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Ordolibéralisme

août 2015

L'ordolibéralisme (Ordoliberalismus en allemand) est un courant de


pensée libéral développé à la "Freiburger Schule" de Freiburg en
Allemagne dès les années 1930 selon lequel la mission économique
de l'État est de créer et maintenir un cadre normatif permettant la
concurrence libre et non faussée entre les entreprises.
L'ordolibéralisme est né à partir de 1932 de la rencontre d'un
économiste, Walter Eucken et de deux juristes, Franz Böhm et Hans
Grossmann-Doerth de l'université de Fribourg. L'école de Fribourg
où l'ordolibéralisme allemand commença à élaborer des conceptions
économiques qui rejettent le matérialisme hédoniste des libéraux
mais aussi l'évolutionnisme du marxisme. Il s'exprimera également
de manière critique vis-à-vis de la praxis économique du national-
socialisme. Walter Eucken, Wilhelm Röpke et Alfred Müller-Armack
par exemple, s'exprimèrent dans la revue ORDO. L'ordolilbéralisme a
influencé la politique économique des divers chanceliers allemands
de l'après seconde guerre mondiale, ce qui les a auréolés de la
paternité intellectuelle du « miracle économique ouest-allemand ».

Sommaire
1 Histoire
1.1 Les Deutsche Ricardianer (ricardiens allemands)
1.1.1 Emergence
1.1.2 Les jeunes ricardiens et les problèmes économiques allemands
(1920-1929)
1.2 Les futurs ordo-libéraux et la crise économique et politique de
1929-1932
1.3 La naissance de l'ordolibéralisme
1.4 L'approfondissement de l'ordo-libéralisme de 1937 à 1945
1.5 L'ordo-libéralisme de la fin de la seconde guerre mondiale à la
mort de Eucken
2 Concepts centraux
2.1 Grande antinomie et fondation d’une science de l’économie
politique
2.2 La notion d’ordre économique
2.3 L’homme à la fois Homo œconomicus et Homo culturalis
2.4 Ordre monétaire
2.5 Méfiance envers les politiques conjoncturelles
2.6 Ordolibéralisme et morale kantienne
2.7 État et ordre économique
3 Débat
4 Notes et références
5 Voir aussi
5.1 Bibliographie
5.2 Articles connexes
5.3 Liens externes

Histoire
Les Deutsche Ricardianer (ricardiens allemands)

Emergence

Le climat politique après la première guerre mondiale est marqué par


un fort climat anticapitaliste et antilibéral venant tant de la gauche
révolutionnaire que de la droite conservatrice qui répandait la thèse
du « coup de poignard dans le dos » qui voulait que la défaite
n'« était pas militaire, mais politique, orchestrée par les « traitres
républicains » signataires des traités de Versailles1. ». Le climat en
Allemagne était fortement marqué par un rejet du monde anglo-
saxon et occidental et marqué par un fort attrait pour l'État, un refus
du parlementarisme et un primat accordé au politique sur
l'économie. L'attrait pour l'Etat est popularisé par le livre d'Othmar
Spann L'Etat vrai et surtout le livre d'Arthur Moeller van den Bruck
Drittes Reich de 1923. L'antiparlementarisme trouve en Carl Schmitt
et Oswald Spengler d'éloquents avocats.Quand on postulat de la
primauté du politique, il découle selon Patricia Commun d'une
« continuité de la conception historiciste profondément antilibérale
de l'Etat et de l'économie capitaliste2. ». Ce postulat du politique, se
retrouve dans l'acceptation par l'école historique de la théorie
monétaire de Georg Friedrich Knapp pour qui la monnaie est une
création juridique pure3.

Du côté des économistes, l'école historique allemande domine le


champ et ses membres occupent une place centrale au sein de
l'association Verein for Socialpolitik une association d'experts et de
conseillers en politique sociale4. Rappelons ici que le Verein a été
créé en 1873 pour s'opposer à la fois aux socialistes révolutionnaires
et aux libéraux du Congrès des économistes allemands. Au sein de
cette organisation, il y a un débat à la fin de la première guerre
mondiale sur le capitalisme entre Joseph Schumpeter qui pense qu'il
y a une évolution inéluctable vers le socialisme et ceux qui comme
Gustav Schmoller, Ludjo Brentano ou Adolf Wagner croient à une
possibilité d'amender le système5.

Les jeunes libéraux du Verein sous la houlette d'Alexander Rüstow


fondent en 1922, une « sous-comité théorique qui prend le nom de
Deutsche Ricardianer, ou “ricardiens allemands)“6 ». Parmi eux on
trouve outre son fondateur les libéraux Walter Eucken et Wilhelm
Röpke, et des socialistes Gustav Heimann, Adolf Löwe et Emil
Lederer6. Ils ont pris le nom de ricardiens pour quatre raisons
majeures. Tout d'abord, ils voient en David Ricardo le fondateur de la
méthode hypothético-déductive ce qui leur permet de se démarquer
de l'école historique qu'ils jugent trop descriptive7. D'autre part le
fait que Ricardo soit un tenant de la valeur travail leur permettait à la
fois de se distinguer de lécole autrichienne de Carl Menger et d'être
accepté par des socialistes. Enfin, Ricardo c'est aussi une théorie du
commerce international qui promeut l'ouverture des frontières ce qui
leur permet de se distinguer de Friedrich List 8 sans trop l'affirmer.
Enfin cela leur permet d'affirmer un certain libéralisme économique
et politique de tendance “occidentale“ a un moment où, comme, il a
été vu, cette option était très mal vue en Allemagne

Les jeunes ricardiens et les problèmes économiques allemands


(1920-1929)

Le premier article de Walter Eucken publié en 1923, traite de


l'hyperinflation allemande. Il avance contre le ministre Karl Helfferich
qui l'explique par un déséquilibre de la balance des paiements lié aux
réparations que l'inflation vient du gonflement de la masse monétaire
durant la première guerre mondiale comme le soutient alors Gustav
Cassel9. Il considère comme Ludwig von Mises il considère que
« L'inflation remplace les impôts lorsque le gouvernement n'a pas le
courage politique des mesures à prendre et ne peut plus
emprunter10 ».

