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La fièvre est une cause fréquente de consultation au retour de voyage en pays tropical. Le point clé
est d’interroger le patient sur les détails de son voyage, et de caractériser au mieux les signes cliniques
et entre autres la fièvre. Les principales causes de fièvre au retour de voyage en pays tropical sont le
paludisme, les infections digestives, les infections respiratoires, urinaires et les pathologies cutanées. Il
est primordial et urgent d’éliminer un paludisme quelle que soit la symptomatologie associée. Les autres
étiologies possibles sont à envisager en fonction du délai d’apparition de la fièvre par rapport aux délais
d’incubation, des signes associés et des résultats des examens paracliniques initiaux. Enfin, il ne faut pas
négliger une infection communautaire ou cosmopolite à potentiel évolutif sévère.
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Tableau 2.
Principales causes de fièvre au retour de voyage en fonction des signes associés.
Signes associés Bactéries Virus Parasites et champignons
Syndrome septique Infections bactériennes à porte d’entrée Paludisme, helminthiases invasives,
urinaire, pulmonaire, cutanée amibiase hépatique
Syndrome hémorragique Leptospirose, méningococcémie Fièvre jaune, fièvres hémorragiques Paludisme
virales transmissibles (Crimée-Congo,
Lassa, Marburg, Ebola), dengue,
chikungunya, hépatite fulminante
Pneumopathie Pneumocoque, légionellose, mélioïdose Grippe Champignons dimorphiques (dont
histoplasmose)
Diarrhée Salmonellose, shigellose, Hépatites virales, rotavirus Paludisme (enfant), Entamoeba histolytica
campylobactériose, yersiniose, E. coli
(ETEC, EAEC, EHEC)
Adénopathies Peste, rickettsiose Primo-infection VIH, dengue et autres Trypanosomose africaine, leishmaniose
arboviroses viscérale, filariose lymphatique
Algies Hépatites virales, fièvres hémorragiques, Trichinose
arboviroses (dengue++)
Hépatomégalie Hépatites virales Leishmaniose viscérale, paludisme,
amibiase hépatique
Splénomégalie Typhoïde, brucellose, borrélioses Trypanosomose africaine, leishmaniose
viscérale, paludisme
Ictère et/ou hépatite Typhoïde, rickettsiose, leptospirose, Hépatites virales, arboviroses Paludisme (hémolyse), amibiase
pneumocoque, mycoplasme (hémolyse) (principalement fièvre jaune), EBV, CMV hépatique (selon localisation)
Éruption cutanée Typhoïde, syphilis secondaire, Dengue, Zika, chikungunya, et autres Trypanosomose africaine et
rickettsiose, leptospirose arboviroses, primo-infection VIH sud-américaine, helminthiases invasives,
toxoplasmose, trichinellose
Signes neurologiques Typhoïde, méningite bactérienne Arboviroses, fièvres hémorragiques Paludisme grave
E. coli : Escherichia coli ; E. coli ETEC : E. coli entérotoxigénique ; E. coli EAEC : E. coli entéroagrégatif ; E. coli EHEC : E. coli entérohémorragique ; VIH : virus de
l’immunodéficience humaine ; EBV : virus d’Epstein-Barr ; CMV : cytomégalovirus.
◦ les vaccinations conseillées en cas de voyage dans un pays à Situations à risque infectieux – risque
faible niveau d’hygiène (hépatite A, hépatite B, choléra, fièvre
typhoïde) [2] , de maladie contagieuse et transmission
◦ les vaccinations obligatoires ou à risque spécifique (fièvre de bactéries multirésistantes
jaune, rage, grippe, encéphalite japonaise, encéphalite à
tiques, méningocoque) [2] ; Au cours des dernières années, certaines épidémies ont néces-
• la connaissance d’un contage éventuel pendant le voyage ou sité la mise en place de mesures spécifiques de santé publique dans
au retour ; les cas de retour de voyage dans ces zones. C’est le cas par exemple
• les antécédents du patient (notamment déficit immunitaire), des épidémies de virus Ebola en Afrique de l’Ouest de 2013 à 2015,
les traitements habituels et ceux introduits récemment (anti- ou de Middle-East Respiratory Syndrome (MERS)-coronavirus au
biotiques, anti-inflammatoires, etc.) ; Moyen-Orient depuis 2012 par exemple. En situation de retour
• pour les femmes jeunes, il faut s’assurer du mode de contracep- de voyage dans une zone concernée par une alerte épidémiolo-
tion et de l’éventualité d’une grossesse évolutive (en particulier gique, il est nécessaire d’évaluer ce risque, d’isoler le patient avant
en cas de voyage en zone d’endémie de virus Zika) ; tout prélèvement et de notifier sans délai la situation clinique aux
• le contact avec le système de soins (évaluation du risque Agences régionales de santé selon les procédures officielles, afin de
d’acquisition de bactéries multirésistantes). classer le cas suspect comme possible ou non, permettant la mise
L’interrogatoire recherche des signes fonctionnels associés à en place de mesures prophylactiques visant à limiter l’apparition
la fièvre : algies, signes généraux, digestifs, neurologiques, uri- de cas secondaires d’une maladie contagieuse sévère et d’optimiser
naires, respiratoires, ORL et cutanés. Il est important de préciser la prise en charge du patient.
l’évolution de la fièvre, sa périodicité éventuelle, sa tolérance et Par ailleurs, il existe un risque élevé de portage de bacté-
l’effet des traitements déjà administrés. ries multirésistantes au retour de voyage, en particulier en cas
d’hospitalisation, de prescription d’antibiothérapie ou de diar-
rhée au cours du séjour. Ainsi, les patients ayant eu dans les 12
Examen physique derniers mois une hospitalisation de plus de 24 heures quel que
soit le secteur ou une prise en charge dans une filière de soins
Les signes cliniques permettent d’orienter le diagnostic vers un spécifiques (dialyse) à l’étranger sont considérés comme suspects
ou plusieurs pathogènes mais aucun signe clinique n’est pathog- d’être porteurs de bactéries hautement résistantes émergentes [9] .
nomonique (Tableau 2). Cela concerne également les rapatriements sanitaires. Des mesures
L’examen physique doit être complet avec recherche en prio- complémentaires « contact » doivent également être instaurées
rité des signes de gravité. Il doit systématiquement être associé chez ces patients en cas d’hospitalisation [9] .
à la prise des constantes vitales (pouls, température, tension Ces différentes mesures doivent être mises en place dès
artérielle, fréquence respiratoire, fréquence cardiaque, saturation l’admission pour limiter le risque de transmission interhumaine
en oxygène), à la recherche de marbrures, de purpura vascu- et les cas suspects doivent être notifiés aux Agences régionales de
laire, de syndrome méningé, de signes de défaillance d’organe santé lorsque c’est indiqué.
y compris neurologique, et à la réalisation d’une bandelette uri- Il est également nécessaire de mettre en place un isolement de
naire. Le reste de l’examen physique s’attache à la recherche type « entérique » devant toute diarrhée du voyageur.
de point d’appel infectieux, d’une éruption cutanée, d’une Ne pas oublier enfin que certaines pathologies du voyageur
escarre d’inoculation, et à éliminer une pathologie thrombo- sont à ce jour à déclaration obligatoire afin de mettre en place
embolique. les mesures prophylactiques appropriées (virus Zika, dengue,
chikungunya, fièvre jaune, fièvres hémorragiques africaines, fièvre Bilan hépatique complet
typhoïde, peste, paludisme autochtone ou d’importation dans les
Il permet d’orienter le diagnostic étiologique. L’augmentation
pays d’outre-mer, etc.).
privilégiée des alanine-aminotransférases (ALAT) oriente vers une
hépatite virale, une fièvre jaune, une arbovirose, une typhoïde,
Prélèvements biologiques initiaux un paludisme, un abcès hépatique ou une fièvre hémorragique
virale.
En complément à la clinique, des examens biologiques simples
doivent être réalisés rapidement pour orienter le diagnostic et Radiographie thoracique
confirmer ou non les étiologies évoquées à l’interrogatoire et à
l’examen physique. Elle peut mettre en évidence une pneumopathie. Une ascension
de la coupole diaphragmatique droite, une atélectasie de la base
Numération-formule sanguine droite, un comblement du cul-de-sac costodiaphragmatique droit
sont des éléments indirects pouvant faire suspecter une amibiase
Elle peut avoir une bonne valeur d’orientation diagnostique hépatique.
mais les anomalies de la numération sont le plus souvent non
spécifiques et peu sensibles.
• Une hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile oriente Autres examens complémentaires
vers une affection bactérienne, une leptospirose ou un abcès Les données de l’examen clinique et les résultats du bilan bio-
amibien du foie. logique systématique peuvent conduire à la prescription d’autres
• Une leuconeutropénie oriente vers le paludisme, la fièvre examens complémentaires d’orientation diagnostique :
typhoïde, les arboviroses, et la leishmaniose viscérale. • beta-human chorionic gonadotrophin (-hCG) : il est primordial
• Une hyperéosinophilie est habituellement due à une helmin- d’éliminer une grossesse évolutive chez toute femme en âge de
thiase invasive. procréer ;
• Une lymphomonocytose évoque une infection virale. • coproculture en cas de troubles du transit intestinal ;
• Une plasmocytose évoque une trypanosomose africaine. • examen parasitologique des selles (examen à répéter au moins
• Une anémie peut être observée dans le paludisme, la leishma- trois fois à quelques jours d’intervalle en raison de l’émission
niose viscérale et certaines infections bactériennes. intermittente des parasites) à pratiquer également mais la pro-
babilité qu’un parasite digestif soit à l’origine d’une diarrhée
Numération des plaquettes fébrile est peu élevée en dehors de Isospora belli et Cyclospora
cayetanensis ;
Elle recherche une thrombopénie. Celle-ci est fréquente au
• ponction lombaire, imagerie cérébrale (scanner ou imagerie par
cours du paludisme et est également observée au cours des arbo-
résonance magnétique [IRM]), et électroencéphalogramme en
viroses, dengue notamment, de la leishmaniose viscérale, et des
cas de signes neuroméningés, selon la situation clinique ;
fièvres hémorragiques virales.
• échographie hépatique et sérodiagnostic de l’amibiase en cas
de suspicion d’amibiase hépatique ;
Procalcitonine et/ou protéine C réactive (PCR)
• sérodiagnostic des infections virales en cas de virose : virus de
Les mesures de la PCR et/ou de la procalcitonine permettent l’immunodéficience humaine (VIH), hépatites A, B, C, E, arbo-
la recherche d’un syndrome inflammatoire. Avec leur limite en virose, etc. L’antigène NS1 et/ou la PCR dengue peuvent être
termes de sensibilité et de spécificité, elles permettent d’orienter réalisés à la phase aiguë d’une suspicion de dengue (jusqu’au
vers des maladies bactériennes ou parasitaires plutôt que virales à 5e j).
l’origine de la fièvre. Elles permettent un suivi évolutif biologique D’autres examens peuvent être demandés en fonction de
de l’infection. l’orientation clinique.
Recherche de paludisme
Il est recommandé la réalisation d’un frottis sanguin (qui per-
met le diagnostic d’espèce et la mesure de la parasitémie) et d’une
®
“ Point fort
technique sensible (goutte épaisse, QBC-Malaria Test ou tech-
nique de biologie moléculaire à réponse rapide) avec un rendu de Examens paracliniques de première intention : NFS, PCR,
résultat dans les deux heures. Ils doivent être pratiqués en urgence frottis sanguin-goutte épaisse, hémocultures, examen
sans attendre un frisson ou un pic thermique. cytobactériologique des urines (ECBU), transaminases, -
Outre les hématozoaires du paludisme, le frottis sanguin peut hCG, radiographie thoracique.
mettre en évidence des trypanosomes, au cours de la trypano-
somose humaine africaine en phase lymphaticosanguine, des
leishmanies, et des Borrelia dans les fièvres récurrentes à poux ou
à tiques.
Un frottis sanguin-goutte épaisse négatif n’élimine pas le palu-
disme et doit être répété dans les heures qui suivent en cas de forte
Orientation diagnostique
suspicion diagnostique. S’il n’existe pas de critères de gravité justifiant une hospita-
Il existe aussi des tests diagnostiques plus rapides comme lisation en urgence, la recherche étiologique dépend des signes
l’utilisation d’acridine orange, la détection de l’antigène HRP2 ou fonctionnels retrouvés lors de l’interrogatoire, des données de
d’antigènes « panspécifiques ». l’examen physique et du résultat des prélèvements biologiques.
Nous allons donc envisager les différents diagnostics en fonction
Hémocultures de ces différentes données (Tableau 2).
Idéalement, au moins trois paires d’hémocultures sont à
réaliser. Elles peuvent permettre l’identification d’une bactérie
pyogène à l’origine d’une septicémie dans le cadre d’une infection Fièvre associée à un ictère
communautaire (respiratoire, urinaire, cutanée, ORL) ou d’une
Les principaux diagnostics à envisager sont le paludisme grave,
salmonellose mais aussi la recherche de leptospires ou de Borrelia
une hépatite virale, une leptospirose ictérohémorragique, une dis-
(prélèvements spécifiques).
tomatose hépatobiliaire et une fièvre jaune.
Le mécanisme de l’ictère (hémolyse ou cholestase, intra-
Examen cytobactériologique des urines ou extrahépatique) permet d’orienter le diagnostic. En cas
Il doit être pratiqué à la recherche d’une infection urinaire en d’hémolyse, se méfier des hémoglobinopathies et des déficits en
particulier si le patient est symptomatique. glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD).
En faveur d’un paludisme, l’examen physique retrouve une En faveur d’une brucellose, on retrouve la notion de consom-
splénomégalie. Il n’y a pas d’hyperleucocytose sur la NFS. mation de produits laitiers non pasteurisés ou de contact avec
L’anémie reflète l’hémolyse. La thrombopénie est quasi constante. les ruminants domestiques, une fièvre ondulante, l’absence
En faveur d’une hépatite virale (le plus souvent de type A, par- d’hyperleucocytose à l’hémogramme. Le diagnostic est confirmé
fois B par contamination sexuelle, mais ne pas oublier les autres par la positivité des hémocultures (culture longue) et de la sérolo-
hépatites notamment E), l’examen physique est normal en dehors gie.
de l’ictère, et, sur le plan biologique, on retrouve une élévation
importante des transaminases (ALAT).
En faveur d’une distomatose hépatobiliaire (Fasciola hepatica ou Fièvre associée à des adénopathies
Fasciola gigantica), l’examen physique retrouve une hépatoméga- Le diagnostic est guidé par le caractère localisé ou non, doulou-
lie douloureuse, ou, plus tardivement, un tableau d’angiocholite reux ou non et la présence d’une lésion d’inoculation.
fébrile. Sur le plan biologique, il existe une franche hyperéosino- Les diagnostics à envisager devant une polyadénopathie sont,
philie (supérieure à 1000/mm3 ). outre les causes classiques à évoquer systématiquement (VIH,
En faveur d’une fièvre jaune, l’examen physique retrouve un EBV, cytomégalovirus [CMV], toxoplasmose, tuberculose, lym-
voyage dans un pays à risque, l’absence de vaccination, une alté- phome, etc.), la trypanosomose, les filarioses lymphatiques.
ration de l’état général, l’existence d’un syndrome hémorragique En faveur d’une trypanosomose africaine ou maladie du som-
et d’une insuffisance rénale. meil, on retrouve un séjour en Afrique noire ou en pays à risque,
En faveur d’une leptospirose, on retrouve la notion de baignade l’existence d’une porte d’entrée cutanée (aspect de furoncle sur les
en eau douce, une éruption maculeuse du tronc, des céphalées, des parties découvertes), l’existence d’adénopathies essentiellement
myalgies, un syndrome hémorragique, et une insuffisance rénale. cervicales ou sus-claviculaires non suppurées, une altération de
l’état général, des troubles du comportement (léthargie, confu-
sion). Dans une phase plus avancée, la fièvre tend à disparaître et
Fièvre associée à une diarrhée le tableau neurologique devient prédominant.
Les principaux diagnostics à évoquer sont le paludisme (en par- En faveur d’une filariose, on peut retrouver initialement un
ticulier chez l’enfant), une salmonellose mineure, une typhoïde tableau fébrile avec l’adénite et la lymphangite, ainsi qu’une
(salmonelle majeure), une shigellose, une yersiniose, une diarrhée hyperéosinophilie majeure.
invasive à Escherichia coli (E. coli entérohémorragique ou entéro- Les diagnostics à envisager devant des adénopathies localisées
invasif), une amibiase (compliquée d’atteinte hépatique si fièvre), sont la peste, les bartonelloses, la tularémie, la syphilis, les myco-
une hépatite virale au stade initial. bactérioses et l’histoplasmose. En faveur d’une peste, l’existence
En faveur d’une typhoïde, à l’examen physique, on retrouve d’un bubon et de son adénopathie satellite, ainsi qu’une altération
des céphalées, une éruption maculeuse du tronc, une diar- marquée de l’état général (signes toxiques).
rhée « jus de melon » (inconstante), des signes neurologiques
(tuphos) à la phase d’état et, sur le plan biologique, l’absence Fièvre associée à des signes cutanés
d’hyperleucocytose, une discrète cytolyse, la positivité des hémo-
cultures et/ou de la coproculture. La fréquence des différents Les signes cutanés peuvent consister en une éruption générali-
signes est très variable selon les séries [10] . sée maculeuse, à type d’urticaire, morbilliforme, purpurique, ou
En faveur d’une hépatite, à l’examen physique, on retrouve en une éruption localisée.
l’ictère et, sur le plan biologique, l’élévation des transaminases. Il faut avant toute chose éliminer un purpura fulminans.
En faveur d’une shigellose, d’une yersiniose ou d’une infection Lorsque l’éruption est généralisée, on peut évoquer une rickett-
à E. coli, on retrouve l’aspect des selles glairosanglantes témoi- siose (notion de morsures de tiques), une hépatite virale (triade de
gnant d’une diarrhée entéro-invasive, un état général altéré, une Caroli), une typhoïde au stade initial, une borréliose, une primo-
hyperleucocytose sur la NFS et la positivité des coprocultures. infection par le VIH, une rougeole, une syphilis, une leptospirose,
une arbovirose (notamment dengue, Zika, chikungunya) et les
fièvres hémorragiques virales. Lorsque l’éruption est localisée ou
Fièvre associée à une douleur unique, on peut évoquer une maladie de Lyme ou toute autre
de l’hypocondre droit complication liée à des piqûres, griffures ou morsures.
La dengue est une arbovirose et représente la deuxième cause
Les diagnostics à envisager sont le paludisme, un abcès tropicale de fièvre au retour d’une zone d’endémie après le palu-
hépatique dont l’amibiase hépatique et une distomatose hépa- disme. Un exanthème maculeux fébrile associé à un syndrome
tobiliaire. arthromyalgique, une injection conjonctivale et des céphalées
En faveur d’une amibiase, l’examen physique retrouve une diar- rétro-orbitaires intenses, et sur le plan biologique une leuco-
rhée glairosanglante, une altération de l’état général, des douleurs neutropénie et une thrombopénie, font évoquer le diagnostic.
spontanées de l’hypocondre droit exacerbées par l’ébranlement, Généralement bénigne, elle se complique de formes graves dans
une franche hyperleucocytose à l’hémogramme associée à un environ un cas sur 1000 (syndrome de choc et/ou dengue hémor-
syndrome inflammatoire biologique franc. Les coprocultures ragique).
retrouvent l’existence de kystes d’Entamoeba histolytica (rarement
dans les formes extra-intestinales), l’échographie abdominale
montre une ou plusieurs images d’abcès, et la sérologie confirme Fièvre associée à une hyperéosinophilie
le diagnostic dans les 48 heures.
L’éosinophilie est significative lorsqu’elle est supérieure à
500/mm3 . Le principal diagnostic à évoquer est une helminthiase
Fièvre associée à une splénomégalie à la phase d’invasion tissulaire : bilharziose, filariose, trichinose,
larva migrans cutanée, gnathostomose et distomatose.
Les principaux diagnostics à envisager sont le paludisme, la En faveur d’une bilharziose, on retrouve la notion de baignade
fièvre typhoïde, la leishmaniose viscérale, une borréliose (fièvres en eau douce ou de marche dans les marigots. La forme fébrile
récurrentes) et la brucellose. est la forme aiguë (fièvre de Katayama) associant une asthénie,
En faveur d’une leishmaniose viscérale, on retrouve une fièvre des céphalées, et à des degrés divers une diarrhée, une toux
hectique résistant aux antipyrétiques, une hépatosplénomégalie, sèche asthmatiforme, une dyspnée, une urticaire, des arthralgies
des adénopathies, une altération de l’état général, une pancyto- et des myalgies. Elle peut durer 2 à 3 mois et évolue par accès.
pénie, une élévation polyclonale des gammaglobulines. L’hyperéosinophilie est majeure. Des atteintes cardiaques, pul-
En faveur d’une borréliose, on retrouve une fièvre entrecou- monaires ou neurologiques sévères sont possibles. Le diagnostic
pée de périodes d’apyrexie, la notion de piqûres de tiques, une est difficile et repose sur la positivité de la sérologie (souvent
éruption maculeuse localisée ou généralisée, la positivité du frottis prise en défaut à la phase aiguë), car les œufs ne sont retrou-
sanguin, de la sérologie ou de la PCR. vés dans les selles ou les urines que deux mois après l’infestation.
miner de principe.
Les pneumopathies du voyageur sont une cause non négli- comprimés à h0, h8, h24, h36, h48 et h60, au cours d’un repas
geable d’infections au retour de pays tropical et sont responsables ou avec une boisson lactée ;
• 1re ligne : dihydroartémisinine + pipéraquine (Eurartesim ) :
®
Depuis le début des années 2000, l’anesthésie locorégionale vit une révolution fondamentale provoquée
par le repérage échographique des nerfs. Cette évolution technologique a entraîné un bouleversement
des pratiques, facilité par les modifications du matériel (aiguilles échogènes, sondes d’échographie haute
fréquence pour les nerfs superficiels). Ces changements ont entraîné une amélioration de la qualité des
blocs, une réduction drastique des doses injectées, des taux d’échec et des complications. Par ailleurs,
les anesthésiques locaux potentiellement les plus toxiques ont été abandonnés au profit de molécules
plus sûres, et des agents de courte durée d’action ont trouvé leur place dans le cadre de la chirurgie
ambulatoire. La disponibilité d’antidotes efficaces et la diffusion de protocoles clairs pour la prise en
charge des accidents de toxicité aiguë par les anesthésiques locaux ont participé à améliorer la sécurité de
l’anesthésie locorégionale, particulièrement dans le domaine de l’analgésie obstétricale. La prise en charge
de la douleur aiguë postopératoire (du nouveau-né au grand vieillard), l’intégration dans les protocoles
thérapeutiques de certains syndromes douloureux chroniques ont permis à l’anesthésie locorégionale
d’investir de nouveaux territoires. Ces évolutions ont conduit à proposer ces techniques d’anesthésie ou
d’analgésie à un nombre croissant de patients. À partir de l’analyse de ces collectifs très importants de
patients, il apparaît alors que le pronostic à court, moyen et long termes des patients ayant bénéficié
d’une anesthésie locorégionale est meilleur que celui des patients qui reçoivent une anesthésie ou une
analgésie périopératoire assurée essentiellement par des morphiniques. Il convient alors de proposer le
plus souvent possible au patient, une anesthésie ou une analgésie locorégionale.
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a
3
A 2 B
Figure 1. Bloc échoguidé du nerf médian au poignet (A, B). L’échographie permet de montrer la position réelle du nerf, la position exacte de l’aiguille par
rapport au nerf et la diffusion de la solution anesthésique autour du nerf. Quand une diffusion quasi circonférentielle est obtenue, le taux de succès du bloc
est de 100 %. 1. Anesthésique local autour du nerf ; 2. nerf médian ; 3. aiguille ; a. antérieur ; b. latéral.
NVPO
20 %
Mal de gorge
peut proposer au patient.
Nouveautés
15 %
Échoguidage
Enrouement
Incidence en %
Avant les années 2000, le repérage des structures ner-
veuses, cible de l’anesthésie locorégionale, était réalisé par
neurostimulation. Un neurostimulateur permet de délivrer une 10 %
Lésions labiales
impulsion électrique standardisée à proximité d’un nerf ou
Rétention d’urines
d’un plexus nerveux, déclenchant une réponse motrice stéréo-
typée. L’interprétation, tant quantitative que qualitative, de cette
Divers
réponse permet d’évaluer la distance de l’extrémité de l’aiguille
par rapport au nerf ciblé. Après optimisation de la réponse, 5%
l’anesthésique local est injecté au contact du nerf. Cette procé-
dure aveugle comporte toujours un risque d’incertitude, d’erreur,
d’échec et in fine de complication. La généralisation très rapide
de l’échographie pour le repérage des nerfs a été une vraie révolu-
tion, car elle permet de voir les structures nerveuses, les structures 0%
anatomiques nobles à proximité des nerfs (vaisseaux, plèvre, Figure 2. Complications mineures après chirurgie ambulatoire. Étude
etc.), mais aussi l’anesthésique local qui est injecté [1] (Fig. 1). réalisée sur 12 276 patients (d’après [2] ). Cette étude montre que
Simplification des procédures et optimisation de la performance l’anesthésie locorégionale (toutes techniques confondues) est respon-
(diminution des redirections de l’aiguille) ont entraîné une amé- sable de moins de complications mineures que l’anesthésie générale après
lioration du taux de succès. retour au domicile. NVPO : nausées-vomissements postopératoires.
