans les Balkans. Confrontée à une
coalition réunissant la Grèce, la Serbie, le Monténégro, puis la Roumanie et
l’Empire ottoman, la Bulgarie est logiquement battue. Elle le paie lors du
découpage définitif de la Macédoine, tandis que la Serbie devient la première
puissance régionale des Balkans.

Verbatim
« Des milliers de femmes et d’enfants morts de faim, des
révolutionnaires devenus brigands […] : tel est le tableau de
la vie sociale dans les provinces libérées. »
Léon Trotski, 1912, à propos de la Macédoine.
Le jeu des alliances
Face au développement d’intérêts contradictoires, les
grandes nations européennes cherchent à se prémunir
contre la guerre. L’exemple du XIXe siècle a montré que les
pays isolés étaient souvent vaincus, comme l’Autriche
face à la coalition franco-piémontaise. Avant même le
tournant du siècle, plusieurs nations signent des alliances,
afin de créer des blocs extrêmement puissants, établissant
un équilibre de la terreur avant l’heure. Mais la formation
de deux grands blocs – la Triple Alliance tout d’abord, puis
la Triple Entente – va mener droit à la catastrophe lorsque
le désir de guerre l’emportera. L’Europe entière basculera
alors dans la guerre.

LES FORCES EN JEU À LA VEILLE DE LA GUERRE


Les pays belligérants ont des populations de taille variée. L’Allemagne, forte
de 65 millions d’habitants (dont 40 millions de Prussiens), domine les autres
pays développés par sa population et par la puissance de son armée. La
France compte 40 millions d’habitants et ne peut prétendre rivaliser avec
l’Allemagne en termes d’effectifs qu’en imposant un long service militaire
(trois ans) qui permet de garder trois classes d’appelés dans l’armée active.
L’Angleterre, à l’opposé, ne possède qu’une petite armée de métier, en grande
partie dispersée dans son immense empire. La Russie, humiliée neuf ans plus
tôt par le Japon, dispose des effectifs théoriques les plus élevés, mais leur
valeur est faible. Seul le poids du nombre joue en sa faveur. L’Autriche-
Hongrie est composée de tellement de peuples différents que son armée est
de valeur très inégale.
Pour toutes ces raisons, l’Allemagne pense pouvoir gagner rapidement une
guerre européenne.

...

LES PUISSANCES EUROPÉENNES ET LE JEU DES ALLIANCES


Les alliances de Bismarck. Après la guerre de 1871, la donne diplomatique est
bouleversée et la France isolée. Afin d’éviter toute menace de revanche,
Bismarck cherche à accroître le poids de la nouvelle Allemagne en Europe.
Pour cela, il prône la politique de la main tendue à son adversaire d’hier,
l’Autriche. N’avait-il pas déclaré en 1866, au soir même de la victoire
prussienne de Sadowa : « Il faut maintenant travailler à faire des Autrichiens
des amis » ?
En 1872, Bismarck obtient un premier grand accord international, l’Entente
des trois empereurs, signé par l’Allemagne, l’Autriche et la Russie. En 1882, il
isole un peu plus la France en faisant signer un accord entre l’Italie, l’Autriche
et l’Allemagne : la Triplice. La Russie est cette fois hors-jeu. Il est vrai qu’après
sa victoire de 1878 contre les Turcs, une conférence internationale à Berlin a
été nécessaire pour calmer ses ambitions.
La constitution d’un second bloc autour de la France. Se sentant trahie par ses
anciens alliés, la Russie décide de se rapprocher de la France. Cette démarche
marque les limites de la politique bismarckienne. Le prudent chancelier est
d’ailleurs bientôt destitué par le nouvel empereur allemand, Guillaume II.
L’Allemagne inaugure alors une politique extérieure très tapageuse, avec
nombre d’actions d’éclat destinées à faire comprendre au monde entier que
le pays occupe à présent le premier rang en Europe. Cette politique est
assortie d’une course à l’armement qui inquiète tous les voisins de
l’Allemagne. Guillaume II veut aussi rivaliser avec la Royal Navy, ce qui pousse
la Grande-Bretagne à sortir de son « splendide isolement » pour se rapprocher
de la France. Ainsi la France réussit-elle en quelques années à conclure des
alliances avec la Russie, puis avec la Grande-Bretagne, en signant la fameuse
Entente cordiale de 1905.
En 1914, deux blocs opposés se font face en Europe : la Triple Entente, qui
comprend la Russie, l’Angleterre et la France, et la Triple Alliance, regroupant
l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie.

.
Verbatim
« Un conquérant aime toujours la paix : il préférerait vous
envahir sans rencontrer de résistance. »
Clausewitz, De la guerre.
Les plans militaires et les armées
européennes
À peine la guerre de 1870 était-elle terminée que les états-
majors français et allemand pensaient à l’inévitable
revanche et préparaient des plans offensifs et défensifs.
En 1914, la France en est à son 17e plan de guerre contre
l’Allemagne ! Celle-ci dispose pour sa part, depuis la fin du
XIXe siècle, du plan Schlieffen, dont la portée est à la fois
tactique et stratégique : il s’agit de permettre à
l’Allemagne de gagner une guerre livrée sur deux fronts,
en écrasant en six semaines l’armée française, pour se
retourner ensuite contre l’armée russe. Le rôle de
l’Autriche-Hongrie est purement subalterne et se borne à
combattre le petit royaume de Serbie.

LE PLAN ALLEMAND
Le plan Schlieffen prend en compte une donnée stratégique de première
importance : en cas de guerre sur deux fronts, il sera nécessaire à l’Allemagne
de vaincre la France d’abord, avant de se retourner contre la Russie. La durée
de la mobilisation russe, estimée à six semaines, impose une victoire éclair sur
le front ouest. Tactiquement, Schlieffen prévoit une invasion de la Belgique et
du Luxembourg (pays neutres) par une aile droite allemande littéralement
hypertrophiée : 53 divisions d’active, sans compter les formations de réserve et
de remplacement, alors que l’aile gauche ne compte que huit divisions,
chargées de tenir l’Alsace. Cette aile droite doit s’enfoncer loin en Belgique
avant de se rabattre sur le nord de la France et d’envelopper Paris par l’ouest
pour prendre à revers toutes les armées françaises. Le plan est audacieux et
risqué.

...
LES PLANS FRANÇAIS
Le plan I, établi en 1875, prend en compte toutes les faiblesses de la France
révélées par la défaite de 1870. Il impose un regroupement des armées loin de
la frontière, car le pays a perdu toute sa ceinture fortifiée et son réseau ferré
est perturbé. Il est donc prévu de faire des efforts très importants dans trois
domaines : la fortification – afin de barrer la route à l’envahisseur –, la rapidité
de la mobilisation et la réduction de la distance entre le lieu de regroupement
des armées et la frontière..
L’amélioration des défenses. Le plan d’organisation défensive recrée une
ceinture fortifiée le long de la frontière. On redoute alors que les Allemands ne
cherchent à contourner ces défenses en violant la neutralité belge. Dès 1878,
les plans IV et V prennent en compte cette hypothèse. Ce n’est qu’en 1887,
avec l’achèvement des places fortifiées de première ligne et l’ouverture de
nouvelles voies ferrées, que le commandement français établit son premier
plan à caractère offensif, le plan VIII. De multiples modifications interviennent
jusqu’au plan XVII, en vigueur en 1914.
La stratégie offensive. L’armée française dispose de 44 divisions d’infanterie et
de 10 divisions de cavalerie d’active, mais la mobilisation des divisions de
réserve et des territoriaux porte les effectifs à 3 580 000 hommes. Dès que la
concentration des troupes aux frontières sera effectuée, celles-ci passeront à
l’offensive. La 1re armée doit entrer en Alsace pour y fixer des forces
allemandes. La 2e armée doit avant tout protéger Nancy. La mission de la 3e
armée est d’arrêter toute offensive en provenance de Metz. La 4e armée, tenue
en deuxième ligne, peut intervenir en soutien soit de la 2e armée, soit de la 3e
armée. La 5e armée a un rôle essentiel : se porter en Belgique pour faire face à
une éventuelle violation de la neutralité belge. Elle serait accompagnée par les
3e et 4e armées et couverte par le corps de cavalerie. Ceci prouve que Joffre a
bien pressenti la manœuvre allemande. Mais il s’est trompé sur le poids de
l’aile droite.
.
Verbatim
« La guerre est inévitable. Renforcez l’aile droite ! Renforcez
l’aile droite ! »
Derniers mots du comte von Schlieffen sur son lit de mort.
Le non-respect de ce conseil conduira à la faillite du plan
offensif allemand en 1914.
Sarajevo et les déclarations de guerre
Le 28 juin 1914, l’héritier de la couronne autrichienne,
l’archiduc François-Ferdinand, est assassiné à Sarajevo.
En à peine un mois, l’Europe bascule dans la guerre et
avec elle le monde entier, en raison de l’étendue des
empires. À part celle du pape Benoît XV, aucune voix ne
s’élève pour empêcher le massacre. Jaurès a été assassiné
par un déséquilibré : ses discours ne trouvaient plus
d’écho, les différents mouvements socialistes préférant le
nationalisme à l’internationalisme. Tout le monde trouve
un intérêt à la guerre. Les hommes d’État sont souvent
faibles : Guillaume II, Nicolas II et, dans une moindre
mesure, Poincaré se laissent dicter leurs actes par la caste
militaire.

LA MOBILISATION GÉNÉRALE EN FRANCE


Devant les risques de guerre, la France mobilise le 1er août 1914. Le président
Poincaré annonce : « La mobilisation n’est pas la guerre. » L’état-major redoute
une forte proportion de réfractaires, estimée à 13 %, en raison du poids des
mouvements anarchistes et de l’assassinat de Jaurès. Mais on recense moins
de 1,5 % de déserteurs : la mobilisation se déroule mieux que prévu. Une sorte
d’état d’euphorie entraîne tout sur son passage, du moins à Paris et dans les
grandes villes. À Saint-Cyr, la promotion de jeunes officiers jure « d’aller au feu
en grande tenue, casoar et gants blancs » ! Sur les Grands Boulevards, les
femmes accompagnent les soldats, jetant des fleurs que les hommes piquent
au bout des fusils. La foule hurle « À Berlin, à bas les Pruscos, rapportez les
moustaches à Guillaume ! » Il en va différemment dans les campagnes, où la
perspective d’une guerre inquiète. Qui va finir la moisson ? Les hommes
seront-ils rentrés à temps pour les vendanges ?

...

LE MONDE BASCULE DANS LA GUERRE


Les responsabilités dans le déclenchement de la guerre sont multiples.
Chacun a une bonne raison de faire la guerre. L’empereur d’Autriche François-
Joseph se doit de châtier les meurtriers de son neveu, puisqu’il est prouvé que
Princip a été armé par l’état-major serbe. Les Serbes trouvent inadmissible que
les Croates, les Slovènes et les Bosniaques soient maintenus de force dans un
empire détesté. La guerre permettra leur émancipation. Pour les Russes,
l’ultimatum de l’Autriche-Hongrie à la Serbie est intolérable. Celui-ci impose
au gouvernement serbe « d’éliminer tout officier ou fonctionnaire qui lui
seront désignés [par Vienne] et d’accepter la participation d’agents austro-
hongrois à l’enquête, qui devra être ouverte en territoire serbe au sujet du
crime de Sarajevo ». Les menaces russes contre l’Empire austro-hongrois sont
inacceptables pour les Allemands et les Français refusent de laisser
l’Allemagne attaquer la Russie. Et encore ne s’agit-il ici que des raisons
immédiates. Il en existe d’autres plus profondes, d’ordre économique ou
politique.
Le militaire supplante le politique. Un autre facteur important est peu évoqué
dans le déclenchement de la guerre : la médiocrité des hommes d’État et
l’effarant poids de l’armée dans les cercles politiques. Ce sont souvent les
états-majors qui arrachent aux dirigeants la déclaration de guerre. Ainsi, après
avoir voulu châtier les Serbes, Guillaume II retrouve-t-il sa raison. Devant la
réponse serbe très modérée à l’ultimatum autrichien, il déclare : « C’est plus
qu’on ne pouvait attendre ! » Au début de la mobilisation russe, il est persuadé
que la France restera neutre et ordonne à von Moltke, son chef d’état-major,
de rappeler les troupes qu’il a fait avancer vers l’ouest. Devant le refus de celui-
ci, il ordonne à un aide de camp de téléphoner aux quartiers généraux pour
arrêter l’attaque. Mais von Moltke s’y oppose à nouveau. Lorsque Guillaume II
apprend que l’Angleterre déclare soutenir la France, il lâche finalement à von
Moltke : « À présent, faites ce que vous voulez. » L’Allemagne déclare alors la
guerre à la Russie et à la France.
.

Verbatim

En conclusion
Une économie prospère qui va rendre la guerre possible
Malgré une crise passagère peu avant 1910, l’économie
mondiale est prospère en 1914. Les pays belligérants vont
donc disposer des moyens financiers et économiques
nécessaires à une guerre de très grande ampleur : ceci est
vrai non seulement de l’Allemagne, de la France et de
l’Angleterre, mais aussi de la Russie. Dans ce jeu dangereux,
ce sont néanmoins les pays qui entrent le plus tardivement
dans le conflit qui vont le mieux profiter de la guerre, les
États-Unis en étant l’exemple le plus flagrant.
Des plans d’état-major irréalistes
Ce qui frappe a posteriori lorsqu’on étudie l’année 1914,
c’est la croyance absolue, au plus haut des différents États,
dans la valeur de leurs plans militaires. Les états-majors
allemand, français, mais aussi russe et britannique,
travaillent depuis si longtemps sur la possibilité d’une
guerre qu’ils croient avoir trouvé une parade à toutes les
situations stratégiques et tactiques. Leurs plans sont si
minutieux et si bien construits intellectuellement qu’ils se
considèrent invincibles. Hélas, il suffit d’une variable non
prise en compte pour que tout se grippe.
« La légèreté et la faiblesse dans la plus terrible des guerres.
La bêtise et la maladresse de notre allié sont présentées
comme des machinations. »
Guillaume II, juillet 1914.
La guerre qui débute en août 1914 met en lice des armées d’une taille encore
jamais vue, dotées d’un armement d’une puissance jamais approchée
jusqu’alors, même lors des grands conflits récents, comme la guerre de
Sécession ou le conflit franco-prussien de 1870.
Les différents états-majors misent sur une guerre rapide, qui sera facilitée par
les chemins de fer, les automobiles et les armes nouvelles, comme la
mitrailleuse. Certes, chacun sait que l’adversaire est, lui aussi, fort bien équipé,
mais les Allemands pensent l’emporter grâce à leur rapidité de mouvement à
travers la Belgique, tandis que les Français sont certains que l’offensive à
outrance va très vite mettre l’ennemi à genoux.
Pourtant, les beaux plans montrent leur limite : l’offensive de Joffre se heurte à
des corps de réserve allemands qui n’auraient pas dû se trouver devant les
armées françaises. La route de Paris semble alors ouverte aux Allemands qui,
dans leur précipitation, oublient toute prudence. Le réveil sur la Marne sera
douloureux.
Les avancées allemandes : le plan Schlieffen
Lorsque l’armée allemande pénètre en Belgique, le
commandement français n’est pas surpris, mais il se
trompe complètement sur la puissance de l’aile droite
allemande. Les Belges, qui croient encore à la solidité des
nombreux forts qui bordent la frontière allemande,
notamment à Namur et à Liège, vont vite constater que
l’artillerie lourde allemande écrase les fortifications les
plus solides. Joffre, quant à lui, pense que l’étirement des
lignes allemandes va lui permettre de répéter la bataille
d’Austerlitz et de frapper l’ennemi au centre pour le
couper en deux. La présence des corps de réserve
allemands en décidera autrement.

LES FORCES ET LES FAIBLESSES DE L’ARMÉE FRANÇAISE


Le poids des effectifs et de l’optimisme. Au moment où s’ouvre la bataille des
frontières, l’armée française aligne 3 700 000 hommes mobilisés, dont 800 000
d’active, parfaitement entraînés. Les autres sont des réservistes et des
territoriaux, que l’on pense affecter à des opérations secondaires. Cela
représente 84 divisions d’infanterie, dont 47 d’active, 10 divisions de cavalerie
et 950 batteries de 75 mm. Le moral des troupes est excellent, le canon de 75
est le meilleur canon de campagne au monde et le fusil Lebel, malgré ses
défauts, permet une cadence de tir de douze coups à la minute.
Un équipement obsolète et en infériorité numérique. Au niveau de l’uniforme
et de l’équipement, le tableau est plus sombre : le sac est beaucoup trop
lourd, le pantalon rouge est une cible parfaite dans les champs de blé. Il n’a
été conservé que parce qu’il était « seyant » et qu’il fallait offrir un débouché à
la garance du Midi (à la base du colorant rouge).
L’armée française ne dispose que de six mitrailleuses par régiment, contre
douze chez les Allemands. Dans le domaine de l’artillerie, la parité n’existe
même pas dans les pièces de campagne : 5 000 canons de 77 chez les
Allemands, seulement 4 000 pour les Français. C’est bien pire pour l’artillerie
lourde : 300 pièces dans l’armée française contre 3 500 chez les Allemands. Les
munitions d’artillerie manquent et l’aviation française est surclassée par
l’allemande, en nombre (136 appareils contre 250) et en qualité.

...

LA BATAILLE DES FRONTIÈRES


La bataille des frontières, qui se livre du 17 au 24 août 1914, est un désastre
pour l’armée française. Ceci s’explique, outre par l’infériorité française en
artillerie lourde, par les erreurs du commandement français. Joffre croit
impossible l’utilisation par l’armée allemande de ses corps de réserve en
première ligne. Du coup, il sous-estime gravement la force de l’adversaire,
évaluant ses effectifs à 46 divisions au lieu de 68. Les Français attaquent donc
en moins grand nombre. Leur infériorité dans le domaine tactique est plus
criante encore : la doctrine à la mode dans l’état-major est l’offensive à
outrance, prônée par le colonel de Grandmaison.
Quelques slogans en disent long sur son ineptie : « Vaincre, c’est avancer » ou,
pis encore, « Il faut pousser l’esprit offensif jusqu’à l’excès » et « L’imprudence
est la meilleure des sûretés ». Mais lorsque des milliers de soldats au pantalon
rouge sont fauchés par les mitrailleuses et l’artillerie lourde, ce n’est plus
d’imprudence qu’il s’agit, mais de suicide.
...

LA RETRAITE ALLIÉE
Après l’hécatombe de la bataille des frontières – l’armée française compte 30
000 morts rien que le 22 août 1914 –, les Allemands pensent avoir le champ
libre pour exécuter la manœuvre Schlieffen. Joffre ordonne un repli généralisé.
Dès le 25 août, il télégraphie au ministre de la Guerre : « Notre but doit être de
durer le plus possible, en nous efforçant d’user l’ennemi. »
Il n’est pas encore question d’user l’ennemi, mais de le ralentir. C’est ce que
fait la place forte de Maubeuge, complètement encerclée et dont les forts en
maçonnerie sont détruits les uns après les autres. Les Britanniques au Cateau
et les Français à Guise mènent deux actions retardatrices qui permettent un
repli en bon ordre des armées alliées. Joffre leur enjoint de se rétablir au sud
de la Marne pour y affronter l’ennemi dans une bataille qui sera décisive et
dont dépendra sans doute le sort de la guerre.
.
Verbatim
« Les états-majors en étaient restés au fusil à pierre ; ils
pensaient couper l’armée allemande en deux… Les canons
et les mitrailleuses ont flanqué tout ça cul par-dessus tête :
un carnage ! »
Colonel Alerme.
La bataille de la Marne (I)
La bataille de la Marne est souvent appelée le « miracle de
la Marne », tant il est vrai qu’une victoire française
semblait impossible. L’offensive allemande se déroule
conformément au plan Schlieffen modifié par von Moltke.
Les armées françaises, battues aux frontières, se replient
vers le sud. L’aile droite allemande avance vite en
refoulant les Français entre Paris et Verdun. Certes, le
repli français se déroule en bon ordre et ceci ne peut
échapper aux avions de reconnaissance allemands. Pour
hâter la fin, le général von Kluck, commandant de la 1re
armée allemande, décide de ne plus appliquer le plan
Schlieffen à la lettre.

PARIS SE PRÉPARE À LA BATAILLE


Alors que les armées allemandes s’approchent de Paris, un vent de panique
souffle sur les ministères. Joffre et Millerand, le ministre de la Guerre,
souhaitent déclarer Paris « ville ouverte ». Mais Viviani, le président du Conseil,
refuse et nomme le général Gallieni gouverneur de Paris. Celui-ci obtient la
formation d’une armée autonome, chargée de la défense de la ville.
Le 2 septembre, le gouvernement part pour Bordeaux. Gallieni fait afficher une
sobre déclaration : « J’ai reçu le mandat de défendre Paris contre l’envahisseur.
Ce mandat, je le remplirai jusqu’au bout. » Le 3, des aviateurs français voient
l’aile droite allemande délaisser Paris pour marcher vers le sud-est. Gallieni
ordonne alors à la 6e armée de Maunoury de frapper le flanc de la 1re armée
allemande, ce qui a pour effet de l’arrêter. Du coup, Joffre ordonne de mettre
fin à la retraite et de contre-attaquer immédiatement. Une immense bataille
débute.
.
Verbatim
« Que des hommes ayant reculé pendant dix jours […]
puissent reprendre le fusil et attaquer au son du clairon, il
n’[en] a jamais été question dans nos écoles de guerre. »
Général von Kluck, à propos du soldat français de la Marne.
La bataille de la Marne (II)
Pendant que la 1re armée allemande abandonne l’axe de
son avance vers le sud-est, de peur d’être prise à revers
par la 6e armée du général Maunoury, les autres armées
allemandes continuent la poursuite des troupes
françaises, ouvrant une brèche dans le dispositif allemand.
Pour que les Alliés puissent en profiter, encore faut-il
qu’ils parviennent à se rétablir sur la Marne pour repartir
vers le nord. La tâche est difficile, car la pression
allemande est énorme. Elle n’a pourtant plus le même
poids qu’au début du mois en Belgique, car les armées
allemandes se trouvent à présent très loin de leur ligne de
départ.

LA VICTOIRE ALLIÉE DE LA MARNE


Une contre-offensive audacieuse. La contre-offensive générale du 6
septembre est difficile à mettre en place : il n’est pas aisé pour une armée en
retraite de faire volte-face. Toutes les armées alliées jouent un rôle important
dans la victoire de la Marne : la 6e, qui a arrêté la 1re armée allemande, mais
aussi le corps expéditionnaire britannique (BEF) et la 5e armée, qui
s’engouffrent dans la brèche de 50 kilomètres ouverte entre les 1re et 2e
armées allemandes. Devant la menace, le général von Bülow, qui commande
la 2e armée, arrête aussi ses troupes.
Une réaction en chaîne débute. Le commandement allemand commence à
perdre pied : la parfaite mécanique s’enraye et il n’y a pas de solution de
rechange. Le général von Moltke envoie un émissaire, le colonel Hentsch,
pour prendre le pouls auprès de chacun des commandants d’armée sur le
terrain. Il est chargé par le général en chef allemand de coordonner la retraite.
Or, aux 5e, 4e et 3e armées, aucun repli n’a débuté. Mais les perspectives sont
peu encourageantes en raison de la surprenante volte-face française. À la 2e
armée, la crainte d’un enveloppement par les Français et les Britanniques est
telle que von Bülow, avec l’assentiment de Hentsch, ordonne le repli de ses
troupes vers le nord-est.
La défaite allemande. Quand Hentsch atteint finalement le QG de la 1re armée,
il y trouve une atmosphère lugubre : von Kluck craint d’être encerclé sous peu
et lui aussi ordonne la retraite. En raison de la présence des Britanniques et des
Français à sa gauche, il ne peut se replier que vers le nord, ce qui a pour effet
d’agrandir encore plus la brèche entre son armée et celle de von Bülow. Dès
lors, la défaite allemande est consommée. Pour qu’elle se transforme en
déroute, il faudrait que la poursuite soit menée avec vigueur et rapidité. Mais
les troupes françaises ont énormément souffert depuis le mois d’août et la
victoire de la Marne a elle aussi été très coûteuse en vies humaines. Le repli
allemand s’effectue donc en ordre.

.
Verbatim
« Une seule chose est certaine. Notre état-major général a
complètement perdu la tête. Les notes de Schlieffen ne
sont plus d’aucune utilité et, du coup, le génie de Moltke a
disparu. »
Général von Falkenhayn, septembre 1914.
Les défaites russes
Le rouleau compresseur russe, dans l’imaginaire
populaire, devait soulager les armées françaises en
frappant les Prussiens dans le dos. Dès le début des
hostilités, les rumeurs les plus folles circulent. Les
cosaques, dit-on, ne sont plus qu’à deux jours de marche
de Berlin. Pourtant, du côté allemand, la crainte de
l’offensive russe est minime. Schlieffen avait évalué à six
semaines le temps nécessaire à la Russie pour mobiliser et
regrouper ses troupes. En attendant, la frontière de la
Prusse-Orientale ne sera tenue que par un rideau de
troupes. Mais les Russes sont prêts plus tôt que prévu et
entrent sur le territoire allemand dès le 20 août 1914.

