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TITRE 2

LE STATUT JURIDIQUE DE L’ETAT


LA CONSTITUTION

La notion de Constitution est par définition une notion essentielle du droit constitutionnel.

Comme le note par exemple Stéphane Pierré-Caps, «  La notion de Constitution désigne cet
effort réflexif pour organiser le pouvoir dans l’Etat, afin d’en fixer des limites par souci de ne
pas ériger l’Etat en réalité absolue et comme une fin en soi ».

Cet ensemble de règles juridiques qui réglemente l’organisation et le fonctionnement des


principales institutions étatiques et qui fixent la règle du jeu politique pour les gouvernants et
les gouvernés forme la constitution.

Elle est directement reliée à la notion d’Etat, et cette liaison apparaît avec une nouvelle
notion : l’ « Etat de droit ».
Il y a Etat de droit dès lors que l’Etat se décompose en de nombreuses institutions qui
sont organisées et réglementées par des règles de droit.
Mais il y a aussi et surtout Etat de droit dans la mesure où les gouvernés comme les
gouvernants sont soumis à des règles juridiques.

Pour comprendre cette notion de constitution:

Ch. 1er : La définition de la notion de Constitution


Ch. 2 : L’élaboration et la révision de la Constitution
Ch. 3 : La suprématie de la Constitution
CHAPITRE 1:
LA NOTION DE CONSTITUTION

Il existe plusieurs définitions de la Constitution, ce qui rend cette notion polysémique


et complexe.
De façon très générale, la constitution peut se définir comme l’ensemble des règles
juridiques relatives à l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics.
Elle est « une règle qui énonce les droits des citoyens, qui les garantit, et qui organise
les pouvoirs de l’Etat de manière conforme à la séparation des pouvoirs ».
Parce qu’elle concerne le Pouvoir politique dont la compétence souveraine incombe
exclusivement à l’institution étatique, on peut aussi la définir comme « le statut juridique de
l’État » (B. Chantebout).
Dans une conception plus juridique encore, on peut définir la Constitution comme « la
norme juridique suprême de l’État » (H. Kelsen).

Section 1 : les évolutions de la notion de Constitution


Section 2 : les différentes conceptions de la Constitution

SECTION 1 : EVOLUTION DE LA NOTION DE CONSTITUTION

Nous allons retracer l’histoire de la notion de Constitution avant de souligner le lien existant à
partir du 18ème siècle entre la notion de Constitution et le courant politique dénommé
constitutionnalisme.

§1 : Historique de la notion

La notion de Constitution est ancienne.

A) Son origine remonte à l’Antiquité. Issue à l’origine du terme latin Constitutio, la


constitution renvoie à une idée d’ordre, d’organisation d’un tout (la communauté humaine
dans son ensemble, la Cité) : la constitution d’un corps humain pour la médecine, la
constitution d’un corps ecclésiastique, et plus particulièrement d’un point de vue politique, la
constitution d’un État.
Pour les grecs, la constitution au sens juridique définirait alors le principe d’ordre, d’existence
même d’une société politique. Cette définition de la constitution sera posée par Aristote : « La
Constitution d’Athènes » (seul texte qui nous soit parvenu d’un recueil qui aurait compris les
158 Constitutions des cités grecques). Même s’il s’agit d’un texte relatif à l’organisation des
pouvoirs, comme le souligne le Pr. O. Beaud, la notion de Constitution renvoie d’abord ici à
un « terme décrivant l’ordre fondamental d’une société humaine et politique, le mode
d’existence politique d’une nation ou d’un peuple (… )».

B) Au Moyen - Age, le terme de Constitution sera repris dans le vocabulaire


ecclésiastique et médiéval. Il servira à désigner l’ensemble des règles d’organisation et de
fonctionnement des monastères. Dès lors, à partir d’ici, la notion de Constitution glissera
progressivement vers une autre signification, plus précise.

La notion de Constitution définira plus strictement un corps de principes et de règles relatives


à l’organisation et au fonctionnement d’institutions sociales et politiques. Elle devient un texte
d’organisation du pouvoir politique mais aussi un instrument de limitation de celui-ci : Magna
Carta (1215…)

Dès lors, le sens de la notion de Constitution va évoluer. Elle ne détermine plus le corps
politique. Elle est un texte juridique spécifique par le biais duquel une nation définit son
régime politique. En ce sens, Vattel dans son ouvrage Droit des gens (1758), définira la
Constitution comme « une forme de gouvernement instituée par une société ou une nation
afin de s’assurer les avantages de l’association politique (…) ».
De même, Montesquieu énonçait que la Constitution peut être la « disposition essentielle des
éléments ou des pouvoirs qui entrent dans la composition d’une forme de gouvernement ».
Cette évolution est importante à prendre en considération. C’est elle qui explique la naissance
de la définition moderne de la notion de Constitution.

§2 : Constitution et constitutionnalisme :

Cependant, cette nouvelle conception de la Constitution et selon laquelle elle est une
règle relative à l’organisation et au fonctionnement du pouvoir prendra sa pleine et entière
signification au 18ème siècle avec l’essor de la philosophie des Lumières et du libéralisme
politique.

En effet, le libéralisme politique est à l’origine du constitutionnalisme dont les


théoriciens sont Montesquieu au 18ème siècle et B. Constant au 19ème siècle. Quelle est l’idée
véhiculée par le constitutionnalisme ? La limitation du pouvoir politique qui découlera de
l’existence d’une Constitution écrite. Il s’agit d’un texte qui a pour but de fixer une
organisation cohérente et rationnelle l’exercice du pouvoir souverain par l’Etat afin d’éviter
l’arbitraire.

Cette constitution fixe en ce sens les règles du jeu politique. Le constitutionnalisme


vise alors à instituer un gouvernement limité, un gouvernement constitutionnel, un Etat de
droit, c’est-à-dire un Etat au sein duquel les règles juridiques déterminent les compétences des
différents pouvoirs.

Le constitutionnalisme se réduit donc à 3 grands principes, qui sont les suivants :


Un seul mode de gouvernement est bon ; celui où tout est réglé par une Constitution
écrite
Il n’y a pas de liberté individuelle sans Constitution écrite
Il n’y a pas de Constitution sans séparation des pouvoirs et garanties des libertés
individuelles

Voir l’art. 16 Décl° 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».

Mais il faut attendre la fin du 18 ème siècle pour assister, Outre-Atlantique, d’abord dans les
Etats américains devenus indépendants, puis aux Etats-Unis (1787), et enfin en France (1791)
à l’adoption des premières Constitutions écrites des temps modernes. Ce sont ces deux
premières constitutions modernes qui ouvrent l’ère du constitutionnalisme contemporain.

SECTION 2 : LES DIFFERENTES CONCEPTIONS DE LA CONSTITUTION

Constitution matérielle et constitution formelle (§1)


Constitution coutumière et constitution écrite (§2)
Constitution souple et constitution rigide (§3)

§1 : Constitution matérielle et Constitution formelle

Dans une conception formelle, la constitution désigne un texte juridique spécifique,


moins par le contenu des dispositions qu’elle contient, que par la nécessité d’invoquer un
pouvoir particulier, le pouvoir constituant, qui adoptera et révisera ce texte selon une
procédure juridique spécifique. Tels sont les critères qui distinguent traditionnellement la loi
constitutionnelle de la loi ordinaire (R. Carré de Malberg).
Dans une conception matérielle, la constitution se définit par rapport au contenu des
dispositions juridiques. Ici seront considérés constitutionnelles, toutes les dispositions
juridiques qui concernent deux domaines, et ce, quelle que soit la forme dans laquelle elles
ont été adoptées, et les auteurs qui les ont pris. 
1/ L’organisation du pouvoir politique
2/ La garantie des droits de l’homme

En France, comme dans la plupart des autres démocraties, même s’il a pu être discuté,
c’est le critère formel qui a toujours été retenu pour définir la constitution.
Le plus souvent toutefois, ces deux critères se recoupent. Le critère matériel justifie le
critère formel. Parce qu’elle contient les dispositions les plus importantes de l’État (relatives à
la nature, l’organisation, le fonctionnement et les buts du pouvoir), l’élaboration ou la révision
de la constitution nécessite de manière logique l’intervention du pouvoir constituant selon des
procédures spécifiques.

Mais ils peuvent aussi se détacher. Par exemple, la loi électorale en France est une
norme de valeur législative. Il existerait alors une certaine contradiction entre la valeur
matérielle (constitutionnelle) et la valeur formelle (législative) de cette norme.

§2 : Constitution écrite et constitution coutumière

Il existe deux formes de Constitution.


La constitution écrite désigne un texte juridique, distinct par rapport aux autres textes
existant dans l’ordre juridique (traités, lois, actes administratifs), parce qu’elle est instituée
par l’organe constituant, et qu’elle ne peut être révisée que par des procédures spéciales
définies par le texte constitutionnel lui-même.
Depuis 1791, et excepté l’expérience de la Charte de 1830, la notion de constitution
écrite sera toujours retenue en France, comme d’ailleurs dans l’ensemble des démocraties
constitutionnelles en Europe et dans le monde.
Parfaitement adaptée aux principes de la philosophie des Lumières, la constitution
écrite symbolise une nouvelle ère politique où l’homme délié de l’héritage du passé et
désormais souverain des choses du gouvernement, construit, adapte, ou même reconstruit son
système politique à l’aide d’une norme juridique qu’il peut changer ou réviser. Tels les
géomètres tenant entre leurs mains leurs instruments de mesure, les citoyens détiennent la
Constitution pour définir et organiser le mode de gouvernement d’une société. La constitution
écrite sera le corollaire de l’avènement de la démocratie politique.
A l’inverse, la constitution coutumière ne retient qu’un critère matériel. Ce dernier
conduit à inclure toutes les dispositions relatives à l’organisation et au fonctionnement des
pouvoirs publics, sans qu’il soit nécessaire d’invoquer l’intervention d’un pouvoir constituant
spécial, ni de définir des procédures spécifiques de révision (textes non écrits, usages,
pratiques, coutumes). Une constitution coutumière est celle dont les règles, en totalité ou en
partie, ne sont pas énoncées par un document officiel ou écrit, mais résultent de la répétition
constante et ininterrompue d’usages et de précédents anciens acceptés par la plus grande
partie du corps social auquel ils s’appliquent.
Bien que la constitution coutumière existe dans quelques Etats (Chine, Israël, Nouvelle-
Zélande), elle est surtout le produit de l’histoire politique de l’Angleterre. Comme le rappelle
O. Beaud, « Par Constitution, écrivait Bolingbroke en 1733, nous entendons, (…) cet
assemblage de lois, d’institutions et de coutumes, (…) selon lequel la communauté est
convenue d’être gouvernée » (A dissertation on Parties, 1733-1734). La constitution
rassemble donc toutes les règles, et ce, quelle que soit leur nature ou leur valeur, relatives à
l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics.
Il importe de mettre en lumière cette distinction entre Constitution coutumière et
Constitution écrite dans la mesure où elle permet de mettre en lumière la distinction existante
entre Constitution souple et Constitution rigide.

