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ISSN 1662 – 4599 Août 2009

Horizons et débats
Horizons et débats
9e année
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Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité


pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
Edition française du journal Zeit-Fragen

Lettre encyclique «Caritas in Veritate»


du souverain pontife rel, politique, économique, c’est-à-dire dans vide susceptible d’être arbitrairement remplie. coexistence sociale, mais n’ayant qu’une inci-
Benoît XVI les contextes les plus exposés à ce danger, il C’est le risque mortifère qu’affronte l’amour dence marginale. Compris ainsi, Dieu n’aurait
aux evêques n’est pas rare qu’elle soit déclarée incapable dans une culture sans vérité. Il est la proie des plus une place propre et authentique dans le
aux prêtres et d’interpréter et d’orienter les responsabilités émotions et de l’opinion contingente des êtres monde. Sans la vérité, la charité est reléguée
aux diacres morales. De là, découle la nécessité de con- humains; il devient un terme galvaudé et dé- dans un espace restreint et relationnellement
aux personnes consacrees juguer l’amour avec la vérité non seulement formé, jusqu’à signifier son contraire. La vé- appauvri. Dans le dialogue entre les connais-
aux fidèles laïcs selon la direction indiquée par saint Paul: rité libère l’amour des étroitesses de l’émoti- sances et leur mise en œuvre, elle est exclue
et a tous les hommes celle de la «veritas in caritate» (Ep 4, 15), vité qui le prive de contenus relationnels et des projets et des processus de construction
de bonne volonte mais aussi, dans celle inverse et complémen- sociaux, et d’un fidéisme qui le prive d’un d’un développement humain d’envergure uni-
sur le developpement taire, de la «caritas in veritate». La vérité doit souffle humain et universel. Dans la vérité, verselle.
humain integral être cherchée, découverte et exprimée dans l’ l’amour reflète en même temps la dimension
dans la charite
et dans la verite
«économie» de l’amour, mais l’amour à son
tour doit être compris, vérifié et pratiqué à la
lumière de la vérité. Nous aurons ainsi non
personnelle et publique de la foi au Dieu bi-
blique qui est à la fois «Agapè» et «Lógos»:
Charité et Vérité, Amour et Parole.
5 La charité est amour reçu et donné. Elle
est «grâce» (cháris). Sa source est l’amour
jaillissant du Père pour le Fils, dans l’Esprit
seulement rendu service à l’amour, illuminé Saint. C’est un amour qui, du Fils, descend
INTRODUCTION par la vérité, mais nous aurons aussi contri-
bué à rendre crédible la vérité en en mon- 4 Parce que l’amour est riche de vérité,
l’homme peut le comprendre dans la ri-
sur nous. C’est un amour créateur, qui nous a
donné l’existence; c’est un amour rédempteur,

1 L’amour dans la vérité (Caritas in veri-


tate), dont Jésus s’est fait le témoin dans
sa vie terrestre et surtout par sa mort et sa ré-
trant le pouvoir d’authentification et de per-
suasion dans le concret de la vie sociale. Ce
qui, aujourd’hui, n’est pas rien compte tenu
chesse, partagée et communiquée, de ses va-
leurs. La vérité est, en effet, lógos qui crée un
diá-logos et donc une communication et une
qui nous a recréés. Un amour révélé et réalisé
par le Christ (cf. Jn 13, 1) et «répandu dans
nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été
surrection, est la force dynamique essentielle du contexte social et culturel présent qui re- communion. En aidant les hommes à aller au- donné» (Rm 5, 5). Objets de l’amour de Dieu,
du vrai développement de chaque personne et lativise la vérité, s’en désintéresse souvent ou delà de leurs opinions et de leurs sensations les hommes sont constitués sujets de la cha-
de l’humanité tout entière. L’amour – «cari- s’y montre réticent. subjectives, la vérité leur permet de dépasser rité, appelés à devenir eux-mêmes les instru-
tas» – est une force extraordinaire qui pousse les déterminismes culturels et historiques et ments de la grâce, pour répandre la charité de
les personnes à s’engager avec courage et gé-
nérosité dans le domaine de la justice et de
la paix. C’est une force qui a son origine en
3 Par son lien étroit avec la vérité, l’amour
peut être reconnu comme une expression
authentique d’humanité et comme un élément
de se rencontrer dans la reconnaissance de la
substance et de la valeur des choses. La vérité
ouvre et unit les intelligences dans le lógos
Dieu et pour tisser des liens de charité.
La doctrine sociale de l’Eglise répond à
cette dynamique de charité reçue et donnée.
Dieu, Amour éternel et Vérité absolue. Cha- d’importance fondamentale dans les relations de l’amour: l’annonce et le témoignage chré- Elle est «caritas in veritate in re sociali»: an-
cun trouve son bien en adhérant, pour le réa- humaines, même de nature publique. Ce n’est tien de l’amour résident en cela. Dans le con- nonce de la vérité de l’amour du Christ dans
liser pleinement, au projet que Dieu a sur lui: que dans la vérité que l’amour resplendit et texte socioculturel actuel, où la tendance à re- la société. Cette doctrine est un service de la
en effet, il trouve dans ce projet sa propre vé- qu’il peut être vécu avec authenticité. La vé- lativiser le vrai est courante, vivre la charité charité, mais dans la vérité. La vérité préserve
rité et c’est en adhérant à cette vérité qu’il de- rité est une lumière qui donne sens et valeur dans la vérité conduit à comprendre que l’ad- et exprime la force de libération de la charité
vient libre (cf. Jn 8, 22). Défendre la vérité, à l’amour. Cette lumière est, en même temps, hésion aux valeurs du Christianisme est un dans les événements toujours nouveaux de
la proposer avec humilité et conviction et en celle de la raison et de la foi, par laquelle l’in- élément non seulement utile, mais indispen- l’histoire. Elle est, en même temps, une vérité
témoigner dans la vie sont par conséquent telligence parvient à la vérité naturelle et sur- sable pour l’édification d’une société bonne de la foi et de la raison, dans la distinction
des formes exigeantes et irremplaçables de la naturelle de l’amour: l’intelligence en reçoit et d’un véritable développement humain in- comme dans la synergie de ces deux modes
charité. En effet, celle-ci «trouve sa joie dans le sens de don, d’accueil et de communion. tégral. Un Christianisme de charité sans vé- de connaissance. Le développement, le bien-
ce qui est vrai» (1 Co 13, 6). Toute personne Dépourvu de vérité, l’amour bascule dans le rité peut facilement être confondu avec un être social, ainsi qu’une solution adaptée aux
expérimente en elle un élan pour aimer de sentimentalisme. L’amour devient une coque réservoir de bons sentiments, utiles pour la graves problèmes socio-économiques qui af-
manière authentique: l’amour et la vérité ne fligent l’humanité, ont besoin de cette vérité.
l’abandonnent jamais totalement, parce qu’il Plus encore, il est nécessaire que cette vérité
s’agit là de la vocation déposée par Dieu dans soit aimée et qu’il lui soit rendu témoignage.
le cœur et dans l’esprit de chaque homme. Sans vérité, sans confiance et sans amour
Jésus Christ purifie et libère de nos pauvre- du vrai, il n’y a pas de conscience ni de res-
tés humaines la recherche de l’amour et de la ponsabilité sociale, et l’agir social devient la
vérité et il nous révèle en plénitude l’initiative proie d’intérêts privés et de logiques de pou-
d’amour ainsi que le projet de la vie vraie que voir, qui ont pour effets d’entrainer la désa-
Dieu a préparée pour nous. Dans le Christ, grégation de la société, et cela d’autant plus
l’amour dans la vérité devient le Visage de dans une société en voie de mondialisation et
sa Personne. C’est notre vocation d’aimer dans les moments difficiles comme ceux que
nos frères dans la vérité de son dessein. Lui- nous connaissons actuellement.
même, en effet, est la Vérité (cf. Jn 14, 6).

2 La charité est la voie maîtresse de la doc-


trine sociale de l’Eglise. Toute responsabi-
6 «Caritas in veritate» est un principe sur
lequel se fonde la doctrine sociale de
l’Eglise, un principe qui prend une forme
lité et tout engagement définis par cette doc- opératoire par des critères d’orientation de
trine sont imprégnés de l’amour qui, selon l’action morale. Je désire en rappeler deux de
l’enseignement du Christ, est la synthèse manière particulière; ils sont dictés principa-
de toute la Loi (cf. Mt 22, 36–40). L’amour lement par l’engagement en faveur du déve-
donne une substance authentique à la relation loppement dans une société en voie de mon-
personnelle avec Dieu et avec le prochain. Il dialisation: la justice et le bien commun.
est le principe non seulement des micro-rela- La justice tout d’abord. Ubi societas, ibi
tions: rapports amicaux, familiaux, en petits ius: toute société élabore un système pro-
groupes, mais également des macro-relations: pre de justice. La charité dépasse la justice,
rapports sociaux, économiques, politiques. parce qu’aimer c’est donner, offrir du mien
Pour l’Eglise – instruite par l’Evangile –, à l’autre; mais elle n’existe jamais sans la
l’amour est tout parce que, comme l’enseigne justice qui amène à donner à l’autre ce qui
saint Jean (cf. 1 Jn 4, 8.16) et comme je l’ai est sien, c’est-à-dire ce qui lui revient en rai-
rappelé dans ma première Lettre encyclique, son de son être et de son agir. Je ne peux pas
«Dieu est amour» (Deus caritas est): tout pro- Mexique. Wayne Miller, Life «donner» à l’autre du mien, sans lui avoir
vient de l’amour de Dieu, par lui tout prend donné tout d’abord ce qui lui revient selon la
forme et tout tend vers lui. L’amour est le don justice. Qui aime les autres avec charité est
le plus grand que Dieu ait fait aux hommes, il d’abord juste envers eux. Non seulement la
est sa promesse et notre espérance. justice n’est pas étrangère à la charité, non
Je suis conscient des dévoiements et des seulement elle n’est pas une voie alternative
pertes de sens qui ont marqué et qui mar- Les photographies illustrant ce supplément sont reprises du catalogue de l’exposition célèbre dans ou parallèle à la charité: la justice est «in-
le monde entier «The Family of Man» du photographe Edward Jean Steichen (1879–1973), (ISBN 0-
quent encore la charité, avec le risque consé- séparable de la charité»,1 elle lui est intrin-
8109-6195-5). Cette exposition a été présentée pour la première fois, il y a plus de 50 ans, en 1955,
quent de la comprendre de manière erronée, au «Museum of Modern Art» de New York et a ensuite conquis les musées du monde entier. Depuis sèque. La justice est la première voie de la
de l’exclure de la vie morale et, dans tous les 1994, elle se trouve en tant qu’exposition permanente au château de Clervaux au Luxembourg. Dans charité ou, comme le disait Paul VI, son «mi-
cas, d’en empêcher la juste mise en valeur. un commentaire au sujet de cette exposition il est écrit que «La force de l’amour et de la solidarité nimum»2 une partie intégrante de cet amour
Dans les domaines social, juridique, cultu- humaine devrait surmonter la haine, la violence et la destruction.» Eward Steichen, lui-même a écrit en «actes et en vérité» (1 Jn 3, 18) auquel
dans l’introduction au catalogue que le recueil de ses photographies représentait «la force flam- l’apôtre saint Jean exhorte. D’une part, la
*
Les passages en italiques correspondent à l’original. boyante et créatrice de l’amour et de la vérité». charité exige la justice: la reconnaissance et
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le respect des droits légitimes des individus ration n’avait été réservée qu’à l’encyclique vécu toujours nouveau de la société des hom- tions, ou même limitée quand la présence pu-
et des peuples. Elle s’efforce de construire Rerum novarum. Vingt ans après, j’exprime mes et des peuples.12 blique de l’Eglise est réduite à ses seules acti-
la cité de l’homme selon le droit et la jus- ma conviction que Populorum progressio vités caritatives. La seconde vérité est que le
tice. D’autre part, la charité dépasse la jus- mérite d’être considérée comme l’encyclique CHAPITRE I développement authentique de l’homme con-
tice et la complète dans la logique du don et «Rerum novarum de l’époque contem- cerne unitairement la totalité de la personne
du pardon.3 La cité de l’homme n’est pas uni- poraine» qui éclaire le chemin de l’humanité Le message de populorum progressio dans chacune de ses dimensions.16 Sans la
quement constituée par des rapports de droits en voie d’unification. perspective d’une vie éternelle, le progrès hu-
et de devoirs, mais plus encore, et d’abord,
par des relations de gratuité, de miséricorde
et de communion. La charité manifeste tou- 9 L’amour dans la vérité – caritas in ve-
ritate – est un grand défi pour l’Eglise
10 Plus de quarante ans après la publica-
tion de Populorum progressio, sa relec-
ture nous invite à rester fidèles à son mes-
main demeure en ce monde privé de souffle.
Enfermé à l’intérieur de l’histoire, il risque
de se réduire à la seule croissance de l’avoir.
jours l’amour de Dieu, y compris dans les re- dans un monde sur la voie d’une mondiali- sage de charité et de vérité, en le replaçant L’humanité perd ainsi le courage d’être dis-
lations humaines. Elle donne une valeur théo- sation progressive et généralisée. Le risque dans le cadre du magistère propre de Paul VI ponible pour les biens plus élevés, pour les
logale et salvifique à tout engagement pour la de notre époque réside dans le fait qu’à l’in- et, plus généralement, à l’intérieur de la tra- grandes initiatives désintéressées qu’exige la
justice dans le monde. terdépendance déjà réelle entre les hommes dition de la doctrine sociale de l’Eglise. Par charité universelle. L’homme ne se développe
et les peuples, ne corresponde pas l’interac- ailleurs, il faut évaluer les multiples termes pas seulement par ses propres forces, et le dé-

7 Il faut ensuite prendre en grande considé-


ration le bien commun. Aimer quelqu’un,
c’est vouloir son bien et mettre tout en œuvre
tion éthique des consciences et des intelli-
gences dont le fruit devrait être l’émergence
d’un développement vraiment humain. Seule
dans lesquels se pose aujourd’hui, à la diffé-
rence d’alors, le problème du développement.
Le point de vue correct est donc celui de la
veloppement ne peut pas lui être simplement
offert. Tout au long de l’histoire, on a sou-
vent pensé que la création d’institutions suffi-
pour cela. A côté du bien individuel, il y a la charité, éclairée par la lumière de la rai- Tradition de la foi des Apôtres,13 patrimoine sait à garantir à l’humanité la satisfaction du
un bien lié à la vie en société: le bien com- son et de la foi, permettra d’atteindre des ob- ancien et nouveau hors duquel Populorum droit au développement. Malheureusement,
mun. C’est le bien du «nous-tous», constitué jectifs de développement porteurs d’une va- progressio serait un document privé de raci- on a placé une confiance excessive dans de
d’individus, de familles et de groupes inter- leur plus humaine et plus humanisante. Le nes et les questions liées au développement se telles institutions, comme si elles pouvaient
médiaires qui forment une communauté so- partage des biens et des ressources, d’où pro- réduiraient uniquement à des données d’ordre atteindre automatiquement le but recherché.
ciale.4 Ce n’est pas un bien recherché pour vient le vrai développement, n’est pas as- sociologique. En réalité, les institutions ne suffisent pas à
lui-même, mais pour les personnes qui font suré par le seul progrès technique et par de elles seules, car le développement intégral de
partie de la communauté sociale et qui, en
elle seule, peuvent arriver réellement et plus
efficacement à leur bien. C’est une exigence
simples relations de convenance, mais par la
puissance de l’amour qui vainc le mal par le
bien (cf. Rm 12, 21) et qui ouvre à la récipro-
11 Populorum progressio fut publiée im-
médiatement après la conclusion du
Concile œcuménique Vatican II. Dès ses pre-
l’homme est d’abord une vocation et suppose
donc que tous prennent leurs responsabilités
de manière libre et solidaire. Un tel dévelop-
de la justice et de la charité que de vouloir cité des consciences et des libertés. miers paragraphes, l’encyclique affirme son pement demande, en outre, une vision trans-
le bien commun et de le rechercher. Œuvrer L’Eglise n’a pas de solutions techniques rapport intime avec le Concile.14 Vingt ans cendante de la personne; il a besoin de Dieu:
en vue du bien commun signifie d’une part, à offrir10 et ne prétend «aucunement s’im- plus tard, dans Sollicitudo rei socialis, Jean- sans Lui, le développement est nié ou confié
prendre soin et, d’autre part, se servir de l’en- miscer dans la politique des Etats».11 Elle a Paul II soulignait à son tour le rapport fécond aux seules mains de l’homme, qui s’expose à
semble des institutions qui structurent juridi- toutefois une mission de vérité à remplir, en de cette encyclique avec le Concile et, en par- la présomption de se sauver par lui-même et
quement, civilement, et culturellement la vie tout temps et en toutes circonstances, en fa- ticulier, avec la Constitution pastorale Gau- finit par promouvoir un développement dés-
sociale qui prend ainsi la forme de la pólis, de veur d’une société à la mesure de l’homme, dium et Spes.15 Je désire moi aussi rappeler humanisé. D’autre part, seule la rencontre de
la cité. On aime d’autant plus efficacement le de sa dignité et de sa vocation. Sans vérité, ici l’importance du Concile Vatican II pour Dieu permet de ne pas «voir dans l’autre que
prochain que l’on travaille davantage en fa- on aboutit à une vision empirique et scepti- l’encyclique de Paul VI et, à sa suite, pour l’autre»,17 mais de reconnaître en lui l’image
veur du bien commun qui répond également que de la vie, incapable de s’élever au-dessus tout le magistère social des Souverains Pon- de Dieu, parvenant ainsi à découvrir vrai-
à ses besoins réels. Tout chrétien est appelé à de l’agir, car inattentive à saisir les valeurs – tifes. Le Concile a approfondi tout ce qui ap- ment l’autre et à développer un amour qui
vivre cette charité, selon sa vocation et selon et parfois pas même le sens des choses – qui partient depuis toujours à la vérité de la foi, «devienne soin de l’autre pour l’autre».18
ses possibilités d’influence au service de la permettraient de la juger et de l’orienter. La c’est-à-dire que l’Eglise, qui est au service de
pólis. C’est là la voie institutionnelle – poli-
tique peut-on dire aussi – de la charité, qui
n’est pas moins qualifiée et déterminante que
fidélité à l’homme exige la fidélité à la vé-
rité qui, seule, est la garantie de la liberté
(cf. Jn 8, 32) et de la possibilité d’un déve-
Dieu, est au service du monde selon les cri-
tères de l’amour et de la vérité. C’est précisé-
ment de cette vision que partait Paul VI pour
12 Le lien existant entre Populorum pro-
gressio et le Concile Vatican II ne re-
présente pas une coupure entre le magis-
la charité qui est directement en rapport avec loppement humain intégral. C’est pour cela nous faire part de deux grandes vérités. La tère social de Paul VI et celui des Papes qui
le prochain, hors des médiations institution- que l’Eglise la recherche, qu’elle l’annonce première est que toute l’Eglise, dans tout son l’avaient précédé, étant donné que le Concile
nelles de la cité. L’engagement pour le bien sans relâche et qu’elle la reconnaît partout où être et tout son agir, tend à promouvoir le dé- est un approfondissement de ce magistère
commun, quand la charité l’anime, a une va- elle se manifeste. Cette mission de vérité est veloppement intégral de l’homme quand elle dans la continuité de la vie de l’Eglise.19 En
leur supérieure à celle de l’engagement pure- pour l’Eglise une mission impérative. Sa doc- annonce, célèbre et œuvre dans la charité. ce sens, certaines subdivisions abstraites de la
ment séculier et politique. Comme tout enga- trine sociale est un aspect particulier de cette Elle a un rôle public qui ne se borne pas à doctrine sociale de l’Eglise sont aujourd’hui
gement en faveur de la justice, il s’inscrit dans annonce: c’est un service rendu à la vérité qui ses activités d’assistance ou d’éducation, mais proposées qui ne contribuent pas à clarifier
le témoignage de la charité divine qui, agis- libère. Ouverte à la vérité, quel que soit le sa- elle déploie toutes ses énergies au service de les choses, car elles appliquent à l’enseigne-
sant dans le temps, prépare l’éternité. Quand voir d’où elle provient, la doctrine sociale de la promotion de l’homme et de la fraternité ment social pontifical des catégories qui lui
elle est inspirée et animée par la charité, l’ac- l’Eglise est prête à l’accueillir. Elle rassemble universelle quand elle peut jouir d’un régime sont étrangères. Il n’y a pas deux typologies
tion de l’homme contribue à l’édification de dans l’unité les fragments où elle se trouve de liberté. Dans bien des cas, cette liberté est différentes de doctrine sociale, l’une pré-con-
cette cité de Dieu universelle vers laquelle souvent disséminée et elle l’introduit dans le entravée par des interdictions et des persécu- ciliaire et l’autre post-conciliaire, mais un
avance l’histoire de la famille humaine. Dans unique enseignement, cohérent et en même
une société en voie de mondialisation, le bien temps toujours nouveau.20 Il est juste de re-
commun et l’engagement en sa faveur ne peu- marquer les caractéristiques propres à chaque
vent pas ne pas assumer les dimensions de la encyclique, à l’enseignement de chaque Pon-
famille humaine tout entière, c’est-à-dire de tife, mais sans jamais perdre de vue la co-
la communauté des peuples et des Nations,5 hérence de l’ensemble du corpus doctrinal.21
au point de donner forme d’unité et de paix à Cohérence ne signifie pas fermeture, mais
la cité des hommes, et d’en faire, en quelque plutôt fidélité dynamique à une lumière reçue.
sorte, la préfiguration anticipée de la cité sans La doctrine sociale de l’Eglise éclaire d’une
frontières de Dieu. lumière qui ne change pas les problèmes tou-
jours nouveaux qui surgissent.22 Cela pré-

8 En publiant en 1967 l’encyclique Populo-


rum progressio, mon vénérable prédéces-
seur Paul VI a éclairé le grand thème du dé-
serve le caractère à la fois permanent et histo-
rique de ce «patrimoine» doctrinal23 qui, avec
ses caractéristiques spécifiques, appartient à
veloppement des peuples de la splendeur de la la Tradition toujours vivante de l’Eglise.24 La
vérité et de la douce lumière de la charité du doctrine sociale est construite sur le fonde-
Christ. Il a affirmé que l’annonce du Christ ment transmis par les Apôtres aux Pères de
est le premier et le principal facteur de dé- l’Eglise, reçu et approfondi ensuite par les
veloppement6 et il nous a laissé la consigne grands Docteurs chrétiens. Cette doctrine
d’avancer sur la route du développement de renvoie en définitive à l’Homme nouveau, au
tout notre cœur et de toute notre intelligence,7 «dernier Adam qui est devenu l’être spirituel
c’est-à-dire avec l’ardeur de la charité et la sa- qui donne vie» (1 Co 15, 45), principe de la
gesse de la vérité. C’est la vérité originelle de charité qui «ne passera jamais» (1 Co 13, 8).
l’amour de Dieu – grâce qui nous est donnée Elle reçoit le témoignage des saints et de tous
– qui ouvre notre vie au don et qui rend pos- ceux qui ont donné leurs vies pour le Christ
sible l’espérance en un «développement […] Sauveur dans le domaine de la justice et de
de tout l’homme et de tous les hommes»,8 en la paix. En elle, s’exprime la mission prophé-
passant «de conditions moins humaines à des tique des Souverains Pontifes: guider d’une
conditions plus humaines»,9 et cela en triom- manière apostolique l’Eglise du Christ et dis-
phant des difficultés inévitablement rencon- cerner les nouvelles exigences de l’évangéli-
trées sur le chemin. sation. C’est pour ces raisons que Populorum
Plus de quarante ans après la publication progressio, inscrite dans le grand courant de
de cette encyclique, je désire honorer la mé- la Tradition, est encore en mesure de nous
moire de Paul VI, et rendre hommage à ce USA. Elliot Erwitt, Magnum parler aujourd’hui.
grand Pontife, en reprenant ses enseigne-
ments sur le développement humain inté-
gral et en me plaçant sur la voie qu’ils ont
tracée, afin de les actualiser aujourd’hui. Ce
13 Outre son rapport avec l’ensemble de
la doctrine sociale de l’Eglise, Popu-
lorum progressio est étroitement liée à tout
processus d’actualisation commença avec le magistère de Paul VI et, en particulier, à
l’encyclique Sollicitudo rei socialis, par la- son magistère social. Cet enseignement social
quelle le Serviteur de Dieu Jean-Paul II vou- fut d’une grande portée: il réaffirma l’impor-
lut commémorer la publication de Populo- tance déterminante de l’Evangile pour l’édi-
rum progressio à l’occasion de son vingtième fication d’une société de liberté et de jus-
anniversaire. Jusque là une telle commémo- tice, dans la perspective idéale et historique
Horizons et débats – Supplément, août 2009 Encyclique Caritas in Veritate page 3

d’une civilisation animée par l’amour. Paul ration – il y a en effet des liens profonds»:31 berté responsable de la personne et des peu- tionnelle de la personne humaine et le sens de
VI comprit clairement que la question sociale conscient de cela, Paul VI établissait un rap- ples: aucune structure ne peut garantir ce sa croissance. La vocation chrétienne au dé-
était devenue mondiale25 et il saisit l’interac- port clair entre l’annonce du Christ et la pro- développement en dehors et au-dessus de la veloppement aide à poursuivre la promotion
tion existant entre l’élan vers l’unification de motion de la personne dans la société. Le té- responsabilité humaine. Les «messianismes de tous les hommes et de tout l’homme. Paul
l’humanité et l’idéal chrétien d’une unique fa- moignage de la charité du Christ à travers prometteurs, mais bâtisseurs d’illusions»38 VI écrivait: «Ce qui compte pour nous, c’est
mille des peuples, solidaire dans une com- des œuvres de justice, de paix et de dévelop- fondent toujours leurs propositions sur la né- l’homme, chaque homme, chaque groupe-
mune fraternité. Il désigna le développement, pement fait partie de l’évangélisation car, gation de la dimension transcendante du dé- ment d’hommes, jusqu’à l’humanité tout en-
compris au sens humain et chrétien, comme pour Jésus Christ, qui nous aime, l’homme veloppement, étant certains de l’avoir tout en- tière».43 La foi chrétienne se préoccupe du dé-
le cœur du message social chrétien et pro- tout entier est important. C’est sur ces en- tier à leur disposition. Cette fausse sécurité veloppement sans s’appuyer sur des privilèges
posa la charité chrétienne comme force prin- seignements importants que se fonde l’as- se change en faiblesse, parce qu’elle entraîne ou sur des positions de pouvoir, ni même sur
cipale au service du développement. Poussé pect missionnaire32 de la doctrine sociale de l’asservissement de l’homme, réduit à n’être les mérites des chrétiens qui ont certes existé
par le désir de rendre l’amour du Christ plei- l’Eglise en tant que composante essentielle qu’un moyen en vue du développement, tan- et existent encore aujourd’hui en même temps
nement visible à ses contemporains, Paul VI de l’évangélisation.33 La doctrine sociale de dis que l’humilité de celui qui accueille une que leurs limites naturelles,44 mais unique-
affronta avec décision d’importantes ques- l’Eglise est annonce et témoignage de foi. vocation se transforme en autonomie vérita- ment sur le Christ, à qui doit être rapportée
tions morales, sans céder aux faiblesses cul- C’est un instrument et un lieu indispensable ble, parce qu’elle libère la personne. Paul VI toute vocation authentique au développement
turelles de son temps. de l’éducation de la foi. ne doute pas que des obstacles et des condi- humain intégral. L’Evangile est un élément
tionnements freinent le développement, mais fondamental du développement, parce qu’en