Durant l'été 1928 à dans le cadre des négociations à venir sur le


montant des réparations et le plan Young, se tient une conférence
organisée par la Friedrich-List-Gesellschaft à laquelle participe côté
jeunes ricardiens Walter Eucken, Wilhrm Röpke, Alexannder Rüstow,
Eduard Heimann et Emil Lederer.Sont aussi pressenti des membres
de l'école historique allemande : Benhard Harms, Edgar Salin,
Werner Sombart et Friedrich von Gottl-Ottlilienfeld. Côté autorité
sont présents le chancelier Hans Luther, le ministre des finances
Rudolf Hilferding et le président de la banque centrale allemande ;
Hjalmar Schacht10. Cette réunion voit les économistes allemands
extrêmement divisée sur les problèmes de l'heure et creuse l'écart
parmi les jeunes ricardiens entre les libéraux qui deviendront les
ordo-Libéraux favorables à l'orthodoxie budgétaire et les
socialistes11

Les futurs ordo-libéraux et la crise économique et


politique de 1929-1932

Les futurs ordo-libéraux jouent un rôle d'experts lors de la crise de


1929-1932 Ludwig Erhard un des pères du miracle économique
allemand est le bras droit du professeur Vershofen, à la tête de
l'Obersavatoire des marchés de l'industrie et des produits finis, un
organisme financée par lle Berliner Institut sûr Konjunkturforschung
fondé en 1925 par Ernst Wageman (1884-1956). Alexander Rustow
faisait partie des ministrables possibles en 1932, s'il n'y avait pas eu
l'arrivée des nazis en décembre 193212. Wilhelm Röpke est quant à
lui membre de la commission Brauns du début 193113.

La commission Brauns a été créée par Heinrich Brauns par explorer


des pistes de lutte contre le chômage. Elle comprend dix membres
dont deux libéraux Bernhard Dernburg et Wilhelm Röpke14. Les
membres de la commission doivent sinon tenir compte des
propositions faites par le grand public du moins expliquer leur refus
d'en tenir compte. Roëpke est mal à l'aise d'un part avec lui thème
proposée qui ne tient compte du symptôme le chômage et pas des
causes et d'autre part sur le fait qu'il considère la démarche comme
populiste 13. Parmi les propositions que Röpke va infléchir figurent la
réduction du temps de travail et le cumul des emplois. Concernant le
premier cas, il estime la réduction du travail de 48 heures à 40
heures ne conduirait qu'à un recul marginal du chômage. Par ailleurs,
il estime que si l'on s'engage dans cette voie, il ne faut pas la donner
à gérer à la « bureaucratie sociale » mais la laisser aux mains des
branches industrielles15. Sur ce point il sera entendu par le
chancelier Heinrich Brüning15. Concernant la volonté de lutter contre
le cumul du travail, , pour lui c'est présenter ceux qui travaillent
comme des « voleurs d'emplois ». Pour c'est aussi « Condamner
implicitement l'assiduité et le courage » ce qui peut « contribuer à
briser les fondements éthiques remontant à la conception
protestante luthérienne du travail comme accomplissement divin de
l'Homme]16 ».

Pour lutter contre la crise, il parvient à convaincre les membres du


comité que la reprise passait, par une restucturation de la dette
allemande accompagnée d'apports financiers extérieurs et d'une
forte orthodoxie financière. Finalement en 1933 avec l'arrivée de
Hitler au pouvoir c'est c'est l'autarcie financières préconisée par
Hjalmar Schacht qui va triompher17

La naissance de l'ordolibéralisme

C'est Alexander Rustow en mai 1932 qui amène ses amis Walter
Eucken et Wilhelm Röpke a adhéré à la Deutscher Bund für freie
Wirtschaftspolitik (Alliance allemande pour la liberté en politique
économique)18. Mais très vite avec l'arrivée du nazisme, ce groupe
va être séparé quand dés les premiers mois de 1933, quitter
l'Allemagne et aller enseigner à Istanbul, puis pour Röpke en Suisse à
Genève à partir de 1937. Ces deux auteurs qui participeront à la
Colloque Lippmann et développeront selon Patricia Common, un
libéralisme plus sociologique même s'il présente des traits communs
avec l'ordolibéralisme qui va s'édifier en Allemagne autour de Walter
Eucken19.

Le courant majeur de l'ordolibéralisme va s'édifier autour de Walter


Eucken qui publie au début 1933, un article fondateur : « denken
warum ? (pourquoi penser ?) »20 dans la revue dirigée par son père
le philosophe néokantien Rudolf Eucken. Dans ce même numéro
Friedrich Lutz publie un article « Die Ideologie des Tatkreises » où il
s'attaque au mouvement Tat (action) de Hans Zehrer un des
idéologues conservateurs de Weimar qui veut remplacer l'idée
démocratique par celle de communauté populaire
(wolksgemeneinschaft). Ce qui est important pour Eucken c'est de
s'opposer à l'anti-rationalisme très fort alors en Allemagne qui a
tendance à considérer que la raison n'est « le vestige d'une époque
dépassée21 ». A l'université de Fribourg, Eucken est à la tête d'une
opposition à Martin Heidegger lorsque ce dernier est nommé recteur
par le régime nazi.