§3 : Constitution rigide et Constitution souple

Dans un système qui adopte la Constitution souple, celle-ci est un texte qui peut être
modifié comme les autres règles de droit (loi essentiellement). Il n’existe donc pas de
procédure juridique spéciale pour réviser la Constitution : Constitution anglaise.
Dans un système en revanche qui adopte la Constitution rigide, celle-ci est un texte qui
ne peut être modifié qu’en suivant une procédure juridique spéciale déterminée par la
Constitution elle-même. Étant une loi écrite spéciale émanant d’un acte politique du
constituant bénéficiant en outre de procédures juridiques spéciales de révision, la Constitution
possède une valeur juridique formelle supérieure par rapport aux lois.

En conclusion :

La distinction entre Constitution coutumière et Constitution écrite, aussi pertinente


soit-elle, doit être relativisée. Il a toujours existé au Royaume-Uni des textes constitutionnels
écrits comme le prouvent la Grande Charte de 1215, la pétition des droits de 1628, l’Act
d’Habeas Corpus de 1679, le Bill des droits de 1689, l’Act d’établissement de 1701, les
Parliament Acts de 1911 et de 1949, ou encore l’European Community Act de 1972.
On assiste même aujourd’hui au développement des textes constitutionnels écrits. En
1998, le gouvernement de Tony Blair a fait adopter ce type de textes sur des questions
politiques majeures : l’ Human Rights Act en premier lieu, et ayant pour objet l’incorporation
des traités européens au droit britannique ; les Scotland Act, Governement of Wales et
Northern Ireland Act en second lieu. Ces derniers définissent les principes d’une
décentralisation moderne, conciliant les revendications à l’autonomie régionale et la
souveraineté du Parlement de Westminster.
A l’inverse, les constitutions écrites peuvent, elles aussi, être influencées par certaines
coutumes constitutionnelles (principes implicites) sans lesquelles d’ailleurs le texte de la
Constitution ne peut réellement bien se comprendre. C’est L. Rolland en 1927 et R. Capitant
en 1929 qui ont découvert l’importance du rôle des coutumes constitutionnelles en France.
Pour R. Capitant, la constitution, dans ses degrés supérieurs, serait nécessairement
coutumière. La souveraineté nationale par exemple, plus qu’un principe constitutionnel écrit,
serait une coutume. Située à la base de l’ordre juridique de l’État, elle le conditionnerait de
manière permanente, en dépit des variations sémantiques formulées quant à son contenu dans
les textes constitutionnels.
Mais à côté des coutumes, il existe une autre notion, qui hypothèque l’idée selon
laquelle la nature et le fonctionnement d’un régime politique ne pourrait se comprendre qu’à
la lecture d’un texte constitutionnel. Il s’agit des conventions à la constitution dont la notion a
été dégagée par J.S. Mill (Le gouvernement représentatif, 1865) et surtout par A.V. Dicey en
1885. Elles ont fait l’objet d’une théorisation en France, de manière relativement récente, par
le professeur Pierre Avril. Ces conventions à la Constitution se distinguent des coutumes
parce qu’elles désigneraient des pratiques qui ne nécessitent pas de manière obligatoire une
répétition. A la différence de la norme constitutionnelle elle-même, les conventions sont
essentiellement des règles non écrites (ex. désuétude de la dissolution en 1877-1879).

CHAPITRE 2
L’ELABORATION ET LA REVISION DE LA CONSTITUTION

Le problème juridique qui se pose est le suivant : comment la Constitution est-elle


créée ? Comment peut-elle être réformée ?
Ces deux interrogations posent le problème de l’élaboration et de la révision des Constitutions
et celle du pouvoir spécial mis en œuvre pour réaliser ces deux opérations. Sur un plan
juridique, le pouvoir constituant se définit comme ce pouvoir spécial d’établissement et de
révision de la constitution.
Attention : en fonction des objectifs qu’il s’assigne, ce pouvoir constituant est susceptible de
revêtir deux formes. C’est ce qu’il faut étudier ici.

SECTION 1 : LA NOTION DE POUVOIR CONSTITUANT ORIGINAIRE ET


ABSOLU

Nous allons poser la définition (§1), avant de présenter différentes configurations de mise en
œuvre de ce pouvoir constituant (§2).

§1 : Définition

A- Principe :

On appelle pouvoir constituant originaire et absolu, le pouvoir d’élaborer une


constitution lorsqu’il n’en existe pas ou plus. C’est le pouvoir d’établissement de la
Constitution. Mais pour bien appréhender cette première notion de pouvoir constituant, il
convient de définir les deux adjectifs d’originaire et d’absolu

On appelle ce pouvoir constituant originaire parce qu’il est à l’origine d’une


Constitution nouvelle qui elle-même est à l’origine de l’établissement d’un nouvel ordre
juridique étatique.
On appelle ce pouvoir absolu parce qu’il s’agit d’un pouvoir qui ne connaît aucune
limitation ni quant aux modalités de son exercice ni quant au fond.

En résumé, le pouvoir constituant originaire et absolu est celui qui élabore la


Constitution qu’il veut, comme il veut dans la mesure où il se trouve en présence d’un vide
constitutionnel total. C’est le pouvoir créateur de la Constitution de l’Etat. Le pouvoir
constituant originaire apparaît essentiellement dans deux cas.

En premier lieu, il interviendra chaque fois qu’un Etat créé ab initio, se dote d’une
constitution. Ainsi aux Etats-Unis d’Amérique, en 1787, les Etats ont délégué à une
Convention le pouvoir de créer une nouvelle constitution qui fut considérée comme la norme
de fondation de ce nouvel Etat car comme le soulignait Carré de Malberg, un Etat naît avec sa
première Constitution. Pour ce faire, elle fut dotée du pouvoir constituant.

En second lieu, le pouvoir constituant originaire apparaît à la suite d’une révolution ou


d’une guerre, lorsqu’un nouveau régime politique élabore une nouvelle constitution adaptée à
ses nouvelles conceptions. Les révolutions, française de 1789 d’une part, et soviétique (en
Russie) en 1917 d’autre part, ont appelé un nouveau pouvoir constituant habilité à élaborer
une constitution. En Allemagne, à l’issue du second conflit mondial, le pouvoir constituant a
donné naissance à la loi fondamentale de 1949. De même, après le mouvement de
décolonisation, les nouveaux Etats se sont dotés de Constitutions. Ils ont fait appel au pouvoir
constituant.

B- Problèmes :

Le problème qui se pose ici est de définir d’un point de vue juridique la nature du
pouvoir constituant originaire et absolu.

On peut dire ici que ce pouvoir ne relève pas du droit parce qu’il … « il fonde le
droit ». Donc par hypothèse, il n’est pas un phénomène juridique ; il est un phénomène plutôt
politique, relevant d’une décision originelle. De manière concrète, si l’on établit une nouvelle
constitution en rupture avec une précédente, on n’exerce pas un droit. On exerce un pouvoir
afin d’instituer un nouveau système juridique. Il découle donc de ce constat que le pouvoir
constituant ici ne relève pas d’une compétence juridique a proprement parlé, mais plutôt d’un
fait politique. Le texte qui émane de ce pouvoir constituant et instaurant par la même un
nouvel ordre juridique est qualifié par une partie de la doctrine de « 1ère Constitution ». Il
s’agit de « l’acte normatif au-delà duquel il n’est plus possible de retracer une continuité
juridique ».

Cela est encore important du point de vue juridique. Cette caractéristique de nature
politique, propre au pouvoir constituant originaire, permet de souligner qu’il n’existerait pas
qu’une simple différence de degré entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir
constituant dérivé. Il existerait plutôt une différence de nature entre ces deux pouvoirs
constituants. Alors que le premier relèverait d’un phénomène politique comme on vient de le
souligner, le second lui relèverait d’une compétence juridique.

Dans les faits cependant, une première Constitution, mais aussi et surtout à sa suite, le
moment de création d’une nouvelle Constitution qui lui succèderait peut être difficile à
identifier. Au plan juridique, la Constitution de 1958 est une révision de la Constitution de
1946 selon les termes de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958. De telle sorte qu’en des
termes strictement constitutionnels, « il n’existe pas de 5ème République ». En ce sens, la 1ère
Constitution historique n’est pas non plus la Constitution du 27 octobre 1946 qui a pour
fondement la loi constitutionnelle du 2 novembre 1945. Ce texte qui constitue le premier texte
constitutionnel formel issue de la guerre peut être considéré comme la première constitution
historique du droit constitutionnel en vigueur… Mais ici encore les choses sont confuses
puisque dans le même temps, les représentants de la France libre considéraient, dans
l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine, de la
France que la République en droit n’avait jamais cessé d’exister, alors que l’ordonnance du 21
avril 1944 prévoyait quant à elle qu’une assemblée constituante devait élue un an après la
libération du territoire. Il en résulte donc que la France libre pouvait ne pas se sentir liée par la
3ème République et ses lois constitutionnelles. Cette dernière interprétation est cependant la
plus cohérente au regard du droit et de la politique puisqu’entre la 3 ème République et la
nouvelle République, a bien existé un régime, certes très contestable, celui de Vichy. A cela
s’ajoute d’autres textes : ordonnance du 17 août 1945 concernant le futur droit constitutionnel
formel et avant elle l’ordonnance n°1 du 27 octobre 1940 et n°16 du 24 septembre 1941.

Mais au regard du droit positif il convient de retenir que la 1ère constitution historique
serait la Constitution de 1958 révisée en 1962. Elle rompt avec la continuité étant voté contre
les règles constitutionnelles en vigueur. Il y aurait donc eu ici une révolution juridique…

§2 : Mise en œuvre du pouvoir constituant originaire et absolu

A- Principe :

Le pouvoir constituant peut être exercé, soit par une personne, soit par une assemblée,
soit par le peuple. Par exemple, en 1814, Louis XVIII octroiera une charte au peuple français.
Il s’agit d’une solution exceptionnelle dans l’histoire constitutionnelle depuis 1789.
En effet, avec le développement de la souveraineté nationale, le pouvoir constituant
appartiendra au peuple, qu’il partagera soit avec une personne, soit avec une assemblée.
Dans un régime de nature autoritaire, mais dont la légitimité repose sur le peuple, un
homme détiendra le pouvoir constituant. Il décidera d’une nouvelle Constitution qu’il
soumettra ensuite à l’approbation définitive du peuple. En 1799, Napoléon Bonaparte voulait
une Constitution adaptée à ses desseins politiques. Face à la réticence de Sieyès qui ne
partageait pas tous ses points de vue, il convoquera alors Daunou, plus conciliant, pour l’aider
à écrire le texte : « Citoyen Daunou, asseyez-vous là et écrivez ! ». Une fois rédigé, le texte
fut soumis à l’approbation du peuple. La même procédure sera suivie en 1852 par Louis
Napoléon Bonaparte.
Dans un régime réellement démocratique, c’est une assemblée constituante qui sera
chargée d’élaborer une nouvelle constitution. On soulignera qu’en démocratie, le principe est
naturellement que le peuple décide en dernier ressort. En France, le peuple est presque
toujours intervenu dans le processus d’élaboration d’une nouvelle constitution.
La voie référendaire a été utilisée en 1793, 1795, 1799 1800, 1802, 1804, 1815 (acte
additionnel aux Constitutions de l’Empire), 1851, 1852, 1870, 1945 (régime intérimaire),
1946 (pour les deux projets du 5 mai et du 27 octobre) ou encore en 1958.
Mais attention. Comme le souligne les PR. Emeri et Bidegaray, « la pratique française
montre que même dans les cas d’élaboration démocratique, la participation réelle du peuple
dans le processus constituant reste relativement faible ».
Au regard de l’histoire de France, la participation du peuple aura concrètement du mal
a réellement s’affirmer pleinement : en réalité, et comme le rappelle encore Cl. Emeri et Ch.
Bidégaray, ce n’est qu’en 1945 « que le peuple entre vraiment en procédure constituante ».