LES RUSSES PÉNÈTRENT EN PRUSSE-ORIENTALE


Une mobilisation rapide. En signant une convention militaire avec la France, la
Russie s’engage à mettre en œuvre une force de 800 000 hommes dès le
quinzième jour de la mobilisation. Le plan russe consiste en une offensive
principale contre l’Autriche, avec une forte diversion contre le territoire
allemand. Dès le début des hostilités, le gouvernement français demande
avec insistance l’intervention russe en Prusse. Les Russes ne peuvent tenir les
délais fixés par le traité franco-russe, mais ils font tout leur possible pour
attaquer au plus vite, en fait avant même d’être prêts.
Gumbinnen et Tannenberg. Les Russes pénètrent en Prusse avec deux
armées, séparées l’une de l’autre par la région des lacs Mazures, impraticable.
La 1re armée russe entre la première en territoire allemand et marche sur
Königsberg. Le général von Prittwitz l’attaque aussitôt, mais avec des effectifs
insuffisants et sans connaître sa position exacte. L’offensive allemande est
sèchement repoussée, avec de lourdes pertes de part et d’autre, le 20 août
1914 à Gumbinnen.
Ce succès en est suivi d’un second, lorsque la 2e armée russe entre en Prusse-
Orientale par le sud, en direction de Tannenberg. Le général von Prittwitz
redoute alors de ne pouvoir se maintenir que sur la Vistule et il le fait savoir à
von Moltke. La lenteur russe le fait changer d’avis, mais trop tard : il est
remplacé par le général von Hindenburg et son second, le général Ludendorff
, qui décident de passer à la contre-offensive.
...
LES VICTOIRES ALLEMANDES EN PRUSSE-ORIENTALE
Le 26 août 1914, Ludendorff ordonne à l’un de ses généraux, von François, de
passer à l’attaque contre la 2e armée russe. Le premier jour, une partie de l’aile
droite russe est contrainte à la retraite et une division perd complètement
pied, acculée près d’un lac où nombre de soldats se noient. Le 27, von
François attaque l’aile gauche, ce qui provoque la panique dans les rangs
russes. Le général Samsonov n’en tient pas compte et lance son centre en
direction de Tannenberg, l’exposant ainsi aux attaques des Allemands.
Le 28, l’avance russe est bloquée et von François profite de la position de la 2e
armée pour lui couper la route de la retraite. Les Russes sont alors pris dans
une nasse dont ils ne peuvent s’extraire et ils se rendent par dizaines de
milliers, tandis que Samsonov se suicide. Battue devant les lacs Mazures en
septembre, la 1re armée russe est contrainte à abandonner la Prusse-Orientale.
La victoire allemande est complète.
...

LES RUSSES S’EMPARENT DE LA GALICIE


Si les armées russes subissent une double défaite en Prusse-Orientale, elles
prennent leur revanche en Galicie, près de Lemberg (aujourd’hui Lvov). Les
opérations dans ce secteur commencent dès le 15 août 1914 par une avance
en profondeur de la cavalerie austro-hongroise. Le général Conrad cherche à
localiser l’ennemi. Constatant, à la lumière des premiers rapports, que les
Russes ne semblent pas nombreux en Pologne, il lance ses armées vers le
nord.
Mais les Russes, retardés par leur mobilisation, sont nombreux à l’est. Ils
attaquent bientôt à leur tour, en direction de Lemberg, et menacent toutes les
lignes de communication autrichiennes. Conrad rappelle une partie de ses
troupes pour protéger Lemberg, mais il est trop tard.
Après un mois de combats, les Autrichiens doivent abandonner toute la
Galicie, perdant 350 000 hommes sur 900 000. Jamais l’armée autrichienne ne
s’en remettra.
.
Verbatim
« Il est naturel et indispensable qu’en vertu de nos
obligations nous soutenions les Français […] en prononçant
notre attaque contre les forces allemandes en Prusse-
Orientale. »
Grand-duc Nicolas, commandant en chef des armées russes.
La course à la mer
La bataille de la Marne marque le principal tournant de la
guerre, mais n’a rien de décisif. Si les armées allemandes
ont été arrêtées et battues, elles ne sont aucunement
détruites et se replient en bon ordre pour s’établir
derrière l’Aisne. Là, elles s’enterrent dans des réseaux de
tranchées. Les assauts alliés ne parviennent nulle part à
rompre ce système défensif et le front se fige assez
rapidement de Verdun à Soissons. Il reste un peu plus
mobile dans l’Est, où la pression allemande demeure forte.
Pour échapper à cette stagnation, les belligérants vont
s’efforcer de se contourner par le seul secteur encore
ouvert : le nord-ouest de la France. Ainsi débute la course
à la mer.
UN FRONT CONTINU, DE LA MER DU NORD À LA FRONTIÈRE SUISSE
Le début de la guerre de tranchées. Lorsque les Allemands s’établissent sur les
hauteurs du Chemin des Dames, dans l’Aisne, les troupes alliées viennent
buter dans des défenses solides, de profonds réseaux de tranchées. La
tranchée n’est pas une innovation : elle existe depuis longtemps, mais elle
était réservée jusqu’alors à la guerre de siège. C’est la voir apparaître ainsi en
rase campagne qui est une nouveauté.
En octobre 1914, elle représente un obstacle insurmontable pour les Alliés,
épuisés par l’effort et les pertes gigantesques subies depuis deux mois. Les
deux adversaires, d’ailleurs, manquent de munitions et de ressources, car ils
avaient prévu une guerre courte et ils ne sont pas en mesure de livrer à
nouveau une bataille de grande envergure.
La course à la mer. Puisqu’on ne peut passer en force, on tournera l’adversaire
par l’ouest, là où le front n’existe pas encore. Les effectifs ne sont jamais
suffisants pour que l’adversaire puisse être tourné et les tentatives dans la
Somme échouent. Les armées reprennent leur mouvement tournant en
remontant vers le nord, mais c’est toujours le même échec : devant Arras,
devant Lille, à Ypres, à Nieuport. Chaque fois, la bataille se termine de la même
façon : lorsque l’avance est bloquée par l’infanterie adverse, l’assaillant, qu’il
soit allemand ou allié, est contraint à son tour de s’enterrer. Et, en novembre
1914, les tranchées atteignent les rivages belges.
Le front est figé de la mer du Nord à la frontière suisse.
...
LA BELGIQUE, CHAMP DE BATAILLE DE L’AUTOMNE 1914
En août 1914, la petite armée belge n’a pu tenir longtemps face aux forces
allemandes. Après la capture des places fortifiées frontalières, elle s’est repliée
sur Anvers, derrière sa ligne de puissants forts.
Pendant plusieurs semaines, les Allemands sont occupés en France et ne
tentent rien contre Anvers. Fin septembre, avec une artillerie lourde d’une
puissance encore jamais vue, ils détruisent un à un les forts belges. La
situation devient intenable et l’armée belge fuit le long de la frontière
néerlandaise jusqu’à l’Yser. Anvers tombe le 9 octobre.
Les Allemands tentent alors de rompre le front allié à Ypres et à Dixmude.
Pendant près d’un mois, ils se ruent à l’assaut des lignes franco-britanniques,
dans ce qu’on appelle la « mêlée des Flandres ». Le paroxysme de la bataille
se situe durant la première quinzaine de novembre et, plus d’une fois, le front
allié menace de s’effondrer. Mais les pertes allemandes sont telles qu’ils
renoncent finalement.
.
Verbatim
« Qu’est-ce qui se passe ? Personne n’en sait rien. On tient,
on nous a demandé de tenir. Nous tenons. C’est là comme
un commandement de Dieu. Entre-temps, la mort fait ses
ravages. »
Max Deauville, médecin militaire belge, octobre 1914.
La stabilisation du front
Lorsque le premier hiver de guerre débute, la France a
sauvé l’essentiel : elle a échappé à la défaite, elle a partout
contenu l’adversaire. La propagande encense le général
Joffre, le vainqueur de la Marne (qui prend d’ailleurs soin
d’occulter totalement le rôle de Gallieni et de Maunoury
dans la victoire). Pourtant, le moral de la nation n’est pas
aussi magnifique que la presse le laisse entendre. Les
pertes humaines sont terrifiantes : plus de 300 000 tués
et 600 000 blessés, prisonniers et disparus, soit 900 000
hommes hors de combat dans l’armée française, alors que
l’armée allemande, qui se bat sur plusieurs fronts, a perdu
moins de 750 000 hommes.
LE PREMIER HIVER DE GUERRE
Les intempéries de l’hiver ne sont pas la seule cause du ralentissement des
opérations. Les pertes terribles obligent à refondre les unités et la débauche
en munitions a entraîné une grave pénurie d’obus. Ceci ne semble pas gêner
le commandement français, qui lance encore en décembre 1914 une série
d’attaques, notamment dans la Somme.
Le général Joffre lance une expression qui connaît un grand succès auprès de
la presse : « Je les grignote. » Mais ce « grignotage » est une hérésie tactique :
Joffre et l’état-major ne s’intéressent plus aux grandes batailles d’envergure.
Sur les cartes d’état-major à grande échelle, les dimensions sont trompeuses :
une avance de 50 mètres apparaît comme une victoire. Joffre multiplie donc
les attaques locales : en Alsace au Linge et au Vieil-Armand, en Lorraine à Bois-
le-Prêtre, aux Éparges, à Vauquois et en Argonne, mais aussi dans l’Aisne, dans
l’Oise et la Somme, à Notre-Dame-de-Lorette en Artois, etc. Partout, les gains
territoriaux sont dérisoires et les pertes effrayantes.
Le haut commandement a perdu tout contact avec la réalité et échappe
presque totalement au contrôle politique. Ainsi le président Poincaré se
plaint-il dans ses mémoires qu’il ne peut obtenir de Joffre le chiffre des pertes
de l’armée française.
Un exemple de tuerie. Le village de Vauquois, entre la forêt d’Argonne et
Verdun, est le théâtre d’une de ces actions de détail. Fin septembre 1914, les
Allemands occupent cette position clé, que la 3e armée cherche à récupérer.
Les 28 et 29 octobre, la première tentative française, menée sans aucun tir
d’artillerie, échoue. À la mi-février 1915, le général Sarrail lance une nouvelle
attaque, cette fois soutenue avec de l’artillerie et des mines. Un bataillon
prend pied dans le village, pour en être rejeté une heure plus tard. Le 28
février, nouvel échec. Les hommes sont renvoyés dans la fournaise le
lendemain. Le village est repris, mais la contre-attaque allemande rejette les
Français aux lisières sud. C’est là que le front se stabilise pour quatre ans. La
guerre des mines réduira à néant le village.
...

YPRES : LA PREMIÈRE ATTAQUE AUX GAZ


Premiers à creuser les tranchées qui ont mis fin à la guerre de mouvement, les
Allemands sont imités par les Alliés. La reprise de l’offensive est difficile pour
tous les belligérants. Les Allemands ont recours à des armes nouvelles : le
lance-flamme et, surtout, les gaz de combat. Ils s’en servent la première fois à
Ypres, le 22 avril 1915. Le vent étant favorable, des bonbonnes de gaz toxique
(du chlore) sont ouvertes et un nuage mortel envahit les tranchées françaises.
Les masques à gaz n’existant pas, la première ligne française s’effondre. La
route d’Ypres est ouverte.
Les gaz, une arme médiocrement efficace. Malgré une brèche de 5 kilomètres
ouverte dans les lignes alliées, les Allemands ne progressent pas assez pour
atteindre Ypres. Le 23 avril, les contre-attaques alliées rétablissent une
continuité au front. Certes, l’avance allemande force les Alliés à raccourcir leurs
lignes devant Ypres, mais la ville tient. Les Allemands constatent que
l’efficacité des gaz en bonbonne est relative : il faut attendre un vent favorable
et le déplacement des bonbonnes est malaisé. À partir de mai 1915, les
belligérants améliorent l’usage des gaz, car les Alliés, après avoir clamé leur
indignation, les utilisent à leur tour. Des gaz plus efficaces font leur apparition
et, surtout, des obus à gaz, qui permettent l’utilisation de l’arme en toutes
circonstances. Les gaz ne seront néanmoins jamais l’arme absolue sur le
champ de bataille.
.

Verbatim
« La guerre n’est pour l’historien qu’un synchronisme de
dates ; pour les chefs, elle représente un formidable labeur
[…]. Mais pour le soldat, la guerre n’est qu’un long tête-à-
tête avec la mort. »
P. Chaine, Mémoires d’un rat.
Les offensives alliées de 1915
Devant l’échec du « grignotage », Joffre décide de lancer
des offensives de grande envergure en Artois et en
Champagne afin de provoquer la rupture du front, mais
aussi d’aider les Alliés de la France, Russes et Italiens
notamment. Toutes ces attaques échouent. André
Ducasse en résume les raisons : « Préparations d’artillerie
insuffisantes […] ; attaques trop partielles, qui exposaient
nos positions les plus avancées […] ; lignes trop denses de
tirailleurs, suivies de colonnes massives, s’avançant à
découvert en rase campagne […] ; infériorité de
l’armement d’infanterie par manque de grenades,
mauvaise fabrication des canons. »

L’OFFENSIVE D’ARTOIS
L’offensive lancée par l’armée d’Urbal le 9 mai 1915 en Artois est le symbole
même d’une attaque gâchée. Elle est pourtant d’une importance capitale
pour la suite de la guerre, en raison de la personnalité de l’un des
protagonistes, le général Pétain.
Après quatre heures de bombardement intense, quatre corps d’armée se
lancent à l’assaut au nord d’Arras. Dans un splendide effort, les assaillants
parviennent à s’emparer de la première ligne allemande sur six kilomètres de
large et, sur le front du 33e corps du général Pétain, sur trois à quatre
kilomètres de profondeur. Le succès est important et les hommes de Pétain se
retrouvent en terrain libre, sans aucun obstacle devant eux. Mais ils sont isolés
en avant et les réserves, qui auraient permis d’exploiter la victoire, sont
gardées trop loin en arrière par le haut commandement. Ainsi, « l’heure
fugitive de la percée » passe, comme l’écrit Pétain dans son rapport.
Les Allemands font accourir des renforts et la bataille s’enlise. En une semaine,
les pertes françaises atteignent les 17 000 tués, 60 000 blessés, 20 000
disparus. Lorsque l’offensive s’éteint, le 17 juin, l’avance n’a pas dépassé trois
kilomètres de profondeur.
Le fiasco est complet car aucun des objectifs n’a été conquis. Le 33e corps de
Pétain s’est bien emparé de la crête de Vimy – une position stratégique de
première importance – mais, faute de renforts, il n’a pu s’y maintenir.
Cette victoire, certes éphémère, fait beaucoup pour la réputation du général
Pétain.
...

LA GRANDE OFFENSIVE DE CHAMPAGNE


L’offensive du 25 septembre 1915 en Champagne est la plus puissante lancée
par les armées françaises depuis la bataille de la Marne, un effort d’autant plus
important qu’il est accompagné d’une autre attaque d’envergure en Artois.
Les effectifs parlent d’eux-mêmes : 19 divisions en première ligne, 4 en
seconde, 12 en réserve, sans oublier 3 corps de cavalerie pour l’exploitation du
succès. Si l’on ajoute 18 divisions françaises en Artois (aux côtés de 18 divisions
britanniques), cela représente les trois quarts de l’armée française.
La préparation d’artillerie est sans commune mesure avec ce qui s’est fait
jusqu’alors : 900 canons lourds sont présents en Champagne, 700 en Artois (y
compris les Britanniques). Le bombardement préliminaire dure 75 heures,
pendant lesquelles 3 millions d’obus lourds sont tirés.
L’offensive débute bien. Les soldats, avec le nouvel uniforme bleu horizon et
le casque Adrian, croient un moment que la victoire est proche. Le 28
septembre, la deuxième ligne allemande est atteinte mais résiste, notamment
sur certains points puissamment organisés, comme la Main de Massiges, les
buttes du Mesnil et de Tahure.
Le 29, le commandement croit le front percé en un point et lance la cavalerie.
Mais, note le général Serrigny, « la percée n’avait jamais été faite que dans
l’imagination de quelques chefs trop enclins à prendre leurs désirs pour des
réalités… Cette galéjade eut des conséquences formidables. Elle fit tuer en
pure perte des milliers d’hommes. » Les troupes et la cavalerie sont lancées
contre une deuxième ligne intacte ; il se forme devant les barbelés un
embouteillage gigantesque sur lequel l’artillerie allemande ouvre le feu.
Devant ce désastre, le général de Castelnau suspend l’offensive, mais Joffre lui
ordonne de la reprendre le 6 octobre 1915. Cette fois encore, la préparation
d’artillerie est massive, avec des pièces à tir courbe idéales pour tirer dans les
tranchées. La deuxième position allemande est rompue à plusieurs reprises,
mais les Allemands parviennent à colmater les brèches. L’offensive s’éteint
sans qu’aucune victoire décisive n’ait été remportée. La déception est
considérable du côté français, car il s’agissait de la première offensive vraiment
bien préparée depuis le début de la guerre de positions.
Sur le front anglais, à Loos-en-Gohelle, en Artois, la première offensive
d’ampleur de l’armée britannique, lancée en même temps que la bataille de
Champagne, n’est pas couronnée de plus de succès. Là encore, les défenses
allemandes semblent invincibles.

.
Verbatim
« Comment pouvions-nous user l’ennemi, alors que nous
perdions trois ou quatre fois plus d’officiers et jusqu’au
double d’hommes de troupe au cours de nos offensives ? »
Winston Churchill, à propos des offensives de 1915.
La Turquie en guerre et les Dardanelles
La Turquie entre en guerre aux côtés des puissances
centrales en octobre 1914. Dès le mois de janvier 1915, le
Premier lord de l’Amirauté, Winston Churchill, présente
un plan d’attaque de la Turquie, avec occupation des
détroits du Bosphore et des Dardanelles. Ce plan vise en
fait à contrecarrer les ambitions de deux pays : la Turquie,
évidemment, mais aussi la Russie… alliée de l’Angleterre,
ce qui n’est pas sans poser de grands risques de rupture
au sein de l’Entente. Les Britanniques veulent interdire
tout accès à la Méditerranée aux Russes. L’opération des
Dardanelles sera un fiasco complet, révélant en outre de
graves divergences entre les Alliés.

LE PLAN BRITANNIQUE AUX DARDANELLES


Churchill pense remporter une victoire décisive contre l’Empire ottoman, ce
qui permettrait de sortir du statu quo qui prévaut sur le front Ouest depuis le
début de la guerre des tranchées. Pour cela, il imagine un forcement du
détroit des Dardanelles par la flotte alliée, puis de celui du Bosphore, pour se
présenter devant Constantinople, alors capitale turque. Il a aussi une arrière-
pensée, partagée par les membres du gouvernement britannique : interdire
l’accès de la Méditerranée à la Russie. Celle-ci, en effet, rêve depuis Pierre le
Grand et Catherine II de conquérir les Dardanelles et le Bosphore. L’entrée en
guerre de la Turquie aux côtés de l’Allemagne offre aux Russes une occasion
inespérée de réaliser ce projet. Les positions anglaise et russe étant
diamétralement opposées, tout accord semble d’abord impossible. Puis après
de longues négociations, les Britanniques cèdent : en cas de succès,
Constantinople sera laissée aux Russes.
...

L’ÉCHEC DE LA PHASE NAVALE DE L’OPÉRATION


Un début encourageant. Le 18 mars 1915 à 11 h 30, la flotte alliée entre dans
le détroit des Dardanelles pour le forcer. Elle est composée de cuirassés assez
anciens, les navires les plus modernes étant conservés en Angleterre ou pour
le blocus de la marine autrichienne à Corfou. Les cuirassés ouvrent le feu sur
les forts turcs qui protègent le détroit. Ceux-ci répliquent ; après une heure de
bataille, le cuirassé Gaulois est touché sous la ligne de flottaison et doit se
retirer. Plusieurs autres navires sont atteints, mais seul l’Inflexible est obligé de
quitter son poste pour éteindre des incendies qui se sont déclarés à son bord.
Vers 14 heures, les forts turcs ont, semble-t-il, beaucoup souffert des tirs. Des
dragueurs de mines sont envoyés en avant pour ouvrir plusieurs passages
dans les champs de mines. Tout semble se dérouler favorablement et les
rapports envoyés par l’armée turque à Constantinople sont particulièrement
pessimistes.
Une fin dramatique. À ce moment, le cuirassé français Bouvet est secoué par
une terrible explosion. Il chavire et coule en moins d’une minute, entraînant
avec lui presque tout son équipage. Il a sauté sur une mine. Dès lors, les
événements les plus dramatiques se succèdent. Les dragueurs de mines,
soumis à un intense feu d’artillerie, font demi-tour. Le cuirassé britannique
Inflexible indique à 4 h 11 qu’il a touché une mine et qu’il commence à gîter
de façon inquiétante. Trois minutes plus tard, l’Irresistible prévient qu’il vient
d’être torpillé. L’amiral de Robeck, qui commande la flotte alliée, ordonne alors
l’abandon de l’opération. Il est plus que temps, car le cuirassé Ocean est
touché à son tour. Secoué par une explosion interne, il commence à dériver
dans le détroit jusqu’à ce qu’il coule.
La phase navale de l’opération se termine ainsi sur un fiasco. Il n’y aura pas de
nouvelle tentative le lendemain. Pourtant, si les forts turcs étaient intacts, il ne
leur restait presque plus de munitions.
...
LA GUERRE DES TRANCHÉES À GALLIPOLI
Puisque les cuirassés n’ont pu se frayer eux-mêmes un passage dans les
détroits, l’infanterie va les aider en prenant les forts à revers. Voici en
substance le nouveau plan allié. L’idée aurait pu paraître séduisante si elle
avait été mise en œuvre dès le lendemain de l’attaque navale. Les Alliés ne
sont pas prêts et il leur faut plus d’un mois pour regrouper leurs troupes et les
navires qui vont les débarquer. Ce laps de temps est mis à profit par les Turcs
et les Allemands – qui fournissent des officiers et prennent le commandement
sur le terrain, avec le général Liman von Sanders – pour préparer la défense
des côtes, principalement la péninsule de Gallipoli, qui est la plus exposée.
Le débarquement se produit le 25 avril 1915. Les Turcs sont prêts et les pertes
alliées sont lourdes. Néanmoins, deux têtes de pont sont établies et agrandies
les jours et les semaines suivantes, sans qu’aucune percée ne soit accomplie.
Là aussi, la guerre des tranchées empêche tout mouvement en profondeur.
Les Britanniques tentent de tourner les positions turques par un nouveau
débarquement, le 7 août, mais sans meilleur résultat.
La bataille s’enlise comme sur le front Ouest, à ceci près que les conditions y
sont encore pires, en raison de la chaleur, de l’exiguïté des têtes de pont, de la
malaria. Après plusieurs mois de combats sans issue, les Alliés remportent leur
seul succès aux Dardanelles : ils parviennent à rembarquer assez discrètement
pour éviter qu’une attaque turque ne transforme cet abandon en déroute.

Verbatim
« Maudites Dardanelles ! Elles seront notre tombe. »
Lord Fisher of Kilverstone, Premier lord de l’Amirauté.
L’Italie en guerre
Une fois la guerre déclarée, plusieurs pays hésitent à
s’engager dans la fournaise. Le Japon, dès le 23 août,
rejoint les Alliés. Le 31 octobre, la Turquie embrasse la
cause des puissances centrales. Trois autres pays sont
incertains, à tel point qu’on les désignera comme la
« Triple-Attente » ! Il s’agit de l’Italie, de la Roumanie et de
la Grèce. L’Italie, bien que liée à la Triple-Alliance, n’est
pas entrée en guerre en août 1914. Elle attend de voir de
quel côté le vent tourne, selon le principe énoncé par le
gouvernement italien : toute décision sera dictée
uniquement « par l’égoïsme sacré de l’Italie ».

LE VERDUN ITALIEN
Les hésitations italiennes ont terni leur engagement dans la Première Guerre
mondiale, ce qui ne rend pas justice aux sacrifices consentis par les soldats
italiens. Et pourtant, les batailles de l’Isonzo sont plus coûteuses aux Italiens
que la bataille de Verdun aux Français. Les offensives de l’Isonzo sont
destinées à ouvrir la route de Trieste. La première attaque est lancée le 23 juin
1915, avec des effectifs en infanterie supérieurs à ceux des Autrichiens, mais
avec une nette infériorité en artillerie. Les succès ne peuvent donc être que
très limités et acquis au prix de pertes effrayantes. En juillet, les Italiens lancent
une deuxième offensive, qui n’obtient pas plus de résultats. Du 10 octobre au
5 décembre, les Italiens livrent les troisième et quatrième offensives de
l’Isonzo. Une fois encore, la préparation d’artillerie est insuffisante pour venir à
bout des défenses autrichiennes.
En mars 1916, une cinquième offensive échoue. À l’automne, la reprise des
attaques se fait à un rythme effréné, puisque les septième, huitième et
neuvième offensives de l’Isonzo sont lancées du 14 septembre au 7
novembre. La percée tant attendue ne se produit pas, mais les Italiens
s’approchent de plus en plus de Trieste, dont ils atteignent les défenses. En
mai 1917, sentant la victoire possible, le général Cadorna lance un assaut
d’une ampleur jamais vue… mais sans succès et avec des pertes terribles : 157
000 hommes ! La onzième bataille de l’Isonzo, en août 1917, n’emporte
toujours pas la décision. Et tout le terrain gagné au prix de pertes immenses
sera perdu en quelques jours.
...

LE CHOIX D’UNE ALLIANCE


Lorsque les premiers succès allemands montrent la puissance de la Triple-
Alliance, l’Italie donne des signes de sympathie aux puissances centrales. Mais
la victoire française sur la Marne et les défaites autrichiennes en Galicie ont
l’effet inverse. Les Italiens réaffirment donc leur neutralité. Or, l’Italie veut
essentiellement dominer l’Adriatique, ce qui va à l’encontre des intérêts
autrichiens, certes, mais aussi de la Serbie. Elle veut aussi récupérer Trente et
Trieste, en territoire autrichien. Jusqu’au bout, les Italiens négocient à la fois
avec Paris et Berlin. Les Autrichiens ne sont pas disposés à laisser aux Italiens
Trente et Trieste. Ce qui fait finalement pencher l’Italie vers les Alliés, c’est la
puissance des manifestations populaires en faveur d’une guerre contre
l’Autriche, qui est finalement déclarée le 23 mai 1915.
Un an plus tard, jour pour jour, l’Italie déclare la guerre à l’Allemagne
...

