Vous êtes sur la page 1sur 2

2 | plein cadre 0123

DIMANCHE 2 - LUNDI 3 AVRIL 2017

LES ENJEUX ÉCONOMIQUES DE LA PRÉSIDENTIELLE

Quarante ans de hausse

Les candidats
40,9 41,7
39,6
39
37,1 %

face au
33

« ras-le-bol fiscal »
27 TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES, EN % DU PIB
(Hors cotisations sociales imputées et crédits d'impôt)

21

Depuis 2010, les ménages ont payé Valéry Giscard d’Estaing François Mitterrand

15
le prix fort de l’alourdissement de la fiscalité. 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

Le niveau des prélèvements est au cœur La France (presque) championne de la pression fiscale
des préoccupations des Français et donc C’est la part des foyers fiscaux qui paient l’impôt sur
le revenu. Une majorité en est donc exonérée. RECETTES FISCALES ESTIMÉES EN % DU PIB, EN 2015
45,6 %
des propositions des prétendants à l’Elysée Les dernières mesures du gouvernement ont renforcé
cette concentration de l’impôt. Irlande 23,6
Royaume-Uni 32,5

I
Espagne 33,8
mpôts directs », « indirects », « contri- évolué. En 1968, la taxe sur la valeur ajoutée C’est, en 2015, le nombre de personnes assujetties
butions », « prélèvements », « taxes », (TVA) est généralisée en France et dans la 342 942 à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Moyenne OCDE 34,3
« accises », « droits », « redevances »… Communauté européenne. En 1969, elle re- Les recettes de l’ISF s’élevaient à 5,2 milliards d’euros.
Allemagne 36,9
Autant de dénominations qui révè- présente 9 % du PIB et 26,3 % des prélève-
Suède 43,3
lent la complexité du système fiscal ments obligatoires. En 2014, ces proportions
français. Notre pays détient le plus sont passées respectivement à 7 % et 14 %. C'est, en milliards d’euros, le montant de réduction de Italie 43,3
haut taux de prélèvements obligatoires L’année 1975 a vu naître la taxe profession- charges dont devraient bénéficier les entreprises
19 en 2017 au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité France 45,5
(44,5 % du produit intérieur brut) des pays de nelle – transformée, en 2009, en contribution
l’OCDE, derrière le Danemark (46,6 %). économique territoriale et contribution sur et l'emploi (CICE). Danemark 46,6
Couplé à la hausse rapide, importante et la valeur ajoutée des entreprises.
peu expliquée des impôts sur les ménages L’arrivée au pouvoir de la gauche, en 1981, a SOURCES : INSEE, PROJET DE LOI DE FINANCES 2017, EY, OCDE, DGFIP - INFOGRAPHIE LE MONDE
entre 2011 et 2015, le sentiment de « ras-le- donné naissance à l’impôt sur les grandes
bol fiscal » – formule désormais célèbre de fortunes, rebaptisé impôt de solidarité sur la
Pierre Moscovici, premier ministre de l’éco- fortune (ISF) en 1988. En 1991, Michel Rocard
nomie du quinquennat – aura plombé le crée la contribution sociale généralisée cits », souligne François Ecalle, ancien con- système de santé relève majoritairement du
mandat de François Hollande et joué un rôle (CSG), une taxe assise sur l’ensemble des re-
Les multiples seiller maître de la Cour des comptes et secteur marchand, son coût représente
non négligeable dans l’impopularité du pré- venus, ou presque, destinée à participer au ajustements, fondateur du site d’analyse des finances 17,7 % du produit intérieur brut (PIB), contre
sident sortant. Pour autant, faut-il remiser financement de la protection sociale. Initia- publiques Fipeco. La situation est d’autant 11,6 % en France. Et l’accès à des services
le « modèle social » français, la gratuité de lement fixé à 1,1 %, son taux est aujourd’hui
changements plus tendue en période de chômage de publics de qualité est fréquemment cité
l’école, la couverture des soins, les droits à la de 7,5 %. La CSG rapportait 95,8 milliards de taux masse, où l’assiette des prélèvements sur comme un des principaux motifs d’attracti-
retraite, les services publics ? Les mêmes qui d’euros en 2015, soit plus que l’impôt sur le le travail se réduit. vité par les entreprises étrangères désirant
s’insurgent contre le « matraquage fiscal » revenu. En 1995, Alain Juppé crée, sur le
ou d’assiette, La qualité des services fournis aux Fran- s’installer dans l’Hexagone.