Des situations intermédiaires :


Exceptionnellement, cette compétence peut revenir au gouvernement, comme en
1958 : plusieurs phases de préparation ont pu être ici prévues sans que soit organisée la
participation directe d’un organe élu à cette fin. Ici, un avant-projet gouvernemental est
examiné par le Comité consultatif constitutionnel puis par le Conseil d’Etat avant d’être
adopté en Conseil des ministres. Cependant toute cette procédure fut déterminée en amont par
une loi constitutionnelle de transition : la loi constitutionnelle du 3 juin 1958
Précédents : Le 10 août 1792, le Corps législatif viole la Constitution de 1791 en décrétant la
suspension du roi et en convoquant une Convention nationale à laquelle elle délègue ces
compétences juridiquement usurpées.
Alors que cette convention a élaboré deux constitutions, la Constitution du 22 frimaire an VIII
(13 déc. 1799) fut rédigée par une Commission consulaire exécutive et approuvée par des
« commissions » remplaçant le corps législatif. Pour la 1 ère fois alors une Constitution est
rédigée par un organe de transition exerçant une « dictature gouvernementale ».

B- Application :
1- L’écriture camérale :
C’est mode le plus couramment utilisé depuis 1789
a- L’écriture par une assemblée constituante

*C’est notamment l’exemple de l’expérience constituante fondatrice de


1789 pendant la Révolution française:
17 juin : proclamation du Tiers-état en assemblée nationale
20 juin : serment du jeu de paume : Les constituants s’engagent les uns envers les autres à
l’instar des « Pilgrim Fathers » lors du Covenant de Cape Cord en 1620 dans le
Massachussetts.
6 juillet : 30 bureaux de l’Assemblée nationale désignent un commissaire pour siéger dans le
comité de distribution chargé d’organiser l’élaboration de la Constitution.
9 juillet : l’assemblée se proclame constituante. Mounier présente un rapport qui pose les
questions essentielles
14 juillet : suite à la prise de la Bastille est décidée de la rédaction d’une Déclaration des
droits
Création d’un nouveau comité de rédaction appelé « premier comité de Constitution »
4 août : abolition des privilèges. Les révolutionnaires rappellent leur volonté de faire précéder
la constitution d’une déclaration des droits.
Mais toujours se pose la même question pour les révolutionnaires français: Quelle
Constitution ? Sparte et Rome, la GB et les EU sont autant de références invoquées par les
constituants comme source d’inspiration….
Si la Révolution est pris au sens cosmique par les anglo-saxons (retour au point de
départ) en France, le mot est synonyme de rupture entre un l’Ancien régime, symbole de
l’ancienne France, et les temps nouveaux où les institutions politiques des Etats doivent être
régies par des textes constitutionnels.
15 septembre : Echec des monarchiens du premier comité de Constitution (à
l’exception de Sieyès non favorable au régime à l’anglaise).
Durant l’été, la fuite de Varennes, la mobilisation républicaine au champ de Mars, le
17 juillet et sa répression brutale (50 morts) fin août 1791, ont invité les constituants à rédiger
un texte plus « conservateur » : craignant les débordements populaires, Duport, Barnave et de
Lameth font réviser le texte dans un sens moins progressiste : renforcement des pouvoirs du
roi et resserrement de l’électorat. C’est à ce moment que se fixe le principe de la souveraineté
une, indivisible, inaliénable et imprescriptible et qui appartient à la nation !
Sont encore fixés les principes du régime représentatif : à l’exception de Condorcet personne
ne proclame la souveraineté populaire…. Sauf ceux qui tentent de discréditer la révolution…
8 octobre : Louis XVI est proclamé roi des français. A ce moment est formalisée une grande
partie de la constitution : la déclaration et 19 articles du texte constitutionnel.
En 1792, la Convention (inspiration américaine manifestant la volonté de faire ratifier le texte
constitutionnel par le peuple)

* L’écriture de la 2nde République de 1848 : nomination d’une assemblée nationale


possédant le monopole de l’élaboration constitutionnelle.
* L’écriture du texte constitutionnel de 1875 : après les élections de 1871, une
assemblée nationale opte pour la même solution qu’en 1848 et la même appellation. Une
assemblée nationale qui nomme Adolphe Tiers « chef du pouvoir exécutif de la république
(17 fév. 1871) et qui s’arroge les pouvoirs constituants (qui ne lui avaient pas été
explicitement conférés)
Ces trois expériences font référence à l’écriture de la Constitution par une assemblée seule
sans que ne soit directement associé le peuple : en 1789, les députés du tiers s’estiment
représenter le peuple nation. En 1848 et en 1871, les constituants se fondent sur le même
principe. Ces exemples expriment la crainte des révolutionnaires et des nouveaux gouvernants
que le peuple des campagnes ne suive pas le projet démocratique (« partageux », « paysans
parcellaires »). Dans cet état d’esprit, ils refusent d’utiliser le référendum parce qu’il le
considère comme un instrument de participation directe du peuple incontrôlable et donc
politiquement dangereux.

b- L’écriture par une assemblée constituante + ratification par le peuple : 1793-


1795 :
L’intervention directe du peuple : Une idée qui ne s’impose pas d’elle-même à la
Révolution malgré les apparences et les influences doctrinales fortes (dont celle de Rousseau).
En pratique, le recours au plébiscite sera plus symbolique que réel tant l’approbation au vues
des circonstances reste faible.
Mais quand même elle existe : « l’arrestation du roi et son procès, vont conduire les
révolutionnaires à rompre définitivement avec le passé. L’heure est à l’innovation. Non
seulement le peuple va être sollicité pour désigner les membres d’une assemblée constituante,
mais il sera appelé à contrôler son travail par référendum de ratification ». Deux exemples
ici : les constitutions montagnarde et girondine.

2- L’écriture gouvernementale :
Mode exceptionnel, il s’agit ici d’une procédure souvent imposée par les
circonstances, des périodes troubles qui empêchent le travail constituant par une assemblée. Il
s’agit d’un mode qui porte atteinte à la souveraineté du peuple. Mais ici, ces modalités plus
autoritaristes n’ont pu faire abstraction totalement du peuple.

a- L’appel direct au peuple : 1799, 1852


Quelques exemples d’appels directs au peuple :
A l’occasion de l’écriture de la Constitution du 22 frimaire an VIII (1er décembre
1799) : « Citoyens, la révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée : elle est
finie ! » Consuls en 1799
L’écriture de la constitution du 14 janvier 1852 : « Français, si vous croyez que la
cause dont mon nom est le symbole, c’est-à-dire la France, régénérés par la Révolution de 89
et organisée par l’Empereur, est toujours la vôtre, proclamez le en consacrant les pouvoirs que
je vous demande » Louis Napoléon Bonaparte, le 2 déc. 1851.
Ce sont les désordres entraînés par les gouvernements d’assemblée où les dérives de la
restauration monarchique qui ont fait le lit du bonapartisme, doctrine qui se porte alors
garante de l’ordre et de la continuité tout en préservant le nouveau pouvoir du peuple.

b- Chartes monarchistes
Revenus des « fourgons de l’étranger », les monarchistes ne pouvaient accepter les
« institutions des régicides ». Ils ont donc par deux fois donnés des textes constitutionnels
rétablissant la légitimité monarchiste
1814 : La charte octroyée (Louis XVIII et Charles X)
1830 : La charte « acceptée » (Louis-Philippe)

3- L’ambiguïté gaulliste :
Par deux fois, de Gaulle est directement associé au travail constituant. Plane en dépit
de l’approbation directe du peuple, la suspicion bonapartiste sur ces deux procédures. Cette
suspicion aura raison de de gaulle en 1946 et perturbera celle de 1958. Pourtant un respect des
principes démocratiques.
Les choses sont très différentes. Après un « 17 brumaire » de Gaulle revient au
pouvoir et rédige par le biais de son gouvernement une Constitution respectant la loi
constitutionnelle du 3 juin 1958.

Conclusion de la section 1:
Il faut souligner la faible normativité des textes durant la période constituante. Cette
faible normativité s’explique par les contradictions logiques que recèlent ces périodes pour le
pouvoir constituant.
En effet, il s’agit là d’une période trouble au plan juridique car se rencontre un pouvoir
constituant continu mais provisoire puisqu’il s’agit d’un temps d’élaboration constitutionnel à
durée limitée où l’on fixe des règles « intemporelles » ou du moins, qui bénéficient de la plus
grande immutabilité dans un ordre juridique. Mais il s’agit aussi d’un pouvoir constituant
définitif mais laborieux, puisque l’assemblée chargée de fixer un texte pour l’avenir est
soumis au aléa d’une période inconstante durant laquelle les évènements les plus insignifiants
( ?) peuvent modifier les règles les plus signifiantes (règles constitutionnelles changeantes
durant la discussion….).
C’est bien ce choc qui caractérise les périodes « dites » révolutionnaires.
Ce caractère provisoire rend le processus d’élaboration difficile. En ce sens, les
constituants de 1871 ont mis plus de 4 ans…. Il peut parfois l’accélérer comme aux Etats –
unis en 1787 où les constituants ont mis 4 mois à rédiger le texte.
En 1871, l’Assemblée nationale élue de manière révolutionnaire avait pour simple
compétence de faire la paix avec l’Allemagne. Mais elle va s’attribuer le pouvoir constituant
et voter les 3 lois (Rivet, de Broglie et du septennat) et le Parlement
Cette période d’instabilité cesse avec l’adoption définitive du texte.
De même, alors qu’en 1792 la Convention élabore une vraie Constitution, elle ne sera
jamais appliquée, au profit d’une « petite constitution » qui instaure la dictature du Comité de
Salut Public.