CAPORETTO : DÉSASTRE ITALIEN


Les assauts italiens répétés sur l’Isonzo épuisent aussi l’armée autrichienne, qui
se trouve dans un grand état de faiblesse à l’automne 1917, à tel point que les
Allemands décident d’intervenir directement sur le terrain.
Ludendorff n’a aucun désir d’envoyer sur place quelques-unes de ses
précieuses divisions pour qu’elles restent sur la défensive à attendre les
attaques italiennes. Il ordonne qu’elles soient utilisées pour une offensive. La
14e armée autrichienne est alors constituée, avec 8 divisions autrichiennes et 7
divisions allemandes. Elle est placée sous les ordres du général allemand von
Below. Des réserves substantielles sont placées en arrière, avec un total de 37
divisions, dans un secteur du front où les Italiens n’en alignent que 25.
La débâcle italienne. Le 24 octobre 1917, les quelque 3 000 pièces d’artillerie
autrichienne ouvrent le feu sur les lignes italiennes, avec des obus explosifs et
des obus à gaz. Le bombardement dure plus de six heures et de nombreuses
unités italiennes se débandent.
Dès le premier jour, les Austro-Allemands capturent 10 000 hommes à
Caporetto. Le lendemain, la percée devient plus profonde et 30 000 Italiens
sont capturés, avec 300 canons. Plus rien ne semble pouvoir arrêter les
Allemands et les Autrichiens : les troupes italiennes sont alors obligées
d’abandonner le terrain si chèrement conquis sur l’Isonzo pour éviter
l’encerclement. Le front des Dolomites doit aussi être abandonné, de même
qu’une grande partie de l’Italie du Nord.
L’avance austro-allemande dépasse les 100 kilomètres dans certains secteurs
et le butin est immense : 180 000 prisonniers, 1 500 canons. Pour éviter un
désastre complet, les Italiens acceptent de perdre un important territoire afin
d’avoir le temps de constituer une solide ligne défensive sur la Piave. Les alliés
anglo-français envoient sur place sept divisions. Loin de leurs lignes de départ,
les Austro-Allemands ne peuvent franchir la Piave, notamment à cause de la
lenteur de l’artillerie lourde et du ravitaillement. Le front se stabilise donc pour
plusieurs mois.
.

Verbatim
« Le terrain est déchiqueté, les tranchées bouleversées, les
chaumières en ruines, les arbres rasés. La guerre a passé par
là son terrible rouleau compresseur. »
Benito Mussolini, soldat engagé dans la deuxième bataille
de l’Isonzo.
Verdun, 1916
Au début de l’année 1916, le commandement allemand
décide de passer à l’offensive à l’Ouest, car la stratégie
purement défensive de l’année 1915 a montré ses limites.
Certes, les armées alliées subissent des pertes effrayantes
en multipliant les offensives vaines, mais ceci ne suffit pas
pour emporter la décision. De plus, le blocus de
l’Allemagne désorganise l’économie du Reich. Plusieurs
émeutes « de la faim » ont éclaté en Allemagne. Il est
donc urgent de remporter une victoire décisive contre
l’armée française. Après quelques hésitations, le général
von Falkenhayn décide de frapper à Verdun, la place forte
française la plus proche de la frontière allemande.

VERDUN MENACÉ
Le 21 février 1916, la 5e armée allemande, commandée par le Kronprinz
impérial (fils de Guillaume II), se lance à l’assaut de Verdun. Elle bénéficie d’une
supériorité dans tous les domaines : 10 divisions d’infanterie contre 3, 1 000
canons contre 271. L’assaut d’infanterie débute en fin d’après midi et
progresse bien : les tranchées françaises ont été nivelées par les obus.
Le 22 février, l’attaque prend toute son ampleur. Les Français, qui survivent par
miracle au milieu des cratères d’obus, se battent avec l’énergie du désespoir et
parviennent à freiner l’avance allemande, même si celle-ci atteint presque
partout la deuxième ligne française. Le 24 février, les progrès allemands se
poursuivent et les avant-gardes arrivent à seulement 10 kilomètres de Verdun.
Le même soir, le général Joffre appelle Pétain pour qu’il organise la défense de
la ville avec sa 2e armée.
...

PÉTAIN, SAUVEUR DE VERDUN


L’organisation de la défense. Pétain arrive le lendemain soir sur place, le jour
même où le fort le plus important de la ligne fortifiée française est capturé
sans combat : Douaumont. La situation est critique, mais dès le lendemain,
l’offensive allemande marque des signes d’essoufflement : une telle débauche
de munitions a été tirée que l’approvisionnement a besoin d’être complété.
Pétain, qui installe son PC à Souilly, au sud de Verdun, en profite pour
organiser la défense. Il annule un ordre de destruction des forts, renforce le
front en première ligne (il dispose alors de 11 divisions) et met en place le
ravitaillement de son armée, en organisant la relève des divisions par la « Voie
sacrée », seule route menant à Verdun.
Les effets sont rapides sur le terrain : les Allemands piétinent, notamment en
raison de l’artillerie placée sur la rive gauche de la Meuse, qui les prend en
enfilade. Le Kronprinz décide donc de porter l’offensive aussi dans ce secteur.
L’armée allemande s’essouffle. Le 9 mars, les Allemands attaquent en direction
du Mort-Homme, une hauteur qui domine le champ de bataille. Ils s’en
approchent, sans pouvoir le capturer. Ils tentent alors d’élargir leur front vers
l’ouest, à la cote 304. Le 9 avril, une offensive de grande envergure est brisée
par les Français sur la rive gauche. Pétain conclut son ordre du jour fameux par
le célèbre « Courage, on les aura ! ». À la fin du mois, il monte en grade,
nommé à la tête du groupe d’armées du Centre. Il est remplacé à Verdun par
le général Nivelle, qui tente aussitôt de reprendre Douaumont. C’est un fiasco.
En juin, les Allemands redoublent d’activité sur la rive droite. Ils s’emparent du
fort de Vaux le 7 juin, après une lutte acharnée. Puis, ils tentent leur va-tout
dans le secteur de Fleury, fin juin et début juillet. À bout se souffle, ils
parviennent à quelques centaines de mètres de la côte de Belleville, qui
domine Verdun, mais ne peuvent progresser au-delà. Verdun est
définitivement sauvé.
...
LA RECONQUÊTE FRANÇAISE
En juillet 1916, la bataille de la Somme débute, ce qui soulage
considérablement le front de Verdun. Les Allemands y passent à la défensive
et le général Nivelle entreprend de regagner le terrain perdu depuis février.
Pendant tout le mois d’août, les deux adversaires s’épuisent à conquérir les
ruines de Fleury et l’ouvrage de Thiaumont. En septembre, les Français
améliorent leurs positions et se rapprochent du fort de Douaumont, que
Nivelle veut reprendre à la faveur d’une puissante offensive.
Celle-ci débute le 24 octobre 1916. Le fort de Douaumont a été pilonné par
des pièces lourdes et les trois divisions françaises qui montent à l’assaut s’en
emparent vite. Le 2 novembre, la victoire est complétée par la reprise du fort
de Vaux. En décembre, un autre assaut permet de récupérer la plus grande
partie du terrain perdu depuis février. La bataille se termine par une indéniable
victoire française, mais elle a coûté 163 000 morts à la France et 143 000 à
l’Allemagne.

...

LUDENDORFF ET HINDENBURG À LA TÊTE DE L’ARMÉE ALLEMANDE


L’une des conséquences directes de la bataille de Verdun est peu heureuse
pour les Alliés, même si ceux-ci l’ignorent : face à l’échec sur la Meuse et une
nette crise du moral des troupes allemandes, le général von Falkenhayn est
remplacé à la tête de l’armée allemande par un duumvirat composé de deux
héros de la guerre à l’Est : les généraux Hindenburg et Ludendorff . C’est le
premier qui commande, en théorie, et sa figure rassurante fait beaucoup pour
le redressement du moral de l’armée allemande, mais aussi de la nation elle-
même. En pratique, toutefois, c’est Ludendorff qui agit et qui se comporte en
véritable organisateur de l’armée et du pays tout entier. Les politiques, y
compris le Kaiser, s’effacent peu à peu devant cette très forte personnalité
dont l’intelligence supérieure semble pouvoir renverser le cours de la guerre
en faveur de l’Allemagne.
Pendant un an et demi, Hindenburg et Ludendorff vont, en effet, accumuler
les victoires et pousser les pays de l’Entente au bord de l’effondrement.

Verbatim
« Leur regard, insaisissable, semblait figé par une vision
d’épouvante ; leur démarche et leurs attitudes trahissaient
l’accablement le plus complet. »
Général Philippe Pétain, à propos des soldats revenant de
Verdun.
La bataille de la Somme
La bataille de la Somme a été voulue par Joffre. Il s’agit
d’une nouvelle version de la percée qui doit permettre de
quitter l’enfer des tranchées pour retrouver le terrain libre
et la guerre de mouvement. La grande différence avec les
offensives de 1915 est la présence de plusieurs armées
britanniques, qui vont plus que seconder les Français,
puisque la bataille de Verdun dévore une part importante
des moyens français. D’ailleurs la bataille de la Somme
prime sur tout aux yeux de Joffre : Pétain, puis Nivelle
seront constamment limités dans les allocations en
artillerie pour Verdun en raison de la nécessité de
préparer et d’alimenter l’offensive de la Somme.

LE BAPTÊME DU FEU DE LA NEW ARMY DE KITCHENER


À la déclaration de guerre, la Grande-Bretagne ne compte qu’une petite
armée professionnelle, chargée essentiellement de la défense des colonies.
Un corps expéditionnaire est formé pour se battre en France, où il intervient
dès le mois d’août 1914. Terriblement éprouvé à Ypres, il est voué à une
disparition rapide. Lord Kitchener, le ministre de la Guerre, en appelle alors aux
volontaires dans tout le pays. Plus d’un million d’hommes se présentent, un
chiffre incroyable. Avec eux, Kitchener crée sa New Army, dont quelques
éléments se battent dès fin 1915, mais pour qui la bataille de la Somme est le
véritable baptême du feu.
Un assaut désastreux. La 4e armée britannique du général Rawlinson doit
attaquer le 1er juillet 1916 à l’aile gauche du front d’offensive, c’est-à-dire au
nord de la Somme, avec 11 divisions en première ligne et 5 en réserve
rapprochée. Cela représente une première vague d’assaut de plus de 60 000
hommes sur un front de 22 kilomètres environ. Ils sont soutenus par plus de 1
500 canons. Le plan britannique prévoit que l’infanterie quitte ses tranchées
juste à la fin du barrage d’artillerie sur les lignes allemandes, en avançant au
pas dans le no man’s land. Comme chaque homme emporte 30 kg de
paquetage et d’armement, personne ne peut courir. Le résultat est terrifiant :
au soir du 1er juillet, les Britanniques ont perdu 20 000 tués et près de 40 000
blessés, pour des gains presque nuls.
...

LES FRANÇAIS SUR LA SOMME


La bataille de la Somme a été préparée dans ses moindres détails. Une
imposante artillerie lourde est présente, avec plus de 900 canons. Du côté de
l’infanterie, les divisions ont été ramenées à trois régiments au lieu de quatre,
afin de compenser les vides creusés par les offensives des années
précédentes. Pour pallier cette diminution des effectifs, la puissance de feu
des unités est renforcée par l’introduction d’un armement plus moderne : le
fusil lance-grenades VB, le fusil-mitrailleur Chauchat, la mise en place d’une
compagnie de 8 mitrailleuses lourdes par bataillon et l’arrivée d’une artillerie
de soutien, avec le canon de 37 mm et le mortier Stokes, d’origine
britannique. En outre, un avion divisionnaire est chargé de la liaison avec
l’infanterie, qui marque ses positions avec des panneaux blancs à terre.
L’aviation de chasse se développe et mène des actions offensives au-dessus
de la zone contrôlée par les Allemands. Enfin, l’évacuation des blessés est
nettement améliorée.
Ces améliorations ont des répercussions évidentes. Alors que les Britanniques
souffrent tant le 1er juillet 1916, les Français enregistrent des pertes très
légères. Ainsi, une division entière ne perd que 200 hommes le premier jour.
Plusieurs villages sont capturés aisément et les hommes ont l’impression d’y «
entrer comme dans du beurre ». En deux semaines de combats, la 6e armée
française avance de 10 kilomètres en certains points sur un front de 20
kilomètres et capture 12 000 hommes, 255 officiers, 85 canons, plus de 100
mitrailleuses.
Mais cette brillante avance ne dure pas en raison des graves difficultés
britanniques. La progression française ne peut se développer seule : le rythme
ralentit, les Allemands se ressaisissent et, à partir du 20 juillet, une bataille
d’usure commence. Elle va durer plus de deux mois, avec des pertes de plus
en plus lourdes et des gains de plus en plus réduits.
En septembre, un semblant de reprise du mouvement ne dure pas et la
bataille s’enlise jusqu’en décembre, sous la pluie et dans la boue. C’est un
échec de trop pour Joffre, qui va être limogé.

...

UNE ARME NOUVELLE : LE CHAR


C’est sur la Somme, en septembre 1916, qu’une arme nouvelle fait son
apparition : le char de combat, alors appelé tank en raison d’un nom de code
donné par les Britanniques afin de tromper les espions allemands. L’idée
apparaît à peu près en même temps, en France et en Angleterre : mettre au
point un engin capable de progresser sur un terrain bouleversé, d’écraser les
réseaux de barbelés et de franchir les tranchées, tout en tirant à la mitrailleuse
ou au canon sur les troupes et les canons ennemis, et en étant lui-même à
l’épreuve des coups de l’adversaire.
Les Britanniques mettent au point leur char plus vite les Français, ce qui leur
permet de l’employer neuf mois avant ceux-ci. Tactiquement, l’intervention
des chars à Flers-Courcelette, en septembre 1916, est un succès qui permet
d’emporter un village et d’offrir au général Haig une victoire d’un jour, alors
que la bataille s’est enlisée depuis des semaines. Stratégiquement, c’est une
erreur, car l’emploi de ces chars dévoile aux Allemands une arme dont ils ne
soupçonnaient pas l’existence. Ils trouveront vite une parade.

Verbatim
« De toutes les boues, qui ont été pour le poilu l’une des
plus cruelles souffrances de la guerre, celle de la Somme
occupe, dans ses souvenirs, la première place. Boue lourde,
gluante, […] d’où l’on ne sort pas. »
Commandant Lorieux.
L’avènement de la guerre sous-marine
Au début du conflit, la philosophie de la guerre navale est
dominée par le rôle des cuirassés. Jamais les navires de
ligne n’ont été aussi puissants, aussi bien dans leur
armement que dans leur blindage. La bataille de Tsushima,
le 27 mai 1905, qui a vu la destruction complète de la
marine russe par la marine japonaise, est l’exemple même
du combat naval tel qu’il est alors imaginé par les états-
majors. En 1906, les Britanniques mettent en service un
navire, le Dreadnought, qui rend d’un coup obsolètes
toutes les marines du monde : il est mieux armé, mieux
blindé, plus rapide et capable de naviguer plus longtemps
que tout autre navire.
LA GUERRE SUR MER
Le Dreadnought. L’apparition du cuirassé Dreadnought révolutionne les
marines du monde entier, mais paradoxalement, il réduit presque à zéro la
suprématie navale britannique : toutes les marines du monde sont devenues
obsolètes… y compris la Royal Navy, et toutes se mettent à construire des
dreadnoughts, notamment l’Allemagne.
Le seul avantage de l’Angleterre est d’avoir commencé la première cette
nouvelle course à l’armement. Ainsi, en août 1914, elle dispose de 24
dreadnoughts, contre seulement 14 pour l’Allemagne. Mais, dès novembre,
celle-ci aligne 17 dreadnoughts contre 24 pour la Royal Navy, qui possède
deux fois et demie plus de cuirassés anciens que la marine allemande !
Attentisme. Le début du conflit ne mène pas à une grande bataille navale, à la
manière d’un Trafalgar ou d’un Tsushima. Au contraire, les flottes allemande et
britannique restent dans leurs ports. Français et Britanniques se partagent les
tâches : la Home Fleet, qui compte presque tous les cuirassés modernes, reste
en mer du Nord pour empêcher toute sortie de la flotte allemande. Dans le
même temps, la marine nationale se déploie essentiellement en Méditerranée,
notamment pour empêcher la flotte autrichienne de sortir de l’Adriatique.
Deux batailles… Pendant les premiers mois de guerre, seule l’escadre de
l’amiral von Spee défraie la chronique : elle inflige à la marine britannique, à la
bataille de Coronel, sa première défaite sur mer depuis plus d’un siècle, mais
elle succombe peu après à la bataille des Falkland. En mer du Nord, les deux
grandes flottes n’effectuent que de rares sorties, mais le 31 mai 1916, elles se
rencontrent au large du Jutland, sans parvenir à se départager. Les
Britanniques perdent plus de navires, mais les Allemands n’oseront plus jamais
quitter leurs ports après cette très rude bataille.
...

LA GUERRE SOUS-MARINE
Après l’échec des Dardanelles et le match nul du Jutland, les grandes flottes
de cuirassés, fierté des différentes nations, ne servent quasiment plus à rien,
puisqu’elles ne sortent plus de leurs ports. Les Allemands veulent tenter
autrement leur chance sur mer : grâce aux sous-marins. Ils ont peu
d’expérience en la matière, puisqu’ils n’ont construit que 24 sous-marins avant
1914. Mais, dès le début du conflit, ils font un effort considérable dans ce
domaine. Il est vrai que le 22 septembre 1914, le sous-marin a remporté un
succès phénoménal en coulant coup sur coup trois croiseurs-cuirassés
britanniques.
Cependant les Allemands ne s’intéressent pas véritablement aux attaques
contre les navires de guerre alliés : ce qu’ils veulent, c’est paralyser l’économie
britannique en coulant les navires marchands alliés. Et leur campagne est bien
proche de réussir, comme le prouve le nombre des navires marchands alliés
ou neutres coulés au cours de la guerre : 3 en 1914, 396 en 1915, 964 en 1916,
2 439 en 1917, 1 035 en 1918. L’année clé est 1917 : les Allemands sont près
de remporter la guerre sur mer avec leurs U-Boote et se moquent des
conséquences possibles sur le plan diplomatique, notamment vis-à-vis des
États-Unis, déjà échaudés par la destruction du Lusitania et la mort de
nombreux ressortissants américains en 1915.
En 1918, les Alliés réagissent en instaurant le système des convois qui permet
de mieux protéger les navires marchands en leur offrant une escorte. Les
pertes diminuent alors sensiblement.
.

Verbatim
« J’étais tellement sûr de l’intérêt de la guerre sous-marine à
outrance […] qu’il me semblait peu important qu’elle
entraîne les États-Unis dans la guerre contre nous. »
Maréchal von Hindenburg, chef d’état-major des armées
allemandes.
Russie, Roumanie, Serbie et Bulgarie dans
la toumente
Si la guerre à l’Ouest s’est enlisée dans les tranchées, les
opérations à l’Est ne revêtent absolument pas le même
aspect : c’est la guerre de mouvement qui domine, en
Pologne et dans les pays baltes, mais aussi sur les fronts
roumain et serbe. Si les Alliés sont presque toujours
battus – notamment les Serbes, les Russes et les
Roumains –, c’est toujours l’Allemagne qui remporte les
succès et non l’Autriche-Hongrie. Cette dernière subit des
revers importants, notamment face aux offensives russes
du général Broussilov. Comme toujours, il faut que
l’armée allemande intervienne pour sauver son allié
défaillant.

LA ROUMANIE EN GUERRE
Le roi Carol de Roumanie est un cousin du Kaiser et l’essentiel du commerce
du pays se fait avec l’Allemagne. Mais à la déclaration de guerre, la Roumanie
indique qu’elle restera neutre : le peuple est pro-allié, de même que le Premier
ministre, Bratianu. Carol meurt en octobre 1914 et Ferdinand lui succède. Le
27 août 1916, la Roumanie déclare la guerre aux puissances centrales, après
avoir reçu des assurances d’aide de la part des Alliés. Mais les Allemands
interviennent très rapidement, attaquant la Roumanie en tenailles, depuis la
Hongrie et la Bulgarie. Les armées roumaines sont vaincues et Bucarest tombe
en décembre 1916. Le roi et son gouvernement se replient à Iasi, en Moldavie.
La plus grande part du pays est entre les mains allemandes, mais la guerre
continue et en 1917, les Roumains sont en mesure de lancer des contre-
offensives. Mais l’effondrement de la Russie provoque celui de la Roumanie. Le
9 décembre 1917, Bratianu signe un armistice avec l’Allemagne, puis
démissionne.
...

LA SERBIE SUCCOMBE MAIS NE RENONCE PAS


La situation politique en Serbie, au moment de l’assassinat de Sarajevo, n’est
pas très claire. Le vieux roi Pierre 1er est contraint d’abdiquer le 24 juin 1914 et
son fils Alexandre est nommé régent. Le Premier ministre est Nikola Pasic.
Contre toute attente, la petite Serbie résiste aux offensives autrichiennes
pendant un an, notamment grâce au commandement du maréchal Radomir
Putnik. Mais à l’automne 1915, les puissances centrales lancent une offensive
combinée qui provoque l’effondrement du front serbe. Le pays entier est
conquis à l’exception d’une petite enclave autour de Monastir. L’armée serbe
s’engage en plein hiver dans une terrible retraite à travers les montagnes
d’Albanie et du Monténégro, afin d’être évacuée par la marine italienne
jusqu’à Corfou, pour y être remise en état. Plutôt que de supporter
l’occupation autrichienne, une grande partie de la population serbe
accompagne son armée.
Les conditions sont si épouvantables qu’on estime à plus de 100 000 le
nombre de civils morts pendant cette retraite. Le vieux maréchal Putnik, très
malade, doit être porté dans une chaise pendant le repli.
Après la remise en état à Corfou, l’armée serbe est placée sur le front de
Salonique, sous le commandement du maréchal Misic. À l’automne 1918,
l’armée serbe reconquiert son pays et pénètre dans les pays du sud de
l’Autriche-Hongrie. Le 1er décembre 1918 est proclamé le royaume de
Yougoslavie.

...

LES DÉBOIRES DE LA RUSSIE


L’année 1915 n’est pas favorable à la Russie, qui perd une grande partie de la
Pologne. Mais le 5 juin 1916, une grande offensive est lancée. Conçue par le
général Broussilov, elle est fondée avant tout sur l’effet de surprise. Le front
autrichien, attaqué sur un vaste territoire, s’effondre complètement.
Pour la première fois depuis le début de la guerre, le rouleau compresseur
russe est en marche. Le 20 juin, Broussilov a capturé 200 000 prisonniers.
L’avance se poursuit en juillet en Bucovine, puis se heurte aux Carpates. Au
nord du front d’attaque, les Allemands interviennent et arrêtent les Russes.
Dès lors, le front se stabilise. Broussilov tente de reprendre l’offensive, en vain,
et les pertes augmentent en août, sans aucun résultat.
À la fin de l’offensive, les Russes ont certes conquis un vaste territoire, mais au
prix d’un million d’hommes, ce qui entraîne une grave crise du moral de
l’armée et les prémices de la révolution.
...

LA BULGARIE EN GUERRE
La Bulgarie est, en 1914, le plus puissant des pays balkaniques, bien
qu’indépendante seulement depuis six ans. Province autonome de l’Empire
ottoman depuis 1878, son indépendance a été déclarée en octobre 1908 par
le prince Ferdinand de Saxe-Cobourg-Gotha, petit-fils maternel du roi Louis-
Philippe, qui en devient le roi. Neutre au début de la guerre, la Bulgarie rejoint
les puissances centrales en octobre 1915, lorsqu’elle attaque la Serbie. Après le
succès de cette offensive, qui lui permet de récupérer la Macédoine, la
Bulgarie se bat sur le front de Salonique. Mais sa situation économique ne
cesse de péricliter, notamment parce que l’Allemagne, elle-même durement
touchée économiquement, ne verse plus de subsides. Ferdinand pense alors à
changer de camp : il appelle un Premier ministre pro-allié, mais il est trop tard.
Les Alliés ont percé le front devant Salonique. Le 30 septembre 1918, la
Bulgarie signe l’armistice.

Verbatim
« Je ne vécus pas d’heures plus pénibles, sauf à l’époque des
événements qui se déroulèrent sur le front bulgare et qui
scellèrent le destin de la Quadruplice. »
Général Ludendorff, à propos de la défaite bulgare en
septembre 1918.
Arras et le Chemin des Dames
Après les grandes désillusions des offensives de 1915 et les
tueries de Verdun et de la Somme, tous les espoirs de la
France, aussi bien de la population civile que des soldats,
reposent sur l’offensive du général Nivelle. Le mythe du
succès, qui s’est répandu partout, va être confronté à un
démenti cinglant sur le terrain, provoquant une vague de
désillusion et de démoralisation sans équivalent.
L’offensive du Chemin des Dames, qui repose sur des
postulats faux, va précipiter la France dans une crise telle
qu’il lui faudra trouver deux hommes providentiels pour
sortir du chaos : Pétain, tout d’abord, pour sauver l’armée,
puis Clemenceau.

MARS 1917 : LE REPLI ALLEMAND


Après ses succès à Verdun à la fin de l’année 1916, le général Nivelle devient
généralissime des armées françaises. Il croit pouvoir réaliser une percée
décisive sur le front Ouest en mettant en pratique la même tactique qu’à
Verdun, mais sur une vaste échelle. Mais cette stratégie risque d’avorter car les
Allemands, en mars, se replient volontairement sur la ligne Hindenburg, en
abandonnant un terrain important. Nivelle refuse de croire les aviateurs qui
annoncent cette retraite.
La stratégie de la terre brûlée. Le commandement allemand ne raisonne pas
comme Nivelle, il a une vision plus globale de la guerre. Sa stratégie est de
détruire avant le mois d’août le tiers du tonnage allié, pour forcer l’Angleterre
à capituler, faute de ravitaillement. La Russie, en proie à la révolution, est en
cours de dislocation. Quand il ne restera plus que la France, elle succombera
aisément. Certes, le risque est grand que les États-Unis entrent en guerre, mais
il leur faudra dix-huit mois pour intervenir réellement sur le terrain. En
attendant, l’armée allemande doit se refaire sur un front raccourci, repousser
les offensives ennemies et attendre les fruits de la guerre sous-marine à
outrance. Le repli en France, depuis le sud d’Arras jusqu’au Chemin des
Dames, s’effectue de façon très méthodique. Les Allemands y pratiquent la
terre brûlée : destructions des voies ferrées, des ponts, des arbres fruitiers, des
usines. Rien n’est laissé intact aux Français.

...