L’échographie a permis d’améliorer la sécurité de l’anesthésie
locorégionale en réduisant de façon significative l’incidence des
deux principales complications potentiellement graves ou dra- d’anesthésie la plus adaptée au contexte ambulatoire, responsable
matiques de l’anesthésie locorégionale que sont le traumatisme de moins de complications que l’anesthésie générale (Fig. 2) [2] .
nerveux direct par l’aiguille et l’injection intravasculaire de Sauf exceptions, il n’est plus réalisé d’anesthésie générale pour
l’anesthésique local (potentiellement mortelle), grâce à la dimi- une chirurgie de la cataracte ou du canal carpien. L’avantage
nution sensible des doses injectées permise par l’optimisation de supplémentaire apporté par l’anesthésie locorégionale est une
la procédure d’injection (visualisation de la cible et de la solution diminution de l’incidence des nausées et des vomissements post-
injectée). opératoires et un meilleur contrôle de la douleur postopératoire.
Toutes les techniques de l’anesthésie locorégionale sont utili-
sables en chirurgie ambulatoire. La mise à disposition récente
d’anesthésiques locaux de courte ou très courte durée d’action
“ Point fort a permis de réhabiliter la rachianesthésie dans ce contexte.
élastomérique) ; la participation de prestataires de soins externes les plus puissants mais les plus toxiques (comme l’étidocaïne),
est cruciale pour la réussite de ces programmes, et pour soulager et à développer des anesthésiques locaux (ropivacaïne, lévo-
le praticien de cette charge de travail et assurer une continuité des bupivacaïne) un peu moins puissants, mais beaucoup moins
soins. toxiques. De l’autre côté, la mise à disposition d’anesthésiques
La disponibilité prochaine de nouvelles formes galéniques locaux de durée plus courte que la lidocaïne a permis de
d’anesthésiques locaux permettra une analgésie prolongée pen- répondre aux impératifs de récupération rapide nécessaires à
dant 48 heures, sans la nécessité d’une perfusion continue et sans l’ambulatoire. Ainsi la chloroprocaïne dont la durée d’action ne
bloc moteur. Des présentations permettant une libération lente dépasse pas 60 minutes est indiquée en chirurgie ambulatoire.
et prolongée de bupivacaïne (anesthésique local de longue durée Revers de la médaille, les anesthésiques locaux de courte durée
d’action) sont déjà commercialisées en Amérique du Nord ; leur d’action nécessitent une prise en charge précoce de la douleur
arrivée en France est imminente. postopératoire. L’anesthésiste-réanimateur peut maintenant choi-
sir en fonction du patient, de la durée de l’intervention, de
l’intensité prévisible de la douleur postopératoire, et du carac-
Anesthésie-analgésie locorégionale et cancer tère ambulatoire ou non de l’intervention, l’anesthésique local
Un nombre important de publications (essentiellement rétros- le plus adapté pour la période opératoire et pour la période
pectives) rapportent que les patients opérés d’une pathologie postopératoire (Tableau 1).
carcinologique et ayant bénéficié d’une analgésie locorégionale
per- et postopératoire présenteraient une incidence plus faible de
récidives métastatiques, en comparaison avec ceux qui ont reçu
une analgésie per- et postopératoire à base de morphiniques [4] .
Il est probable que cet effet favorable ne soit pas uniquement
“ Point fort
en relation avec l’analgésie locorégionale. L’anesthésie locorégio- Les anesthésiques locaux de courte durée d’action, sou-
nale minore les réactions neuroendocrines au stress chirurgical
vent utilisés en chirurgie ambulatoire, nécessitent une prise
et n’altère pas l’immunité cellulaire à l’inverse de ce qui se pro-
duit avec les agents de l’anesthésie générale. Les anesthésiques
en charge précoce de la douleur postopératoire.
locaux par eux-mêmes joueraient une action modeste mais cer-
taine, mais la diminution drastique des doses de morphiniques
serait le facteur le plus important. En effet, il est établi que
les agents de l’anesthésie générale et particulièrement les mor-
phiniques sont de puissants immunodépresseurs (cancer, virus, Adjuvants aux anesthésiques locaux
etc.) [5] . Quel que soit le mécanisme précis, qui est sûrement mul-
tifactoriel, ces constatations conduisent au concept d’opioid free Ils sont utilisés pour prolonger la durée d’action des anesthé-
anesthesia (OFA) (anesthésie sans morphinique) dans lequel les siques locaux, particulièrement sur les fibres sensitives, essayant
morphiniques ne sont plus utilisés en période per- ou postopé- de ne pas prolonger les effets sur les fibres motrices.
ratoire, ouvrant un champ immense pour l’anesthésie-analgésie La morphine et ses différents dérivés sont très souvent adminis-
locorégionale. trés au niveau médullaire pour améliorer la qualité de l’anesthésie
et prolonger la durée de l’analgésie, sans effet sur les fibres motrices
ou sympathiques. Les effets secondaires sont la dépression venti-
Agents de l’anesthésie latoire et la dysfonction vésicale.
Les agonistes alpha2 (dexmédétomidine ou clonidine) adminis-
locorégionale trés par voie médullaire ou périphérique améliorent et prolongent
la durée de l’analgésie. La sédation et l’hypotension artérielle sont
Anesthésiques locaux des effets secondaires qui peuvent en limiter l’utilisation, particu-
lièrement en ambulatoire.
Les anesthésiques locaux utilisés en clinique sont des bloqueurs
La dexaméthasone (4 à 8 mg) administrée par voie intra-
réversibles du canal sodique, empêchant les mouvements trans-
veineuse prolonge la durée de l’analgésie postopératoire de
membranaires de sodium [6] . Ce sont des bloqueurs ubiquitaires,
l’anesthésie locorégionale périphérique. Ses effets anti-émétiques
bloquant aussi bien les canaux sodiques des cellules nerveuses
et anti-inflammatoires en font un adjuvant de choix, particuliè-
que ceux des cellules myocardiques (ce qui explique l’effet anti-
rement en ambulatoire. Elle pourrait être administrée par voie
arythmique de la lidocaïne) ; cependant, leur affinité est plus
périnerveuse à la dose de 1 mg, mais son absence de toxicité par
importante pour les cellules nerveuses. Ils bloquent la conduction
cette voie n’est pas formellement établie.
nerveuse au niveau les fibres nerveuses motrices, sensitives et sym-
De nombreux autres adjuvants (benzodiazépines, kétamine,
pathiques. Ils se classent en deux familles différentes en fonction
magnésium) ne sont pas retenus pour une utilisation clinique.
de leur structure chimique, les aminoesters et les aminoamides.
Cette différence de structure chimique entraîne une différence
dans le mécanisme d’action. Les aminoamides bloquent le canal Antidotes des anesthésiques locaux
sodique par voie intracellulaire. Les aminoesters ne pénètrent
pas dans le canal sodique, se fixent probablement sur un récep- Un peu par hasard a été découvert l’intérêt des émulsions lipi-
teur extramembranaire, situé à proximité du canal sodique, dont diques (utilisées pour la nutrition parentérale) dans le traitement
ils modifient la conformation empêchant ainsi les mouvements des accidents de toxicité aiguë secondaire à ces injections intravas-
transmembranaires de Na+ . culaires d’anesthésiques locaux [7] . Bien que le mécanisme d’action
Les anesthésiques locaux se différencient essentiellement ne soit pas encore aujourd’hui clairement identifié, un nombre
®
par leur puissance, leur durée d’action et leur toxicité (par- important de cas cliniques rapportent l’efficacité de l’Intralipide
ticulièrement myocardique) qui sont proportionnelles à leur 20 % dans le traitement d’intoxications aiguës potentiellement
liposolubilité. mortelles par les anesthésiques locaux. Pour des raisons éthiques,
Globalement, plus un anesthésique local est liposoluble, plus il n’existe pas d’étude contrôlée sur le sujet, mais ce traitement a
il est puissant, plus son action est prolongée et plus il est car- été étendu, aussi avec succès, dans le traitement d’intoxications
diotoxique. La lidocaïne, anesthésique local de référence, a une graves par de nombreux toxiques lipophiles (olanzapine, méto-
durée d’action intermédiaire (90 min au maximum) mais une très prolol, sertraline).
faible toxicité. La bupivacaïne offre une puissance et une durée Ainsi, l’association des nouveaux anesthésiques locaux peu
d’action au moins quatre fois supérieures à celles de la lidocaïne, cardiotoxiques (prévention), de l’échographie (précision de
mais sa cardiotoxicité est beaucoup plus importante. Des acci- l’injection) et des émulsions lipidiques (traitements) a fait dispa-
dents toxiques par surdosage, exceptionnellement mortels, ont raître les accidents graves d’intoxications par les anesthésiques
conduit à écarter de l’utilisation clinique les anesthésiques locaux locaux.
Tableau 1.
Tableau récapitulatif des différents anesthésiques locaux disponibles.
Dénomination internationale Dénomination commerciale Liaison Délai Durée Puissance
d’action d’action relative
Durée d’action courte et puissance faible
®
Chloroprocaïne Chlorotékal Ester Court 0,5 à 1 h 1
Durée d’action et puissance intermédiaires
®
Lidocaïne Xylocaïne Amide Court 1 à 1,5 h 1
®
Mépivacaïne Carbocaïne Amide Court 1,5 à 2 h 1 à 1,5
®
Prilocaïne Baritékal Amide Court 1,5 à 2 h 1
Durée d’action longue et puissance élevée
®
Bupivacaïne Marcaïne Amide Long 8 à 12 h 4
®
Lévobupivacaïne Chirocaïne 4 à 9h 4
®
Ropivacaïne Naropeine Amide Long 3 à 8h 4
Techniques d’anesthésie
locorégionale
Anesthésies médullaires
Les anesthésies médullaires visent à injecter les médicaments
au plus proche de la moelle ; deux techniques sont possibles :
l’anesthésie péridurale ou la rachianesthésie (Fig. 3) [6] . Elles réa-
lisent un bloc métamérique des nerfs spinaux. Sont bloqués en 5
même temps les nerfs moteurs (parésie ou paralysie), les nerfs 6
1
sensitifs (anesthésie ou analgésie) et les nerfs sympathiques (vaso-
dilatation responsable d’une hypotension, bradycardie en cas de
bloc remontant au niveau thoracique et bloquant le système 2
sympathique cardiaque, dysfonction vésicale par blocage du para- 3
sympathique sacré). 4 7
Rachianesthésie 8
Elle permet d’injecter les médicaments choisis (anesthésiques
locaux, morphiniques, agonistes alpha2) directement dans le
9
liquide cérébrospinal (LCS), après avoir franchi la dure-mère,
comme pour une ponction lombaire. La ponction est réalisée
au niveau d’un espace interépineux lombaire en dessous du
niveau du cône médullaire (en dessous de L2-L3). La diffusion du
médicament injecté permet, en fonction du volume et des caracté-
ristiques physicochimiques de la solution injectée, une extension
céphalique de l’anesthésie au-delà des métamères lombaires. Prin-
cipale technique anesthésique utilisée pour la césarienne en raison Figure 3. Anatomie des anesthésies périmédullaires. L’espace péridu-
de sa sécurité chez la parturiente et de sa rapidité d’installation, la ral (épidural) est un espace virtuel délimité en périphérie par le ligament
rachianesthésie est aussi adaptée à la chirurgie pelvienne, urolo- jaune en arrière et latéralement et par les parois osseuses du canal rachi-
gique, orthopédique et vasculaire des membres inférieurs. Elle est dien ; en dedans il est délimité par la dure-mère. C’est dans cet espace
toujours responsable d’une hypotension artérielle liée à la vasodi- que sera réalisée l’anesthésie péridurale (APD). L’espace virtuel compris
latation intense induite par le bloc sympathique ; il est obligatoire entre la dure-mère et l’arachnoïde est l’espace sous-dural. De façon excep-
de l’anticiper et de la traiter le cas échéant. Le principal défaut de tionnelle et toujours involontaire, l’anesthésique local peut être injecté à
la rachianesthésie en injection unique est que sa durée n’est pas ce niveau. Il se produit alors un bloc sympathique très étendu, sans bloc
modulable. En fonction de l’anesthésique local, la durée possible moteur. L’espace délimité par l’arachnoïde est l’espace sous-arachnoïdien :
de la chirurgie va de 40 minutes avec la chloroprocaïne, deux il contient le liquide cérébrospinal (LCS). C’est à ce niveau qu’est réalisée
heures avec la prilocaïne et trois heures avec la bupivacaïne. Chez la rachianesthésie (R). 1. Espace sous-arachnoïdien contenant le LCS ; 2.
les patients les plus fragiles (insuffisance cardiaque ou respira- racine ; 3. espace sous-dural ; 4. arachnoïde ; 5. plexus veineux péridu-
toire non contrôlée, rétrécissement aortique serré, hypertension ral ; 6. dure-mère ; 7. espace péridural ; 8. ligament jaune ; 9. ligament
artérielle pulmonaire sévère, etc.), la mise en place d’un cathé- interépineux.
ter dans l’espace sous-arachnoïdien permet d’injecter des doses
fractionnées d’anesthésiques locaux, pour obtenir une anesthésie
d’excellente qualité, prolongée à la demande et sans les consé- des concentrations utilisées, il est possible d’obtenir des anesthé-
quences délétères de variations hémodynamiques incontrôlées. sies ou des analgésies péridurales. La mise en place habituelle d’un
cathéter permet de prolonger l’analgésie pendant quelques heures
(analgésie du travail en obstétrique) ou quelques jours (analgésie
Anesthésie et analgésie péridurale postopératoire en chirurgie majeure).
L’anesthésie péridurale consiste à injecter la solution anesthé- Le risque principal est lié à la difficulté de repérer cet espace
sique dans l’espace péridural où transitent les nerfs rachidiens. virtuel et de faire une brèche méningée comme au cours d’une
Cet espace virtuel est délimité en dedans par la dure-mère, et en rachianesthésie (ou d’une ponction lombaire), mais avec une
dehors par le ligament jaune. La ponction est réalisée entre deux aiguille de diamètre beaucoup plus important. Le diamètre
processus épineux vertébraux, à n’importe quel niveau du rachis ; d’une aiguille de rachianesthésie classiquement utilisée varie de
ainsi l’on peut réaliser, en fonction des indications, des anesthé- 0,36 mm (27 gauges [G]) à 0,45 mm (25 G), alors que le dia-
sies péridurales cervicales, thoraciques ou lombaires. En fonction mètre d’une aiguille de péridurale est de 1,02 mm (18 G). Chez
Césarienne
potentiellement difficile
Enfant et/ou mère Rachi-péri
Césarienne
fragiles combinée
programmée
Nécessité d’éviter (ou péridurale)
les variations
hémodynamiques
Anesthésie
Contre-indication à I’ALR
générale
Cathéter péridural
en place
Urgence
Anesthésie générale
immédiate
Pas de cathéter
péridural en place Rachianesthésie ou
anesthésie péridurale
Urgence non
suivant le dégré
immédiate
d’urgence
maternelle ou fœtale
péribulbaire (ou sous-ténonienne) réduit les besoins en médi- peut être facilitée par des blocs ciblés permettant une mobilisation
caments de l’anesthésie, améliore la douleur postopératoire et d’abord passive puis active.
diminue l’incidence des vomissements postopératoires qui sont
fréquents dans cette chirurgie. Chez l’ancien prématuré que
l’immaturité des centres respiratoires expose pendant de nom- Contre-indications
breux mois à des dépressions respiratoires retardées et prolongées, Il existe peu de contre-indications à l’anesthésie locorégionale.
l’anesthésie locorégionale constitue, chaque fois qu’elle est pos- L’allergie vraie aux anesthésiques locaux est exceptionnelle,
sible, la meilleure alternative. mais elle existe. Les aminoesters sont plus allergisants que les
aminoamines ; ils sont peu utilisés. La porphyrie est une contre-
indication aux aminoamides.
Douleurs chroniques L’anesthésiste-réanimateur en collaboration avec le patient doit
L’analgésie locorégionale va prendre une place de plus en plus choisir au cours de la consultation d’anesthésie la meilleure stra-
importante dans le traitement et la prise en charge des dou- tégie d’anesthésie et d’analgésie, en fonction de l’intervention
leurs chroniques résistant aux traitements médicaux. La Société chirurgicale prévue. Le refus du patient, quelle qu’en soit la
française d’anesthésie-réanimation (Sfar) et la Société française raison, est la première contre-indication. Ce refus doit presque
d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) ont publié conjoin- toujours être respecté, mais il est parfois important de convain-
tement des recommandations dans ce domaine [15] . Ainsi, la place cre le patient opposant de l’intérêt de l’anesthésie locorégionale.
des blocs périphériques a été précisée : le bloc du nerf d’Arnold L’allergique sévère, l’asthmatique ou l’insuffisant respiratoire
(branche de la 2e racine cervicale) est indiqué pour les algies cer- chronique sévère, et certains patients souffrant de cardiopathies
vicales ou faciales ne répondant pas au traitement médical. Les évoluées doivent être opérés sous anesthésie locorégionale quand
syndromes douloureux régionaux complexes ne justifient plus l’intervention le permet.
d’injections intravasculaires, mais de blocs répétés ou de la mise L’insuffisance cardiaque décompensée, les pathologies val-
en place de cathéter, si un bloc test a été efficace. vulaires évoluées (rétrécissement aortique ou mitral serré), la
Dans le même ordre d’idée, la rééducation motrice de patients cardiomyopathie obstructive et l’hypertension artérielle pulmo-
souffrant de séquelles motrices d’un accident vasculaire cérébral naire sévère sont des indications pour les blocs plexiques ou
® ®
roxaban [Xarelto ] et apixaban [Eliquis ]), le clopidogrel
® ® ®
Globe vésical
(Plavix ), le prasugrel (Efient ) et le ticagrélor (Brilique )
doivent être suspendus avant une intervention chirurgicale pro- La rachianesthésie et les morphiniques (ainsi que le néfopam)
grammée. sont responsables d’une dysfonction vésicale qui peut entraîner
Les antivitamines K sont suspendues dans tous les cas, sauf pour un globe vésical. Les hommes plus que les femmes y sont exposés.
la chirurgie du segment antérieur de l’œil. Leur substitution par Elle ne concerne le praticien que dans le cadre de l’ambulatoire,
une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) n’est actuellement où le globe vésical représente une des causes les plus fréquentes
pas systématique ; elle est fonction du risque du patient qui peut de réhospitalisation.
être apprécié par le score CHA2 DS2 - VASc.
• Les HBPM doivent être suspendues 24 heures avant
l’intervention. Syndrome d’hypotension intracrânienne
La rachianesthésie est par définition responsable d’une brèche
120 minutes sont plus confortablement réalisées sous anesthésie [9] Zetlaoui PJ, Choquet O. Techniques d’anesthésie régionale péri-
générale. Cependant, il faut le plus souvent proposer une analgé- phérique du membre supérieur. EMC Anesthésie-Réanimation
sie locorégionale, débutée avant l’incision et entretenue si besoin 2013;11:1–28 [Article 36-321-A-10].
en postopératoire. [10] Choquet O, Zetlaoui PJ. Techniques d’anesthésie régionale péri-
phérique du membre inférieur. EMC Anesthésie-Réanimation
2014;11(4):1–22 [Article 36-323-A-10].
[11] Bouzinac A. Indications et réalisation des blocs tronculaires et chirur-
Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts gie du sein. Prat Anesth Reanim 2016;20:33–7.
en relation avec cet article. [12] Beaussier M, Aissou M. Infiltrations cicatricielles en injections
uniques. Neurochirurgie, chirurgie ORL, thoracique, abdominale et
périnéale. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28:e163–73.
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formalisées d’experts. Ann Fr Anesth Reanim 2011;30:e33–5. [14] Perlas A, Chan VW, Beattie S. Anesthesia technique and mortality
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[3] Aubrun F, Nouette Gaulain K, Fletcher D, Belbachir A, Beloeil H, analgésiques locorégionales et douleurs chroniques. Ann Fr Anesth
Carles M, et al. Réactualisation de la recommandation sur la douleur Reanim 2013;32:275–84.
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[6] Beloeil H, Mazoit JX. Pharmacologie des anesthésiques locaux. EMC Arnette; 2010. p. 157–84.
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2010. PJ, et al. Post-surgical inflammatory neuropathy. Brain 2010;133:
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pour la pratique clinique. Ann Fr Anesth Reanim 2007;26:720–52. 375–81.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Zetlaoui PJ. Anesthésie et analgésie locorégionales pour le praticien. EMC - Traité de Médecine Akos
2018;13(1):1-10 [Article 2-0610].
Diarrhée aiguë
A. Pariente
Les diarrhées aiguës, très fréquentes et bénignes, sont le plus souvent d’origine virale. Leur gravité peut être
liée à la déshydratation (diarrhées hydroélectrolytiques), au sepsis, au terrain, ou, rarement, à des lésions
intestinales sévères. L’hospitalisation est nécessaire en cas de déshydratation sévère ou d’impossibilité de
réhydratation orale. Des examens complémentaires (incluant un examen microbiologique des selles) ne
sont nécessaires qu’en cas de syndrome dysentérique, de signe de gravité, de prise récente d’antibiotiques,
de terrain fragilisé (indiquant dans ces cas également une antibiothérapie probabiliste, par azithromycine)
ou de persistance des symptômes au 5e jour. Dans les autres cas, une hydratation orale associée à un
traitement symptomatique minimal sont suffisants. D’autres causes non infectieuses de diarrhée aiguë
sont possibles, notamment médicamenteuses.
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La gravité peut être liée au sepsis : fièvre élevée ou hypothermie, Diarrhées d’allure infectieuse sans notion d’antibiothérapie. Il
frissons, tachycardie, polypnée et au maximum choc infectieux faut toujours penser à éliminer une infection intra-abdominale
avec hypotension, oligurie, encéphalopathie, acidose lactique, aiguë, notamment une appendicite aiguë et un paludisme au
thrombopénie et coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), retour de pays d’endémie.
hypoxémie. Les diarrhées postantibiotiques [3] sont fréquentes ; une diar-
La gravité peut être due (exceptionnellement) à une colectasie rhée légère est banale et cesse à l’arrêt du traitement. La diarrhée
qui ne complique que les colites aiguës (favorisée par les antidiar- peut survenir dans les deux mois suivant l’arrêt du médicament.
rhéiques), responsable d’un météorisme abdominal silencieux à Les diarrhées hydriques ou dysentériques plus sévères avec ou
l’auscultation, elle est reconnue par les radiographies d’abdomen sans fièvre sont habituellement dues à une infection par C. diffi-
sans préparation ou le scanner ; elle expose à un risque de perfo- cile. L’examen clinique est pauvre. En cas de douleur abdominale
ration colique. permanente et/ou de défense, un scanner sans injection doit éli-
Certains E. coli (entérohémorragiques) et les shigelles sécrètent miner une colectasie et une perforation. Le diagnostic est fait par
une vérotoxine qui lèse l’endothélium vasculaire : ils peuvent la recherche rapide de C. difficile et de ses toxines et, si besoin,
déclencher un syndrome hémolytique et urémique (thrombopé- la rectosigmoïdoscopie avec biopsies (en cas de signe de sévérité
nie, anémie hémolytique mécanique, insuffisance rénale aiguë). clinique [âge supérieur à 60 ans, fièvre supérieure à 38,5 ◦ C, ascite]
Les infections à Campylobacter peuvent déclencher une ou biologique [hyperleucocytose supérieure à 15 000/l, créatini-
polyradiculonévrite, plusieurs germes entéro-invasifs peuvent némie supérieure à 50 % valeur de base, albuminémie inférieure à
provoquer un rhumatisme inflammatoire. 30 g/l]). En plus, il s’agit de maintenir une rééquilibration hydro-
Enfin, le terrain joue un rôle important dans la gravité : âges électrique dans les formes sévères, et de prendre les précautions
extrêmes, valvulopathie ou prothèse aortique, tares viscérales, d’hygiène et de désinfection (double lavage des mains au savon,
immunodépression. évitement des solutés hydroalcooliques, lavage des surfaces à l’eau
L’existence de signes de gravité indique l’hospitalisation (sauf de Javel diluée au 1/5e ). Dans les formes légères, on peut utiliser
une déshydratation modérée avec réhydratation orale possible). le métronidazole (500 mg trois fois/jour pendant dix jours). Dans
les formes sévères (cf. supra), on emploie la vancomycine per os
Moyens du diagnostic (500 mg quatre fois/jour pendant 10 à 14 jours) ou la fidaxomicine
(200 mg deux fois/jour pendant dix jours). Une récidive survient
L’interrogatoire fait préciser le mode de début, brutal, le dans 10 à 15 % des cas. La première peut être traitée par vancomy-
contexte épidémique, la notion d’un voyage récent, les aliments cine ou fidaxomicine suivie d’un mois de Saccharomyces boulardii,
à risque, les prises médicamenteuses (antibiotiques surtout, mais la seconde par 1 g/j pendant dix jours de vancomycine suivie de
aussi tous les autres) du mois précédant la diarrhée, les antécédents décroissance progressive, la troisième relève d’une transplantation
pathologiques (valvulopathies, immunodépression), les symp- fécale réalisée dans un cadre strict, avec 80 à 90 % d’efficacité [4] .
tômes associés (vomissements, intolérance alimentaire, fièvre, Des colites aiguës hémorragiques, avec de fortes douleurs et des
signes cutanés, articulaires, oculaires etc.), un contexte vénérien. émissions peu abondantes d’emblée sanglantes, dues à K. oxytoca
L’examen clinique de l’abdomen, souvent sensiblement nor- (qu’on peut isoler à la coproculture), peuvent être observées chez
mal, recherche une sensibilité localisée, un météorisme, et des malades recevant de l’ampicilline, de la dicloxacilline, de la
comporte un toucher rectal. On recherche aussi des anomalies pristinamycine ; elles guérissent à l’arrêt du traitement.
extradigestives. Les diarrhées nosocomiales sont dues principalement à C. diffi-
Les examens biologiques ne sont pas systématiques en cas de cile, plus rarement à des salmonelloses.
diarrhée aqueuse sans signe de gravité ni tare viscérale. Dans les Les diarrhées du voyageur sont dominées par des diarrhées dues
autres cas (et en cas de diarrhée nosocomiale), on fait un hémo- à des E. coli entérotoxinogènes. D’autres pathogènes sont en cause
gramme, un dosage de la protéine C réactive (CRP), de l’urémie, selon le pays visité (Giardia lamblia, Aeromonas, Cryptosporidium
de la créatininémie, de l’ionogramme, des hémocultures en cas parvum, Cyclospora, shigelles, salmonelles, amibes).
de fièvre, de frissons ou d’hypothermie, une coproculture avec Chez les malades immunodéprimés (virus de l’immuno-
recherche de salmonelle, shigelle, Campylobacter, Yersinia et, en déficience humaine [VIH], transplantés, recevant des immuno-
cas de diarrhée hémorragique pour E. coli O157:H7 (et pour Kleb- suppresseurs ou des chimiothérapies anticancéreuses), outre les
siella oxytoca en cas de diarrhée sanglante postantibiotique) ; la causes bactériennes banales, il faut redouter particulièrement
recherche de C. difficile et de ses toxines est indiquée en cas de une colite à cytomégalovirus (CMV) (endoscopie, biopsie, viré-
diarrhée postantibiotique, nosocomiale ou d’épidémie. Un exa- mie, traitement d’urgence), une infection à C. difficile, même en
men parasitologique des selles est indiqué en cas de syndrome l’absence d’antibiothérapie, et en cas de diarrhée hydrique prolon-
dysentérique (recherche d’amibes pathogènes, voire de Cyclo- gée une cryptosporidiose, une microsporidiose, une isosporose.
spora ou de schistosomes) avec voyage en pays endémique. La Les toxi-infections alimentaires collectives sont principalement
recherche de microsporidies et de cryptosporidies est indiquée en dues à des salmonelles. C. perfringens, B. cereus et Staphylococcus
cas d’immunodépression. Une coproculture est également indi- aureus sont responsables de diarrhées hydriques liées à la sécrétion
quée lors de l’investigation d’une diarrhée épidémique, lorsqu’il de toxines.
existe un risque pour la santé publique (cuisinier par exemple) et Enfin, une rectite aiguë dans un contexte vénérien doit faire
lorsque la diarrhée persiste au 5e jour. rechercher une infection par Chlamydia trachomatis, Neisseria
Récemment, des tests de diagnostic rapide fondés sur la poly- gonorrhae et le virus Herpès simplex (écouvillonnage, biopsies rec-
merase chain reaction (PCR) ont été développés, permettant le tales avec microbiologie, sérologie). Une co-infection syphilitique
diagnostic rapide (cinq heures) des principaux responsables de et par le VIH doit être systématiquement recherchée dans ce
diarrhée infectieuse ; ils sont plus sensibles que les méthodes contexte.
classiques, mais leur application en clinique courante reste à pré-
ciser [2] .