SECTION 2 : LA NOTION DE POUVOIR CONSTITUANT DERIVE ET RELATIF


Nous allons d’abord définir la notion (§1), avant de présenter les mécanismes de sa mise en
œuvre (§2).

§1 : Définition

On appelle pouvoir constituant dérivé et relatif, le pouvoir de réviser une Constitution


existante en abrogeant certaines de ses dispositions pour les remplacer par des dispositions
nouvelles. C’est le pouvoir de révision de la Constitution.
C’est une telle procédure qui permet de distinguer la Constitution des autres règles
juridiques, et notamment les lois.

On appelle ce pouvoir constituant dérivé parce qu’il trouve sa source dans une
Constitution déjà existante, et que cette constitution va prévoir, elle-même, les procédures
selon lesquelles elle sera révisée, modifiée.
On appelle ce pouvoir relatif parce qu’il sera limité par la Constitution existante, ceci
afin d’éviter qu’une révision ne soit qu’un changement déguisé de Constitution et de régime
politique.

2 séries de raisons expliquent ce pouvoir de révision :

Raisons politiques : dans un régime démocratique, le peuple doit toujours avoir la


possibilité de modifier sa constitution. Les premières constitutions écrites soulignaient déjà la
nécessité de leur possible révision. L’article 28 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen précédant la Constitution montagnarde du 24 juin 1793 énonçait : « Un peuple a
toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa constitution. Une génération ne peut
assujettir à ses lois les générations futures ».

Raisons techniques : La révision de la Constitution peut être justifiée aussi par la


nécessité de corriger certaines imperfections ou combler des lacunes, soit pour l’adapter à
l’évolution de la société et empêcher ainsi sa suppression révolutionnaire.

§2 : Les modalités d’exercice du pouvoir constituant dérivé et relatif

Le pouvoir constituant, dès lors qu’il est dérivé et relatif, ne pourra s’exercer que
conformément aux modalités déterminées par la Constitution elle-même. L’ensemble de ces
modalités forme alors la procédure d’exercice du pouvoir constituant. Cette procédure se
distingue cependant de façon très nette des autres procédures notamment de la procédure
visant à modifier les lois ordinaires.
La distinction est facile à opérer dans la mesure où la procédure constituante est une
procédure spéciale, particulièrement formaliste et solennelle. On parlera dans cette hypothèse
de spécificité de la procédure, spécificité qui peut être organique mais aussi et surtout
formelle.

A- La spécificité organique :

Il faut entendre par là, concrètement, que la Constitution n’est jamais révisée par
l’organe législatif ordinaire. Elle l’est toujours par un organe constitutionnel « complexe », un
organe qui se compose de l’association de plusieurs organes constitutionnels.
Cette spécificité qui concerne le ou les organes compétents pour réviser la Constitution
est alors susceptible de degrés : 2 hypothèses sont à distinguer :
Combinaison des organes constitutionnels existants : il s’agit de la spécificité
moindre. Cette procédure peut être utilisée pour réviser la Constitution. Ex : Les lois
constitutionnelles de 1875 font intervenir pour réviser la constitution à la fois la Chambre des
députés et le Sénat, réunis au sein d’une chambre parlementaire unique : le Congrès,
formation différente de celle prévue pour le vote des lois ordinaires.

Intervention directe du peuple : il s’agit là d’une spécificité liée à l’idéologie


démocratique et à la notion de souveraineté populaire. Dans cette hypothèse, le rôle du peuple
est plus ou moins important, il peut avoir l’initiative de la révision constitutionnelle (Suisse),
mais le plus souvent, il se borne à ratifier sous certaines conditions la révision, c’est à dire à
approuver la phase terminale de la procédure de révision.

B- La spécificité formelle :

Cette spécificité concerne cette fois la procédure à suivre pour réviser les
Constitutions. Elle apparaît d’un double point de vue : d’abord dans le fait que l’on multiplie
volontairement les phases de la procédure, ensuite dans le fait que l’on multiplie
volontairement les conditions de forme.

1- Multiplication des phases de procédure: elle a une double signification. Elle est
destinée à rendre la procédure particulièrement solennelle en rendant la révision de la
Constitution difficile en raison de la gravité de l’acte.

a- Présentation générale :
Toutes les procédures de révision constitutionnelle se caractérisent par une complexité
quant à leur mise en œuvre. Ce sont elles qui garantissent la protection de la norme la plus
importante de l’Etat. C’est dans ce but que la révision comprend toujours deux ou trois phases
déterminées par la constitution elle-même, et que l’on parle de pouvoir constituant dérivé.
1/ L’initiative du projet ou de la proposition, répond à la décision de déclencher la
procédure de révision. Il s’agit d’une compétence qui appartient normalement aux organes
exécutifs et aux parlementaires. Mais dans certains régimes, elle peut aussi appartenir à une
fraction du peuple (Suisse).
2/ L’approbation du projet de révision est la phase dans laquelle la révision de la
Constitution est approuvée. Ici ce sont les assemblées parlementaires qui interviennent pour
exprimer leur accord. Par exemple, le texte de la révision doit être approuvé par les deux
chambres en termes identiques (les chambres doivent voter très exactement le même texte).
3/ Quant à la ratification de la révision, elle est le fait des assemblées qui siègent en
commun pour se prononcer, soit d’une convention spécialement élue à cet effet. Il peut encore
exister une phase de ratification populaire, soit par le peuple (France), soit dans certains Etats
fédéraux, par les Etats membres (Etats-Unis).
Certaines constitutions peuvent entourer la procédure de révision d’un formalisme excessif
pour alourdir la procédure et empêcher en réalité les modifications de textes : par exemple, la
Constitution de 1791 prévoyait une procédure presque impossible à mettre en œuvre: après 3
législatures qui manifestent la même volonté de réviser, les deux suivantes ne peuvent rien
faire, et enfin les deux autres peuvent dans des formes draconiennes effectuer la révision.
C. 1946 : art. 90 :
- Initiative de la révision : elle se décompose en deux opérations
Ouverture de la révision ou initiative proprement dite
Décision de donner suite à la révision (renouvellement de l’initiative proprement dite)
- Décision de révision (2 opérations)
Elaboration de la révision
Adoption définitive de la révision ou ratification

b- La procédure prévue par la C. 1958 

Il s’agit d’une procédure qui tente de faire intervenir tous les pouvoirs : le pouvoir
gouvernemental, le parlement et le peuple.
L’initiative appartient concurremment à au président de la République sur proposition du 1 er
ministre, et aux membres du Parlement.
Un pouvoir partagé donc.
Le projet ou la proposition de révision est votée « en terme identique » par les deux
assemblées composant le Parlement. Le point est important : les deux assemblées doivent
voter « à la virgule près » le même texte ! Cela pour manifester leur adhésion au même
texte…
L’approbation définitive peut revêtir deux formes différentes :
Approbation par référendum ou convocation du Congrès qui vote le texte à une majorité
qualifiée.
Précisions :
En 1er lieu, avant la réforme de 2008, il était très difficile (impossible pratiquement)
pour les assemblées de se prononcer sur une proposition de révision de la Constitution si le
gouvernement s’y opposait. Désormais, la nouvelle rédaction de l’article 48 C. 58 lui donne
plus de pouvoir : 1 semaine et non plus un seul jour par mois « est réservé à l’ordre du jour
fixé par chaque assemblée.
En 2nd lieu : Le choix du président lors de la 3ème phase ? A la lecture du texte, il
semble que le président ne peut faire ce qu’il souhaite : l’idée serait que le référendum
s’imposerait (« toutefois ») notamment lorsque la procédure de révision est déclenchée par les
membres du Parlement. A l’inverse, la procédure serait presque totalement « parlementaire ».
En revanche, lorsque l’initiative émane du pouvoir exécutif, le président aurait la faculté de
choisir librement entre les deux solutions.
En 3ème lieu : Le président ne disposerait pas d’un droit de veto sur la procédure. Cela
veut dire qu’il serait obligé de mener la procédure jusqu’à son terme après le vote du projet
par les deux chambres du Parlement. Cependant les choses ne sont pas si simples : en
pratique, le président dispose d’un vrai pouvoir de blocage de la procédure de révision. A à
titre d’exemple, en 1973, G. Pompidou ne mène pas lé réforme du mandat présidentiel à son
terme ; en 2000, J. Chirac « dé –convoque » le Congrès à propos des révisions relatives à
l’indépendance de la justice et à la présomption d’innocence, ainsi qu’à la Nouvelle-
Calédonie et à la Polynésie.

2- Exigence de conditions de formes particulières : cette exigence poursuit le même


objectif que la multiplication des phases : Eviter les révisions hâtives, intempestives, et qui ne
recueille par un large accord des intéressés. On peut schématiquement relever une triple
exigence :
Exigence de majorités qualifiées : Ex. Art. 90 al. 2 de la C. 1946 selon lequel
l’initiative de la révision doit être prise par l’Assemblée Nationale à la majorité absolue de ses
membres.
Exigence d’un accord entre les chambres : Ex. Art. 89 al. 2 de la C. 1958 selon
lequel l’élaboration de la révision doit être décidée par l’Assemblée Nationale et le Sénat en
termes identiques.
Exigence du respect de certains délais : Ex. Constitution de 1946 selon
laquelle la décision de donner suite à la révision ne peut intervenir qu’après un délai minimum
de 3 mois.
La révision de 2008 modifie quelque peu la procédure de révision de la C. 58 sur ce
point: elle intègre en effet dans la procédure les conditions de l’article 42 al. 3 C. 48. (lui-
même modifié en ce sens par la révision de 2008). Cet alinéa prévoit que des conditions de
délai soient respectées entre le dépôt, la discussion et le vote du projet : la discussion ne peut
intervenir devant la 1ère assemblée saisie que 6 semaines après son dépôt et elle ne peut
intervenir devant la seconde chambre qu’à l’expiration d’un délai de 4 semaines à compter de
sa transmission.

C- Les limites constitutionnelles au pouvoir de révision:

1/ Il existe des limites relatives aux circonstances politiques:

Par exemple, l’article 89 al. 4 de la Constitution de 1958 interdit toute révision


constitutionnelle liée à des circonstances exceptionnelles (invasion ou occupation du
territoire) : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est
porté atteinte à l’intégrité du territoire ». Une telle disposition a pour but d’empêcher la
répétition des évènements constitutionnels de 1940. Tel est le sens de l’interdiction posée par
l’article 88 al. 4 C. 58? En cas de vacances du président de la République ou d’empêchement
(art. 7. C. 58). Dans le même sens, l’article 16 C. 58 interdit implicitement une révision de la
Constitution.

2/ Les limites relatives aux dispositions constitutionnelles :

La Constitution peut interdire la révision de certaines dispositions constitutionnelles.