14 Dans la lettre apostolique Octogesima


adveniens de 1971, Paul VI aborda par
la suite la question du sens de la politique et
16 Dans Populorum progressio, Paul VI a
voulu nous dire, avant tout, que le pro-
grès, dans son apparition et son essence, est
il reste certain que «chacun demeure, quel-
les que soient les influences qui s’exercent sur
lui, l’artisan principal de sa réussite ou de son
lui le Christ, «dans la révélation même du
mystère du Père et de son amour, manifeste
pleinement l’homme à lui-même».45 Eduquée
du péril représenté par des visions utopi- une vocation: «Dans le dessein de Dieu, cha- échec».39 Cette liberté concerne le dévelop- par son Seigneur, l’Eglise scrute les signes
ques et idéologiques qui compromettaient sa que homme est appelé à se développer car pement qui a lieu sous nos yeux, mais aussi, des temps et les interprète et elle offre au
qualité éthique et humaine. Il s’agit de sujets toute vie est vocation».34 C’est précisément en même temps, les situations de sous-déve- monde «ce qu’elle possède en propre: une vi-
étroitement liés au développement. Malheu- ce qui autorise l’Eglise à intervenir dans loppement qui ne sont pas le fruit du hasard sion globale de l’homme et de l’humanité».46
reusement, les idéologies néfastes ne cessent les problématiques du développement. Si ce ou d’une nécessité historique, mais qui dé- Précisément parce que Dieu prononce le plus
de fleurir. Conscient du grand danger de con- dernier ne concernait que des aspects tech- pendent de la responsabilité humaine. C’est grand «oui» à l’homme,47 l’homme ne peut
fier à la seule technique tout le processus du niques de la vie de l’homme, et non le sens pourquoi «les peuples de la faim interpellent faire moins que de s’ouvrir à l’appel divin
développement, qui ainsi demeurerait sans de sa marche dans l’Histoire avec ses autres aujourd’hui de façon dramatique les peuples pour réaliser son propre développement. La
ligne directrice, Paul VI avait déjà mis en frères ou la définition du but d’un tel chemi- de l’opulence».40 Il s’agit là encore d’une vo- vérité du développement réside dans son in-
garde contre l’idéologie technocratique, par- nement, l’Eglise n’aurait aucun titre pour en cation, en tant qu’appel adressé par des hom- tégralité: s’il n’est pas de tout l’homme et
ticulièrement forte aujourd’hui.26 Considérée parler. Comme Léon XIII dans Rerum nova- mes libres à des hommes libres pour qu’ils de tout homme, le développement n’est pas
en elle-même, la technique est ambivalente. rum,35 Paul VI était conscient de s’acquitter prennent ensemble leurs responsabilités. Paul un vrai développement. Tel est le centre du
Si, d’un côté, certains tendent aujourd’hui d’un devoir propre à sa charge, en projetant VI eut une compréhension pénétrante de l’im- message de Populorum progressio, valable
à lui confier la totalité du processus de dé- la lumière de l’Evangile sur les questions so- portance des structures économiques et des aujourd’hui et toujours. Le développement
veloppement, de l’autre on assiste à la nais- ciales de son temps.36 institutions, mais il perçut tout aussi claire- humain intégral sur le plan naturel, réponse à
sance d’idéologies qui nient in toto l’utilité Définir le développement comme une vo- ment qu’elles étaient des instruments au ser- un appel du Dieu créateur,48 demande de trou-
même du développement, qu’elles considèrent cation, c’est reconnaître, d’un côté, qu’il naît vice de la liberté humaine. Le développement ver sa vérité dans un «humanisme transcen-
comme foncièrement antihumain et exclusi- d’un appel transcendant et, de l’autre, qu’il ne peut être intégralement humain que s’il est dant, qui […] donneà l’homme sa plus grande
vement facteur de dégradation. Ainsi, finit- est incapable de se donner par lui-même son libre; seul un régime de liberté responsable plénitude: telle est la finalité suprême du dé-
on par condamner non seulement l’orientation sens propre ultime. Ce n’est pas sans raison lui permet de se développer de façon juste. veloppement personnel».49 La vocation chré-
parfois fausse et injuste que les hommes don- que le mot «vocation» revient dans un autre tienne à ce développement concerne donc le
nent au progrès, mais aussi les découvertes
scientifiques elles-mêmes qui, utilisées à bon
escient, constituent au contraire une occasion
passage de l’encyclique, où il est affirmé:
«Il n’y a donc d’humanisme vrai qu’ouvert
à l’Absolu, dans la reconnaissance d’une vo-
18 Outre la liberté, le développement inté-
gral de l’homme comme vocation exige
aussi qu’on en respecte la vérité. La vocation
plan naturel comme le plan surnaturel; c’est
pourquoi «quand Dieu est éclipsé, notre capa-
cité de reconnaître l’ordre naturel, le but et le
de croissance pour tous. L’idée d’un monde cation, qui donne l’idée vraie de la vie hu- au progrès pousse les hommes à «faire, con- «bien» commence à s’évanouir».50
sans développement traduit une défiance à maine».37 Cette vision du développement est naître et avoir plus, pour être plus».41 Mais
l’égard de l’homme et de Dieu. C’est donc une
grave erreur que de mépriser les capacités hu-
maines de contrôler les déséquilibres du dé-
le cœur de Populorum progressio et anime
toutes les réflexions de Paul VI sur la liberté,
la vérité et la charité dans le développement.
là est le problème: que signifie «être davan-
tage»? A cette question, Paul VI répond en
indiquant la caractéristique essentielle du dé-
19 Enfin, la vision du développement en
tant que vocation implique que la cha-
rité y occupe une place centrale. Dans l’ency-
veloppement ou même d’ignorer que l’homme C’est la raison principale pour laquelle cette veloppement authentique: il «doit être inté- clique Populorum progressio, Paul VI obser-
est constitutivement tendu vers l’«être davan- encyclique demeure encore actuelle de nos gral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et vait que les causes du sous-développement ne
tage». Absolutiser idéologiquement le progrès jours. tout l’homme».42 Parmi les différentes visions sont pas d’abord d’ordre matériel. Il nous invi-
technique ou aspirer à l’utopie d’une huma- concurrentes de l’homme proposées dans la tait à les rechercher dans d’autres dimensions
nité revenue à son état premier de nature sont
deux manières opposées de séparer le progrès
de son évaluation morale et donc de notre res-
17 La vocation est un appel qui réclame
une réponse libre et responsable. Le dé-
veloppement humain intégral suppose la li-
société d’aujourd’hui plus encore qu’au temps
de Paul VI, la vision chrétienne a la particula-
rité d’affirmer et de justifier la valeur incondi-
de l’homme: tout d’abord dans la volonté, qui
se désintéresse souvent des devoirs de la soli-
darité; en second lieu, dans la pensée qui ne
ponsabilité. parvient pas toujours à orienter convenable-
ment le vouloir. C’est pourquoi, dans la quête

15 Deux autres documents de Paul VI


sont moins directement liés à la doc-
trine sociale: l’encyclique Humanæ vitæ du
du développement, il faut «des sages de ré-
flexion profonde, à la recherche d’un huma-
nisme nouveau, qui permette à l’homme mo-
25 juillet 1968 et l’exhortation apostolique derne de se retrouver lui-même».51 Mais ce
Evangelii nuntiandi du 8 décembre 1975. Ils n’est pas tout. Le sous-développement a une
sont cependant très importants pour discerner cause encore plus profonde que le déficit de
le sens pleinement humain du développement réflexion: c’est «le manque de fraternité entre
proposé par l’Eglise. Il est donc opportun de les hommes et entre les peuples».52 Cette fra-
les lire en les mettant eux aussi en relation ternité, les hommes pourront-ils jamais la
avec Populorum progressio. réaliser par eux seuls? La société toujours
L’encyclique Humanæ vitæ souligne la si- plus globalisée nous rapproche, mais elle ne
gnification tout à la fois unitive et procréa- nous rend pas frères. La raison, à elle seule,
tive de la sexualité, posant ainsi comme fon- est capable de comprendre l’égalité entre les
dement de la société le couple des époux, hommes et d’établir une communauté de vie
homme et femme, qui se reçoivent l’un civique, mais elle ne parvient pas à créer la
l’autre dans la distinction et dans la complé- fraternité. Celle-ci naît d’une vocation trans-
mentarité; en tant donc que couple ouvert à cendante de Dieu Père, qui nous a aimés en
la vie.27 Il ne s’agit pas ici de morale pure- premier, nous enseignant par l’intermédiaire
ment individuelle: Humanæ vitæ montre les du Fils ce qu’est la charité fraternelle. Dans sa
liens forts qui existent entre éthique de la vie présentation des différents niveaux du proces-
et éthique sociale, en inaugurant une théma- sus de développement de l’homme, Paul VI,
tique magistérielle qui a pris corps dans dif- après avoir mentionné la foi, mettait au som-
férents documents, et finalement dans l’en- met «l’unité dans la charité du Christ qui
cyclique Evangelium vitæ de Jean-Paul II.28 nous appelle tous à participer en fils à la vie
L’Eglise propose avec force ce lien entre éthi- du Dieu vivant, Père de tous les hommes».53
que de la vie et éthique sociale, consciente
qu’une société ne peut «avoir des bases soli-
des si, tout en affirmant des valeurs comme
la dignité de la personne, la justice et la paix,
20 Ces perspectives, ouvertes par Popu-
lorum progressio, demeurent fonda-
mentales pour donner une envergure et une
elle se contredit radicalement en acceptant orientation à notre engagement au service du
et en tolérant les formes les plus diverses de développement des peuples. Populorum pro-
mépris et de violation de la vie humaine, sur- gressio souligne ensuite à plusieurs reprises
tout si elle est faible et marginalisée».29 l’urgence des réformes54 et demande que, face
L’exhortation apostolique Evangelii nunti- aux grands problèmes de l’injustice dans le
andi, pour sa part, est très étroitement lié au développement des peuples, on agisse avec
développement, dans la mesure où «l’évangé- courage et sans retard. Cette urgence est dic-
lisation – comme l’écrivait Paul VI – ne serait tée aussi par l’amour dans la vérité. C’est la
pas complète si elle ne tenait pas compte des charité du Christ qui nous pousse: «Caritas
rapports concrets et permanents qui existent Christi urget nos» (2 Co 5, 14). L’urgence
entre l’Evangile et la vie personnelle et so- n’est pas seulement inscrite dans les choses;
ciale de l’homme.30 «Entre l’évangélisation et elle ne découle pas uniquement de la pres-
la promotion humaine – développement, libé- Guatemala. Lisa Larsen, Life sion des événements et des problèmes, mais
page 4 Encyclique Caritas in Veritate Horizons et débats – Supplément, août 2009

aussi de ce qui est proprement en jeu: la réa- confiants plutôt que résignés, qu’il convient nombre des grandes puissances destinées à posait. Pour cette raison, l’encyclique Popu-
lisation d’une authentique fraternité. L’im- d’affronter les difficultés du moment pré- jouer un rôle important dans l’avenir. Il faut lorum progressio assignait un rôle central,
portance de cet objectif est telle qu’elle exige sent. néanmoins souligner qu’il n’est pas suffisant toutefois de façon non exclusive, aux «pou-
que nous la comprenions pleinement et que de progresser du seul point de vue économi- voirs publics».59
nous nous mobilisions concrètement avec le
«cœur», pour faire évoluer les processus éco-
nomiques et sociaux actuels vers des formes
22 Le cadre du développement est
aujourd’hui multipolaire. Les acteurs
et les causes du sous-développement comme
que et technologique. Il faut avant tout que
le développement soit vrai et intégral. Sortir
du retard économique, fait en soi positif, ne
A notre époque, l’Etat se trouve dans la si-
tuation de devoir faire face aux limites que
pose à sa souveraineté le nouveau contexte
pleinement humaines. du développement sont multiples, les erreurs résout pas la problématique complexe de la commercial et financier international, mar-
et les mérites le sont aussi. Cette donnée de- promotion de l’homme, ni pour les pays bé- qué par une mobilité croissante des capitaux
CHAPITRE II vrait conduire à se libérer des idéologies, qui néficiaires de ces avancées, ni pour les pays financiers et des moyens de productions ma-
simplifient souvent de façon artificielle la réa- déjà économiquement développés, ni non plus tériels et immatériels. Ce nouveau contexte a
Le developpement humain aujourd’hui lité, et à examiner avec objectivité la dimen- pour ceux qui restent pauvres; ceux-ci peu- modifié le pouvoir politique des Etats.
sion humaine des problèmes. La ligne de dé- vent également souffrir, en dehors des ancien- Aujourd’hui, fort des leçons données par

21 Paul VI avait une vision structurée du


développement. Par le terme «dévelop-
pement», il voulait désigner avant tout l’ob-
marcation entre pays riches et pauvres n’est
plus aussi nette qu’aux temps de Populorum
progressio, comme l’avait déjà indiqué Jean-
nes formes d’exploitation, des conséquences
néfastes provenant d’une croissance marquée
par des dévoiements et des déséquilibres.
l’actuelle crise économique où les pouvoirs
publics de l’Etat sont directement impliqués
dans la correction des erreurs et des dysfonc-
jectif de faire sortir les peuples de la faim, Paul II.55 La richesse mondiale croît en ter- Après l’écroulement du système écono- tionnements, une évaluation nouvelle de leur
de la misère, des maladies endémiques et de mes absolus, mais les inégalités augmentent. mique et politique des pays communistes de rôle et de leur pouvoir semble plus réaliste;
l’analphabétisme. Du point de vue économi- Dans les pays riches, de nouvelles catégories l’Europe de l’Est et la fin de ce que l’on appe- ceux-ci doivent être sagement reconsidérés et
que, cela signifiait leur participation active, sociales s’appauvrissent et de nouvelles pau- lait les blocs opposés, une nouvelle réflexion repensés pour qu’ils soient en mesure, y com-
dans des conditions de parité, à la vie écono- vretés apparaissent. Dans des zones plus pau- globale sur le développement aurait été né- pris à travers de nouvelles modalités d’exer-
mique internationale; du point de vue social, vres, certains groupes jouissent d’une sorte de cessaire. Jean-Paul II l’avait demandée, lui cice, de faire face aux défis du monde con-
leur évolution vers des sociétés instruites et surdéveloppement où consommation et gas- qui, en 1987, avait indiqué l’existence de ces temporain. A partir d’un rôle mieux ajusté
solidaires; du point de vue politique, la con- pillage vont de pair, ce qui contraste de façon blocs comme une des principales causes du des pouvoirs publics, on peut espérer que se
solidation de régimes démocratiques capa- inacceptable avec des situations permanentes sous-développement,57 dans la mesure où la renforceront les nouvelles formes de partici-
bles d’assurer la paix et la liberté. Après tant de misère déshumanisante. «Le scandale de politique soustrayait des ressources à l’éco- pation à la politique nationale et internatio-
d’années, alors que nous observons avec pré- disparités criantes»56 demeure. La corruption nomie et à la culture et que l’idéologie étouf- nale qui voient le jour à travers l’action des
occupation le développement des crises qui et le non respect des lois existent malheureu- fait la liberté. En 1991, après les événements organisations opérant dans la société civile.
se succèdent en ces temps, ainsi que leurs sement aussi bien dans le comportement des de 1989, il avait aussi réclamé que, à la fin En ce sens, il est souhaitable que grandissent
conséquences, nous nous demandons dans acteurs économiques et politiques des pays ri- des blocs, corresponde une refonte globale de la part des citoyens une attention et une
quelle mesure les attentes de Paul VI ont été ches, anciens et nouveaux, que dans les pays du développement, non seulement dans ces participation plus larges à la res publica.
satisfaites par le modèle de développement pauvres. Ceux qui ne respectent pas les droits pays, mais aussi en Occident et dans les ré-
qui a été adopté au cours de ces dernières
décennies. Nous devons reconnaître que les
préoccupations de l’Eglise étaient fondées
humains des travailleurs dans les différents
pays sont aussi bien de grandes entreprises
multinationales que des groupes de produc-
gions du monde qui se développaient.58 Cela
n’est advenu que partiellement et continue
d’être un devoir réel qu’il convient d’honorer,
25 Du point de vue social, les systèmes de
protection et de prévoyance qui exis-
taient déjà dans de nombreux pays à l’épo-
quant aux capacités de l’homme purement tion locale. Les aides internationales ont sou- éventuellement en mettant vraiment à profit que de Paul VI, peinent et pourraient avoir
‘technologique’ à savoir se donner des ob- vent été détournées de leur destination, en les choix nécessaires pour dépasser les pro- plus de mal encore à l’avenir à poursuivre
jectifs réalistes et à toujours savoir bien gérer raison d’irresponsabilités qui se situent aussi blèmes économiques actuels. leurs objectifs de vraie justice sociale dans
les outils à sa disposition. Le profit est utile bien dans la chaîne des donateurs que des bé- un cadre économique profondément mo-
si, en tant que moyen, il est orienté vers un
but qui lui donne un sens relatif aussi bien
quant à la façon de le créer que de l’utili-
néficiaires. Nous pouvons aussi identifier le
même enchainement de responsabilités dans
les causes immatérielles et culturelles du dé-
24 Le monde que le Pape Paul VI avait
sous les yeux, même si le processus de
socialisation était déjà suffisamment avancé
difié. Le marché devenu mondial a stimulé
avant tout, de la part de pays riches, la recher-
che de lieux où délocaliser les productions à
ser. La visée exclusive du profit, s’il est pro- veloppement et du sous-développement. Il pour qu’il puisse parler d’une question sociale bas coût dans le but de réduire les prix d’un
duit de façon mauvaise ou s’il n’a pas le bien existe des formes excessives de protection des devenue mondiale, était alors beaucoup moins grand nombre de biens, d’accroître le pouvoir
commun pour but ultime, risque de détruire connaissances de la part des pays riches à tra- intégré que celui d’aujourd’hui. L’activité éco- d’achat et donc d’accélérer le taux de crois-
la richesse et d’engendrer la pauvreté. Le dé- vers l’utilisation trop stricte du droit à la pro- nomique et la fonction politique s’exerçaient sance fondé sur une consommation accrue du
veloppement économique que Paul VI sou- priété intellectuelle, particulièrement dans le en grande partie à l’intérieur du même espace marché interne. En conséquence, le marché
haitait devait être en mesure de produire une domaine de la santé. En même temps, dans et pouvaient donc s’appuyer l’une sur l’autre. a encouragé des formes nouvelles de compé-
croissance réelle, qui s’étende à tous et soit certains pays pauvres, subsistent des modèles L’activité de production s’inscrivait princi- tition entre les Etats dans le but d’attirer les
concrètement durable. Il est vrai que le dé- culturels et des normes sociales de compor- palement à l’intérieur des frontières nationa- centres de production des entreprises étrangè-
veloppement a eu lieu et qu’il continue d’être tement qui ralentissent le processus de déve- les et les investissements financiers avaient res, à travers divers moyens, au nombre des-
un facteur positif qui a tiré de la misère des loppement. une dimension plutôt limitée à l’étranger, si quels une fiscalité avantageuse et la dérégu-
milliards de personnes et que, récemment en- bien que la politique de nombreux Etats pou- lation du monde du travail. Ces processus ont
core, il a permis à de nombreux pays de de-
venir des acteurs réels de la politique inter-
nationale. Toutefois, il faut reconnaître que
23 Bien que de façon fragile et non homo-
gène, de nombreuses régions du globe
se sont aujourd’hui développées, entrant au
vait encore fixer les priorités de l’économie
et, d’une certaine façon, en orienter le fonc-
tionnement avec les instruments dont elle dis-
entraîné l’affaiblissement des réseaux de pro-
tection sociale en contrepartie de la recher-
che de plus grands avantages de compétitivité
ce même développement économique a été et sur le marché mondial, faisant peser de gra-
continue d’être obéré par des déséquilibres et ves menaces sur les droits des travailleurs, sur
par des problèmes dramatiques, mis encore les droits fondamentaux de l’homme et sur la
davantage en relief par l’actuelle situation de solidarité mise en œuvre par les formes tra-
crise. Celle-ci nous met sans délai face à des ditionnelles de l’Etat social. Les systèmes de
choix qui sont toujours plus étroitement liés sécurité sociale peuvent perdre la capacité de
au destin même de l’homme, qui par ailleurs remplir leur mission dans les pays émergents
ne peut faire abstraction de sa nature. Les et dans les pays déjà développés, comme dans
forces techniques employées, les échanges des pays pauvres. Là, les politiques d’équili-
planétaires, les effets délétères sur l’écono- bre budgétaire, avec des coupes dans les dé-
mie réelle d’une activité financière mal uti- penses sociales, souvent recommandées par
lisée et, qui plus est, spéculative, les énor- les Institutions financières internationales,
mes flux migratoires, souvent provoqués et peuvent laisser les citoyens désarmés face
ensuite gérés de façon inappropriée, l’exploi- aux risques nouveaux et anciens. Une telle
tation anarchique des ressources de la terre, impuissance est accentuée par le manque de
nous conduisent aujourd’hui à réfléchir sur protection efficace de la part des associations
les mesures nécessaires pour résoudre des de travailleurs. L’ensemble des changements
problèmes qui non seulement sont nouveaux sociaux et économiques font que les organi-
par rapport à ceux qu’affrontait le Pape Paul sations syndicales éprouvent de plus grandes
VI, mais qui ont aussi, et surtout, un impact difficultés à remplir leur rôle de représenta-
décisif sur le bien présent et futur de l’hu- tion des intérêts des travailleurs, encore ac-
manité. Les aspects de la crise et de ses so- centuées par le fait que les gouvernements,
lutions, ainsi qu’un nouveau et possible dé- pour des raisons d’utilité économique, posent
veloppement futur, sont toujours plus liés les souvent des limites à la liberté syndicale ou à
uns aux autres. Ils s’impliquent réciproque- la capacité de négociation des syndicats eux-
ment et ils requièrent des efforts renouvelés mêmes. Les réseaux traditionnels de solida-
de compréhension globale et une nouvelle rité se trouvent ainsi contraints de surmonter
synthèse humaniste. La complexité et la gra- des obstacles toujours plus importants. L’in-
vité de la situation économique actuelle nous vitation de la doctrine sociale de l’Eglise, for-
préoccupent à juste titre, mais nous devons mulée dès Rerum novarum,60 à susciter des
assumer avec réalisme, confiance et espé- associations de travailleurs pour la défense
rance les nouvelles responsabilités auxquel- de leurs droits, est donc aujourd’hui plus per-
les nous appelle la situation d’un monde qui tinente encore qu’hier, ceci afin de donner
a besoin de se renouveler en profondeur au avant tout une réponse immédiate et clair-
niveau culturel et de redécouvrir les valeurs voyante à l’urgence d’instaurer de nouvelles
de fond sur lesquelles construire un avenir synergies au plan international comme au
meilleur. La crise nous oblige à reconsidérer plan local.
notre itinéraire, à nous donner de nouvelles La mobilité du travail, liée à la dérégle-
règles et à trouver de nouvelles formes d’en- mentation généralisée, a été un phénomène
gagement, à miser sur les expériences posi- important, qui comportait des aspects positifs
tives et à rejeter celles qui sont négatives. La par sa capacité à stimuler la création de nou-
crise devient ainsi une occasion de discer- Cuba. Eve Arnold, Magnum velles richesses et l’échange entre différentes
nement et elle met en capacité d’élaborer de cultures. Toutefois, quand l’incertitude sur les
nouveaux projets. C’est dans cette optique, conditions de travail, en raison des processus
Horizons et débats – Supplément, août 2009 Encyclique Caritas in Veritate page 5

de mobilité et de déréglementation, devient


endémique, surgissent alors des formes d’ins-
tabilité psychologique, des difficultés à cons-
naturelles ou par l’irresponsabilité politique
nationale ou internationale. Le problème de
l’insécurité alimentaire doit être affronté dans
28 Un des aspects les plus évidents du dé-
veloppement contemporain est l’im-
portance du thème du respect de la vie, qui
désirs égoïstes de leurs citoyens et promou-
voir, en revanche, des actions bénéfiques en
vue d’une production moralement saine et so-
truire un parcours personnel cohérent dans une perspective à long terme, en éliminant ne peut en aucun cas être disjoint des ques- lidaire, dans le respect du droit fondamental
l’existence, y compris à l’égard du mariage. les causes structurelles qui en sont à l’origine tions relatives au développement des peuples. de tout peuple et de toute personne à la vie.
Cela a pour conséquence l’apparition de si- et en promouvant le développement agricole Il s’agit d’un point qui depuis quelques temps
tuations humaines dégradantes, sans parler
du gaspillage social. Si l’on compare avec ce
qui se passait dans la société industrielle du
des pays les plus pauvres à travers des in-
vestissements en infrastructures rurales, en
systèmes d’irrigation, de transport, d’orga-
prend une importance toujours plus grande,
nous obligeant à élargir les concepts de pau-
vreté66 et de sous-développement aux ques-
29 Il y a encore un autre aspect de la réa-
lité d’aujourd’hui, lié de façon très
étroite au développement: c’est la négation
passé, le chômage entraîne aujourd’hui des nisation des marchés, en formation et en dif- tions liées à l’accueil de la vie, surtout là où du droit à la liberté religieuse. Je ne me ré-
aspects nouveaux de non sens économique et fusion des techniques agricoles appropriées, celle-ci est de diverses manières refusée. fère pas seulement aux luttes et aux conflits
la crise actuelle ne peut qu’aggraver une telle c’est-à-dire susceptibles d’utiliser au mieux Non seulement la pauvreté provoque en- qui, dans le monde, ont des motifs religieux,
situation. La mise à l’écart du travail pendant les ressources humaines, naturelles et socio- core dans de nombreuses régions un taux même si parfois les raisons religieuses ne
une longue période, tout comme la dépen- économiques les plus accessibles au niveau élevé de mortalité infantile, mais en plusieurs servent qu’à couvrir des raisons d’un autre
dance prolongée vis-à-vis de l’assistance pu- local, de façon à garantir aussi leur durabilité endroits du monde subsistent des pratiques genre, en l’occurrence la soif de pouvoir et
blique ou privée, minent la liberté et la créa- sur le long terme. Tout cela doit être réalisé de contrôle démographique par les instances de richesse. Comme mon prédécesseur Jean-
tivité de la personne ainsi que ses rapports en impliquant les communautés locales dans gouvernementales, qui souvent diffusent la Paul II68 l’avait publiquement dit et déploré
familiaux et sociaux avec de fortes souffran- les choix et les décisions relatives à l’usage contraception et vont jusqu’à imposer l’avor- à plusieurs reprises et ainsi que je l’ai fait
ces sur le plan psychologique et spirituel. Je des terres cultivables. Dans une telle pers- tement. Dans les pays économiquement plus moi-même, de fait, aujourd’hui on tue sou-
voudrais rappeler à tous, et surtout aux gou- pective, il serait utile de considérer les nou- développés, les législations contraires à la vie vent en invoquant le saint nom de Dieu. Les
vernants engagés à donner un nouveau profil velles frontières qui sont ouvertes par l’usage sont très répandues et ont désormais condi- violences freinent le développement authenti-
aux bases économiques et sociales du monde, correct des techniques de production agri- tionné les coutumes et les usages, contribuant que et empêchent la marche des peuples vers
que l’homme, la personne, dans son inté- cole aussi bien traditionnelles qu’innovantes, à diffuser une mentalité antinataliste que l’on un plus grand bien-être socio-économique et
grité, est le premier capital à sauvegarder et à condition que ces dernières, ayant été étu- cherche souvent à transmettre à d’autres Etats spirituel. Cela s’applique spécialement au ter-
à valoriser: «En effet, c’est l’homme qui est diées attentivement, soient reconnues conve- comme si c’était là un progrès culturel. rorisme de nature fondamentaliste,69 qui en-
l’auteur, le centre et la fin de toute la vie éco- nables, respectueuses de l’environnement et Certaines Organisations non-gouverne- gendre douleur, dévastation et mort, bloque le
nomico-sociale».61 attentives aux populations les plus défavori- mentales travaillent activement à la diffu- dialogue entre les nations et détourne d’im-
sées. En même temps, la question d’une juste sion de l’avortement, et promeuvent parfois portantes ressources de leur usage pacifique

