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Cours magistral n° 13 - 12/12/2022

LA FRANCE DU DÉBUT DU XVIIIE SIÈCLE. QUELLE POSTÉRITÉ DE LOUIS XIV ?

Pendant une séquence chronologique assez courte, au lendemain de la mort de Louis XIV, de
critiques contre sa politique. Entre 1700 et sa mort, ses enfants décédèrent, laissant le royaume sans
postérité en 1715. Son arrière petit-fils, alors âgé de 5 ans, ne peut gouverner ; Louis XVI est
déclaré majeur en 1723, année jusqu’à laquelle est instaurée une régence, période qui fut l’objet
d’une mauvaise réputation, apparue aux yeux des historiens de la fin du XVIIIe siècle comme une
période de déclin politique, moral, économique. Elle est décrite comme une période de festivités,
interprétée comme celle qui aurait pris l’envers du modèle louisquatorzien, fondé sur un État fort,
sur la « civilisation des mœurs » (ELIAS Norbert). La régence était une parenthèse entre le grand
règne de Louis XIV et le règne de Louis XV, durant laquelle se serait opérée une transition entre
deux périodes de l’absolutisme. Les historiens se sont interrogés sur cette période, y décelant
l’illustration d’un ensemble d’expériences sur le plan politique, social et économique. Elle tend à
être considérée comme un moment privilégié durant lequel se serait exprimées des tentatives de
réformes qui ne purent être mises en place sous Louis XIV, et le furent dès lors, réformes originales,
assez novatrices et qui disparaîtraient progressivement à partir de 1720, et notamment en 1723,
lorsque Louis XV se réapproprie la modèle établi par Louis XIV. Au XVIIIe siècle s’écrit de
nouveau la mythologie de Louis XIV. Louis XIV a empêché la mise en place de réformes que l’on
pourrait qualifier de « modernes ». À partir de 1723, l’État français calque le modèle archaïque de
l’absolutisme, qui s’effondre en 1789.
Le modèle absolutiste, tel qu’il fut voulu et mis en place par Louis XIV, mena irréductiblement à la
Révolution français de 1789.
Les conditions sanitaires de l’époque étaient désastreuses : les maladies mortifères, telles que la
variole, concernent autant la famille royale que les simples paysans. Louis XIV, qui avait de
nombreux enfants et petits-enfants, fut confronté au trépas de ces derniers. En 1711, son fils meurt,
en 1712, son petit-fils, et entre 1712 et 1713, l’ensemble des éventuels héritiers majeurs
décèdent également. Louis XIV, qui avait tenté de préparer sa succession, délaisse l’État dans une
situation difficile. L’un des héritiers possibles de Louis XIV était l’un de ses fils, Philippe V, qui
accéda au trône espagnol, justification de la Guerre de Succession d’Espagne. À sa mort, l’État
français est de nouveau éprouvé par une situation difficile.

I. Des empires aux puissances. La France, un royaume concurrencé

1. Les gains pour la France de la politique belligérante de Louis XIV



Sur le plan diplomatique, la France a indéniablement renforcé sa position en Europe. En 1713 -