L’endoscopie est habituellement limitée à une rectosigmoïdo-
scopie qui permet la recherche de lésions macroscopiques et des
Principales causes
biopsies et/ou écouvillonnage pour histopathologie et microbio-
logie, et peut beaucoup aider au diagnostic différentiel. Les principales causes des diarrhées infectieuses [5, 6] sont indi-
quées dans le Tableau 1.
Les diarrhées médicamenteuses (hors antibiothérapie) sont fré-
Stratégie diagnostique quentes [7] , et surviennent généralement dès les premiers jours
de l’ingestion (colchicine, laxatifs, metformine, etc.). Cependant,
On peut schématiquement distinguer les diarrhées aiguës com- certaines nécessitent la constitution de lésions et peuvent donc
munautaires d’allure infectieuse sans notion d’antibiothérapie, les apparaître plus tardivement, comme les colites microscopiques
diarrhées postantibiotiques, et les diarrhées survenant dans des (après prise de veinotoniques, L-Dopa, lansoprazole, etc.). Elles
contextes particuliers. régressent à l’arrêt du médicament responsable.
Tableau 1.
Principales causes des diarrhées infectieuses.
Site Diagnostic a Terrain Diarrhée Spécificité
Diarrhées virales (50–70 %)
Rotavirus Grêle Immunodiagnostic Enfant, adulte Hydrique Printemps/été
fécal jeune
Norovirus Grêle Immunodiagnostic Enfant, adulte Hydrique Hiver
fécal jeune
Adénovirus Grêle Immunodiagnostic Enfant, adulte Hydrique
fécal jeune
CMV Grêle, côlon Biopsie, virémie (PCR) Immunodéprimé Dysentérique Traitement urgent
Diarrhées bactériennes (15–20 %)
Escherichia coli entérotoxigène Grêle Hors routine Voyageur, Hydrique
communautaire
Vibrio cholerae Grêle Coproculture, Voyageur Hydrique Déshydratation
immunodiagnostic
E. coli entéropathogène Grêle Hors routine Voyageur, Hydrique
communautaire
E. coli entéro-invasif Iléocolique Hors routine Voyageur, Dysentérique
communautaire
E. coli entéroadhérent Iléocolique Hors routine Voyageur, Dysentérique
communautaire
E. coli entérohémorragique Coproculture, Communautaire Diarrhée sanglante Risque de SHU
immunodiagnostic
Salmonelles Iléocolique Coproculture, Communautaire Hydrique/dysentérique
immunodiagnostic Neutropénie
Infections prothétiques
Shigelles Colique Coproculture Voyageur, Dysentérique Risque de SHU
communautaire
Campylobacter Iléocolique Coproculture Communautaire Hydrique/dysentérique Polyradiculonévrite
Yersinia enterocolitica Iléocolique Coproculture, sérologie Communautaire Hydrique/dysentérique Érythème noueux,
rhumatisme
Staphylococcus aureus (toxine) Grêle Coproculture TIAC
Clostridium perfringens (toxine) Grêle Coproculture TIAC
Mycobacterium avium intracellulaire Grêle Biopsies duodénales Immunodéprimé Hydrique VIH
Diarrhées parasitaires (10–15 %)
Giardia intestinalis Grêle Selles, biopsies Voyageur, Hydrique, malabsorption
duodénales communautaire
Entamoeba histolytica Côlon Selles, biopsies rectales Voyageur Dysentérique
Schistosomes Côlon Selles, biopsies rectales voyageur Dysentérique
Strongyloides stercoralis Grêle Selles, biopsies Voyageur, Hydrique
duodénales immunodéprimé
Cryptosporidium parvum Grêle Selles, biopsies Voyageur, Hydrique VIH (prolongé)
duodénales immunodéprimé
Microsporidiose Grêle Selles Immunodéprimé Hydrique VIH (prolongé)
Cyclospora Grêle Selles Immunodéprimé Hydrique
Isospora belli Grêle Selles Immunodéprimé Hydrique
CMV : cytomégalovirus ; PCR : polymerase chain reaction ; SHU : syndrome hémolytique et urémique ; TIAC : toxi-infections alimentaires collectives ; VIH : virus de
l’immunodéficience humaine.
a
Le diagnostic de certitude n’est pas obligatoire dans la plupart des cas sans signe de gravité. Des tests diagnostiques rapides.
A. Pariente (alex.pariente@free.fr).
Médecin des hôpitaux retraité, 40240 Mauvezin d’Armagnac, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Pariente A. Diarrhée aiguë. EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-4 [Article 1-0380].
Dysphonie de l’adulte
B. Verillaud, N. Oker, R. Kania, P. Herman
La dysphonie est une altération de l’émission vocale, en rapport avec une limitation de la mobilité
laryngée, ou avec la présence d’une lésion de corde vocale. L’élément d’orientation essentiel est l’examen
nasofibroscopique pratiqué en consultation. La majorité des lésions de corde vocale sont bénignes, mais
il faut savoir évoquer un cancer dans certaines situations. En présence d’une lésion suspecte de corde
vocale, a fortiori chez un patient fumeur, il faut pratiquer une laryngoscopie directe sous anesthésie
générale et des biopsies pour éliminer un cancer ; en présence d’un trouble de la mobilité laryngée sans
lésion visible ni cause évidente, on prescrit un scanner injecté depuis la base du crâne jusqu’au thorax.
L’objectif est d’explorer le larynx à la recherche d’un blocage mécanique par une tumeur profonde ou
une inflammation locale, mais aussi l’ensemble du trajet des nerfs vagues ou laryngés inférieurs : une
atteinte de ces nerfs peut en effet être responsable d’une paralysie laryngée.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Dysphonie ; Larynx ; Corde vocale ; Paralysie laryngée ; Nerf vague ; Nerf récurrent
Droite
Explorations
Avant
A B
complémentaires [1, 3]
des voies aérodigestives supérieures à la recherche de lésions syn- • les laryngites chroniques sont souvent associées au tabagisme,
chrones : on parle de panendoscopie. Si le diagnostic est confirmé, comme dans le pseudomyxome des cordes vocales, œdème cor-
le bilan d’extension est complété par un scanner cervicothora- dal à l’origine d’une voix rauque chez certains patients fumeurs.
cique injecté, un bilan des comorbidités, et le traitement est Il convient de noter que l’amylose peut entraîner une infiltra-
discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire : il peut s’agir tion laryngée pseudotumorale.
d’une exérèse chirurgicale par laryngectomie partielle (par voie Un traumatisme laryngé externe (coup, pendaison) peut
endoscopique ou par voie externe) ou totale, d’une radiothéra- s’accompagner d’une fracture d’un cartilage laryngé ou d’un
pie, ou de la combinaison des deux. La chimiothérapie est parfois hématome laryngé : il faut alors rechercher un emphysème
proposée en première intention pour des tumeurs évoluées dans sous-cutané cervical, et la laryngoscopie indirecte est volontiers
le cadre de protocoles de préservation laryngée. complétée par un scanner cervical.
B. Verillaud (benjamin.verillaud@aphp.fr).
N. Oker.
Service d’oto-rhino-laryngologie, Hôpital Lariboisière, AP–HP, Université Paris-7-Denis Diderot, 2 rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France.
R. Kania.
P. Herman.
Service d’oto-rhino-laryngologie, Hôpital Lariboisière, AP–HP, Université Paris-7-Denis Diderot, 2 rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France.
EA 7334 REMES Paris-7, Université Paris-7-Denis Diderot, 75010 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Verillaud B, Oker N, Kania R, Herman P. Dysphonie de l’adulte. EMC - Traité de Médecine Akos
2018;13(1):1-4 [Article 1-0470].
Les causes de grosse jambe rouge sont dominées par l’érysipèle. Des signes de gravité locaux ou généraux
font suspecter une dermohypodermite nécrosante, dont la prise en charge est une urgence médicochi-
rurgicale. Par ailleurs, certains éléments cliniques, dont l’absence d’évolution rapidement favorable sous
antibiotiques, peuvent orienter vers d’autres causes moins courantes que l’érysipèle.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
“ À retenir l’infection est subaiguë, peu fébrile, peu ou pas douloureuse en cas
de neuropathie associée, les signes inflammatoires locaux sont peu
marqués, la réponse thérapeutique plus lente [3] . L’antibiothérapie
doit couvrir au moins le staphylocoque doré en plus du strepto-
Éléments de gravité d’une dermohypodermite
coque, à des doses et pour une durée qui dépendent de la présence
infectieuse ou non d’une ostéite associée.
Terrain à risque : hospitalisation ± traitement intraveineux : Des germes atypiques doivent être suspectés en cas de terrain ou
• immunodépression ; de facteur d’exposition spécifique : immunodépression, morsures
• comorbidités susceptibles de décompensation ; ou griffures, baignade en eau trouble, etc.
• contexte social : dépendance, précarité.
Signes généraux de mauvaise tolérance : hospitalisation,
traitement intraveineux ± réanimation : Examens complémentaires
• fièvre élevée et mal tolérée (confusion) ; Devant une forme typique et en l’absence d’élément de gravité,
• hypotension, tachycardie, autres extrémités froides, aucun examen complémentaire n’est nécessaire. Les hémocul-
marbrures ; tures sont positives dans moins de 5 % des cas [4] . En cas
• tachypnée ; d’immunodépression, de facteur d’exposition spécifique ou de
• oligurie ; placard inflammatoire étendu (notamment à la cuisse), elles sont
• confusion. plus rentables et peuvent mettre en évidence un germe atypique.
Signes locaux de dermohypodermite nécrosante : hospi- En cas de terrain à risque ou de doute diagnostique,
l’hyperleucocytose et l’élévation de la C reactive protein (CRP) cor-
talisation, traitement intraveineux, réanimation, chirurgie
roborent le diagnostic, et leur décroissance sous traitement est un
en urgence : marqueur d’évolution favorable.
• douleur spontanée très intense ; En cas de signes de gravité, les examens nécessaires à
• œdème induré ; l’évaluation et à la surveillance des défaillances d’organe sont
• extension rapide des lésions ; indiqués.
• hypoesthésie ou anesthésie ;
• zones de lividité ;
• bulles hémorragiques ; Traitement
• crépitation à la palpation ; Antibiotiques
• nécroses profondes (taches cyaniques en « carte de géo-
Le traitement repose sur une antibiothérapie antistrepto-
graphie »). coccique pendant 10 à 15 jours selon les recommandations
françaises [1] , mais des durées de 5 à 10 jours semblent suffire en cas
de bonne réponse clinique initiale [5, 6] . L’amoxicilline (trois fois
1 g/24 h) peut être administrée par voie orale ou intraveineuse.
L’hospitalisation et le traitement intraveineux sont indiqués en
cas de terrain à risque, de mauvaise tolérance, de signes de gra-
vité locaux ou d’évolution défavorable. En cas de traitement par
voie orale en ambulatoire, une réévaluation dans les 48 heures
est nécessaire pour vérifier la bonne évolution. La pristinamycine
(trois fois 1 g/24 h) peut être utile comme alternative orale en cas
d’intolérance ou d’allergie à la pénicilline.
“ Point fort
Indication d’hospitalisation d’un patient suspect
d’érysipèle
Hospitalisation d’emblée :
• doute diagnostique ;
Figure 1. Érysipèle compliquant une insuffisance veineuse chronique
avec un placard, rouge, chaud et douloureux sur une jambe scléreuse. • échec d’un traitement adapté préalable par voie orale ;
• suivi impossible en ambulatoire ;
• comorbidité à risque de décompensation ;
palpation (Fig. 1). Il n’y a pas de bourrelet périphérique contraire- • mauvaise tolérance générale ;
ment à l’érysipèle du visage. Des lésions bulleuses ou purpuriques • complications ou signes de gravité locaux.
limitées peuvent être associées, sans signification défavorable. Hospitalisation secondaire :
L’examen régional relève une porte d’entrée éventuelle, une • persistance de la fièvre après 72 heures ;
lymphangite et/ou une adénopathie inguinale homolatérale. • apparition de nouveaux signes locaux ou généraux de
gravité ;
• décompensation d’une maladie associée.
Formes cliniques
Le placard inflammatoire est l’élément clé du diagnostic
d’érysipèle ; son évolution est favorable sous antibiotiques.
L’érythème peut être difficile à discerner sur peau noire, mais la
chaleur et la douleur sont toujours présentes.
Autres mesures
Certains érysipèles débutent de façon subaiguë, avec des signes La jambe est surélevée pour limiter la stase. Un traitement
généraux peu marqués. La porte d’entrée manque dans 40 % des antalgique est systématiquement proposé. Une héparinothérapie
cas, la lymphangite et l’adénopathie satellite dans plus de 50 % préventive se discute en cas de facteurs de risque thromboembo-
des cas. lique associés.
Tableau 1.
Diagnostic différentiel des jambes rouges aiguës.
Érysipèle a
Autres dermohypodermites bactériennes :
- non nécrosantes : terrains (diabète, immunodépression) ou facteur
d’exposition (morsure de mammifère, exposition à l’eau
contaminée) particuliers ;
- nécrosantes : fasciite nécrosante, gangrène gazeuse, autres
dermohypodermites nécrosantes
Dermohypodermites non infectieuses :
- lipodermatosclérose a (insuffisance veineuse chronique), poussée de
lymphœdème
- cellulite et fasciite à éosinophiles
- syndromes auto-inflammatoires (FMF, TRAPS)
Eczéma a
Lymphangite
Thrombose veineuse
Figure 2. Dermohypodermite nécrosante à Streptococcus A - Hypodermites (en particulier érythème noueux)
hémolytique chez un patient diabétique. Les bulles hémorragiques et la Lésions causées par des animaux
nécrose sous-cutanée sur le dos du pied indiquent un avis chirurgical en Coup de soleil
urgence. Arthrite, ostéomyélite
Conclusion
La variété des causes de grosse jambe rouge ne doit pas faire
oublier que la plus fréquente est l’érysipèle et la plus grave est
la dermohypodermite bactérienne nécrosante. Les deux autres
causes fréquentes de jambe rouge aiguë sont la lipodermatosclé-
Figure 6. Érythème noueux (hypodermite nodulaire aiguë) réalisant rose et la dermite de stase, toutes les deux sans fièvre. Les examens
un placard inflammatoire à la face antérieure de jambe résultant de la complémentaires ont un intérêt modéré pour le diagnostic posi-
confluence de plusieurs nodules enchâssés dans le derme. tif et différentiel : la formulation des hypothèses diagnostiques et
l’évaluation de la gravité potentielle dépendent avant tout d’une
approche clinique méthodique.
L’érythème migrant représente la première phase de la borré-
liose de Lyme, transmise par morsure de tique. Il s’agit d’une
réaction érythémateuse non douloureuse survenant entre 3 et
30 jours après la morsure qui laisse parfois une petite escarre
centrale. L’évolution annulaire centrifuge est caractéristique. “ Points essentiels
• L’érysipèle est la cause la plus fréquente de grosse jambe
Cellulite et fasciite à éosinophiles
rouge aiguë, son diagnostic est clinique et indique la mise
Le syndrome de Wells, ou cellulite à éosinophiles, est carac- en route rapide du traitement antibiotique.
térisé par des plaques prurigineuses et érythémateuses, mais • Les signes de gravité généraux (fièvre très élevée,
peu chaudes et peu douloureuses. Elles peuvent apparaître sur troubles de conscience, défaillances viscérales) ou locaux
n’importe quelle zone du corps et évoluent de façon spontané- (douleur intense, hypoesthésie ou anesthésie, bulles
ment favorable en quelques jours. Les récidives sont fréquentes.
hémorragiques, nécrose, crépitation) doivent conduire à
L’éosinophilie sanguine est inconstante.
La fasciite à éosinophiles débute de façon aiguë par un œdème une hospitalisation et une prise en charge thérapeutique
distal symétrique auquel fait rapidement suite une induration en urgence dans l’hypothèse d’une dermohypodermite
scléreuse de la peau, avec des signes inflammatoires locaux. nécrosante.
L’éosinophilie sanguine est constante mais transitoire. • Un terrain à risque (immunodépression, comorbidité à
risque de décompensation) et la difficulté d’un suivi en
ambulatoire nécessitent également une hospitalisation.
Syndromes auto-inflammatoires • La recherche et la prise en charge d’une porte d’entrée
La fièvre méditerranéenne familiale (FMF) est une maladie auto- et de facteurs de risque sont indispensables.
somique récessive marquée par des épisodes fébriles et douloureux • Un autre diagnostic doit être suspecté en cas de tableau
durant moins de trois jours (abdomen, thorax, grosses articula- non aigu, non fébrile, bilatéral ou persistant sous antibio-
tions). Des accès cutanés peuvent survenir, d’aspect clinique très tiques.
comparable à l’érysipèle. La notion d’épisodes antérieurs est un
élément diagnostique important.
Le tumor necrosis factor receptor-1 associated periodic syndrome
(TRAPS) est un syndrome auto-inflammatoire plus rare, autoso-
mique dominant à pénétrance incomplète. Les épisodes fébriles
durent au moins cinq jours et sont associés à des douleurs muscu- Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
laires. Une éruption érythémateuse d’un ou plusieurs membres, d’intérêts en relation avec cet article.
d’évolution descendante, est classique mais inconstante.
[4] Gunderson CG, Martinello RA. A systematic review of bacteremias in [9] Hirschmann JV, Raugi GJ. Lower limb cellulitis and its mimics: Part
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47–55. Venereol 2015;142(Suppl. 2):S240–5.
O. Steichen (olivier.steichen@aphp.fr).
C. Bachmeyer.
Service de médecine interne, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Steichen O, Bachmeyer C. Grosse jambe rouge. EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-6 [Article
1-0645].
Splénomégalie
D. Gobert
Toute rate palpable est considérée comme pathologique. Une splénomégalie peut être asymptoma-
tique, ou révélée par des douleurs abdominales à type de pesanteur de l’hypochondre gauche. Une
splénomégalie volumineuse peut se compliquer d’infarctus, d’hématome sous-capsulaire, voire d’une
rupture de rate. Une pancytopénie peut être associée à la splénomégalie, sans préjuger de la cause,
par séquestration des éléments figurés du sang ou par hémodilution. La démarche diagnostique intègre
des éléments cliniques (fièvre, signes d’hypertension portale, adénopathies), biologiques (numération
formule sanguine [NFS] avec frottis sanguin, bilan hépatique, sérologies virales, hémocultures) et des
examens complémentaires morphologiques (échographie abdominale avec Doppler, endoscopie œso-
gastro-duodénale à la recherche de varices œsophagiennes, scanner thoraco-abdomino-pelvien à la
recherche d’adénopathies). Les principales étiologies sont l’hypertension portale, l’infiltration réaction-
nelle en contexte infectieux et les hémopathies malignes. Les hémopathies bénignes (hémoglobinopathies,
anémie hémolytique), les connectivites et les maladies de surcharge doivent être évoquées dans un
deuxième temps.
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Figure 1. Splénomégalie volumineuse avec infarctus dans le cadre Figure 2. Ptose d’une volumineuse splénomégalie dans le cadre d’une
d’une maladie de Gaucher. leucémie lymphoïde chronique (cliché du Dr J.-B. Fraison).
Amylose, notamment dans le cas d’une fièvre méditerra- Étant donné la multiplicité des étiologies potentielles d’une
néenne familiale (FMF), hémochromatose secondaire, maladie de splénomégalie, l’orientation diagnostique repose sur l’examen cli-
Gaucher [5] (Fig. 1), maladie de Niemann-Pick [6] , maladie des his- nique qui, par l’interrogatoire et l’examen physique, va permettre
tiocytes bleus. de guider le choix des examens complémentaires :
• origine géographique (zone d’endémie tuberculeuse, hémo-
Hypervascularisation splénique : globinopathies héréditaires), voyages en zone tropicale (para-
sitoses), contage infectieux (cirrhose virale C, tuberculose),
hypertension portale éthylisme chronique (cirrhose), toxicomanie intraveineuse ;
La cause peut être un bloc intrahépatique (cirrhose), • hépatomégalie, signes d’hypertension portale (circulation vei-
sus-hépatique (thrombose des veines sus-hépatiques) ou sous- neuse collatérale abdominale, reperméabilisation de la veine
hépatique (thrombose ou compression extrinsèque de la veine ombilicale, ascite) ; fièvre vespérale, sueurs nocturnes, adéno-
porte). L’hyperplasie nodulaire régénérative est une cause pathies qui peuvent orienter vers une cause infectieuse ou une
d’hypertension portale de cause hépatique sans cirrhose. hémopathie maligne ; souffle cardiaque qui oriente vers une
endocardite infectieuse.
Le Tableau 1 indique les examens utiles pour investiguer.