26 Sur le plan culturel, par rapport à


l’époque de Paul VI, la différence est
encore plus marquée. Les cultures avaient
réforme agraire dans les pays en voie de dé-
veloppement ne devrait pas être négligée. Le
droit à l’alimentation, de même que le droit à
dans les pays pauvres l’adoption de la prati-
que de la stérilisation, y compris à l’insu des
femmes. Par ailleurs, ce n’est pas sans fon-
et civil. Il faut néanmoins ajouter que, outre le
fanatisme religieux qui, en certains milieux,
empêche l’exercice du droit à la liberté reli-
alors des contours plutôt bien définis et pos- l’eau, revêtent un rôle important pour l’acqui- dement que l’on peut soupçonner les aides gieuse, la promotion programmée de l’indif-
sédaient des capacités plus grandes pour se sition d’autres droits, en commençant avant au développement d’être parfois liées à cer- férence religieuse ou de l’athéisme pratique de
défendre contre les tentatives d’homogénéi- tout par le droit fondamental à la vie. Il est taines politiques sanitaires impliquant de fait la part de nombreux pays s’oppose elle aussi
sation culturelle. Aujourd’hui, les occasions donc nécessaire que se forme une conscience l’obligation d’un contrôle contraignant des aux exigences du développement des peu-
d’interaction entre les cultures ont singuliè- solidaire qui considère l’alimentation et l’ac- naissances. Sont également préoccupantes ples, en leur soustrayant l’accès aux ressour-
rement augmenté ouvrant de nouvelles pers- cès à l’eau comme droits universels de tous les législations qui admettent l’euthanasie ces spirituelles et humaines. Dieu est le ga-
pectives au dialogue interculturel; un dialo- les êtres humains, sans distinction ni discri- comme les pressions de groupes nationaux et rant du véritable développement de l’homme,
gue qui, pour être réel, doit avoir pour point mination.65 Il est en outre important de sou- internationaux qui en revendiquent la recon- dans la mesure où, l’ayant créé à son image, Il
de départ la conscience profonde de l’iden- ligner combien la voie de la solidarité pour le naissance juridique. en fonde aussi la dignité transcendante et ali-
tité spécifique des différents interlocuteurs. développement des pays pauvres peut consti- L’ouverture à la vie est au centre du vrai mente en lui la soif d’«être plus». L’homme
On ne doit toutefois pas négliger le fait que tuer un projet de solution de la crise mondiale développement. Quand une société s’oriente n’est pas un atome perdu dans un univers de
la marchandisation accrue des échanges cul- actuelle, comme des hommes politiques et vers le refus et la suppression de la vie, elle hasard,70 mais il est une créature de Dieu, à
turels favorise aujourd’hui un double danger. des responsables d’Institutions internationa- finit par ne plus trouver les motivations et qui Il a voulu donner une âme immortelle et
On note, en premier lieu, un éclectisme cultu- les l’ont mis en évidence ces derniers temps. les énergies nécessaires pour œuvrer au ser- qu’Il aime depuis toujours. Si l’homme n’était
rel assumé souvent de façon non-critique: les En soutenant les pays économiquement pau- vice du vrai bien de l’homme. Si la sensibilité que le fruit du hasard ou de la nécessité, ou
cultures sont simplement mises côte à côte et vres par des plans de financement inspirés personnelle et sociale à l’accueil d’une nou- bien s’il devait réduire ses aspirations à l’ho-
considérées comme substantiellement équiva- par la solidarité, pour qu’ils pourvoient eux- velle vie se perd, alors d’autres formes d’ac- rizon restreint des situations dans lesquelles
lentes et interchangeables entre elles. Cela fa- mêmes à la satisfaction de la demande de cueil utiles à la vie sociale se dessèchent.67 il vit, si tout n’était qu’histoire et culture et
vorise un glissement vers un relativisme qui biens de consommation et de développement L’accueil de la vie trempe les énergies mora- si l’homme n’avait pas une nature destinée à
n’encourage pas le vrai dialogue interculturel; provenant de leurs propres citoyens, non seu- les et nous rend capables de nous aider mu- être transcendée dans une vie surnaturelle, on
sur le plan social, le relativisme culturel con- lement on peut produire une vraie croissance tuellement. En cultivant l’ouverture à la vie, pourrait parler de croissance ou d’évolution,
duit effectivement les groupes culturels à se économique, mais on peut aussi concourir à les peuples riches peuvent mieux percevoir mais pas de développement. Quand l’Etat pro-
rapprocher et à coexister, mais sans dialogue soutenir les capacités de production des pays les besoins de ceux qui sont pauvres, éviter meut, enseigne, ou même impose, des formes
authentique et, donc, sans véritable intégra- riches qui risquent d’être compromises par la d’employer d’importantes ressources écono- d’athéisme pratique, il soustrait à ses citoyens
tion. En second lieu, il existe un danger cons- crise. miques et intellectuelles pour satisfaire les la force morale et spirituelle indispensable
titué par le nivellement culturel et par l’uni- pour s’engager en faveur du développement
formisation des comportements et des styles humain intégral et il les empêche d’avancer
de vie. De cette manière, la signification pro- avec un dynamisme renouvelé dans leur en-
fonde de la culture des différentes nations, gagement pour donner une réponse humaine
des traditions des divers peuples, à l’intérieur plus généreuse à l’amour de Dieu.71 Il arrive
desquelles la personne affronte les questions aussi que les pays économiquement dévelop-
fondamentales de l’existence en vient à dis- pés ou émergents exportent vers les pays pau-
paraître.62 Eclectisme et nivellement cultu- vres, dans le contexte de leur rapports cultu-
rel ont en commun de séparer la culture de rels, commerciaux et politiques, cette vision
la nature humaine. Ainsi, les cultures ne sa- réductrice de la personne et de sa destinée.
vent plus trouver leur mesure dans une nature C’est le dommage que le «surdéveloppe-
qui les transcende,63 et elles finissent par ré- ment»72 inflige au développement authenti-
duire l’homme à un donné purement cultu- que, quand il s’accompagne d’un «sous-déve-
rel. Quand cela advient, l’humanité court de loppement moral».73
nouveaux périls d’asservissement et de ma-
nipulation.
30 Dans cette perspective, le thème du
développement humain intégral revêt

27 Dans bien des pays pauvres, l’extrême


insécurité vitale, qui est la consé-
quence des carences alimentaires, demeure
une portée encore plus complexe: la corré-
lation entre ses multiples composantes exige
qu’on s’efforce de faire interagir les divers
et risque de s’aggraver: la faim fauche encore niveaux du savoir humain en vue de la pro-
de très nombreuses victimes comme autant motion d’un vrai développement des peuples.
de Lazare auxquels il n’est pas permis de On estime souvent que le développement, ou
s’asseoir, comme le souhaitait Paul VI, à la les mesures socio-économiques qui s’y rap-
table du mauvais riche.64 Donner à manger portent, demandent seulement à être mis en
aux affamés (cf. Mt 25, 35.37.42) est un im- œuvre comme fruit d’un agir commun. Toute-
pératif éthique pour l’Eglise universelle, qui fois, cet agir commun a besoin d’être orienté,
répond aux enseignements de solidarité et de parce que «toute action sociale engage une
partage de son Fondateur, le Seigneur Jésus. doctrine».74 Compte tenu de la complexité
Eliminer la faim dans le monde est devenu, des problèmes, il est évident que les différen-
par ailleurs, à l’ère de la mondialisation, une tes disciplines scientifiques doivent collabo-
exigence à poursuivre pour sauvegarder la rer dans une interdisciplinarité ordonnée. La
paix et la stabilité de la planète. La faim ne charité n’exclut pas le savoir, mais le réclame,
dépend pas tant d’une carence de ressources le promeut et l’anime de l’intérieur. Le savoir
matérielles, que d’une carence de ressour- Inde. Satyajit Ray n’est jamais seulement l’œuvre de l’intelli-
ces sociales, la plus importante d’entre elles gence. Il peut certainement être réduit à des
étant de nature institutionnelle. Il manque en calculs ou à des expériences, mais s’il veut
effet une organisation des institutions écono- être une sagesse capable de guider l’homme
miques qui soit en mesure aussi bien de ga- à la lumière des principes premiers et de
rantir un accès régulier et adapté du point de ses fins dernières, il doit être «relevé» avec
vue nutritionnel à la nourriture et à l’eau, que le «sel» de la charité. Le faire sans le savoir
de faire face aux nécessités liées aux besoins est aveugle et le savoir sans amour est stérile.
primaires et aux urgences des véritables cri- En fait, «celui qui est animé d’une vraie cha-
ses alimentaires, provoquées par des causes rité est ingénieux à découvrir les causes de
page 6 Encyclique Caritas in Veritate Horizons et débats – Supplément, août 2009

la misère, à trouver les moyens de la com- humaines, dans la mesure où le travailleur duits provenant des pays pauvres d’entrer sur même, de sa vie et de la société. C’est là une
battre, à la vaincre résolument».75 Face aux tend à s’adapter passivement aux mécanismes leurs marchés. En revanche, d’autres causes présomption, qui dérive de la fermeture égo-
phénomènes auxquels nous sommes confron- automatiques, au lieu de libérer sa créativité. que l’encyclique avait seulement effleurées, ïste sur lui-même, qui provient – pour parler
tés, l’amour dans la vérité demande d’abord Sur ce point également, il existe une conver- se sont manifestées ensuite plus clairement. en termes de foi – du péché des origines. La
et avant tout à connaître et à comprendre, gence entre science économique et évalua- C’est le cas pour l’évaluation du processus de sagesse de l’Eglise a toujours proposé de tenir
en reconnaissant et en respectant la compé- tion morale. Les coûts humains sont toujours décolonisation, alors en plein déroulement; compte du péché originel même dans l’inter-
tence spécifique propre à chaque champ du aussi des coûts économiques et les dysfonc- Paul VI souhaitait un chemin d’autonomie prétation des faits sociaux et dans la construc-
savoir. La charité n’est pas une adjonction tionnements économiques entraînent toujours à parcourir dans la liberté et dans la paix. tion de la société: «Ignorer que l’homme a une
supplémentaire, comme un appendice au tra- des coûts humains. Après plus de quarante ans, nous devons re- nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à
vail une fois achevé des diverses disciplines, Il convient également de rappeler que la connaître combien ce parcours a été difficile, de graves erreurs dans le domaine de l’éduca-
mais au contraire elle dialogue avec elles du réduction des cultures à la dimension tech- aussi bien à cause de nouvelles formes de co- tion, de la politique, de l’action sociale et des
début à la fin. Les exigences de l’amour ne nologique, si elle peut favoriser à court terme lonialisme et de dépendance à l’égard d’an- mœurs».85 A la liste des domaines où se ma-
contredisent pas celles de la raison. Le savoir la réalisation de profits, constitue un obstacle ciens comme de nouveaux pays dominants, nifestent les effets pernicieux du péché, s’est
humain est insuffisant et les conclusions des à long terme à l’enrichissement réciproque et qu’en raison de graves irresponsabilités inter- ajouté depuis longtemps déjà celui de l’écono-
sciences ne pourront pas, à elles seules, indi- aux dynamiques de collaboration. Il est im- nes aux pays devenus indépendants. mie. Nous en avons une nouvelle preuve, évi-
quer le chemin vers le développement intégral portant de distinguer entre les considérations La nouveauté majeure a été l’explosion dente, en ces temps-ci. La conviction d’être
de l’homme. Il est toujours nécessaire d’al- économiques ou sociologiques à court et à de l’interdépendance planétaire, désor- autosuffisant et d’être capable d’éliminer le
ler plus loin: l’amour dans la vérité le com- long terme. L’abaissement du niveau de pro- mais communément appelée mondialisa- mal présent dans l’histoire uniquement par sa
mande.76 Aller au-delà, néanmoins, ne signi- tection des droits des travailleurs et l’abandon tion. Paul VI l’avait déjà partiellement pré- seule action a poussé l’homme à faire coïn-
fie jamais faire abstraction des conclusions de des mécanismes de redistribution des revenus vue, mais les termes et la force avec laquelle cider le bonheur et le salut avec des formes
la raison ni contredire ses résultats. Il n’y a pour donner au pays une plus grande compé- elle s’est développée sont surprenants. Né au immanentes de bien-être matériel et d’action
pas l’intelligence puis l’amour: il y a l’amour titivité internationale gênent la consolidation sein des pays économiquement développés, sociale. De plus, la conviction de l’exigence
riche d’intelligence et l’intelligence pleine d’un développement à long terme. On doit ce processus par sa nature a produit une intri- d’autonomie de l’économie, qui ne doit pas
d’amour. alors évaluer attentivement les conséquences cation de toutes les économies. Celui-ci a été tolérer «d’influences» de caractère moral, a
sur les personnes des tendances actuelles vers le principal moteur pour que des régions en- conduit l’homme à abuser de l’instrument

31 Cela signifie que les évaluations mo-


rales et la recherche scientifique doi-
vent croître ensemble et que la charité doit
une économie du court, voire du très court
terme. Cela demande une réflexion nouvelle
et approfondie sur le sens de l’économie et
tières sortent du sous-développement et il re-
présente en soi une grande opportunité. Tou-
tefois, sans l’orientation de l’amour dans la
économique y compris de façon destructrice.
A la longue, ces convictions ont conduit à des
systèmes économiques, sociaux et politiques
les animer en un ensemble interdisciplinaire de ses fins,84 ainsi qu’une révision profonde vérité, cet élan planétaire risque de provoquer qui ont foulé aux pieds la liberté de la per-
harmonieux, fait d’unité et de distinction. La et clairvoyante du modèle de développement des dommages inconnus jusqu’alors ainsi que sonne et des corps sociaux et qui, précisé-
doctrine sociale de l’Eglise, qui a «une im- pour en corriger les dysfonctionnements et de nouvelles fractures au sein de la famille ment pour cette raison, n’ont pas été en me-
portante dimension interdisciplinaire»,77 peut les déséquilibres. C’est ce qu’exige, en outre, humaine. C’est pourquoi l’amour et la vérité sure d’assurer la justice qu’ils promettaient.
remplir, dans cette perspective, une fonction l’état de santé écologique de la planète et sur- nous placent devant une tâche inédite et créa- Comme je l’ai affirmé dans mon encyclique
d’une efficacité extraordinaire. Celle-ci per- tout ce qu’appelle la crise culturelle et morale trice, assurément vaste et complexe. Il s’agit Spe salvi, de cette manière on retranche de
met à la foi, à la théologie, à la métaphysique de l’homme, dont les symptômes sont depuis d’élargir la raison et de la rendre capable de l’histoire l’espérance chrétienne,86 qui est au
et aux sciences de trouver leur place en colla- longtemps évidents partout dans le monde. comprendre et d’orienter ces nouvelles dy- contraire une puissante ressource sociale au
borant au service de l’homme. C’est ici sur- namiques de grande ampleur, en les animant service du développement humain intégral,
tout que la doctrine sociale de l’Eglise con-
crétise sa dimension sapientielle. Paul VI
avait vu clairement que parmi les causes du
33 Plus de quarante ans après la parution
de Populorum progressio, sa thémati-
que de fond, le progrès, demeure un problème
dans la perspective de cette «civilisation de
l’amour» dont Dieu a semé le germe dans
chaque peuple et dans chaque culture.
recherché dans la liberté et dans la justice.
L’espérance encourage la raison et lui donne
la force d’orienter la volonté.87 Elle est déjà
sous-développement, il y a un manque de sa- en suspens, rendu plus aigu et urgent en raison présente dans la foi qui la suscite. La charité
gesse, de réflexion, de pensée capable de réa- de la crise économique et financière actuelle. CHAPITRE III dans la vérité s’en nourrit et, en même temps,
liser une synthèse directrice,78 pour laquelle Si certaines régions du globe, autrefois mar- la manifeste. Etant un don de Dieu absolu-
«une claire vision de tous les aspects écono- quées par la pauvreté, ont connu des change- Fraternite, developpement economique ment gratuit, elle fait irruption dans notre vie
miques, sociaux, culturels et spirituels»79 est ments notables en termes de croissance éco- et societe civile comme quelque chose qui n’est pas dû, qui
exigée. Le morcellement excessif du savoir,80 nomique et de participation à la production transcende toute loi de justice. Le don par sa
la fermeture des sciences humaines à la mé-
taphysique,81 les difficultés du dialogue entre
les sciences et la théologie portent préjudice
mondiale, d’autres régions sont encore plon-
gées dans une situation de misère compara-
ble à celle qui existait au temps de Paul VI.
34 L’amour dans la vérité place l’homme
devant l’étonnante expérience du don.
La gratuité est présente dans sa vie sous de
nature surpasse le mérite, sa règle est la su-
rabondance. Il nous précède dans notre âme
elle-même comme le signe de la présence de
non seulement au développement du savoir, Dans certains cas, on peut même parler d’une multiples formes qui souvent ne sont pas re- Dieu en nous et de son attente à notre égard.
mais aussi au développement des peuples car, réelle aggravation. Il est significatif que plu- connues en raison d’une vision de l’existence La vérité qui, à l’égal de la charité, est un
quand cela se vérifie, il devient plus difficile sieurs causes de cette situation aient déjà été purement productiviste et utilitariste. L’être don, est plus grande que nous, comme l’en-
de distinguer le bien intégral de l’homme identifiées par Populorum progressio, comme humain est fait pour le don; c’est le don qui seigne saint Augustin.88 De même, notre vé-
dans les différentes dimensions qui le carac- par exemple les tarifs douaniers élevés impo- exprime et réalise sa dimension de transcen- rité propre, celle de notre conscience person-
térisent. L’«élargissement de notre conception sés par les pays économiquement développés dance. L’homme moderne est parfois con- nelle, nous est avant tout «donnée». Dans tout
et de notre usage de la raison»82 est indispen- et qui empêchent encore aujourd’hui les pro- vaincu, à tort, d’être le seul auteur de lui- processus cognitif, en effet, la vérité n’est pas
sable pour réussir à peser adéquatement tous produite par nous, mais elle est toujours dé-
les termes de la question du développement couverte ou, mieux, reçue. Comme l’amour,
et de la solution des problèmes socio-écono- elle «ne naît pas de la pensée ou de la vo-
miques. lonté mais, pour ainsi dire, s’impose à l’être
humain».89

32 Les grandes nouveautés, que le do-


maine du développement des peuples
présente aujourd’hui, appellent en de nom-
Parce qu’elle est un don que tous reçoi-
vent, la charité dans la vérité est une force qui
constitue la communauté, unifie les hommes
breux cas des solutions neuves. Celles-ci doi- de telle manière qu’il n’y ait plus de barrières
vent être recherchées en même temps dans le ni de limites. Nous pouvons par nous-mêmes
respect des lois propres à chaque réalité et à constituer la communauté des hommes, mais
la lumière d’une vision intégrale de l’homme celle-ci ne pourra jamais être, par ses seu-
qui prend en compte les différents aspects les forces, une communauté pleinement fra-
de la personne humaine, considérée avec un ternelle ni excéder ses propres limites, c’est-
regard purifié par la charité. On découvrira à-dire devenir une communauté vraiment
alors de singulières convergences et des pos- universelle: l’unité du genre humain, com-
sibilités concrètes de solution, sans renoncer munion fraternelle dépassant toutes divisions,
à aucune composante fondamentale de la vie naît de l’appel formulé par la parole du Dieu-
humaine. Amour. En affrontant cette question décisive,
La dignité de la personne et les exigen- nous devons préciser, d’une part, que la logi-
ces de la justice demandent, aujourd’hui sur- que du don n’exclut pas la justice et qu’elle
tout, que les choix économiques ne fassent ne se juxtapose pas à elle dans un second
pas augmenter de façon excessive et morale- temps et de l’extérieur et d’autre part, que si
ment inacceptable les écarts de richesse83 et le développement économique, social et po-
que l’on continue à se donner comme objec- litique veut être authentiquement humain, il
tif prioritaire l’accès au travail ou son main- doit prendre en considération le principe de
tien, pour tous. Tout bien considéré, c’est gratuité comme expression de fraternité.
ce que la «raison économique» exige aussi.
L’accroissement systémique des inégalités
entre les groupes sociaux à l’intérieur d’un
même pays et entre les populations des diffé-
35 Lorsqu’il est fondé sur une confiance
réciproque et générale, le marché est
l’institution économique qui permet aux per-
rents pays, c’est-à-dire l’augmentation mas- sonnes de se rencontrer, en tant qu’agents
sive de la pauvreté au sens relatif, non seule- économiques, utilisant le contrat pour ré-
ment tend à saper la cohésion sociale et met Autriche. Emil Obrovsky gler leurs relations et échangeant des biens
ainsi en danger la démocratie, mais a aussi un et des services fongibles entre eux pour sa-
impact négatif sur le plan économique à tra- tisfaire leurs besoins et leurs désirs. Le mar-
vers l’érosion progressive du «capital social», ché est soumis aux principes de la justice dite
c’est-à-dire de cet ensemble de relations de commutative, qui règle justement les rapports
confiance, de fiabilité, de respect des règles, du donner et du recevoir entre sujets égaux.
indispensables à toute coexistence civile. Mais la doctrine sociale de l’Eglise n’a jamais
C’est encore la science économique qui cessé de mettre en évidence l’importance de
nous montre qu’une situation structurelle la justice distributive et de la justice sociale
d’insécurité génère des comportements anti pour l’économie de marché elle-même, non
productifs et des gaspillages de ressources seulement parce qu’elle est insérée dans les
Horizons et débats – Supplément, août 2009 Encyclique Caritas in Veritate page 7

maillons d’un contexte social et politique plus


vaste, mais aussi à cause de la trame des rela-
tions dans lesquelles elle se réalise. En effet,
des le principe de gratuité et la logique du
don, comme expression de la fraternité, peu-
vent et doivent trouver leur place à l’inté-
don. L’économie mondialisée semble privi-
légier la première logique, celle de l’échange
contractuel mais, directement ou indirecte-
39 Dans Populorum progressio, Paul VI
demandait que soit défini un modèle
d’économie de marché capable d’intégrer,
abandonné au seul principe de l’équivalence rieur de l’activité économique normale. C’est ment, elle montre qu’elle a aussi besoin des au moins tendanciellement, tous les peuples
de valeur des biens échangés, le marché n’ar- une exigence de l’homme de ce temps, mais deux autres, de la logique politique et de la et non seulement ceux qui étaient en mesure
rive pas à produire la cohésion sociale dont il aussi une exigence de la raison économique logique du don sans contrepartie. d’y prendre part. Il demandait que le mar-
a pourtant besoin pour bien fonctionner. Sans elle-même. C’est une exigence conjointe de ché international soit le reflet d’un monde où
formes internes de solidarité et de confiance
réciproque, le marché ne peut pleinement
la charité et de la vérité.
38 Mon prédécesseur Jean-Paul II avait si-
gnalé cette problématique quand, dans
«tous auront à donner et à recevoir, sans que
le progrès des uns soit un obstacle au déve-
remplir sa fonction économique. Aujourd’hui,
c’est cette confiance qui fait défaut, et la perte
de confiance est une perte grave.
37 La doctrine sociale de l’Eglise a tou-
jours soutenu que la justice se rapporte
à toutes les phases de l’activité économique,
Centesimus annus, il avait relevé la nécessité
d’un système impliquant trois sujets: le mar-
ché, l’Etat et la société civile.92 Il avait iden-
loppement des autres».94 De cette manière, il
étendait au niveau universel les requêtes et
les aspirations déjà contenues dans Rerum
Dans Populorum progressio, Paul VI sou- parce qu’elle concerne toujours l’homme et tifié la société civile comme le cadre le plus novarum, où pour la première fois, à la suite
lignait de façon opportune le fait que le sys- ses exigences. La découverte des ressources, approprié pour une économie de la gratuité et de la révolution industrielle, était affirmée
tème économique lui-même aurait tiré avan- les financements, la production, la consom- de la fraternité, mais il ne voulait pas l’exclure l’idée – assurément avancée pour l’époque
tage des pratiques généralisées de justice, car mation et toutes les autres phases du cycle des deux autres domaines. Aujourd’hui, nous – que pour subsister l’ordre civil avait be-
les premiers à tirer bénéfice du développe- économique ont inéluctablement des impli- pouvons dire que la vie économique doit être soin aussi de l’intervention redistributive de
ment des pays pauvres auraient été les pays cations morales. Ainsi toute décision écono- comprise comme une réalité à plusieurs di- l’Etat. Aujourd’hui cette vision est non seu-
riches.90 Il ne s’agit pas seulement de corri- mique a-t-elle une conséquence de caractère mensions: en chacune d’elles, à divers degrés lement remise en question par les processus
ger des dysfonctionnements par l’assistance. moral. Les sciences sociales et les tendances et selon des modalités spécifiques, l’aspect de d’ouverture des marchés et des sociétés, mais
Les pauvres ne sont pas à considérer comme de l’économie contemporaine le confirment la réciprocité fraternelle doit être présent. A elle apparaît aussi incomplète pour satisfaire
un «fardeau»,91 mais au contraire comme une également. Peut-être fut-il un temps pensa- l’époque de la mondialisation, l’activité éco- les exigences d’une économie pleinement hu-
ressource, même du point de vue strictement ble de confier en premier lieu à l’économie nomique ne peut faire abstraction de la gra- maine. Ce que la doctrine sociale de l’Eglise
économique. Il faut considérer comme erro- la tâche de produire des richesses, remettant tuité, qui répand et alimente la solidarité et la a toujours soutenu, en partant de sa vision de
née la conception de certains qui pensent que ensuite à la politique la tâche de les distri- responsabilité pour la justice et pour le bien l’homme et de la société, est aujourd’hui re-
l’économie de marché a structurellement be- buer. Tout ceci se révèle aujourd’hui plus dif- commun auprès de ses différents sujets et ac- quis aussi par les dynamiques caractéristi-
soin d’un quota de pauvreté et de sous-dé- ficile, puisque les activités économiques ne teurs. Il s’agit, en réalité, d’une forme con- ques de la mondialisation.
veloppement pour pouvoir fonctionner au sont pas confinées à l’intérieur des limites crète et profonde de démocratie économique. Quand la logique du marché et celle de
mieux. L’intérêt du marché est de promou- territoriales, alors que l’autorité des gouver- La solidarité signifie avant tout se sentir tous l’Etat s’accordent entre elles pour perpétuer
voir l’émancipation, mais pour le faire vrai- nements continue à être essentiellement lo- responsables de tous,93 elle ne peut donc être le monopole de leurs domaines respectifs
ment il ne peut pas compter seulement sur cale. C’est pourquoi les règles de la justice déléguée seulement à l’Etat. Si hier on pou- d’influence, la solidarité dans les relations
lui-même, car il n’est pas en mesure de pro- doivent être respectées dès la mise en route vait penser qu’il fallait d’abord rechercher la entre les citoyens s’amoindrit à la longue,
duire de lui-même ce qui est au-delà de ses du processus économique, et non avant, après justice et que la gratuité devait intervenir en- de même que la participation et l’adhésion,
possibilités. Il doit puiser des énergies mora- ou parallèlement. Il est nécessaire aussi que, suite comme un complément, aujourd’hui, l’agir gratuit, qui sont d’une nature diffé-
les auprès d’autres sujets, qui sont capables sur le marché, soient ouverts des espaces aux il faut dire que sans la gratuité on ne par- rente du donner pour avoir, spécifique à la
de les faire naître. activités économiques réalisées par des sujets vient même pas à réaliser la justice. Il faut, logique de l’échange, et du donner par de-
qui choisissent librement de conformer leur par conséquent, un marché sur lequel des en- voir, qui est propre à l’action publique, ré-