sont aussi prompts, souvent, à protester même modèle, la contribution au rembour- dégrèvements, çais, et donc l’efficacité des dépenses publi-
contre la fermeture d’une classe, d’une ma- sement de la dette sociale (CRDS), dont le ques, vient régulièrement relancer le débat. Les impôts sont-ils
ternité ou d’un bureau de poste, ou à récla- taux est fixé à 0,5 %.
et exonérations « La France est sur le podium des dépenses pu-
mer une plus grande présence policière. Enfin, l’ensemble des impôts ont fait l’ob- ont rendu bliques, mais pas sur celui de leur qualité, bien répartis ?
Nul n’imagine une société sans impôts. jet, au fil des gouvernements successifs, de comme le démontrent les enquêtes PISA de Les ménages ont payé le prix fort des politi-
Reste que la montée en charge des prélève- multiples ajustements, changements de
la fiscalité l’OCDE en matière d’éducation », déplore ques d’ajustement structurel et de réduction
ments et leur niveau interrogent : leur taux ou d’assiette, dégrèvements, exonéra- de plus en plus M. Ecalle. Idem en matière de logement : des déficits mises en œuvre depuis 2010. Sur
impact sur l’économie, leur assiette, leur tions, qui ont rendu la fiscalité de plus en « On sait que le problème n’est pas tant la de- la période 2010-2016, les prélèvements obli-
redistributivité ainsi que l’efficience des dé- plus complexe et incohérente : il existe pas
complexe mande que l’offre. Augmenter les allocations gatoires sur les ménages auront augmenté
penses qu’ils permettent de prendre en moins de 451 « niches fiscales », représentant et incohérente logement se traduit surtout par une hausse de 66 milliards d’euros, atteignant un plus
charge sont autant de questions au cœur un montant total de 90 milliards d’euros ! des prix », poursuit M. Ecalle. haut historique de 28,2 % du PIB. Tandis que
des préoccupations des Français, et donc « Un euro de dépense publique est plutôt les prélèvements sur les entreprises ont re-
des propositions des candidats à l’élection Nos impôts sont-ils moins efficace en France que dans les autres trouvé un niveau de 16,4 %, inférieur à celui
présidentielle. pays. Au-delà des efforts d’économies, il faut d’avant la crise de 2008.
correctement utilisés ? aussi s’intéresser aux méthodes de gestion », Pour les ménages, la part des impôts pro-
Les prélèvements obligatoires servent à fi- pointe Jean-Pierre Lieb, avocat associé chez gressifs et celle des impôts proportionnels
Comment la France est-elle nancer les dépenses publiques, mais aussi à EY et inspecteur général des finances. se sont inversées. L’impôt sur le revenu rap-
« assurer la redistribution et la cohésion so- « Si les Français veulent payer moins d’im- porte 76 milliards d’euros quand la TVA en
devenue la championne ciales et à réduire les inégalités » à travers les pôts, il faut admettre de dépenser moins et de rapporte 185 milliards et la CSG, un peu plus
des prélèvements obligatoires ? prestations familiales, de retraite et d’assu- se voir verser moins de prestations de protec- de 95 milliards. Ce phénomène va encore
Depuis les débuts de la Ve République, en 1958, rance-chômage, explique Emmanuel Jessua, tion et d’indemnisation chômage », pointe s’accentuer avec la montée en puissance de
la somme des impôts perçus par l’Etat et les économiste chez Coe-Rexecode. Selon Etienne Lehmann, professeur à l’université la fiscalité écologique.
collectivités territoriales et des cotisations l’Insee, les prélèvements obligatoires contri- Panthéon-Assas-Paris-II. En outre, la concentration de l’impôt sur
finançant la protection sociale est passée de buent pour 34 % à la réduction des inégalités. Or rien ne dit que la privatisation de ces le revenu s’est accrue du fait des baisses
31 % à 44,5 % du PIB. Sur cette période, la struc- « On a régulièrement augmenté les prélè- missions de service public coûterait moins d’impôt sur le bas du barème. Cette con-
ture des prélèvements a considérablement vements pour combler la hausse des défi- cher aux citoyens. Aux Etats-Unis, où le centration est une spécificité française.