La publication de « Notre mission (Unsere Aufgabe) » en 1937 par


les juristes Franz Böhm, Hans Grossman-Doerth et l'économiste
Walter Eucken constitue à la fois l'élément fondateur et le
programme. Les auteurs déplorent que « les sciences juridiques et
économiques aient perdu toute influence politique et sociale22 »
sous l'influence croisée du juriste Friedrich Carl von Savigny, de
l'école historique de Werner Sombart et de Schmoller et du
déterminisme de Karl Marx22 Selon eux, il convient d'à nouveau de
théoriser, et de donner à « à l'opinion publique une vue exacte des
complexités de la vie économique23 ». Il fallait également montrer les
liens entre l'économique, le juridique et les problèmes sociaux en
identifiant « les grands principes ordonnateurs (ordnende Prinzipien)
autour des quels s'articulait l'organisation économique ». Par ce
biais, ils pouvaient montrer la vanité du tout politique si fort alors en
Allemagne. Par Patricia Commun, à travers leur programme, il
affichent leur « ambition de retrouver leur rôles d'experts » objectif
et impartial23

L'approfondissement de l'ordo-libéralisme de 1937


à 1945

Walter Eucken publie en 1940 un de ses ouvrages majeurs Die


Grundlagen der Nationalökonomie (Les fondements de l'économie
nationale). Cet ouvrage se distingue de celui d'Adolf Wagner, un des
fondateurs du Verein für Socialpoltik paru en 1872 qui s'appelait
Fondations pour l'économie politique qui selon Patricia Commun
« assurait implicitement que la politique fondait l'économique24 ». Il
se distingue aussi de celui de Carl Menger le fondateur de l'école
autrichienne intitulé Principes de l'économie qui voulait bâtir une
science économique autonome24. Eucken lui veut définir « les
fondements méthodologiques d'une science de l'économie
politique » sans « prétention à l'universalisme. »24. Il ne s'agit pas
d'une science hypothético-déductive comme celle de Ricardo, mais
d'une science inspirée à la fois par la méthodologie husserlienne et
par les idéaux types de Max Weber ce caractère Husserlien apparaît
clairement lorsqu'il écrit en page 8 des Fondements :

« Parce que les concepts utilisés pour le quotidien


(Alltagbegriffe) ne peuvent pas être, dans un premier temps,
définis scientifiquement, l'économie nationale doit provisoirement
utiliser les concepts comme ils sont utilisés dans la vie, sans
définition. C'est ainsi qu'elle arrive immédiatement à l'analyse de
la chose (ou du fait/Sache en allemand). L'examen de l'objet
amène à des résultats et les résultats sont exprimés de manière
brève sous forme de définitions qui font ensuite office
d'instruments utilisables pour d'autres recherches25 »

Dans ce livre, il s'attaque aussi à ce qu'il appelle la « la grande


antinomie » c'est-dire le fait que les économistes s'intéressent soit
au général par le biais de la théorie soit au particulier par le biais de
monographie ou d'études statistiques comme l'a fait l'école
historique allemande. Précisément le concept d'ordre qu'il
développe avec d'ordre doit permettre de résoudre ce problème26.
Sur ce point il accuse les grands économistes classiques Adam
Smith, David Hume, John Stuart Mill d'avoir recherché un ordre
naturel alors que lui selon Patricia Commun ne vise qu'à « décrire les
processus et les manifestations de son existence en tant qu'ordre
construit27 ». Les fondements de l'économie national, placent Walter
Eucken au centre de ma résistance libérale allemande et servent à
nourrir les discussions du Groupe IV « recherche en économie
nationale » où se retrouvent : Franz Böhm, Leonhard Miksch Adolf
Lampe et Jens Jessen28 .

Röpke de son côté publie en 1942 Die Gesellschatskrisis der


Gegenwart (La crise de notre temps) et en 1944 Civitas humana.
Gundfragenden der Gesellschafts und Wirtschaftsreform (Civitas
Humana, Questions fondamentales de réforme économique et
sociale). Dans ce livre, il développe l'idée que la crise du monde
occidental n'est pas seulement économique mais d'ordre sociétal29.
Selon Patricia Commun30 dans Civitas humana il « développe un
véritable humanisme économique chrétien applicable à l'ensemble
de la société » . Pour lui c'est « le libéralisme sociétal qui fonde le
libéralisme économique », pas l'inverse. Chez lui comme chez les
autres ordo-libéraux, le libéralisme ne vient pas d'un ordre
spontanée mais est construit à partir d'un choix de société libérale31.
Dans cet ouvrage une des sources d'inspiration est la pensée
libérale catholique française. dans la seconde partie de son ouvrage,
il cite un extrait d'un ouvrage d' Emile Faguet Politiques et moralistes
du dix-neuvième siècle32.

L'ordo-libéralisme de la fin de la seconde guerre


mondiale à la mort de Eucken

Après la seconde guerre mondiale les ordolibéraux vont beaucoup


écrire dans la presse pour populariser leurs idées. Ils contribueront
par ce biais à la réalisation à partir de 1948 lorsque le pays
libéralisera son économie du miracle économique allemand. A cet
effet deux vecteurs seront particulièrement utilisés, le Frankfurter
Allgemeine Zeitung en Allemagne et le Neue Zürcher Zeitung un
journal Suisse lu par les cercles dirigeants allemands33.C'est dans ce
journal, fin 1947, que Walter Eucken écrit La misère économique
allemande où il pointe les problèmes liée à l'économie dirigée que les
alliés ont maintenu se plaçant au point de vue économique dans la
continuation du régime précédent34. Röpke quant à lui est un
contributeur de ce journal depuis son installation en Suisse.