36 L’activité économique ne peut résou-


dre tous les problèmes sociaux par la
simple extension de la logique marchande.
propre agir à des principes différents de ceux
du seul profit, sans pour cela renoncer à pro-
duire de la valeur économique. Les nombreux
treprises qui poursuivent des buts institution-
nels différents puissent agir librement, dans
des conditions équitables. A côté de l’entre-
glée par les lois de l’Etat. Vaincre le sous-dé-
veloppement demande d’agir non seulement
en vue de l’amélioration des transactions fon-
Celle-là doit viser la recherche du bien com- types d’économie qui tirent leur origine d’ini- prise privée tournée vers le profit, et des di- dées sur l’échange et des prestations sociales,
mun, que la communauté politique d’abord tiatives religieuses et laïques, démontrent que vers types d’entreprises publiques, il est op- mais surtout sur l’ouverture progressive, dans
doit aussi prendre en charge. C’est pourquoi il cela est concrètement possible. portun que les organisations productrices qui un contexte mondial, à des formes d’activité
faut avoir présent à l’esprit que séparer l’agir A l’époque de la mondialisation, l’éco- poursuivent des buts mutualistes et sociaux économique caractérisées par une part de
économique, à qui il reviendrait seulement de nomie pâtit de modèles de compétition liés puissent s’implanter et se développer. C’est de gratuité et de communion. Le binôme exclu-
produire de la richesse, de l’agir politique, à à des cultures très différentes les unes des leur confrontation réciproque sur le marché sif marché-Etat corrode la socialité, alors que
qui il reviendrait de rechercher la justice au autres. Les comportements économiques et que l’on peut espérer une sorte d’hybridation les formes économiques solidaires, qui trou-
moyen de la redistribution, est une cause de industriels qui en découlent, trouvent généra- des comportements d’entreprise et donc une vent leur terrain le meilleur dans la société
graves déséquilibres. lement un point de rencontre dans le respect attention vigilante à la civilisation de l’éco- civile sans se limiter à elle, créent de la so-
L’Eglise a toujours estimé que l’agir éco- de la justice commutative. La vie économique nomie. La charité dans la vérité, dans ce cas, cialité. Le marché de la gratuité n’existe pas
nomique ne doit pas être considéré comme a sans aucun doute besoin du contrat pour ré- signifie qu’il faut donner forme et organisa- et on ne peut imposer par la loi des compor-
antisocial. Le marché n’est pas de soi, et ne glementer les relations d’échange entre va- tion aux activités économiques qui, sans nier tements gratuits. Pourtant, aussi bien le mar-
doit donc pas devenir, le lieu de la domina- leurs équivalentes. Mais elle a tout autant le profit, entendent aller au-delà de la logi- ché que la politique ont besoin de personnes
tion du fort sur le faible. La société ne doit besoin de lois justes et de formes de redis- que de l’échange des équivalents et du profit ouvertes au don réciproque.
pas se protéger du marché, comme si le dé- tribution guidées par la politique, ainsi que comme but en soi.
veloppement de ce dernier comportait ipso
facto l’extinction des relations authentique-
ment humaines. Il est certainement vrai que
d’œuvres qui soient marquées par l’esprit du
40 Les dynamiques économiques interna-
tionales actuelles, caractérisées par de
graves déviances et des dysfonctionnements,
le marché peut être orienté de façon négative, appellent également de profonds change-
non parce que c’est là sa nature, mais parce ments dans la façon de concevoir l’entre-
qu’une certaine idéologie peut l’orienter en prise. D’anciennes formes de la vie des en-
ce sens. Il ne faut pas oublier que le marché treprises disparaissent, tandis que d’autres,
n’existe pas à l’état pur. Il tire sa forme des prometteuses, se dessinent à l’horizon. Un des
configurations culturelles qui le caractérisent risques les plus grands est sans aucun doute
et l’orientent. En effet, l’économie et la fi- que l’entreprise soit presque exclusivement
nance, en tant qu’instruments, peuvent être soumise à celui qui investit en elle et que sa
mal utilisées quand celui qui les gère n’a valeur sociale finisse ainsi par être amoin-
comme point de référence que des intérêts drie. En raison de la croissance de leurs di-
égoïstes. Ainsi peut-on arriver à transformer mensions et au besoin de capitaux toujours
des instruments bons en eux mêmes en ins- plus importants, les entreprises ont de moins
truments nuisibles. Mais c’est la raison obs- en moins à leur tête un entrepreneur stable
curcie de l’homme qui produit ces consé- qui soit responsable à long terme de la vie
quences, non l’instrument lui-même. C’est et des résultats de l’entreprise et pas seule-
pourquoi, ce n’est pas l’instrument qui doit ment à court terme, et elles sont aussi tou-
être mis en cause mais l’homme, sa cons- jours moins liées à un territoire unique. En
cience morale et sa responsabilité person- outre, la fameuse délocalisation de l’activité
nelle et sociale. productive peut atténuer chez l’entrepreneur
La doctrine sociale de l’Eglise estime le sens de ses responsabilités vis-à-vis des
que des relations authentiquement humai- porteurs d’intérêts, tels que les travailleurs,
nes, d’amitié et de socialité, de solidarité et les fournisseurs, les consommateurs, l’envi-
de réciprocité, peuvent également être vé- ronnement naturel et, plus largement, la so-
cues même au sein de l’activité économique ciété environnante, au profit des actionnaires,
et pas seulement en dehors d’elle ou «après» qui ne sont pas liés à un lieu spécifique et qui
elle. La sphère économique n’est, par nature, jouissent donc d’une extraordinaire mobilité.
ni éthiquement neutre ni inhumaine et antiso- En effet, le marché international des capitaux
ciale. Elle appartient à l’activité de l’homme offre aujourd’hui une grande liberté d’action.
et, justement parce qu’humaine, elle doit être Il est vrai cependant que l’on prend toujours
structurée et organisée institutionnellement davantage conscience de la nécessité d’une
de façon éthique. plus ample «responsabilité sociale» de l’en-
Le grand défi qui se présente à nous, qui treprise. Même si les positions éthiques qui
ressort des problématiques du développe- guident aujourd’hui le débat sur la responsa-
ment en cette période de mondialisation et bilité sociale de l’entreprise ne sont pas tou-
qui est rendu encore plus pressant par la crise tes acceptables selon la perspective de la doc-
économique et financière, est celui de mon- trine sociale de l’Eglise, c’est un fait que se
trer, au niveau de la pensée comme des com- répand toujours plus la conviction selon la-
portements, que non seulement les principes quelle la gestion de l’entreprise ne peut pas
traditionnels de l’éthique sociale, tels que la tenir compte des intérêts de ses seuls proprié-
transparence, l’honnêteté et la responsabilité taires, mais aussi de ceux de toutes les autres
ne peuvent être négligées ou sous-évaluées, catégories de sujets qui contribuent à la vie
mais aussi que dans les relations marchan- Inde. Howard Sochurek, Life de l’entreprise: les travailleurs, les clients, les
page 8 Encyclique Caritas in Veritate Horizons et débats – Supplément, août 2009

fournisseurs des divers éléments de la pro- férencié sur le plan mondial, ainsi doit-on responsabilités respectives prises aussi bien ce sont les peuples des pays développés eux-
duction, les communautés humaines qui en promouvoir une autorité politique répartie par des individus que par la collectivité. Le mêmes qui ont fini par en profiter, eux qui
dépendent. Ces dernières années, on a vu la et active sur plusieurs plans. L’économie in- dépassement des frontières n’est pas seule- ont pu mieux exploiter le processus de libé-
croissance d’une classe cosmopolite de mana- tégrée de notre époque n’élimine pas le rôle ment un fait matériel, mais il est aussi cul- ralisation des mouvements de capitaux et du
gers qui, souvent, ne répondent qu’aux indica- des Etats, elle engage plutôt les gouverne- turel dans ses causes et dans ses effets. Si on travail. La diffusion du bien-être à l’échelle
tions des actionnaires de référence, constitués ments à une plus forte collaboration récipro- regarde la mondialisation de façon détermi- mondiale ne doit donc pas être freinée par
en général par des fonds anonymes qui fixent que. La sagesse et la prudence nous suggè- niste, les critères pour l’évaluer et l’orienter se des projets égoïstes, protectionnistes ou dic-
de fait leurs rémunérations. Cela n’empêche rent de ne pas proclamer trop hâtivement la perdent. C’est une réalité humaine et elle peut tés par des intérêts particuliers. En effet, l’im-
pas qu’aujourd’hui il y ait de nombreux ma- fin de l’Etat. Lié à la solution de la crise ac- avoir en amont diverses orientations culturel- plication des pays émergents ou en voie de
nagers qui, grâce à des analyses clairvoyan- tuelle, son rôle semble destiné à croître, tan- les sur lesquelles il faut exercer un discerne- développement permet aujourd’hui de mieux
tes, se rendent compte toujours davantage des dis qu’il récupère nombre de ses compéten- ment. La vérité de la mondialisation comme gérer la crise. La transition inhérente au pro-
liens profonds de leur entreprise avec le ter- ces. Il y a aussi des nations pour lesquelles processus et sa nature éthique fondamentale cessus de mondialisation présente des diffi-
ritoire ou avec les territoires où elle opère. la construction ou la reconstruction de l’Etat dérivent de l’unité de la famille humaine et de cultés et des dangers importants, qui pourront
Paul VI invitait à évaluer sérieusement le pré- continue d’être un élément clé de leur dé- son développement dans le bien. Il faut donc être surmontés seulement si on sait prendre
judice que le transfert de capitaux à l’étranger veloppement. L’aide internationale à l’inté- travailler sans cesse afin de favoriser une conscience de cette dimension anthropolo-
exclusivement en vue d’un profit personnel, rieur d’un projet de solidarité ciblé en vue de orientation culturelle personnaliste et com- gique et éthique, qui pousse profondément
peut causer à la nation elle-même.95 Jean- la solution des problèmes économiques ac- munautaire, ouverte à la transcendance, du la mondialisation elle-même vers des objec-
Paul II observait qu’investir, outre sa signifi- tuels, devrait en premier lieu soutenir la con- processus d’intégration planétaire. tifs d’humanisation solidaire. Malheureuse-
cation économique, revêt toujours une signi- solidation de systèmes constitutionnels, ju- Malgré certaines de ses dimensions struc- ment cette dimension est souvent dominée et
fication morale.96 Tout ceci – il faut le redire ridiques, administratifs dans les pays qui ne turelles qui ne doivent pas être niées, ni ab- étouffée par des perspectives éthiques et cul-
– est valable aujourd’hui encore, bien que le jouissent pas encore pleinement de ces biens. solutisées, «la mondialisation, a priori, n’est turelles de nature individualiste et utilitariste.
marché des capitaux ait été fortement libéra- A côté des aides économiques, il doit y avoir ni bonne ni mauvaise. Elle sera ce que les La mondialisation est un phénomène multi-
lisé et que les mentalités technologiques mo- celles qui ont pour but de renforcer les ga- personnes en feront».104 Nous ne devons pas dimensionnel et polyvalent, qui exige d’être
dernes puissent conduire à penser qu’inves- ranties propres de l’Etat de droit, un système en être les victimes, mais les protagonistes, saisi dans la diversité et dans l’unité de tous
tir soit seulement un fait technique et non pas d’ordre public et de détention efficaces dans avançant avec bon sens, guidés par la charité ses aspects, y compris sa dimension théolo-
aussi humain et éthique. Il n’y a pas de rai- le respect des droits humains, des institutions et par la vérité. S’y opposer aveuglément se- gique. Cela permettra de vivre et d’orienter
son de nier qu’un certain capital, s’il est in- vraiment démocratiques. Il n’est pas néces- rait une attitude erronée, préconçue, qui fi- la mondialisation de l’humanité en termes de
vesti à l’étranger plutôt que dans sa patrie, saire que l’Etat ait partout les mêmes carac- nirait par ignorer un processus porteur d’as- relationnalité, de communion et de partage.
puisse faire du bien. Cependant les requêtes téristiques: le soutien aux systèmes constitu- pects positifs, avec le risque de perdre une
de la justice doivent être sauvegardées, en te- tionnels faibles en vue de leur renforcement grande occasion de saisir les multiples op- CHAPITRE IV
nant compte aussi de la façon dont ce capital peut très bien s’accompagner du dévelop- portunités de développement qu’elle offre.
a été constitué et des préjudices causés aux pement d’autres sujets politiques, de nature Les processus de mondialisation, convena- Developpement des peuples,
personnes par leur non emploi dans les lieux culturelle, sociale, territoriale ou religieuse, blement conçus et gérés, offrent la possibi- droits et devoirs, environnement
où ce capital a été produit.97 Il faut éviter que à côté de l’Etat. L’articulation de l’autorité lité d’une grande redistribution de la richesse
le motif de l’emploi des ressources financiè-
res soit spéculatif et cède à la tentation de re-
chercher seulement un profit à court terme,
politique au niveau local, national et interna-
tional est, entre autres, une des voies maîtres-
ses pour parvenir à orienter la mondialisation
au niveau planétaire comme cela ne s’était ja-
mais présenté auparavant; s’ils sont mal gérés
ils peuvent au contraire faire croître la pau-
43 «La solidarité universelle qui est un
fait, et un bénéfice pour nous, est aussi
un devoir».105 Aujourd’hui, nombreux sont
sans rechercher aussi la continuité de l’entre- économique. C’est aussi le moyen pour éviter vreté et les inégalités, et contaminer le monde ceux qui sont tentés de prétendre ne rien de-
prise à long terme, son service précis à l’éco- qu’elle ne mine dans les faits les fondements entier par une crise. Il faut en corriger les voir à personne, si ce n’est à eux-mêmes. Ils
nomie réelle et son attention à la promotion, de la démocratie. dysfonctionnements, dont certains sont gra- estiment n’être détenteurs que de droits et
de façon juste et convenable, d’initiatives éco- ves, qui introduisent de nouvelles divisions ils éprouvent souvent de grandes difficul-
nomiques y compris dans les pays qui ont be-
soin de développement. Il ne faut pas nier que
lorsque la délocalisation comporte des inves-
42 On relève parfois des attitudes fata-
listes à l’égard de la mondialisation,
comme si les dynamiques en acte étaient pro-
entre les peuples et au sein des peuples, et
faire en sorte que la redistribution de la ri-
chesse n’entraîne pas une redistribution de la
tés à grandir dans la responsabilité à l’égard
de leur développement personnel intégral et
de celui des autres. C’est pourquoi il est im-
tissements et offre de la formation, elle peut duites par des forces impersonnelles anony- pauvreté ou même son accentuation, comme portant de susciter une nouvelle réflexion
être bénéfique aux populations des pays d’ac- mes et par des structures indépendantes de la une mauvaise gestion de la situation actuelle sur le fait que les droits supposent des de-
cueil. Le travail et la connaissance technique volonté humaine.102 Il est bon de rappeler à ce pourrait nous le faire craindre. Pendant long- voirs sans lesquels ils deviennent arbitrai-
sont un besoin universel. Cependant il n’est propos que la mondialisation doit être certai- temps, on a pensé que les peuples pauvres de- res.106 Aujourd’hui, nous sommes témoins
pas licite de délocaliser seulement pour jouir nement comprise comme un processus socio- vaient demeurer fixés à un stade préétabli de d’une grave contradiction. Tandis que, d’un
de faveurs particulières ou, pire, pour exploi- économique, mais ce n’est pas là son unique développement et devaient se contenter de la côté, sont revendiqués de soi-disant droits, de
ter la société locale sans lui apporter une vé- dimension. Derrière le processus le plus vi- philanthropie des peuples développés. Dans nature arbitraire et voluptuaire, avec la pré-
ritable contribution à la mise en place d’un sible se trouve la réalité d’une humanité qui Populorum progressio, Paul VI a pris posi- tention de les voir reconnus et promus par
système productif et social solide, facteur in- devient de plus en plus interconnectée. Celle- tion contre cette mentalité. Aujourd’hui les les structures publiques, d’un autre côté, des
contournable d’un développement stable. ci est constituée de personnes et de peuples ressources matérielles utilisables pour faire droits élémentaires et fondamentaux d’une
auxquels ce processus doit être utile et dont sortir ces peuples de la misère sont théori- grande partie de l’humanité sont ignorés et

41 Dans le contexte de ce document, il est


utile d’observer que l’entrepreneuriat a
et doit toujours plus avoir une signification
il doit servir le développement103 en vertu des quement plus importantes qu’autrefois, mais violés.107 On a souvent noté une relation entre
la revendication du droit au superflu ou même
à la transgression et au vice, dans les sociétés
plurivalente. La prééminence persistante du opulentes, et le manque de nourriture, d’eau
binôme marché-Etat nous a habitués à penser potable, d’instruction primaire ou de soins sa-
exclusivement à l’entrepreneur privé de type nitaires élémentaires dans certaines régions
capitaliste, d’une part, et au haut-fonction- sous-développées ainsi que dans les périphé-
naire de l’autre. En réalité, l’entrepreneuriat ries des grandes métropoles. Cette relation est
doit être compris de façon diversifiée. Ceci due au fait que les droits individuels, détachés
découle d’une série de raisons méta-écono- du cadre des devoirs qui leur confère un sens
miques. Avant d’avoir une signification pro- plénier, s’affolent et alimentent une spirale
fessionnelle, l’entrepreneuriat a une significa- de requêtes pratiquement illimitée et privée
tion humaine.98 Il est inscrit dans tout travail, de repères. L’exaspération des droits abou-
vu comme «actus personæ»99 c’est pourquoi tit à l’oubli des devoirs. Les devoirs délimi-
il est bon qu’à tout travailleur soit offerte la tent les droits parce qu’ils renvoient au cadre
possibilité d’apporter sa contribution propre anthropologique et éthique dans la vérité du-
de sorte que lui-même «sache travailler ‘à quel ces derniers s’insèrent et ainsi ne devien-
son compte’».100 Ce n’est pas sans raison que nent pas arbitraires. C’est pour cette raison
Paul VI enseignait que «tout travailleur est que les devoirs renforcent les droits et situent
un créateur».101 C’est justement pour répon- leur défense et leur promotion comme un en-
dre aux exigences et à la dignité de celui qui gagement à prendre en faveur du bien. Si, par
travaille, ainsi qu’aux besoins de la société, contre, les droits de l’homme ne trouvent leur
que divers types d’entreprises existent, bien propre fondement que dans les délibérations
au-delà de la seule distinction entre «privé» d’une assemblée de citoyens, ils peuvent être
et «public». Chacune requiert et exprime une modifiés à tout moment et, par conséquent,
capacité d’entreprise singulière. Dans le but le devoir de les respecter et de les promou-
de créer une économie qui, dans un proche voir diminue dans la conscience commune.
avenir, sache se mettre au service du bien Les Gouvernements et les Organismes inter-
commun national et mondial, il est opportun nationaux peuvent alors oublier l’objectivité
de tenir compte de cette signification élargie et l’«indisponibilité» des droits. Quand cela
de l’entrepreneuriat. Cette conception plus se produit, le véritable développement des
large favorise l’échange et la formation réci- peuples est mis en danger.108 De tels compor-
proque entre les diverses typologies d’entre- tements compromettent l’autorité des Orga-
preneuriat, avec un transfert de compétences nismes internationaux, surtout aux yeux des
du monde du non profit à celui du profit et pays qui ont le plus besoin de développement.
vice-versa, du domaine public à celui de la Ceux-ci demandent, en effet, que la commu-
société civile, de celui des économies avan- nauté internationale considère comme un de-
cées à celui des pays en voie de développe- voir de les aider à être «les artisans de leur
ment. destin»,109 c’est-à-dire à assumer eux-mêmes
L’autorité politique a, elle aussi, une si- à leur tour des devoirs. Avoir en commun des
gnification plurivalente qui ne peut être né- devoirs réciproques mobilise beaucoup plus
gligée, dans la mise en place d’un nouvel U.S.S.R. Robert Capa, Magnum, Ladies’ Home Journal que la seule revendication de droits.
ordre économico-productif, socialement res-
ponsable et à dimension humaine. De même
qu’on entend cultiver un entrepreneuriat dif- 44 La conception des droits et des de-
voirs dans le développement est mise à
Horizons et débats – Supplément, août 2009 Encyclique Caritas in Veritate page 9