FRANÇOIS FILLON BENOÎT HAMON MARINE LE PEN


Le candidat Les Républicains souhaite concentrer Le candidat socialiste propose une refonte de l’impôt La candidate du Front national promet des baisses
les baisses de charges sur les entreprises et sur le revenu, avec un impôt individualisé, qui d’impôts massives : une diminution de 10 % de l’im-
la fiscalité du capital (40 milliards d’euros d’allége- remplacerait le calcul fondé sur les revenus du foyer. pôt sur le revenu (sauf pour la dernière tranche), un
ments). Il prévoit d’augmenter de deux points Sans avoir renoncé au principe de la fusion recul de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 24 % pour
le taux normal de TVA et compte revenir sur le pré- entre l’impôt sur le revenu et la CSG, il plaide les TPE-PME et une diminution des impôts locaux. En
lèvement à la source dès 2018, jugé trop lourd à présent pour un rapprochement progressif, selon revanche, elle souhaite créer une taxe additionnelle
à gérer pour les entreprises. un calendrier non encore précisé. sur l’embauche de salariés étrangers.

Analyse Les baisses de charges en direction des entreprises semblent Analyse La suppression du quotient conjugal, appliqué aux couples Analyse Mme Le Pen promet des baisses d’impôts de 22,5 milliards
avoir fait leurs preuves, mais le programme fiscal de M. Fillon fait mariés ou pacsés, ferait selon les études environ autant de gagnants d’euros dès 2018, et jusqu’à 27,5 milliards à l’horizon 2022, afin d’amé-
peu de cas des ménages, notamment les plus modestes. Il souhaite que de perdants, mais les couples sans enfants et les foyers les plus liorer le pouvoir d’achat des ménages. Des montants ambitieux au re-
ainsi revenir sur le plafonnement du quotient familial, une démarche aisés seraient davantage affectés. Le candidat du Parti socialiste sou- gard des hausses de dépenses qu’elle propose en parallèle. Elle prévoit
peu équitable socialement, et coûteuse budgétairement, alors haite aussi moduler l’impôt sur les sociétés, afin d’« inciter les entrepri- aussi de revenir sur la défiscalisation des heures supplémentaires, une
qu’il se targue de ramener à zéro le déficit des finances publiques ses à réinvestir leurs bénéfices ». mesure considérée comme peu efficace dans un contexte de croissance
d’ici à 2022. M. Fillon prône aussi un taux unique d’imposition à 30 % Il propose également des « contreparties [au crédit d’impôt pour la com- faible et de chômage élevé. Côté entreprises, le FN joue clairement la
sur les revenus de l’épargne et la suppression de l’ISF. pétitivité et l’emploi] en termes d’emploi [et] d’innovation » pour les en- carte des « petits » (TPE-PME, indépendants) contre les gros : transfor-
La hausse de la TVA s’apparente au retour de la TVA sociale, qui con- treprises de plus de 50 salariés. Il compte instaurer une « taxe sur les bé- mation du CICE en allégement de charges, création d’un taux intermé-
siste à financer la baisse des charges patronales par une hausse de cet néfices détournés par les multinationales » et imposer la transparence diaire d’imposition pour les PME, exonération de charges pendant deux
impôt sur la consommation. Une mesure également discutée. Elle fiscale aux entreprises, qui devront rendre publics les activités et impôts ans pour toute embauche d’un jeune de moins de 21 ans. Sa taxe sur les
s’apparente à une dévaluation interne, puisqu’elle renchérit le prix des payés dans tous les pays où elles sont présentes. salariés étrangers, au nom de la « priorité nationale à l’emploi », est cen-
importations et minore celui des exportations. Elle implique une perte Enfin, Benoît Hamon plaide pour une fiscalité verte, avec une modula- sée rapporter 2 milliards d’euros par an, afin de financer l’indemnisation
de pouvoir d’achat. Ses détracteurs estiment que cela risque de casser tion de la TVA en fonction de l’empreinte environnementale et des chômeurs. Mais ce dispositif risque de se heurter au droit commu-
la croissance. Ses supporteurs soulignent le fort rendement de cet im- le plafonnement puis la suppression progressive de « l’avantage fiscal » nautaire (liberté de circulation des personnes au sein de l’UE) et au droit
pôt et la relative inertie des comportements des Français. du gazole par rapport à l’essence. constitutionnel, qui garantit l’égalité devant la loi et devant l’impôt.
plein cadre | 3
0123
DIMANCHE 2 - LUNDI 3 AVRIL 2017