1714, au lendemain de la Guerre de la Succession d’Espagne, qui aboutit à la signature des traités
d’Uretch, de Rastatt et de Baden, un certain nombre de puissances, dont les Provinces-Unies qui,
jusqu’à la deuxième moitié du XVIIe siècle, est l’une des puissances impériales majeures en
Europe, sont affaiblies. Elles dominent un grand nombre de flux, d’échanges, et notamment le
commerce européen : Amsterdam, une des cités les plus influentes sur le plan économique, mais
également culturel (Spinoza, philosophe matérialiste qui relève le rôle des financiers au sein
d’Amsterdam, dépôt d’objets artistiques ensuite distribués en Europe).
Face à cet « atelier » européen, Louis XIV est parvenu à imposer la France, Versailles, comme
tel, les Hollandais perdant une grande part de leurs flottes aux dépends de la France. Le Saint-
Empire romain germanique est divisé, depuis les traités de Westphalie (paix + traité de Münster et
traité d’Osnabrück), en 350 États allemands, toujours dominés par l’Empereur allemand qui
conserve une autorité très forte, notamment grâce à sa victoire face aux troupes ottomanes en
1783, et a construit une alliance entre Charles Quint, détenteur du pouvoir royal espagnol, et le
royaume germanique, possédant ainsi le territoire italien. L’ordre des alliances européen, la
géopolitique européenne et la France renforce sa position sur le continent grâce à la politique
diplomatique de Louis XIV. La France est devenue une grande puissance européenne aussi en
raison de l’affaiblissement du royaume espagnol, alors puissant au XVIIe siècle grâce à ses colonies
américaines. L’Espagne est également confrontée à la puissance maritime britannique.
La France fut témoin de la consolidation de ses frontières. La France hexagonale, délimitée par des
frontières désormais tracées dans l’espace, incarnées par des lignes, les forteresses de Vauban, qui
marquent, dans le paysage, l’idée de « frontières naturelles de la France » (le Rhin, les Pyrénées,
les Alpes, la ceinture de fer, les forteresses de Vauban, de Calais à Besançon, empreinte de la
souveraineté française sur un territoire fixe). Derrière ces forteresses, le travail des cartographes
royaux renforce un ensemble d’appareils lié à l’administration royale, permettant de renforcer
l’empire du roi sur les populations dépendantes. La France ne se réduit certes pas à des territoires
soumis à concurrence, mais est un Empire qui s’étend sur des territoires importants, notamment en
Amérique.

2. De nouveaux défis

Jusqu’en 1753, l’ « Amérique française » est un empire majeur, même si il n’équivaut pas à
l’empire anglais. Des colonies françaises s’installent en Acadie, situé sur les actuelles terres
canadiennes. Grâce à la diplomatie française, des alliances entre les tribus amérindiennes (les
Mohawks) et les Français, des flux de plus en plus conséquents sont établis, notamment au sujet du
commerce de renards.
À partir des années 1670 - 1680, flux de circulation autour de produits agraires ou de
ressources naturelles (bois exploité et exporté en France, plantations de tabac). À partir de

1680 - 1690 apparaissent, dans ces territoires et aux îles des Caraïbes, des plantations de café,
véritable socle économique sur lequel repose la France.
La France vit également émerger de nouveaux concurrents, dont l’Angleterre. L’Angleterre
dénombre moins de 10 millions d’habitants ; néanmoins, durant le XVIIe siècle, ses structures
économiques furent profondément modifiées.
En 1649, le roi Charles Ier fut exécuté, la République de Cromwell fut établie ; d’Angleterre
jaillit un modèle original, le modèle de la monarchie parlementaire, donnant lieu à un grand
travail de construction. Des théoriciens renseignent les fondements de cette nouvelle monarchie,
déployée depuis un équilibre entre le pouvoir royal et le Parlement, gouvernement divisé en
une Chambre royale et une Chambre des Lords. Il sera renforcé par l’arrivée au pouvoir, en
1688, lors de la Glorieuse Révolution, de Guillaume II d’Orange, Stathouder (= chef de
l’exécutif) des Provinces-Unies, devenu roi anglo-irlandais sous le nom de Guillaume III
d’Orange. Il parvient à imposer l’Angleterre comme une monarchie moderne, lorsque Louis XIV
s’impose comme un roi absolu dans son domaine versaillais ; Guillaume III d’Orange devient
symbole d’une modernité monarchique, incitant l’Europe à reconnaître le modèle anglais comme le
plus effectif.
Lorsqu’il s’empare du pouvoir, deux acteurs essentiels deviennent les promoteurs de la monarchie
anglaise :
• John Locke rédige, en 1690, Traité sur le gouvernement civil, devenant de fait le plus fervent
soutien de Guillaume III ;
• La philosophie sensualiste, incarnée par Isaac Newton, dans les Principia mathematica
(1687), présente la théorie de la gravitation. Newton devient le premier directeur de la
Banque d’Angleterre, et comprend le mouvement des planètes, science utile à la navigation,
à la cartographie. Directeur du Bureau des Longitudes, il participe à l’acquisition de plus
larges connaissance en ce qui concerne le champ maritime.
En France, René Descartes pense que le mouvement des étoiles est lié aux souffles : les Français,
membres de l’Académie royale des Sciences, continuent de défendre la théorie des tourbillons.
Au XVIIe siècle, l’Angleterre, dont l’économie était fondée sur les mêmes principes que
l’économie française, soit la céréaliculture, l’agriculture plus généralement, à partir de la rotation
des cultures. À partir des années 1650 et de Cromwell, le pays s’ente sur un autre modèle que le
modèle extensif : le modèle intensif. Peu de terres doivent désormais apporter d’importants
rendements + introduction l’élevage + nouvelle organisation sociale des terres rurales. Les
troupeaux, par leur présence, enrichissent le sol, et nourrissent la population urbaine. Les Anglais
consomment dès lors des produits carnés ; la viande devient une monnaie d’échange dans le
système commercial international.
Entre 1650 et 1680, un phénomène d’exode rural survient en Angleterre, ce pourquoi elle
devient urbaine, avec des villes manufacturières comme Manchester. Impulsion du grand
commerce en l’Angleterre, l’empire n’étant plus uniquement un empire de domination symbolique,

