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30 mars 2010
Risques d’effondrement des cavités souterraines :
l’INERIS étudie le rôle du changement climatique
Expert des risques du sol et du sous-sol depuis plus de 60 ans, l’INERIS s’intéresse au
rôle du changement climatique sur les risques d’effondrement des cavités souterraines.
Plusieurs études expérimentales visent à accroître les connaissances concernant
l’impact, sur la stabilité des cavités, de l’augmentation des variations du niveau des
nappes d’eaux souterraines, phénomène lié aux évolutions du climat. Les premiers
travaux ont permis d’observer un effet potentiel sur la résistance de la roche.
D’après les prévisions du GIEC1, le régime des précipitations devrait évoluer : sous nos
latitudes, les précipitations hivernales augmenteraient et les précipitations estivales
diminueraient alors que la survenue d’événements pluvieux exceptionnels serait plus probable.
Ces évolutions sont susceptibles d’influer sur le phénomène de « battement des nappes »,
c’est-à-dire la variation du niveau des nappes d’eaux souterraines. Par ce biais, la stabilité des
cavités souterraines pourrait en être affectée, augmentant ainsi les risques d’effondrement.
Dans le cadre de la maîtrise et de la gestion des risques liés aux cavités, l’INERIS poursuit des
recherches sur le comportement mécanique des ouvrages souterrains. L’émergence des
questions posées par le changement climatique a conduit ses experts à lancer plusieurs études
expérimentales dans l’optique d’accroître les connaissances scientifiques sur le lien entre climat
et risques d’effondrement des cavités.
L’Institut assure le suivi sur le long terme d’une carrière de craie à Estreux (Nord). Les premiers
travaux sur des échantillons de matériau rocheux ont montré une diminution de la résistance à la
compression de la roche à l’état saturé en eau. Des ouvertures et fermetures de fissures dans le
matériau ont également été relevées lors des cycles de saturation/désaturation.
L’INERIS a également porté son attention sur le rôle des eaux souterraines sur la résistance des
ouvrages dans le cadre des études du GISOS2 sur l’ennoyage des anciennes mines de fer de
Lorraine. Les chercheurs ont constaté une baisse de la résistance à la compression du minerai de
fer en fonction de son degré de saturation ainsi qu’une plus grande propension à la rupture à long
terme d’échantillons rocheux en conditions saturées.
L’Institut effectue également un travail d’analyse du retour d’expérience de l’effondrement de la
carrière de Lorroy (Seine et Marne), consécutif aux crues exceptionnelles de 1910, dont c’est
l’anniversaire cette année. Les sites de la carrière de craie de Saint Martin le Nœud (Oise) et des
terrains gypseux de Villepinte (Seine Saint Denis) ont enfin été instrumentés récemment pour
recueillir des données quantitatives (battement de la nappe) et qualitatives (caractéristiques
physico-chimiques des eaux souterraines).
L’INERIS possède des compétences approfondies en géosciences, appliquées à la maîtrise des
risques du sol et du sous-sol. L’Institut s’appuie sur une grande culture expérimentale, en
laboratoire et sur le terrain au travers d’expérimentations in situ à grande échelle. Sa longue
expérience en fait un expert du diagnostic de risque d’instabilité des terrains et un spécialiste de
l’aide à la gestion et à la surveillance des zones à risques. L’INERIS intervient dans la gestion des
risques d’effondrement de cavités souterraines et des risques d’éboulements de fronts rocheux.
L’Institut vient également en appui des pouvoirs publics dans l’élaboration des Plans de
Prévention des Risques Naturels et sur l’analyse de l’impact d’aléas naturels sur la sécurité de
sites industriels sensibles.
1
Groupe d’Experts Intergouvernementaux sur l’Evolution du Climat.
2
Groupement d’Intérêt Scientifique sur la sécurité des Ouvrages Souterrains.