1ère technique : définir les situations dans lesquelles la révision est impossible :
Art. 95 C. 1946 et art. 89, dernier alinéa de la Constitution de 1958 interdisent
toute révision qui porterait atteinte à « la forme républicaine du gouvernement », c’est-
à-dire à la nature du régime politique tel que le définit la Constitution. L’idée ici est
d’empêcher la révision de dispositions essentielles de la Constitution, c’est-à-dire des
dispositions qui déterminent la nature du régime (souveraineté nationale, séparation
des pouvoirs) ou qui sont relatives aux valeurs fondamentales de l’Etat de droit
(respect des droits).
2ème technique : définir les dispositions qui ne peuvent faire l’objet d’une révision
constitutionnelle
A l’instar de l’Allemagne, il peut exister des « clauses d’éternité » dans la
Constitution, c’est-à-dire des dispositions que le pouvoir de révision ne peut modifier.
De là, découle avec plus ou moins de pertinence le débat théorique et doctrinal sur la
« supra-constitutionnalité » : On rappellera que le Conseil constitutionnel refuse de contrôler
la constitutionnalité des lois constitutionnelles : Cons. const. n° 2003-469 DC.

EN CONCLUSION :
La procédure de révision ne peut se comprendre qu’au regard de la nature du régime
politique. Les compétences qui incombent aux différents pouvoirs seront plus ou moins
partagées en fonction de celle-ci.
Sous la 3ème République (bicamérisme inégalitaire), seuls les députés avaient
l’initiative de la révision.
De même, il est intéressant de comparer les deux procédures de la Constitution du 27
octobre 1946 et de la Constitution du 4 octobre 1958.
Dans la constitution de la 4ème République, les organes parlementaires détenaient
l’ensemble des compétences (avec une prévision d’intervention facultative du peuple). La
procédure de la révision répondait ici aux deux caractères du parlementarisme pratiqué sous
les 3ème et 4ème Républiques : une prépondérance du Parlement à l’égard du pouvoir exécutif et
un régime ultra-représentatif.
La constitution de la 5ème République quant à elle, reviendra à un équilibre théorique
entre les compétences dévolues au pouvoir exécutif et au Parlement. La procédure de révision
se caractérisera alors par une volonté de redonner au pouvoir exécutif une compétence
effective dans ce domaine, et rétablir le pouvoir du peuple en le faisant participer de manière
plus automatique dans la phase de ratification.
La procédure de la révision de la Constitution est souvent utilisée depuis 1958. Les
différentes révisions en constituent un exemple patent : Cf. site du Conseil constitutionnel.
Loi constitutionnelle n° 60-525 du 4 juin 1960 - [États de la communauté]
Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 - [Élection du Président de la République au suffrage
universel]
Loi constitutionnelle n° 63-1327 du 30 décembre 1963 - [Session parlementaire]
Loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974 - [Possibilité pour 60 députés ou 60
sénateurs de déférer une loi au Conseil constitutionnel]
Loi constitutionnelle n° 76-527 du 18 juin 1976 - [Intérim de la Présidence de la République]
Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 - [Dispositions permettant de ratifier le traité
de Maastricht (Union économique et monétaire, vote des ressortissants européens aux
élections municipales, politique commune des visas); langue française, lois organiques
relatives aux TOM, résolutions parlementaires sur les actes communautaires]
Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 - [Cour de justice de la République]
Loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25 novembre 1993 - [Droit d'asile]
Loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 - [Session parlementaire unique (du premier
jour ouvrable d'octobre au dernier jour ouvrable de juin), aménagement des "immunités"
parlementaires et élargissement des possibilités de recours au référendum]
Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 - [Loi de financement de la sécurité
sociale]
Loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 - [Avenir de la Nouvelle-Calédonie]
Loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999 - [Traité d'Amsterdam]
Loi constitutionnelle n° 99-568 du 8 juillet 1999 - [Cour Pénale Internationale]
Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 - [Égalité entre les femmes et les hommes]
Loi constitutionnelle n° 2000-964 du 2 octobre 2000 - [Durée du mandat du Président de la
République]
Loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 - [Mandat d'arrêt européen]
Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 - [Organisation décentralisée de la
République]
Loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 - [Traité établissant une Constitution pour
l'Europe]
Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 - [Charte de l'environnement]
Loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23 février 2007 - [Corps électoral de la Nouvelle-
Calédonie]
Loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 - [Responsabilité du Président de la
République]
Loi constitutionnelle n° 2007-239 du 23 février 2007 - [Interdiction de la peine de mort]
Loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution-
[Traité de Lisbonne]
Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la
Ve République - [Modernisation des institutions de la Vème République, dont QPC]
CHAPITRE 3
LA SUPREMATIE DE LA CONSTITUTION

Selon une définition classique, la Constitution est la règle suprême de l’ordre juridique
interne.

1- Signification du principe de la suprématie de la Constitution

La suprématie de la Constitution :
La norme la plus importante par sa qualité. Cette importance se manifeste par
la nature des principes qu’elle est sensée contenir.
La norme respectée par toutes autres normes existantes. Ce respect émane
essentiellement d’un mécanisme juridictionnel visant à assurer la conformité de
toutes les normes produites au sein de l’Etat pour pouvoir produire à leur tour leurs
effets juridiques.

Dès lors, il apparaît que la suprématie de la Constitution se réalisera lorsque deux


conditions sont réunies :
L’émergence d’un patrimoine de dispositions juridiques clairement identifié,
relatifs aux principes fondamentaux du régime politique et de l’organisation
juridique de l’Etat. C’est ce que l’on qualifie dans le droit constitutionnel positif
contemporain de « principe de constitutionnalité » ou « bloc de constitutionnalité ».
L’affirmation d’un mécanisme de contrôle politique et/ou juridictionnel de
contrôle de constitutionnalité dont l’objet essentiel sera de garantir le respect de ce
principe de constitutionnalité par toutes les normes considérées comme inférieures à
la Constitution au sein l’ordre juridique de l’Etat.

Parce que la réunion de ces deux conditions a été difficile à réaliser, la suprématie de
la Constitution est relativement récente en France. Classiquement on repère ce
phénomène depuis la mise en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958. En
instaurant un contrôle de constitutionnalité enfin efficace, elle a donné la possibilité à
l’organe chargé de ce contrôle (le Conseil constitutionnel) de définir un patrimoine
juridique constitutionnel désormais respecté par les normes produites par l’ensemble
des pouvoirs constitués de l’Etat.

Pourtant, l’idée qu’il existe des dispositions supérieures à toutes les autres est
ancienne.
Sous l’ANTIQUITE : Les philosophes grecs distinguaient déjà deux grandes
catégories de lois. Aristote soulignait qu’il existe des lois spécifiques, supérieures à
toutes les autres parce qu’elles posent les principes constituants de l’Etat.
De même, les romains retiendront cette idée : Cicéron distingue les « Civitatis status »,
lois constitutionnelles, et les « tempore leges », lois ordinaires relatives à la conduite
des affaires de l’Etat. Il souligne que le bon gouvernement est celui qui prend « des
textes législatifs en rapport avec la Constitution » (Les lois, L. III, ch. 2).

Au MOYEN-AGE : L’idée selon laquelle les institutions doivent être réglées par un
texte spécifique relatif à l’organisation du pouvoir en leur sein sera reprise par les
clerc du Moyen – Age.
Saint Thomas d’Aquin, les scolastiques, G. d’Ockham, Marsile de Padoue, seront de
différentes façons à l’origine d’une réflexion sur l’origine contractuelle du pouvoir.
Toutes organisations sociales, religieuses et donc politiques nécessitent un accord
entre les gouvernants et la communauté qu’ils sont sensés gouvernés.
Les clercs du Moyen-âge, mettront l’accent sur l’idée d’une puissance du peuple, et
d’un contrat politique entre les gouvernants et les gouvernés. Cette idée sera évoquée
au Concile de Bâle de 1431.
L’Eglise d’ailleurs fut la première institution a définir des textes d’organisation du
pouvoir en son sein : Carta curitatis de l’ordre de Citeaux dès la fin du 11 ème siècle :
Léo Moulin « Les cathédrales du droit constitutionnel ».
Mais c’est en Angleterre que va réapparaître l’idée selon laquelle un corps de règles
juridiques insérées dans un texte spécial peut constituer une limitation du pouvoir
royal :
1215 : Charte de Jean sans Terre
1649 : Convention du peuple libre d’Angleterre
1688 : Bill of Rights.

Mais c’est au 18ème siècle que seront les consacrées les premières grandes
constitutions modernes : Aux Etats-Unis d’abord et en France ensuite : art. 16
Décl°1789.

De même l’idée d’un contrôle des lois par rapport à la Constitution devait
naturellement suivre cette première distinction. D’ailleurs déjà sous la Monarchie,
l’idée que les actes royaux devaient être conformes aux grandes maximes du droit
public de la nation sera développé par différents auteurs (Burlamaqui). A ce titre, le
Parlement de Paris revendiquera une compétence de contrôle des lois royales par
rapport à ceux-ci. Différents auteurs argumenteront dans le sens de cette idée
(Boulainvilliers). L’idée d’un contrôle sera ensuite reprise à la Révolution par Sieyès,
sans succès.

2- Théorisation du principe de la suprématie de la Constitution

Cette situation de suprématie implique que la Constitution se situe au sommet


de l’ordre juridique de l’Etat. Très logiquement, ce principe signifie que toutes les
autres règles de droit sont inférieures et subordonnées à la Constitution. Par voie de
conséquence, l’ordre juridique interne (l’ensemble des règles juridiques) est organisé
hiérarchiquement et peut être figuré par une pyramide.

C’est ce que l’on appelle « la pyramide des normes » depuis Kelsen. La Constitution,
unique par définition, occupe le sommet de cette pyramide et les autres règles, de
plus en plus nombreuses au fur et à mesure que l’on descend dans la pyramide des
normes, occupent selon leur rang hiérarchique, les différents étages de cette
pyramide.
Concrètement et aujourd’hui en France, au-dessous de la Constitution se trouveront
placées
Les lois organiques
Les loirs ordinaires
Les ordonnances
Les décrets
Les arrêtés ministériels…

D’un point de vue juridique que veut dire cette subordination des normes juridiques
par rapport à la Constitution ?
Cela veut dire que pour être valides, c’est à dire produire des effets de droits dans
l’ordre juridique, il est nécessaire que les normes juridiques inférieures à la
constitution soient conformes aux dispositions contenues dans celle-ci.

Cette conformité est de deux ordres.

Une conformité formelle d’abord : En premier lieu, les règles de droits inférieures à
la Constitution, par exemple la loi, doivent être votés par l’organe compétent
déterminé par la Constitution en respectant l’ensemble de la procédure fixée par la
Constitution.
Une conformité matérielle ensuite : Les lois, devront être conformes à la
Constitution quant au fond, c’est à dire, ne pas contenir de dispositions contraires
aux principes contenus dans la Constitution.