l’épreuve de manière dramatique par les pro- sabilité sociale de l’entreprise. Les banques but lucratif (profit) et organisations à but non gence principale est l’amélioration des con-
blématiques liées à la croissance démogra- proposent des comptes et des fonds d’inves- lucratif (non profit) ne soit plus en mesure ditions de vie des personnes concrètes d’une
phique. Il s’agit d’une limite très importante tissement appelés «éthiques». Une «finance de rendre pleinement compte de la réalité, ni région donnée, afin qu’elles puissent accom-
pour le vrai développement, parce qu’elle con- éthique» se développe surtout à travers le mi- d’orienter efficacement l’avenir. Au cours de plir ces tâches qu’actuellement leur indigence
cerne les valeurs primordiales de la vie et de crocrédit et, plus généralement, la microfi- ces dernières décennies, une ample sphère in- ne leur permet pas de remplir. La sollicitude
la famille.110 Considérer l’augmentation de la nance. Ces processus sont appréciables et mé- termédiaire entre ces deux types d’entrepri- ne peut jamais être une attitude abstraite. Les
population comme la cause première du sous- ritent un large soutien. Leurs effets positifs se ses a surgi. Elle est constituée d’entreprises programmes de développement, pour pou-
développement est incorrect, même du point font sentir même dans les régions les moins traditionnelles, – qui cependant souscrivent voir être adaptés aux situations particuliè-
de vue économique: il suffit de penser d’une développées de la terre. Toutefois, il est bon des pactes d’aide aux pays sous-développés – res, doivent être caractérisés par la flexibilité.
part à l’importante diminution de la morta- d’élaborer aussi un critère valable de discer- , de fondations qui sont l’expression d’entre- Et les personnes qui en bénéficient devraient
lité infantile et à l’allongement moyen de la nement, car on note un certain abus de l’ad- prises individuelles, de groupes d’entrepri- être directement associées à leur préparation
vie qu’on enregistre dans les pays économi- jectif «éthique» qui, employé de manière gé- ses ayant des buts d’utilité sociale, du monde et devenir protagonistes de leur réalisation.
quement développés, et d’autre part, aux si- nérique, se prête à désigner des contenus très varié des acteurs de l’économie dite «civile Il est aussi nécessaire d’appliquer les critères
gnes de crises qu’on relève dans les sociétés divers, au point de faire passer sous son cou- et de communion». Il ne s’agit pas seulement de la progression et de l’accompagnement – y
où l’on enregistre une baisse préoccupante de vert des décisions et des choix contraires à la d’un «troisième secteur», mais d’une nouvelle compris pour le contrôle des résultats –, car
la natalité. Il demeure évidemment nécessaire justice et au véritable bien de l’homme. réalité vaste et complexe, qui touche le privé il n’existe pas de recettes universellement va-
de prêter l’attention due à une procréation res- En fait, cela dépend en grande partie du et le public et qui n’exclut pas le profit mais le lables. Cela dépend largement de la gestion
ponsable qui constitue, entre autres, une con- système moral auquel on se réfère. Sur ce considère comme un instrument pour réaliser concrète des interventions. «Ouvriers de leur
tribution efficace au développement humain thème, la doctrine sociale de l’Eglise a une des objectifs humains et sociaux. Le fait que propre développement, les peuples en sont les
intégral. L’Eglise, qui a à cœur le véritable contribution spécifique à apporter, qui se ces entreprises distribuent ou non leurs béné- premiers responsables. Mais ils ne le réali-
développement de l’homme, lui recommande fonde sur la création de l’homme «à l’image fices ou bien qu’elles prennent l’une ou l’autre seront pas dans l’isolement».114 Aujourd’hui,
de respecter dans tout son agir la réalité hu- de Dieu» (Gn 1, 27), principe d’où découle la des formes prévues par les normes juridiques avec la consolidation du processus d’intégra-
maine authentique. Cette dimension doit être dignité inviolable de la personne humaine, de devient secondaire par rapport à leur orien- tion progressive de la planète, cette exhorta-
reconnue, en particulier, en ce qui concerne même que la valeur transcendante des normes tation à concevoir le profit comme un moyen tion de Paul VI est encore plus actuelle. Les
la sexualité: on ne peut la réduire à un pur fait morales naturelles. Une éthique économique pour parvenir à des objectifs d’humanisation dynamiques d’inclusion n’ont rien de méca-
hédoniste et ludique, de même que l’éducation qui méconnaîtrait ces deux piliers, risquerait du marché et de la société. Il est souhaitable nique. Les solutions doivent être adaptées à
sexuelle ne peut être réduite à une instruction inévitablement de perdre sa signification pro- que ces nouveaux types d’entreprise trouvent la vie des peuples et des personnes concrè-
technique, dans l’unique but de défendre les pre et de se prêter à des manipulations. Plus également dans tous les pays un cadre juridi- tes, sur la base d’une évaluation prévoyante
intéressés d’éventuelles contaminations ou du précisément, elle risquerait de s’adapter aux que et fiscal convenable. Sans rien ôter à l’im- de chaque situation. A côté des macroprojets,
«risque» de procréation. Cela équivaudrait à systèmes économiques et financiers existant, portance et à l’utilité économique et sociale les microprojets sont nécessaires et, plus en-
appauvrir et à ignorer le sens profond de la au lieu de corriger leurs dysfonctionnements. des formes traditionnelles d’entreprise, elles core, la mobilisation effective de tous les ac-
sexualité, qui doit au contraire être reconnue Elle finirait également, entre autres, par jus- font évoluer le système vers une plus claire teurs de la société civile, des personnes juri-
et assumée avec responsabilité, tant par l’in- tifier le financement de projets non éthiques. et complète acceptation de leurs devoirs, de diques comme des personnes physiques.
dividu que par la communauté. En effet, la En outre, il ne faut pas utiliser le mot «éthi- la part des agents économiques. Bien plus, la La coopération internationale a besoin de
responsabilité interdit aussi bien de considé- que» de façon idéologiquement discrimina- pluralité même des formes institutionnelles personnes qui aient en commun le souci du
rer la sexualité comme une simple source de toire, laissant entendre que les initiatives qui de l’entreprise crée un marché plus civique processus de développement économique et
plaisir, que de la réguler par des politiques de ne seraient pas formellement parées de cette et en même temps plus compétitif. humain, par la solidarité de la présence, de
planification forcée des naissances. Dans ces qualification, ne seraient pas éthiques. Il faut l’accompagnement, de la formation et du res-
deux cas, on est en présence de conceptions
et de politiques matérialistes, où les person-
nes finissent par subir différentes formes de
œuvrer – et cette observation est ici essen-
tielle! – non seulement pour que naissent des
secteurs ou des lignes «éthiques» dans l’éco-
47 Le renforcement des diverses typo-
logies d’entreprises et, en particu-
lier, de celles capables de concevoir le pro-
pect. De ce point de vue, les Organismes in-
ternationaux eux-mêmes devraient s’interro-
ger sur l’efficacité réelle de leurs structures
violence. A tout cela, on doit opposer, en ce nomie ou dans la finance, mais pour que toute fit comme un instrument pour parvenir à bureaucratiques et administratives, souvent
domaine, la compétence primordiale des fa- l’économie et toute la finance soient éthiques des objectifs d’humanisation du marché et trop coûteuses. Il arrive parfois que celui à
milles111 par rapport à celle l’Etat et à ses poli- et le soient non à cause d’un étiquetage ex- des sociétés, doit être poursuivi aussi dans qui sont destinées des aides devienne utile
tiques contraignantes, ainsi qu’une éducation térieur, mais à cause du respect d’exigences les pays qui sont exclus ou mis en marge des à celui qui l’aide et que les pauvres servent
appropriée des parents. intrinsèques à leur nature même. La doctrine circuits de l’économie mondiale, et où il est de prétexte pour faire subsister des organi-
L’ouverture moralement responsable à sociale de l’Eglise aborde ce sujet avec clarté très important d’avancer par le biais de pro- sations bureaucratiques coûteuses qui réser-
la vie est une richesse sociale et économi- quand elle rappelle que l’économie, en ses jets, fondés sur une subsidiarité conçue et ad- vent à leur propre subsistance des pourcenta-
que. De grandes nations ont pu sortir de la différentes ramifications, est un secteur de ministrée de façon adaptée, qui tendent à af- ges trop élevés des ressources qui devraient
misère grâce au grand nombre de leurs ha- l’activité humaine.113 fermir les droits tout en prévoyant toujours au contraire être destinées au développement.
bitants et à leurs potentialités. En revanches, une prise de responsabilités correspondan- Dans cette perspective, il serait souhaitable
des nations, un temps prospères, connaissent
à présent une phase d’incertitude et, dans cer-
tains cas, de déclin à cause de la dénatalité
46 Considérant les thématiques relatives
au rapport entre entreprise et éthique,
ainsi que l’évolution que le système de pro-
tes. Dans les interventions en faveur du dé-
veloppement, le principe de la centralité de
la personne humaine doit être préservé car
que tous les organismes internationaux et les
Organisations non gouvernementales s’en-
gagent à œuvrer dans la pleine transparence,
qui est un problème crucial pour les sociétés duction connaît actuellement, il semble que elle est le sujet qui, le premier, doit prendre informant leurs donateurs et l’opinion publi-
de bien-être avancé. La diminution des nais- la distinction faite jusqu’ici entre entreprises à en charge la tâche du développement. L’ur- que du pourcentage des fonds reçus destiné
sances, parfois au-dessous du fameux «seuil aux programmes de coopération, du vérita-
de renouvellement», met aussi en difficulté ble contenu de ces programmes, et enfin de la
les systèmes d’assistance sociale, elle en aug- répartition des dépenses de l’institution elle-
mente les coûts, réduit le volume de l’épar- même.
gne et, donc, les ressources financières né-
cessaires aux investissements, elle réduit la
disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée,
elle restreint la réserve des «cerveaux» utiles
48 Le thème du développement est aussi
aujourd’hui fortement lié aux devoirs
qu’engendre le rapport de l’homme avec l’en-
pour les besoins de la nation. De plus, dans vironnement naturel. Celui-ci a été donné à
les familles de petite, et même de toute petite tous par Dieu et son usage représente pour
dimension, les relations sociales courent le nous une responsabilité à l’égard des pauvres,
risque d’être appauvries, et les formes de soli- des générations à venir et de l’humanité tout
darité traditionnelle de ne plus être garanties. entière. Si la nature, et en premier lieu l’être
Ce sont des situations symptomatiques d’une humain, sont considérés comme le fruit du
faible confiance en l’avenir ainsi que d’une hasard ou du déterminisme de l’évolution, la
lassitude morale. Continuer à proposer aux conscience de la responsabilité s’atténue dans
nouvelles générations la beauté de la famille les esprits. Dans la nature, le croyant recon-
et du mariage, la correspondance de ces ins- naît le merveilleux résultat de l’intervention
titutions aux exigences les plus profondes du créatrice de Dieu, dont l’homme peut user
cœur et de la dignité de la personne devient pour satisfaire ses besoins légitimes – ma-
ainsi une nécessité sociale, et même écono- tériels et immatériels – dans le respect des
mique. Dans cette perspective, les Etats sont équilibres propres à la réalité créée. Si cette
appelés à mettre en œuvre des politiques qui vision se perd, l’homme finit soit par consi-
promeuvent le caractère central et l’intégrité dérer la nature comme une réalité intoucha-
de la famille, fondée sur le mariage entre un ble, soit, au contraire, par en abuser. Ces deux
homme et une femme, cellule première et vi- attitudes ne sont pas conformes à la vision
tale de la société.112 prenant en compte ses chrétienne de la nature, fruit de la création
problèmes économiques et fiscaux, dans le de Dieu.
respect de sa nature relationnelle. La nature est l’expression d’un dessein
d’amour et de vérité. Elle nous précède et

45 Répondre aux exigences morales les


plus profondes de la personne a aussi
des retombées importantes et bénéfiques sur
Dieu nous l’a donnée comme milieu de vie.
Elle nous parle du Créateur (cf. Rm 1, 20) et
de son amour pour l’humanité. Elle est des-
le plan économique. En effet, pour fonction- tinée à être «récapitulée» dans le Christ à la
ner correctement, l’économie a besoin de fin des temps (cf. Ep 1, 9-10; Col 1, 19-20).
l’éthique; non pas d’une éthique quelcon- Elle a donc elle aussi une «vocation».115 La
que, mais d’une éthique amie de la personne. USA. Wayne Miller, Life nature est à notre disposition non pas comme
Aujourd’hui, on parle beaucoup d’éthique «un tas de choses répandues au hasard»,116
dans le domaine économique, financier ou mais au contraire comme un don du Créa-
industriel. Des Centres d’études et des par- teur qui en a indiqué les lois intrinsèques afin
cours de formation de business ethics sont que l’homme en tire les orientations néces-
créés. Dans le monde développé, le système saires pour «la garder et la cultiver» (Gn 2,
des certifications éthiques se répand à la suite 15). Toutefois, il faut souligner que considé-
du mouvement d’idées né autour de la respon- rer la nature comme plus importante que la
page 10 Encyclique Caritas in Veritate Horizons et débats – Supplément, août 2009

personne humaine elle-même est contraire au mettre en valeur et la cultiver selon des for- éléments qui déterminent les choix de con- la vie et à la mort naturelle n’est pas res-
véritable développement. Cette position con- mes nouvelles et avec des technologies avan- sommation, d’épargne et d’investissement pecté, si la conception, la gestation et la nais-
duit à des attitudes néo-païennes ou liées à un cées, afin que la terre puisse accueillir digne- soient la recherche du vrai, du beau et du sance de l’homme sont rendues artificielles,
nouveau panthéisme: le salut de l’homme ne ment et nourrir la population qui l’habite. Il y bon, ainsi que la communion avec les autres si des embryons humains sont sacrifiés pour
peut pas dériver de la nature seule, comprise a de la place pour tous sur la terre: la famille hommes pour une croissance commune».123 la recherche, la conscience commune finit
au sens purement naturaliste. Par ailleurs, la humaine tout entière doit y trouver les res- Toute atteinte à la solidarité et à l’amitié ci- par perdre le concept d’écologie humaine et,
position inverse, qui vise à sa technicisation sources nécessaires pour vivre correctement vique provoque des dommages à l’environ- avec lui, celui d’écologie environnementale.
complète, est également à rejeter car le milieu grâce à la nature elle-même, don de Dieu à nement, de même que la détérioration de Exiger des nouvelles générations le respect
naturel n’est pas seulement un matériau dont ses enfants, et par l’effort de son travail et de l’environnement, à son tour, provoque l’insa- du milieu naturel devient une contradiction,
nous pouvons disposer à notre guise, mais sa créativité. Nous devons cependant avoir tisfaction dans les relations sociales. A notre quand l’éducation et les lois ne les aident pas
c’est l’œuvre admirable du Créateur, portant conscience du grave devoir que nous avons de époque en particulier, la nature est tellement à se respecter elles-mêmes. Le livre de la na-
en soi une «grammaire» qui indique une fina- laisser la terre aux nouvelles générations dans intégrée dans les dynamiques sociales et cul- ture est unique et indivisible, qu’il s’agisse
lité et des critères pour qu’il soit utilisé avec un état tel qu’elles puissent elles aussi l’habi- turelles qu’elle ne constitue presque plus une de l’environnement comme de la vie, de la
sagesse et non pas exploité de manière arbi- ter décemment et continuer à la cultiver. Cela donnée indépendante. La désertification et la sexualité, du mariage, de la famille, des rela-
traire. Aujourd’hui, de nombreux obstacles implique de s’engager à prendre ensemble des baisse de la productivité de certaines régions tions sociales, en un mot du développement
au développement proviennent précisément décisions, «après avoir examiné de façon res- agricoles sont aussi le fruit de l’appauvrisse- humain intégral. Les devoirs que nous avons
de ces conceptions erronées. Réduire com- ponsable la route à suivre, en vue de renforcer ment et du retard des populations qui y habi- vis-à-vis de l’environnement sont liés aux de-
plètement la nature à un ensemble de don- l’alliance entre l’être humain et l’environne- tent. En stimulant le développement économi- voirs que nous avons envers la personne con-
nées de fait finit par être source de violence ment, qui doit être le reflet de l’amour créa- que et culturel de ces populations, on protège sidérée en elle-même et dans sa relation avec
dans les rapports avec l’environnement et fi- teur de Dieu, de qui nous venons et vers qui aussi la nature. En outre, combien de ressour- les autres. On ne peut exiger les uns et pié-
nalement par motiver des actions irrespec- nous allons».120 Il est souhaitable que la com- ces naturelles sont dévastées par les guerres! tiner les autres. C’est là une grave antinomie
tueuses envers la nature même de l’homme. munauté internationale et chaque gouverne- La paix des peuples et entre les peuples per- de la mentalité et de la praxis actuelle qui avi-
Etant constituée non seulement de matière ment sachent contrecarrer efficacement les mettrait aussi une meilleure sauvegarde de la lit la personne, bouleverse l’environnement et
mais aussi d’esprit et, en tant que telle, étant modalités d’exploitation de l’environnement nature. L’accaparement des ressources, spé- détériore la société.
riche de significations et de buts transcen- qui s’avèrent néfastes. Il est par ailleurs im- cialement de l’eau, peuvent provoquer de gra-
dants à atteindre, celle-ci revêt un caractère
normatif pour la culture. L’homme interprète
et façonne le milieu naturel par la culture qui,
pératif que les autorités compétentes entre-
prennent tous les efforts nécessaires afin que
les coûts économiques et sociaux dérivant de
ves conflits parmi les populations concernées.
Un accord pacifique sur l’utilisation des res-
sources peut préserver la nature et, en même
52 La vérité et l’amour que celle-ci fait
entrevoir ne peuvent être fabriqués.
Ils peuvent seulement être accueillis. Leur
à son tour, est orientée par la liberté respon- l’usage des ressources naturelles communes temps, le bien-être des sociétés intéressées. source ultime n’est pas, ni ne peut être,
sable, soucieuse des principes de la loi mo- soient établis de façon transparente et soient L’Eglise a une responsabilité envers la l’homme, mais Dieu, c’est-à-dire Celui qui
rale. Les projets en vue d’un développement entièrement supportés par ceux qui en jouis- création et doit la faire valoir publiquement est Vérité et Amour. Ce principe est très im-
humain intégral ne peuvent donc ignorer les sent et non par les autres populations ou par aussi. Ce faisant, elle doit préserver non seu- portant pour la société et pour le développe-
générations à venir, mais ils doivent se fon- les générations futures: la protection de l’en- lement la terre, l’eau et l’air comme dons de ment, dans la mesure où ni l’une ni l’autre ne
der sur la solidarité et sur la justice intergé- vironnement, des ressources et du climat de- la création appartenant à tous, elle doit aussi peuvent être produits seulement par l’homme.
nérationnelles, en tenant compte de multiples mande que tous les responsables internatio- surtout protéger l’homme de sa propre des- La vocation elle-même des personnes et des
aspects: écologique, juridique, économique, naux agissent ensemble et démontrent leur truction. Une sorte d’écologie de l’homme, peuples au développement ne se fonde pas sur
politique, culturel.117 résolution à travailler honnêtement, dans le comprise de manière juste, est nécessaire. La une simple décision humaine, mais elle est
respect de la loi et de la solidarité à l’égard dégradation de l’environnement est en effet inscrite dans un dessein qui nous précède et

49 Aujourd’hui, les questions liées à la


protection et à la sauvegarde de l’en-
vironnement doivent prendre en juste con-
des régions les plus faibles de la planète.121
L’une des plus importantes tâches de l’éco-
nomie est précisément l’utilisation la plus ef-
étroitement liée à la culture qui façonne la
communauté humaine: quand l’«écologie hu-
maine»124 est respectée dans la société, l’éco-
qui constitue pour chacun de nous un devoir
à accueillir librement. Ce qui nous précède et
qui nous constitue – l’Amour et la Vérité sub-
sidération les problématiques énergétiques. ficace des ressources, et non leur abus, sans logie proprement dite en tire aussi avantage. sistants – nous indique ce qu’est le bien et en
L’accaparement des ressources énergétiques jamais oublier que la notion d’efficacité n’est De même que les vertus humaines sont con- quoi consiste notre bonheur. Il nous montre
non renouvelables par certains Etats, grou- pas axiologiquement neutre. nexes, si bien que l’affaiblissement de l’une donc la route qui conduit au véritable déve-
pes de pouvoir ou entreprises, constitue, en met en danger les autres, ainsi le système loppement.
effet, un grave obstacle au développement
des pays pauvres. Ceux-ci n’ont pas les res-
sources économiques nécessaires pour accé-
51 La façon dont l’homme traite l’envi-
ronnement influence les modalités avec
lesquelles il se traite lui-même et réciproque-
écologique s’appuie sur le respect d’un pro-
jet qui concerne aussi bien la saine coexis-
tence dans la société que le bon rapport avec
CHAPITRE V
der aux sources énergétiques non renouvela- ment. C’est pourquoi la société actuelle doit la nature. La collaboration de la famille humaine
bles existantes ni pour financer la recherche réellement reconsidérer son style de vie qui, Pour préserver la nature, il n’est pas suf-
de nouvelles sources alternatives. L’accapa-
rement des ressources naturelles qui, dans de
nombreux cas, se trouvent précisément dans
en de nombreuses régions du monde, est porté
à l’hédonisme et au consumérisme, demeu-
rant indifférente aux dommages qui en dé-
fisant d’intervenir au moyen d’incitations
ou de mesures économiques dissuasives,
une éducation appropriée n’y suffit pas non
53 Une des pauvretés les plus profondes
que l’homme puisse expérimenter est
la solitude. Tout bien considéré, les autres
les pays pauvres, engendre l’exploitation et de coulent.122 Un véritable changement de men- plus. Ce sont là des outils importants, mais formes de pauvreté, y compris les pauvretés
fréquents conflits entre nations ou à l’intérieur talité est nécessaire qui nous amène à adopter le point déterminant est la tenue morale de matérielles, naissent de l’isolement, du fait de
de celles-ci. Ces conflits se déroulent souvent de nouveaux styles de vie «dans lesquels les la société dans son ensemble. Si le droit à ne pas être aimés ou de la difficulté d’aimer.
sur le territoire même de ces pays, entraînant Les pauvretés sont souvent la conséquence
de lourdes conséquences: morts, destructions du refus de l’amour de Dieu, d’une fermeture
et autres dommages. La communauté inter- originelle tragique de l’homme en lui-même,
nationale a le devoir impératif de trouver les qui pense se suffire à lui-même, ou bien con-
voies institutionnelles pour réglementer l’ex- sidère n’être qu’un simple fait insignifiant et
ploitation des ressources non renouvelables, éphémère, un «étranger» dans un univers qui
en accord avec les pays pauvres, afin de pla- s’est constitué par hasard. L’homme est aliéné
nifier ensemble l’avenir. quand il est seul ou quand il se détache de la
Sur ce front aussi, apparaît l’urgente né- réalité, quand il renonce à penser et à croire
cessité morale d’une solidarité renouvelée, en un Fondement.125 L’humanité tout entière
spécialement dans les relations entre les pays est aliénée quand elle met sa confiance en des
en voie de développement et les pays haute- projets purement humains, en des idéologies
ment industrialisés.118 Les sociétés technolo- et en de fausses utopies.126 De nos jours, l’hu-
giquement avancées peuvent et doivent dimi- manité apparaît beaucoup plus interactive
nuer leur propre consommation énergétique qu’autrefois: cette plus grande proximité doit
parce que d’une part, leurs activités manu- se transformer en une communion véritable.
facturières évoluent et parce que d’autre part, Le développement des peuples dépend sur-
leurs citoyens sont plus sensibles au problème tout de la reconnaissance du fait que nous
écologique. Ajoutons à cela qu’il est possible formons une seule famille qui collabore dans
d’améliorer aujourd’hui la productivité éner- une communion véritable et qui est constituée
gétique et qu’il est possible, en même temps, de sujets qui ne vivent pas simplement les uns
de faire progresser la recherche d’énergies al- à côté des autres.127
ternatives. Toutefois, une redistribution pla- Paul VI remarquait que «le monde est en
nétaire des ressources énergétiques est égale- malaise faute de pensée».128 Cette affirma-
ment nécessaire afin que les pays qui n’en ont tion renferme une constatation, mais surtout
pas puissent y accéder. Leur destin ne peut un souhait: il faut qu’il y ait un renouveau de
être abandonné aux mains du premier venu la pensée pour mieux comprendre ce qu’im-
ou à la logique du plus fort. Ce sont des pro- plique le fait que nous formons une famille;
blèmes importants qui, pour être affrontés de les échanges entre les peuples de la planète
façon efficace, demandent de la part de tous exige un tel renouveau, afin que l’intégration
une prise de conscience responsable des con- puisse se réaliser sous le signe de la solida-
séquences qui retomberont sur les nouvelles rité129 plutôt que de la marginalisation. Une
générations, surtout sur les très nombreux telle pensée nous oblige à approfondir de ma-
jeunes présents au sein des peuples pauvres et nière critique et sur le plan des valeurs la ca-
qui «demandent leur part active dans la cons- tégorie de la relation. Un tel effort ne peut
truction d’un monde meilleur».119 être mené par les seules sciences sociales, car
il requiert l’apport de savoirs tels que la mé-

50 Cette responsabilité est globale, parce


qu’elle ne concerne pas seulement
l’énergie, mais toute la création, que nous ne
taphysique et la théologie, pour comprendre
de façon éclairée la dignité transcendante de
l’homme.
devons pas transmettre aux nouvelles généra- La créature humaine, qui est de nature
tions appauvrie de ses ressources. Il est juste spirituelle, se réalise dans les relations in-
que l’homme puisse exercer une maîtrise res- terpersonnelles. Plus elle les vit de manière
ponsable sur la nature pour la protéger, la Italie. Dimitri Kessel, Life authentique, plus son identité personnelle
Horizons et débats – Supplément, août 2009 Encyclique Caritas in Veritate page 11

mûrit également. Ce n’est pas en s’isolant de tels contextes, l’amour et la vérité peuvent ceci vaut également pour la raison politique, un dangereux pouvoir universel de type mo-
que l’homme se valorise lui-même, mais en difficilement s’affirmer, non sans préjudice qui ne doit pas se croire toute puissante. A nocratique, la «gouvernance» de la mondiali-
se mettant en relation avec les autres et avec pour le développement authentique. son tour, la religion a toujours besoin d’être sation doit être de nature subsidiaire, articu-
Dieu. L’importance de ces relations devient C’est pourquoi, s’il est vrai, d’une part, purifiée par la raison afin qu’apparaisse son lée à de multiples niveaux et sur divers plans
alors fondamentale. Cela vaut aussi pour les que le développement a besoin des religions visage humain authentique. La rupture de ce qui collaborent entre eux. La mondialisation
peuples. Pour leur développement, une vision et des cultures des différents peuples, il n’en dialogue a un prix très lourd au regard du dé- réclame certainement une autorité, puisqu’est
métaphysique de la relation entre les person- reste pas moins vrai, d’autre part, qu’opérer veloppement de l’humanité. en jeu le problème du bien commun qu’il faut
nes est donc très utile. A cet égard, la rai- un discernement approprié est nécessaire. La poursuivre ensemble; cependant cette autorité
son trouve une inspiration et une orientation
dans la révélation chrétienne, selon laquelle
la communauté des hommes n’absorbe pas
liberté religieuse ne veut pas dire indifférence
religieuse et elle n’implique pas que toutes
les religions soient équivalentes.133 Un discer-
57 Le dialogue fécond entre foi et raison
ne peut que rendre plus efficace l’œuvre
de la charité dans le champ social et consti-
devra être exercée de manière subsidiaire et
polyarchique138 pour, d’une part, ne pas porter
atteinte à la liberté et, d’autre part, pour être
en soi la personne, anéantissant son autono- nement concernant la contribution que peu- tue le cadre le plus approprié pour encourager concrètement efficace.
mie, comme cela se produit dans les diver- vent apporter les cultures et les religions en la collaboration fraternelle entre croyants et
ses formes de totalitarisme, mais elle la va-
lorise encore davantage car le rapport entre
individu et communauté est celui d’un tout
vue d’édifier la communauté sociale dans le
respect du bien commun s’avère nécessaire,
en particulier de la part de ceux qui exercent
non croyants dans leur commune intention
de travailler pour la justice et pour la paix de
l’humanité. Dans la Constitution pastorale
58 Le principe de subsidiarité doit être
étroitement relié au principe de soli-
darité et vice-versa, car si la subsidiarité sans
vers un autre tout.130 Tout comme la commu- le pouvoir politique. Un tel discernement Gaudium et Spes, les Pères du Concile affir- la solidarité tombe dans le particularisme, il
nauté familiale n’abolit pas en elle les per- devra se fonder sur le critère de la charité et maient: «Croyants et incroyants sont générale- est également vrai que la solidarité sans la
sonnes qui la composent et comme l’Eglise de la vérité. Et puisqu’est en jeu le dévelop- ment d’accord sur ce point: tout sur terre doit subsidiarité tombe dans l’assistanat qui humi-
elle-même valorise pleinement la ‘créature pement des personnes et des peuples, il devra être ordonné à l’homme comme à son cen- lie celui qui est dans le besoin. Cette règle de
nouvelle’ (cf. Ga 6, 15; 2 Co 5, 17) qui, par tenir compte de la possibilité d’émancipation tre et à son sommet».136 Pour les croyants, le caractère général doit être prise sérieusement
le baptême, s’insère dans son Corps vivant, et d’intégration dans la perspective d’une monde n’est le fruit ni du hasard ni de la né- en considération notamment quand il s’agit
de la même manière l’unité de la famille hu- communauté humaine vraiment universelle. cessité, mais celui d’un projet de Dieu. De là d’affronter des questions relatives aux aides
maine n’abolit pas en elle les personnes, les «Tout l’homme et tous les hommes», c’est un naît pour les croyants le devoir d’unir leurs internationales pour le développement. Mal-
peuples et les cultures, mais elle les rend plus critère qui permet d’évaluer aussi les cultu- efforts à ceux de tous les hommes et toutes gré l’intention des donateurs, celles-ci peu-
transparents les uns aux autres, plus unis dans res et les religions. Le Christianisme, religion les femmes de bonne volonté appartenant à vent parfois maintenir un peuple dans un état
leurs légitimes diversités. du «Dieu qui possède un visage humain»134 d’autres religions ou non croyants, afin que de dépendance et même aller jusqu’à favoriser
porte en lui un tel critère. notre monde soit effectivement conforme au des situations de domination locale et d’ex-