Changement climatique et stabilité des cavités souterraines :
Fort de ses compétences en géosciences appliquées aux risques du sol et du sous-sol, l’INERIS
mène des recherches sur le comportement mécanique des ouvrages souterrains dans une
optique de maîtrise et de gestion des risques d’effondrement des cavités. L’émergence de
questions posées par le changement climatique dans ce domaine a conduit les experts de
l’Institut à s’intéresser à l’impact du facteur climat sur la stabilité des cavités et à lancer plusieurs
études expérimentales dans l’optique d’accroître les connaissances sur ce phénomène.
D’après les prévisions du Groupe d’Experts Intergouvernementaux sur l’Evolution du Climat
(GIEC), le réchauffement de l’atmosphère par les gaz à effet de serre induit des phénomènes tels
que l’élévation des températures et la modification du régime des précipitations. En France, l’un
des deux modèles utilisés3, celui de Météo France, prévoit, dans l’hypothèse d’un doublement
progressif du taux de CO2, un réchauffement en hiver (1° à 2°C), un peu plus élevé dans le Sud
Est que dans le reste de la France, des anomalies thermiques (>2°C) dans le Sud au printemps
et une élévation >2°C des températures moyennes sur tout le territoire en été et en automne.
Une augmentation en volume (+7%) des précipitations est mise en évidence, ainsi qu’une plus
grande disparité régionale des précipitations et un accroissement des contrastes saisonniers.
Les précipitations hivernales augmenteraient, tandis que les précipitations estivales
diminueraient ; la survenue d’événements pluvieux exceptionnels serait en outre plus probable.
Cette évolution dans le régime des précipitations est susceptible d’influer sur le phénomène de
« battement des nappes », c’est-à-dire la variation du niveau des nappes d’eaux souterraines.
Par ce biais, la stabilité des cavités souterraines pourrait en être affectée, augmentant ainsi les
risques d’effondrement.
3
Le modèle du Centre National de Recherches Météorologiques et celui développé par l’Institut Pierre Simon Laplace (MIES, 2000).
Le cas des mines de fer de Lorraine4
L’Institut a une expérience riche dans l’analyse et le suivi de l’ennoyage des anciennes mines
de fer de Lorraine. En tant que membre du GISOS5, l’INERIS a participé à plusieurs études
(analyses de laboratoire, expérimentation in situ, modélisations…) dont certaines conclusions
portent sur l’impact des eaux souterraines sur le comportement des massifs rocheux.
• La baisse de la résistance à la compression du minerai de fer en fonction de son degré
de saturation est voisine de 50% pour une humidité relative passant de 80 à 100%.
• Une accélération nette des déformations intervient lorsque l’humidité relative passe de
90% à 100% (ennoyage total des échantillons analysés). En conditions saturées, on
constate une plus grande propension à la rupture de l’échantillon à long terme.
• Lors d’expérimentations in situ (ennoyage artificiel de deux piliers isolés par des murs de
coffrage), les méthodes d’auscultation ont mis en évidence une progression de la frange
des terrains « déconsolidés » en bordure de piliers entre la fin et le début de l’ennoyage.
• Les dégradations induites par l’ennoyage concernent les secteurs déjà dégradés
préalablement ou dans lesquels on observe la présence de minéraux sensibles à l’eau.
4
M. Ghoreychi, Coupled processes involved in post-mining, Invited Lecture, Proc. of the Intenat. Symp. EUROCK2006, 9-12 mai
2006, Liège (Belgique), A. Van Cotthem, R. Charlier, JF. Thimus, JP. Tshibangu (Eds), Tayler and Francis 2006, London, pp. 45-53.