En fin de compte, la Constitution est l’étalon de valeur juridique suprême dans la


mesure où c’est elle qui fixe les premières conditions de la légalité dans l’ordre
juridique.

Au regard de ce principe, il apparaît logique que soit institué un mécanisme


juridique de surveillance garantissant la conformité des normes infra-
constitutionnelles à la Constitution. Ainsi, la suprématie juridique ne sera pas qu’une
affirmation théorique. Ce mécanisme s’appelle la technique du contrôle de
constitutionnalité. C’est ce contrôle qui donne une effectivité à la suprématie de la
Constitution.

Il s’agit donc d’étudier cette question difficile en 2 points.


Les formes du contrôle de constitutionnalité des lois (section 1).
Les mécanismes du contrôle de constitutionnalité des lois (section 2).
Section 1 : Les formes du contrôle de constitutionnalité des lois

Deux formes sont à distinguer :


Le contrôle de constitutionnalité confié à un organe politique (§1)
Le contrôle de constitutionnalité confié à un organe juridictionnel (§2).

§1  : Le contrôle par un organe politique

La nature politique de l’organe peut être facilement décelée si l’on analyse le mode
de recrutement de cet organe. Les membres d’un organe politique sont en effet
directement désignés par des autorités politiques, c’est-à-dire soit par le pouvoir
exécutif, soit par le pouvoir législatif. CARACTERE DISCRETIONNAIRE DE LA
NOMINATION.
Mais alors quelles sont les caractéristiques générales de ce type de contrôle ? Ces
caractéristiques sont surtout des inconvénients car le contrôle par un organe
politique fait généralement l’objet de nombreuses critiques (A) conforté par les
expériences (B).

A- Les critiques relatives au contrôle de constitutionnalité effectué par un


organe politique

3 critiques majeures peuvent généralement être avancées.

La critique majeure porte sur l’indépendance, souvent douteuse, de l’organe


de contrôle lui-même. Si cet organe est en effet nommé par l’exécutif, il est dépendant
de lui et peut alors apparaître comme une arme contre le législatif. Inversement si
l’organe est nommé par le législatif, on assiste à la situation curieuse selon laquelle le
contrôleur est dépendant du contrôle, ce qui risque de rendre le contrôle très
largement formel.

La deuxième critique est liée à la précédente et porte sur le fait que les
membres de l’organe de contrôle ne sont généralement pas dotés d’un statut
protecteur, comme celui des magistrats, et que des lors, ils sont à la merci des
pressions du pouvoir politique et n’offrent aucune garantie d’indépendance et
d’impartialité.

La troisième critique enfin porte sur le bien-fondé d’un tel contrôle et sur le
fait que son existence même est une source de conflits. Ce dernier problème mérite
alors que l’on si arrête un instant.
Contrôler la constitutionnalité des lois, c’est forcément exercer un contrôle sur
l’organe qui élabore ces lois, c’est-à-dire sur le Parlement. Mais là se situe la difficulté
quasiment insoluble en régime démocratique. En démocratie en effet, le Parlement
incarne par excellence la légitimité démocratique dès lors qu’il émane du suffrage
universel. Comment alors contrôler une telle légitimité dès lors que le contrôleur ne
la possède pas lui-même ? Le conflit apparaît donc comme certain entre d’une part le
Parlement et sa légitimité indiscutable, et d’autre part, l’organe de contrôle privé
d’une telle légitimité démocratique.

Si tel est le problème quelles sont les solutions ?


La seule solution logique est une solution absurde. Elle consiste à créer un organe
politique de contrôle aussi légitime que le Parlement contrôlé ! Cela consiste en fait à
créer un second Parlement pour contrôler le premier…

B- Les expériences pratiques :

Le « Jury Constitutionnaire  » de Sieyès. L’abbé Sieyès proposera le premier


mécanisme de contrôle de constitutionnalité des lois en 1795. Après les écueils de la
Terreur de 1793, l’idée de limiter le pouvoir législatif par un mécanisme de contrôle
de constitutionnalité se développa. Sieyès proposait ici de constituer un organe
constitutionnel composé de représentants politiques issues des assemblées. Celui-ci
aurait pour mission de s’assurer de la conformité des textes de loi à la Constitution.
Un tel projet ne sera jamais mis en œuvre ! En effet, il paraissait impossible de limiter
la loi par quelques organes que ce soit dans la mesure ou aucuns ne pourraient avoir
une plus grande légitimité démocratique que les assemblées parlementaires
dépositaires de la souveraineté de la nation. Par voie de conséquence, la loi ne
pouvait pas être limitée, par aucunes normes, fussent-elles constitutionnelles dans la
mesure ou aucunes, dans l’ordre juridique, ne bénéficient d’une légitimité
démocratique plus grande que la norme législative. Cette idée est très importante :
elle est à l’origine d’un principe en France : le dogme de la loi expression de la
volonté générale. Suivant le raisonnement de J.J. Rousseau, la loi constitue une
norme suprême et inconditionnée dans la mesure où elle exprime le vœu du peuple
souverain. Cette idée est une première raison qui explique pourquoi en France, le
mécanisme du contrôle de constitutionnalité des lois sera mis en place de manière si
tardive (en 1958). Elle est la raison, avec la culture révolutionnaire de méfiance à
l’égard du pouvoir judiciaire, pour laquelle pendant longtemps, il était impossible
d’affirmer que la Constitution était la norme juridique suprême de l’Etat.

Les sénats impériaux des 1er et 2nd Empires (1799-1852) : Sous les Empires, une
chambre parlementaire avait vocation à contrôler la constitutionnalité des lois. Il
s’agissait du Sénat. Mais il s’agissait d’un organe politique : par exemple les articles
20 et suiv. de la Constitution du 14 janvier 1852 relatif au sénat. Le texte prévoit deux
catégories de sénateurs : les dignitaires (cardinaux ; maréchaux ; et amiraux). Ce sont
des membres de droit. A côté d’eux, existent aussi des membres nommés par le
président de la République : « Les citoyens que le président de la république juge
convenable d’élever à la dignité de sénateur ».
On le voit, le sénat est un organe très dépendant du pouvoir exécutif. De plus, pour
confirmer ce constat, le président du Sénat et le vice-président sont nommés
directement par le président de la République. C’est lui encore qui fixe la durée des
sessions.
L’expérience des sénats impériaux a plutôt discrédité le mécanisme du contrôle de
constitutionnalité en France. Ils symboliseront pendant longtemps l’idée que le
contrôle de constitutionnalité des lois, loin d’être un instrument de protection de la
liberté et de la démocratie, n’était au contraire qu’un instrument au service du
pouvoir exécutif, un instrument docile entre les mains du chef de l’Etat servant à
renforcer son propre pouvoir au détriment d’un pouvoir législatif par ailleurs
largement infériorisé.

Le Comité constitutionnel de la 4ème République : La Constitution de 1946,


prévoyait l’existence d’un organe politique chargé d’effectuer le contrôle de
constitutionnalité des lois. C’est l’art. 91 de la Constitution qui le prévoit. Ce comité
constitutionnel se compose de 7 membres élus par l’Assemblée nationale et de 3
membres élus par le Conseil de la République (ancien Sénat, la deuxième chambre
sous la 4ème république). Solution surprenante qui mène à ce résultat : c’est le contrôlé
qui nomme le contrôleur.
Cette situation était le produit d’un compromis politique entre les constituant de
gauche qui défendait le principe de la souveraineté de la loi et donc par voie de
conséquence l’absence de contrôle de constitutionnalité, et les représentants
centristes, d’obédience politique libérale, qui quant à eux défendait le principe de
l’encadrement législatif et donc de l’instauration d’un contrôle de constitutionnalité.  
En pratique ce comité n’a d’ailleurs jamais fonctionné.

En conclusion : on peut dire que le contrôle de constitutionnalité effectué par


un organe politique n’a jamais rencontré un réel succès avant 1958. En pratique, il
n’aura jamais été qu’un instrument au service d’un alibi politique. Dans les régimes
marqués par l’autoritarisme comme ce fut le cas sous l’Empire, il est souvent au
service du pouvoir exécutif et a pour rôle de surveiller le Parlement. Dans les
régimes parlementaires, marqués par le principe de la souveraineté de la loi, il était
toujours organisé de sorte à ne pas réellement endiguer la compétence du législateur.

C’est pour cette raison qu’il est préférable de se tourner vers les expériences de
contrôle de constitutionnalité effectuées par un organe juridictionnel pour voir ce
mécanisme juridique s’affirmer réellement.

§2  : Le contrôle par un organe juridictionnel

Ce contrôle se définit par opposition au précédent comme le contrôle exercé par une
ou plusieurs juridictions, et non plus par une organe politique.
D’une manière générale, la doctrine classique oppose contrôle politique et contrôle
juridictionnel pour mieux souligner les AVANTAGES de ce dernier :

Le premier de ces avantages est celui de la qualification : par définition, les


juridictions se composent de juristes, c’est-à-dire de professionnels du droit, qui
seraient mieux à même de trancher les problèmes de constitutionnalité. D’un point
de vue théorique en effet, le problème apparaît comme étant essentiellement
juridique puisqu’il s’agit d’un conflit entre deux règles juridiques de valeur inégale.
Le contrôle consiste dès lors à constater qu’une règle juridique inférieure (la loi) a été
prise en violation de la Constitution (règle juridique suprême) et par conséquent se
trouve dépourvu de valeur juridique. Selon la doctrine classique, un tel contrôle de la
constitutionnalité des lois relèverait, par nature, d’un organe juridictionnel.

Toujours selon la doctrine classique, il existerait un deuxième avantage,


directement lié au précédent, celui de l’indépendance et de l’impartialité. Les
magistrats, en effet, sont généralement dotés d’un statut dont le but est d’assurer leur
indépendance vis à vis du pouvoir politique en place, statut protecteur qui leur
permettrait de rendre leurs décisions en toute impartialité.
Cette affirmation est vérifiée tout particulièrement pour les pays anglo-saxons et le
meilleur exemple que l’on puisse fournir est celui de la Cour suprême des Etats-
Unis :
La CSEU, comme son nom l’indique, est la juridiction suprême des Etats-Unis, c’est-
à-dire qu’elle occupe le sommet de la hiérarchie des juridictions américaines. Elle est
composée de 9 membres dont l’un fait office de président de la cour. Ces membres
sont surtout dotés d’un statut très protecteur. Ils disposent aussi d’un traitement très
élevé qui ne peut être diminué, pour éviter les corruptions et les influences, et donc
affirmer leur pleine indépendance.
Mais de plus, pour assurer impartialité et objectivité, la nomination de ces juges se
fait tenant compte d’une sorte de pondération entre les opinions politiques, les
croyances religieuses, les origines raciales et géographiques.