D'un point de vue plus académique, ils relancent en 1948 la revue


OrdoJahrbuch qui avait cessé de paraître en 1937. Le premier
numéro comportera des articles des membres de l'Ordoliberalisme ,
Eucken, Lutz, Röpke, Böhm etc... ainsi qu'un article d'Hayek. Cette
reparution intervient à un moment où les discussions entre les
socialistes allemands tenant de la planification et les libéraux
allemands favorables à l'économie de marché est forte35. Cette
revue leur permettra de peser en faveur d'un ordre économique
libéral en Allemagne et à la pensée ordo-libérale de survivre à la mort
en 1950 de Walter Eucken36.

Concepts centraux
D'après l'universitaire britannique Stephen Padgett, un pilier central
de l'ordolibéralisme est une « division du travail » clairement définie
entre acteurs de la gestion économique37 :

Grande antinomie et fondation d’une science de


l’économie politique

La grande antinomie signifie pour Eucken que l'école historique


allemande se livre à trop d'études descriptive sur la situation d'un
pays, l'Allemagne alors que l'école autrichienne est trop théorique
néglige complètement le contexte. Face à cette situation, la position
d'Eucken est clairement affirmée dans The fondations of
Economics :
"the first talk of the
« La première pensée de
economist is to get a grasp
l'économiste est d'arriver à une
of economic reality. This may
compréhension de la réalité
be a requirement which,
économique. C'est une exigence
however justified and
qui, aussi justifiée et nécessaire
necessary, may not be
soit-elle, peut ne pas être
possible. The economist has
«possible». L'économiste doit voir
to see economic events as
les événements économiques
part of a particular
comme faisant partie d'une
individual-historical situation
situation historique individuelle
he is to do justice to the real
particulière, il doit rendre justice
world. He must see them
au monde réel. Il doit aussi les voir
also as presenting general-
comme présentant des problèmes
theoretical problems if the
théoriques généraux s'il veut que
relationship of the real world.
les interelations du monde réel ne
How can he combine theses
lui échappe pas. Comment
two views ? If he does only
combiner ces deux vues? S'il ne
the one or only the other, he
fait que l'un ou l'autre, il est
is out of touch withe the real
déconnecté du monde réel. »
world. 38"

Mais la grande antinomie n’est pas à proprement dit propre aux


écoles d’économie développées en Allemagne et en Autriche. Walter
Eucken reproche globalement aux néoclassiques et particulièrement
à Alfred Marshall, d’avoir approfondi la grande antinomie en se
focalisant sur le général39. En réalité alors que les néoclassiques
visent à fonder une science de l’économie autonome, Eucken et
l’école ordolibérale visent à fonder une science de l’économie
politique24 à la fois à part d’une science de l’Etat (Staatswirtschaff)
et d’une science purement théorique débouchant sur un monde
idéal24. Une science qui tiennent compte aussi des particularités
nationales.24.

La notion d’ordre économique

Si Walter Eucken réfute les types historiques développés par Werner


Sombart, il apprécie le concept de style économique d’ Arthur
Spiethoff qui tente de donner une représentation complète mais
schématique des facteurs qui dans une période et un peuple donné
inflexible sur les activités économiques40. C’est cette notion de style
auquel il ajoute une dimension juridique qui constitue l’ordre au sens
de l’école ordolibérale41.

Pour Walter Eucken, avec les lumières, est intervenu un tournant


volontariste au XVIIIe siècle. Pour lui ce tournant a permis
l’émergence du libéralisme économique basé sur une organisation
concurrentielle de sorte que selon Patricia Commun 40

« Le libéralisme économique est, per se, un ordolibéralisme,


c’est-à-dire un libéralisme fondé sur un ordre non pas spontané,
mais consciemment établi, sur la base d’une révolution non pas
spontané, mais consciemment établi, sur la base d’une révolution
rationnelle quasi métaphysique, et instauré grâce à un appareil
juridique d’ordre légal et constitutionnel »

Chez les ordolibéraux à la Eucken, il n’y a donc pas d’ordre spontané


à la Hayek, mais une profonde méfiance envers la nature humaine
vue comme excessivement tenté par le pouvoir et la domination 42.
Si l’on s’interroge maintenant sur le rapport entre l’ordre juridique et
l’ordre économique, il faut noter que si le second a besoin du
premier, néanmoins c’est lui qui imprime le tempo43. C’est parce que
l’ordolibéralisme ne repose pas comme chez Walras et à sa suite sur
la notion d’équilibre mais de concurrence que l’ordre économique a
besoin d’un ordre juridique qui favorise la concurrence. De sorte que
chez Eucken, il existe des ordres partiels (Teilordnungen) dont la
cohérence assure l’ordre global (Gesamtornung). Pour Eucken, il
existe deux ordres principaux, l’ordre de l’économie d’échange et
l’ordre de l’économie centralisé 44.
L’homme à la fois Homo œconomicus et Homo
culturalis

Walter Eucken, contrairement à Werner Sombart ne croit pas que


l’homme soit passé d’un monde où il ne recherchait qu’à satisfaire
ses besoins à un monde capitaliste où il est mû par une soif
irréprésible de profit. Selon lui ce qui distingue l’homme présent de
celui du passé, ce n’est pas la soif du gain, c’est le développement
des techniques comptable en Allemagne du Nord au 16e siècle et
plus généralement un esprit devenu plus tourné vers le quantitatif et
la technique40. Aussi l’important pour lui c’est de bien comprendre
que la rationalité des gens ne s’excercent pas in abstracto, mais
dans un « Contexte politique, spirituel, religieux, intellectuel, et
technique ». De sorte que pour Patrica Commun40, « L’Homo
œconomicus se double d’un Homo culturalis »