44,5 %
Soit 1 004 milliards d’euros
43,7
41,9 42,1

185
CE QUE RAPPORTENT LES PRINCIPAUX IMPÔTS,
EN MILLIARDS D'EUROS, EN 2015

95,8
76
59,7
38,6
22
Taxe Taxe Impôts sur Impôt sur CSG TVA
d’habitation foncière les sociétés le revenu

Jacques Chirac Nicolas Sarkozy François Hollande


liée à la façon dont on gère et contrôle les re-
cettes fiscales, et comment celles-ci sont flé-
chées vers l’économie réelle », indique M. Lieb.
D’où l’importance de la simplicité, de la lisi-
L’ISF, à la fois
8 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017

Le grand écart de l’imposition des sociétés Les impôts financent...


Estimation
bilité et de la pérennité des règles fiscales…
qui ne sont pas le fort de notre pays.
Certains impôts sont toutefois plus préju-
diciables que d’autres, soulignent les écono-
totem et cible
TAUX D’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS, EN %
DE LEURS BÉNÉFICES
STRUCTURE DES DÉPENSES PUBLIQUES EN %, EN 2015

Autres
Protection
mistes. Pour M. Lehmann, « les prélèvements
les plus nocifs à l’emploi sont l’impôt sur les
sociétés, les taxes à la production et les char-
de la campagne
60 Défense 9,6 ges sur les bas salaires ».
sociale
Affaires
3 Une approche battue en brèche par les te- Décrié par la droite, défendu par la gauche,
économiques* 8,8 nants d’une réduction de charges sur les
50
hauts salaires afin de soutenir le secteur ex-
l’impôt de solidarité sur la fortune
43,1
40 Enseignement 9,6 portateur tricolore, c’est-à-dire l’industrie, n’a jamais été supprimé
France même si certains pointent le risque que cela
30 Allemagne alimente une hausse des salaires.
11,6
Services publics