mais constitué sur un principe de circulation des produits. Des produits provenant d’Afrique,
d’Inde, sont ensuite distribués.
Cette transformation permet à une puissance, faible sur le plan démographique, de resplendir grâce
à un modèle nitescent, au moyen de procédés économiques et structurels ingénieux. La renommée
de l’Angleterre permet la concentration d’une main-d’œuvre abondante en son sein.
Au même instant, l’état de Prusse émerge comme un état puissant, état de piètre dimension, enclavé
entre de grandes puissances. Le roi de Prusse, à partir de 1685, tente d’attirer les huguenots
français.
Au moment où la France renforce se position sur le continent, des forces périphériques s’imposent
comme de nouvelles puissances. Une monarchie fondée sur des textes (Bill of Rights)
constituant une garantie des droits individuels, et non plus sur des coutumes, apparaît comme
le modèle le plus désirable.
Voltaire loue l’Angleterre pour son modèle de bon gouvernement. Si Louis XIV apparaît comme un
roi puissant, l’Angleterre est en réalité la grande puissance européenne. Ces dynamiques
internationales sont à l’œuvre dès le XVIIe siècle ; pourtant, les dynamiques politiques et
commerciales se déplacent vers les océans au XVIIIe siècle, où les concurrences politiques
s’ancrent. On évoque désormais une histoire « atlantique » des empires, les historiens étudiants
les enjeux de lutte greffés à ces territoires européens.

3. La recherche de nouveaux équilibres

La mort de Louis XIV signe une véritable rupture sur le plan politique. Louis XIV pensa les
rapports de force à l’échelle européenne comme un homme du XVIIe siècle ; il ne sut pas contrer
l’émergence de l’Angleterre, l’importance du grand commerce.
Après celle-ci, en 1717, la France du régent signe un traité d’alliance avec l’Angleterre et les
Provinces-Unies. Ce traité invoque la rupture de l’alliance entre l’Espagne et la France,
préférant à ce premier pays des puissances maritimes. Elle s’allie notamment avec la Pologne,
opérant un décentrement de sa politique, et ce au travers du mariage entre Louis XV et Marie
Leszcynskia, fille du roi de Pologne.
Dans ce jeu complexe, à l’échelle impériale, l’Angleterre se désunie plus tard de la France, lors de
la Guerre d’Indépendance d’Angleterre, en 1776. Cela oblige le roi de Pologne à s’exiler en
France ; louis XV installe son beau-père dans le château de Lunéville, dans l’Est de la France.

II. La Régence, expérience ou parenthèse ?

A. Une expérience politique




La caractère expérimental, sur le plan politique, de la Régence ; celle-ci eut, durant longtemps, une
réputation détestable, jusqu’à sa réhabilitation il y a peu. Placée sous le signe de l’exception, la
Régence est un régime de l’exception, s’axant sur la notion d’exception, soit suspension du cours
normal des choses pour imposer un ensemble de contraintes sur les choses et les hommes, sur lequel
repose l’absolutisme royale. Parce qu’il mène une guerre presque perpétuelle, Louis XIV peut alors
justifier les contraintes qui pèsent sur les classes sociales, notamment en ce qui concerne le système
financier ; tous les pouvoirs accordés aux parlements sont suspendus, il n’existe plus aucune contre-
pouvoir - en théorie - ; on ne fait plus appel aux généraux, aux conseillers. Toutes ces institutions
sont suspendues par le régime d’exception, et c’est en cela qui s’expriment de multiples oppositions
qui tentèrent de fonder un nouveau modèle.
À partir de 1680, de nombreux Français - parlementaires, membres du clergé - s’emparèrent du
modèle anglais, effervescence à la fin du XVIIe siècle, pour penser autrement le modèle de
l’absolutisme français tel qu’il fut incarné par Louis XIV, qui devient de fait un contre-modèle.