Ordre monétaire

Walter Eucken dérive son approche de l’ordre monétaire du débat qui


au milieu du 19e siècle A opposé la Currency School à la Banking
School. Eucken se rattache àla Currency School45 à la différence de
Hayek. Pour lui comme pour les tenants de la Currency School,
l’émission monétaire doit être confié à une Banque centrale qui doit
limiter l’émission monétaire pour assurer la stabilité monétaire. Mais
sur ces points selon Patricia Commun46, les ordolibéraux n’ont pas
cherché à innover au niveau théorique par rapport aux discussions
de 1844 en Angleterre

Méfiance envers les politiques conjoncturelles

Walter Eucken dénonce les études des cycles et leur différentes


phases : boom, crise, dépression. Pour lui, il n’y a pas de lois
permettant de prévoir le développement des crises. Sur ce points il
s’oppose tant à l’école marxiste qu’à l’école historique allemande47.
Pour lui une phase de boom correspond à un excés d’investissement
et les dépressions à une phase de déclin des investissements. Mais
le plus important n’est pas. Il réside dans l’importance qu’il attribue à
des facteurs extra-économiques. Par exemple, il attribue la crise qu’a
connu l’Allemagne en 1930 à une crise de l’ordre du commerce
extérieur, à une crise politique et enfin à une crise d’ordre
monétaire48.

Pour Eucken on ne passe jamais d’un état d’équilibre parfait à un


autre. Il y a plutôt des glissements qui se produisent dans les ordres
partiels qui mettent en péril l’ordre global qu’il faut protéger à travers
des réajustements structurels. Cela conduit pour Patricia Commun49
Eucken à recommander « Une sorte de monitoring permanent des
processus économiques ». Si Röpke est parfois favorable à des
politiques conjoncturelles, Eucken est beaucoup plus réservé et
remet en cause l’universalité de l’importance que Keynes accorde
aux prévisions des entrepreneurs dans les phases de crises 49

Ordolibéralisme et morale kantienne

Inspiré par la morale kantienne, l'ordolibéralisme place la morale au


cœur de son programme. L'économie doit être soumise à la morale.
Le profit n'est pas une fin en soi, mais un moyen, qui doit à la fois se
soumettre à certaines règles, respecter certains interdits et viser une
fin autre que lui-même, qui est une fin morale. L'entreprise est au
service de la Société et l'entrepreneur est soumis à une
responsabilité morale et sociale, à la fois vis-à-vis de la société dans
son ensemble et de ses propres salariés.

État et ordre économique

Selon la théorie ordolibérale, l'État a pour responsabilité de créer un


cadre légal et institutionnel à l'économie, et de maintenir un niveau
sain de concurrence « libre et non faussée » via des mesures en
accord avec les lois du marché. En effet, si l'État ne prend pas des
mesures anticipées pour encourager la concurrence, les entreprises
donneront naissance à des monopoles, trusts ou oligopoles. Cela
aura pour conséquence de détourner les avantages économiques
offerts par le marché, et peut-être à terme de saper la démocratie, le
pouvoir économique étant capable de se transformer en pouvoir
politique.

L'État intervient donc dans la vie économique de deux façons : en


fixant des règles et en les faisant appliquer et respecter. Valorisant
l'ordre (en référence à la théorie augustinienne de l'ordre) et la
régulation par l'État (État-ordonnateur), l'ordolibéralisme se
distingue nettement sur ce point du libéralisme classique fondé sur
la dérégulation et le « laisser-faire ». L'ordolibéralisme est cependant
un libéralisme en ce que l'État doit se cantonner à la fixation et à
l'application de ces règles, il ne doit pas mener de politiques
économiques conjoncturelles, mais se tenir à l'écart de toute
stimulation macro-économique et de tout dirigisme. Cela se
manifeste par les aspects suivants : décentralisation, équilibre
budgétaire (voire excédent) pour les finances publiques, refus du
plan et de la politique industrielle (les entreprises devant s'auto-
organiser), fixation des salaires par les partenaires sociaux (patronat
et syndicats) ce qui revient à abandonner la politique publique des
revenus,

Débat
La crise de 2008 a réactivé des débats autour de la pertinence de la
théorie ordolibérale et qui porte sur le débat « Ordnungspolitik vs
Prozesspolitik », c'est-à-dire entre les politiques d'ordonnancement
et les politiques de processus.
L'ordolibéralisme est crédité d'avoir donné naissance au système
d'économie sociale de marché50.