NIVELLE ET LA PERCÉE : « CE SOIR, JE COUCHERAI À LAON »


Le général Nivelle veut en finir avec « la guerre des taupes ». En cela, il ne
diffère pas de Joffre. Mais il croit pouvoir éviter les erreurs de son
prédécesseur.
Il dispose d’une artillerie très nombreuse et, pour la première fois, de chars de
combat. Il masse 60 divisions entre l’Oise et Reims, pour une percée en
profondeur. L’infanterie doit avancer très rapidement sur les pas d’un barrage
roulant d’artillerie au rythme très élevé. L’assaut est prévu pour le 16 avril 1917,
précédé, le 9, d’une offensive britannique à Arras qui doit attirer les réserves
allemandes. Le plan soulève des hésitations. Le 6 avril, le ministre Painlevé
réunit les principaux chefs militaires à Compiègne. Il prêche la prudence.
Nivelle affirme que la percée est assurée. Mangin est d’accord avec lui. Pétain,
lui, est hostile et prévoit un grave échec. Nivelle veut alors donner sa
démission, mais les politiques se récrient. L’offensive aura lieu.
...
LA BATAILLE D’ARRAS
Le 9 avril 1917, les Britanniques lancent une puissante offensive dans le
secteur d’Arras, directement contre la ligne Hindenburg. Le premier jour de
l’attaque est assez satisfaisant, surtout au nord du front, où les Canadiens
enlèvent la crête de Vimy en quelques heures, là où les armées françaises
avaient échoué par deux reprises en 1915. Mais dès le deuxième jour de la
bataille, la résistance allemande devient si forte que les progrès alliés sont
minimes. Aucune percée en profondeur n’est réussie.
...
L’OFFENSIVE DU CHEMIN DES DAMES
Le 16 avril 1917, le général Nivelle lance à l’assaut 26 divisions d’infanterie,
avec de nombreuses réserves, soutenues par 2 780 pièces d’artillerie lourde et
1 700 canons de 75 mm. « À six heures, la bataille est engagée ; à sept heures,
elle était perdue. » C’est ainsi que le lieutenant Ybarnegaray résume le sort de
l’offensive. Les causes de l’échec sont multiples. Tout d’abord, aucun effet de
surprise n’a joué. Des bruits couraient dans Paris depuis des semaines,
donnant à la fois le lieu et le jour. Les Allemands avaient découvert le plan
d’attaque sur le corps d’un sous-officier français. Le jour de l’offensive, le
temps est détestable, avec de la pluie et de la neige fondue, ce qui gêne les
tirs et paralyse les troupes coloniales. Enfin, l’artillerie ne parvient pas à détruire
les défenses allemandes.
Massacres et destructions. Dans le secteur d’Hurtebise, la division Marchand
enlève la première position allemande et quelques éléments descendent
même dans la vallée de l’Ailette, pour être fauchés par les tirs d’enfilade de
l’adversaire. Le 2e corps colonial se fait littéralement massacrer. Sur 10 000
tirailleurs sénégalais, 6 300 ont été tués. À l’ouest, dans le secteur de Laffaux,
les progrès ne dépassent pas 500 mètres. Dans la plaine de Juvincourt, à l’est,
les chars français enlèvent la première position allemande, mais sont ensuite
incendiés les uns après les autres. Les seuls vrais succès sont obtenus hors de
la zone d’offensive, par le groupe d’armées du général Pétain, qui s’empare
des monts de Champagne à l’est de Reims.
L’échec de Nivelle est total : certes, 22 000 soldats allemands ont été capturés,
mais au prix de 30 000 tués et 80 000 blessés. Nivelle avait prévu de soigner les
blessés dans les hôpitaux allemands capturés, tant il était sûr de la victoire. Il
n’y a aucun accueil pour la plupart d’entre eux. Certains seront même évacués
sur Lourdes !
.

Verbatim
« Le plan Nivelle est uniquement fondé sur le mépris de
l’adversaire et tout juste bon pour l’armée de la grande-
duchesse de Gérolstein. »
Maréchal Lyautey.
Mutineries et démoralisation
Après l’échec de l’offensive du 16 avril 1917 au Chemin des
Dames, Nivelle persiste et renouvelle ses assauts le 5 mai,
sans aucun succès. Cette fois, c’en est trop et une partie
des troupes refuse de remonter en ligne. Les mutineries
se propagent alors rapidement dans l’armée française. Le
général Nivelle est relevé de son commandement et
remplacé par le général Pétain, qui prend immédiatement
plusieurs mesures pour mettre fin aux mutineries :
condamnation des meneurs, fin des attaques inutiles,
amélioration de la vie quotidienne du poilu, accélération
du rythme des permissions. En quelques semaines
seulement, la crise du moral est guérie.
LES MUTINERIES DANS L’ARMÉE FRANÇAISE
Après l’échec du 16 avril, Nivelle refuse une double évidence : son offensive a
échoué et ses jours à la tête de l’armée française sont comptés. Le 5 mai, il
tente le tout pour le tout, sans doute pour éviter son limogeage, mais il n’y a
plus aucun effet de surprise à espérer et les assauts, très coûteux une fois
encore, se soldent par un échec total.
Le 10 mai, le général Pétain est nommé généralissime à la place de Nivelle, qui
refuse de démissionner pendant cinq jours, jusqu’à ce qu’on lui force la main.
Pétain trouve l’armée française dans un état déplorable. Dans une note
secrète au gouvernement, fin mai, il annonce qu’une partie des troupes s’est
révoltée. Les mutineries ont commencé dès le 4 mai, lorsqu’une compagnie a
refusé de monter en première ligne pour attaquer le lendemain, dans le
secteur de Laffaux. Le 19, un bataillon entier se disperse dans les bois. Le 20,
dans un dépôt divisionnaire, les soldats entonnent L’Internationale. Le 26 mai,
ce sont quatre bataillons qui se révoltent pour ne pas monter en ligne. Le 29,
deux régiments cantonnés dans la région de Soissons décident de marcher
sur Paris pour demander une paix immédiate. En tout, les mutineries affectent
16 corps d’armée, 113 régiments d’infanterie, 22 bataillons de chasseurs, un de
Sénégalais, deux unités de coloniale, 12 d’artillerie, une de dragons.
Quelles sont les raisons de la mutinerie ? On y a cherché des causes politiques.
Celles-ci sont en fait minimes. Il s’agit tout simplement d’une révolte contre
l’incompétence et la mort.
...

LA CRISE MORALE
L’Europe entière est touchée, en 1917, par une crise morale sans précédent.
Les mutineries n’affectent que les armées russe et française, mais des grèves et
des émeutes touchent la plupart des pays, dont l’Allemagne, à partir de la fin
de l’année 1916 et de sa défaite à Verdun. Elle tente d’obtenir une paix de
compromis, sans succès.
En Autriche-Hongrie, la mort du vieil empereur François-Joseph ouvre une
nouvelle ère. Son petit-neveu lui succède sous le nom de Charles Ier. Il cherche
à obtenir la paix à tout prix, mais les Allemands le surveillent de près et les
Alliés font la sourde oreille.
En plus du cas très particulier de la Russie, les grèves frappent tous les pays,
notamment la Grande-Bretagne et la France. Le défaitisme gagne une partie
de la classe politique, ce qui provoque de très nombreux changements de
gouvernement : en France, en Allemagne, en Autriche. Dans la plupart des
cas, ce sont des partisans de la guerre qui l’emportent, comme Clemenceau
en France.
...

PÉTAIN À LA TÊTE DE L’ARMÉE FRANÇAISE


Avant même l’échec de l’offensive du 5 mai 1917, le gouvernement veut se
séparer au plus vite du général Nivelle. Dès le 28 avril, le général Pétain a été
appelé au poste de chef d’état-major au ministère Painlevé. Le 10, il devient
généralissime à la place de Nivelle. L’armée est alors en pleine vague de
mutineries. Pétain ramène le calme en un mois, sans que les Allemands se
rendent compte de quoi que ce soit.
Tout d’abord, Pétain se rend sur le terrain, visite de très nombreuses divisions
et déclare aux officiers : « Surtout, ne cherchez pas à me faire plaisir. » Il veut
savoir la vérité. Ensuite, il frappe les meneurs. Il y a de nombreuses
condamnations à mort, mais seulement 49 exécutions directement liées aux
mutineries. Les autres peines sont commuées. Mais c’est surtout en améliorant
le quotidien des soldats et en mettant fin aux attaques coûteuses qu’il rétablit
la confiance de l’armée.
.

Verbatim
« Les mutineries : non pas mouvement séditieux de
canailles que l’on brise, mais irrésistible sanglot des
Français. »
Adjudant Philippe Barrès.
Les révolutions russes de 1917
Les terribles pertes subies par la Russie pendant les trois
premières années de guerre l’ont très profondément
atteinte dans son moral. Les échecs multiples de l’armée
russe n’ont pas été dus à la seule inefficacité de ses
structures et de son commandement, mais aussi à la
volonté du gouvernement russe d’aider la France et la
Grande-Bretagne en détournant vers le front de l’Est de
très nombreuses troupes austro-allemandes. Lorsqu’en
février 1917, le tsar abdique, il est remplacé par un
gouvernement modéré, qui ne tient pas longtemps au
pouvoir. Dès le mois de mai, Kerenski, le ministre
socialiste de la Guerre, devient Premier ministre.

LA RÉVOLUTION RUSSE DE FÉVRIER 1917


À l’automne 1916, des émeutes contre la guerre éclatent en Russie. Elles sont
réprimées. Fin décembre 1916, l’assassinat de Raspoutine, l’incompétent favori
de la tsarine, met un terme à sa fâcheuse influence sur la politique russe, mais
il est trop tard.
En février 1917, des émeutes de la faim secouent Petrograd. En février (mars
selon le calendrier grégorien en vigueur en France), le quartier général
informe le tsar que l’armée n’est plus en mesure de rétablir l’ordre. En
conséquence, Nicolas II abdique en faveur de son frère, le grand-duc Michel,
qui refuse. Ceci met fin à la monarchie. Un gouvernement provisoire est
instauré, avec à sa tête le prince Lvov. Mais le membre le plus important de ce
ministère est Kerenski, le ministre de la Justice, qui représente l’aile gauche de
la Douma. En mai, Kerenski devient ministre de la Guerre. Il insiste pour que la
Russie continue la guerre aux côtés des Alliés, une politique qu’il poursuit en
juillet, lorsqu’il devient Premier ministre. Mais il est en butte à la fois à
l’opposition monarchiste et surtout à celle du parti bolchevique, dirigé par
Lénine, revenu d’exil grâce à la complicité des Allemands.
Sur le plan militaire, la situation de la Russie est peu brillante. Kerenski a
nommé à la tête des armées le général Broussilov, qui lance le 1er juillet 1917
une offensive contre les Autrichiens. Les débuts sont prometteurs, mais les
Allemands viennent à l’aide de leurs alliés et contre-attaquent avec succès, ce
qui provoque un effondrement de l’armée russe.
...

LA RÉVOLUTION D’OCTOBRE 1917


Dans la nuit du 6 au 7 novembre 1917 (25-26 octobre selon le calendrier
julien), les bolcheviks prennent le pouvoir à Petrograd. Le coup d’État a été
décidé le 23 octobre par Lénine et préparé par Léon Trotski. Les militants
bolcheviques, qui ont infiltré la garnison de Petrograd depuis longtemps et
qui tiennent une partie des soviets de soldats et de marins, passent à l’action
au matin du 6 novembre. Ils s’assurent du ralliement de la principale garnison
et occupent tous les ponts de la ville. Dans la nuit, c’est le tour des gares, des
bureaux de poste, des centraux téléphoniques. Il ne reste qu’à s’emparer du
palais d’Hiver, où siègent les ministres. Kerenski n’est pas présent dans la
capitale à cette date. Le 7 novembre, le palais d’Hiver est investi par les
bolcheviks et environ 5 000 marins et soldats de Kronstadt. Le croiseur Aurore,
sur la Neva, tire quelques obus et les ministres sont emprisonnés. La
révolution d’Octobre s’est déroulée en douceur.

...

LES PREMIÈRES DÉCISIONS DU POUVOIR BOLCHEVIQUE


Si la révolution d’Octobre s’est déroulée presque sans effusion de sang, le
pouvoir bolchevique installe en quelques jours une dictature qui va durer
jusqu’en 1991.
La première mesure de Lénine est d’instaurer la censure de la presse. Dès le 7
décembre 1917, la police politique, la Tcheka, est créée. Le 20 décembre, la
grève est interdite. Le parti KD (constitutionnel-démocrate) de centre-gauche
est interdit en décembre.
Reste le problème plus délicat des élections. Des législatives en vue de créer
une Assemblée constituante avaient été prévues avant la révolution
d’Octobre et les bolcheviks n’avaient pas osé les annuler. Les résultats sont
très défavorables au parti de Lénine, qui n’emporte que 168 sièges, pour 419
au Parti socialiste-révolutionnaire, 18 au KD, 17 aux mencheviks et 81 députés
divers. Lors de l’entrée en fonction de l’Assemblée, le 19 janvier 1918, Lénine
ordonne purement et simplement sa dissolution. Le long règne du Parti
communiste commence.

...

TROTSKI ET L’ARMÉE ROUGE


Lorsque les bolcheviks renversent le gouvernement de Kerenski en octobre
1917, ils ne disposent d’aucune armée, mais simplement d’une Garde rouge,
constituée de volontaires sans grande valeur militaire. Le 15 janvier 1918, un
décret fait de l’ancienne Garde rouge le noyau de la nouvelle « Armée rouge
des ouvriers et paysans ». Des levées en masse sont effectuées dans les
grandes villes, le 23 février 1918, mais les premiers combats contre l’armée
allemande montrent que l’armée communiste, commandée par des officiers
élus, sûrs politiquement, mais militairement faibles, n’est pas apte à la guerre.
Les combats tournent systématiquement à l’avantage des Allemands, ce qui
conduira au traité de paix de Brest-Litovsk. Le gouvernement bolchevique
n’ayant pas une assise populaire suffisante pour se maintenir sans armée, il
confie à Léon Trotski la charge d’organiser l’Armée rouge. La première mesure
est l’instauration d’un service militaire obligatoire, à partir de 18 ans, qui peut
se prolonger jusqu’à 40 ans en cas de mobilisation. Pour renforcer la valeur
militaire des troupes, des conseillers sont adjoints aux cadres de l’armée ; ce
sont le plus souvent d’anciens officiers tsaristes, surveillés de près par des
commissaires politiques.
.

Verbatim
« Lénine, Trotski et leurs compagnons de route sont déjà
intoxiqués par l’infect poison du pouvoir comme le montre
leur honteuse attitude à l’égard de la liberté de parole. »
Maxime Gorki, novembre 1917.
La guerre au Moyen-Orient
La Grande Guerre est une guerre mondiale non seulement
parce que les belligérants se trouvent répartis sur les cinq
continents, mais aussi parce que les théâtres d’opérations
non européens sont nombreux : comptoirs allemands en
Chine et dans le Pacifique, colonies allemandes en
Afrique, Palestine, Irak, Balkans, Turquie, Europe de l’Est,
océans Indien et Atlantique, etc. Certains théâtres
d’opérations sont bien sûr plus importants que d’autres
mais, dans tous les cas, les combats qui s’y sont déroulés
auront des conséquences non seulement sur l’issue de la
guerre, mais aussi sur la composition géopolitique du
monde, de l’après-guerre à nos jours.

COMBATS SUR LE CANAL DE SUEZ


En 1914, l’Empire ottoman s’étend jusqu’aux confins de la Palestine vers le
désert du Sinaï. Lorsque la Turquie rejoint les puissances centrales, les
Britanniques répliquent en annexant Chypre et en proclamant leur protectorat
sur l’Égypte. Au début de l’année 1915, le ministre turc de la Marine, Djemal
Pacha, et son chef d’état-major, l’Allemand Kress von Kressenstein, lancent une
attaque vers le canal de Suez en traversant le Sinaï. L’offensive est facilement
repoussée par les Britanniques en février 1915, mais le front se stabilise alors
sur place et des tranchées apparaissent au bord du canal, comme en France.
Pendant plus d’un an, les Turcs restent menaçants, ce qui force les
Britanniques à laisser des troupes sur place, alors qu’elles seraient plus utiles
aux Dardanelles.
À partir du début de l’année 1916, les Britanniques commencent à repousser
lentement les Turcs vers la Palestine, en progressant le long de la bande
côtière. Mais le chemin de Jérusalem est long.
...

DES PROMESSES INCOMPATIBLES FAITES AUX JUIFS ET AUX ARABES


Lorsque la guerre éclate, les différentes communautés juives des pays
belligérants se battent dans les armées de leur pays respectif. Mais qu’en est-il
des autres communautés juives du monde ? Aux États-Unis, la sympathie des
Juifs penche plutôt vers l’Allemagne, car le pays est beaucoup plus tolérant
que la Russie, terre de pogroms ou même la France, où l’affaire Dreyfus est
encore présente dans les esprits.
Lorsque les Britanniques s’apprêtent à envahir la Palestine, alors possession
turque, ils aimeraient s’attirer les bonnes grâces de la population juive qui y vit,
afin de s’en faire des alliés contre les Turcs. Il y a alors 85 000 Juifs en Palestine,
soit 12 % de la population totale, grâce aux efforts du mouvement sioniste.
Le 2 novembre 1917, le ministre des Affaires étrangères britannique, lord
Balfour, publie une lettre qu’il envoie au baron de Rothschild, président du
mouvement sioniste. On y lit notamment : « Le gouvernement de Sa Majesté
envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour
le peuple juif et il emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet
objectif. »
Tout cela serait parfait si dans le même temps, les Britanniques, par la voix du
colonel T. E. Lawrence (d’Arabie), ne faisaient des promesses similaires au
chérif Hussein, de La Mecque, en lui faisant croire qu’il pourra gouverner tous
les territoires arabes sous domination turque, y compris la Palestine. À la fin de
la guerre, les Alliés ne savent plus comment honorer leurs promesses
contradictoires.

...

DÉSASTRE BRITANNIQUE EN IRAK


En 1915, les Britanniques débarquent un corps expéditionnaire à Bassora, dans
le sud de l’Irak, afin de marcher sur Bagdad. Les troupes sont essentiellement
composées d’éléments de l’armée des Indes. Elles lancent une double attaque
le long des fleuves Tigre et Euphrate. Les 27 et 28 septembre 1915, le général
Townshend bat les Turcs à Kut al-Amara et le gouvernement britannique
insiste pour qu’il avance au plus vite sur Bagdad. Bien que manquant
cruellement d’effectifs, Townshend part en avant, mais ne peut déborder les
défenses turques. Il se retire alors sur Kut pour attendre des renforts. Le 7
décembre, il est encerclé dans la ville par les Turcs. Une première tentative
britannique de secours échoue en janvier 1916. Des moyens plus importants
sont réunis en mars, mais les Turcs, commandés par le vieux général allemand
von der Goltz, sont les plus forts. Townshend est contraint de se rendre en
avril 1916, ce qui porte un nouveau coup au prestige britannique.

...

LA FRANCE ET LE LIBAN
L’intérêt de la France pour les Chrétiens maronites du mont Liban remonte à
François Ier. Sous le règne de Napoléon III, la France mène d’ailleurs la première
intervention militaire à but humanitaire de l’histoire, en débarquant un
contingent afin de faire cesser les exactions des Druzes envers les Maronites.
Le 16 novembre 1916, les accords Sykes-Picot sont signés entre les
Britanniques et les Français. Ils prévoient le partage de l’Empire ottoman après
sa défaite, les Français se réservant le mont Liban et la Syrie. Dès le 8 octobre
1918, une escadre française accoste à Beyrouth et un corps expéditionnaire
français entre en ville aux côtés des Anglais afin de faire respecter sur le terrain
les accords Sykes-Picot. C’est le premier pas vers la création d’un État libanais
indépendant de la Syrie, qui sera officialisée le 1er septembre 1920. Il est
constitué du mont Liban, à population chrétienne, mais aussi du littoral
méditerranéen et de la vallée de la Bekaa.

...
LA CONQUÊTE DE LA PALESTINE
L’année 1916 a permis aux Britanniques de conquérir l’essentiel de la Palestine
et leur succès est définitivement acquis le 9 janvier 1917 lors de la bataille de
Magruntein. Le commandant en chef britannique, sir Archibald Murray, reçoit
alors l’ordre de pénétrer en Palestine par Beersheba et Gaza.
Des débuts hasardeux. Le 26 mars 1917, Murray lance ses troupes à l’assaut
des tranchées turques à Gaza et subit un sanglant échec. Ceci ne l’empêche
pas de déclarer à Londres un succès. Une autre tentative, les 17 et 18 avril, se
solde par une nouvelle tuerie. C’en est trop cette fois pour le War Office
(ministère de la Guerre) qui remplace Murray par Allenby.
L’offensive d’Allenby. Allenby dispose de 8 divisions et du corps monté du
désert. Il est en outre aidé par la guérilla menée par les Arabes, sous le
commandement de Lawrence d’Arabie. En face, les Turcs disposent des 7e et
8e armées. Le 31 octobre 1917, le général Allenby attaque par surprise à
Beersheba et ouvre en deux le front turc. L’armée turque doit évacuer Gaza.
Les Britanniques la poursuivent essentiellement le long de la côte. Lorsqu’ils se
retournent pour avancer vers Jérusalem, ils sont arrêtés par la défense turque,
qui a été grandement améliorée par l’arrivée sur place du général allemand
von Falkenhayn. Ceci ne suffit toutefois pas pour empêcher un renouveau de
l’offensive britannique. Le 9 décembre 1917, Allenby entre dans Jérusalem. Le
front se stabilise alors sur le terrain pendant de longs mois, notamment parce
que la situation en France force les Britanniques à y envoyer le plus de
divisions possibles.
Les Britanniques ne renouvellent leur offensive qu’à partir du 19 septembre
1918, mais cette fois avec un plein succès. Les armées turques se désagrègent.
Damas tombe le 1er octobre et Beyrouth peu après. Les Turcs sont alors forcés
de demander un armistice, qui est signé le 30 octobre 1918.
.

Verbatim
« Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement
l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le
peuple juif. »
Lord Balfour, 2 novembre 1917.
Les États-Unis entrent en guerre
La neutralité absolue dans le conflit qui éclate en Europe
en août 1914 est la politique proclamée par la Maison-
Blanche. Le président Wilson a plutôt des sympathies
pour les puissances de l’Entente, mais il n’entend pas en
faire part, car la population américaine est beaucoup plus
diverse qu’aujourd’hui : de multiples vagues d’immigration
ont été accueillies par les États-Unis, mais elles ne sont
pas encore bien intégrées et Wilson ne veut pas faire subir
de tensions internes à son pays. Il attendra donc le
moment propice pour faire entrer en guerre les États-Unis
aux côtés des pays alliés : le déclenchement par
l’Allemagne d’une offensive sous-marine à outrance.
T.W. WILSON ET LA GUERRE
Lorsque la guerre éclate en Europe, Wilson est président depuis dix-huit mois.
Il déclare aussitôt la neutralité des États-Unis, une position due non seulement
à l’isolationnisme naturel des Américains de l’époque, mais aussi à
l’impréparation complète du pays à la guerre. En 1911, l’armée américaine ne
compte que 32 000 soldats de métier.
Wilson veut d’abord essayer de garder la neutralité de son pays mais, dès
février 1915, il met en garde les Allemands contre les risques qu’ils courraient
en cas d’attaques contre les navires américains. Le torpillage du paquebot
Lusitania, un navire britannique certes, mais emportant de nombreux
voyageurs américains, provoque une grande vague d’indignation aux États-
Unis. Mais les Allemands reculent et suspendent la guerre sous-marine sans
restriction en 1916. Cette même année, Wilson est réélu, en partie parce qu’il a
su maintenir les États-Unis hors de la guerre.
En 1917, tout change, notamment en raison de la reprise de la guerre sous-
marine sans restriction et de la découverte du télégramme Zimmermann
(dont on discute aujourd’hui l’authenticité), dans lequel l’Allemagne aurait
déclaré soutenir le Mexique pour une reconquête du Texas, de l’Arizona et du
Nouveau-Mexique.
Wilson demande au Congrès de l’autoriser à déclarer la guerre à l’Allemagne,
le 6 avril 1917, puis il crée un corps expéditionnaire américain, placé sous les
ordres du général Pershing. Wilson cherche également à instaurer une paix
durable, avec sa fameuse proposition de paix en quatorze points.
...

UNE ARMÉE EMBRYONNAIRE


L’histoire officielle de l’aviation américaine pendant la Grande Guerre donne
une description remarquable de l’impréparation totale des États-Unis, qui
n’avait d’ailleurs pas échappé aux Allemands : une escadrille, équipée d’avions
démodés ; aucun appareil apte au service en première ligne ; aucun
équipement aéronautique de la moindre valeur ; aucune connaissance dans
l’organisation d’une force aérienne ; moins de 50 pilotes entraînés ; aucun
pilote, à part ceux servant dans l’aviation française, apte à mener une mission
de guerre ; des effectifs totaux de 1 120 hommes ; seulement cinq officiers en
Europe, parmi lesquels aucun n’a encore reçu d’entraînement avancé ; tel est
l’état dans lequel se trouve l’aviation des États-Unis, en avril 1917, lorsqu’elle
doit faire face à la guerre aérienne.
Les lacunes sont les mêmes dans les autres branches de l’armée : pas de
canons, pas de chars. Le principal fournisseur de matériel va donc être la
France.
.