Infiltration Les examens de première intention sont :
• la NFS avec examen du frottis sanguin, à la recherche :
Infiltration lymphoïde ◦ d’une anémie régénérative (anémie hémolytique),
Diverses hémopathies malignes peuvent infiltrer la rate : lym- ◦ d’une microcytose (thalassémie),
phome de Hodgkin, lymphome non hodgkinien B ou T, leucémie ◦ d’une sphérocytose (maladie de Minkowski-Chauffard),
lymphoïde chronique (Fig. 2), leucémie à tricholeucocytes (la ◦ d’un syndrome mononucléosique (infections VIH, CMV,
présence d’une monocytopénie associée est pathognomonique), EBV),
maladie de Waldenström. ◦ d’une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, d’une
L’infiltration lymphoïde peut également être bénigne, dans le monocytose, d’une polyglobulie, d’une thrombocytose,
cas du déficit immunitaire commun variable [7, 8] , ou du syndrome d’une myélémie ou de dacryocytes (syndrome myéloproli-
lymphoprolifératif avec auto-immunité (maladie de Canale-Smith fératif),
ou autoimmune lymphoproliferative syndrome [ALPS]). ◦ d’une hyperlymphocytose (leucémie lymphoïde chronique
ou lymphome avec cellules circulantes),
Infiltration myéloïde ◦ d’une monocytopénie ou de tricholeucocytes (leucémie à tri-
choleucocytes),
La leucémie aiguë, la leucémie myélomonocytaire chronique et ◦ de blastes (leucémie aiguë) ;
les syndromes myéloprolifératifs (métaplasie myéloïde au cours • la protéine C réactive (CRP), le fibrinogène à la recherche d’un
de la maladie de Vaquez, de la thrombocytémie essentielle, de syndrome inflammatoire ;
la splénomégalie myéloïde, de la leucémie myéloïde chronique) • le bilan hépatique incluant transaminases, phosphatases alca-
peuvent causer une splénomégalie. lines, bilirubine, albuminémie, taux de prothrombine (TP) à la
recherche de stigmates de cirrhose ;
Infiltration par des cellules • lactate deshydrogénase (LDH), haptoglobine, bilirubine qui
extrahématopoïétiques orientent vers une hémolyse ;
• une électrophorèse des protéines plasmatiques pour rechercher
L’histiocytose langerhansienne, granulomatose de la sarcoïdose
un bloc bêta-gamma (cirrhose), un pic monoclonal (hémo-
(Fig. 3) s’intégrant dans le cadre d’un déficit immunitaire commun
pathie maligne), une hyper-gamma-globulinémie polyclonale
variable [8] .
(sarcoïdose, hépatites virales, connectivites), une hypo-gamma-
globulinémie (déficit immunitaire commun variable) ;
Tumeur splénique • une échographie abdominale avec Doppler, afin de préciser la
Tumeur splénique bénigne : hamartomes, hémangiome, lym- morphologie de la rate (splénomégalie homogène ou nodulaire,
phangiome kystique. kystes), de rechercher des adénopathies, une hépatomégalie,
Tumeur splénique maligne : lymphome primitif de la rate, des signes d’hypertension portale (inversion du flux porte, du
angiosarcome, métastase splénique ; il s’agit essentiellement de flux splénique).
métastases d’adénocarcinomes pulmonaire, colique, pancréatique Le scanner abdominal avec injection d’iode apporte des infor-
ou ovarien. mations comparables mais expose à une irradiation qu’on préfère
Doppler hépatique
Hépatomégalie, ascite Fibroscan®
Circulation veineuse collatérale Sérologies hépatites B/D, C
Intoxication alcoolique Sérologie bilharziose
chronique Anticorps anti-tissus
Coefficient de saturation de la transferrine
Hypertension portale ? Endoscopie digestive haute
Ponction biopsie hépatique
Anémie régénérative
LDH, bilirubine élevées
Haptoglobine basse Électrophorèse de l’hémoglobine
Microcytose Test de Coombs
Hémolyse ?
éviter en première intention ; on note qu’au scanner une rate • d’une biopsie transpariétale de rate : longtemps considérée
tumorale est hétérogène ; cet aspect est à différencier des ano- comme un geste à haut risque hémorragique, la biopsie de rate a
malies de perfusion au temps précoce après injection, qui sont fait l’objet de publications récentes [9, 10] montrant que le risque
banales. de complications est de l’ordre de 5 à 10 %, avec 3 à 5 % de
En deuxième intention, en l’absence d’éléments d’orientation, complications hémorragiques, ce qui est comparable aux taux
on réalise un phénotypage lymphocytaire et un myélogramme de complications des biopsies rénales, hépatiques ou pancréa-
afin de rechercher une pathologie hématologique (leucémie aiguë, tiques, avec une rentabilité diagnostique élevée (sensibilité : de
lymphome avec envahissement médullaire). Le myélogramme l’ordre de 88 % ; spécificité : 96 %), surtout pour le diagnostic
permet également de rechercher une maladie de Gaucher. On de lymphome ;
réalise un bilan immunologique à la recherche d’un lupus éry- • d’une biopsie ostéomédullaire pour rechercher une maladie
thémateux systémique ou d’une sarcoïdose, des hémocultures, hématologique ou une tuberculose ;
• d’une splénectomie : à visée diagnostique à la recherche d’une
®
des sérologies infectieuses et un QuantiFERON . Pour poursuivre
la recherche d’une hépatopathie, on complète le bilan par un pathologie tumorale, notamment hématologique, qui n’aurait
®
FibroScan et une endoscopie œso-gastro-duodénale. pas été mise en évidence auparavant, ou en cas de spléno-
En l’absence de diagnostic à ce stade, on discute alors : mégalie volumineuse à risque de rupture ou compliquée d’un
• d’une tomographie par émission de positions (TEP) couplée hypersplénisme important.
au scanner qui peut mettre en évidence un hypermétabo- On note que la splénectomie est risquée en cas
lisme focal évoquant une pathologie tumorale (lymphome d’hypersplénisme important (du fait de l’élévation du débit
principalement) ou infectieuse, et permettre ainsi des biopsies cardiaque consécutif à l’élévation du débit splénique, estimé à
ciblées ; 1 ml/kg), et contre-indiquée en cas de maladie de surcharge, du
• d’une ponction biopsie hépatique à la recherche d’une cause fait du risque de pneumopathie interstitielle en cas de maladie
d’hypertension portale (cirrhose, granulomatose, hyperplasie de Niemann-Pick, et d’hypertension artérielle pulmonaire et
nodulaire régénérative), d’un lymphome ; d’encéphalopathie en cas de maladie de Gaucher.
Tableau 1.
Exploration d’une splénomégalie.
Examens de première intention Examens biologiques de Examens morphologiques de Examens de troisième intention, selon
deuxième intention, selon deuxième intention, selon l’orientation diagnostique
l’orientation diagnostique l’orientation diagnostique
NFS + frottis sanguin Myélogramme (hémopathie, Endoscopie gastrique Dosage de pyruvate kinase, de G6PD (hémolyse
LDH, haptoglobine, bilirubine parasitose, maladie de Gaucher) Scanner constitutionnelle)
libre Phénotypage lymphocytaire thoraco-abdomino-pelvien Électrophorèse de l’hémoglobine (thalassémie,
CRP, fibrinogène (hémopathie) Échographie cardiaque drépanocytose)
ASAT, ALAT, gammaGT, Test de Coombs direct (hémolyse) transthoracique ± Recherche du transcrit BCR-Abl, recherche d’une
Phosphatases alcalines, TP Si anomalies hépatiques : transœsophagienne mutation de JAK-2 ou de la calréticuline
Électrophorèse des protéines - sérologies des hépatites virales B et (syndrome myéloprolifératif)
plasmatiques C Clones B et T (hémopathie lymphoïde B ou T)
Échographie abdominale avec - coefficient de saturation de la Clone hémoglobinurie paroxystique nocturne
Doppler transferrine (hémochromatose) (HPN)
- anticorps anti-tissus Dosage pondéral des immunoglobulines (déficit
(hépatopathies auto-immunes) immunitaire commun variable)
- cérulosplasmine, cuprémie, Frottis sanguin goutte épaisse (paludisme)
cuprurie (maladie de Wilson) Sérologie bilharziose
- clairance de l’alpha1 anti-trypsine Sérologie Brucella
Si fièvre : Sérologie Salmonella typhi
- hémocultures Sérologie et leucoconcentration à la recherche de
- sérologie toxoplasmose leishmaniose
- frottis sanguin goutte épaisse Facteur rhumatoïde, anticorps antipeptides
(paludisme) citrullinés (polyarthrite rhumatoïde)
- sérologie VIH, EBV, CMV Dosage de bêta glucocérébrosidase (maladie de
- intradermoréaction à la Gaucher)
®
tuberculine, QuantiFERON Mesure de l’activité sphingomyélinase dans les
Anticorps antinucléaires (lupus leucocytes (maladie de Niemann-Pick)
érythémateux systémique) Recherche de mutation du gène de la FMF
Enzyme de conversion de (maladie périodique)
l’angiotensine, calcémie Biopsie des glandes salivaires accessoires avec
(sarcoïdose) coloration au rouge congo (amylose, sarcoïdose)
Biopsie ostéomédullaire
Ponction biopsie hépatique
Scintigraphie au 18 FDG : TEPscan (lymphome,
néoplasie, maladie inflammatoire, infection
chronique)
NFS : numération formule sanguine ; LDH : lactate deshydrogénase ; CRP : protéine C réactive ; ASAT : aspartate aminotransférase ; ALAT : alanine aminotransférase ; GT :
glutamyltranspeptidase ; TP : taux de prothrombine ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; EBV : Epstein-Barr virus ; CMV : cytomégalovirus ; G6PD : glucose-6-
phosphate déshydrogénase ; BCR-Abl : breakpoint cluster region-Abelson ; JAK-2 : Janus kinase 2 ; FMF : fièvre méditerranéenne familiale ; FDG : fluorodésoxyglucose ; TEP :
tomographie par émission de positons.
La splénectomie doit être précédée d’une vaccination anti- en raison du risque de sepsis par des germes encapsulés, risque
pneumocoque, anti-Haemophilus influenzae et anti-méningoco- qui est maximal dans les deux ans qui suivent une splénectomie.
que, et suivie d’une antibioprophylaxie (habituellement par Le patient doit être informé du risque d’infection fulminante et
®
Oracilline 1 million d’unités matin et soir) pendant deux ans, de l’absolue nécessité de consulter dans les heures qui suivent tout
épisode de fièvre ou, le cas échéant, débuter un traitement antibio-
tique (classiquement une céphalosporine de 3e génération ou, à
[4] Karras A, Hermine O. Syndrome d’activation macrophagique. Rev Med [10] Olson MC, Atwell TD, Harmsen WS, Konrad A, King RL, Lin Y, et al.
Interne 2002;23:768–78. Safety and accuracy of percutaneous image-guided core biopsy of the
[5] Stirnemann J, Caubel I, Belmatoug N. La maladie de Gaucher. spleen. AJR Am J Roentgenol 2016;206:655–9.
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[6] Wasserstein MP, Schuchman EH. Acid sphingomyelinase deficiency.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK1370/. Pour en savoir plus
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an update. Arthritis Res Ther 2012;14:223. Varet B. Le livre de l’interne. Hématologie. Paris: Médecine-Sciences Flam-
[8] Pavic M, Pasquet F, Fieschi C, Malphettes M, Sève P. Granuloma- marion; 2006.
toses au cours des déficits immunitaires primitifs de l’adulte. Rev Med Blétry O, Girszyn N, Gepner P, Kahn JE, Leport J, Mathieu E, et al. Du
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[9] McInnes MD, Kielar AZ, MacDonald DB. Percutaneous image- Lévy JP, Varet B, Clauvel JP, Lefrère F, Bezeaud A, Guillni MC. Hématologie
guided biopsy of the spleen: systematic review and meta-analysis of et transfusion. Paris: Masson; 2001.
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699–708. logy. Philadelphia: Lippincott-Williams and Wilkins; 2003.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Gobert D. Splénomégalie. EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-6 [Article 1-1000].
Le traitement du diabète de type 2 (DT2) doit être fondé sur un diagnostic positif solide, acquis en
quelques minutes d’entretien : l’âge, les circonstances de découverte, l’histoire familiale et l’histoire pon-
dérale sont caractéristiques. Il commence par une modification thérapeutique du mode de vie, portant
sur l’alimentation et l’activité physique, et dont le premier objectif est le contrôle de l’excès pondéral, qui
peut faire discuter une chirurgie bariatrique en cas d’obésité morbide. La première prescription médica-
menteuse est la metformine, dans le respect de ses contre-indications, et l’attention aux effets indésirables
digestifs. Les antidiabétiques oraux de seconde intention peuvent être choisis selon leur cible glycémique,
à jeun (sulfamides hypoglycémiants) ou postprandiale (glinides, gliptines, acarbose) et selon le risque
hypoglycémique (avec les deux premières classes), donnant tout son intérêt à l’autosurveillance glycé-
mique. Les injections deviennent ensuite nécessaires, avec les analogues du glucagon-like peptide-1
(GLP-1) pour les glycémies postprandiales et pour leur effet favorable sur le poids, sans risque hypo-
glycémique, et/ou l’insuline « bed-time » efficace sur l’hyperglycémie à jeun. L’intensification vers les
schémas de multi-injections d’insuline est une suite logique, développée progressivement (« basal-plus »
puis « basal-bolus »), ou immédiatement en cas d’hyperglycémie accélérée par une pathologie inter-
currente. Elle peut aller jusqu’à l’utilisation d’une pompe externe à insuline en cas de phénomène de
l’aube, de grande insulinorésistance, ou de grossesse. Dans tous les cas, la stratégie est multifactorielle,
associée aux contrôles de l’hypertension artérielle (HTA) et de la dyslipidémie, et à une orientation diété-
tique méditerranéenne pour atténuer le risque cardiovasculaire. L’éducation thérapeutique des patients
est à chaque étape essentielle pour les autonomiser dans l’acquisition d’un mode de vie favorable, de
l’autosurveillance glycémique, des injections et des adaptations de doses, et dans la prévention des lésions
des pieds quand leur sensibilité est altérée.
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Mots-clés : Diabète de type 2 ; Diététique ; Activité physique ; Antidiabétiques oraux ; Analogues du GLP-1 ;
Insulinothérapie ; Éducation thérapeutique ; Autosurveillance glycémique
▲ Mise en garde
Sédentarité
Ne pas porter solidement le diagnostic de DT2, c’est
gagner deux minutes d’interrogatoire, une fois, lors d’une Troubles du sommeil
consultation. Mais cela conduit à ne jamais évoquer le Figure 2. Mécanismes conduisant de l’obésité au diabète de type 2
DT1 à marche lente, les diabètes secondaires, les diabètes (DT2). AGL : acides gras libres.
monogéniques, et à proposer à ces patients (voire à des
DT1 typiques) les premières étapes des recommandations
de la HAS de prise en charge du DT2 : suivre un régime nécessitant une escalade thérapeutique, jusqu’à
pour maigrir (beaucoup de ces patients sont déjà amai- l’insulinorequérance. À toutes ces étapes, l’excès ou la prise
gris) ; prendre de la metformine. Or ces recommandations de poids ont un effet accélérateur, facilitant l’apparition d’un
ne sont pas adaptées dans leurs cas. état prédiabétique, sa conversion en diabète, puis l’élévation
progressive de l’HbA1C. Le contrôle de l’excès pondéral est donc
la priorité.
En pratique
Modification thérapeutique Les mesures qui permettent ce contrôle du poids relèvent en pre-
mière intention de la consultation de médecine générale. Le poids
du mode de vie doit y être surveillé. Sur la base d’une enquête alimentaire simple,
les erreurs évidentes peuvent être corrigées : aliments riches
En première intention en calories, gras et sucrés, hyperphagie prandiale, grignotages,
Mettre au premier rang du traitement les règles hygiéno- consommation de boissons caloriques (dans une maladie qui
diététiques est consensuel, et ne reflète pas une arrière-pensée peut donner soif !). L’alimentation conseillée doit être équilibrée.
moralisatrice, ni un souci d’économie. Les changements de mode Son orientation est méditerranéenne en fonction du risque car-
de vie sont difficiles à obtenir, et leur coût réel dépasse celui diovasculaire. L’aide d’une diététicienne est précieuse. L’activité
des médicaments : investissement du patient, chronophagie des physique doit être promue. En seconde intention, on peut pro-
consultations et ateliers éducatifs, organisation du « coaching ». poser une prise en charge spécialisée et l’éducation thérapeutique
L’efficacité de ces mesures a été évaluée dans les étapes précoces (ateliers diététiques et d’activité physique), voire l’hospitalisation
du DT2. Chez les sujets prédiabétiques, les essais de la Finnish au cours de laquelle l’alimentation est contrôlée, avec un effet
Prevention Study et du Diabetes Prevention Program [5] ont mon- démonstratif sur les glycémies. En cas d’obésité morbide, une chi-
tré que le travail sur l’alimentation et l’activité physique réduit de rurgie bariatrique peut être indiquée. Ses effets, notamment ceux
moitié le risque d’apparition d’un DT2, mieux que la metformine. du court-circuit gastrique sur la rémission du DT2, sont attestés
Les sujets inclus dans l’essai de l’United Kingdom Prospective Dia- par des études randomisées contrôlées [8] , avec plus de rémission
betes Study (UKPDS) dans l’année suivant le diagnostic de DT2 ont si le diabète est récent, non compliqué, traité sans insuline. Si la
bénéficié de conseils diététiques pendant trois mois, avant leur chirurgie bariatrique entre dans l’organigramme des recomman-
randomisation vers des traitements intensifs ou conventionnels : dations américaines de la prise en charge du DT2 dès 27 kg/m2
ils ont alors perdu en moyenne 3,7 kg, et réduit leur hémoglo- d’IMC, elle ne s’adresse en 2017 en France qu’aux patients DT2
bine glyquée (HbA1C) de –1,9 % [6] . Même si ce résultat a été ayant un IMC supérieur à 35 kg/m2 .
obtenu au début de la prise en charge, sans risque d’hypoglycémie,
chez des patients dont la motivation était attestée par leur parti-
cipation à un essai randomisé, aucun médicament antidiabétique
oral n’est aussi efficace. C’est un travail logique sur la part envi-
▲ Mise en garde
ronnementale de l’insulinorésistance, dont il faut connaître les
mécanismes. Ne pas obtenir d’un patient porteur de DT2 le contrôle de
son poids, ne pas parler d’alimentation ni d’activité phy-
sique, ce n’est pas préserver son temps, mais c’est engager
Contrôle de l’excès pondéral le patient dans une surenchère médicamenteuse rapide et
Comme indiqué sur la Figure 2, l’obésité conduit à la sécrétion moins efficace.
d’acides gras libres et d’adipokines (tumor necrosis factor α [TNF-␣],
résistine, etc.) qui entraînent une résistance à l’insuline [7] . Si le
tissu adipeux en excès est viscéral abdominal, ces sécrétions sont
drainées vers le foie où elles fournissent de l’énergie pour la néo-
glucogenèse. D’autres mécanismes relient l’obésité à la résistance Limites des règles hygiénodiététiques
à l’insuline : sédentarité, troubles du sommeil, dépôts ectopiques
de graisse dans les tissus insulino-sensibles. Les répartitions En moyenne, les pertes de poids obtenues sont modestes chez
d’adiposité et les capacités de sécrétion insulinique variables les patients obèses, et moindres en cas de diabète. La correction
expliquent que tous les sujets obèses ne développent pas un de l’hyperglycémie met en route des mécanismes de résistance
diabète. L’insulinodéficience des DT2 s’aggrave au fil des années, à l’amaigrissement : arrêt de la fuite calorique liée à la glyco-
d’où la détérioration progressive de leur contrôle glycémique surie, réduction de la dépense énergétique de repos, collations
® Gliptines
Metformine (glucophage, Stagid )
Elles inhibitent la dipeptidyl peptidase-4 (DPP-4), enzyme qui
Elle réduit la production hépatique de glucose et donc catabolise le GLP-1, entraînant une élévation du taux sérique
l’hyperglycémie à jeun, sans risque d’hypoglycémie. Elle entraîne de cette incrétine. Les incrétines (GLP-1, glucose-dependent insu-
une diarrhée dans environ 20 % des cas. Débuter à doses pro- linotropic peptide [GIP]) sont des hormones gastro-intestinales
gressives, prendre les comprimés pendant les repas, réduire la libérées après une prise orale de glucose, qui doublent la sécrétion
®
dose, utiliser le Stagid mieux toléré, permet de la limiter. Un d’insuline en réponse à l’hyperglycémie. La sécrétion insulinique
amaigrissement de quelques kilogrammes est observé sous met- n’est stimulée qu’en hyperglycémie, sans risque d’hypoglycémie.
formine, même sans diarrhée, favorable en cas de surpoids, mais Les chercheurs qui ont compris cet intérêt du GLP-1 se sont
pas chez une personne âgée dénutrie. L’effet indésirable le plus acharnés à en développer l’utilisation chez les patients DT2, par
redouté est l’acidose lactique, en cas de pathologie intercurrente voie parentérale puisque cette hormone polypeptidique, comme
aiguë, ou d’accumulation du médicament du fait d’une insuffi- l’insuline, est détruite par les enzymes digestives. Ils ont rencontré
sance rénale sévère. Cet accident rare est prévenu par le respect une difficulté inattendue : le GLP-1 perfusé disparaît immédia-
des contre-indications : réduction de la dose lorsque la filtra- tement du sang circulant, du fait d’un catabolisme puissant par
tion glomérulaire est inférieure à 60 ml/min/1,73 m2 , arrêt en DPP-4. Des dizaines d’années de travail ont été nécessaires pour
cas de filtration inférieure à 30, de pathologie intercurrente aiguë, franchir cet obstacle, en développant des analogues du GLP-1
48 heures avant une anesthésie générale ou une injection de pro- résistants à DPP-4, injectables, ou en inhibant DPP-4, avec les
duit de contraste. La metformine peut entraîner une carence en gliptines. Ces antidiabétiques oraux agissent sur l’hyperglycémie
vitamine B12 , habituellement modérée mais qui peut aggraver une postprandiale, avec un effet moins prononcé que les sulfamides
neuropathie diabétique [11] . On prescrit la metformine à des doses sur l’HbA1C (–0,7 %), mais sans hypoglycémie. Les gliptines dis-
® ®
qui peuvent aller de 500 mg (une prise) à 3000 mg/j (trois prises), ponibles sont la sitagliptine (Januvia , Xelevia , 100 mg/j en une
®
selon la tolérance digestive et la fonction rénale du patient. prise), la vildagliptine (Galvus 100 mg en deux prises de 50 mg/j)
Gliptines
(rares pancréatites, pemphigoïdes)
Absent Metformine
Acarbose
(diarrhée, rares acidoses
(flatulence)
lactiques)
Sulfamides Glinides
®
et la saxagliptine (Onglyza 5 mg/j en une prise), il existe aussi l’hypo-insulinisme relatifs sont majorés par des circonstances
des « combos » facilitant leur association à la metformine. Ces défavorables : maladie intercurrente, jeûne, déshydratation, dimi-
médicaments récents sont plus coûteux (1,5 D /j) que la metfor- nution des doses d’une insulinothérapie associée, intoxication
mine ou les sulfamides (0,3 D /j et 1,2 D /j pour le répaglinide). éthylique. Les risques associés à l’inhibition de SGLT-2 au long
Leur tolérance est excellente, mais leur large prescription a montré cours sont quand même probablement limités. Les gliflozines
la possibilité d’effets indésirables : pancréatites aiguës et insuffi- peuvent être également responsables d’effets indésirables liés à la
sances cardiaques dans certaines études [12] . DPP-4 est le cluster diurèse osmotique et à la baisse de la volémie. Les mutations inac-
de différenciation 26 (CD26) exprimé sur les leucocytes, et les tivatrices de SGLT-2 des diabètes rénaux congénitaux entraînent
premiers essais des gliptines ont rapporté des infections respira- des glycosuries plus importantes, dans l’ensemble bien tolérées.
toires, mais ce risque n’a pas été confirmé depuis. En fait, DPP-4 Réduire l’hyperglycémie de cette façon a aussi des avantages :
est exprimé dans de multiples tissus, dont la peau. Des pemphi- l’effet, proportionnel à l’hyperglycémie, s’arrête quand la glycé-
goïdes bulleuses ont été rapportées sous gliptines, surtout avec la mie est normale, sans risque d’hypoglycémie. La perte calorique
vildagliptine [13] . de la glycosurie aide au contrôle du poids, et la perte sodée a un
effet diurétique antihypertenseur. Les gliflozines entraînent une
® réduction de l’HbA1C en moyenne de –0,7 %, mais aussi une
Acarbose (Glucor ) perte de poids d’environ –2 kg, et une réduction de la pression
Cet inhibiteur des ␣-glucosidases intestinales ralentit la diges- artérielle de –5 mmHg, ce qui contribue à la réduction de morbi-
tion des glucides et réduit l’hyperglycémie postprandiale. Son mortalité cardiovasculaire chez les patients DT2 après trois années
utilisation est limitée par des flatulences, voire des douleurs abdo- de traitement dans l’essai EMPA-REG [16] .
minales. Dans l’essai Study to Prevent Non-Insulin-Dependent
Diabetes Mellitus (STOP-NIDDM), qui a montré l’efficacité de
l’acarbose pour prévenir le DT2, 13 % des participants ont arrêté le
Traitements injectables :
traitement mais, en pratique courante, près d’un patient sur deux analogues du « glucagon-like
ne le tolère pas. La posologie initiale est de 50 mg/prise, on peut
la monter à trois fois 200 mg/j si la tolérance le permet. peptide-1 » et insuline
Vingt pour cent environ des patients DT2 sont traités avec des
Gliflozines injections en France : insuline ou analogues du GLP-1. Cette étape
® ®
nécessite une éducation diététique et thérapeutique pour la réa-
L’empagliflozine (Jardiance ), la canagliflozine (Invokana ), lisation des injections, l’adaptation des doses d’insuline fondée
®
et la dapagliflozine (Forxiga ) ne sont pas encore disponibles sur l’autosurveillance glycémique, la reconnaissance et la gestion
en France. Ces inhibiteurs de sodium/glucose cotransporteur 2 des hypoglycémies. Dans certains cas, la responsabilité des injec-
(SGLT-2) empêchent la réabsorption du glucose au niveau du tions est confiée à une infirmière qui les réalise à domicile, au prix
tubule contourné proximal, entraînant une glycosurie propor- d’une astreinte pour le patient qui va devoir attendre ses passages,
tionnelle à l’hyperglycémie, bien avant que le seuil rénal normal et d’un surcoût.