54 Le thème du développement coïncide


avec celui de l’inclusion relationnelle
de toutes les personnes et de tous les peuples 56 La religion chrétienne et les autres re-
ligions peuvent apporter leur contribu-
projet divin: celui de vivre comme une fa-
mille sous le regard du Créateur. Le principe
de subsidiarité,137 expression de l’inaliénable
ploitation dans le pays qui reçoit cette aide.
Les aides économiques, pour être vraiment
telles, ne doivent pas poursuivre des buts se-
dans l’unique communauté de la famille hu- tion au développement seulement si Dieu a liberté humaine, est, à cet égard, une mani- condaires. Elles doivent être accordées en
maine qui se construit dans la solidarité sur aussi sa place dans la sphère publique, et cela festation particulière de la charité et un guide collaboration non seulement avec les gouver-
la base des valeurs fondamentales de la jus- concerne les dimensions culturelle, sociale, éclairant pour la collaboration fraternelle nements des pays intéressés, mais aussi avec
tice et de la paix. Cette perspective est éclai- économique et particulièrement politique. La entre croyants et non croyants. La subsidiarité les acteurs économiques locaux et les acteurs
rée de manière décisive par la relation entre doctrine sociale de l’Eglise est née pour re- est avant tout une aide à la personne, à travers de la société civile qui sont porteurs de cul-
les trois Personnes de la Sainte Trinité dans vendiquer ce «droit de cité»135 de la religion l’autonomie des corps intermédiaires. Cette ture, y compris les Eglises locales. Les pro-
leur unique Substance divine. La Trinité est chrétienne. La négation du droit de professer aide est proposée lorsque la personne et les grammes d’aide doivent prendre de plus en
unité absolue, car les trois Personnes divines publiquement sa religion et d’œuvrer pour que acteurs sociaux ne réussissent pas à faire par plus les caractéristiques de programmes in-
sont relationnalité pure. La transparence réci- les vérités de la foi inspirent aussi la vie pu- eux-mêmes ce qui leur incombe et elle impli- tégrés soutenus par la base. Rappelons que
proque entre les Personnes divines est com- blique a des conséquences négatives sur le dé- que toujours que l’on ait une visée émancipa- la plus grande ressource à mettre en valeur
plète et le lien entre l’une et l’autre est total, veloppement véritable. L’exclusion de la reli- trice qui favorise la liberté et la participation dans les pays qui ont besoin d’aide au déve-
parce qu’elles constituent une unité et uni- gion du domaine public, comme, par ailleurs, en tant que responsabilisation. La subsidiarité loppement, est la ressource humaine: c’est là
cité absolue. Dieu veut nous associer nous le fondamentalisme religieux, empêchent la respecte la dignité de la personne en qui elle le véritable capital qu’il faut faire grandir afin
aussi à cette réalité de communion: «pour rencontre entre les personnes et leur collabo- voit un sujet toujours capable de donner quel- d’assurer aux pays les plus pauvres un avenir
qu’ils soient un comme nous sommes un» ration en vue du progrès de l’humanité. La que chose aux autres. En reconnaissant que autonome effectif. Il convient aussi de rappe-
(Jn 17, 22). L’Eglise est signe et instrument vie publique s’appauvrit et la politique devient la réciprocité fonde la constitution intime de ler que, dans le domaine économique, l’aide
de cette unité.131 Les relations entre les hom- opprimante et agressive. Les droits humains l’être humain, la subsidiarité est l’antidote le primordiale dont les pays en voie de dévelop-
mes tout au long de l’histoire ne peuvent que risquent de ne pas être respectés soit parce plus efficace contre toute forme d’assistance pement ont besoin est de permettre et de favo-
tirer avantage de cette référence au divin Mo- qu’ils sont privés de leur fondement transcen- paternaliste. Elle peut rendre compte aussi riser l’introduction progressive de leurs pro-
dèle. A la lumière de la révélation du mystère dant soit parce que la liberté personnelle n’est bien des multiples articulations entre les di- duits sur les marchés internationaux, rendant
de la Trinité, on comprend en particulier que pas reconnue. Dans le laïcisme et dans le fon- vers plans et donc de la pluralité des acteurs, ainsi possible leur pleine participation à la vie
l’ouverture authentique n’implique pas une damentalisme, la possibilité d’un dialogue fé- que de leur coordination. Il s’agit donc d’un économique internationale. Trop souvent, par
dispersion centrifuge, mais une compénétra- cond et d’une collaboration efficace entre la principe particulièrement apte à gouverner la le passé, les aides n’ont servi qu’à créer des
tion profonde. C’est ce qui apparaît aussi à tra- raison et la foi religieuse s’évanouit. La raison mondialisation et à l’orienter vers un véritable marchés marginaux pour les produits de ces
vers les expériences humaines communes de a toujours besoin d’être purifiée par la foi, et développement humain. Pour ne pas engendrer pays. Cela est souvent dû à l’absence d’une
l’amour et de la vérité. De même que l’amour véritable demande pour ces produits: il est
sacramentel entre les époux les unit spiri- donc nécessaire d’aider ces pays à amélio-
tuellement en «une seule chair» (Gn 2, 24; rer leurs produits et à mieux les adapter à la
Mt 19, 5; Ep 5, 31) et de deux qu’ils étaient en demande. Il faut souligner encore que nom-
fait une unité relationnelle réelle, de manière breux sont ceux qui ont longtemps craint la
analogue, la vérité unit les esprits entre eux et concurrence des importations de produits, en
les fait penser à l’unisson, en les attirant et en général agricoles, provenant des pays écono-
les unissant en elle. miquement pauvres. Il ne faut cependant pas
oublier que pour ces pays, la possibilité de

55 La révélation chrétienne de l’unité du


genre humain présuppose une inter-
prétation métaphysique de l’ humanum où
commercialiser ces produits signifie souvent
assurer leur survie à court et à long terme.
Un commerce international juste et équili-
la relation est un élément essentiel. D’autres bré dans le domaine agricole peut être profi-
cultures et d’autres religions enseignent elles table à tous, aussi bien du côté de l’offre que
aussi la fraternité et la paix, et présentent donc de celui de la demande. C’est pourquoi, il est
une grande importance pour le développe- nécessaire, non seulement, d’orienter ces pro-
ment humain intégral. Il n’est pas rare cepen- ductions sur le plan commercial, mais aussi
dant que des attitudes religieuses ou culturel- d’établir des règles commerciales internatio-
les ne prennent pas pleinement en compte le nales qui les soutiennent, tout en renforçant le
principe de l’amour et de la vérité; elles cons- financement des aides au développement pour
tituent alors un frein au véritable développe- rendre ces économies plus productives.
ment humain et même un empêchement. Le
monde d’aujourd’hui est pénétré par certaines
cultures, dont le fond est religieux, qui n’en-
gagent pas l’homme à la communion, mais
59 La coopération au développement ne
doit pas prendre en considération la
seule dimension économique; elle doit deve-
l’isolent dans la recherche du bien-être indivi- nir une grande occasion de rencontre cultu-
duel, se limitant à satisfaire ses attentes psy- relle et humaine. Si les acteurs de la coopéra-
chologiques. Une certaine prolifération d’iti- tion des pays économiquement développés ne
néraires religieux suivis par de petits groupes prennent pas en compte leur propre identité
ou même par des personnes individuelles, culturelle, comme cela arrive parfois, ni celle
ainsi que le syncrétisme religieux peuvent des autres et des valeurs humaines qui y sont
être des facteurs de dispersion et de désen- liées, ils ne peuvent pas instaurer un dialogue
gagement. La tendance à favoriser un tel syn- profond avec les citoyens des pays pauvres.
crétisme est un effet négatif possible du pro- Si, à leur tour, ces derniers s’ouvrent, indif-
cessus de mondialisation,132 lorsqu’il alimente féremment et sans discernement, à n’importe
des formes de «religions» qui rendent les per- quelle proposition culturelle, ils ne sont plus
sonnes étrangères les unes aux autres au lieu en mesure d’assumer la responsabilité de leur
de favoriser leur rencontre et qui les éloignent développement authentique.139 Les sociétés
de la réalité. Dans le même temps, subsistent technologiquement avancées ne doivent pas
parfois des héritages culturels et religieux qui confondre leur propre développement techno-
figent la société en castes sociales immuables, logique avec une soi-disant supériorité cultu-
dans des croyances magiques qui ne respec- relle, mais elles doivent redécouvrir en elles-
tent pas la dignité de la personne, dans des at- mêmes les vertus, parfois oubliées, qui les ont
titudes de sujétion à des forces occultes. Dans Yougoslavie. Walter Sanders, Life fait progresser tout au long de leur histoire.
page 12 Encyclique Caritas in Veritate Horizons et débats – Supplément, août 2009

Les sociétés en voie de développement doi- ou techniques mais qui ont aussi besoin de communautés nationales et à la communauté vail. De cette manière, il donnait une forte
vent rester fidèles à tout ce qui est authen- voies et de moyens pédagogiques qui puissent internationale. Nous pouvons dire que nous réponse morale à cet objectif auquel aspirent
tiquement humain dans leurs traditions, en soutenir les personnes en vue de leur plein nous trouvons face à un phénomène social ca- les familles dans tous les pays du monde. Que
évitant d’y superposer automatiquement les épanouissement humain. ractéristique de notre époque, qui requiert une veut dire le mot «décent» lorsqu’il est appli-
mécanismes de la civilisation technologique Un exemple de l’importance de ce pro- politique de coopération internationale forte qué au travail? Il signifie un travail qui, dans
mondiale. De multiples et singulières conver- blème nous est offert par le phénomène du et perspicace sur le long terme afin d’être pris chaque société, soit l’expression de la dignité
gences éthiques se trouvent dans toutes les tourisme international141 qui peut constituer en compte de manière adéquate. Une telle po- essentielle de tout homme et de toute femme:
cultures; elles sont l’expression de la même un facteur notable de développement écono- litique doit être développée en partant d’une un travail choisi librement, qui associe effica-
nature humaine, voulue par le Créateur et mique et de croissance culturelle, mais qui étroite collaboration entre les pays d’origine cement les travailleurs, hommes et femmes,
que la sagesse éthique de l’humanité appelle peut aussi se transformer en occasion d’ex- des migrants et les pays où ils se rendent; elle au développement de leur communauté; un
la loi naturelle.140 Cette loi morale universelle ploitation et de déchéance morale. La situa- doit s’accompagner de normes internationales travail qui, de cette manière, permette aux
est le fondement solide de tout dialogue cul- tion actuelle offre des opportunités uniques adéquates, capables d’harmoniser les divers travailleurs d’être respectés sans aucune dis-
turel, religieux et politique et elle permet au pour que les aspects économiques du déve- ordres législatifs, dans le but de sauvegar- crimination; un travail qui donne les moyens
pluralisme multiforme des diverses cultures loppement, c’est-à-dire les mouvements de der les exigences et les droits des personnes de pourvoir aux nécessités de la famille et
de ne pas se détacher de la recherche com- fonds et la création au niveau local d’entre- et des familles émigrées et, en même temps, de scolariser les enfants, sans que ceux-ci ne
mune du vrai, du bien et de Dieu. L’adhésion prises d’importance significative, arrivent à ceux des sociétés où arrivent ces mêmes émi- soient eux-mêmes obligés de travailler; un tra-
à cette loi inscrite dans les cœurs, est donc être associés aux aspects culturels, au nom- grés. Aucun pays ne peut penser être en me- vail qui permette aux travailleurs de s’orga-
le présupposé de toute collaboration sociale bre desquels l’aspect éducatif figure en pre- sure de faire face seul aux problèmes migra- niser librement et de faire entendre leur voix;
constructive. Toutes les cultures ont des pe- mier lieu. Cela se réalise en de nombreux cas, toires de notre temps. Nous sommes tous un travail qui laisse un temps suffisant pour
santeurs dont elles doivent se libérer, des om- mais en bien d’autres le tourisme international témoins du poids de souffrances, de malaise retrouver ses propres racines au niveau per-
bres auxquelles elles doivent se soustraire. La est un facteur contre-éducatif aussi bien pour et d’aspirations qui accompagne les flux mi- sonnel, familial et spirituel; un travail qui as-
foi chrétienne, qui s’incarne dans les cultures le touriste que pour les populations locales. gratoires. La gestion de ce phénomène est sure aux travailleurs parvenus à l’âge de la re-
en les transcendant, peut les aider à grandir Ces dernières sont souvent confrontées à des complexe, nous le savons tous; il s’avère tou- traite des conditions de vie dignes.
dans la convivialité et dans la solidarité uni- comportements immoraux ou même pervers, tefois que les travailleurs étrangers, malgré
verselles au bénéfice du développement com-
munautaire et planétaire.
comme c’est le cas du tourisme dit sexuel,
pour lequel tant d’êtres humains sont sacri-
fiés, même à un jeune âge. Il est douloureux
les difficultés liées à leur intégration, appor-
tent par leur travail, une contribution appré-
ciable au développement économique du pays
64 En réfléchissant sur le thème du travail,
il est opportun d’évoquer l’exigence ur-
gente que les organisations syndicales des

60 Dans la recherche de solutions à la


crise économique actuelle, l’aide au
développement des pays pauvres doit être
de constater que cela se produit souvent avec
l’aval des gouvernements locaux, avec le si-
lence de ceux d’où proviennent les touristes
qui les accueille, mais aussi à leur pays d’ori-
gine par leurs envois d’argent. Il est évident
que ces travailleurs ne doivent pas être con-
travailleurs, qui ont toujours été encoura-
gées et soutenues par l’Eglise, s’ouvrent aux
nouvelles perspectives qui émergent dans le
considérée comme un véritable instrument et avec la complicité de nombreux opérateurs sidérés comme une marchandise ou simple- domaine du travail. Dépassant les limites
de création de richesse pour tous. Quel pro- de ce secteur. Même si l’on n’atteint pas tou- ment comme une force de travail. Ils ne doi- propres des syndicats catégoriels, les orga-
jet d’aide peut prévoir une croissance de va- jours de tels excès, le tourisme international vent donc pas être traités comme n’importe nisations syndicales sont appelées à affron-
leur aussi significative – y compris de l’éco- est vécu, bien souvent, dans un esprit de con- quel autre facteur de production. Tout mi- ter les nouveaux problèmes de nos sociétés:
nomie mondiale – comme peut le faire le sommation et de manière hédoniste; il est vu grant est une personne humaine qui, en tant je pense, par exemple, à l’ensemble des ques-
soutien aux populations qui se trouvent en- comme une évasion, avec des modes d’orga- que telle, possède des droits fondamentaux tions que les spécialistes en sciences sociales
core à une phase initiale ou peu avancée de nisation spécifiques aux pays de provenance, inaliénables qui doivent être respectés par repèrent dans les conflits entre individu-tra-
leur processus de développement économi- de sorte qu’il ne favorise en rien une rencontre tous et en toute circonstance.142 vailleur et individu-consommateur. Sans né-
que? Dans cette perspective, les Etats éco- véritable entre personnes et cultures. Il con- cessairement épouser la thèse selon laquelle
nomiquement plus développés feront tout
leur possible pour destiner aux aides au dé-
veloppement un pourcentage plus important
vient alors d’imaginer un tourisme différent,
capable de promouvoir une vraie connais-
sance réciproque, sans enlever les espaces né-
63 En considérant les problèmes du déve-
loppement, on ne peut omettre de sou-
ligner le lien étroit existant entre pauvreté
on est passé de la position centrale du tra-
vailleur à celle du consommateur, il semble
toutefois que cela soit un terrain favorable
de leur produit intérieur brut, en respectant cessaires au repos et à un sain divertissement: et chômage. Dans de nombreux cas, la pau- à des expériences syndicales novatrices. Le
les engagements pris dans ce domaine au ni- un tourisme de ce type doit être développé, en vreté est le résultat de la violation de la di- contexte d’ensemble dans lequel se déroule le
veau de la communauté internationale. Ils favorisant des liens plus étroits entre les expé- gnité du travail humain, soit parce que les travail requiert lui aussi que les organisations
pourront le faire aussi en révisant leurs poli- riences de coopération internationale et celles possibilités de travail sont limitées (chômage syndicales nationales, qui se limitent surtout
tiques intérieures d’assistance et de solidarité d’entreprises pour le développement. ou sous-emploi), soit parce qu’on mésestime à la défense des intérêts de leurs propres ad-
sociale, y appliquant le principe de subsidia- «les droits qui en proviennent, spécialement hérents, se tournent vers ceux qui ne le sont
rité et créant des systèmes de protection so-
ciale mieux intégrés, qui favorisent une parti-
cipation active des personnes privées et de la
62 Le phénomène des migrations est un
autre aspect qui mérite attention quand
on parle de développement humain intégral.
le droit au juste salaire, à la sécurité de la per-
sonne du travailleur et de sa famille».143 C’est
pourquoi, le 1er mai 2000, mon Prédécesseur
pas et, en particulier, vers les travailleurs des
pays en voie de développement où les droits
sociaux sont souvent violés. La défense de ces
société civile. De cette manière, il est même C’est un phénomène qui impressionne en rai- de vénérée mémoire, Jean-Paul II, lançait un travailleurs, promue aussi à travers des ini-
possible d’améliorer les services sociaux son du nombre de personnes qu’il concerne, appel à l’occasion du Jubilé des Travailleurs tiatives opportunes envers les pays d’origine,
et les organismes d’assistance et, en même des problématiques sociale, économique, po- pour «une coalition mondiale en faveur du permettra aux organisations syndicales de
temps, d’épargner des ressources en élimi- litique, culturelle et religieuse qu’il soulève, et travail digne»,144 en encourageant la straté- mettre en évidence les authentiques raisons
nant le gaspillage et les indemnités abusives, à cause des défis dramatiques qu’il lance aux gie de l’Organisation Internationale du Tra- éthiques et culturelles qui leur ont permis,
qui pourraient être destinées à la solidarité dans des contextes sociaux et de travail diffé-
internationale. Un système de solidarité so- rents, d’être un facteur décisif du développe-
ciale plus largement participatif et mieux or- ment. L’enseignement traditionnel de l’Eglise
ganisé, moins bureaucratique sans être pour reste toujours valable lorsqu’il propose la dis-
autant moins coordonné, permettrait de valo- tinction des rôles et des fonctions du syndicat
riser de nombreuses énergies, actuellement en et de la politique. Cette distinction permettra
sommeil, et tournerait à l’avantage de la soli- aux organisations syndicales de déterminer
darité entre les peuples. dans la société civile le domaine qui sera le
Une possibilité d’aide au développement plus approprié à leur action nécessaire pour la
pourrait résider dans l’application efficace de défense et la promotion du monde du travail,
ce qu’on appelle communément la subsidia- surtout en faveur des travailleurs exploités et
rité fiscale, qui permettrait aux citoyens de non représentés, dont l’amère condition de-
décider de la destination d’une part de leurs meure souvent ignorée par les yeux distraits
impôts versés à l’Etat. En ayant soin d’évi- de la société.
ter toute dégénération dans le particularisme,
cela peut aider à encourager des formes de
solidarité sociale à partir des citoyens eux-
mêmes, avec des bénéfices évidents sur le
65 Il faut enfin que la finance en tant que
telle, avec ses structures et ses moda-
lités de fonctionnement nécessairement re-
plan de la solidarité pour le développement. nouvelées après le mauvais usage qui en a été
fait et qui a eu des conséquences néfastes sur

61 Une solidarité plus large au niveau in-


ternational s’exprime avant tout en con-
tinuant à promouvoir, même dans des situa-
l’économie réelle, redevienne un instrument
visant à une meilleure production de riches-
ses et au développement. Toute l’économie et
tions de crise économique, un meilleur accès toute la finance, et pas seulement quelques-
à l’éducation, qui est, par ailleurs, la condi- uns de leurs secteurs, doivent, en tant qu’ins-
tion essentielle pour que la coopération inter- truments, être utilisés de manière éthique afin
nationale elle-même soit efficace. Le terme de créer les conditions favorables pour le dé-
«éducation» ne renvoie pas seulement à l’ins- veloppement de l’homme et des peuples. Il est
truction ou à la formation professionnelle, certainement utile, et en certaines circonstan-
toutes deux essentielles pour le développe- ces indispensable, de donner vie à des initia-
ment, mais à la formation complète de la per- tives financières où la dimension humanitaire
sonne. A ce propos, il convient de souligner soit dominante. Mais cela ne doit pas faire
un aspect problématique: pour éduquer il faut oublier que le système financier tout entier
savoir qui est la personne humaine, en con- doit être orienté vers le soutien d’un dévelop-
naître la nature. Une vision relativiste de cette pement véritable. Il faut surtout que l’objectif
nature qui tend à s’affirmer de plus en plus de faire le bien ne soit pas opposé à celui de
pose de sérieux problèmes pour l’éducation, la capacité effective à produire des biens. Les
et en particulier pour l’éducation morale, car opérateurs financiers doivent redécouvrir le
elle en compromet l’extension au niveau uni- fondement véritablement éthique de leur acti-
versel. Si l’on cède à un tel relativisme, tous vité afin de ne pas faire un usage abusif de ces
deviennent plus pauvres et cela n’est pas sans instruments sophistiqués qui peuvent servir à
conséquences négatives sur l’efficacité même tromper les épargnants. L’intention droite, la
des aides en faveur des populations démunies, transparence et la recherche de bons résultats
qui n’ont pas que des nécessités économiques France. Frank Scherschel, Life sont compatibles et ne doivent jamais être sé-
Horizons et débats – Supplément, août 2009 Encyclique Caritas in Veritate page 13

parés. Si l’amour est intelligent, il sait trou- boration internationale vers le développement ble de faire des choix libres et responsables. certains conditionnements matériels. La tech-
ver même les moyens de faire des opérations solidaire de tous les peuples. Pour le gouver- Il ne s’agit pas non plus d’un développement nique s’inscrit donc dans la mission de cul-
qui permettent une juste et prévoyante rétri- nement de l’économie mondiale, pour assai- livré à notre fantaisie, dans la mesure où nous tiver et de garder la terre (cf. Gn 2, 15) que
bution, comme le montrent, de manière signi- nir les économies frappées par la crise, pour savons tous que nous sommes donnés à nous- Dieu a confiée à l’homme, et elle doit tendre à
ficative, de nombreuses expériences dans le prévenir son aggravation et de plus grands dé- mêmes, sans être le résultat d’un auto-engen- renforcer l’alliance entre l’être humain et l’en-
domaine du crédit coopératif. séquilibres, pour procéder à un souhaitable drement. En nous, la liberté humaine est, dès vironnement appelé à être le reflet de l’amour
Une réglementation de ce secteur qui vise désarmement intégral, pour arriver à la sécu- l’origine, caractérisée par notre être et par ses créateur de Dieu.
à protéger les sujets les plus faibles et à em- rité alimentaire et à la paix, pour assurer la limites. Personne ne modèle arbitrairement sa
pêcher des spéculations scandaleuses, tout
comme l’expérimentation de formes nouvel-
les de finance destinées à favoriser des pro-
protection de l’environnement et pour régu-
ler les flux migratoires, il est urgent que soit
mise en place une véritable Autorité politi-
conscience, mais tous construisent leur pro-
pre «moi» sur la base d’un «soi» qui nous a
été donné. Non seulement nous ne pouvons
70 Le développement technologique peut
amener à penser que la technique se
suffit à elle-même, quand l’homme, en s’in-
jets de développement sont des expériences que mondiale telle qu’elle a déjà été esquis- pas disposer des autres, mais nous ne pou- terrogeant uniquement sur le comment, omet
positives qu’il faut approfondir et encoura- sée par mon Prédécesseur, le bienheureux vons pas davantage disposer de nous-mêmes. de considérer tous les pourquoi qui le pous-
ger, en faisant appel à la responsabilité même Jean XXIII. Une telle Autorité devra être ré- Le développement de la personne s’étiole, si sent à agir. C’est pour cela que la technique
de l’épargnant. L’expérience de la microfi- glée par le droit, se conformer de manière co- elle prétend en être l’unique auteur. Analogi- prend des traits ambigus. Née de la créativité
nance elle aussi, qui s’enracine dans la ré- hérente aux principes de subsidiarité et de so- quement, le développement des peuples se dé- humaine comme instrument de la liberté de
flexion et dans l’action de citoyens humanis- lidarité, être ordonnée à la réalisation du bien nature, si l’humanité croit pouvoir se recréer la personne, elle peut être comprise comme
tes – je pense surtout à la création des Monts commun,147 s’engager pour la promotion d’un en s’appuyant sur les «prodiges» de la techno- un élément de liberté absolue, liberté qui veut
de Piété –, doit être renforcée et actualisée, authentique développement humain intégral logie. De même, le développement économi- s’affranchir des limites que les choses por-
surtout en ces temps où les problèmes finan- qui s’inspire des valeurs de l’amour et de la que s’avère factice et nuisible, s’il s’en remet tent en elles-mêmes. Le processus de mon-
ciers peuvent devenir dramatiques pour les vérité. Cette Autorité devra en outre être re- aux «prodiges» de la finance pour soutenir dialisation pourrait substituer la technolo-
couches les plus vulnérables de la population connue par tous, jouir d’un pouvoir effectif une croissance artificielle liée à une consom- gie aux idéologies,152 devenue à son tour un
qu’il faut protéger contre les risques du prêt pour assurer à chacun la sécurité, le respect mation excessive. Face à cette prétention pro- pouvoir idéologique qui expose l’humanité
usuraire ou du désespoir. Il faut que les sujets de la justice et des droits.148 Elle devra évi- méthéenne, nous devons manifester un amour au risque de se trouver enfermée dans un a
les plus faibles apprennent à se défendre des demment posséder la faculté de faire respec- plus fort pour une liberté qui ne soit pas arbi- priori d’où elle ne pourrait sortir pour ren-
pratiques usuraires, tout comme il faut que ter ses décisions par les différentes parties, traire, mais vraiment humanisée par la recon- contrer l’être et la vérité. Dans un tel cas,
les peuples pauvres apprennent à tirer pro- ainsi que les mesures coordonnées adoptées naissance du bien qui la précède. Dans ce but, tous nous connaîtrions, apprécierions et dé-
fit du microcrédit, décourageant de cette ma- par les divers forums internationaux. En l’ab- il faut que l’homme rentre en lui-même pour terminerions toutes les situations de notre
nière les formes d’exploitation possibles en sence de ces conditions, le droit international, reconnaître les normes fondamentales de la vie à l’intérieur d’un horizon culturel techno-
ces deux domaines. Puisqu’il existe égale- malgré les grands progrès accomplis dans di- loi morale que Dieu a inscrite dans son cœur. cratique auquel nous appartiendrions struc-
ment de nouvelles formes de pauvreté dans vers domaines, risquerait en fait d’être con- turellement, sans jamais pouvoir trouver un
les pays riches, la microfinance peut appor-
ter des aides concrètes pour la création d’ini-
tiatives et de secteurs nouveaux en faveur des
ditionné par les équilibres de pouvoir entre
les plus puissants. Le développement intégral
des peuples et la collaboration internationale
69 Le problème du développement est
aujourd’hui très étroitement lié au pro-
grès technologique et à ses stupéfiantes ap-
sens qui ne soit pas notre œuvre. Cette vi-
sion donne aujourd’hui à la mentalité tech-
niciste tant de force qu’elle fait coïncider le
franges les plus fragiles de la société, même exigent que soit institué un degré supérieur plications dans le domaine de la biologie. La vrai avec le faisable. Mais lorsque les seuls
en une période d’appauvrissement possible d’organisation à l’échelle internationale de technique – il est bon de le souligner – est une critères de vérité sont l’efficacité et l’utilité, le
de l’ensemble de la société. type subsidiaire pour la gouvernance de la réalité profondément humaine, liée à l’autono- développement est automatiquement nié. En
mondialisation149 et que soit finalement mis mie et à la liberté de l’homme. Elle exprime effet, le vrai développement ne consiste pas

