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2017
Le présent rapport est disponible en ligne sur France Diplomatie
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internationale/rapports/
Remerciements
Conclusions. ............................................................................................................................. 20
Références................................................................................................................................ 21
Glossaire. .................................................................................................................................. 22
Le ministère des Affaires étrangères et du Développement international et la Direction générale de la mondialisation, de la culture,
de l’enseignement et du développement international en son sein furent des artisans privilégiés de ces avancées.
Si la sous-direction de l’environnement et du climat a travaillé au quotidien avec l’équipe interministérielle climat dont il est question
dans ce rapport, c’est bien l’ensemble de l’appareil diplomatique français – l’administration centrale du Quai d’Orsay, les postes
diplomatiques, nos opérateurs ainsi que nos principaux partenaires et leur réseau – qui a été mobilisé dans ce qui restera l’une
des conférences internationales majeures organisées en France dans des conditions particulièrement difficiles, au lendemain des
attentats terroristes du 13 novembre 2015.
L’accord de Paris, adopté le 12 décembre et entré en vigueur le 4 novembre 2016, soit moins d’un an après la COP 21, définit
une nouvelle ère, celle qui nous conduit vers des économies à faibles émissions et résilientes aux effets des changements
climatiques.
À l’heure où ces engagements majeurs en matière climatique et environnementale sont remis en question par certains États, le
présent document est une capitalisation importante : il retrace le contexte, dissèque la préparation et décrit l’expérience inédite et
hors norme de cette négociation. Il apporte ainsi une vision de l’intérieur de ce qui restera un succès de la diplomatie française.
Anne-Marie Descôtes
Directrice générale de la mondialisation, de la culture,
de l’enseignement et du développement international
1. Dans la suite du présent document, et dans un souci d’homogénéité et de simplicité, les ministères, dont les intitulés ont pu évoluer, seront nommés comme suit :
ministère des Affaires étrangères, ministère de l’Environnement, ministère de l’Agriculture, ministère des Finances.
2. www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/climat/paris-2015-cop21/actualites-et-evenements-lies-a-paris-climat-2015/article/creation-officielle-d-un
Président
de la
COP 21 Cette vision est celle,
restrictive, de l’équipe
au cœur du dispositif
Comité
et qui a joué un rôle
de pilotage
ministériel central dans les
négociations, et omet
Secrétariat ainsi le rôle d’autres
Ambassadrice climat Ambassadeurs
général acteurs mis à
et son cabinet itinérants
de la COP 21
contribution tels
que les opérateurs
Comité de direction du développement
de l’équipe interministérielle
(Agence française
de développement,
Équipe interministérielle Institut français, Institut
(soixantaine d’agents de quatre ministères) de recherche pour
le développement, etc.),
mais aussi les acteurs
non étatiques avec
qui des interactions
régulières eurent lieu.
Équipe Équipe
Équipe
de agenda des
bilatérale
négociation solutions
• une équipe en charge du suivi et de l’animation des Cette structure a permis d’avoir une très bonne compréhen-
coalitions de l’agenda d’action (cf. partie 2.2.2). sion du processus, comme de la substance des négo-
ciations. Il s’agissait de trouver une alchimie au sein de
Chaque agent a ainsi pu maîtriser ses sujets et bâtir des relations l’équipe aux profils et expertises variés, « de faire différem-
personnelles avec les acteurs influents des négociations (cf. ment » tout en restant fidèles aux principes qui guident les
partie 2.3). négociations climat et d’innover tout en s’inscrivant en conti-
Régulièrement, des comités de direction ont eu lieu. Présidés nuité avec nos partenaires. La connaissance des femmes et
par l’ambassadrice en charge des négociations, ils associaient des hommes qui négocient pour leur pays, et leurs lignes
des directeurs, sous-directeurs et chefs de service directement rouges et marges de manœuvre internes dues aux contextes
impliqués ; ces comités étaient élargis deux fois par mois aux nationaux, était essentielle.
cabinets ministériels et à l’Élysée.