Notes et références
1. ↑ Commun 2016, p. 31.
2. ↑ Commun 2016, p. 33.
3. ↑ Commun 2016, p. 34.
4. ↑ Commun 2016, p. 21.
5. ↑ Commun 2016, p. 23.
6. ↑ a et b Commun 2016, p. 24.
7. ↑ Commun 2016, p. 28.
8. ↑ Commun 2016, p. 29.
9. ↑ Commun 2016, p. 38.
10. ↑ a et b Commun 2016, p. 39.
11. ↑ Commun 2016, p. 40.
12. ↑ Commun 2016, p. 68.
13. ↑ a et b Commun 2016, p. 44.
14. ↑ Commun 2016, p. 46.
15. ↑ a et b Commun 2016, p. 51.
16. ↑ Commun 2016, p. 52.
17. ↑ Commun 2016, p. 57.
18. ↑ Commun 2016, p. 67.
19. ↑ Commun 2016, p. 83.
20. ↑ Commun 2016, p. 73.
21. ↑ Commun 2016, p. 78.
22. ↑ a et b Commun 2016, p. 88.
23. ↑ a et b Commun 2016, p. 89.
24. ↑ a b c d e et f Commun 2016, p. 104.
25. ↑ Commun 2016, p. 106.
26. ↑ Commun 2016, p. 115.
27. ↑ Commun 2016, p. 113.
28. ↑ Commun 2016, p. 152.
29. ↑ Commun 2016, p. 174.
30. ↑ Commun 2016, p. 175.
31. ↑ Commun 2016, p. 176.
32. ↑ Commun 2016, p. 188.
33. ↑ Commun 2016, p. 270.
34. ↑ Commun 2016, p. 271.
35. ↑ Commun 2016, p. 276.
36. ↑ Commun 2016, p. 320-325.
37. ↑ (en) Stephen Padgett, « Political Economy: The German
Model under Stress », in Stephen Padgett, William E. Paterson,
Gordon Smith, Developments in German Politics 3, Duke
University Press, 2003 (ISBN 978-0-8223-3266-4), pp. 126-127.
38. ↑ Eucken 1950, p. 41.
39. ↑ Commun 2016, p. 114.
40. ↑ a b c et d Commun 2016, p. 147.
41. ↑ Commun 2016, p. 118.
42. ↑ Commun 2016, p. 122.
43. ↑ Commun 2016, p. 124.
44. ↑ Commun 2016, p. 125.
45. ↑ Commun 2016 p.123.
46. ↑ Commun 2016 p.124.
47. ↑ Commun 2016 p.140.
48. ↑ Commun 2016 p.141.
49. ↑ a et b Commun 2016 p.143.
50. ↑ François Denord, Rachel Knaebel et Pierre Rimbert,
« L'ordolibéralisme allemand, cage de fer pour le Vieux
Continent : Le révélateur grec », Le Monde diplomatique, (lire en
ligne [archive])

Voir aussi
Bibliographie

Patricia Commun, Les ordolibéraux, histoire d'un libéralisme à


l'allemande, Paris, Les belles-lettre, 2016.
Walter Eucken, The fondations of economics, London, The
fondations of economics, 1950.
Patricia Commun, L'ordolibéralisme allemand : Aux sources de
l'économie sociale de marché, CIRAC, 2003, 272 pages.
F. Martucci, « La BCE et l'ordolibéralisme : étude des
discours », in Mélanges en l'honneur du Professeur Blumann,
Bruxelles, Bruylant, 2015, pp. 669-679.
F. Martucci, « Constitution économique, quelques fragments de
doctrine française », in F. Martucci, C. Mongouachon (dir.), La
constitution économique, Paris, La mémoire du droit, 2015,
pp. 14-42.
Pierre Dardot, Christian Laval, La Nouvelle raison du monde.
Essai sur la société néolibérale, Paris, La Découverte, 2009
(ISBN 978-2-7071-5682-2), 504 pages.
Carl J. Friedrich, « The Political Thought of Neo-Liberalism »,
American Political Science Review, 1955, 49/2, pp. 509-525.
Alan Peacock, Hans Willgerodt (éds.), Germany's Social Market
Economy: Origins and Evolution, Macmillan, 1989, 292 pages.
Hugues Rabault (direction), L'ordolibéralisme, aux origines de
l'Ecole de Fribourg-en-Brisgau, Paris, L'Harmattan, 2016, 266
pages.
François Denord, Rachel Knaebel et Pierre Rimbert,
« L'ordolibéralisme allemand, cage de fer pour le Vieux
Continent : Le révélateur grec », Le Monde diplomatique, août
2015 (lire en ligne [archive]).

Alain Alcouffe et l, « L'ordolibéralisme unité et diversité : Le


révélateur grec », Revue européenne des sciences sociales,
février 2017 (lire en ligne [archive])

Articles connexes

Walter Eucken
Wilhelm Röpke
Économie sociale de marché
ORDO (revue)

Liens externes

L'école de Fribourg, l'ordolibéralisme et l'économie sociale de


marché [archive] - Blog de Pierre Bilger, 8 avril 2005 [PDF]
Sens de l'ordolibéralisme [archive] - Hugues Rabault, Blog [Nunc
transeamus] ad obligationes, 16 mai 2016

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Courants de la pensée économique


Article principal : Histoire de la pensée économique
(Ordre chronologique ; en italique, les principaux courants contemporains) — Voir
aussi : Libéralisme économique

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néoclassique · Néokeynésianisme · École autrichienne · École
néoclassique · Nouvelle économie classique · Nouvelle économie
keynésienne

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Économie sociale de marché
janvier 1948

L’économie sociale de marché (en allemand : Soziale


Marktwirtschaft) est un système économique fondé sur le
capitalisme de marché, censé être naturellement social. Elle a été
développée et mise en place en Allemagne de l'Ouest par l'Union
chrétienne-démocrate, sous la direction du chancelier Konrad
Adenauer à partir de 1949. Elle est fortement inspirée par
l'ordolibéralisme, les idées de la social-démocratie et la doctrine
sociale de l'Église catholique et, plus généralement, de l'éthique
chrétienne.

Sommaire
1 Naissance en Allemagne
2 Royaume-Uni
3 France
4 Évaluation
5 Union européenne
6 Chine
7 Suisse
8 Bibliographie
9 Notes et références

Naissance en Allemagne
On doit la première utilisation de ce terme à l'économiste
allemand Alfred Müller-Armack dans un ouvrage de 1946,
Wirtschaftslenkung und Markwirtschaft 1.