Ce contrôle exercé par un organe juridictionnel est cependant susceptible de revêtir


deux formes principales :

La justice constitutionnelle (A)


La juridiction constitutionnelle (B)

A- LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE

Dans cette hypothèse, le contrôle est d’abord exercé par tous les tribunaux du pays
concerné, par ce que l’on appelle les tribunaux ordinaires ou encore tribunaux de
droit commun. C’est pour cette raison qu’on appelle ce système de contrôle de
constitutionnalité, système de contrôle de constitutionnalité DECENTRALISE.

Le meilleur exemple ici est alors celui des EU d’Amérique. Dans ce pays en
effet, aucun contrôle de la constitutionnalité matériel des lois n’était prévu par la
Constitution. Il est apparu d’une façon en quelque sorte spontanée grâce à la
hardiesse de la jurisprudence de la cour suprême.
A partir de 1803, en effet, et avec la décision de principe « Marbury v/ Madison », la
CSEU se reconnaît, d’elle-même, le droit d’apprécier la constitutionnalité des lois et
contrôler leur conformité aux droits contenus dans les 10 premiers Amendements à
la Constitution de 1787. A partir de cette jurisprudence fondatrice pour le contrôle de
constitutionnalité des lois aux Etats-Unis, toutes les juridictions américaines fédérales
et fédérées vont se reconnaître la compétence d’exercer un contrôle de
constitutionnalité des lois applicables aux litiges soulevés dans le ressort de leur
juridiction. C’est cependant le jugement de la Cour suprême des Etats-Unis,
juridiction suprême, qui est seul décisif et qui oblige le législateur américain à
s’incliner et à modifier la loi contraire à la Constitution.

La République dominicaine, le Mexique, l’Argentine, et le Brésil subissant une inspiration américaine,


adoptent le système du contrôle de constitutionnalité des lois et des actes publics par n’importe quel
juge.

En France, un tel système n’a jamais rencontré de succès. Cela s’explique par
des raisons historiques et politiques : la méfiance à l’égard des juges et des tribunaux.
Il s’agit là d’une méfiance très ancienne qui remonte à l’Ancien Régime. Les
« Parlements », compétents pour enregistrer les ordonnances royales (actes législatifs
émis par le roi), s’étaient au fil du temps (milieu du 18 ème siècle) arrogé un vrai rôle
de contre-pouvoir monarchique. Les Parlements revendiquaient entre autre une
déposition du pouvoir de la nation qui devait nécessairement se combiner avec la
légitimité royale. Le conflit fut extrêmement virulent et il est d’ailleurs l’une des
causes essentielles de la révolution française de 1789. Les révolutionnaires
n’oublieront pas une telle attitude.
Mais une évolution notable très récente tente de combattre enfin cette méfiance
culturelle : la Question prioritaire de constitutionnalité établie par la loi
constitutionnelle du 23 juillet 2008

B- LA JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE

Cette deuxième hypothèse se distingue nettement de la précédente en ce qui


concerne l’organe de contrôle. La solution consiste ici à confier le contrôle à une
juridiction unique plus ou moins spécialisée dans cette tâche. C’est pour cette raison
qu’on appelle ce système de contrôle un système CENTRALISE de contrôle de
constitutionnalité des lois.

Dans certains pays (Suisse) on utilise une juridiction déjà existante. Ainsi, en Suisse,
pour des raisons de prestige et d’autorité, on confiera le contrôle des lois au Tribunal
fédéral, c’est-à-dire au Tribunal suprême de l’ordre judiciaire.

Dans d’autres pays par contre, on adopte une solution plus parfaite, le système de la
Cour Constitutionnelle. Dans cette hypothèse, la solution consiste à se dégager des
juridictions existantes et à créer une juridiction nouvelle, une juridiction spéciale
dont le rôle est précisément de contrôler la constitutionnalité des lois.
Cette solution qui est apparue au cours d’une période relativement récente est
certainement la plus satisfaisante d’un point de vue technique.

Les exemples de Cours constitutionnelles : Cour constitutionnelle italienne, Tribunal


constitutionnel allemand, Tribunal constitutionnel espagnol…

Section 2 : Les mécanismes de contrôle de constitutionnalité des lois


Pour analyser les mécanismes de contrôle de constitutionnalité des lois, il convient
de définir deux séries de notions.

Le contrôle a priori et le contrôle a posteriori (§1)


Le contrôle par voie d’action et le contrôle par voie d’exception (§2)

§1 : Le moment du contrôle : le contrôle a priori et le contrôle a posteriori

Ces deux notions sont déterminées à partir d’un critère temporel. Elles permettent
d’identifier le MOMENT où joue le contrôle de constitutionnalité des lois.

A- Le contrôle a priori

On appelle contrôle de constitutionnalité a priori le contrôle de constitutionnalité de


lois avant que celles-ci n’entrent en vigueur et ne produisent des effets juridiques.
Ici le contrôle de constitutionnalité des lois s’effectue pendant la phase de
préparation de la loi, c’est-à-dire entre le moment ou le Parlement vote le texte, et le
moment où le président de la République ne la promulgue.

Un tel type de contrôle présente des avantages certains :


Il permet de vider le texte de loi de ses dispositions non conformes à la
Constitution, avant qu’elles ne produisent leurs effets dans l’ordre juridique.
Dès lors, ce contrôle a le mérite de la clarté et de la certitude dans la mesure où
l’on sait que les textes de lois qui entrent en vigueur sont totalement conformes à la
Constitution.

Mais un tel type de contrôle présente aussi des inconvénients :


Le problème est que le contrôle de constitutionnalité des lois reste à ce niveau
largement théorique. En effet, parfois des dispositions qui sont conformes à la
Constitution peuvent produire des effets juridiques non - conformes à la
Constitution.
De plus, ce contrôle s’effectue dans un laps de temps très court après que
Parlement ait voté le texte. Or des textes peuvent faire l’objet de débats passionnés
dans la société et au sein de la représentation politique. Le juge constitutionnel doit
alors contrôler le texte dans un climat social et politique peu serein, ce qui peut
influer son jugement : exemples de textes sensibles : avortement, peine de mort,
sécurité, immigration…

B- Le contrôle a posteriori

On appelle contrôle de constitutionnalité a posteriori le contrôle de constitutionnalité


des lois après que celles-ci soient entrées en vigueur et pendant qu’elles produisent
des effets juridiques.
Ici le contrôle de constitutionnalité des lois s’effectue pendant la phase d’application
de la loi, c’est-à-dire, après que le Président de la République ne la promulgue.

Ce type de contrôle présente lui aussi des avantages :


Le contrôle de constitutionnalité s’effectue au moment où le texte législatif
produit des effets juridiques. On peut alors apprécier ses potentialités
inconstitutionnelles au moment où il s’applique et les annuler de l’ordre juridique.
Le contrôle s’effectue souvent bien après que le texte ait provoqué un débat
dans la société. Dès lors, c’est en toute sérénité que le juge de la constitutionnalité
pourra effecteur son contrôle. Le contrôle donc gagne en objectivité politique et
juridique de façon certaine.

Ce type de contrôle présente aussi des inconvénients :


Dans la mesure où le contrôle de constitutionnalité s’effectue pendant que le
texte produit ses effets juridiques, il peut toujours planer sur certaine suspicion quant
à sa constitutionnalité. Ce contrôle présente alors l’inconvénient de générer de
l’incertitude sur la légitimité du texte de loi car il est toujours sous la menace
potentielle d’une censure par le juge de la constitutionnalité des lois.

§2 : L’objet du contrôle : le contrôle par voie d’action et le contrôle par voie
d’exception

Ces deux notions sont déterminées à partir d’un critère matériel. Elles permettent
d’identifier L’OBJET du contrôle de constitutionnalité des lois.

A- Le contrôle par voie d’action

1- Définition :

L’objet du contrôle de constitutionnalité par voie d’action est d’ANNULER le texte


législatif ou quelques-unes des dispositions qu’il contient qui seraient non conformes
à la Constitution.

Il s’agit d’une technique directe n’impliquant pas de procès préalable. Il s’agit d’un
procès fait à la loi car le contrôle par voie d’action est une technique visant à
comparer directement la loi à la constitution et à obtenir purement et simplement son
annulation dans le cas où elle serait non conforme à la Constitution.
Le mécanisme du contrôle par voie d’action à l’avantage de la simplicité et de
l’efficacité. En effet il permet de lever toute ambiguïté en faisant disparaître la loi
viciée de l’ordre juridique.
Concrètement, le mécanisme se déroule de la manière suivante : les individus ou les
autorités concernés peuvent saisir directement la juridiction constitutionnelle et lui
demander de se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi. Si la loi est contraire à
la Constitution, la juridiction constitutionnelle prononcera une décision d’annulation.
La loi inconstitutionnelle disparaîtra alors de l’ordre juridique et la décision rendue
s’imposera à tous.
On dira qu’elle a la valeur absolue de la chose jugée.

En résumé, on peut donc dire que le mécanisme de la voie d’action consiste à faire
un véritable procès en constitutionnalité à la loi en vue d’obtenir son annulation,
c’est-à-dire sa disparition pure et simple de l’ordre juridique.

Eu égard à la force de ce contrôle, annuler une loi, c’est-à-dire l’acte qui bénéficie de
la plus grande légitimité démocratique, le système est ici restrictif. Pour éviter que la
constitutionnalité des lois ne soient systématiquement mis en cause, les constituants
limitent généralement le droit de saisir la juridiction constitutionnelle à certaines
autorités (politiques et/ou juridictionnelles). On dit ici que la saisine est fermée.

2- Application :

2 applications possibles de ce contrôle :

Contrôle par voie d’action et a priori :

► Historiquement, le 1er pays à avoir instauré ce contrôle est la Colombie au


19ème
siècle. Ce contrôle ici se comprend par rapport au droit de veto législatif
présidentiel (droit du président de neutraliser une loi). Pour atténuer le caractère
choquant de cette technique, un contrôle de constitutionnalité par voie d’action et a
priori a été instaurée afin d’obliger le président de demander un avis à la Cour sur la
constitutionnalité de la loi venant d’être votée : (lien contrôle de constitutionnalité –
séparation des pouvoirs).

► Aujourd’hui en Europe :
Autriche (litiges fédératifs)
Espagne
Italie (litiges régionaux)

► C’est le système français mis en place par la C. 58 : Jusqu’à la révision


constitutionnelle du 23 juillet 2008, c’était le mode exclusif de contrôle de
constitutionnalité des lois. Un contrôle a priori et par voie d’action.
Résistance du dogme de la loi « expression de la volonté générale »
Méfiance à l’égard des juges : d’où un contrôle concentré et fermé

Il est toujours en vigueur :

Article 61 C. 58. :
Les lois organiques, avant leur promulgation, les propositions de loi
mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum, et les
règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent
être soumis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la
Constitution.
Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel,
avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le
président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat ou soixante députés ou
soixante sénateurs.
Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le Conseil constitutionnel
doit statuer dans le délai d'un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y
a urgence, ce délai est ramené à huit jours.
Dans ces mêmes cas, la saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai de
promulgation.