Wassermann, J., Senfaute, G., Homand, F., Amitrano, D., 2004. Auscultation microsismique de l'ennoyage du site expérimental de
Tressange - Bassin ferrifère lorrain. Journées Nationales de géotechnique et de géologie de l'Ingénieur (JNGG), Lille, 28-30 juin
2004, 425-434. Souley, M., Thoraval, A., 2004. Modélisation hydromécanique de l'ennoyage partiel d'un site expérimental dans une
mine de fer de Lorraine. Journées Nationales de géotechnique et de géologie de l'Ingénieur (JNGG), Lille, 28-30 juin 2004, 493-502.
INERIS, Rapport de synthèse de la mission d'expertise Internationale sur l'ennoyage ou le non-ennoyage du bassin nord ferrifère
lorrain. Rapport référencé INERIS-DRS-01-27861/R02 daté du 23 novembre 2001.
5
Groupement d’Intérêt Scientifique sur la sécurité des Ouvrages Souterrains, qui comprend l’INERIS, le Bureau de Recherches
Géologiques et Minières (BRGM), l’Institut National Polytechnique de Lorraine (INPL) et l'École Supérieure Nationale des Mines de
Paris (ENSMP). www.gisos.org.
Les études qui démarrent : Saint Martin le Nœud (Oise) et Villepinte (Seine Saint Denis)
Pour aller plus loin dans l’étude de cette thématique, l’INERIS a instrumenté plusieurs cavités
souterraines dans des contextes géologiques différents : la carrière de craie de Saint Martin le
Nœud (Oise) et les terrains gypseux de Villepinte (Seine Saint Denis) où sont apparus des
vides souterrains.
La carrière de Saint Martin Le Nœud, déjà ennoyée dans sa partie basse, renferme une
vingtaine de lacs souterrains. Les terrains gypseux du Bassin Parisien abritent des cavités
formées par dissolution, souvent à l’origine de fontis en surface lorsqu’elles se forment dans
des masses de gypse entre 10 et 20m de profondeur.
Dans les deux cas, l’instrumentation doit permettre d’étudier les réponses des massifs rocheux
aux variations quantitatives (battement de la nappe) et qualitatives (caractéristiques physico-
chimiques) des eaux souterraines.
Comment les eaux souterraines influencent-t-elles
Alors que la variation des températures extérieures est considérée comme un facteur d’effet
négligeable sur la stabilité des cavités souterraines, l’impact du changement climatique en
termes de modification du régime des eaux souterraines est, à l’inverse, susceptible de jouer un
rôle important sur le comportement mécanique des ouvrages souterrains. Les zones soumises à
des battements de nappes (assèchement ou humidification d’ouvrages rocheux) sont des
contextes défavorables à la stabilité des massifs rocheux : la perturbation des conditions
hydriques (ennoyage ou dénoyage des cavités) peut s’avérer, dans certaines circonstances, un
facteur aggravant qui augmente les probabilités de rupture des ouvrages à court terme.
L’eau a des effets sur les discontinuités de la roche, les massifs rocheux étant généralement
des milieux fissurés ou fracturés. L’écoulement au sein d’un milieu fracturé suit des processus où
la pression de l’eau et le comportement mécanique du massif sont interdépendants. Les
ouvertures et fermetures de ces discontinuités peuvent avoir un impact direct sur la stabilité du
massif (ruptures en traction) ou sur sa dégradation (propagation de fractures existantes).
6
L’impact du changement climatique sur les eaux souterraines
L’INERIS s’appuie sur les travaux de recherche sur les eaux souterraines effectués notamment par le
BRGM pour développer ses analyses. L’impact global du changement climatique sur les eaux souterraines
est une question émergente complexe, due aux lacunes de connaissances dans ce domaine soulignées par
le rapport du GIEC de 2008. Les eaux souterraines, comparées aux eaux de surface, n’ont jusqu’à présent
pas été suffisamment étudiées sous l’angle du changement climatique. Pour dissiper ces incertitudes,
seules des approches régionales permettront d’obtenir des informations quantitatives fiables.