T
14,3 otem politique, marqueur
20 Roy.-Uni généraux**
Santé La fiscalité constitue-t-elle idéologique, l’impôt de so-
Environ
10
Irlande
un levier pour améliorer lidarité sur la fortune (ISF) 5,2 milliards
* Subventions agricoles, entretien des routes, dépenses de R & D... est l’un des emblèmes de la fisca-
1998 2005 2010 2016
** Fonctionnement du Parlement, de l’Elysée, intérêts
le pouvoir d’achat ? lité tricolore. Sa suppression ? Un
d’euros en 2015,
de la dette publique...
La fiscalité a-t-elle pour but de se substituer serpent de mer encore jamais payés
à une politique sociale ? La question est per- mené à bien depuis l’instauration
mise. Le quinquennat de François Hollande, de l’ex- « impôt sur les grandes for-
par quelque
de ce point de vue, aura été marqué par une tunes », en 1981, lors de l’arrivée au 343 000 foyers
Elle aboutit à ce que 10 % des foyers fis- prises d’ici à 2020, fait aussi l’objet d’un rela- grande incohérence. D’abord en accentuant pouvoir de François Mitterrand.
caux, les plus aisés, acquittent 70 % de tif consensus entre les candidats. Il est moins la pression fiscale pour réduire les déficits, Pour François Fillon (Les Répu-
l’impôt sur le revenu. lié à la compétitivité des entreprises qu’à l’at- avec des conséquences lourdes pour l’en- blicains), en finir avec l’ISF per- impôts sur une accumulation de
tractivité de l’Hexagone face à des voisins semble des catégories sociales, y compris les mettrait pourtant de « relancer revenus déjà taxés une première
européens lancés dans la course au moins- plus modestes. Dans un deuxième temps, le l’attractivité de notre pays ». Pour fois. « Taxer trop fortement le capi-
Alléger les charges des disant fiscal. M. Fillon et M. Macron souhai- gouvernement a fait sortir de l’impôt sur le Emmanuel Macron (En marche !), tal risque d’entraîner des compor-
tent l’abaisser encore, à 25 %. Plus étonnant, revenu des ménages qui y étaient entrés, le réformer serait un moyen de tements d’épargne plutôt que de fi-
entreprises favorise-t-il M. Mélenchon le souhaite aussi, afin de com- afin de leur « redonner du pouvoir d’achat ». « soutenir l’investissement privé. » nancement des entreprises », es-
la compétitivité et l’emploi ? penser la hausse du smic prévue dans son Un effet positif largement atténué par le De son côté, Jean-Luc Mélenchon time Emmanuel Jessua, écono-
Le quinquennat qui s’achève a été marqué programme. « On peut regretter que la baisse relèvement du taux de la TVA, payée par tous (La France insoumise) souhaite le miste chez Coe-Rexecode, un
par une politique favorable aux entreprises, des charges et de l’IS laisse de côté les autres les ménages. maintenir car il « coupe l’arbre de institut de conjoncture proche du
qui a vu près de 40 milliards d’euros reversés impôts sur la production : cotisation foncière, Ainsi, même si l’impôt sur le revenu est de la rente », Marine Le Pen (FN) éga- patronat. Faux, répondent les dé-
en allégement de charges (pacte de respon- sur la valeur ajoutée… », pointe M. Jessua. En- loin le plus visible pour les Français – ce qui lement. Benoît Hamon (PS), fenseurs de l’ISF : cet impôt ne taxe
sabilité et crédit d’impôt pour la compétiti- fin, la compétitivité n’est pas qu’une ques- explique sa dimension politique –, « il ne re- moins précis, souhaite « réformer pas les biens professionnels, par
vité et l’emploi, CICE). Les statisticiens pei- tion de coûts : le capital humain et la forma- présente que 15 % des prélèvements totaux des l’imposition du patrimoine », en exemple. « L’attractivité d’un pays