Verbatim
« Avant la guerre, les soldats américains n’étaient qu’une
poignée. Ils étaient en général mal vus de la population, qui
les prenait pour des fainéants. »
Lieutenant Armitage, American Expeditionary Forces.
La Russie quitte la guerre
Dès l’arrivée au pouvoir des bolcheviks, Lénine cherche à
obtenir un traité de paix avec les puissances centrales,
afin de sauvegarder la révolution russe. Mais dans le
même temps, il cherche à faire traîner les négociations
pour que l’Allemagne et l’Autriche soient gagnées à leur
tour par la contagion révolutionnaire. Cette politique
échoue et les Allemands font subir à l’armée russe de tels
revers militaires que la paix signée à Brest-Litovsk est très
dure pour la Russie. Elle permet aux Allemands de ne plus
se battre que sur un seul front. Le général Ludendorff va
pouvoir regrouper des effectifs considérables pour battre
les Alliés avant l’arrivée des Américains

LE TRAITÉ DE BREST-LITOVSK
Une semaine après la signature d’un armistice entre la Russie et les puissances
centrales, des négociations de paix débutent le 22 décembre 1917 entre Léon
Trotski et Max Hoff mann.
Trotski a reçu des ordres bien précis de Lénine : faire durer les négociations le
plus longtemps possible afin que la révolution bolchevique se répande en
Allemagne et en Autriche, et même dans les pays alliés.
Le 10 février 1918, Trotski rompt les négociations, faute d’un accord, et résume
la situation par le slogan « Ni guerre, ni paix ». Mais Max Hoffmann ne l’entend
pas de la sorte. Le 18 février 1918, les Allemands dénoncent l’armistice de
décembre et lancent une offensive puissante qui provoque l’effondrement
complet de l’armée russe, privée de ses officiers et totalement démoralisée. En
quinze jours seulement, les Allemands s’emparent des pays baltes, de la plus
grande partie de la Biélorussie et de l’Ukraine. Une flotte allemande approche
du golfe de Finlande pour venir bombarder Petrograd.
La révolution n’a éclaté ni en Allemagne, ni en Autriche et les pertes
territoriales sont très importantes. Le 3 mars 1918, Trotski accepte les termes
de la paix qui sont bien pires que ceux qu’il avait rejetés en février. La Russie
perd ainsi tous ses droits territoriaux sur la Finlande, les futurs États baltes, la
Pologne, la Biélorussie, l’Ukraine et des territoires situés à la frontière turque.
C’est un triomphe pour l’Allemagne.

...
L’ASSASSINAT DU TSAR NICOLAS II
Le règne du tsar Nicolas II a débuté en 1894. Il se caractérise par des progrès
économiques très sensibles et le début d’émergence d’une classe moyenne,
mais aussi par une succession d’échecs, tant au plan diplomatique qu’au plan
de la politique intérieure.
En mars 1917, Nicolas II est contraint d’abdiquer après de violentes émeutes à
Petrograd. Les Britanniques lui refusent le droit d’asile. Emprisonné avec toute
sa famille par les bolcheviks, il est détenu dans le palais Tsarskoïe Selo, puis
près de Tobolsk, pour être finalement exilé à l’est de l’Oural, à Ekaterinbourg.
En juillet 1918, la progression des armées blanches fait craindre que Nicolas II
puisse être libéré. Lors d’une réunion secrète, une sentence de mort est
prononcée contre le tsar et toute sa famille, sans aucune autre forme de
jugement. La famille impériale et ses serviteurs sont assassinés dans la nuit du
16 juillet 1918, sans aucune publicité de la part des bolcheviks.

...

LES ALLIÉS ET LA GUERRE CIVILE CONTRE LES BOLCHEVIKS


Dès le mois de décembre 1917, des mouvements contre-révolutionnaires
apparaissent en Russie. Les premiers à se rebeller sont les cosaques du Don.
Pendant l’année 1918, la guerre civile s’étend. Les « blancs » sont
probablement plus nombreux que les « rouges », mais ils sont mal organisés
et très divisés. En face, l’Armée rouge, créée par Trotski et dirigée d’une main
de fer, résiste aux assauts des « blancs » et des Alliés occidentaux.
La menace la plus sérieuse pour les bolcheviks vient sans doute de l’amiral
Koltchak, qui prend le pouvoir en Sibérie en novembre 1918. Il marche sur la
Russie orientale, mais il manque d’un vrai soutien populaire et dépend des
Alliés pour son ravitaillement. Durant l’année 1919, il est peu à peu repoussé
par l’Armée rouge, puis il tombe entre les mains des bolcheviks qui le fusillent
en février 1920. Pendant ce temps, un petit corps expéditionnaire franco-
anglo-américain débarque dans le nord de la Russie. Pendant l’été 1919, une
offensive majeure est lancée par le général Anton Denikine, qui remporte des
succès, mais est finalement repoussé. Il se replie avec le reste de son armée sur
les bords de la mer Noire, où l’armée blanche est évacuée par des navires
français et britanniques. En 1920, le général Wrangel, dernier grand chef
tsariste, subit un sort voisin avec son armée, évacuée elle aussi par la Royal
Navy.
.

Verbatim
« Le moujik ne veut plus de guerre… et il acceptera
n’importe quelle paix. »
Maria Spiridonova, du Parti socialiste révolutionnaire, à
propos du traité de Brest-Litovsk.
Les offensives du général Ludendorff
Depuis l’échec d’avril 1917, les Alliés ont poursuivi leurs
offensives durant l’été et l’automne, avec des succès
mitigés : attaques locales menées par le général Pétain,
couronnées de succès, mais sans influence sur le cours de
la guerre, offensive britannique de grande envergure à
Ypres, qui s’est terminée dans la boue en octobre 1917,
sans avoir obtenu la rupture du front. Au printemps 1918,
l’Allemagne abandonne la défensive. Elle dispose pour la
première fois depuis 1914 de la supériorité numérique à
l’Ouest, grâce à la défection russe. Ludendorff peut alors
espérer emporter la décision avant l’arrivée massive des
troupes américaines.

LES BRITANNIQUES FACE AUX OFFENSIVES LUDENDORFF


Le 21 mars 1918, l’offensive allemande, attendue déjà depuis plusieurs
semaines par les Alliés, tombe par surprise sur la 5e armée britannique, dans la
Somme.
Il semble que Ludendorff ait choisi de frapper les Britanniques parce qu’il
savait qu’ils étaient en sous-effectifs. En effet, pour empêcher le général en
chef anglais, Douglas Haig, de poursuivre comme en 1917 ses sanglantes
offensives, David Lloyd George, le Premier ministre, avait trouvé une seule
parade : bloquer les renforts en Angleterre, afin que Haig ne dispose pas des
moyens nécessaires à de grandes offensives. Cette politique est risquée, car
elle affaiblit l’armée au front et c’est justement là que Ludendorff frappe.
La préparation d’artillerie est de courte durée, mais d’une intensité extrême.
Des éléments allemands s’infiltrent dans les lignes britanniques pendant le
bombardement lui-même et de très nombreux défenseurs sont surpris dans
leurs abris. En outre, l’assaut allemand est favorisé par un épais brouillard. En
quelques heures, le front britannique s’effondre totalement et les Allemands
s’enfoncent vers l’ouest. Les Anglais perdent près de 60 000 prisonniers le
premier jour de l’offensive. L’avance se poursuit durant les jours suivants, sur
un rythme irrésistible. Mais de part et d’autre de la brèche, le front tient le
coup. Au sud, le général Pétain envoie des renforts considérables, ce qui
permet de bloquer les Allemands. Finalement, leur offensive meurt à quelques
kilomètres d’Amiens.

...

LES NOUVELLES ARMES


Le 20 novembre 1917, l’armée britannique attaque à Cambrai avec une masse
de 381 chars qui éventre littéralement la ligne Hindenburg en l’un des points
où elle est la plus solide. Le lendemain, les cloches de Londres sonnent à toute
volée pour annoncer la nouvelle tant attendue : le front allemand est percé, la
guerre de mouvement reprend. Mais les pertes ont été si lourdes en chars que
l’offensive s’épuise vite, d’autant que les réserves en infanterie sont très faibles.
Cambrai ne tombera pas et, après une dizaine de jours de combats, une
contre-attaque allemande reprend presque tout le terrain perdu. Il n’empêche
que les chars ont montré leur utilité et que les Alliés vont les employer de plus
en plus.
En 1918, l’arme qui se développe le plus est l’armée aérienne. Toute la
panoplie des missions encore menées aujourd’hui par l’aviation est mise en
œuvre : chasse, bombardement stratégique, attaque au sol, réglage d’artillerie,
etc. Parallèlement, la défense anti-aérienne se développe.
...

LES ALLIÉS SOUS LA PRESSION ALLEMANDE


L’offensive allemande du 21 mars 1918 a failli provoquer un effondrement
total du front allié. Jamais depuis la bataille de la Marne, en septembre 1914, la
situation n’avait été aussi grave pour les Alliés. Et pour la première fois, devant
le danger, ils parviennent à s’entendre : à la conférence de Doullens, le général
Foch est nommé généralissime de toutes les armées alliées sur le front
français.
En avril, Ludendorff frappe à nouveau le front britannique, cette fois au nord
d’Arras, afin de s’ouvrir la route des ports du Pas-de-Calais. Là encore, le front
est rompu et l’avance profonde. Mais une fois de plus, la brèche est comblée
après quelques jours de très grande inquiétude.
Le 27 mai 1918, Ludendorff attaque le front français du Chemin des Dames
avec la même puissance. Les lignes françaises sont submergées et cèdent
complètement. L’Aisne est franchie et la Marne est atteinte. Après quatre
années de guerre, les Allemands se retrouvent au même point qu’en
septembre 1914 ! En juin, un nouvel assaut, très violent, est lancé sur un front
plus restreint, au nord de Compiègne. La route de Paris semble ouverte, mais
une contre-attaque française menée sur le Matz avec des chars bloque les
Allemands.
Le 15 juillet 1918, Ludendorff lance 49 divisions à l’attaque, de part et d’autre
de Reims, afin d’en finir avec la résistance alliée dans ce secteur. Mais cette fois,
les Alliés sont prêts à le repousser.

Verbatim
« Le 27 mai, 15 divisions ont été volatilisées au sud de
l’Aisne. Nos pertes s’élèvent à 125 000 hommes… Défaite
sans précédent. »
Rapport Galbiez sur l’offensive allemande du Chemin des
Dames.
Les contre-offensives alliées mènent à la
victoire
Le 15 juillet 1918, l’offensive allemande frappe dans le vide,
car Pétain n’a laissé en première ligne que des éléments
très réduits ; après quelques kilomètres, les Allemands se
heurtent aux vraies défenses françaises et piétinent
devant elles pendant plusieurs jours. C’est alors qu’une
puissante contre-offensive française est lancée à l’ouest
du front d’attaque. C’en est alors fini de la dernière
offensive allemande. Le 8 août, les Britanniques et les
Français passent à l’attaque sur la Somme. Ludendorff ne
peut s’empêcher d’écrire que cette date est « le jour de
deuil de l’armée allemande ». C’est le commencement de
la fin pour l’Empire allemand.

L’ALLEMAGNE NE CROIT PLUS EN LA VICTOIRE


Les Britanniques appellent « les Cent Jours » la période qui coïncide avec les
offensives alliées de la fin de l’année 1918.
Ce décompte commence le 8 août, mais il serait plus juste de le faire
commencer au 18 juillet, date du début de la contre-offensive française sur la
Marne. Celle-ci vient comme une surprise pour les Allemands, car elle a été
lancée sans bombardement préliminaire, mais avec une masse de chars jetée
en avant. Le même principe avait été utilisé à la bataille du Matz, en juin, mais
avec des effectifs moindres. Les résultats sont plus probants cette fois : non
seulement les Allemands sont arrêtés, mais ils sont contraints de se replier sur
la Vesle, en perdant 25 000 prisonniers.
Il ne s’agit pourtant pas d’une défaite cinglante pour Ludendorff . Le 8 août
1918, Britanniques et Français attaquent à l’est d’Amiens. Là encore, en tout
cas du côté britannique, les chars sont utilisés pour accentuer la surprise. Pour
la première fois, de nombreuses troupes allemandes se rendent facilement.
Ludendorff , nous l’avons vu, parle de cette date comme du jour de deuil de
l’armée allemande. Il écrit aussi à propos de ce 8 août : « Il m’enleva l’espoir,
étant donné notre situation au point de vue des réserves, de trouver des
expédients stratégiques qui eussent pu consolider la situation en notre
faveur. »
En un mot, la guerre est perdue pour Ludendorff et, dès le 13 août, il
commence à faire pression auprès du gouvernement pour tenter d’en finir
avec la guerre, par le truchement d’une médiation de la reine des Pays-Bas.
...
CENT JOURS POUR FINIR LA GUERRE
L’offensive franco-britannique du 8 août a mis fin aux espoirs allemands de
pouvoir gagner la guerre, mais elle n’a pas obtenu de percée décisive. Le repli
allemand a été très méthodique et à la fin août, les Alliés se retrouvent devant
la ligne Hindenburg, comme à la fin de l’année 1917.
Foch va multiplier les assauts pour ébranler, puis disloquer la ligne défensive
allemande : en Belgique, avec le soutien de l’armée belge, dans le Nord, grâce
aux Britanniques et aux Canadiens, en Champagne, avec l’armée française. Fin
août, l’armée allemande dispose encore de 44 divisions en réserve. À la mi-
octobre, elle n’en a plus aucune. Les bataillons ne disposent plus que du tiers
de leur effectif normal.
Dans ces conditions, la victoire alliée est inéluctable, même si elle coûte très
cher en hommes. Après la conquête de la ligne Hindenburg, les Allemands se
replient vers leurs frontières.
...

LA FIN DE LA QUADRUPLICE
Les combats du front Ouest sont déterminants pour le sort de la guerre, mais
l’effondrement du front des Balkans est aussi considéré par Ludendorff
comme l’une des pires catastrophes subies par les puissances centrales.
En juin 1918, le général Franchet d’Esperey a été nommé à la tête de l’armée
d’Orient, enfermée depuis des années dans l’étroite tête de pont de
Salonique. Comme Briand et Churchill, d’Esperey ne se résigne pas « à mâcher
du fil de fer entre Dunkerque et Belfort ». Il pense pouvoir obtenir la décision
en frappant « la baleine au ventre », en profitant de la grande lassitude des
armées autrichienne, turque et bulgare.
Le 15 septembre 1918, le général Franchet d’Esperey lance son offensive à
travers les montagnes d’Albanie.
Le 25, le front est rompu et la 11e armée allemande est même encerclée et
contrainte à capituler. Dans le même temps, le tsar de Bulgarie, Ferdinand,
entre en pourparlers avec les Français. Le 29, la Bulgarie signe l’armistice.
.
Verbatim

En conclusion
La guerre de mouvement s’achève dans les tranchées
En août 1914, l’armée allemande est la meilleure du monde,
aussi bien par ses effectifs que par la qualité de son
armement et la valeur de son corps d’officiers. Elle parvient,
durant les premières semaines du conflit, à atteindre les
portes de Paris, puis la mécanique se bloque au moment
crucial, lors du sursaut français de la Marne. Les Allemands
reprennent la main, mais pour garder le terrain conquis,
l’armée allemande s’enterre : c’est le début de la guerre des
tranchées.
Seule contre le monde entier
Le plan Schlieffen prévoyait une victoire rapide de
l’Allemagne contre la France, avant la destruction de l’armée
russe. Or, fin 1914, le gros de l’armée allemande se trouve
embourbé dans les tranchées. Même si son armée souffre
moins que celles de ses adversaires, l’Allemagne ne cesse de
s’affaiblir économiquement.
En outre, elle doit soutenir militairement des alliés
incertains : l’Autriche-Hongrie et la Bulgarie. À force de lutter
sur tous les fronts, elle s’épuise et, à la fin de l’année 1918,
elle perd la guerre sans avoir été battue d’une façon
décisive : le pays n’a plus aucune perspective de victoire et
préfère n’importe quelle paix à la poursuite inutile d’efforts
insensés.
« Le 8 août est le jour de deuil de l’armée allemande. Il
marqua le déclin de notre force militaire. »
Général Erich Ludendorff.
Le 11 novembre 1918, à 11 heures du matin, les combats cessent entre
l’Allemagne et les pays alliés. Est-ce pour autant la fin de la Der des Der,
comme l’espéraient les poilus dans les tranchées ? Certes, la guerre est
gagnée, avec deux conséquences heureuses : la fin de la tuerie et le retrait de
l’armée allemande en deçà du Rhin. Pour le reste, les interrogations sont
innombrables. En France, le pays le plus touché d’Europe, il faut reconstruire
une bonne partie du pays, de son industrie et même de son agriculture. Mais
ce qui compte surtout, c’est de s’assurer que la guerre ne recommencera pas.
Pour éviter la reprise des combats, il faut un traité de paix qui soit le garant de
la stabilité mondiale dans les années à venir. Hélas, les vainqueurs n’ont pas les
mêmes objectifs et, pour beaucoup d’hommes politiques, notamment en
France, il s’agit surtout de faire payer l’Allemagne, sans aucune vision à long
terme. L’établissement de la Société des Nations, qui correspond à une idée
généreuse, n’a aucune chance de réussite en raison de l’iniquité des traités de
paix signés en 1919.
Novembre 1918 : défaites et révolutions
Les révolutions qui éclatent en octobre 1918 en Allemagne,
en Autriche, en Hongrie sont dues à la défaite militaire et
non le contraire. Le coup de poignard dans le dos,
savamment orchestré par le Parti national socialiste
pendant l’entre-deux-guerres, n’est qu’un mythe. Les
puissances centrales ont été submergées par la défaite
militaire. C’est elle qui a provoqué un affaiblissement de
l’autorité des gouvernements en place. En outre, certains
pays, comme la Bulgarie et la Turquie, ont été contraints à
demander l’armistice sans qu’aucune révolution n’ait
encore eu lieu. En l’espace de six semaines, du 29
septembre au 11 novembre 1918, les puissances centrales
s’effondrent.

L’ALLEMAGNE S’EFFONDRE POLITIQUEMENT


Le 13 juillet 1917, le chancelier allemand Bethmann-Hollweg est contraint de
démissionner en raison de la volonté du Reichstag de demander la paix. Le 19
juillet, le Reichstag fait officiellement une demande de paix qui reste sans
lendemain en raison du refus allié. Le chancelier est remplacé par Georg
Michaelis, puis par Georg von Hertling. Celui-ci joue un rôle mineur dans la
direction de la guerre, car c’est Ludendorff qui tient littéralement tous les
leviers de décision en Allemagne. Après les défaites de l’été et de l’automne
1918, Hertling démissionne le 3 octobre. Le prince Max de Bade le remplace. Il
parvient à contraindre Ludendorff à se retirer, le 26 octobre.
Le général Grœner est nommé à sa place, alors que les mutineries et les
émeutes se multiplient en Allemagne.
Début novembre, Hindenburg et Grœner préviennent Guillaume II qu’il ne
peut plus compter sur l’armée. Le 9 novembre, le prince Max annonce
l’abdication de Guillaume II et de son fils, le Kronprinz, sans même que les
deux intéressés aient donné leur accord ! Max de Bade espère mettre en place
une monarchie constitutionnelle, mais le ministre social-démocrate
Scheidemann ne lui en laisse pas le temps : il proclame la République. Dans le
même temps, les pourparlers d’armistice vont bon train. Le 11 novembre, les
plénipotentiaires allemands, dont le secrétaire d’État Erzberger, qui a reçu les
pleins pouvoirs de Max de Bade, signent avec Foch l’armistice qui met fin aux
hostilités.

...

LA RÉVOLUTION ALLEMANDE
L’agitation commence en Allemagne dès avril 1917 ; elle est due à la dureté
de la vie et à la démoralisation qu’engendre la longueur de la guerre. La
situation se dégrade en 1918 et, en octobre, la flotte se mutine, les grèves et
les manifestations se multiplient.
La gauche est représentée par deux partis : le très puissant SPD et l’USPD, un
petit parti plus radical, dont l’aile gauche est le groupe Spartakus, dirigé par
Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Avec l’arrivée au pouvoir de Max de Bade
et le départ en exil de Guillaume II, les spartakistes tentent de lancer une
insurrection populaire. Celle-ci débute le 9 novembre 1918. Le soir même,
Max de Bade cède la chancellerie au social-démocrate Ebert. Un
gouvernement est alors formé avec le SPD et l’USPD, à l’exception des
spartakistes qui décident de fonder un parti communiste allemand.
...

LA FIN DE DEUX EMPIRES : AUTRICHE-HONGRIE ET EMPIRE OTTOMAN


L’Empire ottoman. À l’issue des guerres balkaniques, l’Empire ottoman perd la
quasi-totalité de ses possessions en Europe. Le mouvement des Jeunes-Turcs,
influant depuis 1908, exerce alors le pouvoir par une sorte de dictature, ses
membres les plus importants tenant les postes clés du gouvernement : Enver
Pacha comme ministre de la Guerre, Talaat Pacha comme ministre de
l’Intérieur, Djemal Pacha comme ministre de la Marine et enfin Djavid Bey au
poste de ministre des Finances.
La Turquie n’entre en guerre que le 31 octobre 1914 aux côtés de l’Allemagne.
Le sultan en appelle au djihad, la guerre sainte, et la propagande turque fait
même courir le bruit que le Kaiser Guillaume II descend directement du
Prophète par la sœur de Mahomet ! Les premières années de guerre sont
favorables à la Turquie, avec les victoires des Dardanelles et de Mésopotamie,
mais peu à peu, l’armée turque décline et subit des défaites, en Palestine, puis
en Irak. Le traité de Brest-Litovsk permet à l’Empire ottoman de récupérer des
provinces de l’ancienne Russie, mais en octobre 1918, l’invasion de la Syrie et
du Liban par les Alliés précipite son effondrement. Le gouvernement des
Jeunes-Turcs démissionne le 14 et, dès le 31 octobre, le nouveau grand vizir,
Izzet Pacha, signe un armistice avec les Alliés à Moudros. L’Allemagne perd
ainsi un second allié, après la Bulgarie.
L’Autriche-Hongrie. Après la mort de François-Joseph, l’empereur Charles a
essayé de réformer l’État, sans succès. De même, ses nombreuses tentatives
pour obtenir une paix séparée ont échoué, principalement parce qu’elles
arrivaient trop tard, au moment où l’entrée en guerre des États-Unis rendait la
victoire de l’Entente très probable. En juillet 1918, la Tchécoslovaquie
proclame son indépendance. La Hongrie devient indépendante le 19 octobre
1918. Le 11 novembre, la république y est proclamée. En Autriche, l’empereur
Charles abdique le même jour et le vieil empire des Habsbourg devient une
république le 12 novembre. Il ne reste alors plus rien des puissances centrales.
.

Verbatim
« La vérité est que, sans révolution en Allemagne, nous
périrons. »
Lénine, lors du 7e congrès du Parti communiste d’Union
soviétique.
Le traité de Versailles (28 juin 1919)
Le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, est censé
permettre une paix durable en Europe. D’autres traités
concernent les pays vaincus de la Quadriplice. Le principe
qui a animé les négociateurs alliés est d’affaiblir
l’Allemagne pour la punir et la rendre inoffensive. Les
Allemands espéraient que le traité de paix s’inspire des
quatorze points du président Wilson, mais il est beaucoup
plus dur. L’Allemagne perd 20 % de son territoire, 10 % de
sa population, toutes ses colonies, le tiers de son
industrie, les quatre cinquièmes de ses mines de fer et son
armée est très fortement réduite ; il lui est interdit de
posséder des armes modernes.

LES GRANDES LIGNES DU TRAITÉ DE VERSAILLES


Dans le traité signé le 28 juin 1919 au palais de Versailles, l’Allemagne est
déclarée responsable de la guerre. Elle perd de nombreux territoires : l’Alsace-
Lorraine, le territoire d’Eupen-Malmédy rendu à la Belgique, une partie du
Schleswig, qui retourne au Danemark, la Posnanie, donnée à la Pologne, mais
sans la ville de Dantzig, qui devient ville libre bien qu’elle soit uniquement
peuplée d’Allemands.
La Sarre est confiée à la Société des Nations pour un mandat de quinze ans.
Après cette date, un référendum décidera de son sort : soit elle retournera à
l’Allemagne, soit à la France. En attendant, ses mines sont cédées à la France.
Les colonies de l’Allemagne sont partagées entre les pays vainqueurs qui les
administreront sous mandat de la SDN : le Cameroun et le Togo pour la
France, le Sud-Ouest et l’Est africains pour la Grande-Bretagne. La Belgique, la
Nouvelle-Zélande, l’Australie et le Japon se partagent le reste, principalement
des territoires du Pacifique.
L’armée allemande est réduite à cent mille volontaires servant à long terme. La
rive gauche du Rhin est démilitarisée, ainsi qu’une bande de 50 kilomètres
située à l’est du fleuve. Le désarmement est contrôlé par une commission
interalliée. La rive gauche du Rhin, de Mayence, de Coblence et de Cologne
est occupée pour une durée de quinze ans. Enfin, l’Allemagne devra payer des
réparations, dont le montant sera fixé par une commission spéciale.
Le traité de Versailles prévoit également la création de la Société des Nations,
censée empêcher les risques de guerre.

...

UN TRAITÉ DE PAIX LOURD DE MENACES


La dureté des clauses du traité de Versailles est telle que les Allemands sont
humiliés. C’est en se servant de ce sentiment que le Parti national-socialiste va
prospérer durant l’après-guerre.
Les clauses les plus malheureuses sont les suivantes :
– l’Allemagne est déclarée responsable de la guerre. Or, nul ne peut ignorer
que d’autres pays ont joué un rôle dans le déclenchement du conflit et que
l’Allemagne ne peut en fait être tenue pour seule responsable. Cette clause
est considérée comme très injuste par le peuple allemand ;
– la création du corridor de Dantzig va mener directement à la Seconde
Guerre mondiale ;
– l’administration de la Sarre par la SDN se fait contre la volonté des habitants.
Lors du référendum de 1935, 90,8 % des Sarrois demandent leur retour à
l’Allemagne ;
– les réparations vont être d’un montant tel qu’elles vont plonger l’Allemagne
dans une crise économique profonde.
L’armée de 100 000 hommes va devenir une véritable armée de cadres pour la
future Wehrmacht.
...

LES NÉGOCIATEURS DU TRAITÉ DE VERSAILLES


Le choix de la galerie des Glaces du château de Versailles comme lieu de
signature du traité est symbolique (mais aussi mesquin) : c’est là que l’Empire
allemand avait été proclamé le 18 janvier 1871.
Les vingt-sept pays alliés sont assis à la table de négociations, mais le traité a
en fait été rédigé par seulement quatre négociateurs : Vittorio Orlando pour
l’Italie, David Lloyd George pour la Grande-Bretagne, Woodrow Wilson pour
les États-Unis et Georges Clemenceau pour la France. Ces quatre hommes
sont de tempéraments très différents, même s’ils viennent politiquement du
même horizon, le centre-gauche. Le président Wilson est un idéaliste qui veut
imposer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, même au mépris de
l’équilibre européen. Orlando veut essentiellement obtenir des
compensations territoriales pour l’Italie, mais ceci concerne surtout le traité
avec l’Autriche-Hongrie. Lloyd George est le plus modéré des quatre ; il pense
qu’il ne faut pas trop écraser l’Allemagne. Clemenceau est d’un avis contraire :
pour reconstruire la France, il faut que l’Allemagne paie.
L’économiste britannique Keynes, expert à la conférence, souhaite limiter à 70
ou 80 milliards de mark-or les réparations allemandes, mais il n’est pas écouté
et le chiffre est porté à 269 milliards, soit plus d’une année de revenu national
du pays. Une somme trop lourde que l’Allemagne ne pourra ni ne voudra
payer, ce qui provoquera une série de crises financières et politiques dans
l’ensemble de l’Europe.
.