du glucose (∼1,8 g/l) ne soit atteint. La réabsorption rénale
du glucose est pathologiquement élevée au cours du diabète,
avec un seuil de glycosurie vers 2,2 g/l, contribuant à aggra-
Analogues du « glucagon-like peptide-1 »
®
ver l’hyperglycémie, ce qui est un argument pour la réduire. Les analogues du GLP-1 (exénatide : Byetta , liraglutide :
®
Ce mécanisme d’action original a deux défauts. La glycosurie Victoza ) offrent une alternative à l’insulinothérapie, qui évite la
importante (jusqu’à 70 g/j) favorise les infections urogénitales. prise de poids. Le GLP-1 modifié résiste au catabolisme par DPP-4,
Les vulvovaginites mycotiques réagissent aux traitements usuels, et stimule la sécrétion d’insuline médiée par l’hyperglycémie, avec
mais peuvent nécessiter l’arrêt de la gliflozine. Des études méca- une diminution de l’HbA1C de -1 %, mais aussi une réduction
nistiques ont montré que l’organisme réagit à la glycosurie en de la prise alimentaire et la perte de quelques kilos. Celle-
augmentant sa sécrétion de glucagon et sa production endogène ci survient indépendamment des effets indésirables digestifs :
de glucose [14] . Les gliflozines sont disponibles aux États-Unis et nausées, vomissements, parfois diarrhée, en général transitoires
dans plusieurs pays européens depuis 2013, et plusieurs dizaines lors des premières injections. Pour améliorer la tolérance, on
d’acidocétoses « normoglycémiques » (glycémie < 3 g/l) ont débute à demi-dose pendant un mois. L’effet hypoglycémiant
été rapportées [15] . Il faudra savoir les diagnostiquer lorsque la s’exerce essentiellement sur l’hyperglycémie postprandiale, ce
réduction de disponibilité du glucose, l’hyperglucagonémie et qui rend l’association à la metformine ou à l’insuline bed-time
complémentaire. Le développement d’analogues du GLP-1 à libé- nique permet d’arrêter les antidiabétiques oraux contre-indiqués
® ®
ration prolongée (exénatide : Bydureon , dulaglutide : Trulicity ) (metformine). Les multiples injections permettent une ascension
permet des injections hebdomadaires. L’antécédent de pan- rapide des doses tant que l’hyperglycémie l’exige, puis leur
créatite aiguë reste une contre-indication. La réduction de diminution avec la résolution de l’affection intercurrente. Dans
morbi-mortalité cardiovasculaire observée après quatre ans de les mois suivant sa résolution, le retour aux antidiabétiques oraux
traitement par liraglutide dans l’essai Liraglutide Effect and Action peut être organisé avec l’avis d’un spécialiste de diabétologie.
in Diabetes: Evaluation of Cardiovascular Outcome Results (LEA-
DER) renforce l’intérêt pour ces traitements [17] . Les événements
cardiovasculaires non mortels ont aussi été moins fréquents sous Limites de l’insulinothérapie
sémaglutide (injections hebdomadaires) dans l’essai SUSTAIN [18] , Au-delà de l’astreinte et de la réticence naturelle des
mais les complications rétiniennes ont été plus fréquentes dans patients, les limites de l’insulinothérapie sont d’abord qu’elle
le groupe traité, sans raison évidente. Le coût des analogues du ne traite qu’une partie de la maladie, l’insulinodéficience, et
GLP-1 est élevé (4 D /j). pas l’insulinorésistance. Cette dernière est importante chez les
patients les plus obèses ou sédentaires. Le maintien d’un mode
Insulines et leurs analogues de vie favorable est crucial pour limiter la prise de poids avec le
meilleur contrôle glycémique : quelques kilos en moyenne, mais
Toute la panoplie des insulines humaines et analogues de en fait on peut craindre le retour au poids maximal atteint par les
l’insuline peut avoir un intérêt au cours du DT2, avec par ordre patients avant l’insulinothérapie [19] . Dans les « mauvais cas », un
de cinétique : cercle vicieux peut s’installer : prise de poids importante aggravant
• les analogues rapides (Novorapid , Humalog , Apidra ) et
® ® ®
® ® ®
l’insulinorésistance, administration de fortes doses d’insuline
l’insuline ordinaire (Actrapid , Umuline rapide, Insuman ), (> 2 U/kg/j), hypoglycémies obligeant à des collations compensa-
qui couvrent le métabolisme d’un repas (durée d’action : quatre trices et à une restriction de l’activité physique, répétées si les doses
heures pour un analogue rapide et six heures pour une insuline ne sont pas réduites, conduisant à davantage de prise de poids, et
ordinaire) ; à une désespérance. Le maintien de la metformine peut limiter ce
• les insulines intermédiaires (Insulatard , Umuline NPH), qui
® ®
phénomène, dans un essai clinique chez des patients DT2 insu-
couvrent le besoin basal de la moitié d’une journée (durée linoréquérants, sa réintroduction a permis un meilleur contrôle
d’action :12 heures), et sont associées à des analogues rapides glycémique (HbA1C : –0,4 %), pondéral (–3 kg), avec une dose
®
dans des mélanges préconditionnés (Novomix 30, 50, et 70 et d’insuline réduite d’une vingtaine d’unités/j [20] . La coprescription
®
Humalog Mix 25 et 50), pour couvrir aussi le besoin du repas d’analogues du GLP-1, voire la chirurgie bariatrique peuvent aussi
suivant l’injection ; être des solutions. Les limites sont aussi celles de la pharmacoci-
• les analogues lents, qui visent à couvrir le besoin basal des nétique des insulines, comme dans le DT1 : aucun analogue, aussi
®
24 heures en une injection : Lévémir (durée d’action : lent soit-il, ne peut répondre à certains « phénomènes de l’aube »
® ®
16 heures), Lantus (durée d’action : 24 heures), Toujéo (durée où le besoin en insuline augmente entre 3 h 00 du matin et le
d’action : > 24 heures). réveil, ce qui peut justifier l’utilisation d’une pompe externe. Un
essai français a montré que l’administration par pompe permet
Insulinothérapie « bed-time » de réduire de 20 % la dose d’insuline par rapport aux multi-
injections chez ces patients [21] . La pompe peut aussi être utile
L’indication principale est le DT2 « insulinorequérant », hyper- pour le contrôle glycémique intensif au cours des grossesses des
glycémique malgré un traitement bien conduit associant les règles patientes DT2.
hygiénodiététiques et des antidiabétiques oraux à dose maximale.
L’insulinothérapie du diabétique insulinorequérant commence
par une injection d’insuline intermédiaire ou d’un analogue lent
au coucher (« bed-time »), avec une dose initiale de 0,2 U/kg,
Conclusion : la stratégie
adaptée dans les semaines suivantes en fonction de l’objectif fixé thérapeutique
pour la glycémie du réveil, en général entre 0,80 et 1,20 g/l. Une
fois cet objectif atteint, si l’HbA1C reste excessive, une injection La connaissance des outils thérapeutiques présentés ici
d’analogue rapide est ajoutée avant le repas le plus hyperglycé- débouche sur une escalade qui fait logiquement se succéder :
miant, débouchant sur un schéma « basal-plus ». L’intensification la modification du mode de vie ; puis la metformine en mono-
progressive et rationnelle vers un schéma « basal-bolus » est thérapie initiale ; puis son association à un, voire deux autres
ensuite possible, les injections préprandiales d’analogues rapides antidiabétiques oraux, choisis en fonction de la cible glycémique
venant remplacer les prises d’antidiabétiques oraux insulino- (à jeun ou postprandiale) et du niveau d’éducation thérapeutique
sécréteurs conventionnels. Une alternative à cette escalade est du patient, capable ou non de gérer le risque d’hypoglycémies ;
l’instauration d’emblée d’un schéma comportant deux injections ensuite, les injections, commençant en général par un analogue
® ®
de mélanges (Novomix 30 ou Humalog Mix 25) avant le petit du GLP-1 ; et, enfin, l’insulinothérapie.
déjeuner et le dîner, permettant une adaptation anticipatoire
des doses avec le passage deux fois par jour d’une infirmière à
domicile qui surveille les glycémies digitales, réalise les injections
Objectif d’HbA1C personnalisé
d’insuline, et adapte la dose du matin sur la glycémie du soir et On module la rapidité de cette escalade en fonction de
la dose du soir sur la glycémie du matin. Ce schéma simplifié a l’objectif d’HbA1C, personnalisé : une surmortalité a été rappor-
une efficacité limitée (mauvaise couverture de l’excursion hyper- tée dans l’essai Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes
glycémique suivant le déjeuner) et un risque hypoglycémique (ACCORD) chez les patients DT2 randomisés dans le groupe de
(particulièrement à midi si le déjeuner tarde), mais il est appli- traitement intensif (HbA1C ≤ 6,5 %), donc en termes d’HbA1C
cable chez des patients qui ne prennent pas en charge eux-mêmes « the lower is not the better » [22] . Un objectif d’HbA1C inférieur
leur insulinothérapie. ou égal à 7 % est actuellement recommandé par la HAS [1] , sauf en
cas de :
• DT2 récent, sans antécédent cardiovasculaire, avec une espé-
Multi-injections d’insulines rance de vie supérieure à 15 ans, un objectif inférieur ou égal à
La deuxième indication est l’insulinothérapie transitoire mise 6,5 % peut souvent être atteint sans utiliser de médicament qui
en place chez un patient DT2 « agressé » par une pathologie expose à des hypoglycémies ;
intercurrente : accident vasculaire ou infectieux, intervention • DT2 ancien (> 10 ans) chez des patients fragiles présentant
chirurgicale. L’insuline est alors le traitement le plus sûr, rapi- des comorbidités graves ou des complications macrovasculaires
dement efficace, finement adaptable, favorable sur le plan évoluées, une espérance de vie inférieure à cinq ans, ou des anté-
nutritionnel, et le schéma d’insulinothérapie « basal-bolus » a cédents d’hypoglycémies sévères, l’objectif inférieur ou égal à
plusieurs avantages. La couverture complète du besoin insuli- 8 % est plus raisonnable.
Prise en charge multifactorielle [7] Rigalleau V, Lang J, Gin H. Étiologie et physiopathologie du diabète de
type 2. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition,
La prévention des complications du diabète ne se résume pas 10-366-A-10, 2007.
au contrôle glycémique, et doit être multifactorielle, contrôlant [8] Schauer PR, Bhatt DL, Kirwan JP, Wolski K, Aminian A, Brethauer SA,
aussi la pression artérielle et le LDL-cholestérol. Cette stratégie a et al. Bariatric surgery versus intensive medical therapy for diabetes -
été testée avec succès chez les patients DT2 microalbuminuriques 5-year outcomes. N Engl J Med 2017;376:641–51.
dans l’essai Steno-2, avec une amélioration de l’espérance de vie [9] Look AHEAD Research Group, Wing RR, Bolin P, Brancati FL, Bray
de huit ans, et une réduction des complications macro- et micro- GA, Clark JM, et al. Cardiovascular effects of intensive lifestyle inter-
vasculaires, à l’exception de la neuropathie [23] . Cette dernière doit vention in type 2 diabetes. N Engl J Med 2013;369:145–54.
être dépistée, et justifie une éducation thérapeutique spécifique, [10] Gregg EW, Gerzoff RB, Thompson TJ, Williamson DF. Trying to lose
pour prévenir les lésions des pieds. weight, losing weight, and 9-year mortality in overweight U.S. adults
with diabetes. Diabetes Care 2004;27:657–62.
[11] Wile DJ, Toth C. Association of metformin, elevated homocysteine, and
methylmalonic acid levels and clinically worsened diabetic peripheral
Déclaration de liens d’intérêts : Vincent Rigalleau déclare avoir reçu des prix neuropathy. Diabetes Care 2010;33:156–61.
de recherche en nutrition du Comité interprofessionnel de la dinde en France en [12] Rehman MB, Tudrej BV, Soustre J, Buisson M, Archambault P, Pouchain
1996, et de l’Institut Appert en 1999, de l’ALFEDIAM et de l’Académie nationale D, et al. Efficacy and safety of DPP-4 inhibitors in patients with type 2
de médecine en partenariat avec l’Institut Servier du Diabète en 1992, 1995, et diabetes: meta-analysis of placebo-controlled randomized clinical trials.
1999, en partenariat avec Roche en 2001, et en partenariat avec Merck Lipha Diabetes Metab 2017;43:48–58.
Santé en 2003, avoir été président du comité de titration de l’essai GALAPAGOS [13] Béné J, Moulis G, Bennani I, Auffret M, Coupe P, Babai S, et al.
(Sanofi-Aventis), et avoir été pris en charge pour congrès (transport, hôtel, repas) Bullous pemphigoid and dipeptidyl peptidase IV inhibitors: a case-
par les laboratoires Bayer, GSK, Novo, Lilly, Pfizer, Takeda, Schering-Plough, noncase study in the French Pharmacovigilance Database. Br J Dermatol
MSD, Novartis, et Abbott. 2016;175:296–301.
Blandine Cherifi déclare avoir reçu, à titre personnel ou pour des associations de [14] Merovci A, Solis-Herrera C, Daniele G, Eldor R, Fiorentino TV, Tripathy
recherche dont elle est membre, des soutiens financiers, sous forme d’honoraires D, et al. Dapagliflozin improves muscle insulin sensitivity but enhances
pour communication ou expertise, ou d’invitation à des congrès des sociétés endogenous glucose production. J Clin Invest 2014;124:509–14.
suivantes : Ipsen, Novartis, Novo-Nordisk. [15] Rosenstock J, Ferrannini E. Euglycemic diabetic ketoacidosis: a predic-
Kamel Mohammedi déclare avoir reçu, à titre personnel ou pour des asso- table, detectable, and preventable safety concern with SGLT2 inhibitors.
ciations de recherche dont il est membre, des soutiens financiers, sous forme Diabetes Care 2015;38:1638–42.
d’honoraires pour communication ou expertise, ou d’invitation à des congrès des [16] Zinman B, Wanner C, Lachin JM, Fitchett D, Bluhmki E, Hantel S,
sociétés suivantes : Boehringer-Ingelheim, Eli Lilly, Medtronic, MSD, Novo- et al. Empagliflozin, cardiovascular outcomes, and mortality in type 2
Nordisk, Proteor, Roche, Sanofi-Aventis, Servier, Takeda, et VitalAire. diabetes. N Engl J Med 2015;373:2117–28.
Laurence Blanco et Laure Alexandre déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts [17] Marso SP, Daniels GH, Brown-Frandsen K, Kristensen P, Mann JF,
en relation avec cet article.
Nauck MA, et al. Liraglutide and cardiovascular outcomes in type 2
diabetes. N Engl J Med 2016;375:311–22.
[18] Marso SP, Bain SC, Consoli A, Eliaschewitz FG, Jodar E, Leiter LA,
et al. Semaglutide and cardiovascular outcomes in patients with type 2
Références diabetes. N Engl J Med 2016;375:1834–44.
[19] Larger E. Weight gain and insulin treatment. Diabetes Metab
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type 2. Recomm Bonne Prat 2013. [20] Kooy A, de Jager J, Lehert P, Bets D, Wulffelé MG, Donker AJ, et al.
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Saraheimo M, et al. Effect of parental type 2 diabetes on offspring with [21] Reznik Y, Cohen O, Aronson R, Conget I, Runzis S, Castaneda J, et al.
type 1 diabetes. Diabetes Care 2009;32:63–8. Insulin pump treatment compared with multiple daily injections for treat-
[4] Chari ST, Leibson CL, Rabe KG, Ransom J, de Andrade M, Petersen GM. ment of type 2 diabetes (OpT2mise): a randomised open-label controlled
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study. Gastroenterology 2005;129:504–11. [22] Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes Study Group, Ger-
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patients with newly diagnosed non-insulin dependent diabetes followed 21 years follow-up on the Steno-2 randomised trial. Diabetologia
for three years. Br Med J 1995;310:83–8. 2016;59:2298–307.
V. Rigalleau (vincent.rigalleau@chu-bordeaux.fr).
B. Cherifi.
L. Blanco.
L. Alexandre.
Service d’endocrinologie-nutrition, CHU de Bordeaux, Hôpital Haut-Lévêque, avenue de Magellan, 33600 Pessac, France.
K. Mohammedi.
Hôpital Bichat, AP–HP, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Rigalleau V, Cherifi B, Blanco L, Alexandre L, Mohammedi K. Prise en charge thérapeutique du diabète
de type 2. EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-7 [Article 3-0810].
Chez des sujets à risques métaboliques élevés de développer un diabète de type 2 (DT2) (intolérants
au glucose), les études interventionnelles permettent de confirmer avec un niveau élevé de preuves que
l’activité physique (AP) représente un moyen majeur pour prévenir la survenue d’un DT2 : réduction de
50 %, en moyenne, de l’incidence du DT2, mais aussi diminution du surrisque cardiovasculaire. La séden-
tarité (temps passé assis) est aussi un facteur de risque de développer un DT2, indépendant du niveau
d’AP. Chez les sujets ayant un DT2, les effets de l’AP dépassent le cadre des effets sur l’insulinorésistance
et l’aide à l’obtention d’un meilleur équilibre glycémique car ils participent aussi au contrôle lipidique,
du profil tensionnel et des comorbidités associées au DT2, tout en améliorant la qualité de vie. Ces effets
favorables de l’AP sont obtenus quel que soit le type d’AP : endurance ou renforcement musculaire, ou
combinaison des deux. Nombre des effets favorables de l’AP sur l’état de santé peuvent être obtenus
en l’absence de modification du poids. La plupart des patients ayant un faible niveau quotidien d’AP et
étant physiquement déconditionnés, la prescription d’AP doit être individualisée, adaptée et progressive.
De plus, les effets favorables de l’AP sont de durée limitée dans le temps, ce qui souligne l’importance
de la régularité de l’AP et de son maintien à long terme. La pérennisation d’un mode de vie actif chez le
patient DT2 nécessite non seulement une coopération entre les différents professionnels de santé, mais
aussi des stratégies associant un support (social, familial, associations de patients, réseaux diabète, etc.)
avec acquisition des compétences nécessaires à l’amélioration de l’état de santé et à la gestion du diabète
en particulier (importance de l’éducation thérapeutique) et un suivi régulier.
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L’activité physique (AP) joue un rôle majeur dans la prévention Activités développant les fonctions musculaires :
du DT2 chez les sujets à risque et dans sa prise en charge. Les effets force et puissance musculaires
de l’AP dépassent le cadre des effets sur l’équilibre glycémique car
ils participent au contrôle lipidique, du profil tensionnel et des La force musculaire est définie comme la capacité à dévelop-
autres comorbidités associées au DT2. Pour ces raisons, les recom- per une tension contre une résistance et la puissance musculaire
mandations pour l’adoption et le maintien d’une AP régulière résulte d’une interaction entre la force développée et la vitesse de
sont nécessaires, mais doivent tenir compte des caractéristiques contraction.
de chaque individu. Les fonctions musculaires (force, puissance) sont sollicitées,
voire développées, par le travail musculaire lors des activités de
la vie quotidienne (montées et descentes d’escaliers, levers de
chaise, port de charges, etc.) ou lors de séances dédiées (utilisa-
Définitions : activité physique, tion du poids du corps ou de bracelets lestés, de bandes élastiques,
d’appareils spécifiques, etc.).
inactivité physique, sédentarité Le niveau de développement de l’aptitude à développer de la
force avec l’entraînement spécifique dépend de l’état initial des
Activité physique fonctions musculaires, du type d’exercices réalisés, de leur fré-
L’AP est définie comme « tout mouvement corporel produit quence, durée, intensité et de l’âge des sujets. On peut l’évaluer à
par la contraction des muscles squelettiques entraînant une aug- 25–30 % sur une période de six mois de pratique d’un entraîne-
mentation de la dépense énergétique par rapport à la dépense ment dédié et à 50 % chez le DT2 [4] .
énergétique de repos ». L’AP regroupe l’ensemble des activités
qui peuvent être pratiquées dans différents contextes avec quatre Activités d’équilibre
principaux domaines de pratique : le travail, les déplacements, les L’équilibre permet d’assurer le maintien de postures contre la
activités domestiques et les loisirs. Ces derniers incluent l’exercice, gravité, en dynamique ou en statique. Son importance est fon-
le sport et l’AP de loisirs non structurée [1] . damentale pour la réalisation de tous les mouvements de la vie
L’AP est le plus souvent quantifiée en termes de MET (metabo- quotidienne. Chez les sujets avançant en âge, le maintien de
lic equivalent task), c’est-à-dire d’équivalent métabolique, sachant l’équilibre contribue fortement à la prévention des chutes et au
qu’un MET correspond à la dépense énergétique d’un sujet au maintien de l’autonomie.
repos assis (= 3,5 ml d’oxygène/kg/min ou environ 1 kcal/kg/h).
Différentes intensités d’AP sont ainsi définies :
• 1,6 MET ≤ activités de faible intensité < 3 MET ;
• 3 MET ≤ activités d’intensité modérée < 6 MET ;
Mécanismes d’action et effets
• 6 MET ≤ activités d’intensité élevée < 9 MET ; de l’activité physique
• activités d’intensité très élevée ≥ 9 MET.
chez des sujets à risques de DT2
et chez des patients ayant un DT2
Inactivité physique et comportement
sédentaire Métabolisme du glucose
[5]
Le terme « inactif » (inactivité physique) caractérise un niveau Effets d’une session d’exercice (in )
insuffisant d’AP d’intensité modérée à élevée, c’est-à-dire inférieur Au cours de l’exercice
au seuil d’AP recommandé pour la santé [1] . L’exercice musculaire augmente la captation musculaire de glu-
La sédentarité (ou comportement sédentaire) est définie comme cose chez le sujet sain comme chez le DT2, jusqu’à cinq fois plus
une situation d’éveil caractérisée par une dépense énergétique par rapport au repos. En effet, la contraction musculaire stimule
proche de la dépense énergétique de repos en position assise ou le transport et le métabolisme du glucose dans les muscles solli-
allongée [1] . cités au cours de l’exercice par des voies qui ne dépendent pas de
l’insuline. À cet effet se surajoute celui de l’insuline, sachant que
l’augmentation du débit sanguin augmente la quantité d’insuline
Types d’activité physique [1] et de glucose arrivant aux muscles (cet effet insulinodépendant
Activités développant l’aptitude persiste plusieurs heures après l’arrêt de l’exercice).
cardiorespiratoire (endurance) Période postexercice
La capacité cardiorespiratoire, également appelée endurance Chez le sujet sain comme chez le DT2, après l’exercice la
aérobie, se traduit par l’aptitude à maintenir des exercices pro- captation musculaire de glucose reste augmentée par des méca-
longés, continus ou intermittents. nismes qui ne dépendent pas de l’insuline (pendant 2 heures en
L’efficacité des activités développant l’endurance est jugée moyenne) et par des mécanismes insulinodépendants (persistant
sur l’évolution de variables physiologiques (consommation jusqu’à 48 heures après la fin de l’exercice) si l’exercice est de durée
maximale d’oxygène [VO2 max]) mesurées au cours d’épreuves prolongée, ce qui est lié au besoin de reconstituer les réserves mus-
fonctionnelles : des AP d’endurance peuvent augmenter VO2 max culaires en glycogène (augmentation de l’activité de la glycogène
de 10 à 30 %. synthétase).
Les exercices qui développent l’endurance sont des activités qui Il existe une augmentation de la sensibilité musculaire à
mobilisent une masse musculaire importante et qui doivent être l’insuline qui peut durer 24 heures pour les exercices de durée
maintenus sur de longues durées : marche rapide, course à pied, courte (20 minutes) d’intensité élevée ou proche de l’intensité
marche nordique, cyclisme, natation, etc. Ces activités seront maximale (c’est le cas des exercices à haute intensité intermit-
proposées en définissant pour chacune d’entre elles la durée, la tents) [6] . Mais même des exercices aérobie de faible intensité et de
fréquence et l’intensité de pratique. durée supérieure ou égale à 60 minutes augmentent la sensibilité
Des études récentes ont également montré que ces exercices à l’insuline chez les sujets obèses, insulinorésistants.
physiques réalisés à haute intensité, sur de courtes durées, entre- [2, 7]
coupés de périodes de récupération, et répétés (high intensity Effets de l’entraînement (in )
intermittent training [HIIT]), avaient des effets aussi marqués sur L’entraînement en endurance augmente la sensibilité à
l’amélioration des capacités cardiorespiratoires que des exercices l’insuline chez le sujet sain ou insulinorésistant, normoglycé-
d’intensité moindre et maintenus beaucoup plus longtemps. Cette mique ou DT2. Ces données ont été obtenues aussi bien dans
modalité de pratique est associée à une réduction du temps consa- les études transversales (comparant des sujets inactifs à des sujets
cré à l’AP [2, 3] . entraînés en endurance) que dans les études d’intervention (où
des sujets peu actifs ont été soumis à un entraînement). Cette limitation de la perte de la masse et de la fonction musculaires,
augmentation de la sensibilité à l’insuline (qui se traduit par une une prévention de l’ostéoporose, une amélioration du profil ten-
consommation de glucose majorée de 30 à 40 %) peut se prolon- sionnel et du contrôle glycémique [4] .
ger jusqu’à 48 à 72 heures après la dernière session d’exercice,
ce qui permet d’exclure un effet aigu du dernier exercice
réalisé.