nent encore à identifier les effets concrets de tion sont essentiels. ménages », rappelle Mathieu Plane, écono- tenant compte de l’endettement ne se résume pas à l’ISF ! », rétorque
ces mesures. miste à l’OFCE. des ménages dans la fixation de la M. Plane, pour qui « une défiscali-
Il semble toutefois que cette politique a Réduire les impôts Pour éviter que ne se dégrade le consente- taxe foncière. sation fléchée des investissements
permis de soutenir les entreprises, notam- ment à l’impôt des citoyens, il conviendrait « L’ISF est un impôt complexe. Il dans les PME, les entreprises inno-
ment les PME affectées par la crise finan- relancerait-il la croissance ? d’affecter celui-ci à des missions clairement est très difficile d’estimer la valeur vantes ou la transition énergétique
cière, et ainsi de préserver leurs marges et Au vu de la violence du choc fiscal durant la identifiées et, surtout, de le simplifier, en ré- de certains biens immobiliers qu’il serait plus efficace qu’une suppres-
leurs investissements. fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy et le duisant drastiquement le nombre de niches, prend en compte, ou la valeur des sion partielle ou totale de l’ISF ».
Cela permettra-t-il des créations d’emploi début de celui de François Hollande, la ques- qui entretiennent un sentiment d’inégalité, actions dans les sociétés non cotées Dans ce contexte, Emmanuel
futures ? En tout cas, la quasi-totalité des tion mérite d’être posée. « Dans une logique ceux qui s’en sortent le mieux étant les plus par exemple », souligne François Macron propose de transformer
candidats – à l’exception de Jean-Luc Mélen- keynésienne, la baisse des impôts et l’augmen- habiles à jongler avec les règles. p Ecalle, ancien conseiller maître de l’ISF en un « impôt sur la fortune
chon – souhaite conserver le CICE, en le tation du déficit sont favorables à l’activité. patrick roger la Cour des comptes et fondateur immobilière », en excluant de son
transformant en baisse de charges (François Alors que dans une logique d’offre, la baisse et audrey tonnelier du site d’analyse des finances pu- assiette la détention d’entreprises
Fillon, Emmanuel Macron, Marine Le Pen) des prélèvements obligatoires, menée de pair bliques Fipeco. « Ce n’est pas un très ou d’actions. Un dispositif censé
ou en le conditionnant à des engagements avec une diminution des dépenses publiques, A lire sur Lemonde.fr bon impôt : il est peu lisible et la der- décourager la « rente » au profit de
d’innovation ou de réduction du temps de a un effet positif. Mais cette dernière met du les points de vue de deux économistes : nière tranche est quasiment confis- la prise de risque. Couplées à son
travail (Benoît Hamon). temps à se diffuser dans l’économie », résume Gilles Dufrénot (Association française de catoire. Mais cela est compensé par projet de taux unique de taxation
Le débat au sujet de l’impôt sur les sociétés M. Ecalle. science économique - AFSE) de nombreuses niches », juge du capital de 30 % (comme Fran-
(IS), qui doit passer de 33,3 % à 28 % pour les « Si on place trop loin le curseur de l’impôt, Raul Sampognaro (Observatoire français Mathieu Plane, économiste à l’Ob- çois Fillon, avec toutefois une dif-
TPE-PME en 2017, puis pour toutes les entre- on étouffe la croissance, mais celle-ci est aussi des conjonctures économiques - OFCE) servatoire français des conjonctu- férence sur la taxation des nou-
res économiques (OFCE), un think veaux contrats d’assurance-vie),
tank classé à gauche. ces mesures s’inscrivent à re-