66 L’interconnexion mondiale a fait sur-


gir un nouveau pouvoir politique, celui
des consommateurs et de leurs associations.
en place un ordre social conforme à l’ordre
moral et au lien entre les sphères morale et
sociale, entre le politique et la sphère écono-
et affirme avec force la maîtrise de l’esprit
sur la matière. L’esprit, rendu ainsi «moins
esclave des choses, peut facilement s’élever
d’abord dans le «faire». La clef du dévelop-
pement, c’est une intelligence capable de pen-
ser la technique et de saisir le sens pleinement
C’est un phénomène sur lequel il faut appro- mique et civile que prévoyait déjà le Statut jusqu’à l’adoration et à la contemplation du humain du «faire» de l’homme, sur l’horizon
fondir la réflexion: il comporte des éléments des Nations Unies. Créateur».150 La technique permet de dominer de sens de la personne prise dans la globa-
positifs qu’il convient d’encourager et aussi la matière, de réduire les risques, d’économi- lité de son être. Même quand l’homme agit à
des excès à éviter. Il est bon que les personnes CHAPITRE VI ser ses forces et d’améliorer les conditions de l’aide d’un satellite ou d’une impulsion élec-
se rendent compte qu’acheter est non seule- vie. Elle répond à la vocation même du tra- tronique à distance, son action reste toujours
ment un acte économique mais toujours aussi Le developpement des peuples vail humain: par la technique, œuvre de son humaine, expression d’une liberté responsa-
un acte moral. Le consommateur a donc une et la technique génie, l’homme reconnaît ce qu’il est et ac- ble. La technique attire fortement l’homme,
responsabilité sociale précise qui va de pair complit son humanité. La technique est l’as- parce qu’elle le soustrait aux limites physi-
avec la responsabilité sociale de l’entreprise.
Les consommateurs doivent être éduqués en
permanence145 sur le rôle qu’ils jouent cha-
68 Le thème du développement des peu-
ples est intimement lié à celui du dé-
veloppement de chaque homme. Par nature,
pect objectif de l’agir humain,151 dont l’origine
et la raison d’être résident dans l’élément sub-
jectif: l’homme qui travaille. C’est pourquoi
ques et qu’elle élargit son horizon. Mais la li-
berté humaine n’est vraiment elle-même que
lorsqu’elle répond à la fascination de la tech-
que jour et qu’ils peuvent exercer dans le res- la personne humaine est en tension dynami- la technique n’est jamais purement technique. nique par des décisions qui sont le fruit de la
pect des principes moraux, sans diminuer la que vers son développement. Il ne s’agit pas Elle manifeste l’homme et ses aspirations au responsabilité morale. Il en résulte qu’il est
rationalité économique intrinsèque de l’acte d’un développement assuré par des mécanis- développement, elle exprime la tendance de urgent de se former à la responsabilité éthi-
d’acheter. Dans ce domaine des achats aussi, mes naturels, car chacun de nous se sait capa- l’esprit humain au dépassement progressif de que dans l’usage de la technique. Partant de
surtout en des moments comme ceux que la fascination qu’exerce la technique sur l’être
nous vivons, où le pouvoir d’achat risque humain, on doit retrouver le vrai sens de la li-
de s’affaiblir et où il faudra consommer de berté, qui ne réside pas dans l’ivresse d’une
manière plus sobre, il est opportun d’ouvrir autonomie totale, mais dans la réponse à l’ap-
d’autres voies, comme par exemple des for- pel de l’être, en commençant par l’être que
mes de coopération à l’achat, telles que les nous sommes nous-mêmes.
coopératives de consommation, créées à par-
tir du XIXe siècle grâce notamment à l’initia-
tive des catholiques. Il est en outre utile de
favoriser de nouvelles formes de commercia-
71 Les phénomènes de la technicisation
aussi bien du développement que de la
paix montrent qu’il est aujourd’hui possible
lisation des produits en provenance des ré- de détourner la mentalité technique de son lit
gions pauvres de la planète afin d’assurer aux humaniste originaire. Le développement des
producteurs une rétribution décente, à con- peuples est souvent considéré comme un pro-
dition toutefois que le marché soit vraiment blème d’ingénierie financière, d’ouverture
transparent, que les producteurs ne reçoivent des marchés, d’abattement de droits, d’inves-
pas seulement des marges bénéficiaires supé- tissements productifs et de réformes institu-
rieures mais aussi une meilleure formation, tionnelles: en définitive comme un problème
une compétence professionnelle et techno- purement technique. Tous ces domaines sont
logique et qu’enfin des idéologies partisanes assurément importants, mais on doit se de-
ne soient pas associées à de telles expérien- mander pourquoi les choix de nature techni-
ces d’économie pour le développement. Il est que n’ont connu jusqu’ici que des résultats im-
souhaitable que, comme facteur de démocra- parfaits. La raison doit être recherchée plus
tie économique, les consommateurs aient un en profondeur. Le développement ne sera ja-
rôle plus décisif, à condition qu’ils ne soient mais complètement garanti par des forces,
pas eux-mêmes manipulés par des associa- pour ainsi dire automatiques et impersonnel-
tions peu représentatives. les, que ce soit celles du marché ou celles de
la politique internationale. Le développement

67 Face au développement irrésistible de


l’interdépendance mondiale, et alors
que nous sommes en présence d’une réces-
est impossible, s’il n’y a pas des hommes
droits, des acteurs économiques et des hom-
mes politiques fortement interpellés dans leur
sion également mondiale, l’urgence de la ré- conscience par le souci du bien commun. La
forme de l’Organisation des Nations Unies compétence professionnelle et la cohérence
comme celle de l’architecture économique et morale sont nécessaires l’une et l’autre. Quand
financière internationale en vue de donner l’absolutisation de la technique prévaut, il y a
une réalité concrète au concept de famille des confusion entre les fins et les moyens: pour
Nations, trouve un large écho. On ressent éga- l’homme d’affaires, le seul critère d’action
lement fortement l’urgence de trouver des for- sera le profit maximal de la production; pour
mes innovantes pour concrétiser le principe l’homme politique, le renforcement du pou-
de la responsabilité de protéger146 et pour ac- voir; pour le scientifique, le résultat de ses dé-
corder aux nations les plus pauvres une voix couvertes. Ainsi, il arrive souvent que, dans
opérante dans les décisions communes. Cela les réseaux des échanges économiques, finan-
est d’autant plus nécessaire pour la recherche ciers ou politiques, demeurent des incompré-
d’un ordre politique, juridique et économique, hensions, des malaises et des injustices; les
susceptible d’accroître et d’orienter la colla- Pays-Bas. Cas Oorthuys flux des connaissances techniques se multi-
page 14 Encyclique Caritas in Veritate Horizons et débats – Supplément, août 2009

plient, mais au bénéfice de leurs propriétaires, particulièrement délicat et décisif, où émerge (mentalité favorable à l’euthanasie) se frayer rielle, parce que la personne humaine est une
tandis que la situation réelle des populations avec une force dramatique la question fon- un chemin, manifestation tout aussi abusive «unité d’âme et de corps»,156 née de l’amour
qui vivent sous ces flux dont elles ignorent damentale de savoir si l’homme s’est produit d’une volonté de domination sur la vie, qui, créateur de Dieu et destinée à vivre éternel-
presque tout, demeure inchangée et sans pos- lui-même ou s’il dépend de Dieu. Les décou- dans certaines conditions, n’est plus considé- lement. L’être humain se développe quand il
sibilité réelle d’émancipation. vertes scientifiques en ce domaine et les pos- rée comme digne d’être vécue. Derrière tout grandit dans l’esprit, quand son âme se con-
sibilités d’intervention technique semblent tel- cela se cachent des positions culturelles né- naît elle-même et connaît les vérités que Dieu

72 La paix, elle aussi, risque parfois d’être


considérée comme un produit techni-
que, fruit des seuls accords entre les gouverne-
lement avancées qu’elles imposent de choisir
entre deux types de rationalité, celle de la rai-
son ouverte à la transcendance et celle d’une
gatrices de la dignité humaine. Ces pratiques,
à leur tour, renforcent une conception maté-
rialiste et mécaniste de la vie humaine. Qui
y a imprimées en germe, quand il dialogue
avec lui-même et avec son Créateur. Loin de
Dieu, l’homme est inquiet et fragile. L’aliéna-
ments ou d’initiatives destinées à procurer des raison close dans l’immanence technologique. pourra mesurer les effets négatifs d’une pa- tion sociale et psychologique, avec toutes les
aides économiques efficaces. Il est vrai que On se trouve devant un «ou bien, ou bien» (aut reille mentalité sur le développement? Com- névroses qui caractérisent les sociétés opu-
bâtir la paix demande que l’on tisse sans cesse aut) décisif. Pourtant, la ‘rationalité’ de l’agir ment pourra-t-on s’étonner de l’indifférence lentes, s’explique aussi par des causes d’or-
des contacts diplomatiques, des échanges éco- technique centré sur lui-même s’avère irration- devant des situations humaines de dégrada- dre spirituel. Une société du bien-être, maté-
nomiques et technologiques, des rencontres nelle, parce qu’elle comporte un refus décisif tion, si l’indifférence caractérise même notre riellement développée, mais oppressive pour
culturelles, des accords sur des projets com- du sens et de la valeur. Ce n’est pas un hasard attitude à l’égard de la frontière entre ce qui l’âme, n’est pas de soi orientée vers un dé-
muns, ainsi que le déploiement d’efforts réci- si la fermeture à la transcendance se heurte à est humain et ce qui ne l’est pas? Ce qui est veloppement authentique. Les nouvelles for-
proques pour endiguer les menaces de guerre la difficulté de comprendre comment du néant stupéfiant, c’est la capacité de sélectionner ar- mes d’esclavage de la drogue et le désespoir
et couper à la racine la tentation récurrente a pu jaillir l’être et comment du hasard est née bitrairement ce qui, aujourd’hui, est proposé dans lequel tombent de nombreuses person-
du terrorisme. Toutefois, pour que ces efforts l’intelligence.153 Face à ces problèmes drama- comme digne de respect. Prompts à se scan- nes ont une explication non seulement socio-
puissent avoir des effets durables, il est néces- tiques, la raison et la foi s’aident réciproque- daliser pour des questions marginales, beau- logique et psychologique, mais essentielle-
saire qu’ils s’appuient sur des valeurs enraci- ment. Ce n’est qu’ensemble qu’elles sauveront coup semblent tolérer des injustices inouïes. ment spirituelle. Le vide auquel l’âme se sent
nées dans la vérité de la vie. Autrement dit, il l’homme. Attirée par l’agir technique pur, Tandis que les pauvres du monde frappent livrée, malgré de nombreuses thérapies pour
faut écouter la voix des populations concer- la raison sans la foi est destinée à se perdre aux portes de l’opulence, le monde riche ris- le corps et pour la psyché, produit une souf-
nées et examiner leur situation pour en inter- dans l’illusion de sa toute-puissance. La foi, que de ne plus entendre les coups frappés à france. Il n’y pas de développement plénier et
préter les attentes avec justesse. On doit, pour sans la raison, risque de devenir étrangère à sa porte, sa conscience étant désormais in- de bien commun universel sans bien spirituel
ainsi dire, s’inscrire dans la continuité de l’ef- la vie concrète des personnes.154 capable de reconnaître l’humain. Dieu révèle et moral des personnes, considérées dans l’in-
fort anonyme de tant de personnes fortement l’homme à l’homme; la raison et la foi colla- tégrité de leur âme et de leur corps.
engagées pour promouvoir les rencontres
entre les peuples et favoriser le développement
à partir de l’amour et de la compréhension ré-
75 Paul VI avait déjà reconnu et mis en
évidence l’horizon mondial de la ques-
tion sociale.155 En le suivant sur ce chemin, il
borent pour lui montrer le bien, à condition
qu’il veuille bien le voir; la loi naturelle, dans
laquelle resplendit la Raison créatrice, mon- 77 L’absolutisme de la technique tend à
provoquer une incapacité à percevoir
ciproques. Parmi ces personnes, se trouvent faut affirmer aujourd’hui que la question so- tre la grandeur de l’homme, mais aussi sa mi- ce qui ne s’explique pas par la simple ma-
aussi des chrétiens, impliqués dans la grande ciale est devenue radicalement une question sère, quand il méconnaît l’appel de la vérité tière. Pourtant, les hommes expérimentent
tâche de donner au développement et à la paix anthropologique, au sens où elle implique la morale. tous les nombreux aspects de leur vie qui ne
un sens pleinement humain. manière même, non seulement de concevoir, sont pas de l’ordre de la matière, mais de l’es-

73 Au développement technologique est


liée la diffusion croissante des moyens
mais aussi de manipuler la vie, remise tou-
jours plus entre les mains de l’homme par les
biotechnologies. La fécondation in vitro, la
76 Un des aspects de l’esprit techniciste
moderne se vérifie dans la tendance
à ne considérer les problèmes et les mouve-
prit. Connaître n’est pas seulement un acte
physique, car le connu cache toujours quel-
que chose qui va au-delà du donné empiri-
de communication sociale. Il est désormais recherche sur les embryons, la possibilité du ments liés à la vie intérieure que d’un point de que. Chacune de nos connaissances, même
presque impossible d’imaginer que la famille clonage et de l’hybridation humaine apparais- vue psychologique, et cela jusqu’au réduction- la plus simple, est toujours un petit prodige,
humaine puisse exister sans eux. Pour le bien sent et sont promues dans la culture contem- nisme neurologique. L’homme est ainsi privé parce qu’elle ne s’explique jamais complète-
et pour le mal, ils sont insérés à ce point dans poraine du désenchantement total qui croit de son intériorité, et l’on assiste à une perte ment par les instruments matériels que nous
la vie du monde, qu’il semble vraiment ab- avoir dissipé tous les mystères, parce qu’on progressive de la conscience de la consistance utilisons. En toute vérité, il y a plus que tout
surde, comme certains le font, de prétendre est désormais parvenu à la racine de la vie. ontologique de l’âme humaine, avec les pro- ce à quoi nous nous serions attendus; dans
qu’ils seraient neutres, et de revendiquer leur C’est ici que l’absolutisme de la technique fondeurs que les Saints ont su sonder. Le pro- l’amour que nous recevons, il y a toujours
autonomie à l’égard de la morale relative aux trouve son expression la plus grande. Dans ce blème du développement est strictement lié quelque chose qui nous surprend. Nous ne de-
personnes. De telles perspectives, qui souli- genre de culture, la conscience n’est appelée à aussi à notre conception de l’âme humaine, vrions jamais cesser de nous étonner devant
gnent à l’excès la nature strictement techni- prendre acte que d’une pure possibilité tech- dès lors que notre moi est souvent réduit à la ces prodiges. En chaque connaissance et en
que des media, favorisent en réalité leur su- nique. On ne peut minimiser alors les scé- psyché et que la santé de l’âme se confond chaque acte d’amour, l’âme de l’homme fait
bordination au calcul économique, dans le narios inquiétants pour l’avenir de l’homme avec le bien-être émotionnel. Ces réductions l’expérience d’un «plus» qui s’apparente beau-
but de dominer les marchés et, ce qui n’est ni la puissance des nouveaux instruments se fondent sur une profonde incompréhension coup à un don reçu, à une hauteur à laquelle
pas le moins, au désir d’imposer des paramè- dont dispose la «culture de mort». A la plaie de la vie spirituelle et elles conduisent à mé- nous nous sentons élevés. Le développement
tres culturels de fonctionnement à des fins tragique et profonde de l’avortement, pour- connaître que le développement de l’homme de l’homme et des peuples se place lui aussi
idéologiques et politiques. Etant donné leur rait s’ajouter à l’avenir, et c’est déjà subrep- et des peuples dépend en fait aussi de la réso- à une hauteur semblable, si nous considérons
importance fondamentale dans la détermina- ticement in nuce (en germe), une planifica- lution de problèmes de nature spirituelle. Le la dimension spirituelle que doit nécessaire-
tion des changements dans la manière de per- tion eugénique systématique des naissances. développement doit comprendre une crois- ment comporter ce développement pour qu’il
cevoir et de connaître la réalité et la personne D’un autre côté, on voit une mens eutanasica sance spirituelle, et pas seulement maté- puisse être authentique. Il demande des yeux
humaine elle-même, il devient nécessaire de et un cœur nouveaux, capables de dépasser la
réfléchir attentivement à leur influence, en vision matérialiste des événements humains
particulier sur le plan éthico-culturel de la et d’entrevoir dans le développement un «au-
mondialisation et du développement solidaire delà» que la technique ne peut offrir. Sur ce
des peuples. Conformément à ce que requiert chemin, il sera possible de poursuivre ce dé-
une gestion correcte de la mondialisation et veloppement humain intégral dont le critère
du développement, le sens et la finalité des d’orientation se trouve dans la force active de
médias doivent être recherchés sur une base la charité dans la vérité.
anthropologique. Cela signifie qu’ils peuvent
être une occasion d’humanisation non seule- CONCLUSION
ment quand, grâce au développement techno-
logique, ils offrent de plus grandes possibili-
tés de communication et d’information, mais
surtout quand ils sont structurés et orien-
78 Sans Dieu, l’homme ne sait où aller
et ne parvient même pas à compren-
dre qui il est. Face aux énormes problèmes
tés à la lumière d’une image de la personne du développement des peuples qui nous pous-
et du bien commun qui en respecte les va- seraient presque au découragement et au dé-
leurs universelles. Les moyens de communi- faitisme, la parole du Seigneur Jésus Christ
cation sociale ne favorisent pas la liberté de vient à notre aide en nous rendant cons-
tous et n’universalisent pas le développement cients de ce fait que: «Sans moi, vous ne pou-
et la démocratie pour tous, simplement parce vez rien faire» (Jn 15, 5); elle nous encou-
qu’ils multiplient les possibilités d’intercon- rage: «Je suis avec vous tous les jours jusqu’à
nexion et de circulation des idées. Pour at- la fin du monde» (Mt 28, 20). Face à l’am-
teindre de tels objectifs, il faut qu’ils aient pleur du travail à accomplir, la présence de
pour objectif principal la promotion de la Dieu aux côtés de ceux qui s’unissent en son
dignité des personnes et des peuples, qu’ils Nom et travaillent pour la justice nous sou-
soient expressément animés par la charité et tient. Paul VI nous a rappelé dans Popu-
mis au service de la vérité, du bien et d’une lorum progressio que l’homme n’est pas à
fraternité naturelle et surnaturelle. Dans l’hu- même de gérer à lui seul son progrès, parce
manité, en effet, la liberté est intrinsèquement qu’il ne peut fonder par lui-même un vérita-
liée à ces valeurs supérieures. Les media peu- ble humanisme. Nous ne serons capables de
vent constituer une aide puissante pour faire produire une réflexion nouvelle et de déployer
grandir la communion de la famille humaine de nouvelles énergies au service d’un vérita-
et l’ethos des sociétés, quand ils deviennent ble humanisme intégral que si nous nous re-
des instruments de promotion de la partici- connaissons, en tant que personnes et en tant
Colombie. Ronny Jaques, Town & Country
pation de tous à la recherche commune de ce que communautés, appelés à faire partie de
qui est juste. la famille de Dieu en tant que fils. La plus
grande force qui soit au service du dévelop-

74 Un domaine primordial et crucial de


l’affrontement culturel entre la techni-
que considérée comme un absolu et la respon-
pement, c’est donc un humanisme chrétien,157
qui ravive la charité et se laisse guider par la
vérité, en accueillant l’une et l’autre comme
sabilité morale de l’homme est aujourd’hui des dons permanents de Dieu. L’ouverture à
celui de la bioéthique, où se joue de manière Dieu entraîne l’ouverture aux frères et à une
radicale la possibilité même d’un développe- vie comprise comme une mission solidaire et
ment humain intégral. Il s’agit d’un domaine joyeuse. Inversement, la fermeture idéologi-
Horizons et débats – Supplément, août 2009 Encyclique Caritas in Veritate page 15

que à l’égard de Dieu et l’athéisme de l’indif- (1967) col. 682; cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. 20
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Sollicitudo rei socia- 40
Ibid., n. 3: loc. cit., 258; DC 64 (1967) col. 675.
férence, qui oublient le Créateur et risquent past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps lis (30 décembre 1987), n. 3: loc. cit., 515; DC 41
Ibid., n. 6: loc. cit., 260; DC 64 (1967) col. 676.
d’oublier aussi les valeurs humaines, se pré- Gaudium et Spes, n. 69, §1. 85 (1988) p. 234.
42
Ibid., n. 14: loc. cit., 264; DC 64 (1967) col. 679.
sentent aujourd’hui parmi les plus grands 2
Paul VI, Allocution de la messe pour la Journée 21
Cf. ibid. n. 1: loc. cit. , 513–514; DC 85 (1988) p.
obstacles au développement. L’humanisme du développement, Bogota, 23 août 1968: AAS 234. 43
Ibid.; cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Centesimus
qui exclut Dieu est un humanisme inhumain. 60 (1968) pp. 626–627; DC 65 (1968) col. 1547. 22
Cf. ibid. n. 3: loc. cit., 515; DC 85 (1988) p. 234. annus (1er mai 1991), nn. 53–62: loc. cit., 859–
867; DC 88 (1991) pp. 545–548; Idem, Lett.
Seul un humanisme ouvert à l’Absolu peut 3
Cf. Jean–Paul II, Message pour la Journée mon- 23
Jean–Paul II, Lett. enc. Laborem exercens (14 enc. Redemptor hominis (4 mars 1979), n. 13–
nous guider dans la promotion et la réalisa- diale de prière pour la Paix 2002: AAS 94 septembre 1981), n. 3: AAS 73 (1981), 583–584; 14: AAS 71 (1979), 282–286; DC 76 (1979) pp.
tion de formes de vie sociale et civile – dans (2002), 132–140; DC 99 (2002) pp. 4–8. DC 78 (1981) p. 837. 308–309.
le cadre des structures, des institutions, de la 4
Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. Past. sur l’Eglise 24
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Centesimus annus
culture et de l’ethos – en nous préservant du
44
Cf. Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio
dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, n. (1er mai 1991), n. 3: loc. cit., 794–796; DC 88 (26 mars 1967), n. 12: loc. cit., 262–263; DC 64
risque de devenir prisonniers des modes du 26. (1991) pp. 518–519. (1967) col. 678.
moment. C’est la conscience de l’Amour in- 5
Cf. Jean XXIII, Lett. enc. Pacem in terris (11 25
Cf. Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio
destructible de Dieu qui nous soutient dans
45
Conc. œcum. Vat. II, Const. past sur l’Eglise
avril 1963), nn. 68–70: AAS 55 (1963), 268– (26 mars 1967), n. 3: loc. cit., 258; DC 64 (1967)
l’engagement, rude et exaltant, en faveur de dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, n.
270; DC 60 (1963) col. 525–526. col. 675.
22.
la justice, du développement des peuples avec 6
Cf. n. 16: loc. cit., 265; DC 64 (1967) col. 680. 26
Cf. ibid., n. 34: loc. cit., 274; DC 64 (1967)
ses succès et ses échecs, dans la poursuite in- col. 686.
46
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio (26
cessante d’un juste ordonnancement des réali-
7
Cf. ibid., n. 82: loc. cit., 297; DC 64 (1967) col. mars 1967), n. 13: loc. cit., 263–264; DC 64
701. 27
Cf. nn. 8–9: AAS 60 (1968), 485–487; DC 65 (1967) col. 679.
tés humaines. L’amour de Dieu nous appelle (1968) col. 1445–1446; Benoît XVI, Audience au
à sortir de ce qui est limité et non définitif; il 8
Ibid., n. 42: loc. cit., 278; DC 64 (1967) col. 689. 47
Cf. Benoît XVI, Discours aux participants du
Congrès International organisé à l’occasion du
nous donne le courage d’agir et de persévé- 9
Ibid., n. 20: loc. cit., 267; DC 64 (1967) col. 681. 40e anniversaire d’Humanæ vitæ, 10 mai 2008; IVe Congrès ecclésial national italien, Vérone,
rer dans la recherche du bien de tous, même Oss. Rom. fr. n. 20 (2008) p. 5. 19 octobre 2006, Oss. Rom. fr. n. 43 (2006) p.
10
Cf. Conc. œcum. Vat. II; Const. Past sur l’Eglise 3–4.
s’il ne se réalise pas immédiatement, même si dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, 28
Cf. Lett. enc. Evangelium vitæ (25 mars 1995),
ce que nous-mêmes, les autorités politiques, n.36; Paul VI, Lett. apost. Octogesima adveniens n. 93: AAS 87 (1995), 507–508; DC 92 (1995)
48
Cf. Paul VI, Lett. enc. Populorum progres-
ainsi que les acteurs économiques réussissons (14 mai 1971), n. 4: AAS 63 (1971), 403–404; pp. 397–398. sio (26 mars 1967), n. 16: loc. cit., 265; DC 64
à faire est toujours inférieur à ce à quoi nous DC 68 (1971) pp. 502–503; Jean–Paul II, Lett. 29
Cf. ibid., n. 101: loc. cit., 516–518; DC 92 (1995)
(1967) col. 680.
aspirons.158 Dieu nous donne la force de lut- enc. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 43: p. 401–402.
49
Ibid.
ter et de souffrir par amour du bien commun, AAS 83 (1991), 847; DC 88 (1991) p. 540.
30
n. 29: AAS 68 (1976), 25; DC 73 (1976) p. 6. 50
Benoît XVI, Discours aux jeunes, Sydney 17
parce qu’Il est notre Tout, notre plus grande 11
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio (26 juillet 2008; DC 105 (2008) p. 778.
espérance. mars 1967), n. 13: loc. cit., 263–264; DC 64
31
Ibid., n. 31: loc. cit., 26; DC 73 (1976) p. 6.
(1967) col. 679. 32
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Sollicitudo rei socia-
51
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio (26