L’entraînement en endurance augmente la sensibilité
Activité physique régulière
musculaire à l’insuline chez les sujets prédiabétiques et DT2 et prévention du diabète
en proportion avec la charge totale d’AP hebdomadaire, quelle
que soit l’intensité à laquelle l’exercice est réalisé [8] . Même une de type 2
faible charge hebdomadaire (15 minutes d’AP d’intensité modé-
rée cinq fois par semaine) augmente la sensibilité à l’insuline L’activité physique régulière est un facteur
chez l’adulte initialement physiquement inactif [8] . Ce sont ceux de prévention du DT2 chez les sujets à hauts
qui ont au départ l’insulinorésistance la plus importante qui pré-
sentent les plus grandes améliorations avec un effet dose-réponse
risques métaboliques
entre la quantité d’exercice et l’augmentation de la sensibilité à Résultats des grandes études d’intervention
l’insuline [8] .
Les effets de l’entraînement sur le métabolisme du glucose sont Les cinq grandes études d’intervention qui ont été publiées
multiples : augmentation de la signalisation post-récepteur de depuis le milieu des années 1990 ont confirmé l’intérêt des modifi-
l’insuline, du transport du glucose, de la capacité oxydative du cations du mode de vie (AP et/ou alimentation) chez des individus
muscle, de la densité capillaire et de la vasodilatation monoxyde à risque de développer un DT2 (intolérants au glucose). Sur le plan
d’azote (NO)-dépendante, diminution de la production hépatique méthodologique, il s’agissait d’études interventionnelles dont la
de glucose, modification de la composition musculaire (augmen- durée était supérieure ou égale à trois ans, randomisées avec
tation de la proportion de fibres oxydatives de type I) et, en plus groupe contrôle, ayant inclus un nombre élevé de sujets d’origine
pour l’entraînement de type renforcement musculaire (RM), aug- ethnique variée (in [1] ). Elles rapportent des résultats similaires :
mentation de la masse musculaire et donc de la capacité totale à réduction de 28 à 67 % de l’incidence du DT2 chez des sujets into-
utiliser le glucose. lérants au glucose après 3 à 6 ans. Ces études interventionnelles
Tous les types d’entraînement augmentent la sensibilité à permettent donc de confirmer de façon convaincante (niveau I de
l’insuline et de façon équivalente en termes d’efficacité : RM, preuve) que l’AP représente un moyen majeur dans le cadre d’une
entraînement en endurance, HIIT. Combiner endurance et des modification du mode de vie pour prévenir la survenue d’un DT2
exercices de RM apporte les plus fortes améliorations sur la sensi- chez des sujets à risques métaboliques élevés.
bilité à l’insuline [2] .
Enfin, ces effets sont obtenus même sans perte de poids, mais L’effet de l’AP est indépendant de la diététique
ils sont réversibles avec le désentraînement. et de la perte de poids
Dans les cinq études citées, c’est l’effet combiné des conseils
Effets de la pratique régulière de l’AP alimentaires et de l’AP (et souvent d’une perte de poids modérée)
sur le métabolisme des acides gras [2, 7] qui a été étudié. Seule l’étude chinoise Da Quing [11] , une des plus
anciennes, a inclus un groupe exercice seul. Par rapport au groupe
L’entraînement en endurance augmente l’oxydation des acides témoin, la prévalence du DT2 au bout de six ans était réduite de
gras au cours de l’exercice musculaire d’intensité modérée en 46 % dans le groupe exercice (versus 42 % dans le groupe diété-
agissant sur les différentes étapes de la lipolyse adipocytaire, du tique plus exercice et 31 % dans le groupe diététique) démontrant
transport intramusculaire des acides gras à longue chaîne, et de un effet significatif de l’AP per se. Afin de préciser ces résultats, une
leur oxydation dans les mitochondries des fibres musculaires. Ces analyse post hoc a été réalisée sur la cohorte de l’étude finlandaise
effets biologiques de l’AP régulière contribuent à augmenter la DPS [12] . Quand l’ensemble des sujets est pris en considération
mobilisation, le transport et l’utilisation métabolique des acides indépendamment du groupe de traitement, les résultats montrent
gras au cours de l’exercice. que marcher au moins 2,5 h par semaine diminue le risque de DT2
de près de 65 %, et cela indépendamment des effets des conseils
alimentaires ou de l’indice de masse corporelle [IMC] de départ et
Autres effets de l’AP régulière de type de sa variation au cours du suivi. Il ressort aussi de ce travail que
endurance sont bénéfiques à la fois l’AP d’intensité modérée à intense et l’AP
de faible intensité et cela toujours indépendamment des apports
La capacité en endurance est reconnue aujourd’hui comme un alimentaires ou de l’IMC. Ces données suggèrent que dans ces
facteur prédictif puissant et indépendant de mortalité. Elle est un populations à risques métaboliques élevés, inactives et le plus sou-
excellent témoin de la capacité individuelle d’exercice et est aug- vent obèses, la durée de l’AP et l’énergie totale dépensée comptent
mentée par l’AP régulière. Tout gain de 1 MET s’accompagne d’une davantage que l’intensité à laquelle cette AP est réalisée.
réduction de 12 % de la mortalité chez les sujets en bonne santé
et chez les sujets présentant une pathologie chronique (cardio-
vasculaire, métabolique ou respiratoire) [9] , quel que soit leur âge Les effets de l’AP se prolongent au-delà
(60–65 ans, > 70 ans). de la période d’accompagnement actif
Chez les sujets DT2, l’AP en endurance est associée à une dimi- (« coaching »)
nution significative de la mortalité totale et cardiovasculaire [10] .
Dans les cinq études d’intervention, la durée moyenne de la
période d’intervention a été de 3 à 4 ans. Les résultats à sept, dix,
Autres effets de l’AP régulière de type 15 et 20 ans de trois de ces études ont été publiés. Par rapport au
renforcement musculaire groupe contrôle, les sujets du groupe intervention ont une inci-
dence du DT2 diminuée de 27 à 43 % sur une période cumulée de
La force et la masse musculaires sont développées au cours 7 à 20 ans. Ainsi, une intervention modifiant le mode de vie pen-
de l’entraînement de type RM. Cependant depuis une dizaine dant 3 à 6 ans peut prévenir ou retarder la survenue du DT2 jusqu’à
d’années, les effets démontrés de ce type d’AP sur la santé car- au moins 14 à 15 ans après la période d’intervention active [11] .
diométabolique et osseuse ont conduit à le proposer aussi dans En conclusion, les études interventionnelles permettent de
les programmes d’AP chez les sujets à risques de développer un confirmer de façon convaincante (niveau I de preuve) que l’AP
DT2 et avec un DT2. représente un moyen majeur dans le cadre d’une modification du
Chez ces patients, l’entraînement de type RM est associé à une mode de vie pour prévenir la survenue d’un DT2 chez des sujets
augmentation de la force musculaire, des capacités physiques, une à risques métaboliques élevés (intolérants au glucose) : réduction
1 MET-h/sem s’associe à une diminution de la mortalité totale de contrôle glycémique et à la présence de plusieurs risques méta-
9 % et cardiovasculaire de 7 %. boliques [24, 25] . À l’inverse, interrompre les périodes prolongées
La réduction des risques cardiovasculaires (IMC, tour de taille, de position assise par des pauses en position debout (breaks) de
profil lipidique et tensionnel) est identique quel que soit le type moins de cinq minutes ou une AP de faible intensité (marche,
d’AP : endurance ou RM (méta-analyse de 12 études chez des déambulation) toutes les 30 minutes améliore le contrôle glycé-
adultes ayant un DT2) [18] . mique chez les sujets sédentaires en surpoids/obèses et chez les
femmes ayant une intolérance au glucose [26] .
Chez les sujets ayant un DT2, interrompre des périodes assises
Autres effets de l’AP régulière chez les sujets prolongées par 15 minutes de marche en postprandial après
ayant un DT2 chaque repas (trois fois par jour) ou par trois minutes de marche
à faible intensité (donc à une intensité inférieure aux recomman-
Look AHEAD Study [19] est une étude d’intervention randomi- dations) toutes les 30 minutes ou par trois minutes de marche
sée multicentrique (États-Unis) avec intervention intensive sur à faible intensité et des exercices de renforcement musculaire
le mode de vie chez des patients DT2 en surpoids ou obèses. employant uniquement le poids du corps toutes les 30 minutes
L’intervention (groupe intensif) associait régime hypocalorique améliore la glycémie postprandiale (et l’insulinémie), diminuant
et hypolipidique à un programme d’AP supervisé pendant un an ainsi les excursions glycémiques postprandiales [27] . L’efficacité à
(175 min/sem d’AP) puis un suivi régulier, avec un objectif de long terme sur la santé et sur l’équilibre glycémique reste à déter-
perte de 7 % du poids initial à un an, à maintenir par la suite. La miner pour les sujets avec ou sans DT2.
prise en charge « standard » se limitait à trois sessions annuelles En conclusion, la sédentarité est un facteur de risque indé-
d’éducation diététique et d’encouragement à l’AP en groupes. pendant du niveau d’AP du risque de développer un DT2. Il est
À dix ans, de nombreux critères de jugement secondaires ont été important de diminuer le temps total passé assis pour diminuer
significativement améliorés dans le groupe intensif par comparai- le risque de DT2 et pour limiter les excursions glycémiques post-
son au groupe standard (in [20] ). Ainsi, chez des sujets DT2 d’âge prandiales chez les DT2.
moyen 59 ans dont 86 % sont obèses et dont 15 % insulinotrai-
tés, les effets de l’AP et la diététique sont multifactoriels : poids,
équilibre glycémique, profil lipidique, diminution des besoins et Recommandations d’activité
coûts des traitements, apnées du sommeil, incidence plus faible
de néphropathie diabétique rénale sévère et de la rétinopathie, physique
de dépression, dysfonction sexuelle, incontinence urinaire, gonal-
gies, meilleure mobilité, qualité de vie et diminution des coûts de Recommandations
santé.
Les recommandations actuelles chez les sujets à hauts risques
En revanche, elle n’a pas montré de réduction de l’incidence
métaboliques de développer un DT2 et chez les patients DT2 sont
des maladies cardiovasculaires à dix ans chez des patients DT2 en
centrées sur l’amélioration de l’équilibre glycémique, le maintien
surpoids ou obèses [19] . L’absence d’effet sur les objectifs cardiovas-
du poids, et la réduction du risque cardiovasculaire. Pour l’AP, elles
culaires peut s’expliquer par la non-stratification en fonction de
associent trois points [2, 7] : lutter contre la sédentarité, augmen-
l’AP des patients (mesurée seulement les quatre premières années)
ter l’AP dans la vie quotidienne et pratiquer une AP structurée
et les caractéristiques des sujets inclus : à l’entrée de l’étude, l’âge
régulièrement.
moyen des sujets était de 59 ans et leur IMC supérieur à 36 kg/m2 .
Or les changements obtenus sur dix ans (durée de l’étude) ont
peu d’impact par rapport aux effets de plusieurs décennies de sur- Lutter contre la sédentarité
poids. D’autre part, il faut plus de dix ans pour que les effets d’une Quel que soit le contexte (travail, transport, domestique, loi-
prise en charge intensive se manifestent sur la macroangiopathie. sirs), il est recommandé :
Enfin, il aurait fallu contrôler dans le groupe intensif tous les fac- • de réduire le temps total quotidien passé en position assise,
teurs de risque aussi strictement que dans le groupe standard. Ainsi autant que faire se peut (il n’existe pas actuellement de consen-
l’étude Sténo-2 a montré que chez des DT2 une réduction adaptée sus sur la durée maximale recommandée pour le temps passé à
de la pression artérielle, associée à un contrôle glycémique, une ces occupations sédentaires) ;
prescription de statines et une intervention sur le mode de vie • d’interrompre les périodes prolongées passées en position assise
ont conduit à une amélioration rapide et significative (sur le plan ou allongée, toutes les heures ou toutes les 90 minutes par une
statistique mais aussi clinique) des objectifs cardiovasculaires [21] . minute toutes les heures ou 5 à 10 minutes toutes les 90 minutes
En conclusion, les adultes ayant un DT2 devraient idéalement par une AP de faible intensité (marche lente).
associer une AP régulière combinant endurance et RM pour des
résultats optimaux sur les paramètres glycémiques, en particulier,
Augmenter l’AP dans la vie quotidienne
et sur la santé globale.
Les patients DT2 sont encouragés à augmenter leur AP au
quotidien (activités dites non structurées) en privilégiant les
Rôle de la lutte contre déplacements à pied, ou prendre le vélo plutôt que la voiture,
les escaliers à la place de l’ascenseur, etc. Une population peu
la sédentarité dans la prévention active bénéficiera, sur le plan de nombreux paramètres de santé,
d’une augmentation de l’AP des 24 heures en utilisant toutes les
et la prise en charge du DT2 opportunités d’augmenter son activité (quelle que soit l’intensité
de l’exercice).
Indépendamment du niveau d’AP d’intensité modérée à
intense, des temps prolongés assis (au bureau, devant un écran,
Pratiquer des activités physiques et/ou sportives
lors des transports, etc.) sont associés à des risques augmen-
tés de développer des pathologies cardiovasculaires et certains structurées
cancers (côlon, endomètre) et à une mortalité prématurée aug- Exercices d’endurance.
mentée [22, 23] . Ils sont aussi associés à un risque significativement Fréquence : au moins trois jours par semaine (voire tous les jours
plus élevé de développer un DT2 et une obésité [22, 23] . À l’inverse, si possible) avec pas plus de deux jours consécutifs sans AP.
même des activités de faible intensité comme rester debout ou Intensité : au moins modérée, voire intense.
marcher dans la maison ou au travail (déambulation, AP de faible Durée : au minimum 150 minutes par semaine d’activités
intensité < 3 MET) sont associées à un risque plus faible de déve- d’intensité modérée, pratiquées par sessions d’au moins dix
lopper un DT2. minutes à chaque fois dans le but d’arriver au minimum à
Chez les sujets à risques de développer un DT2 et chez les DT2, 30 minutes par jour, et réparties dans la semaine, au moins trois
des périodes prolongées assises sont associées à un moins bon jours par semaine.
Tableau 2.
Classification des activités physiques en fonction de leurs intensités et de l’évaluation subjective de leur tolérance (d’après [1] ).
Intensité Mesures objectives Mesures subjectives Exemples
Sédentaire < 1,6 MET Pas d’essoufflement Regarder la télévision
< 40 % FCmax Pas de transpiration Lire, écrire, travail de bureau (position assise)
< 20 % VO2 max Pénibilité de l’effort < 2 a
Faible 1,6 à 3 MET Pas d’essoufflement Marcher (< 4 km/h) b
40 à 55 % FCmax Pas de transpiration Promener son chien
20 à 40 % VO2 max Pénibilité : 3 à 4 Conduire (voiture)
S’habiller, manger, déplacer de petits objets
Activités manuelles ou lecture (debout)
Modérée 3 à 5,9 MET Essoufflement modéré Marche (4 à 6,5 km/h) b , course à pied (< 8 km/h) b ,
55 à 70 % FCmax Conversation possible vélo (15 km/h) b
40 à 60 % VO2 max Transpiration modérée Monter les escaliers (vitesse faible)
Pénibilité : 5 à 6 Nager (loisirs), jouer au tennis
Peut être maintenu 30 à 60 min a
Élevée 6 à 8,9 MET Essoufflement important Marche (> 6,5 km/h ou en pente) b , course à pied (8 à
70 à 90 % FCmax Conversation difficile 9 km/h) b , vélo (20 km/h) b
60 à 85 % VO2 max Transpiration abondante Monter rapidement les escaliers
Pénibilité : 7 à 8 Déplacer des charges lourdes
Ne peut être maintenu plus de 30 min b
Très élevée ≥ 9 MET Essoufflement très important Course à pied (9 à 28 km/h) b
< 90 % FCmax Conversation impossible Cyclisme (> 25 km/h) b
< 85 % VO2 max Transpiration très abondante
Pénibilité > 8
Ne peut être maintenu plus de 10 min b
MET : metabolic equivalent task ; FC : fréquence cardiaque ; VO2 max : volume maximal d’oxygène.
a
Sur une échelle de 0 à 10 (Organisation mondiale de la santé [OMS]).
b
Ces repères sont donnés à titre d’exemples, pour un adulte d’âge moyen, de condition physique moyenne.
Pour les sujets capables d’avoir une AP d’intensité élevée (par patient à un exercice qui fait transpirer et qui induit un essouffle-
exemple courir à ∼10 km/h pendant 25 minutes de façon conti- ment qui empêche de maintenir une conversation et une sudation
nue), 75 minutes par semaine d’AP intense, en trois sessions de importante (exemple : montée rapide d’escaliers).
25 minutes chacune. Cette AP intense peut se concevoir de façon Il est important de rappeler que les 30 minutes d’AP d’intensité
isolée ou en association avec une activité d’endurance d’intensité modérée peuvent être réparties en fractions de dix minutes cha-
modérée. cune.
Exercices contre résistance (renforcement musculaire) :
• fréquence : au moins deux fois par semaine, sur des jours non
consécutifs ; Précautions et activités
• intensité modérée : 50 % d’une répétition maximale [1-RM] à
élevée : 75 à 80 % de 1-RM ; physiques recommandées
• durée : chaque session devrait au minimum inclure cinq à
dix exercices impliquant les principaux groupes musculaires
en présence de comorbidités
avec réalisation de 10 à 15 répétitions jusqu’à apparition de la
fatigue, avec une progression au cours du temps vers des charges
Complications cardiovasculaires
plus élevées soulevées huit à dix fois (= une série) ; De nombreux arguments plaident pour un effet cardiovascu-
• séries : trois séries de huit à dix répétitions par exercice. laire bénéfique de l’AP chez le sujet en bonne santé comme chez
Dans tous les cas, une approche individualisée et progressive est le DT2, en prévention primaire et en prévention tertiaire [17, 28] .
recommandée pour éviter le risque d’accident et pour augmenter En prévention tertiaire, l’AP est indiquée si la pathologie car-
la compliance. L’importance d’une période initiale d’exercice sous diovasculaire est stabilisée, avec les particularités suivantes :
supervision, qui peut bénéficier des compétences d’un profession- • hypertension artérielle (HTA) stable : endurance et RM en évi-
nel de l’AP adaptée, est soulignée. tant les manœuvres de Valsalva ;
Les exercices d’étirement et d’assouplissement sont à ajouter et à • pathologies coronariennes et AVC : après infarctus du myo-
réaliser régulièrement, au minimum deux à trois fois par semaine. carde, syndrome coronarien aigu, AVC : l’AP doit être démarrée
sous supervision en unité de réadaptation cardiovasculaire puis
poursuivie à domicile, associant endurance et RM [2, 7] .
Repères pratiques : traduire les prescriptions
d’intensité d’exercice pour le patient [1] Rétinopathie
(Tableau 2)
Chez les DT2, la présence d’une rétinopathie instable ou d’une
Exercices d’intensité modérée (40 à 60 % du volume d’oxygène rétinopathie proliférante sévère est une contre-indication à la pra-
maximal [VO2 max] ou 55 à 70 % de la fréquence cardiaque maxi- tique d’une AP d’intensité élevée, car celle-ci pourrait entraîner
male ou 3-6 MET) (exemple : marche à allure modérée) : autour l’aggravation de la rétinopathie (survenue d’hémorragies intravi-
de 3 MET, ces activités entraînent une légère augmentation de la tréennes ou d’un décollement rétinien). Sinon, même en cas de
température corporelle et donc une sensation de chaleur. Lorsque rétinopathie proliférante, l’AP telle que la marche, la natation,
l’intensité augmente, ces activités se caractérisent par un essouf- l’utilisation de vélo d’appartement est autorisée en évitant les
flement, qui ne doit toutefois pas constituer un obstacle à une exercices de forte intensité [2, 7] .
conversation suivie, ainsi qu’une transpiration modérée à impor- En présence d’une rétinopathie modérée non proliférante, la
tante. Les activités d’une telle intensité peuvent être généralement seule contre-indication est la pratique d’activités sportives ris-
maintenues entre 30 et 60 minutes. quant d’entraîner une élévation tensionnelle majeure et brutale
Exercices intenses (> 60 % VO2 max ou 70–90 % de la fréquence (telles que l’haltérophilie), ou s’apparentant à une manœuvre de
cardiaque maximale ou > 6 MET) : ils correspondent pour le Valsalva.
En dehors de ces cas, l’AP ne présente pas de risque vis-à-vis de la nécessaire avec une diminution de la posologie (voire un arrêt)
rétinopathie. Au contraire, la pratique d’AP régulière est associée du sulfamide hypoglycémiant précédant l’exercice. Il faut surtout
à une diminution du risque d’avoir une rétinopathie diabétique surveiller la glycémie de début et de fin d’exercice (et rajouter une
proliférante chez la femme diabétique [2, 7] . collation de 20 g de glucides si la glycémie au cours ou en fin
d’exercice est inférieure à 0,80 g/l).
Le risque hypoglycémique lié à l’utilisation des glinides semble-
Microalbuminurie et néphropathie rait plus faible que celui associé aux sulfamides, car ces molécules
ont un effet plus rapide, plus bref et un pouvoir hypoglycémiant
Une session d’exercice peut élever transitoirement la microal-
plus faible que les sulfamides. Néanmoins, en l’absence de don-
buminurie (du fait de l’augmentation de la pression artérielle
nées objectives, la prudence s’impose et il est donc conseillé de
pendant l’exercice). Cependant, cette augmentation est transi-
réduire la posologie avant un exercice.
toire et la microalbuminurie induite par l’exercice n’est pas un
La diminution de la posologie des biguanides, de l’acarbose et
marqueur prédictif de la microalbuminurie permanente dans le
des médicaments dits « incrétines » (agonistes du glucagon-like
DT2 [2, 7] . Des études épidémiologiques suggèrent, au contraire,
peptide-1 [GLP-1] et inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase-4 [DPP4])
une association entre l’AP régulière et une meilleure fonction
n’est pas nécessaire, car il s’agit de molécules n’induisant aucun
rénale chez des patients diabétiques. De plus, une participation
risque hypoglycémique.
régulière à des AP d’intensité modérée à intense retarde la pro-
Il est par ailleurs possible qu’une diminution des antidia-
gression de la néphropathie diabétique [2, 7] .
bétiques oraux soit nécessaire après un certain temps lorsque
En cas d’insuffisance rénale, l’AP à type de RM permet de
l’entraînement est efficace sur le contrôle métabolique.
lutter contre la sarcopénie. Chez le patient dialysé, l’exercice régu-
Enfin, lorsque le patient est insulinotraité, les conseils de dimi-
lier améliore la capacité oxydative musculaire, la qualité de vie,
nution des doses d’insuline donnés aux patients diabétiques
le contrôle tensionnel, le profil lipidique, la rigidité artérielle,
insulinodépendants sont applicables. Le choix et la posologie de
l’insulinosensibilité, les marqueurs de l’inflammation et l’anémie.
bêtabloquants (dont l’indication incontournable est celle d’un
Au total, la présence d’une néphropathie n’est pas une contre-
angor chronique stable) doivent être adaptés afin de ne pas entraî-
indication à la pratique d’une AP. Et il faut penser à demander à un
ner de limitation importante à l’exercice. En ce qui concerne
patient chez qui on découvre une microalbuminurie anormale, si
le risque de masquer les signes d’hypoglycémie au cours des
la veille du prélèvement il a eu une AP intense.
exercices prolongés, il faut surtout intensifier la surveillance gly-
cémique chez ces sujets.
Neuropathie périphérique [2, 7]
L’AP a un effet bénéfique démontré dans la prévention de la
neuropathie périphérique sensitivomotrice diabétique.