• Le regime complex (Keohane et Victor, 2011), c’est-à-dire Dans un processus où l’obtention d’un consensus à plus de
l’alignement des signaux, notamment hors CCNUCC. Il 190 Parties a montré ses limites, il était important d’innover
fallait ainsi que tous les voyants soient au vert (CCNUCC, en utilisant ce qui avait fait la force et le succès de certaines
institutions financières – avec tout un travail sur l’alignement présidences précédentes, la présidence mexicaine (COP 16 à
du rapportage des pays développés et de certaines institu- Cancún) ou sud-africaine (COP 17 à Durban) notamment. Mais
tions de développement, etc.) dans des domaines éloignés il fallait aussi tirer les leçons des erreurs passées, particulière-
du centre de la négociation mais qui résonnent de plus en ment sur la transparence et l’« inclusivité ».
plus à l’approche de la COP 21. Cette théorie a notamment
La conférence de Copenhague (COP 15) notamment a été
conditionné la stratégie sur les finances via les assemblées
décrite par de nombreux acteurs ou observateurs comme un
du FMI, de la Banque mondiale et les instances que sont le
échec car les discussions finales ont eu lieu entre grandes puis-
G7 et le G20.
sances sans réellement consulter de nombreuses Parties, qui
Ces réunions sont très importantes. Elles permettent de Finalement, l’objectif de ces réunions n’était pas uniquement
tisser des liens interpersonnels, mais aussi de tester des de traiter de la négociation mais d’aboutir à une compréhension
idées suivant parfois les règles de Chatham House. Il ne s’agis- conceptuelle de la position des autres ; c’est en quelque sorte
sait pas d’un exercice de rédaction de l’accord de Paris mais une tentative de main tendue complémentaire au processus de
d’enceintes où l’on discutait des éléments clés de l’Accord afin négociation onusien.
de partager les vues de chacun. La présidence française a pris
le parti de proposer, avant et après chaque rencontre informelle
un guide et un aide-mémoire, qui sont rendus publics – tout est
2.2.2 Les acteurs non étatiques : d’une
ainsi connu de tous – et permettent de « socialiser les idées » attitude de demande à une attitude de
et de bâtir des compromis (Dimitrov, 2016). Elle a également soutien aux gouvernements
innové en ajoutant aux séances plénières (où les Parties se
contentent de lire des éléments de langage et de rappeler des Mary Robinson a affirmé que le processus de la COP 21, ouvert
positions bien connues) des séances de travail en petits groupes aux acteurs non étatiques, est le principal responsable de l’effet
de 16 à 20 personnes, sur un sujet donné de l’Accord, afin de « leadership partagé » qui pousse désormais les États vers
d’obliger les négociateurs et/ou ministres à l’écoute, au dialogue l’action. Selon elle, chaque acteur de la société civile engagé pour
et à la compréhension mutuelle. le succès de la COP 21 – organisations non gouvernementales,
3. http://climateaction.unfccc.int/
4. « Je ne sais pas exactement où nous allons, mais je crois en vous, nous croyons en vous. »
(presque) sans accroc par rapport au texte du début de la COP 21, après d’intenses
et multiples consultations avec l’ensemble des groupes.
Avant de relater le déroulement des négociations en lui-même, Les Parties étaient ainsi familiarisées avec la méthode de la
il est important de souligner que les conditions dans les- présidence française : une politique de consultation inclu-
quelles s’est déroulée la COP 21 ont nettement contribué sive sans surprise (no surprise policy) qui a vite confirmé aux
à son succès : des aspects protocolaires lors du segment de négociateurs qui pour beaucoup en doutaient, qu’il n’y avait
haut niveau jusqu’aux transports, hébergement et repas, les pas de French text, pas de plan B.
participants ont reçu un traitement qui a permis, aux dires de
certains négociateurs, de les mettre dans de bonnes condi- La présidence a mis en place un groupe dit « informel », ouvert
tions pour négocier. à toutes les Parties et aux observateurs, le Comité de Paris,
présidé par Laurent Fabius, organe principal de négociation
C’est sur cette base logistique et organisationnelle excep- chargé de mener les débats de façon transparente, de faciliter
tionnelle prise en charge par un secrétariat général com- les compromis et d’assurer la participation de tous.