En Allemagne, ce modèle a été institué par Ludwig Erhard,


ministre de l'économie de la RFA sous le chancelier Konrad
Adenauer, puis chancelier lui-même de 1963 à 1966. Erhard est
conseillé par les ordolibéraux, qui attribuent la montée du
nazisme à l'inflation. Celle-ci a aliéné les classes moyennes de la
République de Weimar, puis l'a détruite. La doctrine de la
Bundesbank reprendra cette préoccupation contre l'inflation, ce
qui débouchera sur le succès international du mark, au point que
l'objectif de contrer l'inflation est aujourd'hui adopté par de
nombreuses banques centrales. Les ordolibéraux identifient
également la cartellisation et le contrôle étatique de l'économie
comme facteurs d'avènement du totalitarisme2.

Le nom que les ordolibéraux donnent à leur doctrine est


l'économie sociale de marché, qui donne l'idée que le libre-
marché est naturellement social. Ce système s'oppose à
l'économie planifiée, à l'économie de marché complètement libre3
et à l'économie mixte2. Il cherche à obtenir et maintenir à la fois
une croissance élevée, une faible inflation, un faible chômage, de
bonnes conditions de travail et une protection sociale. Notons que
l'ordolibéralisme et l'économie sociale de marché restent deux
concepts distincts, le second étant postérieur au premier.
L'économie sociale de marché est davantage une application
pratique et pragmatique de l'ordolibéralisme, issue d'un
compromis partiel entre les tendances profondément libérales
des théoriciens de l'ordolibéralisme et les tendances plus
planistes, qui coexistaient notamment au sein des instances
chargées de réfléchir à la politique économique d'après guerre
(on pense au Conseil Scientifique attaché à l'administration
économique de la bizone, créé en 1947 et dont les premières
réunions ont lieu en )4. Néanmoins, c'est incontestablement la
tendance ordolibérale qui l'emporte dans ce compromis.

En juin 1948, Erhard, qui a été nommé par les Américains, décide
d'abolir le contrôle des prix que les nazis avaient instauré. Notons
toutefois qu'avant la guerre, Erhard ne s'était pas opposé à un
contrôle des prix lorsqu'il défendait les intérêts de l'industrie
légère au sein de son institut de recherche à Nuremberg (Institut
für Wirtschaftsbeobachtung der deutschen Fertigindustrie), qu'il
s'était prononcé favorablement à un contrôle modéré des prix afin
de lutter contre les monopoles dans l'industrie dans des articles,
et qu'il a même directement participé directement à l'élaboration
du plan quadriennal de 1936 à 1938 sous le régime national-
socialiste pour le compte de l'industrie légère5. Le vendredi 18
juin 1948, Erhard propose devant l'assemblée une loi de
libéralisation de l'économie, qui emporte l'assentiment de la
majorité. Toutefois, afin d'être adoptée, la mesure doit être
approuvée par les Alliés : Erhard effectue alors un passage en
force légal en outrepassant ses pouvoirs et déclare l'abolition des
contrôles sur l'économie et les prix le dimanche 20 juin 1948,
sans avertir les alliés4. Les Américains, sont sceptiques mais
laissent faire. Il se justifie le lundi devant le Parlement et les Alliés
et la réforme est définitivement adoptée le 24 juin 1948.

La réforme est un succès, qui abolit le marché noir. Bien que


controversé au départ, ce modèle s'est imposé en Allemagne
comme en Autriche, et on lui attribue le « Wirtschaftswunder »
(en français miracle économique) de ces pays lors des Trente
Glorieuses2.

Karl Schiller a énoncé la formule-clef de l'économie sociale de


marché : « autant de marché que possible, autant d’État que
nécessaire », qui figure dans le programme de Bad Godesberg du
parti social-démocrate (« la concurrence autant que possible, la
planification autant que nécessaire »)6.

Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, l'expression est reprise dans les années 1970
dans la même acception que celle des ordolibéraux par le Center
for Policy Studies, qui réunissait les tories les plus libéraux, dont
Margaret Thatcher et Keith Joseph. Le centre se fit un moment
l'apologiste de l'économie sociale de marché, expression qui
permettait de rappeler que seule une économie de marché
pouvait permettre le progrès social7. L'ambiguïté de la formule
conduisit plus tard à son abandon.

France
Michel Foucault a aussi soutenu dans son cours du Collège de
France de l'année 1978-1979 que l'économie sociale de marché
est un courant de pensée néolibéral bien spécifique8.

A propos de l'essence de l'économie sociale de marché en tant


que pensée libérale spécifique, Michel Albert écrit : « Depuis plus
de trente ans que j’étudie l’économie allemande et que je travaille
avec des Allemands, je demeure étonné par la difficulté qu’ils
éprouvent à faire comprendre à l’étranger que leur système
économique est authentiquement libéral. »9,10

Avec le temps, la formule est plus souvent employée à contre-


sens au point que les libéraux l'ont délaissée et qu'elle soit parfois
reprise par des socialistes. En France, le syndicaliste et
altermondialiste Serge Le Quéau rejette cette récupération et
explique que l'expression est un faux ami11, dans la mesure où,
dans son acception originelle, elle ne désigne pas un simple
compromis entre l'« économie sociale » et l'« économie de
marché » mais un courant de pensée bien spécifique, d'origine
allemande12.

Évaluation
Pour le philosophe conservateur britannique Roger Scruton,
l'économie sociale de marché est devenue en évoluant « une
institution étatiste, fortement régulée d'en haut, au profit de
puissants lobbies tels que les syndicats et la bureaucratie de
l'État-providence. Il se méfie de la propriété privée et de la libre
entreprise, se préoccupe avec obsession de l'égalité au sein des
relations contractuelles, et accueille favorablement tout dogme
égalitariste ». Si Scruton rejoint Wilhelm Röpke sur de nombreux
points notamment en partageant l'idée que le marché, s'il est
nécessaire, ne saurait suffire pour assurer la cohésion sociale, il
lui reproche cependant d'avoir adopté le point de vue de Marx
qu'il juge dommageable, selon lequel les institutions sociales sont
des produits de l'ordre économique plutôt que son fondement, ce
qui offre in fine des justifications à l'intervention de l'État dans
l'économie pour guérir les maux de la société13.