En pratique
Chez les sujets ayant une neuropathie diabétique, la présence
d’un mal perforant plantaire, contre-indique de façon absolue la
Avant la prescription
pratique d’une AP en charge concernant non seulement le pied
Évaluation du niveau habituel d’AP et du temps
lésé, mais aussi le pied controlatéral.
de sédentarité
Méthodes déclaratives
Arthrose La méthode du carnet (ou journal) d’AP correspond au report
La masse musculaire et les capacités physiques diminuent phy- par le sujet lui-même de ses activités sur un carnet à intervalles
siologiquement avec l’âge, mais la présence d’un DT2 accélère la réguliers et permet une autoévaluation par le patient au cours du
perte de masse musculaire. De ce fait, les DT2 sont à risques éle- suivi.
vés d’incapacité physique et plus particulièrement de perte ou de Les questionnaires représentent la méthode d’évaluation de
réduction de la mobilité. l’AP la plus répandue. En pratique clinique, des questions simples
Plusieurs mécanismes se surajoutent pour diminuer la mobi- doivent permettre d’évaluer de façon systématique, en quelques
lité chez les sujets DT2 autour d’un cercle vicieux centré sur minutes :
l’arthrose : augmentation de l’inactivité physique, augmentation • l’AP habituelle des patients dans les quatre domaines : AP pro-
de l’incidence des pathologies arthrosiques et des comorbidités fessionnelle, domestique (ménage), lors des loisirs (activités
associées au DT2 (neuropathie périphérique) et à l’obésité, modi- sportives mais aussi jardinage, bricolage, etc.), lors des dépla-
fication de la composition corporelle avec perte de la masse et de cements et trajets ;
la qualité musculaires (sarcopénie relative). • et les temps de sédentarité (entre le lever et le coucher) : temps
L’AP d’intensité modérée et le RM font partie du traitement non passé assis au travail, lors des transports passifs (en voiture,
pharmacologique recommandé de l’arthrose, quelle que soit la transports collectifs), et à la maison (écrans, lecture, etc.).
population [29] . Chez les sujets ayant une arthrose modérée, l’AP Pour chaque AP, il faut noter le type, la durée, la fréquence
diminue aussi la douleur, l’inflammation et augmente les ampli- (nombre de fois par semaine) et l’intensité (faible, modérée,
tudes articulaires [30] . Il est recommandé de privilégier les activités intense). Pour les personnes qui travaillent, les questionnaires
portées (natation, vélo, aquagym) et les exercices de RM. doivent être renseignés lors des jours travaillés et lors des jours
En conclusion, la présence de complications dégénératives non travaillés.
du diabète n’est pas une contre-indication à la pratique d’une Méthodes objectives
AP régulière. Les effets aggravants potentiels de l’AP sur des
Le podomètre, le plus simple et le plus utile des compteurs
complications existantes sont largement contrebalancés par les
de mouvement, permet de mesurer le nombre de pas effectués
effets bénéfiques.
en marchant ou en courant. Après avoir mesuré la longueur du
pas habituel du sujet, le résultat peut être converti en distance
parcourue. Le podomètre ne permet pas d’évaluer l’intensité du
Interactions entre mouvement ni la dépense énergétique liée à l’activité. La précision
médicaments et activité dans l’estimation du nombre de pas effectués et de la distance
parcourue est variable en fonction des modèles disponibles. Le
physique [2, 7]
podomètre permet une autoévaluation par les sujets eux-mêmes
de leur activité ambulatoire, pouvant aider à fixer des objectifs réa-
Les sulfamides hypoglycémiants sont capables d’induire une listes et à évaluer s’ils ont été atteints. Une méta-analyse récente a
hypoglycémie lors de l’exercice lorsque les patients sont bien montré une différence de plus de 2000 pas/j en moyenne en com-
équilibrés et que l’exercice est de durée prolongée (> 60 min). parant dans des études d’intervention les groupes ayant porté un
Dans ces cas particuliers un ajustement des doses peut parfois être podomètre par rapport aux groupes sans instrument.
L’accéléromètre est un compteur de mouvement plus sophis- Secondairement ou de prime abord si la première étape n’est
tiqué, utilisé actuellement surtout dans le cadre de la recherche. pas nécessaire, le relais peut être assuré par des structures propo-
La mesure du signal d’accélération-décélération permet d’obtenir sant des activités physiques et sportives adaptées aux patients :
une estimation du mouvement et de son intensité dans la vie cou- associations de patients, associations sportives (marche nordique,
rante. Des profils individuels d’AP, et de sédentarité, peuvent être athlécoach, aquagym, natation, etc.) (à noter : certaines fédéra-
définis. La diffusion d’accéléromètres dans les smartphones per- tions sportives pour adultes proposent maintenant des activités
met d’estimer (faible validité des mesures obtenues, mais bonne sportives adaptées aux maladies chroniques avec des profession-
autoestimation intra-individuelle) l’AP quotidienne, au moins nels formés aux pathologies chroniques).
pour les données transformées en nombre de pas par jour (ne pas L’important est que le patient continue à être suivi régu-
tenir compte des valeurs de dépense énergétique). lièrement par son médecin et bénéficie d’un soutien (familial,
pair, professionnel sportif compétent...). À cet effet, les nouvelles
Autres éléments à renseigner technologies connectées ou non (podomètre, smartphone, télé-
médecine) peuvent être une aide à l’évaluation de son AP et de
Il s’agit des conditions de vie du patient : quartier de résidence, sa progression en interactivité avec le médecin, le professionnel
zone urbaine, suburbaine ou rurale, conditions climatiques ; type sportif, voire un pair (autre patient DT2 physiquement actif).
d’habitat (maison, immeuble) ; offre en services à proximité, équi- Il est possible de faire appel ponctuellement aux structures
pements, espaces verts, infrastructures de transport. de réadaptation cardiovasculaire : la réadaptation s’adresse aux
patients diabétiques porteurs d’une pathologie cardiovasculaire
Évaluation, des facteurs favorisants, des freins dans le respect des indications mais aussi, au titre de la préven-
et de la motivation à la pratique de l’AP tion primaire, en tant que patients à haut risque cardiovasculaire,
en particulier lorsque les modifications comportementales (ali-
La prise en compte des freins et des facteurs favorisants consti-
mentaires, sevrage tabagique et pratique d’activités physiques
tue le socle du diagnostic éducatif concernant l’accompagnement
régulières) sont de réalisation difficile sans accompagnement. La
à l’AP.
prise en charge ambulatoire est la règle dans cette indication.
Parmi les freins, le soignant doit permettre au patient de les
exprimer par l’intermédiaire de l’entretien motivationnel.
Le médecin reste la principale source d’information des patients Surveillance
sur les modifications du mode de vie (nutrition et AP). Les barrières
perçues par le médecin à la pratique de l’AP chez leurs patients Surveillance métabolique
ainsi que le niveau d’AP des médecins sont corrélés au niveau Elle est indiquée au début de la pratique, à titre éducatif,
d’AP de leurs patients diabétiques [30] . pour que le patient puisse prendre conscience de l’effet de
l’AP sur ses glycémies. L’autosurveillance glycémique (avant et
Dans quels cas faut-il faire un bilan avant AP chez après l’exercice) est aussi recommandée pour les DT2 à risque
le DT2 ? d’hypoglycémie (traitement par sulfamides, glinides et/ou insu-
line) quand ils s’engagent dans une AP, surtout au moment de la
Pour les sujets désirant participer à des AP de faible intensité période d’initiation ou lors de la réalisation d’un exercice inha-
comme la marche, la décision revient au clinicien de savoir s’il bituel et/ou de durée prolongée. Par la suite, quand le diabétique
y a nécessité de rajouter d’autres investigations que celles déjà connaîtra ses réponses glycémiques à un type d’exercice donné,
réalisées dans le cadre du bilan du diabète. En règle générale, la l’autosurveillance pourra être allégée quand il réalisera ce type
prescription d’une AP régulière ne modifie pas le rythme de la d’exercice.
surveillance du bilan du diabète (vérification de l’équilibre méta- L’utilisation d’un carnet de suivi est conseillée pour noter la
bolique, recherche de complications dégénératives). durée de séances et surtout les résultats de l’autosurveillance gly-
En revanche, si le patient souhaite démarrer une AP d’intensité cémique avant et après exercice. Il permet au patient d’adapter ses
élevée, il peut y avoir indication à réaliser une épreuve d’effort. doses d’hypoglycémiants avec l’aide du diabétologue et, surtout,
Celle-ci est également indiquée chez les patients potentiellement à cette autosurveillance glycémique démontre au patient les effets
très haut risque ischémique comme ceux qui ont une longue durée bénéfiques de l’activité sur ses glycémies.
d’exposition au diabète et qui présentent de multiples facteurs de
À noter que le meilleur moment pour utiliser l’effet poten-
risque associés mal contrôlés (cf. Recommandations de la Société
tiellement hypoglycémiant des exercices d’endurance se situe en
française de cardiologie et de la Société francophone du diabète).
postprandial.
réseaux Diabète, etc.) avec acquisition des compétences néces- [11] Li G, Zhang P, Wang J, Gregg EW, Yang W, Gong Q, et al. The long-
saires à l’amélioration de l’état de santé et à la gestion du diabète term effect of lifestyle interventions to prevent diabetes in the China
en particulier (importance de l’éducation thérapeutique) et un Da Qing Diabetes Prevention Study: a 20-year follow-up study. Lancet
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sical inactivity and risk of type 2 diabetes in women. Diabetes Care
• L’AP permet de réduire de 50 % en moyenne l’incidence 2007;30:53–8.
du DT2 sur une période de 15 à 20 ans chez des sujets à [14] Yates T, Haffner SM, Schulte PJ, Thomas L, Huffman KM, Bales
risques métaboliques élevés (intolérants au glucose). CW, et al. Association between change in daily ambulatory acti-
vity and cardiovascular events in people with impaired glucose
• Chez les sujets ayant un DT2, l’AP régulière améliore
tolerance (NAVIGATOR trial): a cohort analysis. Lancet 2014;383:
l’équilibre glycémique (diminution de l’HbA1c de –0,51 1059–66.
à –0,73 %) et réduit les facteurs de risques cardiovascu- [15] Delahanty LM, Dalton KM, Porneala B, Chang Y, Goldman VM, Levy
laires, quel que soit le type d’AP (endurance, renforcement D, et al. Improving diabetes outcomes through lifestyle change–A
musculaire ou combinaison des deux). randomized controlled trial. Obesity 2015;23:1792–9.
• La sédentarité est un facteur de risque de développer un [16] Umpierre D, Ribeiro PA, Schaan BD, Ribeiro JP. Volume of supervised
exercise training impacts glycaemic control in patients with type 2 dia-
DT2, indépendant du niveau d’AP.
betes: a systematic review with meta-regression analysis. Diabetologia
• La présence de complications dégénératives du diabète 2013;56:242–51.
n’est pas une contre-indication à la pratique d’une AP [17] Kodama S, Tanaka S, Heianza Y, Fujihara K, Horikawa C, Shimano
régulière. H, et al. Association between physical activity and risk of all-cause
• La prescription d’AP doit être individualisée, adaptée et mortality and cardiovascular disease in patients with diabetes: a meta-
progressive. analysis. Diabetes Care 2013;36:471–9.
• Les effets favorables de l’exercice sont de durée limitée [18] Yang Z, Scott CA, Mao C, Tang J, Farmer AJ. Resistance exercise
versus aerobic exercise for type 2 diabetes: a systematic review and
dans le temps, d’où l’importance de la régularité de l’AP meta-analysis. Sports Med 2014;44:487–99.
et de son maintien à long terme. [19] Wing RR, Bolin P, Brancati FL, Bray GA, Clark JM, Coday M, et al.
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Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts tifactorial intervention on mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Duclos M. Activité physique dans le diabète de type 2. EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-10
[Article 3-0815].
Le nombre de greffes hépatiques réalisées chaque année en France ne cesse d’augmenter. Cette croissance
ne permet pourtant pas de satisfaire à une demande toujours plus importante. Aujourd’hui, il y a deux
fois plus de malades en attente de greffe que de greffons disponibles. Cet état de pénurie fait de la
transplantation d’organes, et de foie en particulier, – en l’absence de solution alternative comme la dialyse
ou le cœur artificiel – un exercice complexe. Il ne s’agit pas simplement de reconnaître l’indication chez le
bon patient mais il faut aussi reconnaître le bon moment en intégrant le délai qu’il faudra probablement
attendre pour trouver le bon greffon. La maîtrise de cette stratégie, les progrès de l’immunosuppression et
l’expertise chirurgicale assurent aujourd’hui de très bons résultats. Pratiquement 70 % des greffés vivent
normalement après la greffe, toutes indications confondues. Ces résultats sont le fruit d’indications bien
posées, au bon moment, d’une expertise dans la réalisation du geste technique, d’une prise en charge
périopératoire adaptée à la gravité de la maladie initiale et au terrain du receveur, d’un suivi régulier et
attentif à la recherche des deux principales sources d’échecs au long cours : la récidive de la maladie initiale
et les complications des traitements immunosuppresseurs. Parmi les nombreux défis qui restent encore à
relever, l’amélioration de l’accès à la greffe est sans doute le plus prégnant. Cela suppose d’augmenter
le nombre des greffons et de réduire le délai d’attente sur la liste de greffe.
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Plan Introduction
■ Introduction 1 Depuis les premières tentatives au début des années 1970, le
nombre de greffes hépatiques réalisées chaque année en France
■ Organisation générale de la transplantation hépatique n’a jamais cessé d’augmenter : quelques-unes en 1980, 658 en
en France 2 1990 et presque 1500 en 2016. Toutes indications confondues,
■ Maladies du foie pouvant être traitées par la transplantation près de sept greffés sur dix sont bien portants dix ans après la
hépatique 2 greffe, résultats en constante amélioration [1] . Mais il y a deux fois
Cirrhoses 2 plus de malades en attente de greffe que de greffons disponibles. La
Carcinome hépatocellulaire 3 politique du « plus grave d’abord », le recours au donneur vivant
Retransplantations 4 et le prélèvement sur donneurs en arrêt circulatoire ne permettent
Insuffisances hépatiques aiguës graves 4 pas de réduire le fossé entre la demande et l’offre.
Maladies métaboliques et héréditaires 4 Cette pénurie de greffons fait de la transplantation d’organes,
Indications compassionnelles ou en devenir 4 et de foie en particulier (parce qu’il n’y a pas de solution alterna-
■ Moment de la maladie où procéder à l’inscription tive comme la dialyse ou le cœur artificiel), un exercice difficile
en liste d’attente 4 et oblige chaque équipe à s’assurer que chaque greffon utilisé va
En cas de cirrhose sans carcinome hépatocellulaire 5 donner le meilleur résultat possible, immédiatement et au long
En cas de carcinome hépatocellulaire sur cirrhose 5 cours.
En cas d’insuffisance hépatique aiguë grave 5 Dans ce contexte, la greffe de foie ne pouvait pas rester une
En cas de cholangiopathies primitives ou secondaires 6 affaire de centre ou d’équipe. En 1996, l’association France-
■
Transplant, régie par la loi de 1901, en charge de l’organisation de
Bilan prégreffe et suivi d’un malade en attente
de transplantation hépatique 6 la greffe, fait place à une agence d’État, l’Établissement français
des greffes, qui va devenir, en 2006, l’Agence de la biomédecine
■ Déroulement de la greffe 6 (ABM). Elle doit assurer équité et transparence dans l’allocation
■ Suivi d’un malade greffé 7 des greffons prélevés en France. Pour cela, elle fait appel à la
Notions d’immunosuppression 7 réflexion d’experts et de sociétés savantes pour évaluer les résultats
Complications de la transplantation hépatique 7 de chacun et faire évoluer les indications.
Modalités de surveillance 8 Rares sont les médecins généralistes qui n’ont pas dans leur
■ Conclusion 9 patientèle au moins un patient transplanté du foie. Si le rôle de la
surveillance spécialisée ne leur échoit pas, ils ne peuvent ignorer
les grands principes de ce traitement, pour savoir détecter tôt chez qui font l’objet d’une discussion au cas par cas pour indexer au
leur patient le dysfonctionnement du greffon, les premiers signes score foie une « composante expert », seule capable de raccourcir
d’une infection ou encore les effets indésirables des médicaments le délai d’attente.
antirejet pour l’adresser au plus vite à l’équipe de transplantation. C’est l’ABM qui organise et régule l’activité de la transplanta-
C’est donc à eux que s’adresse ce chapitre de l’EMC. Il est aussi tion hépatique. Elle gère la liste nationale d’attente, définit avec
utile aux étudiants en troisième cycle des études de médecine qui, les experts de la spécialité les composantes additionnelles, reçoit
souvent, fréquentent ces services spécialisés. Il s’adresse enfin aux toutes les propositions de greffon qu’elle répartit sur les malades
hépatologues, médecins ou chirurgiens, qui souhaitent devenir et le centre dont ils dépendent en fonction de leur rang sur la liste.
« transplanteurs ». La compatibilité immunologique se limite à l’identité du groupe
sanguin.
Aussitôt le greffon proposé par l’ABM à une équipe pour
Organisation générale un malade, seuls interviennent des critères morphologiques et
fonctionnels pour accepter ou refuser l’organe. Les greffons dits
de la transplantation hépatique « marginaux », parce que trop gros ou trop petits, stéatosiques,
en France plus ou moins fibreux, âgés, sont de plus en plus fréquents [4] .
Il y a actuellement 17 centres de transplantation hépatique
adulte en France. Toutes les spécialités médicales des établisse- Maladies du foie pouvant être
ments qui transplantent sont sollicitées dans la prise en charge
des malades avant, pendant et après la greffe. traitées par la transplantation
La liste d’attente de transplantation hépatique est unique et
nationale. Tout malade en attente de greffe en France doit y être
hépatique
inscrit, et ce dans un seul centre. Le rang de chaque malade sur la La transplantation hépatique s’adresse à tout malade dont la
liste dépend de la gravité de sa maladie. Pour pouvoir classer les survie est compromise à court terme par une maladie aiguë ou
malades, ce risque est quantifié par un score appelé « score foie ». chronique du foie, dès lors que toute autre forme de traitement
Le score foie est établi au moment de l’inscription et fixe le rang médical ou chirurgical est inefficace.
d’attente, puis est réajusté au minimum tous les trois mois. Le Les indications de greffe sont définies en six groupes, en dis-
score foie est calculé à partir du niveau de gravité de l’insuffisance tinguant les défaillances chroniques bien souvent associées à la
hépatique, évaluée par le model for end stage liver disease (MELD) cirrhose, et les insuffisances hépatiques aiguës graves qui sur-
résultat de la formule suivante : 0,957 × log (créatininémie en viennent sur un foie jusque-là normal.
mg/dl) + 0,378 × log (bilirubinémie en mg/dl) + 1,120 × log (inter- La Figure 1 montre cette classification et donne la proportion
national normalized ratio [INR]) + 6,4. C’est un puissant facteur de greffes réalisées dans chaque groupe en France en 2015. Le
prédictif de décès à trois mois chez le patient cirrhotique [2] . Tableau 1 rapporte le taux de survie des malades et des greffons
D’autres variables pondèrent le score foie, comme la nature de la implantés entre 1993 et 2014 [1] .
maladie (CHC, cirrhose) ou la distance qui sépare le lieu du prélè-
vement du greffon et le centre de greffe. Plus le MELD d’un patient
est élevé, plus son score foie s’élève (0 à 1000 points) et plus le délai
Cirrhoses
qui le sépare de la greffe est court. Depuis la mise en place du score La Figure 2 montre les différentes indications de greffe de foie
foie, la mortalité en liste d’attente n’augmente plus, sans que ce pour cirrhose en France en 2015 [1] .
soit accrue la mortalité après greffe [1, 3] . Cependant, le score foie
trouve ses limites dans le calcul du risque pour des maladies dont Cirrhose alcoolique
la gravité ne se juge pas sur le niveau de l’insuffisance hépato- C’est la deuxième indication de transplantation hépatique en
cellulaire : maladies auto-immunes ou métaboliques notamment France (25 % des indications de transplantation hépatique et 50 %
des indications pour cirrhose).
7%
3% Cirrhoses
4% 6%
7% Cirrhoses alcooliques
CHC/cirrhose
9%
Retransplantations Cirrhoses virales C
49 % 14 % Cirrhoses virales B
Insuffisances
hépatiques aiguës Cirrhoses autoimmunes
54 %
Maladies 4% Cirrhoses biliaires secondaires
28 % métaboliques
Autres causes rares de
Autres causes 15 %
cirrhoses
Tableau 1.
Taux de survie des malades et des greffons (à partir du jour de la greffe) implantés entre 1993 et 2013 (données issues du rapport 2015 de l’Agence de
biomédecine).
Période de greffe Nombre de malades greffés Taux de survie des malades greffés
1993–2013 17 451 1 mois 1 an 5 ans 10 ans
93,4 % 84,7 % 73,2 % 62,4 %
Taux de survie des greffons
1 mois 1 an 5 ans 10 ans
90,6 % 81,3 % 69,1 % 57,6 %
Tableau 2.
Taux de survie des malades greffés en France entre 1993 et 2013 (données issues du rapport 2015 de l’Agence de biomédecine).
Maladie initiale n Survie à 1 mois (IC 95 %) Survie à 1 an (IC 95 %) Survie à 5 ans (IC 95 %) Survie à 10 ans (IC 95 %)
Autre cause 2575 92 % (90,8–92,8) 83 % (81,6–84,4) 74,3 % (72,6–76) 66,7 % (64,7–68,6)
Cirrhose alcoolique 4682 95 % (94,4–95,6) 87 % (86–87,9) 75,6 % (74,3–76,8) 59,7 % (58,1–61,3)
Cirrhose posthépatique (B, C ou D) 3105 94,2 % (93,3–95) 82,7 % (81,4–84) 70,1 % (68,5–71,7) 60,3 % (58,1–61,3)
Insuffisance hépatique aiguë 973 81,7 % (79,2–83,9) 71,8 % (68,9–74,5) 65,5 % (62,4–68,3) 61,6 % (58,4–62,2)
Pathologie biliaire 1721 93 % (91,7–94) 88,1 % (86,5–89,5) 82,8 % (80,9–84,5) 78,8 % (76,4–80,7)
Tumeur hépatique 3268 95,2 % (94,5–95,9) 86,5 % (85,4–87,6) 68,1 % (66,8–70,1) NO
L’inscription d’un patient pour cette indication n’est envisa- détectable au moment de la transplantation hépatique. Depuis
geable qu’associée à une prise en charge de la maladie alcoolique 2013, grâce aux nouveaux agents antiviraux d’action directe
avant et après la transplantation hépatique par un service spé- (inhibiteurs de NS5A et NS5B, antiprotéases, etc.), le traitement
cialisé en addictologie. On estime à environ 15 % le taux de du VHC en prétransplantation est possible avec une excellente
greffés qui consomment à nouveau de l’alcool de manière exces- tolérance et efficacité (taux de guérison > 95 %). Le recul sur ces
sive après la greffe. Du fait d’un risque non négligeable de récidive traitements est insuffisant pour dire s’ils vont permettre de limiter
de la maladie initiale, il est important de s’assurer de l’arrêt pro- cette indication de transplantation hépatique et d’améliorer les
longé et solide de la consommation d’alcool avant la greffe [5] . taux de survie dans cette indication [13] .
Une période d’abstinence de six mois avant la transplantation
hépatique est recommandée. Cette période d’abstinence per- Cirrhoses auto-immunes
met aussi de juger de l’évolution de la fonction hépatique, car
Elles représentent 10 % des transplantations hépatiques en
celle-ci s’améliore dans près de 80 % des cas après trois mois
France. Le risque de récidive de la maladie initiale est faible mais
d’interruption complète de l’intoxication alcoolique [6] , rendant
réel, même après dix ans et justifie une immunosuppression ren-
alors la greffe inutile. Cependant, d’après la dernière conférence de
forcée (maintien de la corticothérapie).
consensus française [7] « si le sevrage en alcool est indispensable, la
À côté de la cirrhose auto-immune, classique, très rare,
durée de six mois d’abstinence ne doit pas être une règle intangible
les cholangiopathies chroniques auto-immunes (principalement
et ne doit plus être considérée à elle seule comme une condition
cholangite biliaire primitive [CBP] et cholangite sclérosante pri-
d’accès à la greffe ». Ainsi, en cas d’hépatite alcoolique aiguë grave
mitive [CSP]) représentent 8 % des indications de transplantation
corticorésistante, la transplantation hépatique améliore significa-
hépatique en France. La survie des malades après greffe est excel-
tivement la survie [8] . Un essai clinique national est en cours pour
lente, située aux environs de 80 % à dix ans. Les indications de
valider un algorithme de sélection pour la transplantation hépa-
transplantation hépatique pour CBP ont considérablement dimi-
tique des patients atteints d’une hépatite alcoolique aiguë sévère
nué depuis le traitement par l’acide ursodéoxycholique (AUDC).
cortico-résistante.
La CSP peut se compliquer d’angiocholite, de prurit, d’ictère
La survie des malades greffés pour cirrhose alcoolique est repré-
mais également de la survenue imprévisible d’un cholangiocarci-
sentée dans le Tableau 2. Une cause particulière de décès des
nome des voies biliaires intrahépatiques ou extrahépatiques.
malades dans cette indication est la survenue d’un cancer oto-
rhino-laryngologique (ORL), pulmonaire ou de l’œsophage liés
au terrain alcoolotabagique [9] .