En France, si l’on excepte l’usage hydroélectrique, les eaux souterraines représentent 45% des ressources
en eau exploitées. D’après les premiers travaux de recherche, les variations climatiques n’agissent pas de
façon homogène sur la recharge des nappes : certaines nappes sont sensibles aux évolutions,
d’autres plus résistantes comme les nappes captives. Parmi les nappes potentiellement les plus
sensibles, on peut citer : les nappes libres étendues et à forte capacité de stockage (aquifères poreux situés
sous les plaines et plateaux – Bassin Parisien, Beauce et Brie) ; les nappes de faible étendue et de faible
capacité (aquifères fissurées du socle et roches volcaniques – Massif Central) ; les nappes karstiques à fort
taux de renouvellement (circulation rapide et stockage modéré – Jura, Causses, Quercy, pourtour
méditerranéen) ; les nappes alluviales en fond de vallée (en lien étroit avec un cours d’eau).
L’impact prévisible du climat sur les eaux souterraines est aujourd’hui discuté par les experts : pour les
nappes soumises à un régime climatique tempéré comme en France, les avis convergent vers une
amplification du phénomène de battement des nappes. Cette évolution générale, dont le degré d’impact
reste à évaluer en fonction de caractéristiques locales (conditions climatiques, comportement des nappes et
des sols…), serait due au changement du régime de précipitations, qui combine une augmentation en
période hivernale (recharge des nappes plus importante) et une diminution en période estivale
(appauvrissement de la ressource). L’exploitation des ressources par l’homme est un autre facteur à
considérer : l’amplification des sécheresses estivales devrait accroître les besoins en eau d’origine
souterraine, surtout dans les régions d’irrigation intensive (Bassin Parisien, Ouest et Sud-Ouest).
L’assèchement des eaux de surface dans cette période amènera à exploiter de manière accrue les eaux
souterraines. L’impact du changement climatique pourrait également avoir un aspect qualitatif si
l’augmentation de la recharge hivernale des nappes se traduisait par l’infiltration d’eaux moins minéralisées.
Ce phénomène serait susceptible d’influer sur l’agressivité de l’eau vis-à-vis de la roche, facteur
particulièrement important dans le phénomène de karstification des roches carbonatées.
6
Pour en savoir plus, consultez les sites du BRGM : www.brgm.fr; www.ades.eaufrance.fr, ainsi que les rapports du GIEC, Climate
Change and Water. IPCC Technical Paper VI: 2, 2008, 14 p. et de l’ONERC, Changement climatique. Coûts des impacts et pistes
d’adaptation. Rapport au Premier ministre et au Parlement. La Documentation française, Paris 2009, 193 p.
Les cavités souterraines en France
Les carrières souterraines, dont une partie est toujours en activité, sont réparties sur l’ensemble
du territoire
• dans la région parisienne (craie, gypse, calcaire),
• dans le nord de la France, en Normandie et Picardie (craie),
• dans le Val de Loire et en Gironde (calcaire),
• en région Provence Alpes Côte d’Azur (pierre à ciment, calcaire, gypse).
20 ans d’existence et 60 ans d’expérience : un expert héritier d’un savoir-faire issu des
secteurs des mines, de l’énergie et de la chimie.
L’INERIS, établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du
ministère chargé de l’environnement, a été créé en 1990. Il est né d’une restructuration du
Centre de Recherche des Charbonnages de France (CERCHAR) et de l’Institut de Recherche
Chimique Appliquée (IRCHA), et bénéficie d’un héritage de plus de 60 ans de recherche et
d’expertise reconnues.
• Un effectif total de 582 personnes dont 338 ingénieurs et chercheurs.
• 40 spécialistes des géosciences basés à Nancy dans le cadre d’activités de recherche et
d’expertise sur les risques liés à l'Après-Mine.
• Un siège dans l’Oise, à Verneuil-en-Halatte : 50 hectares, dont 25 utilisés pour des plates-
formes d’essais, 25 000 m2 de laboratoires.