Union européenne
Le Traité de Lisbonne, tout comme le Traité de Rome de 2004
qu'il a vocation de remplacer, instaure l' « économie sociale de
marché » comme un des objectifs principaux de l'Union
européenne : « Elle (L'Union) œuvre pour [...] une économie
sociale de marché hautement compétitive [...] »14,15.

Chine
La Chine parle officiellement d'« économie socialiste de marché »
pour son système économique, qui est cependant (très) différent
d'une économie sociale de marché.

Suisse
On peut affirmer[Qui ?] que la Suisse a adopté un système
d'économie sociale de marché en précisant toutefois que l'État y
joue plutôt un rôle de facilitateur en protégeant les échanges
économiques que d'intervenant dans la mesure où la liberté
économique est garantie à l'article 27 de la Constitution fédérale
de 1999.

Röpke s'est inspiré des villages suisses pour inventer l'économie


sociale de marché13.

Bibliographie
François Bilger, 2005, L'école de Fribourg, l'ordolibéralisme
et l'économie sociale de marché, (Lire en Ligne [archive])
François Bilger, 2001, l'économie sociale de marché dans la
perspective française, (Lire en ligne [archive])
François Bilger, 1988, l'économie sociale de marché au siècle
des allemands (Lire en ligne [archive])
Michel Foucault, 2004, Naissance de la biopolitique, Hautes
études (Gallimard, seuil). Il s'agit des cours donnés au
Collège de France en 1978-1979. Ils portent sur le
néolibéralisme allemand et notamment sur les fondateurs de
l'économie sociale de marché.
Albert Kalaydjian et Hugues Portelli (eds), 1998, Les
démocrates-chrétiens et l'économie sociale de marché,
Economica.

Notes et références
1. ↑ Patricia Commun, « L’économie sociale de marché
allemande vue à travers les premiers discours de Ludwig
Erhard », dans Langue, économie et entreprise : le travail des
mots, Presses Sorbonne Nouvelle, coll. « Monde
germanophone », 18 septembre 2018 (ISBN 9782878548198,
lire en ligne [archive]), p. 41–57
2. ↑ a b et c in The Commanding Heights, The Battle for the
World Economy, Daniel Yergin, Joseph Stanislaw, 1998, p16-
19
3. ↑ Les ordolibéraux souhaitent notamment prévenir
cartellisation et monopolisation.
4. ↑ a et b Sylvain Broyer, « Retour à l’économie de marché : les
débats du conseil scientifique attaché à l’administration
économique de la Bizone », dans L'ordolibéralisme allemand,
CIRAC, 2003 (ISBN 9782905518316, DOI 10.4000/books.cirac.822,
lire en ligne [archive]), p. 201–219
5. ↑ Patricia Commun, « La conversion de Ludwig Erhard à
l’ordolibéralisme (1930-1950) », dans L'ordolibéralisme
allemand, CIRAC, 2003 (ISBN 9782905518316,
DOI 10.4000/books.cirac.821, lire en ligne [archive]), p. 175–199
6. ↑ https://de.wikiquote.org/wiki/Karl_Schiller [archive]
7. ↑ Margaret Thatcher, The Path to power, vo, Harper Collins,
1995, p. 251-252.
8. ↑ Foucault, 2004
9. ↑ Albert, Michel, 1930-, Capitalisme contre capitalisme,
Seuil, 1991 (ISBN 2020132079 et 9782020132077, OCLC 397391332,
lire en ligne [archive])
10. ↑ Anne-Marie Le Gloannec (dir.), L'Etat en Allemagne : La
République fédérale après la réunification, 2001
(ISBN 272460816X, lire en ligne [archive]), p. 183-211 (Chapitre 8,
écrit par Jean-Daniel Weisz)
11. ↑ Président d'Attac 22 - Membre du Conseil Scientifique
d'Attac [archive]
12. ↑ Extrait de l'article du 04/04/2005 de Serge Le Queau
(ATTAC) « Économie sociale de marché : un faux ami » cf
Économie sociale de marché : un faux ami [archive]:
"Attention, le terme « économie sociale de marché » (en
allemand Soziale Marktwirtschaft) est un faux ami comme on
dit en lexicologie, c’est une étiquette trompeuse. Il est
remarquable que pas un exégète du traité n’ait expliqué la
signification de cette locution pourtant omniprésente. S’ils
l’ignorent, c’est presque pire.... L’ « économie sociale de
marché » ne renvoie pas du tout à un mixte entre économie
sociale et économie de marché. Il s’agit d’un courant de
pensée né dans l’Allemagne fédérale d’après-guerre et
rassemblant des économistes conservateurs autour de la
revue ORDO (d’où l’autre nom de ce courant,
l’« ordolibéralisme »). Ses fondateurs, les économistes
Walter Eucken, Wilhelm Röpke et Alfred Müller-Armack ont
très largement influencé la politique économique des
chanceliers allemands, conservateurs (CDU) mais aussi
sociaux-démocrates (SPD), ce qui les a auréolé de la
paternité intellectuelle du « miracle économique ouest-
allemand »."
13. ↑ a et b firstprinciplesjournal.com [archive], Roger Scruton, The
Journey Home, Part I, conférence du 12 avril 2008.
14. ↑ Article 2 paragraphe 3 du traité de Lisbonne [archive]
15. ↑ Article I-3 paragraphe 3 du traité établissant une
constitution pour l'Europe [archive]

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