Article 62.
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne
peut être promulguée ni mise en application.
Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours.
Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et
juridictionnelles.

D’une manière générale, il convient de dire qu’il existe un lien entre le système de la
juridiction constitutionnelle, le contrôle a priori et le contrôle par voie d’action. Il
s’agit d’un lien logique. Le principe est simple : avant que la loi n’entre en vigueur,
différentes autorités politiques pourront saisir la juridiction constitutionnelle afin que
celle-ci contrôle la conformité du texte à la Constitution. Dans le cas contraire, le texte
n’entre pas en vigueur. Deux solutions apparaissent donc : soit les parlementaires
reprennent le travail législatif en tenant compte de la décision constitutionnelle, soit
les parlementaires l’abandonnent.
Mais c’est un système qui peut fonctionner aussi a posteriori :

Le contrôle par voie d’action a posteriori :

Il s’agit toujours ici d’un contrôle abstrait : confrontation de la loi à la Constitution


aux fins d’annulation.
Mais ici, ce contrôle intervient après la promulgation de la loi.
En fonction des situations, l’organisation de ce contrôle peut différée :

◊ Dans l’histoire :
► Autriche : C. 1920 : 2 innovations : Une juridiction spécialisée dans le
contrôle de constitutionnalité : cette Cour avait une double compétence
Recours pour inconstitutionnalité contre les décisions administratives
Contestation du droit fédéré par le droit fédéral et réciproquement.
► Espagne C. 1931 : Tribunal constitutionnel ayant 3 compétences :
Constitutionnalité d’une loi présentée par un tribunal ayant des doutes sur la
régularité de celle-ci. Ici le contrôle de la constitutionnalité remonte du juge du fond
vers un juge constitutionnel spécialement compétent :
Recours en contestation de l’inconstitutionnalité d’une loi (primitivement une
action populaire)
Recours ouvert aux individus qui se plaignent d’une atteinte portée à l’un de
leurs droits reconnus par la Constitution : Amparo inspiré du Mexique
Vénézuéla : Possibilité pour un citoyen de contester directement et in
abstracto, en dehors de tout litige concret l’annulation d’une loi provinciale contraire
à la Constitution. Action populaire pour inconstitutionnalité

► Ex-Tchécoslovaquie : C. 1920 : les juges ordinaires devaient saisir le


tribunal constitutionnel dans le cas où l’application de la loi aboutit à une violation
de la Constitution.

(Roumanie : la Cour de cassation est compétente pour les questions de


constitutionnalité des lois).

◊ Aujourd’hui :
► Allemagne (conformité droit fédéral/droit fédérés)
► Belgique (ouvert aussi à toute personne justifiant d’un intérêt)
► Italie (contestation des normes nationales par les gouvernements
régionaux)
► Espagne (combinaison des systèmes allemand et italien)

B- Le contrôle par voie d’exception

1- Définition :

L’objet du contrôle par voie d’exception est de neutraliser une loi ou une de ses
dispositions qui présenteraient des effets non conformes à la Constitution lors d’un
procès. Ce contrôle implique donc la contestation de la constitutionnalité d’une loi
par des justiciables, leurs conseils, voire les juges du fond eux-mêmes.
Ce mécanisme implique en effet au préalable un procès principal, c’est-à-dire un
litige entre des particuliers, soit un procès pénal. Pour trancher le litige ou pour
réprimer une infraction, le juge devra appliquer des lois. Au cours de ce procès
cependant, un des intéressés peut estimer qu’on veut appliquer à son cas une loi dont
la constitutionnalité est contestable. Dans cette hypothèse, il demandera au juge de
ne pas l’appliquer.

2 solutions :

a- L’exception d’inconstitutionnalité : le juge au fond reste saisi de la question


incidente de constitutionnalité. La question de la constitutionnalité peut selon les
systèmes être soulevée par lui-même, le justiciable ou son conseil
Quelle sera alors l’attitude du juge  ?
Le juge avant de se prononcer sur le procès principal, devra trancher un problème
préalable : avant de trancher le litige entre les particuliers ou avant de donner sa
décision au fond de l’affaire, le juge devra se prononcer sur la constitutionnalité de la
loi contestée. S’il s’avère que la loi est contraire à la Constitution, il déclarera cette loi
inapplicable au procès en question. Le mécanisme de la voie d’exception apparaît
comme une technique indirecte de contrôle puisqu’elle s’exerce à l’occasion d’un
procès. Le juge en effet ne se prononce sur la constitutionnalité d’une loi que dans la
mesure où cela est nécessaire pour apporter une solution au procès pendant. Dès
lors, la loi constitutionnelle n’est pas annulée, elle ne disparaît pas de l’ordre
juridique. Elle ne peut simplement pas s’appliquer au cas d’espèce en question. Elle
demeure par contre obligatoire pour les tiers. On dit que la décision du juge,
prononcée sur la base d’une exception, n’a que l’autorité relative de la chose jugée.

C’est la procédure américaine.


Il s’exerce à tous niveaux et pratiqué par tous les juges… selon des modalités
différentes.
Exception d’inconstitutionnalité oui mais aussi
Demande d’injonction (contestation directe de la constitutionnalité d’une loi à
l’occasion d’un procès né de l’application de la loi)
Jugement déclaratoire
Due process of law: règles du procès
Rule of readonableness:
Clause des contrats
Clause d’égalité

Ce système américain inspirera tous les contrôles de constitutionnalité :

Quant à l’organisation, son modèle diffus inspirera directement la République


dominicaine, Mexique, Argentine, Brésil. Mais subissant aussi l’influence romano-
germaniste, adoptent des systèmes qui possèdent des spécificités aux procédures
mises en œuvre : de la vient la création d’un recours d’Amparo au Mexique.
Procédure qui s’inspire de l’habeas corpus et qui permet à tout particulier d’obtenir
d’une Cour fédérale la protection d’un droit constitutionnel contre un acte
administratif ou juridictionnel, l’application de la loi applicable pouvant être écartée.

Inspiration américaine indirecte :


Des systèmes mixtes ici :
Vénézuéla : possibilité pour le juge du fond de ne pas appliquer la loi
inconstitutionnelle
Colombie : contrôle diffus par tous les juges
Action populaire pour inconstitutionnalité

En Europe aussi, le système américain aura des influences :


Au 19ème siècle la réception du système américain directe ou indirecte :
Réception directe : Grèce, Norvège
Portugal : C.1911 autorise les juges à contrôler la constitutionnalité des lois à
l’occasion d’un litige concret.
Réception indirecte encore en Autriche : L’ancien Tribunal d’Empire compétent
pour statuer sur les recours des individus contre les actes administratifs qui portent
atteinte à un droit fondamental. Pour la 1ère fois en Europe, un texte constitutionnel
est directement applicable à des procès engagés par des particuliers, même si le
contrôle de la loi échappait ici au juge (influence de la demande d’injonction
américaine).
Suisse : importation systématique du modèle américain, mais transformation
ensuite : recours de droit public : innovation majeure en Europe. Un recours de tous
actes juridictionnels, administratifs ou législatif cantonal ou un acte de
l’administration fédérale, devant un tribunal fédéral après épuisement des voies de
recours cantonales. Un recours direct qui ressemble à l’action en injonction
américaine. Importation ensuite du contrôle incident des lois (naissance du contrôle
préjudiciel). Mais ce contrôle ne peut se faire à l’égard des lois fédérales cas la C. 1874
l’interdisait.
Allemagne : La Constitution de Weimar de 1919 confia à une Cour d’Etat le soin de
trancher les litiges entre les pouvoirs publics et de laisser les juges ordinaires se
reconnaître le droit de ne pas appliquer au procès une loi qu’ils considéraient comme
inconstitutionnelle.
En Europe ce système s’est déployé dans les pays européens influencés par le droit
anglo-saxon : mais effectivité faible du contrôle de constitutionnalité.
Suède (palliatif à la justice retenue : possibilité pour tous de contester la
légalité et la constitutionnalité d’une décision prise par le gouvernement ou le
gouvernement devant la juridiction administrative suprême)
Finlande (légicentrisme)
Benelux (légicentrisme)
Danemark : (du légicentrisme au constitutionnalisme. Mais un contrôle de
constitutionnalité très théorique car aucune loi n’est concrètement censurée par une
juridiction)
Islande : (implantation réussie du contrôle de constitutionnalité)
Norvège : (du légicentrisme au constitutionnalisme ; implantation réussie du
contrôle de constitutionnalité. A partir de 1866, les juridictions ordinaires effectuent
un contrôle incident de la constitutionnalité des lois.)
Grèce (pour des raisons de cohérence, création d’une Cour spéciale supérieure
par C. 1975 : annulation erga omnes)
En Asie : Japon/ Corée du Sud

b- La question préjudicielle : le juge du fond est dessaisi de la question


incidente de constitutionnalité : L’exception ne suit pas l’action..
Quelle sera l’attitude du juge ?
Confronté à la question de la constitutionnalité de la loi applicable, le juge du fond
sursoie à statuer et renvoi la question de l’interprétation de la loi à la Constitution à
une juridiction spéciale : une Cour suprême. Elle seule est compétente pour trancher
la question préjudicielle de constitutionnalité de la loi.
C’est en réalité le système européen qui aboutit généralement à une annulation de la
loi : effet erga omnes.
C’est la largement mise en œuvre dans les Etats démocratiques européens
aujourd’hui : (influence de Kelsen)

Ce type de contrôle de constitutionnalité peut être actionné par les justiciables, à tous
les citoyens en prise avec un contentieux dont la résolution nécessite l’application
d’une loi qu’ils considèrent non conforme à la Constitution. C’est pour cette raison
que l’on dit que la saisine est ouverte.
C’est un système largement usité en Europe :
L’exception ne suit pas l’action. Donc la question de la constitutionnalité est renvoyée
par le juge constitutionnel : question préjudicielle obligeant le juge du fond à surseoir
à statuer.
Par les parties1 : Italie
Belgique (compétence du juge de renvoi liée à la demande d’une
partie
Juge du fond ou juridiction supérieure :
Autriche (le droit de saisine n’appartient pas seulement aux
juridictions supérieures et aux Cours d’appel mais aussi à la Cour constitutionnelle
elle-même).
Espagne
Allemagne (juge du fond)

C- La révision de 2008 et le contrôle de constitutionnalité

1- présentation générale des nouvelles dispositions


C’est ici que s’inscrit la grande innovation du contrôle de constitutionnalité
en France avec la révision de 2008 : nouvel art. 61-1 C. 58

Article 61-1. [Entrée en vigueur dans les conditions fixées par les lois et lois organiques
nécessaires à leur application (article 46-I de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet
2008)] Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu
qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit,
le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de
la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article.

Article 62.

Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne peut


être promulguée ni mise en application.

Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est


abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou
d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine
les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont
susceptibles d'être remis en cause.

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles


s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et
juridictionnelles.

1
Recours par très nombreux.

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