1.

Louis XIV avait prévu, dans son Testament, que sa succession devrait concernée un certain nombre
de ses fils naturels, nés de son union avec Madame de Maintenon. CE n’est pas l’un de ceux
désignés par Louis XIV qui devint membre et dirigea le Conseil de régence, mais le duc Philippe
d’Orléans qui obtint la tutelle sur le jeune louis XV.
Il est l’un des cousins de Louis XIV, mais est essentiellement imposé par un jeu d’alliances qu’il
tisse avec des acteurs tels que les parlementaires. L’arrivée au pouvoir de Philippe d’Orléans est
déjà le résultat d’alliances politiques, hostiles à Louis XIV, tendant à contrer la politique du défunt
roi. Il est le fils du frère de Louis XIV, Philippe de France, duc d’Orléans, donc son neveu,
bénéficiant d’une réputation importante à la Cour, en particulier grâce à sa carrière militaire.
Membre influent de la Cour, il est similaire au prince de Condé ou de Turenne au XVIIe siècle ; dès
les années 1680 - 1690, lorsque Louis XIV déplace sa Cour à Versailles, forme un véritable groupe
séditieux au sein même de celle-ci. Il incarne la « vieille noblesse », et s’oppose à la noblesse dite
de robes, incarnée par Louvois, secrétaire d’État à la Guerre, ou encore Colbert, conseiller
d’État disposant de multiples charges. Il désire contrôler les décisions royales, ce pourquoi il en
sera exclu en 1680 - 1685 par l’intrigue des empoisonnements. S’éloignant de Versailles, il n’est
pas mêlé à des affaires, notamment des affaires de mœurs, et dispose d’années propices à la
formation d’alliances. Il obtient les pleins pouvoirs au sein du Conseil de régence en cassant le
testament de Louis XIV au Parlement.
La table des Chaulnes, visant à mettre en place une monarchie équilibrée et aristocratique, est fort
appréciée des membres aristocratiques frustrés, issus de dynasties anciennes, qui expriment leur
mécontentement, comme il en fut des amis de Condé. Ils entendent limiter le pouvoir royal, en



souvenance d’un pouvoir royal partagé entre le roi et les membres d’une vieille noblesse, influente
par sa richesse. Philippe d’Orléans s’appuie, parallèlement à cette noblesse, sur les parlementaires.
Alors que les parlements se voient privés de leur droit de remontrance par Louis XIV, ils ne
conservent qu’un pouvoir judiciaire, et perdent leur pouvoir législatif. Ils continuent d’exercer
leurs activités juridiques, continuent de « produire » : ces parlementaires français diffusent le
système de la monarchie parlementaire anglaise. Ils désirent eux aussi cette même monarchie,
monarchie confiée à des hommes de lois. Ils sont des forces d’opposition, et perpétuent la tradition
du contre-pouvoir. Philippe d’Orléans, dont le pouvoir est affermi par ces deux soutiens, parvient au
Conseil de régence.
Entre un modèle de monarchie aristocratique et de monarchie parlementaire, ces deux modèles
demeurent irréconciliables, ne peuvent être associés l’un à l’autre. Philippe d’Orléans tente de les
conjuguer afin de créer la polysynodie, assemblée de plusieurs Conseils. Philippe d’Orléans
décide de créer sept conseils au sein même du gouvernement. Il s’oppose au modèle de Louis
XIV, fondé sur l’autorité suprême du roi, entouré d’un Conseil centralisé au sein duquel les
ministres ne détiennent aucun pouvoir de délibération. En 1715, Philippe d’Orléans anéantit le
Grand Conseil, et distribue l’ensemble du pouvoir exécutif en sept parties distinctes (chaque
conseil est composé de dix membres) :
• Un grand ministère, présidé par un membre de la noblesse d’épée, généralement un militaire,
issu de la vieille aristocratie ;
• Le conseil de Conscience (affaires morales et religieuses), présidé par le cardinal de Noailles ;
• Le conseil des Affaires étrangères, présidé par le maréchal d’Huxelles ;
• Le conseil de la Guerre, présidé par le maréchal de Villars ;
• Le conseil de la Marine, présidé par le comte de Toulous (fils naturel de Louis XIV) ;
• Le conseil des Finances, présidé par le duc de Noailles ;
• Le conseil des Affaires du dedans du royaume, présidé par le duc d’Antin ;
• Le conseil du Commerce (décembre 1715), présidé par le maréchal de Villeroy.