79 Le développement a besoin de chré- lis (30 décembre 1987), n. 41: loc. cit., 570–572; mars 1967), n. 20: loc. cit., 267; DC 64 (1967)
12
Cf. Conseil pontifical pour la Justice et la Paix, col. 681.
tiens qui ont les mains tendues vers Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise, DC 85 (1988) p. 251.
Dieu dans un geste de prière, conscients du n. 76. 33
Cf. ibid.; Idem, Lett. enc. Centesimus annus
52
Ibid., n. 66: loc. cit., 289–290; DC 64 (1967)
fait que l’amour riche de vérité, caritas in ve- (1er mai 1991), nn. 5.54: loc. cit., 799.859–860; col. 696.
13
Cf. Benoît XVI, Discours d’inauguration de la
ritate, d’où procède l’authentique développe- DC 88 (1991) pp. 520–521, 545–546. 53
Ibid., n. 21: loc. cit., 267–268; DC 64 (1967)
Ve Conférence générale de l’Episcopat d’Amé-
ment, n’est pas produit par nous, mais nous rique latine et des Caraibes, Aparecida 13 mai 34
N. 15: loc. cit., 265; DC 64 (1967) col. 679. col. 681.
est donné. C’est pourquoi, même dans les 2007; DC 104 (2007) pp. 532–541. 35
Cf. ibid., n. 2; DC 64 (1967) col. 675; Léon XIII, 54
Cf. nn. 3.29.32: loc. cit., 258.272.273; DC 64
moments les plus difficiles et les situations 14
Cf. Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio Lett. enc. Rerum novarum (15 mai 1891), n. 1: (1967) col. 675. 684–685.
les plus complexes, nous devons non seu- (26 mars 1967), nn. 3.4.5: loc. cit., 258–260; DC Leonis XIII P.M. Acta, XI, Romæ 1892, 97; 55
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Sollicitudo rei socia-
lement réagir en conscience, mais aussi et 64 (1967) col. 675–676. Jean–Paul II, Lett. enc. Sollicitudo rei socialis lis (30 décembre 1987), n. 28: loc. cit., 548–550;
surtout nous référer à son amour. Le déve- (30 décembre 1987), n. 8: loc. cit., 519–520; DC DC 85 (1988) p. 244.
15
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Sollicitudo rei socia-
loppement suppose une attention à la vie spi- lis (30 décembre 1987), nn. 6.7: AAS 80 (1988),
85 (1988) pp. 235–236; Idem., Lett. enc. Centesi-
mus annus (1er mai 1991), n. 5: loc. cit., 799; DC
56
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio (26
rituelle, une sérieuse considération des expé- 517–519; DC 85 (1988) p. 235. 88 (1991) pp. 520–521. mars 1967), n. 9: loc. cit., 261–262; DC 64
riences de confiance en Dieu, de fraternité (1967) col. 677.
spirituelle dans le Christ, de remise de soi
16
Cf. Paul VI, Lett. enc. Populorum progres- 36
Cf. Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio
sio (26 mars 1967), n. 14: loc. cit., 264; DC 64 (26 mars 1967), nn. 2. 13; DC 64 (1967) col. 675.
57
Cf. Lett. enc. Sollicitudo rei socialis (30 décem-
à la Providence et à la Miséricorde divine, (1967) col. 679.
d’amour et de pardon, de renoncement à soi- 679. bre 1987), n. 20: loc. cit., 536–537; DC 85 (1988)
17
Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est (25 dé- pp. 240–241.
même, d’accueil du prochain, de justice et de 37
Ibid., n. 42: loc. cit., 278; DC 64 (1967) col. 689.
paix. Tout cela est indispensable pour trans- cembre 2005), n 18: AAS 98 (2006), 232; DC 58
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Centesimus annus
103 (2006) p. 175.
38
Ibid., n. 11; DC 64 (1967) col. 678; cf. Jean–Paul
former les «cœurs de pierre» en «cœurs de II, Lett. enc. Centesimus annus (1er mai 1991), (1er mai 1991), passim; DC 88 (1991) pp. 518–
chair» (Ez 36, 26), au point de rendre la vie 18
Ibid., n. 6: loc. cit., 222; DC, ibid. p. 169. n. 25: loc. cit., 822–824; DC 88 (1991) pp. 230– 550, passim.
sur terre «divine» et, par conséquent, plus 19
Cf. Benoît XVI, Discours à la Curie Romaine 231. 59
Cf. nn. 23.33: loc. cit., 268–269.273–274; DC 64
digne de l’homme. Tout cela vient à la fois pour la présentation des vœux de Noël; L’Osser- 39
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio (1967) col. 682. 685–686.
de l’homme, parce que l’homme est le sujet vatore Romano en langue française (par la suite: (26 mars 1967), n. 15: loc. cit., 265; DC 64 60
Cf. loc. cit., 135.
de son existence, et de Dieu, parce que Dieu Oss. Rom. fr.) n. 52 (2005) pp. 3–5. (1967) col. 679. 61
Conc. œcum. Vat. II, Const. past. Sur l’Eglise
est au principe et à la fin de tout ce qui a de dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, n.
la valeur et qui libère: «Le monde et la vie et 63.
la mort, le présent et l’avenir: tout est à vous!
Mais vous êtes au Christ, et le Christ est à
62
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Centesimus annus
(1er mai 1991), n. 24: loc. cit., 821–822; DC 88
Dieu» (1 Co 3, 22-23). Le chrétien désire ar- (1991) p. 431.
demment que toute la famille humaine puisse
appeler Dieu «Notre Père!». Avec le Fils uni-
63
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Veritatis splendor
que, puissent tous les hommes apprendre à (6 août 1993), nn. 33.46.51: AAS 85 (1993),
1160.1169–1171; DC 90 (1993) pp. 913, 917,
prier le Père et à Lui demander, avec les mots
918–920; Id., Message à l’Assemblée des Na-
que Jésus lui-même nous a enseignés, de sa- tions-Unies, 5 octobre 1995, 3; DC 92 (1995) p.
voir Le sanctifier en vivant selon Sa volonté, 918.
et ensuite d’avoir le pain quotidien nécessaire,
d’être compréhensifs et généreux à l’égard de
64
Cf. Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio
(26 mars 1967), n. 47: loc. cit., 280–281; DC 64
leurs débiteurs, de ne pas être mis à l’épreuve (1967) col. 690–691; Jean–Paul II, Lett. enc.
à l’excès et d’être délivrés du mal (cf. Mt 6, Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1987), n.
9-13)! 42: loc. cit., 572–574; DC 85 (1988) p. 252.
Au terme de l’Année Paulinienne, il me 65
Cf. Benoît XVI, Message à la FAO pour la Jour-
plaît d’exprimer ce vœu avec les paroles
née mondiale de l’alimentation 2007: AAS 99
mêmes de l’Apôtre dans sa Lettre aux Ro- (2007), 933–935; DC 105 (2008) pp. 55–56.
mains: «Que votre amour soit sans hypo-
crisie. Fuyez le mal avec horreur, attachez-
66
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Evangelium vitæ
vous au bien. Soyez unis les uns les autres (25 mars 1995), nn. 18.59.63–64: loc. cit.,
419–421.467–468.472–475; DC 92 (1995) pp.
par l’affection fraternelle, rivalisez de res- 359, 381, 383, 384.
pect les uns pour les autres» (12, 9-10). Que
la Vierge Marie, proclamée par Paul VI Mère
67
Cf. Benoît XVI, Message pour la Journée mon-
de l’Eglise et honorée par le peuple chrétien diale de la paix 2007, n. 5; DC 104 (2007) p. 57.
comme Miroir de la justice et Reine de la 68
Cf. Jean–Paul II, Message pour la Journée mon-
paix, nous protège et nous obtienne, par son diale de la Paix 2002, nn. 4–7,12–15: AAS 94
intercession céleste, la force, l’espérance et (2002), 134–136.138–140; DC 99 (2002)
la joie nécessaires pour continuer à nous dé- pp. 5–6, 7–8; Id., Message pour la Journée mon-
vouer généreusement à la réalisation du «dé- diale de la Paix 2004, n. 8: AAS 96 (2004), 119;
DC 101 (2004) pp. 7; Id., Message pour la Jour-
veloppement de tout l’homme et de tous les
née mondiale de la Paix 2005, n. 4: AAS 97
hommes»!159 (2005),
177–178; DC 102 (2005) p. 5; Benoît XVI,
Donné à Rome, Message pour la Journée mondiale de la Paix
près de Saint-Pierre, 2006, nn. 9–10: AAS 98 (2006), 60–61; DC 103
le 29 juin 2009, (2006) pp. 4–5; Id., Message pour la Journée
fête des saints Apôtres Pierre et Paul, mondiale de la Paix 2007, nn. 5.14: loc. cit., 778,
en la cinquième année de mon pontificat. 782–783; DC 104 (2007) pp. 57. 59–60.
Benedictus PP. XVI 69
Cf. Jean–Paul II, Message pour la Journée mon-
«De manière toujours égale, nous avons besoin d’amour, de nourriture, vêtements, travail, langue, diale de la Paix 2002, n. 6: loc. cit, 135; DC 99
1
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio (26 prière, sommeil, jeux, danse, joie sur tous les continents. Des tropiques jusqu’à l’Arctique, l’huma- (2002) pp. 5–6; Benoît XVI, Message pour la
mars 1967), n. 22: AAS 59 (1967), 268; La Do- nité vit avec ces besoins, de manière égale, impitoyablement égale.» Journée mondiale de la Paix 2006, nn. 9–10:
cumentation catholique (par la suite: DC ) 64 Carl Sandburg dans la préface du catalogue de l’exposition «The Family of Man» loc. cit., 60–61; DC 103 (2006) pp. 4–5.
page 16 Encyclique Caritas in Veritate Horizons et débats – Supplément, août 2009

70
Cf. Benoît XVI, Homélie pour la messe sur l’Is- 101
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio (26 120
Benoît XVI, Message pour la Journée Mondiale 134
Benoît XVI, Lett. enc. Spe salvi (30 novem-
linger Feld de Ratisbonne, 12 septembre 2006; mars 1967), n. 27: loc. cit., 271. DC 64 (1967) de la Paix 2008, n. 7: AAS 100 (2008), 41; DC bre 2007), n. 31: loc. cit., 1010; DC 105 (2008)
DC 103 (2006) pp. 921–923. col. 684. 105 (2008) p. 4. p. 28; Id. Discours aux participants du IVe Con-
102
Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Ins- 121
Cf. Benoît XVI, Discours aux membres de l’As- grès ecclésial national italien, Vérone, 19 octo-
71
Cf. Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est
truction Libertatis conscientia (22 mars 1987), semblée Générale de l’Organisation des Nations bre 2006; Oss. Rom. fr. n. 43 (2006) pp. 3–5.
(25 décembre 2005), n. 1: loc. cit., 217–218; DC
103 (2006) p. 166. n. 74: AAS 79 (1987), 587. DC 83 (1986) p. 405. Unies, New York, 18 avril 2008; DC 105 (2008) 135
Jean–Paul II, Lett. enc. Centesimus annus
103
Cf. Jean–Paul II, Interview au quotidien catholi- pp. 533–537. (1er mai 1991), n. 5: loc. cit., 798–800; DC 88
72
Jean–Paul II, Lett. enc. Sollicitudo rei socia-
que La Croix, du 20 août 1997. 122
Cf. Jean–Paul II, Message pour la Journée Mon- (1991) p. 521; Benoît XVI, Discours aux partici-
lis (30 décembre 1987), n. 2 8: 548–550; DC 85
Jean–Paul II, Discours à l’Académie des Scien- diale de la Paix 1990, n. 13: loc. cit., 154–155; pants du IVe Congrès ecclésial national italien,
(1988) p. 244. 104

ces sociales, 27 avril 2001; Oss. Rom. fr. 19 DC 97 (1990) pp. 11–12. Vérone, 19 octobre 2006; Oss. Rom. fr. n. 43
73
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio (2006) pp. 3–5.
(2001), p. 9. 123
Jean–Paul II, Lett. enc. Centesimus annus
(26 mars 1967), n. 19: loc. cit., 266–267; DC 64
105
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio (26 (1er mai 1991), n. 36: loc. cit., 36; DC 88 (1991) 136
N. 12.
(1967) col. 681.
mars 1967), n. 17: loc. cit., 265–266; DC 64 pp. 536–537. 137
Cf. Pie XI, Lett. enc. Quadragesimo anno (15
74
Ibid., n. 39: loc. cit., 276–277; DC 64 (1967) (1967) col. 680. 124
Ibid. n. 38: loc. cit., 840–841; DC 88 (1991) mai 1931): AAS 23 (1931) 203; Jean–Paul II,
col. 688. 106
Cf. Jean–Paul II, Message pour la Journée Mon- pp 537–538; Benoît XVI, Message pour la Jour- Lett. enc. Centesimus annus (1er mai 1991), n.
75
Ibid., n. 75: loc. cit., 293–294; DC 64 (1967) diale de la Paix 2003, n. 5: AAS 95 (2003), 343; née Mondiale de la Paix 2007, n.8: loc. cit., 779; 48: loc. cit., 852–854; DC 88 (1991) p. 543; cf.
col. 699. DC 85 (2003) p. 6. DC 104 (2007) pp. 57–58. Catéchisme de l’Eglise catholique, n.1883.
76
Cf. Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est 107
Cf. ibid. 125
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Centesimus annus 138
Cf. Jean XXIII, Lett. enc. Pacem in terris
(25 décembre 2005), n. 28: loc. cit., 238–240; 108
Cf. Benoît XVI, Message pour la Journée Mon- (1er mai 1991), n. 41: loc. cit., 843–845; DC 88 (11 avril 1963), n. 74: loc. cit., 274; DC 60 (1963)
DC 103 (2006) pp. 178–180. diale de la Paix 2007, n. 13: loc. cit., 781–782; (1991) pp. 538–539. col. 526–527.
77
Jean–Paul II, Lett. enc. Centesimus annus DC 89 (2007) p. 59. 126
Cf. ibid. 139
Cf. Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio
(1er mai 1991), n. 59: loc. cit., 864; DC 88 (1991) 109
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio 127
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Evangelium vitæ (26 mars 1967), nn. 10.41: loc. cit., 262. 277–
p. 547. (26 mars 1967), n. 65: loc. cit., 289; DC 64 (25 mars 1995), n. 20: loc. cit., 422–424; DC 92 278; DC 64 (1967) col. 677–678. 688–689.
78
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio (1967) (1995) p. 360. 140
Cf. Benoît XVI, Discours aux membres de la
(26 mars 1967), nn. 40.85: loc. cit., 277.298– col. 674–704. 128
Lett. enc. Populorum progressio (26 mars 1967), Commission théologique internationale, 5 oc-
299; DC 64 (1967) col. 688. 702. 110
Cf. ibid. nn. 36.37: loc. cit., 275–276; DC 64 n. 85: loc. cit., 298–299; DC 64 (1967) p. 702. tobre 2007; DC 104 (2007) pp. 1084–1086; Id.,
79
Ibid., n. 13: loc. cit., 263–264; DC 64 (1967) (1967) col. 687. 129
Cf. Jean–Paul II, Message pour la Journée Mon- Discours au Congrès international sur la loi na-
col. 679. 111
Cf. ibid. n. 37: loc. cit., 275–276; DC 64 (1967) diale de la Paix 1998, n. 3: AAS 90 (1998), 150; turelle, Université pontificale du Latran, 12 fé-
col. 687. DC 95 (1998) pp. 2–3; Id., Discours aux mem- vrier 2007; DC 104 (2007) pp. 354–356.
80
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Fides et ratio
(14 septembre 1998), n. 85: AAS 91 (1999), 72–
112
Cf. Conc. œcum. Vat. II, Décr. Apostolicam ac- bres de la Fondation Centesimus annus pro Pon- 141
Cf. Benoît XVI, Discours aux évêques de
73; DC 104 (1998) p. 932. tuositatem, n. 11. tefice, 9 mai 1998, n. 2; Oss. Rom. fr. n. 20 Thaïlande en visite ad limina, 16 mai 2008;
(1998) p. 2; Id., Discours aux Autorités et au DC 105 (2008) p. 652. Oss. Rom. fr. n. 22 (2008)
81
Cf. Ibid., n. 83: loc. cit., 70–71; DC 104 (1998)
113
Cf. Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio
Corps diplomatique, Vienne, 20 juin 1998, n. 8; p. 10.
p. 931. (26 mars 1967), n. 14: loc. cit., 264; Jean–Paul
DC 95 (1998) p. 689; Id., Message au Recteur de
II, Lett. enc. Centesimus annus (1er mai 1991), 142
Cf. Conseil pontifical pour la Pastorale des Mi-
82
Benoît XVI, Discours à l’Université de Ratis- l’Université catholique du Sacré–Cœur, 5 mai
n. 32: loc. cit., 832–833; DC 88 (1991) p. 534. grants et des Personnes en déplacement, Instruc-
bonne, 12 septembre 2006; DC 103 (2006) pp. 2000, n. 6; Insegnamenti di Giovanni Paolo II
114
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio tion Erga migrantes caritas Christi, 3 mai 2004:
924–929. XXIII, 1 (2000), 759–760.
(26 mars 1967) n 77: loc. cit., 295; DC 64 (1967) AAS 96 (2004), 762–822; DC 101 (2004)
83
Cf. Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio p. 700.
130
Selon saint Thomas «ratio partis contrariatur ra- p. 658–692.
(26 mars 1967), n. 33: loc. cit., 273–274; DC 64 tioni personae» in III Sent. D. 5, 3, 2; et aussi
115
Jean–Paul II, Message pour la Journée Mon- «Homo non ordinatur ad communitatem poli-
143
Jean–Paul II, Lett. enc. Laborem exercens (14
(1967) col. 685. diale de la Paix 1990, n. 6: AAS 82 (1990), 150; septembre 1981), n. 8: loc. cit., 594–598; DC 78
ticam secundum se totum et secundum omnia
84
Cf. Jean–Paul II, Message pour la Journée mon- DC 89 (1990) p. 10. sua» in Summa Theologiae I–II, q. 21, a. 4, ad (1981) p. 840.
diale de la Paix 2000, n. 15: AAS 92 (2000), 116
Héraclite d’Ephèse (Ephèse 535 av. J–C envi- 3um. 144
Jean–Paul II, Jubilé des Travailleurs, Discours
366; DC 97 (2000) pp. 4–5. ron – 475 av. J–C environ), Fragment 22B124, en au terme de la concélébration eucharistique;
131
Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur
85
Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 407. H. Diels e W. Kranz, Die Fragmente der Vorso- l’Eglise Lumen gentium, n. 1. DC 97 (2000) p. 455.
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Centesimus annus kratiker, Weidmann, Berlin 19526. 132
Cf. Jean–Paul II, Discours à la VIe séance pu- 145
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Centesimus annus
(1er mai 1991), n. 25: loc. cit., 822–824. DC 88 117
Cf. Conseil Pontifical pour la Justice et la Paix, blique des Académies Pontificales, 8 novembre (1er mai 1991), n. 36: loc. cit., 838–840; DC 88
(1991), pp. 530–531. Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise, 2001, n. 3; Oss. Rom. fr. n. 47 (2001) p. 6. (1991) p. 536.
86
Cf. n.17: AAS 99 (2007), 1000. DC 105 (208) nn. 451–487. 133
Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Dé- 146
Cf. Benoît XVI, Discours aux membres de l’As-
p. 22. 118
Cf. Jean–Paul II, Message pour la Journée Mon- claration Dominus Jesus (6 août 2000), n. 22: semblée Générale de l’Organisation des Nations
diale de la Paix 1990, n. 10: loc. cit., 152–153; AAS 92 (2000), 763–764; DC 97 (2000) p. 820; Unies, New York, 18 avril 2008; DC 105 (2008)
87
Cfr. ibid., n. 23: loc. cit., 1004–1005. DC 105
DC 89 (1990) p. 11. Id., Note doctrinale à propos de questions sur pp. 533–537.
(2008) pp. 24–25.
119
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio (26 l’engagement et le comportement des catholi-
88
Saint Augustin expose de façon détaillée cet en-
147
Cf. Jean XXIII, Lett. enc. Pacem in terris (11
mars 1967), n. 65: loc. cit., 289; DC 64 (1967) ques dans la vie politique (24 novembre 2002),
seignement dans le dialogue sur le libre arbitre avril 1963): loc. cit., 293; DC 60 (1963) col.
col. 696. n. 8; DC 100 (2003) p. 136.
(De libero arbitrio II 3, 8 ss.). Il indique l’exis- 526–527; Conseil pontifical pour la Justice et la
tence dans l’âme humaine d’un «sens interne». Paix, Compendium de la Doctrine Sociale de
Ce sens consiste en un acte qui se réalise en de- l’Eglise, n. 441.
hors des fonctions normales de la raison, acte
spontané et quasi instinctif, pour lequel la rai- Horizons et débats 148
Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. Past. sur
l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et
son, se rendant compte de sa condition éphé- Spes, n. 82.
mère et faillible, admet au–dessus de soi l’exis- Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité
tence de quelque chose d’éternel, d’absolument
149
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Sollicitudo rei socia-
pour le respect et la promotion du droit international, lis (30 décembre 1987), n. 43: loc. cit., 574–575;
vrai et certain. Le nom que saint Augustin donne
du droit humanitaire et des droits humains DC 85 (1988) pp. 252–253.
à cette vérité intérieure est parfois celui de Dieu
(Confessions X, 24, 35; XII, 25, 35; De libero 150
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio
arbitrio II 3, 8, 27), plus souvent celui du Christ Abonnez-vous à Horizons et débats – journal publié par une coopérative indépendante
(26 mars 1967), n. 41: loc. cit., 277–278; DC 64
(De magistro 11, 38; Confessions VII, 18, 24; (1967) col. 688; cf. Conc. œcum. Vat. II, Const.
L’hebdomadaire Horizons et débats est édité par la coopérative Zeit-Fragen qui tient à son indépendance
XI, 2, 4). past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps
politique et financière. Tous les collaborateurs de la rédaction et de l’administration s’engagent
89
Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est (25 dé- Gaudium et Spes, n. 57, § 4.
bénévolement pendant leur temps libre. L’impression et la distribution sont financées uniquement par
cembre 2005), n. 3: loc. cit., 219. DC 103 (2006) les abonnements et des dons. La coopérative publie aussi l’hebdomadaire Zeit-Fragen en allemand et le
151
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Laborem exercens
p. 167. mensuel Current Concerns en anglais. (14 septembre 1981), n. 5: loc. cit., 586–589;
90
Cf. n. 49: loc. cit., 281. DC 64 (1967) col. 691. DC 78 (1981) p. 838.
Je commande un abonnement annuel au prix de 198.– frs / 108.– € 152
Cf. PaulVI, Lett. ap. Octogesima adveniens
91
Jean–Paul II, Lett. enc. Centesimus annus
(1er mai 1991), n. 28: loc. cit., 827–828. DC 88 (14 mai 1971), n. 29: loc. cit., 420; DC 68 (1971)
Nouveau: Je commande un abonnement annuel au prix d’étudiants de 99.– frs / 54.– € p. 508.
(1991) p. 532.
92
Cf. n. 35: loc. cit., 836–838. DC 88 (1991) pp. Je commande un abonnement de 6 mois au prix de 105.– frs / 58.– €
153
Cf. Benoît XVI, Discours aux participants du
535–536. IVe Congrès ecclésial national italien, Vérone,
Je commande un abonnement de 2 ans au prix de 295.– frs / 185.– € 19 octobre 2006; Oss. Rom. fr. n. 43 (2006)
93
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Sollicitudo rei socia- pp. 3–5; Id. Homélie pour la messe sur l’Islinger
lis (30 décembre 1987), n. 38: loc. cit., 565–566. Je commande à l’essai les six prochains numéros gratuitement. Feld de Ratisbonne, 12 septembre 2006, 12 sep-
DC 858 (1988) pp. 249–250. tembre 2006; DC 103 (2006) pp. 921–923.
94
N. 44: loc. cit., 279. DC 64 (1967), col. 690. Veuillez nous envoyer _____ exemplaires gratuits d’Horizons et débats no _____ pour les 154
Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Ins-
95
Cf. ibid., n. 24: loc. cit., 269. DC 64 (1967) remettre à des personnes intéressées. truction Dignitas personae sur quelques ques-
col. 682–683. tions de bioéthique (8 septembre 2008): AAS
100 (2008), 858–887; DC 104 (2009) pp. 23–38.
96
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Centesimus annus Nom / Prénom:
(1er mai 1991), n. 36: loc. cit., 838–840. DC 88
155
Cf. Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio
(1991) pp. 248–249. (26 mars 1967), n. 3: loc. cit., 258. DC 64 (1967)
Rue / No: col. 675.
97
Cf. Paul VI, Lett. enc. Populorum progres-
sio (26 mars 1967), n. 24: loc. cit., 269. DC 64
156
Conc. œcum. Vat. II, Const. past. sur l’Eglise
(1967) col. 682–683. NPA / Localité: dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, n.
14.
98
Cf. Jean–Paul II, Lett. enc. Centesimus annus
(1er mai 1991), n. 32: loc. cit., 832–833. DC 88
157
Cf. n. 42: loc. cit., 278; DC 64 (1967) col. 689.
Téléphone:
(1991) pp. 246–247; Paul VI, Lett. enc. Populo- 158
Cf. Benoît XVI, Lett. enc. Spe salvi (30 novem-
rum progressio (26 mars 1967), n. 25: loc. cit., bre 2007), n. 35: loc. cit., 1013–1014; DC 105
269–270. DC 64 (1967) col. 683. Date / Signature: (2008) pp. 29–30.
99
Jean–Paul II, Lett. enc. Laborem exercens (14 159
Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio (26
septembre 1981), n. 24: loc. cit., 637–638. DC A retourner à: Horizons et débats, case postale 729, CH-8044 Zurich, Fax +41-44-350 65 51 mars 1967), n. 42: loc. cit., 278; DC 64 (1967)
78 (1981) p. 852. CCP 87-748485-6, Horizons et débats, 8044 Zurich col. 689.
100
Ibid., n. 15: loc. cit., 616–618. DC 78 (1981) p.
846. © Copyright 2009 – Libreria Editrice Vaticana

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