EMMANUEL MACRON JEAN-LUC MÉLENCHON Faible rendement


bours de l’approche prônée par
François Hollande visant à « ali-
De fait, l’ISF, dû par tout contribua- gner la fiscalité du capital sur celle
ble dont la valeur nette du patri- du travail ». Cette flat tax toutefois
Le candidat d’En marche ! compte baisser l’impôt sur Le candidat de La France insoumise promet une « révo- moine dépasse 1,3 million d’euros « fait écho au modèle scandinave,
les sociétés à 25 %, transformer le CICE en « allége- lution fiscale ». Il compte rapprocher l’impôt sur le re- (avec un abattement de 30 % pour où l’impôt sur le revenu est extrê-
ments de charges pérennes » et créer un prélève- venu et la contribution sociale généralisée (CSG) en la résidence principale), fait l’objet mement progressif, le taux élevé
ment unique sur les revenus du capital. Il souhaite rendant cette dernière progressive. Au cœur de son de nombreux dispositifs déroga- pour les hauts revenus mais où le
aussi transformer l’ISF en un « impôt sur la fortune projet figure la mise en place d’un barème de l’impôt toires. Il a aussi été plafonné à 75 % capital bénéficie d’un taux d’impo-
immobilière » en excluant de son assiette la déten- sur le revenu de 14 tranches, contre 5 actuellement. La des revenus par le gouvernement sition unique », indique Etienne
tion d’entreprises ou d’actions. tranche de revenus la plus élevée serait taxée à 90 %. Hollande en 2013, après que Nico- Lehmann, professeur à l’univer-
las Sarkozy a instauré le « bouclier sité Paris-II. « L’ISF porte sur le ca-
Analyse En dépit de sa volonté d’équilibre entre droite et gauche, le Analyse Le programme de M. Mélenchon avantagerait plutôt les classes fiscal » en 2007. Son assiette n’as- pital épargné. Il serait plus judi-
taux de 30 % sur la fiscalité du capital prôné par M. Macron avantagera populaires et affecterait les ménages aisés. Une exception toutefois : le sure qu’un faible rendement. A cieux de taxer plutôt le capital hé-
les plus hauts patrimoines. Pour contrebalancer cette mesure, il pro- candidat propose de réduire le taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % à côté de mastodontes comme la rité, en augmentant les droits de
pose d’exonérer 80 % des ménages de taxe d’habitation, qualifiée d’im- 25 %, afin de compenser la hausse de 15 % du smic qu’il souhaite met- TVA (185 milliards d’euros succession », estime M. Ecalle.
pôt injuste car fixée sur des bases largement obsolètes (une valeur loca- tre en place. Il compte imposer les revenus du capital comme ceux du en 2015), la CSG (95,8 milliards) et Le débat n’est pas clos. Il pour-
tive qui remonte aux années 1970). En revanche, cela alimentera la travail, ce qui suppose la fin des abattements sur l’assurance-vie ou les même l’impôt sur le revenu rait même encore rebondir,
concentration de l’impôt sur une fraction relativement réduite de la po- dividendes, par exemple. Par ailleurs, les mesures prônées par M. Mé- (70,2 milliards), l’ISF pèse peu dans comme cela avait été le cas
pulation et risque de créer un effet de seuil. lenchon alourdiraient considérablement les dépenses publiques. Son les recettes fiscales de l’Etat : tout en 2012 avec la taxe à 75 % sur les
M. Macron veut rétablir l’exonération de charges sociales sur les heures programme contient 33 milliards d’euros de prélèvements nouveaux, juste 5,2 milliards d’euros en 2015, revenus supérieurs à 1 million
supplémentaires, mais pas leur défiscalisation, ce qui fait débat (selon ce qui ferait passer le taux de prélèvements obligatoires de 44,3 % payés par quelque 343 000 foyers. d’euros. Sa première version fut
certains économistes, il serait peu efficace de taxer différemment des en 2016 à 49,1 % en 2022, selon son chiffrage. Le renforcement de l’ISF Pour ses détracteurs, l’ISF est sur- rapidement censurée par le Con-
assiettes trop proches). Enfin, M. Macron veut « mettre fin à l’instabilité et des droits de succession rapporterait 3 milliards, l’imposition des tout un frein à la création de ri- seil constitutionnel, mais elle
fiscale » en figeant la fiscalité pour une durée de cinq ans. Il a ainsi émis hautes transactions immobilières, 5 milliards, la taxe sur les transac- chesse en France et à l’attractivité continua d’alimenter le French
des doutes sur la généralisation du prélèvement à la source de l’impôt tions financières, 5 milliards, et la réforme fiscale, 10 milliards. Enfin, il de notre territoire. Il encourage bashing durant une bonne partie
sur le revenu dès le 1er janvier 2018, laissant entendre que sa mise en table sur une hausse des recettes issues des cotisations qui atteindrait l’expatriation fiscale, et en taxant du quinquennat. p
œuvre pourrait passer par une phase d’expérimentation. 2 milliards d’euros, du fait de la « relance de l’activité ». le capital, revient à acquitter des a. t.

Vous aimerez peut-être aussi