Cette organisation désire achever l’organisation hiérarchisée, concentrée, caractérisant les pratiques
de pouvoir de Louis XIV. Le pouvoir est partagé entre le Conseil de régence et celui qui le préside,
Philippe d’Orléans, ainsi que les membres de chacun des Conseil constituant la Conseil principal.
Dans des publications des années 1680 - 1690, l’abbé Saint-Pierre, objet de paix perpétuel,
décrit des réformes, non pas politiques mais institutionnelles. Le pouvoir est certes organisé
autour du roi, mais on tente de décentralisé celui-ci.
Philippe d’Orléans ne réside pas à Versailles : les cérémonies autour desquelles étaient fondées la
vie à Versailles, la Cour.

3. La revanche des parlementaires

Finalement, pendant ce moment réémerge des membres de la vieille aristocratie qui évincent,
temporairement, les hommes nouveaux considérés comme des parvenus. Un contre-pied contre les
formes et pratiques gouvernementales de Louis XIV.
La fiscalité continue d’être tancée par ses contemporains, notamment en raison de l’augmentation
des recettes qui apparaît comme absolument nécessaire.
Philippe d’Orléans, le 15 septembre 1715, afin de remercier et sceller son alliance avec les
parlementaires, leur offre de nouveau leur droit de remontrance, une décision exceptionnelle,
afin que les parlementaires se revendiquent encore de l’opinion publique. Les parlementaires
s’expriment au nom de la patrie française ; dans les textes publiés par les parlementaires, cette
notion apparaît. CE contre-pouvoir non pas seulement institutionnel, mais symbolique, inquiète le
gouvernement. Désormais, dans la France des Lumières émerge ce que les autorités nomment
« opinion publique ». Les décisions la concernant immédiatement, sa pensée doit être impliquée
dans la décision finale.
Une autre décision importante : juger les corrompus. En 1661, l’idée selon laquelle si les
fiscalités françaises sont viciées, c’est en raison du système financier, lui-même corrompu.
Philippe d’Orléans, secondé par les parlementaires, chassent les individus usant de ce système.
L’ensemble des contrats passés par les membres de la ferme général, par les traitants, les partisans,
qui participaient au système général qui fondait le système fisco-financier sous Louis XIV, est
désormais manipulé par le Conseil de régence, effaçant les dettes de l’État. Entre 1661 et 1663,
Louis XIV avait mené une action identique, celle-ci dirigée contre Fouquet.

B. John Law (1672 - 1729) et la tentative de réforme financière et économique

1. La volonté de mettre fin au système « fisco-financier »

Cette expérience mène à un véritable traumatisme. Jusqu’au début du XXe siècle, elle est un contre-
modèle pour tout gouvernement.
John Law a pour ambition de transformer radicalement la fiscalité, l’économie et les finances
royales. John Law, Écossais, veut appliquer le modèle anglais à la France. Il fut décrit comme
un aventurier fantasque, désireux de transformer la France. Il est proche de Newton, issu d’une
famille de financiers et étudie le droit. Il voyage, et s’intéresse au fonctionnement de l’économie au
travers de ses périples. Il publie des projets de réformes, se rend aux Provinces-Unies, et constate
l’ « état arriéré de l’agriculture française ». La structure économique française constitue une
anomalie. Dans les années 1710, il fréquente Versailles, des réformateurs tels que Vauban, et sa
réflexion concerne la modification de l’économie française en un système permettant de contrer les





difficultés (trois milliards de francs de dettes + dysfonctionnements multiples qu’il remarque au


sein de l’administration et de l’économie).
Il convainc Philippe d’Orléans de mener une réforme des financement, notamment par le biais de la
création d’une Banque privée qui a la possibilité d’émettre des billets de monnaie (papier-
monnaie) gagés sur des métaux précieux (or et argent). La diffusion du papier-monnaie dépend
ainsi des réserves de métaux précieux : changement des modalités de l’économie française. Au
commencement, John Law place son propre argent, puis celui de Philippe d’Orléans, suivi par de
nombreux courtisans : la capital initial, estimé à six millions de livres en 1717, est doublé en
1718. En décembre 1718, il fonde une institution qui régule l’entrée et la sortie du budget
royal, la Banque d’État.