Verbatim
« Cérémonie pompeuse et mesquine, au protocole pesant
et déplacé, consacrant une paix ratée et exhalant un parfum
de vengeance. »
Harold Nicholson, à propos du traité de Versailles.
Le dépeçage de l’Empire austro-hongrois
Si le traité de Versailles a conduit inexorablement à la
Seconde Guerre mondiale, les traités de Saint-Germain et
de Trianon ont eu des répercussions très durables et très
dommageables sur l’équilibre européen, pendant l’entre-
deux-guerres et encore jusqu’à nos jours. Clemenceau se
serait-il laissé aller à son anticléricalisme pour imposer le
dépeçage de l’Empire austro-hongrois, catholique, alors
que l’Allemagne n’a subi que des pertes territoriales
minimes ? La Hongrie, par exemple, est privée de 68 % de
son territoire et de 59 % de sa population ! De multiples
pays non viables sont ainsi créés à la place de l’Empire
austro-hongrois.

LE TRAITÉ DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE
Le traité de Saint-Germain, signé le 10 septembre 1919, établit la paix entre
l’Autriche et les pays alliés. Les conditions de signature de ce traité sont assez
invraisemblables, car les Alliés ont refusé à la délégation autrichienne le droit
d’y participer, celle-ci ne pouvant que soumettre des propositions écrites.
Les stipulations du traité sont extrêmement sévères pour l’Autriche. Le pays
est littéralement dépecé. La Hongrie, qui avait proclamé son indépendance en
novembre 1918, est concernée par un autre traité, celui de Trianon.
En ce qui concerne le traité de Saint-Germain, les préceptes de Wilson sur la
libre détermination des peuples ne sont pas respectés. Ainsi, les régions
germanophones de la Bohême, de la Moravie et de quelques communes de
Basse-Autriche sont intégrées à la nouvelle Tchécoslovaquie. Les régions
germanophones du sud du Tyrol sont annexées par l’Italie. Des zones de la
Basse-Styrie et de la vallée de Miess font partie de la Yougoslavie. Quatre
districts de l’ouest de la Hongrie sont rattachés à l’Autriche. Celle-ci n’a pas le
droit de demander son rattachement à l’Allemagne (Anschluss). Son armée est
en outre limitée à 30 000 hommes et le pays, comme l’Allemagne, doit payer
des réparations, en l’occurrence 55 milliards de couronnes.
Concrètement, cela signifie que l’Autriche est réduite à sa capitale, Vienne, qui
compte 30 % de la population totale, et à la région désertique des Alpes. Elle
est privée d’arrière-pays et des débouchés commerciaux danubiens. Son sort
est donc bien pire que celui de l’Allemagne.

...

LE TRAITÉ DE TRIANON
La Hongrie ayant déclaré son indépendance en novembre 1918, elle ne peut
être concernée par le même traité que l’Autriche. Le traité de Trianon, imposé
par les Alliés, est signé le 4 juin 1920. Il est plus dur encore, si toutefois cela est
possible, que celui de Saint-Germain. La Hongrie est totalement démantelée.
Elle doit céder la Slovaquie et la Ruthénie à la Tchécoslovaquie, la Croatie au
royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes (future Yougoslavie). Enfin, la
Transylvanie est donnée à la Roumanie.
Les deux tiers du territoire hongrois sont ainsi répartis entre des États ennemis
et la population passe de 20,8 millions d’habitants à 7,6 millions. Ceci explique
pourquoi, de nos jours encore, on trouve des Magyars (des Hongrois) en
Slovaquie, en Voïvodine (Yougoslavie), en Roumanie et en Ukraine. Il n’y a
donc rien d’étonnant que l’irrédentisme magyar soit demeuré une donnée
politique permanente en Slovaquie, en Roumanie et surtout en Voïvodine.
...

HEURS ET MALHEURS DE LA HONGRIE


La Hongrie fait sécession le 1er novembre 1918. Le 3 novembre, elle signe
l’armistice avec les Alliés. Dès le 10, les Roumains reprennent les hostilités et
entrent en Transylvanie. Le 16, Karolyi proclame la République hongroise. Le
24 décembre, la Transylvanie est officiellement rattachée à la Roumanie.
Pendant ce temps, la révolution ronge le pays et le 21 mars, le gouvernement
de Karolyi est renversé par les bolcheviks. Le pouvoir revient alors au Conseil
des commissaires du peuple, présidé par Béla Kun. Devant la menace pour
l’équilibre européen, les Alliés décident de soutenir l’amiral Horthy. Le pouvoir
bolchevique s’effondre vite et le 1er août, Béla Kun s’enfuit.
Les Roumains en profitent pour envahir la Hongrie et entrer dans Budapest. Ils
n’y restent pas et Horthy s’installe à Budapest le 16 novembre. Il devient
régent le 1er mars 1920 (les Alliés interdisent le retour de Charles de
Habsbourg) et doit signer le diktat de Trianon le 4 juin.

Verbatim
« – Tu m’as coupé une jambe, je t’en coupe une aussi.
– Puisque tu m’as coupé une jambe, je t’arrache un œil.
– Et moi une oreille.
– Et moi les deux oreilles… »
Léon Bopp, à propos des traités de paix de 1919.
La question des nationalités
Les pays qui voient le jour en novembre 1918 sont des
mosaïques de peuples et ont des frontières incertaines. Le
royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes (future
Yougoslavie) est un patchwork sans aucune unité, si ce
n’est celle de la domination serbe. Ainsi que l’a écrit
l’historien Jacques Bainville, le traité de Versailles a certes
affaibli la puissance allemande, mais il a aussi augmenté
significativement son importance relative : en raison de la
disparition de l’Empire austro-hongrois et du repli sur elle-
même de la Russie, l’Allemagne devient la seule puissance
continentale, entourée d’une multitude de « Serbies ».
LE ROYAUME DES SERBES, DES CROATES ET DES SLOVÈNES
Le nouveau pays, qui voit le jour le 1er décembre 1918, est une fédération qui
rassemble autour de Belgrade les provinces arrachées à l’Empire austro-
hongrois.
La Slovénie et la Croatie sont peuplées de Slaves qui vivent depuis la fin du
Moyen Âge sous la tutelle autrichienne. Ils sont catholiques et utilisent
l’alphabet romain. Leur niveau de développement est alors proche de celui
des Autrichiens.
La Bosnie-Herzégovine, dont la est capitale Sarajevo, est une ancienne
province frontalière de l’Empire ottoman, passée sous la coupe de l’Autriche
après les guerres balkaniques. Population slave, de religions très variées :
orthodoxes, comme les Serbes, catholiques comme les Croates, musulmans
comme les Turcs.
Le royaume du Monténégro, bien que plus méridional que la Bosnie, a su
préserver son identité face aux Turcs. La population, slave et religion
orthodoxe, utilise l’alphabet cyrillique. Slovènes, Croates et Monténégrins
acceptent de se fondre dans un royaume dominé par les Serbes dans le but
d’éviter l’emprise de l’Italie. Mais ceci se fait sans grand enthousiasme et le
nouveau royaume est aussi fragile que les Empires austro-hongrois et
ottoman dont il est issu, avec pas moins de trois religions, deux alphabets,
quatre langues et de très nombreuses nationalités. En outre, ces différents
peuples n’ont jamais vécu ensemble.
...

LA TCHÉCOSLOVAQUIE ET SES NATIONALITÉS


L’indépendance d’un État tchécoslovaque, à majorité slave, est proclamée le
28 octobre 1918. Sa constitution est inspirée de celles des États-Unis et de la
France. Les minorités sont très nombreuses : les Slovaques sont 2,2 millions,
contre 10 millions de « Tchèques », mais, parmi ces derniers, on compte plus
de 3 millions d’Allemands, répartis le long des frontières. On trouve aussi dans
le pays des Hongrois et des Polonais. À l’évidence, les théories de Wilson sur
les nationalités n’ont pas été respectées.
En 1933, les Allemands de Tchécoslovaquie fondent le parti des Allemands
des Sudètes, soutenu par le parti nazi et Hitler. Ils demandent le rattachement
de leur région à l’Allemagne, qui sera obtenue en 1938, avec les accords de
Munich.
...

LA POLOGNE ET SES FRONTIÈRES CONTESTÉES


La Pologne est née de l’effondrement de la Russie et de l’Allemagne. Après le
traité de Brest-Litovsk, toute la Pologne historique se trouve en dehors de la
Russie et la Légion polonaise du général Pilsudski, qui a combattu du côté des
puissances centrales, espère bien en tirer des bénéfices.
Mais ce n’est que le 11 novembre 1918 que la Pologne proclame son
indépendance. Quelles sont alors les frontières du pays ? À l’ouest, elles seront
clarifiées par le traité de Versailles, qui donne la Posnanie à la Pologne et lui
ouvre l’accès à la mer Baltique par le corridor de Dantzig. À l’est, en revanche,
bolcheviks et Polonais se disputent la frontière. En décembre 1919, les Alliés
décrètent que la limite « ethnique » orientale de la Pologne est la ligne Curzon
(qui passe dans les actuels Bélarus et Ukraine), mais sans interdire à la Pologne
de s’établir plus loin vers l’est. L’Allemagne d’une part, l’URSS d’autre part, sont
donc peu satisfaites des frontières polonaises.
.
Verbatim
« Quant à l’action qui va commencer, elle se passe en
Pologne, c’est-à-dire nulle part. »
Alfred Jarry, Ubu roi.
La Turquie vaincue
Depuis la fin du XIXe siècle, l’Empire ottoman n’a cessé de
subir des défaites et de perdre des territoires de plus en
plus vastes. En 1914, la Turquie choisit le camp des
puissances centrales et mène une politique
d’extermination des minorités non musulmanes. Les
premiers frappés sont les Arméniens. Le nombre exact de
tués ne sera jamais connu, mais il est estimé à une
fourchette située entre 750 000 et 1,5 million. Avec la
capitulation de 1918, l’Empire ottoman est disloqué. Il perd
toutes ses provinces non turques et voit les Grecs
d’Anatolie obtenir leur indépendance. Mustafa Kemal
chasse les Grecs en 1922 et établit son pouvoir en Turquie
en 1923.

LA TURQUIE, DU TRAITÉ DE SÈVRES AU TRAITÉ DE LAUSANNE


Après l’armistice de Moudros, du 30 octobre 1918, les Alliés se préparent à
démembrer l’Empire ottoman. Dans un premier temps, les Britanniques et les
Français occupent Constantinople et les détroits. Ils laissent des Grecs
débarquer à Smyrne et massacrer la population turque de la ville. Le sultan
Mehmed VI, quant à lui, se compromet avec les Alliés pour garder son trône.
Deux pouvoirs. Cette politique révolte de nombreux Turcs, qui trouvent leur
champion en Mustafa Kemal. Il existe alors deux pouvoirs en Turquie : celui du
sultan à Istanbul et celui de Kemal, à Ankara, au centre de l’Anatolie.
Les termes du traité de Sèvres. Le 10 août 1920, le sultan signe le traité de paix
de Sèvres, qui est très dur pour la Turquie. Les provinces arabophones passent
sous la tutelle des pays vainqueurs, qui y exerceront un mandat jusqu’à leur
indépendance : mandat français pour le Liban et la Syrie, mandat britannique
pour la Palestine, la Transjordanie et l’Irak. L’Arabie devient quasi
indépendante. La Grèce reçoit la côte occidentale de l’Anatolie, dont Smyrne.
Une grande Arménie doit être créée, avec les territoires arméniens de Turquie
et de Russie. Enfin, un Kurdistan autonome est prévu à l’est du pays. Les
détroits et Istanbul deviennent une zone démilitarisée. Il ne reste rien de la
Turquie historique.
Mustafa Kemal et la nouvelle paix. Ce traité désastreux est rejeté par la
majorité des Turcs et par Mustafa Kemal. Ce dernier prend donc les armes
pour reconquérir les provinces perdues. Il bat tout d’abord les Arméniens avec
le secours de la Russie bolchevique. Il se retourne ensuite contre les Grecs.
Après une longue campagne, en 1921 et 1922, il écrase les armées grecques
et les contraint à l’évacuation de l’Anatolie. Plus d’un million de civils grecs
quittent alors cette région où ils vivaient depuis l’Antiquité. Après ces succès,
Kemal obtient des Alliés le nouveau traité de paix de Lausanne, qui établit la
Turquie dans ses frontières actuelles.
...
MUSTAFA KEMAL, « L’ANCÊTRE DES TURCS »
La disparition de l’Empire ottoman, consécutive à la défaite de 1918, se fait en
plusieurs étapes. La figure dominante dans la Turquie de l’après-guerre est
celle de Mustafa Kemal, dit Atatürk, ou « ancêtre des Turcs ». Né en 1881, il
choisit la carrière des armes. Il participe comme officier à la guerre italo-turque
de 1911, puis aux guerres des Balkans. C’est surtout pendant la campagne des
Dardanelles qu’il se révèle, en bloquant l’avance britannique à Gallipoli. En
1918, il est le seul général turc à s’être illustré, ce qui lui permet de jouer un
rôle de premier plan dans la période trouble qui suit l’armistice.
Il établit la république, gagne la guerre dite d’Indépendance, obtient un
nouveau traité de paix, abolit le sultanat, puis le califat. Devenu président de la
République, il met en place une constitution laïque, avec des droits égaux
pour les deux sexes, fait adopter un alphabet latin, interdit le voile islamique,
etc.

...

LE MASSACRE DES ARMÉNIENS, VU PAR UN TÉMOIN ALLEMAND


« Les 8, 9, 10 juin, d’immenses foules d’Arméniens quittaient la ville d’Erzindjan,
accompagnés d’une escorte militaire qui devait assurer un certain ordre au
convoi composé d’hommes à pied et de centaines de chars à bœufs. On
partait pour Kémakh, le prochain chef-lieu d’arrondissement.
Sur les dizaines de milliers de personnes qu’on fit passer par la vallée de
l’Euphrate, rien qu’un petit nombre atteignit le lieu de destination. Dans la
gorge, les soldats et les Kurdes sanguinaires, accourus des environs, se jetèrent
sur les hommes sans défense, les pillèrent et les massacrèrent sauvagement
dans une indicible soif de sang. Des montagnes de cadavres et de mourants
furent précipitées dans l’abîme béant sous le hurlement rauque des
exécuteurs. Le fracas des corps brisés retentit entre les parois rocheuses, mêlé
aux cris d’effroi et de douleur des victimes agonisant plus haut. Les hommes
et les femmes virent leurs enfants et leurs époux taillés en morceaux, éventrés,
saignés à blanc ; ils virent leurs cadavres fracassés, gisant sur les arêtes
rocheuses. Des mères devenues folles à la vue de ces scènes diaboliques se
jetèrent elles-mêmes dans l’abîme meurtrier derrière leurs enfants et leurs
époux. De pauvres créatures désespérées s’agenouillèrent devant les brutes,
dégouttant de sang, les suppliant de les tuer au plus vite. D’autres
demandèrent grâce ou jetèrent elles-mêmes leurs enfants dans le fleuve, où
les cadavres s’amoncelaient en barrières sur les saillies des rives. Les flots
impétueux claquaient sous la chute des corps inanimés. Et cela ne fut pas
l’œuvre diabolique d’une heure, non ! Durant trois jours, heure par heure, se
poursuivit l’horrible tuerie, les infâmes massacres. » Heinrich Vierbücher,
Arménie 1915. Un peuple civilisé massacré par les Turcs. Témoignage d’un
officier allemand, Montélimar, A. Gessarentz, 1987.
.

Verbatim
« L’énormité n’est pas tant dans les tortures, les massacres,
les outrages, etc., que dans l’intention et l’effort fait pour
exterminer une nation. »
Arnold Toynbee, dans The Treatment of Armenians in the
Ottoman Empire, 1916.
Une Europe épuisée, des États-Unis
vainqueurs
La Première Guerre mondiale a eu des répercussions
immenses sur l’histoire de l’humanité, probablement plus
encore que la Seconde, car ses effets sont encore visibles
dans différentes parties du globe. L’une des conséquences
les plus visibles a été l’établissement du régime
communiste en Russie, qui a duré jusqu’en 1991. La double
promesse faite par les Britanniques aux Arabes et aux
Juifs de disposer d’une terre en Palestine a conduit à une
impasse politique dont nul ne sait quand elle prendra fin.
Quant au traité de Versailles, il a porté en lui, dès sa
signature, tous les germes d’un futur conflit qui a ravagé
la planète vingt ans plus tard.

DES INÉGALITÉS DANS LES PERTES HUMAINES


Environ 8 millions de Français ont été mobilisés, soit plus du cinquième de la
population. Au moment de l’armistice, la France compte plus de 1,3 million de
morts, ce qui représente 27 % des hommes de moins de 28 ans. Il y a eu près
de 3 millions de blessés, dont le cinquième recevra une pension d’invalide et
dont 60 000 sont des amputés.
Au recensement de 1921, alors que la France a récupéré les trois
départements d’Alsace-Lorraine, le pays compte 600 000 âmes en moins
qu’en 1913 : aux pertes militaires s’ajoutent la mortalité civile augmentée
(avec notamment la grippe espagnole) et la baisse de la natalité pendant la
guerre.
Par rapport à la population active, la proportion des pertes françaises est de
10 %, soit un peu plus que celle d’Allemagne et d’Autriche, deux fois plus que
celle du Royaume-Uni et de la Russie et sans aucune mesure avec celle des
États-Unis, qui ne représente que 0,2 %. La France, bien que pays vainqueur,
est exsangue.
...
LES ÉTATS-UNIS, UNE PREMIÈRE PUISSANCE MONDIALE DISCRÈTE
Les États-Unis sont devenus la première puissance mondiale vers 1890, en
détrônant la Grande-Bretagne. Pour autant, leur hégémonie ne s’affirme que
très lentement et ne s’imposera en fait qu’après la Seconde Guerre mondiale.
Il n’empêche que la Grande Guerre accentue de façon très nette et très rapide
le déplacement du centre de gravité économique de l’Europe vers les États-
Unis.
Certes, les États-Unis ont participé à la guerre, mais très tardivement et sans
subir de destructions sur leur sol. Leur économie a pu développer sa capacité
de production d’armement. Il est considéré par les économistes que la guerre
a fait gagner aux États-Unis l’équivalent de six ans de croissance sur les pays
européens engagés plus tôt dans le conflit, notamment la Grande-Bretagne et
l’Allemagne, les deux autres grandes puissances de l’époque. En outre, les
États-Unis n’ont pas subi l’hécatombe des principaux pays européens et leurs
forces vives sortent intactes de la guerre.
.
Verbatim
« Pauvres camarades, étendus devant nos fils de fer au
Calvaire, on ne vous pleurera pas longtemps, si tant est que
vous l’ayez jamais été. »
Charles Delvert, 1916, lors d’un passage à Paris en revenant
du front.
Le nouvel ordre mondial : la SDN
Le rejet du traité de Versailles par le Sénat américain
affaiblit tous les traités de paix et rend plus difficile
l’établissement de la Société des Nations. Pourtant,
pendant près d’une décennie, l’esprit de Genève souffle
sur le monde et il est favorable à la conciliation générale.
Mais, lorsque la crise de 1929 frappe les États-Unis, puis le
monde entier, elle engendre un climat de méfiance et de
rivalités. La SDN est impuissante devant cette crise
économique, mais elle le devient aussi en ce qui concerne
les crises politiques, qui se multiplient à partir de 1933.
Une constatation s’impose alors : la SDN ne sert à rien.

UN CONFLIT NÉ DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE


Le conflit israélo-palestinien est né de la Première Guerre mondiale, d’une part
en raison des promesses contradictoires des Britanniques aux Juifs et aux
Arabes, d’autre part à cause de la disparition de l’Empire ottoman.
L’Empire ottoman. À l’époque turque, l’émigration vers la Palestine des Juifs
répondant à l’appel du sionisme, se faisait dans l’harmonie. À terme, Théodore
Herzl, lorsqu’il avait fixé les buts du sionisme, avait prévu l’instauration d’un
État juif en Palestine ; mais, en 1914, ce but était loin d’être atteint, puisque la
population juive était de 85 000 habitants seulement.
En 1917, lord Balfour promet un foyer national juif en Palestine dans le but de
s’attirer l’appui des Juifs du monde entier. Dans le même temps, T. E. Lawrence
en fait de même avec les Arabes.
Émigration massive. En 1919, la Turquie est dépecée et son empire est partagé
entre Français et Britanniques. Ce n’est pas pour autant que les Britanniques
mettent à exécution leurs promesses. Dans un premier temps, l’émigration
juive n’est pas entravée et la population juive de Palestine passe de 85 000 à
475 000 personnes en 1939. Ces chiffres font cependant illusion, car il ne s’agit
pas d’une croissance régulière. À partir de la fin des années 1920, les
Britanniques établissent un quota très strict, qui ne sera pas modifié, même
pendant la période du nazisme, puis de la guerre. Cette politique s’explique
par la volonté de s’accorder les bonnes grâces du monde arabe. En 1936, des
pogroms ont eu lieu en Palestine sur une vaste échelle, sans que les autorités
britanniques ne s’en émeuvent outre mesure. La cohabitation entre les deux
peuples devient de plus en plus difficile et l’avenir ne laisse rien augurer de
bon.

...

L’ALLEMAGNE ET LA REMISE EN CAUSE DU TRAITÉ DU VERSAILLES


Considéré comme un diktat par la majorité des Allemands, le traité de
Versailles n’a jamais été véritablement accepté par la république de Weimar,
qui a rapidement tenté de tourner ses clauses militaires, notamment en
développant des armes interdites, soit avec les Suédois, soit avec les
Soviétiques. L’aviation de guerre est interdite, mais sous couvert de construire
des avions de ligne, on met au point des bombardiers.
Avec l’arrivée de Hitler au pouvoir, la remise en cause est générale. En octobre
1934, une division blindée est créée, sous un faux nom : 3e division de
cavalerie. Dans le même temps, des chars légers Panzer I sont construits en
secret. Le 16 mars 1935, Hitler rejette officiellement le traité de Versailles et
réintroduit la conscription en Allemagne, sans aucune réaction de la part des
Occidentaux. Mieux encore, le 18 juin 1935, les Britanniques acceptent de
signer avec Hitler un traité naval qui permet à l’Allemagne de recréer une
marine de guerre moderne, pourvu que ses effectifs ne dépassent pas 35 % de
ceux de la Royal Navy, 45 % pour les sous-marins.
L’engrenage est alors lancé. Le 7 mars 1936, la Rhénanie est remilitarisée sans
réaction de la France. En 1938, l’Autriche est rattachée à l’Allemagne. À la fin
de l’année 1938, la crise des Sudètes mène au démembrement de la
Tchécoslovaquie, qui est finalement envahie au printemps 1939, toujours sans
réaction des Alliés. Hitler croit alors qu’il pourra dépecer la Pologne de la
même façon.

...

LA SOCIÉTÉ DES NATIONS


Le quatorzième point de la proposition de paix de Wilson réclame la création
d’une Société des Nations qui puisse garantir les intérêts des petits comme
des grands États. Après la capitulation des puissances centrales et avant
même que les travaux de la conférence de paix commencent, Wilson fait
discuter en comité secret un texte sur cette Société des Nations. Elle est
fondée sur la libre détermination et la coopération des États. Elle prend le
nom de pacte et est insérée en tête du traité de Versailles.
Les missions de la SDN. La Société des Nations naît officiellement lors de
l’entrée en vigueur du traité de Versailles, le 10 janvier 1920. Son siège est dans
un pays neutre, en l’occurrence la Suisse, à Genève. La SDN a une double
mission : « Garantir la paix et la sécurité internationales en prévenant ou en
réprimant les guerres et développer la coopération entre les nations dans tous
les domaines pour favoriser le progrès culturel et social. » Les États s’engagent
à se garantir mutuellement leur indépendance politique et leur intégrité
territoriale ; ils doivent défendre tout pays victime d’une atteinte à ces droits et
acceptent de ne pas recourir à la guerre. En cas d’échec des négociations, la
SDN rendra un arbitrage. En cas de guerre ou de menaces, la SDN pourra
exercer des sanctions politiques, économiques ou militaires. Dans le domaine
de la coopération entre les nations, la SDN dispose aussi de vastes
compétences : elle est chargée du contrôle des mandats internationaux (par
exemple le mandat britannique sur la Palestine), elle protège des minorités,
elle réprime les trafics de drogue ou la traite des femmes et des enfants, elle
réglemente le commerce et les dispositions sociales. C’est ainsi qu’un Bureau
international du travail est créé. Enfin, une Cour permanente de justice
internationale est prévue.
Les structures de la SDN. Au départ, la SDN compte 32 membres fondateurs,
c’est-à-dire tous les pays vainqueurs signataires des traités de paix. 13 autres
États seront invités à rejoindre les premiers membres. Notons qu’à la majorité
des deux tiers, l’assemblée des pays membres pourra désigner de nouveaux
membres, y compris parmi les vaincus. La SDN compte deux organes
délibérants. Le premier est le conseil, composé de cinq membres permanents
(France, Grande-Bretagne, Italie, Japon et Chine) et d’un nombre qui ira
croissant de membres non permanents. Les États-Unis n’y sont pas
représentés car le Sénat a refusé de ratifier le traité de Versailles, pourtant
largement inspiré des idées de Wilson. Le second organe est l’assemblée,
composée de délégués de tous les États membres, avec une voix par pays.