posé d’une équipe dédiée ayant à sa tête l’ambassadeur
Pierre-Henri Guignard qu’ont débuté les négociations sur le site Nous avons également désigné des ministres facilitateurs
du Bourget, dans un contexte d’attentats terroristes venant de afin de rechercher des solutions sur des sujets clefs. L’équilibre
se produire sur le sol français. géographique trouvé est alors crucial. Il respecte une par-
ticipation de tous les groupes et sensibilités et donne un rôle
La COP 21 a démarré avec un engagement au plus haut niveau, essentiel à certains acteurs qui avaient pu par le passé se mon-
la réunion exceptionnelle de 157 chefs d’État et de gou- trer difficiles dans l’obtention de consensus. D’une attitude
vernement, le plus grand nombre jamais atteint au sein potentiellement conflictuelle, certaines personnalités ont ainsi
d’une même conférence (Kinley, 2017). Ils ont manifesté leurs été mises en position d’être au centre du jeu et d’en devenir
attentes et désir de réussite à l’ensemble des négociateurs : se des éléments clefs : elles n’avaient plus d’intérêt à un échec et
concentrer sur la substance et non sur le processus, donner devenaient même des leviers du succès. Ces ministres étaient
l’impulsion et fixer des objectifs clairs aux spécialistes des négo- soutenus par la présidence française et le secrétariat de la
ciations et les « mettre sous pression ». Ce choix d’inviter les convention climat.
chefs d’État et de gouvernement le premier jour avait été lon-
guement discuté avec François Hollande, le secrétaire général Le Comité de Paris devait rendre compte régulièrement, pour
des Nations unies Ban Ki-moon, le président chinois Xi Jinping que tout un chacun se sente impliqué et au fait des avan-
et le président américain Barack Obama qui souhaitaient venir cées, mais également donner un mandat implicite à la
mais ne voulaient pas être exposés au risque d’un autre échec. présidence française pour présenter une nouvelle version du
Dimitrov, R. (2016), « The Paris Agreement on Climate Change: Putnam, R. D. (1988), « Diplomacy and Domestic Politics:
Behind Closed Doors », Global Environmental Politics, vol. 16, the Logic of Two-Level Games », International Organization,
n° 3, pp. 1-11. vol. 42, n° 3, pp. 427-460.
Fabius, L. (2015), Discours lors de la COP 21, www.diplomatie. Tubiana, L. (2015), 60 minutes avec Laurence Tubiana, Sciences
g o u v. f r / f r / p o l i t i q u e - e t r a n g e re - d e - l a - f r a n c e / c l i m a t / Po, www.youtube.com/watch?v=XVid_foHfGg
paris-2015-cop21/actualites-et-evenements-lies-a-
paris-climat-2015/article/paris-2015-cop-21-laurent- Yamin, F. et J. Depledge (2004), The International Climate
fabius-nous-y-voila-29-11-15 Change Regime: A Guide to Rules, Institutions and Procedures,
Cambridge University Press, New York.
Fabius, L. (2016), 37, quai d’Orsay : diplomatie française
2012-2016, Plon, Paris. Walliser, B. (1982), « Équilibres et anticipations », Revue écono-
mique, vol. 33, n° 4, pp. 594-638.
L’accord de Paris, qualifié « d’universel, d’ambitieux, de juridiquement contraignant et juste » est perçu comme un succès
diplomatique international majeur (Christoff, 2016 ; Harvey, 2015).
Adopté le 12 décembre 2015 lors de la COP 21 et entré en vigueur le 4 novembre 2016 – moins d’un an après
son adoption, ce qui est inédit au plan international – l’accord de Paris a permis de restaurer la confiance en la
convention climat, vue désormais comme un forum dynamique du multilatéralisme après avoir longtemps été
critiquée pour la lenteur de ses négociations.
Cette étude propose le point de vue du négociateur et revient sur la formation d’une équipe tendant au succès
et sur l’articulation du technique et du politique avant d’examiner la préparation de la COP 21 et son déroulement.
L’équipe en « mode commando », en « mode gestion de crise », a su inspirer la confiance des acteurs des négo-
ciations en se fondant sur des principes de transparence, d’écoute et d’« inclusivité ».
Cette étude se focalise ensuite sur le processus de négociation en montrant comment l’équipe de négociations,
que l’on a appelée « l’équipe de France du climat », a élaboré une stratégie résidant sur la poursuite d’un équilibre
ambitieux et sur des concessions de la part de tous, plutôt qu’un accord sur le plus petit dénominateur commun.
La partie finale propose les possibles utilisations et capitalisations de cette expérience pour d’autres négociations à venir.
© MAEDI 2017
Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international
Direction du développement durable
Photographie de couverture : entrée de la COP 21 © MEDDE/SG COP 21
Conception graphique : Marion Raffaitin
Impression : Service de reprographie du MAEDI – DIL – La Courneuve
diplomatie.gouv.fr