2. Essor du grand

Il veut que l’économie, alors fondée sur l’agriculture, le soit désormais sur le grand commerce. Afin
d’impulser le grand commerce, il crée la Compagnie du Commerce de l’Occident (dit du
Mississippi) en 1717, dont le rôle est de renforcer les crédits de la Banque et favoriser la venue
de nouveaux produits. La capital de celle-ci s’élève à 100 millions de livres, divisés en actions
de 500 livres.
La littérature, la peinture, la gravure tendent à diffuser une vision idéalisée de l’Amérique. Les
compagnies concentrent de plus en plus de ressources fiduciaires, permettant ainsi de créer de
nouveaux billets. La compagnie absorbe les autres compagnies, à savoir la Compagnie du
Sénégal et la Compagnie des Indes orientales. Cette compagnie fédérale doit être fermement liée
à la Banque. Elle absorbe également la Ferme générale, obtient progressivement le privilège du
monopole du commerce avec la Mississippi.

3. De l’ascension à l’échec

De plus en plus de particuliers, membres de l’aristocratie, et même du Tiers-État, confie à la Banque


de l’or, de l’argent, obtenant des billets en contrepartie. Naturellement, la fortune de Law indispose
d’autres individus, tels que les fermiers. Pâris, ancien fermier général, consulte les ducs de Conti
qui avaient beaucoup investi auprès de la Banque d’État. Ces derniers, présentant leurs
billets, ordonnent que leur soient rétrocédés leurs métaux précieux. La réserve, déconnectée de
l’argent qui circule, détermine un système viable, tant qu’un individu ne requière pas la rétrocession
de leurs biens. En quelques heures, des porteurs réclament leur argent, de la même façon que les
ducs de Conti.
Ce système, construit sur la concentration totale de l’argent (A. Orain) des institutions de
Law, s’effondre. John Law affronte ici les « conservateurs » de la monarchie, les anciens fermiers




généraux, les anciens traitants. Face à ceux-ci, il défaille. Entre septembre 1720 et octobre 1720,
il est conspué, et le krach de la banque Law de la rue Quicampoix définit un traumatisme
pérenne, laissant la verve imaginative de ses contemporains facétieux à l’élaboration de libelles, de
caricatures véhémentes.
Le grand commerce n’est plus considéré comme un moteur économique d’ensemble, l’agriculture
redevient un système économique général. En 1720, Philippe d’Orléans nomme de nouveau un
principal ministre, le cardinal Dubois, ancien précepteur du régent, et supprime la
polysynodie.

III. Le renouvellement des oppositions

1. L’opposition janséniste : de l’Église aux Parlements

Dans les années 1720, le pouvoir de Louis XV n’est plus absolu dans les faits, en raison des
nombreuses réformes tentées. La religion devient un moyen d’opposition au pouvoir royal. Les
jansénistes, condamnés par le pape, envahissent les cimetières à Paris, notamment dans le centre de
la ville, sont soumis à des « convulsions ». Le roi est confronté à des oppositions supérieures,
issues des Parlements, et à des pratiques d’opposition politiques, élaborées par les convulsionnaires.
À travers ces convulsions, la sacralité du roi est contestée : qui doit être l’intermédiaire de Dieu ?
Chaque convulsionnaire se revendique support de Dieu.

CONCLUSION

À partir du début du XVIIIe siècle, le modèle monarchique est bouleversé. Au XIXe siècle, on tente
de rendre invisible, par l’invention du « Grand Siècle », ces faits répréhensibles, afin d’ériger le
règne de Louis XIV comme exceptionnel, remarquable, unique. Désormais, ce souvenir est toujours
présent dans l’esprit républicain


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