Verbatim
« La Société des Nations a pour objet de fournir des
garanties réciproques d’indépendance politique et
territoriale à tous les États, petits ou grands. »
14e point du message de Wilson, le 8 janvier 1918.
Les lieux de mémoire
Dès la fin de la guerre, qui a touché la plupart des familles
dans l’Europe entière, il est décidé de garder la mémoire
du conflit : sur le terrain, où certaines portions du champ
de bataille sont conservées, dans les villes et villages, par
des monuments aux morts, et enfin dans des musées, qui
permettront de faire comprendre aux générations
suivantes l’horreur de la guerre. Aussitôt la guerre finie,
ne serait-ce qu’en raison du nombre de disparus,
s’instaurent des pèlerinages, favorisés par l’État, sur les
champs de bataille. Ils sont à l’origine de ce qui est devenu
aujourd’hui le tourisme de mémoire, qui connaît un regain
d’intérêt très marqué depuis le début du XXIe siècle.

LES MUSÉES DE LA MÉMOIRE


Tout le long du front, des musées apparaissent dès la fin de la guerre. De ces
premières structures, il ne reste plus rien aujourd’hui. Parmi les grands musées
actuels, l’un des plus prestigieux est le Mémorial de Verdun, construit en 1967,
en prévision du cinquantenaire de la fin de la Grande Guerre, sous l’égide de
Maurice Genevoix, académicien et ancien combattant des Éparges. En 2013-
2014, ce musée est considérablement agrandi, tout en conservant son
architecture initiale.
Parmi les musées anciens, celui d’Ypres occupe lui aussi une part
émotionnelle importante. Installé dans les anciennes salles de la halle aux
draps, il est rénové au début du XXIe siècle.
D’autres musées jalonnent le front : aux grandes structures à vocation
nationale ou régionale s’ajoutent de nombreux musées privés, dont la
muséographie est moins élaborée, mais dont les collections sont souvent plus
riches, comme celles du musée de la Targette et de Notre-Dame-de-Lorette.
Au cœur des champs de bataille. Parmi les grands musées, ceux qui se
trouvent au cœur même des champs de bataille revêtent un caractère bien
particulier. Parmi ceux-ci, outre le Mémorial de Verdun, situé à l’emplacement
de l’ancienne gare de Fleury-sous-Douaumont, sur le champ de bataille de
juin 1916, on trouve le fort de la Pompelle, près de Reims, théâtre de violents
combats en 1918, ou encore les carrières Wellington, à Arras, creusées par des
soldats néo-zélandais en 1917. Dans les Vosges, le site du Linge, objet de
terribles combats en 1915, abrite aussi un musée.
La notion de « devoir de mémoire » est apparue depuis une vingtaine
d’années, concernant d’abord la Seconde Guerre mondiale, en raison de son
caractère partiellement idéologique, puis la Grande Guerre. De nouveaux
musées, parfois appelés centres d’interprétation, sont alors apparus : tout
d’abord l’Historial de Péronne, fer de lance d’une nouvelle muséographie qui a
fait des émules dans le nouveau musée de la Caverne du Dragon, sur le
Chemin des Dames et dans les carrières Wellington, ou encore à Suippes, en
Champagne. Le nouveau musée de Meaux est lui aussi inspiré de ce type de
muséographie, mais il bénéficie d’une richesse de collection remarquable.
...

VERDUN : LA MÉMOIRE D’UN CHAMP DE BATAILLE


Cent ans après le déclenchement de la guerre, la mémoire collective a oublié
les grandes lignes du déroulement du conflit, à l’exception de deux éléments
constitutifs de la Grande Guerre : les tranchées et Verdun. Verdun est d’ailleurs
la partie de l’ancien front la mieux préservée. Nulle part ailleurs on ne peut
trouver une telle concentration de souvenirs. Les nombreux forts sont encore
là et deux d’entre eux, les plus marqués d’histoire, se visitent : Douaumont et
Vaux. Sans oublier la citadelle souterraine de Verdun et plusieurs ouvrages
intermédiaires. Outre le Mémorial de Fleury-sous-Douaumont, le visiteur se
doit de visiter la grande nécropole nationale de Douaumont, surplombée de
l’ossuaire, où l’émotion est prenante.
La terre étant pauvre et le relief marqué, l’ancien champ de bataille n’a pas été
remis en culture. La végétation a repris ses droits, mais sous les arbres, les
vestiges des tranchées et surtout des trous d’obus sont encore présents. Nulle
part ailleurs on ne peut mieux imaginer la guerre telle qu’elle était.
En s’éloignant du front vers le nord, le visiteur peut découvrir de nombreux
vestiges de l’occupation allemande, qui sont de mieux en mieux mis en valeur
au cours des années, comme le site du canon de Duzey ou le camp du
capitaine Marguerre. Des sentiers de randonnée balisés permettent de visiter
les différents aspects du champ de bataille et de découvrir, au hasard des
chemins, des tombes isolées, des monuments, des tranchées, des postes
d’observation ou de tir. Le champ de bataille de Verdun n’est pas le seul qui se
visite mais, par son étendue et sa bonne conversation, il est le plus important
et le plus facile à comprendre.
...

LE CHAMP DE BATAILLE D’YPRES


En dehors de Verdun, c’est à Ypres que le souvenir de la Grande Guerre est le
plus palpable. La campagne est littéralement constellée de monuments et de
cimetières : pas moins de 140 dans un rayon de quelques kilomètres autour
de la ville. Du haut de Tyne Cot, à Passendale, le plus grand cimetière
britannique du monde, on domine tout le champ de bataille. L’endroit est
saisissant, surtout lorsque l’on sait que ce terrain très peu étendu a été le
théâtre de trois batailles majeures, en 1914, 1915 et 1917.
La ville d’Ypres, entièrement rasée à la fin de la guerre, a été reconstruite dans
son style d’avant-guerre. L’un des monuments les plus émouvants est la porte
de Menin, sous les arches de laquelle la sonnerie aux morts britannique
retentit tous les soirs à 20 heures.

Verbatim

En conclusion
En 1918
Passée l’euphorie de la victoire pour les Alliés, la triste réalité
s’impose : les pays européens, même vainqueurs, sont
épuisés démographiquement et économiquement.
Pour les perdants, la situation est bien pire encore :
l’Autriche-Hongrie est démantelée, l’Empire ottoman aussi,
l’Allemagne est humiliée et la Russie, coupée du reste du
monde, est en proie à la guerre civile.
Quels sont les motifs d’espoir ?
La Société des Nations (SDN), certes affaiblie par le rejet du
traité de Versailles par le Congrès américain, permet tout de
même pendant une dizaine d’années de panser les plaies
les plus profondes et laisse croire en l’établissement d’une
paix durable.
Cette espérance sera balayée par les effets de la crise de
1929 : montée des totalitarismes, effacement diplomatique
des démocraties européennes, instabilité en Europe
centrale, guerre civile en Espagne…
La guerre de 1914-1918 n’a rien réglé
La période de 1919 à 1939 apparaît comme une pause dans
une gigantesque guerre commencée en 1914 et qui ne
s’achèvera réellement qu’en 1945.
« Ce Mémorial a été édifié par les survivants de Verdun, en
souvenir de leurs camarades tombés dans la bataille, pour
que ceux qui viennent se recueillir […] comprennent l’idéal
et la foi qui les ont inspirés. »
Maurice Genevoix.
CONCLUSION

Mère de toutes les guerres » : cette formule semble plutôt


faite pour la Grande Guerre. Certes, le monde a connu de
tout temps des conflits, des massacres, des déportations de
peuples, des exterminations. L’homme a utilisé son
intelligence pour développer des armes de plus en plus
évoluées, engageant paradoxalement l’humanité vers des
progrès techniques de plus en plus grands.
L’homme n’a donc souvent pensé qu’à la guerre et à la
façon de mieux la faire que son voisin. Mais ces guerres
n’avaient pas de caractère universel, pas même à l’époque
romaine. Les soldats n’étaient qu’une minorité d’individus. À
la fin du XIXe siècle, en raison de la conscription, la guerre
touche pour la première fois toutes les couches de la
population. L’attentat de Sarajevo précipite ainsi des nations
entières dans la guerre. Même les pays qui ne connaissaient
pas et qui n’avaient jamais connu la conscription, comme la
Grande-Bretagne, sont forcés de la mettre en vigueur.
La guerre courte n’ayant été qu’un leurre ; les pays
belligérants constatent avec stupeur que leur économie
n’était pas prête à un conflit de longue durée. Après les
hommes, ce sont donc les économies qui basculent dans la
guerre. Les industries se transforment ; ainsi, la bien peu
belliqueuse fabrique de cycles Gladiator se transforme en
usine de fusils-mitrailleurs ! Les exemples ne manquent pas.
La guerre devient totale et, en ceci, la Grande Guerre est
bien la « mère de toutes les guerres ».
Mais les bouleversements provoqués par le conflit vont bien
plus loin que les métamorphoses qu’il a engendrées dans
les différentes nations belligérantes. La guerre n’a résolu
aucun des problèmes dans lesquels se débattait l’Europe
avant 1914. Et la paix de 1919 n’a fait qu’accentuer les périls.
À court terme, sur vingt ans, le traité de Versailles et les
autres traités dits de « banlieue » ont provoqué la Seconde
Guerre mondiale. Comme si cela ne suffisait pas, la Grande
Guerre a laissé des stigmates qui ne se sont pas effacés avec
les années, bien au contraire, et qui provoquent aujourd’hui
encore des guerres sanglantes dont on ne voit souvent pas
la fin.
L’énumération est longue : la révolution bolchevique,
favorisée par les Allemands, a mené directement à
l’affrontement entre l’Est et l’Ouest. Le dépeçage de l’Empire
autrichien et la création d’États aux nationalités très diverses,
avec de très importantes minorités, ont empoisonné
l’histoire de l’Europe non seulement pendant l’entre-deux-
guerres, mais aussi dans la décennie des années 1990, avec
la chute du communisme : l’ancien royaume des Serbes et
des Croates, devenu la Yougoslavie, s’est déchiré pendant
des années et les plaies sont encore béantes. L’exemple du
Proche-Orient est encore plus frappant. À la suite des
promesses contradictoires faites, d’une part, par lord Balfour
aux Juifs, et par Lawrence d’Arabie aux Arabes, d’autre part,
deux peuples se sont trouvés légitimement en droit de
demander la même terre pour y établir un État. Dès l’entre-
deux-guerres, les poussées de violence entre communautés
ont causé des bains de sang, puis la nécessité de réparer
l’effroyable hécatombe de la Shoah en offrant aux Juifs un
État a conduit à un conflit sans fin. Les guerres israélo-arabes
se sont succédé pendant quatre décennies, puis l’Intifada a
pris la relève, sans qu’aucune solution de paix durable
n’émerge.
Au moment où les derniers poilus viennent tout juste de
disparaître, les conséquences de la Grande Guerre n’en
finissent pas de secouer le monde, comme si le cataclysme
s’étant abattu en 1914 était suivi de répliques interminables,
comme un tremblement de terre géant.
ANNEXES
Chronologie

1914
28 JUIN : assassinat de l’archiduc François-Ferdinand.
23 JUILLET : l’Autriche adresse un ultimatum à la Serbie.
28 JUILLET : l’Autriche déclare la guerre à la Serbie.
31 JUILLET : l’Allemagne adresse un ultimatum à la Russie.
1er AOÛT : l’Allemagne déclare la guerre à la Russie.
2 AOÛT : l’Allemagne envahit le Luxembourg et adresse un
ultimatum à la Belgique.
3 AOÛT : l’Allemagne déclare la guerre à la France.
4 AOÛT : l’Allemagne envahit la Belgique ; la Grande-
Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne.
7 AOÛT : le Monténégro déclare la guerre à l’Autriche.
12 AOÛT : la Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Autriche.
11-25 AOÛT : l’armée française envahit l’Alsace-Lorraine,
puis est repoussée.
16 AOÛT : le BEF débarque en France.
20 AOÛT : les troupes allemandes entrent dans Bruxelles.
25 AOÛT : l’Autriche-Hongrie entame une campagne en
Galicie.
26-31 AOÛT : l’armée russe du Nord envahit la Prusse-
Orientale ; elle est défaite à Tannenberg.
27 AOÛT : les Allemands prennent Lille.
3 SEPTEMBRE : contre-attaque russe en Galicie.
5-10 SEPTEMBRE : les Allemands sont défaits à la bataille de
la Marne.
8 SEPTEMBRE : les Autrichiens envahissent la Serbie.
9-14 SEPTEMBRE : les Russes sont défaits aux lacs Mazures et
chassés du sol allemand.
15 SEPTEMBRE : les Autrichiens sont chassés de Serbie.
10 OCTOBRE : reddition d’Anvers.
29 OCTOBRE : la Turquie entre en guerre aux côtés des
Allemands.
OCTOBRE-NOVEMBRE : première bataille d’Ypres.

1915
26 JANVIER : les Turcs sont repoussés par une attaque sur le
canal de Suez.
18 MARS : échec de l’attaque navale des Alliés sur les
Dardanelles.
22 AVRIL : seconde bataille d’Ypres, première utilisation des
gaz par les Allemands.
25 AVRIL : les Alliés débarquent à Gallipoli.
9 MAI-16 JUIN : bataille de l’Artois.
23 MAI : l’Italie se rallie à la Triple-Entente suite à un traité
secret.
23 JUIN : première bataille sur l’Isonzo entre Italiens et
Austro-Hongrois.
5 AOÛT : les Allemands entrent à Varsovie.
6 AOÛT : dernière tentative britannique pour investir la
péninsule de Gallipoli.
25 SEPTEMBRE : offensive alliée en Artois et en Champagne.
6 OCTOBRE : l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Bulgarie
envahissent la Serbie.
7 OCTOBRE : les Autrichiens prennent Belgrade.
9 OCTOBRE : débarquement des forces françaises et
britanniques à Salonique.

1916
21 FÉVRIER : début de la bataille de Verdun.
25 FÉVRIER : prise du fort de Douaumont.
MAI : échec de la reprise du fort de Douaumont.
1er JUILLET : début de la campagne franco-britannique de la
Somme.
9 JUILLET : l’ultime avance allemande à Verdun échoue
devant le fort de Souville.
27 AOÛT : la Roumanie entre en guerre aux côtés des Alliés.
24 OCTOBRE : reprise du fort de Douaumont.
18 NOVEMBRE : fin de la campagne franco-britannique de la
Somme.
6 DÉCEMBRE : les forces austro-allemandes prennent
Bucarest.
16 DÉCEMBRE : reprise de la plupart du terrain perdu sur la
rive droite de la Meuse.
18 DÉCEMBRE : fin de la bataille de Verdun.

1917
31 JANVIER : l’Allemagne déclare la guerre sous-marine à
outrance.
11 MARS : les Britanniques entrent dans Bagdad.
12-15 MARS : première révolution russe ; abdication du tsar.
6 AVRIL : les États-Unis déclarent la guerre à l’Allemagne.
9-15 AVRIL : bataille d’Arras.
16 AVRIL : offensive du Chemin des Dames, premières
mutineries dans l’armée française.
AVRIL-MAI : « seconde Aisne ».
10 MAI : Pétain devient commandant en chef.
31 JUILLET-10 NOVEMBRE : troisième campagne d’Ypres.
24 OCTOBRE : défaite italienne à Caporetto.
6-7 NOVEMBRE : révolution d’Octobre, les bolcheviks
prennent le pouvoir à Petrograd.
7 NOVEMBRE : progression britannique en Palestine.
19 NOVEMBRE : Clemenceau devient président du Conseil.
20 NOVEMBRE : bataille de Cambrai.
5 DÉCEMBRE : les bolcheviks négocient un armistice avec les
puissances centrales.
10 DÉCEMBRE : armistice entre les puissances centrales et la
Roumanie.

1918
8 JANVIER : le président Wilson présente un plan en
quatorze points.
3 MARS : traité germano-russe de Brest-Litovsk.
MARS : les Allemands bombardent Paris.
MARS-JUILLET : dernières offensives allemandes. La Géorgie
et l’Arménie se séparent de la Russie et déclarent leur
indépendance.
JUILLET : Foch repousse les Allemands.
29 SEPTEMBRE : la Bulgarie signe l’armistice.
14 OCTOBRE : les militants indépendantistes tchèques
proclament leur indépendance, suivis par les Hongrois, puis
les Croates et les Slovènes.
30 OCTOBRE : l’Empire ottoman signe l’armistice de
Moudros.
29 OCTOBRE : première mutinerie de marins allemands.
3 NOVEMBRE : l’Autriche-Hongrie signe l’armistice de Villa
Giusti avec l’Italie.
9 NOVEMBRE : grève générale à Berlin, l’empereur Guillaume
II abdique.
11 NOVEMBRE : armistice franco-allemand de Rethondes.
13 NOVEMBRE : l’empereur Charles Ier abdique.

1919
3 JANVIER : création de la Yougoslavie.
4 JANVIER : la conférence de la paix s’ouvre à Paris.
28 JUIN : signature du traité de Versailles entre les
vainqueurs et l’Allemagne.
10 SEPTEMBRE : traité de Saint-Germainen-Laye entre les
vainqueurs et l’Autriche.
NOVEMBRE : la Bulgarie signe le traité de paix avec les Alliés.
19 NOVEMBRE : le Sénat américain
27 NOVEMBRE : traité de Neuilly entre les vainqueurs et la
Bulgarie.
1920
4 JUIN : traité de Trianon entre les vainqueurs et la Hongrie.
10 AOÛT : traité de Sèvres entre les vainqueurs et l’Empire
ottoman.
12 NOVEMBRE : traité de Rapallo entre l’Italie et la
Yougoslavie.

1921
18 MARS : traité de Riga entre la Russie et la Pologne.

1923
24 JUILLET : traité de Lausanne entre les Alliés et la Turquie.
Biographies
Les numéros placés à la suite des noms renvoient aux pages
où ils sont cités.

BROUSSILOV Alexis (1853-1926) 48-49, 54-55


Général russe originaire d’une famille noble, il arrête une
avance autrichienne en Galicie à l’automne 1915.
Commandant du front du Sud-Ouest, il lance une grande
offensive en 1916 qui provoque l’effondrement complet des
armées austro-hongroises, qui ne sont finalement sauvées
que par l’intervention allemande. En 1917, il demande au
tsar d’abdiquer. Après la révolution, il rejoint l’Armée rouge,
mais n’y commande plus d’armée.

CASTELNAU Noël Joseph Édouard de Curières de (1851-


1944) 36-37
Au grand quartier général depuis 1911, il est à l’origine du
plan XVII. Il commande la 2e armée en 1914, puis le groupe
d’armées du Centre en 1915. Il conduit l’offensive de
Champagne en septembre 1915. En 1916, il est chef d’état-
major de Joffre. Il serait un logique remplaçant de ce dernier
à son départ, mais comme il est catholique pratiquant, il
n’est pas choisi. C’est probablement pour les mêmes raisons
qu’il ne sera pas élevé à la dignité de maréchal de France.

CHURCHILL Winston (1874-1965) 36-37, 38-39, 64-65


Fils de l’homme politique conservateur lord Randolph
Churchill, il commence sa carrière dans l’armée, tout en
menant parallèlement des activités de journaliste. Il quitte
l’armée en 1899, couvre la guerre des Bœrs pour le Morning
Post. En 1900, il est élu député conservateur, puis passe au
parti libéral en 1904. Il occupe plusieurs postes ministériels
de 1906 à 1915, dont celui de lord de l’Amirauté. Tenu
responsable de l’échec des Dardanelles, il démissionne. Il
revient au gouvernement en 1917, comme ministre des
Munitions, puis ministre de la Guerre. Il passe à la postérité
en tant que Premier ministre de 1940 à 1945.

CLEMENCEAU Georges (1841-1929) 50-51, 52-53, 70-71


Président du Conseil de 1906 à 1909, Clemenceau est
membre du parti radical-socialiste. Dreyfusard convaincu, il
est partisan de la guerre en 1914 et critique vertement tous
les gouvernements dans son journal, L’Homme libre. Bien
qu’il ait toujours été opposé à Poincaré, c’est ce dernier qui
l’appelle au poste de président du Conseil, le 16 novembre
1917. Clemenceau mène alors une politique de guerre à
outrance, fait arrêter Caillaux pour défaitisme, intervient
dans les affaires militaires, etc. Grâce à son charisme, il
entraîne toute la France vers la victoire, mais « perd la paix »
avec le traité de Versailles.

DJEMAL PACHA (1872-1922) 56-57, 68-69


Né à Constantinople, il est l’un des dirigeants du
mouvement des Jeunes-Turcs. À leur arrivée au pouvoir, il
reçoit le poste de ministre de la Marine. Au moment de la
déclaration de guerre, il est favorable à une alliance avec la
France, mais s’aligne sur la position pro-allemande d’Enver
Pacha. À la fin de la guerre, il fuit dans un bateau allemand,
mais de retour dans son pays, il est assassiné par des
Arméniens en 1922.

ENVER PACHA (1881-1922) 68-69


Officier de l’armée ottomane, Enver Pacha est né en
Macédoine. Il est le meneur des Jeunes-Turcs. À partir de
1913, il occupe le poste de ministre de la Guerre. Il obtient
l’entrée en guerre de la Turquie aux côtés de l’Allemagne en
1914. Il joue un rôle essentiel dans les choix stratégiques de
son pays, mais c’est un piètre général. Il mène
personnellement la 3e armée turque au désastre, dans le
Caucase. Il s’enfuit lui aussi en 1918 et meurt en
Ouzbékistan en se battant contre l’Armée rouge, en 1922.

FALKENHAYN Erich von (1861-1922) 28-29, 42-43, 56-57


Remarqué par le kaiser Guillaume II pour ses rapports sur la
rébellion des Boxers, en Chine, Falkenhayn est nommé
général en 1912, puis ministre de la Guerre en 1913. En
1914, il remplace von Moltke après la défaite de la Marne.
Très prudent, il hésite à employer ses troupes en nombre et
commet l’erreur de s’obstiner à Verdun en face d’une
résistance française très solide. Il démissionne fin septembre
1916. Il retrouve alors un commandement sur le terrain, en
Roumanie, où il obtient la victoire. Il se bat ensuite avec les
Turcs, sans succès, puis dans les États baltes.

FOCH Ferdinand (1851-1929) 62-63, 64-65


Avant la Première Guerre mondiale, Foch est
essentiellement un théoricien militaire. Partisan de
l’offensive, il est avant tout pragmatique et réaliste. Il
commande le 20e corps en août 1914, puis la 9e armée à la
fin du même mois. Le 4 octobre, il est choisi par Joffre pour
le seconder dans le Nord. Il participe donc aux grandes
décisions stratégiques, mais la chute de Joffre le relègue au
second plan. Pétain le rappelle et il montre un beau talent
de coordinateur en Italie, après le désastre de Caporetto.
Ceci lui vaut d’être nommé généralissime des armées alliées
le 14 avril 1918, puis maréchal de France.

FRANCHET D’ESPEREY Louis Félix Marie (1856-1942) 64-65


Il commande la 5e armée à la bataille de la Marne. Il est
ensuite à la tête du groupe des armées de l’Est en 1915, puis
du Nord, en 1917. On pense à lui pour remplacer Joffre,
mais comme il est d’une famille catholique et royaliste, les
radicaux refusent. En 1918, il est nommé à la tête de l’armée
d’Orient et réussit à vaincre la Bulgarie. Il prépare une
invasion de l’Autriche et de l’Allemagne lorsque l’armistice
est signé. Il est promu maréchal de France en 1921.
FRANÇOIS-FERDINAND archiduc d’Autriche (1863-1914) 20-
21
Héritier de la couronne des Habsbourg, il est assassiné le 28
juin 1914, avec son épouse, par un militant bosniaque de
l’organisation la Main noire, Gavrilo Princip. Cette société
secrète veut le rattachement de la Bosnie-Herzégovine à la
Serbie, ce qui incite les autorités autrichiennes à se tourner
vers la Serbie lorsqu’il faut trouver un responsable. Le jeu
des alliances précipitera alors l’Europe entière dans la
guerre.

FRANÇOIS-JOSEPH (1830-1916) 20-21, 52-53, 68-69


L’empereur d’Autriche-Hongrie est arrivé sur le trône des
Habsbourg en 1848, l’année des révolutions européennes.
Son règne est l’un des plus longs de l’histoire. François-
Joseph a connu de nombreuses tragédies personnelles : son
frère Maximilien a été fusillé au Mexique en 1867, son fils
unique Rodolphe s’est suicidé en 1889 à Mayerling, son
épouse Élisabeth a été assassinée par un anarchiste en 1898.
Pendant la guerre, son pays connaît de nombreux revers et
peu avant sa mort en 1916, il se déclare très pessimiste sur
l’issue du conflit.

GALLIENI Joseph (1849-1916) 26-27, 34-35


En retraite en 1914, il est rappelé à la déclaration de guerre
comme adjoint de Joffre, mais celui-ci le considère comme
un rival. En août, il est nommé gouverneur de Paris et joue
un rôle crucial dans la bataille de la Marne, en contre-
attaquant au bon moment. Il est nommé ministre de la
Guerre en octobre 1915 et tente de se débarrasser de Joffre,
mais son état de santé est précaire et Joffre est très
populaire à l’époque. C’est finalement Gallieni qui
démissionne. Il meurt deux mois après. Il est fait maréchal
de France à titre posthume.

GUILLAUME II (1859-1941) 16-17, 20-21, 68-69


La monarchie allemande n’a rien d’absolu. Les lois sont
votées par le Bundesrat (où tous les États allemands ont des
membres) et par le Reichstag, dont 236 des 397 députés
sont prussiens. L’empereur Guillaume II n’a qu’un droit de
veto et la guerre ne peut être déclarée qu’avec l’accord des
deux chambres. Le Kaiser contrôle les affaires étrangères et,
dans une moindre mesure, les armées. En fait, bien qu’il soit
présent au grand quartier général, ce sont les chefs d’état-
major qui prennent les décisions, ou même leur adjoint,
dans le cas de Ludendorff par exemple. Le 9 novembre
1918, Guillaume II est destitué par Max de Bade et fuit aux
Pays-Bas, où il meurt en 1941.

HAIG Douglas (1861-1928) 44-45, 62-63


En août 1914, il commande le 1er corps d’armée britannique
et remporte des succès défensifs, notamment à Ypres. En
décembre 1915, il remplace French à la tête du corps
expéditionnaire britannique. Sa conduite des opérations est
alors marquée par de multiples échecs, notamment sur la
Somme en 1916 et en Belgique en 1917 où il mène ses
hommes au massacre. Lloyd George l’apprécie fort peu et
obtient en 1918 que le Français Foch soit placé au-dessus
de lui, cas alors unique dans l’histoire des armées
britanniques.

HINDENBURG Paul Ludwig von Beneckendorf und von


(1847-1934) 30-31, 42-43, 46-47
Sa carrière militaire, notamment contre l’Autriche, puis
contre la France en 1870-1871, est bonne mais sans éclat.
Hindenburg prend sa retraite de général en 1911. En 1914, il
est rappelé et envoyé sur le front de l’Est avec Ludendorff
comme adjoint. Le succès est rapide et il est promu
maréchal et commandant en chef de tout le front de l’Est.
En 1916, il est nommé à la tête des armées allemandes,
toujours secondé par Ludendorff. Les deux hommes
réussissent à vaincre la Russie en 1917 et retournent tous
leurs efforts vers l’Ouest en 1918, mais les grandes offensives
échouent. Après la défaite, Hindenburg reste à la tête de
l’armée allemande jusqu’en juillet 1919. En 1925, il est élu
président de la République de Weimar. Homme intègre,
c’est lui qui appelle Hitler à la chancellerie en 1933, après les
élections législatives, mais il n’a jamais partagé ses vues et il
meurt dès le mois d’août 1934.

HORTHY amiral Miklos (1868-1957) 72-73


En 1914, Horthy commande le croiseur Novara et s’illustre
lors de nombreux combats, à tel point qu’en 1918, il est le
dernier commandant en chef de la marine austro-
hongroise. À la fin de la guerre, Horthy revient en Hongrie. Il
prend la tête de troupes qui chassent Béla Kun du pouvoir.
Horthy se proclame régent de Hongrie en mars 1920, un
poste qu’il garde jusqu’en mars 1944, date à laquelle il est
chassé par les Allemands. En août, il reprend le pouvoir et
signe un armistice avec les Russes, mais il est déporté par la
Gestapo. Il meurt en exil en 1957 au Portugal.

JOFFRE Joseph (1852-1931) 18-19, 24-25, 26-27, 34-35, 36-


37, 42-43, 44-45
« Papa » Joffre est d’origine sociale modeste. Il s’est illustré
pendant les guerres coloniales. En 1911, à la surprise
générale, il est nommé chef d’état-major, ce qui peut
s’expliquer par son absence d’idée politique ou religieuse.
Joffre n’a rien d’un génie militaire, mais il possède un flegme
remarquable. Ses relations avec les Britanniques sont
excellentes et c’est sans doute pourquoi le gouvernement
le maintient à la tête de l’armée jusqu’à la fin 1916, bien que
sa stratégie inefficace ait coûté des centaines de milliers
d’hommes à la France. Il est alors promu maréchal de
France, en perdant tout pouvoir.

KEMAL Mustafa (1881-1938) Voir 76-77


Héritier de la couronne des Habsbourg, il est assassiné le 28
juin 1914, avec son épouse, par un militant bosniaque de
l’organisation la Main noire, Gavrilo Princip. Cette société
secrète veut le rattachement de la Bosnie-Herzégovine à la
Serbie, ce qui incite les autorités autrichiennes à se tourner
vers la Serbie lorsqu’il faut trouver un responsable. Le jeu
des alliances précipitera alors l’Europe entière dans la
guerre.

KERENSKI Alexandre (1881-1970) 54-55


Après l’abdication du tsar Nicolas II, un gouvernement
provisoire est formé, Kerenski en est le ministre de la Justice.
Il représente alors l’aile gauche de la Douma. En juillet, il
devient Premier ministre. Il souhaite que la Russie reste en
guerre, mais les défaites subies pendant l’été et l’automne
1917 minent sa position. Il n’est pas à Petrograd lorsque
Lénine y prend le pouvoir et ne peut rien faire pour chasser
les bolcheviks. Il part alors en exil.

KITCHENER Horatio, 1er comte Kitchener of Karthum (1850-


1916) 44-45
Kitchener est, à la déclaration de la guerre, un véritable
héros populaire en raison de ses succès lors des guerres
coloniales de la Grande-Bretagne. Il est nommé ministre de
la Guerre. Il comprend dès le début que celle-ci sera longue
et son appel au volontariat rencontre un succès immense,
qui permettra la création de nouvelles armées. Il favorise
également la bonne entente avec la France. Mais il est
autoritaire et ses manières déplaisent aux membres du
cabinet britannique. Il meurt noyé lorsque son navire saute
sur une mine allemande en se rendant en Russie.

KUN Béla (1886-1936) 72-73


Fondateur du Parti communiste hongrois, Béla Kun sert
dans l’armée autrichienne de 1914 à 1916, date de sa
capture par les Russes. À sa libération en 1917, il revient en
Hongrie. Avec la désintégration de l’Empire austro-hongrois,
il arrive au pouvoir au sein d’une coalition avec les sociaux-
démocrates, qui sont rapidement évincés. Il nationalise
l’industrie et l’agriculture, ce qui provoque des troubles
durement réprimés. Il est finalement renversé le 1er août
1919 par l’amiral Horthy, avec le soutien de la France. Il
disparaît en URSS pendant une purge stalinienne en 1936.

LAWRENCE T. E. (1888-1935) 56-57


Lawrence est né au pays de Galles et a fait ses études à
Oxford. En 1909, il part au Proche-Orient pour étudier sur le
terrain. Il voyage alors en Syrie, en Palestine, en Turquie, en
Égypte. Il écrit une thèse et continue ses recherches les
années suivantes, apprenant l’arabe. Au début de la guerre,
il devient expert de l’Arabie dans les services de
renseignement. Il se rend alors en Arabie et entraîne les
troupes du cheikh Fayçal dans la guerre contre les Turcs. Il
leur promet un futur royaume arabe, mais celui-ci ne verra
pas le jour. Après la guerre, Lawrence se rend célèbre avec
son énorme livre Les Sept Piliers de la sagesse.

LÉNINE Vladimir Oulianov, dit (1870-1924) 54-55, 60-61


À la tête du parti bolchevik, Lénine est contraint à l’exil en
Suisse avant la Première Guerre mondiale. Il retourne en
Russie après la révolution de février 1917 avec la complicité
des Allemands, qui espèrent qu’il mettra un terme à la
guerre. Effectivement, dans la nuit du 6 au 7 novembre
1917, les bolcheviks prennent le pouvoir à Petrograd. Lénine
établit la censure, l’interdiction des autres partis, etc. Dès
1921, il n’est plus en état de gouverner, mais il a le temps de
choisir Staline comme successeur plutôt que Trotski.

LIEBKNECHT Karl (1871-1919) 68-69


Avocat, Liebknecht rejoint le SPD (Parti social-démocrate)
en 1900. L’année suivante, il est élu au conseil municipal de
Berlin. Il est élu au Reichstag en 1912. En 1914, avec d’autres
membres de l’aile gauche du parti, il se déclare contre la
guerre et fonde le mouvement spartakiste. En avril 1916, il
vote contre les crédits militaires et se fait exclure du
Reichstag. Il est ensuite arrêté, puis libéré à la chute de la
monarchie et fonde en décembre 1918 le Parti communiste
allemand. Le 6 janvier 1919, il tente un coup d’État à Berlin,
mais les corps francs écrasent le mouvement et Liebknecht
est assassiné.

LLOYD George David (1863-1945) 62-63, 70-71


C’est au poste de ministre des Munitions que Lloyd George
s’illustre à partir de 1915. En 1916, il est nommé ministre de
la Guerre à la place de Kitchener, mort en mer. Il se heurte
alors à son Premier ministre, Asquith, pourtant du même
parti politique (libéral). En démissionnant, il provoque la
chute du gouvernement et le 7 décembre 1916, il est
nommé Premier ministre. Partisan de la guerre à outrance, il
s’oppose néanmoins à Haig et favorise la création d’un
poste de généralissime des armées alliées, confié à Foch. Il
est l’un des négociateurs du traité de Versailles.

LUDENDORFF Erich (1865-1937) 30-31, 40-41, 42-43, 48-49,


60-61, 62-63, 64-65, 68-69
Alors que les généraux allemands sont presque toujours
d’origine noble, Ludendorff est d’origine modeste. C’est
uniquement par son intelligence qu’il gravit les échelons de
l’armée et se fait remarquer par von Schlieffen et von
Moltke. Il devient officier d’état-major et s’illustre sur le front
de l’Est comme chef d’état-major de Hindenburg. Après le
départ de Falkenhayn, Hindenburg devient général en chef
et Ludendorff son second, mais c’est lui qui prend les
décisions. D’une intelligence hors du commun, il est doué
d’un génie à la fois tactique et stratégique. Mais l’Allemagne
de 1918 est à bout de souffle et les victoires qu’il obtient
sont sans lendemain.

LUXEMBURG Rosa (1871-1919) 68-69


Elle est née en Pologne, alors russe, dans une famille juive.
Dès l’âge de seize ans, elle participe à des mouvements
révolutionnaires. En 1889, elle part pour la Suisse afin d’y
poursuivre ses études. En 1898, elle devient le chef de l’aile
gauche du SPD au Reichstag (elle est devenue allemande
par son mariage). En 1916, elle fonde le mouvement
spartakiste avec Liebknecht, puis le Parti communiste
allemand, fin 1918. Lors du coup d’État communiste
manqué, elle est assassinée par les corps francs et son corps
est jeté dans un canal.

NICOLAS II (1868-1918) 54-55, 60-61


Le tsar Nicolas II accède au trône en 1894. Assez
réactionnaire et influencé par la tsarine Alexandra, elle-
même sous influence de Raspoutine, il s’oppose à une
évolution libérale de son pays. Pris par la direction de la
guerre, il s’occupe peu des affaires intérieures de la Russie.
Les troubles se multiplient et, en février 1917, il est contraint
d’abdiquer. Arrêté par les bolcheviks, il est assassiné avec
toute sa famille en 1918, à Iekaterinbourg.

NIVELLE Robert (1856-1924) 42-43, 44-45, 50-51, 52-53


En 1914, Nivelle commande un régiment d’artillerie, en
1915, un corps d’armée et en avril 1916, il succède à Pétain
comme chef de la 2e armée. La reprise du fort de
Douaumont, en octobre 1916, fait de lui un héros national.
En décembre 1916, il remplace Joffre à la tête des armées
françaises et se fait fort de rompre le front allemand en
utilisant la même tactique qu’à Douaumont. Sa grande
offensive du 16 avril 1917 au Chemin des Dames se termine
par un fiasco sanglant, qui provoque une vague de
mutineries dans l’armée française. Il est remplacé par Pétain
le 15 mai 1917.

ORLANDO Vittorio (1860-1952) 70-71


Premier ministre italien à partir du 30 octobre 1917, après
avoir été ministre de l’Intérieur, il est un farouche partisan de
la guerre à outrance, déclarant que l’Italie devrait continuer
la lutte même si le front devait s’établir en Sicile. La victoire
italienne à la bataille de Vittorio Veneto permet au pays de
sortir vainqueur de la guerre, mais Orlando n’obtient pas
des Alliés tout ce qui était promis au moment de l’entrée en
guerre de l’Italie, ce qui provoque sa chute.

PERSHING John Joseph (1860-1948) 58-59


La carrière de Pershing dans l’armée américaine est
exemplaire, aussi bien pendant les guerres indiennes qu’à
Cuba et qu’aux Philippines. C’est donc naturellement qu’il
est choisi comme commandant en chef du corps
expéditionnaire américain, le 26 mai 1917. Sa doctrine est
de ne pas laisser les troupes américaines servir sous un autre
commandement qu’américain et d’attendre que son corps
expéditionnaire soit assez fort pour intervenir de façon
décisive. Le succès des offensives Ludendorff le force à
céder quelque peu et des unités américaines ont
employées sous commandement français. Le corps
expéditionnaire américain ne passe à l’offensive que
lorsqu’il est prêt, c’est-à-dire très tardivement, à partir de
septembre 1918.

PÉTAIN Philippe (1856-1951) 36-37, 42-43, 44-45, 50-51, 52-


53, 62-63, 64-65
D’une famille modeste, Pétain n’a connu qu’une carrière
militaire quelconque pendant trente-six ans, notamment en
raison de ses prises de position contre l’offensive à outrance,
alors en vogue. Il est un colonel proche de la retraite en
1914, mais ses capacités au feu sont telles qu’il connaît une
promotion fulgurante : commandant de division sur la
Marne, de corps d’armée en octobre 1914, d’armée en juillet
1915. Il s’illustre en Artois et surtout à Verdun, en février
1916. Nommé chef des armées du Centre, il remplace
Nivelle en mai 1917 comme généralissime des armées
françaises. Avec une habileté remarquable, il rétablit le
moral des troupes après les mutineries. Ayant sauvé deux
fois la France, à Verdun, puis au moment des mutineries, sa
popularité est immense, d’autant plus qu’il a toujours été
économe des vies humaines. Ceci explique pourquoi il a été
appelé au pouvoir au moment de l’effondrement de la
France en juin 1940.

PILSUDSKI Josef (1867-1935) 74-75


Né en Pologne alors russe, Pilsudski prend parti pour la
cause polonaise, ce qui lui vaut d’être exilé en Sibérie
pendant cinq ans à partir de 1887. De retour en Pologne, il
crée une armée secrète qui dévalise les banques russes et
tue les membres de la police tsariste. En août 1914, il met
son armée au service des Autrichiens pour envahir la Russie,
tout en espérant une victoire alliée à l’Ouest. En 1916, les
Allemands lui offrent une place au conseil d’État polonais,
sorte de gouvernement sous domination allemande. Il en
démissionne assez vite et il est emprisonné par les
Allemands. Libéré en novembre 1918, il devient président
de la Pologne en février 1919.

POINCARÉ Raymond (1860-1934) 20-21, 34-35


Élu président de la République française en 1913, il souhaite
un renforcement du rôle de la présidence, servi par le choix
de présidents du Conseil assez effacés. Toutefois, son
influence décline en 1917 avec l’arrivée au pouvoir de son
vieil adversaire, Clemenceau. Par ailleurs, il n’a jamais pu
exercer le moindre pouvoir en matière militaire. Poincaré n’a
jamais été populaire en France, en raison de sa timidité et
de son manque de charisme, mais il était pourtant un
homme d’État hors du commun dans la classe politique de
l’époque.

SCHLIEFFEN Alfred von (1833-1913) 18-19, 24-25, 26-27, 30-


31
Maréchal allemand, il est chef d’état-major de 1891 à 1905
et responsable du plan offensif qui porte son nom. Fils d’un
général prussien, Schlieffen entre dans l’armée en 1854 ; il
participe à la guerre contre l’Autriche en 1866, puis à la
guerre franco-prussienne de 1870-1871. Le plan Schlieffen
prévoit une guerre sur deux fronts, avec la nécessité de
détruire la France très rapidement, en ne laissant à l’Est
qu’une petite armée. L’aile droite allemande doit être très
puissante et envahir la Belgique neutre pour contourner les
Français. Ce plan, modifié, a été mis en œuvre en 1914 mais
n’a pas atteint ses buts.

WILSON Woodrow (1856-1924) 58-59, 70-71, 72-73, 74-75,


80-81
Démocrate et avocat de formation, Wilson est le 28e
président des États-Unis. Dès le début de la guerre, il plaide
pour la neutralité de son pays, même s’il est lui-même
plutôt favorable à la cause alliée. Il est réélu en 1916. Après
la destruction du Lusitania, il prévient les Allemands qu’ils
auront à payer pour le naufrage de tout navire américain.
Malgré cela, Hindenburg choisit une reprise de la guerre
sous-marine, ce qui provoque l’entrée en guerre des États-
Unis, le 6 avril 1917. Wilson cherche néanmoins à obtenir la
paix, en proposant aux puissances centrales un compromis
en quatorze points. Après l’armistice, Wilson est le principal
instigateur du traité de Versailles, mais le Sénat américain
refuse de le ratifier.
Bibliographie sélective et lieux de mémoire
BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages d’histoire

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TOUCHON lieutenant-colonel, Cours d’infanterie, École
supérieure de guerre, Paris, 1925 (deux tomes). Le deuxième
volume de cette étude est consacré à l’analyse critique
d’opérations de la Première Guerre mondiale.

Souvenirs, témoignages

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tonnelier (1914-1918), Maspéro, 1979.
BLOCH Marc, Écrits de guerre, 1914-1918, A. Colin, coll.
« Références », 1997.
CARLES Émilie, Une soupe aux herbes sauvages (souvenirs
d’une institutrice), Simoën, 1977.
GENEVOIX Maurice, Ceux de quatorze, Flammarion, 1950.
GENEVOIX Maurice, La Mort de près, Flammarion, 1972.
Nous crions grâce, recueil de 154 lettres de pacifistes,
Éditions de l’Atelier, 1989.
Paroles de poilus, lettres et carnets du front (1914-1918),
Tallandier, 1998.

MUSÉES, HISTORIALS ET MÉMORIAUX

En France

ALBERT, Somme (80), musée des Abris, Somme 1916.


AUBAGNE, Bouches-du-Rhône (13), musée de la Légion
étrangère.
BLÉRANCOURT, Aisne (02), musée de la Coopération franco-
américaine.
COËTQUIDAN, Morbihan (56), musée du Souvenir.
COMPIÈGNE, Oise (60), Clairière de l’Armistice.
DRAGUIGNAN, Var (83), musée de l’Artillerie.
FLEURY-DEVANT-DOUAUMONT, Meuse (55), mémorial de
Verdun.
FRÉJUS, Var (83), musée des Troupes de marine.
HARTMANNSWILLERKOPF, Haut-Rhin (68), nécropole du
Vieil-Armand.
LINGERKOPF ORBEY, Haut-Rhin (68), mémorial du Linge.
MARBOTTE, Meuse (55), musée 14-18.
MEAUX, Seine-et-Marne (77), musée de la Grande Guerre.
MONDEMENT, Marne (51), musée de la Bataille de la Marne.
MONTPELLIER, Hérault (34), musée de l’Infanterie.
NEUVILLE-SAINT-VAAST, Pas-de-Calais (62), musée de la
Targette.
PARIS (75), musée de l’Armée.
PÉRIGUEUX, Dordogne (24), musée militaire du Périgord.
PÉRONNE, Somme (80), Historial de la Grande Guerre.
REIMS, Marne (51), Fort de la Pompelle.
SALON-DE-PROVENCE, Bouches-du-Rhône (13), musée de
l’Empéri.
SAUMUR, Maine-et-Loire (49), musée des Blindés.
SOUCHEZ, Pas-de-Calais (62), musée de Notre-Dame-de-
Lorette.
THIAUCOURT, Meurthe-et-Moselle (54), musée du Costume
militaire et des Combats du saillant de Saint-Mihiel.
VARENNES-EN-ARGONNE, Meuse (55), musée d’Argonne.
VILLERS-BRETONNEUX, Somme (80), musée franco-
australien.

En Belgique

BRUXELLES, musée royal de l’Armée.


LATOUR, musée historique Baillet-Latour.
YPRES, In Flanders Fields Museum.

Au Royaume-Uni

LONDRES, Imperial War Museum.


Index général

A-B
Anvers
33
Arabe
56-57, 78, 80
Argonne
34
Arméniens
76-77
Arras
32, 36, 50-51, 63
Artois (bataille d’)
36-37
Autriche-Hongrie
16-17, 18, 21, 48-49, 52, 69, 71, 72-73
Beersheba
57
Bois-le-Prêtre (Lorraine)
34
Brest-Litovsk (traité de)
55, 60-61, 69, 75
Bulgarie
15, 48-49, 65
C-D
Cambrai
63
Caporetto
41
Champagne
36-37
Chemin des Dames
32, 50-51, 52, 63, 82-83
Corfou
39, 48-49
Coronel (bataille de)
47
Course à la mer
32, 33
Curzon (ligne de)
75
Dantzig (corridor de)
70, 75
Dardanelles
38-39, 47, 56, 69, 77
Douaumont
43, 82-83

E
Égypte
56
Empire ottoman
15, 38, 49, 56-57, 69, 74, 76-77, 80
Entente balkanique
15
Entente cordiale
17
Éparges (Les)
34
Eupen-Malmédy
70

F-G
Falkland (bataille des)
47
Finlande
61
Galicie
31, 41
Gallipoli
39, 77
Gaza
57
Gumbinnen (bataille de)
30-31

H-I
Hindenburg (ligne)
50-51, 63, 65
Hongrie
69, 72-73
Hurtebise
51
Irak
56, 69, 76
Isonzo (batailles de l’)
40-41

J-K
Japon
40, 46, 70, 81
Jérusalem
56-57
Jeunes-Turcs
69
Juifs
56-57, 78, 80
Jutland (bataille du)
47
Juvincourt
51
Kurdes
77

L-M-N
Laffaux
51, 52
Linge (col du)
34, 82-83
Macédoine
49
Magruntein (bataille de)
57
Main de Massiges
37
Marne (bataille de la)
26-27, 28-29, 32
Matz (bataille du)
63, 64
Mesnil (butte du)
37
Moudros (armistice de)
69, 76
Notre-Dame-de-Lorette
34

P-R
Palestine
56-57, 69, 76,78, 80-81
Paris (bombardement de)
62-63
Péronne
45, 82
Plan XVII
18-19
Plan de paix Wilson
58-59, 70, 72-73, 80-81
Plan Schlieffen
18-19, 24-25, 26, 28, 30
Pologne
31, 48-49, 61, 70, 75, 81
Posnanie
70, 75
Puissances centrales
38, 40-41, 48-49, 56, 60, 65, 68-69, 75, 76, 81
Quadruplice
49, 65
Raspoutine (assassinat de)
54
Révolution d’Octobre
54-55
Ruthénie
73

S
Saint-Germain (traité de)
72-73
Salonique
49, 65
Sarajevo (assassinat de)
20-21, 48
Sarre
70
Schleswig-Holstein
70
SDN
70-71, 80-81
Serbie
74
Sèvres (traité de)
76
Smyrne
76
Somme (bataille de la)
43, 44-45
Spartakisme
69
Sudètes
75, 81
Suez (canal de)
56

T
Tahure (butte de)
37
Tannenberg (bataille de)
30-31
Tchécoslovaquie
69, 73, 75, 81
Télégramme Zimmermann
59
Trianon (traité de)
72-73
Triple-Alliance, Triplice
16-17, 40-41
Triple-Entente
16-17, 21

V-Y
Vauquois
34
Verdun
42-43, 44, 50, 82-83
Versailles (traité de)
70-71, 72, 74-75, 78, 80-81
Vieil-Armand
34
Vimy (crête de)
36, 51
Yougoslavie
49, 73, 74
Ypres
32-33, 35, 44, 62, 82-83
Yser
33
Biographie des auteurs
Yves Buffetaut

est docteur en histoire et travaille depuis trente ans sur la


Grande Guerre. Il est à l’origine de la revue Tranchées dont il
est rédacteur en chef ; il collabore également étroitement
aux revues Batailles (consacrée à l’histoire militaire du XXe
siècle) et Militaria (traitant des grandes batailles de la
Seconde Guerre mondiale). Éditeur, directeur d’Ysec
Éditions, il a publié de nombreux ouvrages chez Autrement,
Tallandier, Ysec et Marines Éditions.
Fabrice Le Goff

est cartographe-géographe indépendant. Il a réalisé les


cartes de nombreux atlas aux Éditions Autrement depuis
près de dix ans, notamment L’Atlas des empires coloniaux
(2012). http://www.cartographe-legoff.com
Atlas de la Première Guerre mondiale

La chute des empires européens

Yves Buff etaut


Cartographie : Fabrice Le Goff

Cartographie : Fabrice Le Goff


Collection Atlas/Mémoires
© Éditions Autrement 2013
77, rue du Faubourg-Saint-Antoine – 75011 Paris
Tél. 01 44 73 80 00 – Fax 01 44 73 00 12 – www.autrement.com

ISBN : 978-2-7467-3615-3
ISSN : 1254-5724

Dépôt légal : janvier 2014


Imprimé et broché en France par l’imprimerie Pollina, France.
D’un point de vue économique, la
domination du Royaume-Uni commence à
fléchir. La concurrence de l’Allemagne, en
Europe, focalise l’attention des
gouvernements britanniques, mais c’est
finalement outre-Atlantique que se produit
le premier bouleversement : en 1910, les
États-Unis deviennent la première
puissance commerciale du monde.
Sur le continent européen, les vieux
empires semblent incapables de se
réformer, que ce soit en Russie ou en
Autriche-Hongrie. Une seule nation,
récente puisqu’elle n’est unifiée que depuis
1871, montre un dynamisme que rien ne
semble pouvoir freiner : l’Allemagne. La
France, nettement moins peuplée et moins
puissante, a besoin d’alliances
internationales pour espérer rivaliser avec
son encombrant voisin.
Les différents états-majors misent sur une guerre rapide, qui sera facilitée par
les chemins de fer, les automobiles et les armes nouvelles, comme la
mitrailleuse. Certes, chacun sait que l’adversaire est, lui aussi, fort bien
équipé, mais les Allemands pensent l’emporter grâce à leur rapidité de
mouvement à travers la Belgique, tandis que les Français sont certains que
l’offensive à outrance va très vite mettre l’ennemi à genoux.
Pourtant, les beaux plans montrent leur limite : l’offensive de Joffre se heurte
à des corps de réserve allemands qui n’auraient pas dû se trouver devant les
armées françaises. La route de Paris semble alors ouverte aux Allemands qui,
dans leur précipitation, oublient toute prudence. Le réveil sur la Marne sera
douloureux.
Pour éviter la reprise des combats, il faut un traité de paix qui soit le garant
de la stabilité mondiale dans les années à venir. Hélas, les vainqueurs n’ont
pas les mêmes objectifs et, pour beaucoup d’hommes politiques, notamment
en France, il s’agit surtout de faire payer l’Allemagne, sans aucune vision à
long terme. L’établissement de la Société des Nations, qui correspond à une
idée généreuse, n’a aucune chance de réussite en raison de l’iniquité des
traités de paix signés en 1919.

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