Cirrhose biliaire secondaire
Il faut regrouper sous cette indication les cirrhoses compli-
Cirrhose « métabolique » quant les maladies congénitales des voies biliaires (atrésie des
Dans les pays occidentaux, on note depuis une quinzaine voies biliaires) et les cirrhoses biliaires secondaires (exemple : trau-
d’années une prévalence croissante des stéatohépatopathies non matisme des voies biliaires postcholécystectomie). Là encore, les
alcooliques (NAFLD). Les lésions histologiques vont de la simple angiocholites récidivantes et la sévérité de l’insuffisance hépatique
stéatose (NAFL), d’évolution le plus souvent bénigne, à des lésions doivent faire envisager la greffe.
de stéatohépatites (NASH) évolutives avec l’apparition d’une
fibrose hépatique et d’une cirrhose (15 % à cinq ans) [10] . La préva- Autres cirrhoses
lence de la cirrhose liée à la NASH est difficile à apprécier. En effet, Il existe d’autres causes de cirrhose et des cirrhoses de
l’onglet « cirrhose métabolique » n’existe pas comme tel dans cause encore inconnue. L’indication repose sur le niveau de
la liste des maladies hépatiques à renseigner pour l’inscription l’insuffisance hépatocellulaire ou la survenue de complications
sur la liste de transplantation hépatique. Les études de cohortes qui menacent le pronostic vital sans pouvoir être traitées par les
américaines jugent que l’indication de greffe pour NAFLD a méthodes conventionnelles. Le risque de récidive de la maladie
augmenté de 170 % en dix ans et serait donc la deuxième indi- initiale est alors mal connu.
cation de transplantation hépatique aux États-Unis. Les résultats
post-transplantation hépatique sont similaires à ceux rapportés
pour les autres causes de cirrhose. Néanmoins, il y a plus de Carcinome hépatocellulaire
complications cardiovasculaires en lien avec le terrain métabo- Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est le plus fréquent des
lique du receveur [11] . cancers primitifs du foie. Il est presque toujours associé à la cir-
rhose. Le CHC sur foie non cirrhotique, exceptionnel, est soit
Cirrhoses virales B et C limité en taille et au foie et donc accessible à la résection, soit diffus
Les cirrhoses virales B et C ne représentent que 20 % des indi- et alors trop évolué pour être une bonne indication de greffe.
cations de transplantation pour cirrhose (2 % des indications de Le CHC sur cirrhose représente la première indication de
transplantation hépatique pour le virus de l’hépatite B [VHB] et transplantation hépatique en France (30 % des indications de
8 % pour le virus de l’hépatite C [VHC]). Pour le VHB, la survie transplantation hépatique). Le taux de survie à cinq ans est de
des malades est excellente grâce à la prévention de la réinfec- 70 %, résultat particulièrement bon lorsqu’on sait que les autres
tion virale B du greffon. Cette prévention associe l’administration méthodes thérapeutiques conservatrices assurent à peine 20 % de
régulière d’immunoglobulines anti-HBs (permettant de neutrali- survie à deux ans.
ser l’antigène [Ag] HBs) à un traitement antiviral à haute barrière Tous les CHC sur cirrhose ne sont pas une indication à la
de résistance (ténofovir, entécavir) [12] . greffe. Un CHC unique inférieur ou égal à 2 cm sur cirrhose bien
Concernant le VHC, la principale complication était la récidive compensée peut être traité par la résection classique ou la radio-
virale sur le greffon, constante, dès lors que la virémie était fréquence avec d’excellents résultats. Un CHC de plus de 6 cm,
Tableau 3.
Liste non exhaustive des principales indications de greffe du foie pour
Intoxication paracétamol
maladies métaboliques héréditaires.
50 %
Hépatite médicamenteuse (anti- À expression hépatique Hémochromatose génétique
tuberculeux...) Maladie de Wilson
Amylose
VHA, VHE, VHB, HSV 15 % Glycogénoses de types I, III et IV
Déficit héréditaire en ␣1 antitrypsine
Amanite Tyrosinémie de type I
À expression Hyperoxalurie de type 1
Hépatite auto-immune 10 % extrahépatique Neuropathie amyloïde
Protoporphyrie hématopoïétique, etc.
Maladie de Wilson
d’hépatite aiguë grave est posé (taux de prothrombine [TP] < 50 %
Syndrome de Budd Chiari
et encéphalopathie hépatique quel que soit le stade).
10 %
Foie hypoxique
Maladies métaboliques et héréditaires
Stéatose aiguë gravidique/HELLP
Il s’agit d’un ensemble de maladies hépatiques, ou d’origine
hépatique, liées à un défaut ou à une anomalie de synthèse enzy-
matique. La liste de ces affections est longue, les principales sont
Indéterminée 15 % résumées dans le Tableau 3. Elles s’expriment généralement dans
les premiers mois de la vie, mais le moment de la greffe peut ne
se présenter qu’à l’âge adulte.
Le défaut enzymatique peut être d’origine hépatique ou non,
Figure 3. Causes des inscriptions en liste d’attente pour insuffisances être associé ou non à la destruction du parenchyme hépatique
hépatiques aiguës graves. VHA, E, B : virus des hépatites A, E, B ; HSV : et/ou à celle d’un autre organe. La transplantation hépatique
herpes simplex virus ; HELLP : hemolysis elevated liver enzymes and low peut être indiquée pour traiter la destruction du parenchyme
platelet. hépatique, conséquence du défaut enzymatique (exemple : hémo-
chromatose génétique) ou pour traiter le défaut de synthèse
des nodules trop nombreux, un CHC s’étendant dans le réseau d’origine hépatique (exemple : hyperoxalurie primitive), qu’il soit
veineux porte ou sus-hépatique ou sécrétant une quantité impor- ou non associé à une destruction du parenchyme hépatique [14, 15] .
tante d’alphafœtoprotéine (AFP) sont des situations associées à un
risque très élevé de progression de la maladie après transplantation Indications compassionnelles ou en devenir
hépatique.
À chaque fois qu’une maladie hépatique menace le pronostic
vital et reste inaccessible aux thérapeutiques conventionnelles,
Retransplantations il est légitime de penser à la transplantation hépatique. La dis-
cussion qui mène à la greffe se fait au cas par cas, mettant en
Elles représentent moins de 10 % des indications de transplan-
balance d’un côté les chances de succès de la greffe et de l’autre
tation hépatique.
le risque de récidive de la maladie ou de complications mor-
Une retransplantation peut être nécessaire immédiatement
telles postgreffe avec pour conséquence la perte d’un greffon
après la greffe si le greffon ne fonctionne pas (non-fonction pri-
qui aurait pu bénéficier à un autre malade à l’indication plus
maire) ou que son artère se thrombose. Les malades sont alors
classique.
réinscrits en super-urgence et deviennent prioritaires. La proba-
Aujourd’hui, ces situations sont essentiellement représentées
bilité de trouver un greffon dans les 48 heures est de l’ordre de
par les cancers primitifs du foie, en particulier le CHC sur foie
80 %.
sain localement avancé et inextirpable, les cholangiocarcinomes
La retransplantation peut être nécessaire plus tardivement, des
ou, plus rarement, les hémangioendothéliomes épithélioïdes et
mois, voire des années après la greffe. Les trois causes principales
les métastases hépatiques des cancers endocrines du tube digestif
sont la récidive de la maladie initiale (auto-immune, virale), la
ou d’adénocarcinomes colorectaux.
thrombose tardive de l’artère hépatique qui entraîne la nécrose
Malades jeunes, en excellent état général, absence de méta-
ischémique des voies biliaires, ou le rejet chronique.
stases extrahépatiques, primitif réséqué en rémission complète et
La survie après retransplantation précoce est moins bonne que
tumeur hépatique à l’évolution maîtrisée par les chimiothérapies
lorsque la retransplantation est dite « tardive » (supérieure à trois
ou la radiothérapie sont les prérequis indispensables à l’ouverture
mois après la première transplantation hépatique).
de la discussion, souvent dans le cadre d’essais de recherche cli-
nique. Les dossiers, très sélectionnés, sont soumis aux experts
Insuffisances hépatiques aiguës graves nationaux qui peuvent autoriser l’inscription en liste, assortie
d’une composante pour un accès à la greffe dans un délai de zéro,
Il s’agit de la destruction aiguë, brutale, rapide du parenchyme
trois ou six mois.
hépatique sous l’action d’un virus, d’un toxique ou d’une cause
Une greffe peut être envisagée dans le cas de tumeurs bénignes
inconnue. Les différentes causes sont regroupées dans la Figure 3.
compliquées et non accessibles à un traitement chirurgical :
Elles représentent moins de 5 % des inscriptions sur liste. Tous
adénomes rompus, polyadénomatose compliquée, hémangiomes
les inscrits ne seront pas transplantés : décès avant accès à un
géants compliqués d’une coagulopathie de consommation, etc.
greffon ou amélioration spontanée de la fonction hépatique. La
transplantation hépatique a bouleversé le pronostic des insuffi-
sances hépatiques aiguës graves en assurant une survie prolongée Moment de la maladie
après greffe supérieure à 70 %.
Toute la difficulté dans cette indication est de savoir porter où procéder à l’inscription
l’indication de greffe suffisamment tôt pour se donner une chance
de trouver un greffon, mais pas trop tôt non plus pour éviter
en liste d’attente
de transplanter un malade dont le foie aurait régénéré spontané- L’inscription en liste d’attente est conditionnée par la gravité
ment. Cette décision ne peut se prendre que dans un centre expert de la maladie hépatique. Ni trop tôt pour éviter les greffes préma-
à qui il faut savoir transférer le malade dès lors que le diagnostic turées, ni trop tard pour réduire les trois risques que sont le décès
Tableau 5.
“ Point fort Le score alphafœtoprotéine (AFP) permet de reconnaître les bonnes indi-
cations de transplantation hépatique pour carcinome hépatocellulaire sur
cirrhose, il est calculé à partir de la taille et du nombre des nodules ainsi
que du taux sanguin d’AFP.
• La cirrhose alcoolique représente 25 % des transplan-
tations hépatiques et nécessite une prise en charge de la Paramètres Classe Score
maladie alcoolique avant et après la transplantation hépa- Taille < 3 cm 0
tique. 3–6 cm 1
• Les cirrhoses virales C et B sont d’excellentes indications > 6 cm 4
de transplantation hépatique, en diminution du fait de Nombre de nodules ≤3 0
l’efficacité des traitements antiviraux. ≥4 2
• Le CHC représente l’indication de transplantation hépa- AFP (ng/ml) ≤ 100 0
tique la plus fréquente (petits CHC sans extension 100–1000 2
> 1000 3
vasculaire ou extrahépatique).
L’inscription en liste d’attente n’est autorisée que si le score est inférieur ou égal
à 2.
Tableau 4.
Liste des exceptions au model for end stage liver disease (MELD). La sur- En cas de carcinome hépatocellulaire
venue de ces complications est possible à un score MELD bas et elles
justifient un avancement sur la liste d’attente par l’attribution de points
sur cirrhose
supplémentaires après avis d’experts. Seuls les « petits CHC », c’est-à-dire limités en nombre et
en taille, sont des indications de transplantation hépatique en
Ascite réfractaire et score MELD < 15 l’absence d’extension tumorale dans les vaisseaux porte ou sus-
Encéphalopathie chronique et score MELD < 15 hépatique et en l’absence de métastase extrahépatique. Dans les
Hémorragies digestives récidivantes et score MELD < 15
années 1990, les critères de Milan (un nodule unique inférieur
Syndrome hépatopulmonaire
ou égal à 5 cm, ou jusqu’à trois nodules dont le plus gros est
Hypertension portopulmonaire
inférieur ou égal à 3 cm) sont adoptés comme limite de trans-
Prurit réfractaire
CSP et CPB avec bilirubine totale > 100 mol/l
plantabilité des CHC car leur respect permet d’obtenir des taux de
Angiocholites récidivantes survie globale et sans récidive comparables à ceux des autres indi-
Maladie de Rendu-Osler cations de TH (70 % à 5 ans) [18] . À ces critères morphologiques
Polykystose hépatique s’ajoute la concentration sérique d’AFP dont le niveau est corrélé à
Neuropathie amyloïde familiale l’invasion microvasculaire de la maladie et donc à celui de récidive
Cholangiocarcinome extrahépatique, intrahépatique précoce après la greffe. Taille, nombre des CHC et concentration
Métastases hépatiques des tumeurs endocrines digestives sérique d’AFP permettent le calcul du score AFP, rapporté dans
Autres tumeurs hépatiques rares, etc. le Tableau 5, qui conditionne l’inscription en liste d’attente [19] .
Lorsque le score AFP est supérieur à 2, le risque de récidive post-
CSP : cholangite sclérosante primitive ; CBP : cholangite biliaire primitive.
greffe est élevé. Un traitement du CHC est alors proposé pour
ramener le score AFP inférieur ou égal à 2 et rouvrir l’accès à la
en liste d’attente, l’aggravation de la maladie au point de sortir greffe (principe du down staging).
des critères d’indication de greffe (exemple : CHC sur cirrhose), Le délai d’attente sur liste de transplantation hépatique pour
l’altération de l’état général avec risque de décès périopératoire. CHC est actuellement de 12 à 18 mois. Un traitement du CHC
dans l’attente de la transplantation hépatique est donc souhai-
table si la fonction hépatique le permet (chirurgie, radiofréquence,
radioembolisation, chimioembolisation lipiodolée).
En cas de cirrhose sans carcinome Si un patient est inscrit sur liste d’attente de transplantation
hépatocellulaire hépatique pour CHC avec un score AFP inférieur ou égal à 2 et un
L’indication de transplantation hépatique chez un patient cir- MELD élevé, l’accès à la transplantation hépatique via la gravité
rhotique repose sur la gravité de l’insuffisance hépatocellulaire de l’insuffisance hépatocellulaire prédomine et diminue le délai
et/ou sur la survenue d’une complication. d’attente.
La classification de Child-Pugh évalue le degré d’insuffisance
hépatocellulaire (ascite, encéphalopathie hépatique, TP, albumi- En cas d’insuffisance hépatique aiguë grave
némie, bilirubinémie). Un stade C de Child signe une insuffisance
hépatique sévère et donc l’indication de transplantation hépa- La greffe se décide dans un contexte d’urgence ; mais ni trop tôt
tique. pour ne pas annuler les chances d’une régénération spontanée, ni
Aujourd’hui, le score MELD a supplanté la classification de trop tard pour ne pas corriger l’insuffisance hépatique alors que
Child. Tant que le score MELD reste inférieur à 15, l’indication de le malade va décéder de lésions cérébrales irréversibles.
greffe est prématurée (bénéfice attendu inférieur aux risques liés Les patients sont inscrits sur une liste nationale de transplan-
à la greffe) [16] . Le score MELD est l’élément principal de calcul du tation hépatique sous le statut « super-urgence » qui leur donne
score foie (cf. « Organisation générale de la transplantation hépa- la priorité absolue en cas de greffon disponible en France. Huit
tique en France ») qui, en France, permet de classer les malades malades sur dix bénéficient ainsi d’un greffon dans les 48 heures
sur la liste d’attente par ordre de gravité. après l’inscription.
Parce que le mode d’aggravation d’une cirrhose n’est ni uni- De nombreux critères d’indication de transplantation hépa-
voque ni linéaire, il existe des « exceptions au MELD ». Elles tique ont été proposés pour aider à la décision de la greffe. Les
s’appliquent à un sous-groupe de malades parfaitement défini critères de Beaujon (Clichy-Paul Brousse) [20] et ceux du King’s
dont le pronostic vital est engagé à court terme malgré un score College Hospital (Londres) [21, 22] sont rapportés dans le Tableau 6.
MELD bas. Ces indications « exceptionnelles » sont soumises aux Dans les deux cas, le taux de mortalité en l’absence de transplan-
experts désignés par l’ABM. Si l’avis des experts est favorable, le tation hépatique est de 80 à 90 % si les critères sont présents.
score foie est artificiellement augmenté d’un nombre de points Une greffe auxiliaire orthotopique (hépatectomie partielle du
suffisant pour assurer une probabilité élevée d’accès au greffon foie pathologique, greffe d’un hémi-foie) peut être proposée dans
dans un délai compatible avec la gravité de la situation. Cela peut cette indication dans le but d’assurer une suppléance transitoire
aller de 0 à 12 mois. La liste des exceptions au MELD est rapportée dans l’attente de la régénération du foie natif qui permet l’arrêt
dans le Tableau 4[17] . définitif de l’immunosuppression et la guérison [23] .
Tableau 7.
mois de la greffe, avec un pic le premier mois. Il faut l’évoquer Complications tumorales
devant toute perturbation du bilan hépatique, et ce d’autant C’est la principale cause de décès post-transplantation hépa-
que l’immunosuppression est basse. Le diagnostic de rejet aigu tique non liée au foie. L’incidence des cancers de novo est
et l’évaluation de son intensité sont histologiques. Il faut donc multipliée par 2,5 chez les patients greffés par rapport à la popu-
faire une biopsie hépatique en urgence devant toute suspicion lation générale [41] . Le risque de cancer est supérieur à 20 % à cinq
de rejet. L’intensité de l’infiltrat inflammatoire portal, de la ans. Il peut s’agir de lymphome, de cancer cutané, de cancer des
destruction de l’endothélium veineux porte et sus-hépatique voies aérodigestives supérieures ou pulmonaire chez les patients
et de la destruction des canalicules biliaires permettent de le greffés pour cirrhose alcoolique et les cancers colorectaux (risque
classer en minime, modéré ou sévère (score de BANFF : éva- relatif [RR] = 1,6), cancer colorectal surtout chez les patients gref-
luation semi-quantitative des trois lésions histologiques cibles fés pour CSP (maladie inflammatoire de l’intestin associée) [42] .
pour grader la sévérité). Le traitement du rejet aigu n’est néces- L’évolution est plus rapide, et la mortalité est plus élevée pour
saire qu’à partir du stade de rejet modéré (BANFF > 6). Les rejets un même cancer par rapport à la population générale. Il est donc
minimes régressent en général spontanément [34, 35] . Il n’y a pas recommandé de minimiser l’immunosuppression et peut-être de
de schéma défini pour traiter un rejet aigu, et la majorité des la modifier (privilégier un inhibiteur de mTOR), de se protéger
équipes de transplantation hépatique opte pour un renforce- du soleil, d’arrêter de fumer, d’organiser un dépistage régulier des
ment des doses de tacrolimus plutôt que pour l’administration cancers. Un suivi annuel est donc proposé au patient par radiogra-
de bolus de corticoïdes (500 mg à 1 g) qui expose aux infections phie pulmonaire, consultation de dermatologie, coloscopie totale
en particulier virales [36] . La plupart des rejets aigus traités préco- annuelle si antécédent de rectocolite hémorragique ou maladie
cement évoluent favorablement. La récidive du rejet aigu après de Crohn associée à une CSP, une coloscopie tous les cinq ans en
traitement ou sa résistance aux traitements sont une cause rare l’absence d’antécédent, une consultation ORL annuelle en fonc-
de perte du greffon ; tion du terrain.
• le rejet chronique est une entité mal définie qui se traduit par
la destruction à bas bruit du greffon après quelques mois ou
années. La filiation rejet aigu-rejet chronique n’est pas cons- Complications chirurgicales
tante. La biopsie montre de la fibrose, une endartérite spumeuse Elles sont dominées par les complications vasculaires qui malgré
des artérioles de moyen calibre et une raréfaction des canaux les progrès restent fréquentes.
biliaires. Il n’y a pas d’autre traitement possible que la retrans- La thrombose de l’artère hépatique (3 %) peut survenir dans
plantation. les huit premiers jours post-transplantation hépatique. Elle repré-
sente alors une indication de retransplantation en super-urgence.
Insuffisance rénale Elle peut également survenir plus tardivement et être révélée
L’insuffisance rénale chronique (IRC) est une complication fré- par les complications biliaires, l’artère hépatique vascularisant
quente après la transplantation hépatique. Après dix ans de greffe, les voies biliaires (sténose, cholangite ischémique avec angiocho-
75 % des patients ont une IRC et 10 % une insuffisance rénale lites). Une retransplantation est parfois nécessaire (angiocholites
évoluée ou terminale [27] . L’âge du receveur, le sexe masculin, à répétition, septicémie).
une insuffisance rénale prétransplantation hépatique (y compris Les sténoses de l’artère sont fréquentes, survenant sur l’artère du
le syndrome hépatorénal), un diabète sont des facteurs indépen- donneur. Elles sont détectées à l’échographie Doppler hépatique
dants associés à la survenue d’une IRC après la transplantation par une baisse des index de résistance artérielle, puis confirmées
hépatique. En postopératoire, le surdosage en CNI, la survenue par angioscanner hépatique. Leur prise en charge est radiolo-
d’un diabète et/ou d’une hypertension artérielle (HTA) sont des gique (angioplastie ± stenting), puis chirurgicale en cas d’échec. Un
®
facteurs indépendants de survenue d’une IRC. traitement par antiagrégant plaquettaire (Kardegic ) est recom-
La présence de ces facteurs incite à minimiser les doses de mandé.
CNI, voire en interrompre l’administration sous couvert de La thrombose de la veine porte est plus rare (0,3 à 2,2 %) et
l’introduction de l’évérolimus [37] . diagnostiquée en postopératoire immédiat. Le traitement consiste
en une thrombectomie chirurgicale, puis en une anticoagulation
Complications cardiovasculaires efficace. La sténose porte est souvent révélée par une hyperten-
L’infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux sion portale avec ascite. Le traitement consiste à une reprise
(AVC) sont la deuxième cause de décès post-transplantation chirurgicale si le diagnostic est précoce ou à une prise en charge
hépatique non liée au foie [38] . L’augmentation du nombre radiologique avec angioplastie portale (si sténose supérieure à
de transplantation hépatique pour cirrhose métabolique et le 90 % ou symptomatique).
traitement immunosuppresseur sont responsables d’une forte Les complications biliaires (7 à 30 %) sont d’origine le plus sou-
prévalence du syndrome métabolique après la transplantation vent ischémique, il s’agit de sténose et de fistule (biliome) dans
hépatique, estimée à 50 %. Il est donc recommandé de minimiser deux tiers des cas. Leur prise en charge est endoscopique ou chi-
la prescription de CNI et de stéroïdes, de dépister et prendre en rurgicale.
charge activement les composantes du syndrome métabolique en Une surveillance annuelle du greffon hépatique par échodop-
post-transplantation hépatique (prise en charge diététique, acti- pler est donc recommandée.
vité physique notamment).
Complications infectieuses
Environ 50 % des patients présentent une infection au cours de
“ Point fort
la première année. On distingue trois périodes [39] :
• postopératoire immédiate (moins d’un mois) : dominée par Les complications cardiovasculaires et tumorales sont les
les infections nosocomiales bactériennes et fungiques ; consé- deux principales causes de décès chez les patients greffés
quences des techniques invasives de réanimation et de l’acte hépatiques.
chirurgical lui-même.
• entre un et six mois : infections opportunistes le plus souvent
virales, à CMV essentiellement, mais aussi : EBV, HSV, légion-
nelle, Aspergillus, Pneumocystis. Il est important de connaître
le statut sérologique du donneur et du receveur concernant le Modalités de surveillance
CMV pour proposer un traitement prophylactique [40] . Un trai-
tement prophylactique de la pneumocystose est recommandé Le patient greffé doit être suivi régulièrement en consultation
(sulfaméthoxazole-triméthoprime 1/j ou aérosols de pentami- de suite de greffe selon un protocole défini par chaque équipe.
dine jusqu’à six mois post-transplantation hépatique) ; Le Tableau 8 rapporte le suivi morphologique réalisé en post-
• après six mois : il s’agit d’infections communautaires. transplantation hépatique.
[29] De Simone P, Nevens F, De Carlis L, Metselaar HJ, Beckebaum S, [37] Fischer L, Saliba F, Kaiser GM, De Carlis L, Metselaar HJ, De Simone
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P. Houssel-Debry (pauline.houssel-debry@chu-rennes.fr).
Service des maladies du foie, Hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
Service de chirurgie hépatobiliaire et digestive, Hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
Inserm-CIC 1414, Hôpital Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
M. Latournerie.
Service des maladies du foie, Hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
M. Rayar.
Service de chirurgie hépatobiliaire et digestive, Hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
Inserm-CIC 1414, Hôpital Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
C. Jezequel.
Service des maladies du foie, Hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
C. Camus.
Service de réanimation médicale, Hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
Inserm-CIC 1414, Hôpital Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
L. Sulpice.
Service de chirurgie hépatobiliaire et digestive, Hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
Université de Rennes 1, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
V. Desfourneaux.
H. Jeddou.
Service de chirurgie hépatobiliaire et digestive, Hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
A. Merdrignac.
Service de chirurgie hépatobiliaire et digestive, Hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
Université de Rennes 1, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
K. Boudjema.
Service de chirurgie hépatobiliaire et digestive, Hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
Inserm-CIC 1414, Hôpital Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
Université de Rennes 1, CHU de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35000 Rennes, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Houssel-Debry P, Latournerie M, Rayar M, Jezequel C, Camus C, Sulpice L, et al. Transplantation
hépatique chez l’adulte. EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-10 [Article 4-0379].
La prise en charge du diabète du sujet âgé représente un enjeu de santé publique, et c’est le médecin
généraliste qui se trouve au centre du parcours de soin de ce patient particulier. Il lui faut individualiser le
traitement mais en prenant en compte la dimension gériatrique du patient et notamment la réussite de son
vieillissement. Une attention doit être apportée à la détection de la fragilité, de la dénutrition, des troubles
cognitifs et aux hypoglycémies. Toutes ces complications sont souvent méconnues ou sous-estimées, alors
qu’elles ont des conséquences graves sur le pronostic du patient.
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Plan difficile qui doit être individualisée comme l’a souligné la Haute
Autorité de santé (HAS) dans ses dernières recommandations en
■ Introduction 1 2013 [1] .
Cette mise au point pratique a pour objectif de préciser les
■ Définition 1 objectifs de la prise en charge spécifique du sujet âgé diabétique :
■ Épidémiologie 1 dépister et prendre en charge la dénutrition, définir les objec-
■ Fragilité 2 tifs glycémiques selon la réussite du vieillissement, prévenir les
■
hypoglycémies et dépister les complications.
Lutte contre la dénutrition 2
■ Définir les objectifs glycémiques 2
■ Quel traitement chez le patient diabétique âgé ? 3 Définition
■ Éviter les hypoglycémies 5
■ Dépister les complications 6 Le sujet est « âgé », selon l’Organisation mondiale de la santé
Complications gériatriques 6 (OMS), s’il a plus de 65 ans. Mais, actuellement, cette limite a été
Complications chroniques 6 repoussée et on considère qu’un sujet est âgé s’il a plus de 75 ans
ou plus de 65 ans mais présente une polypathologie.
■ Quelle surveillance du diabète chez le patient âgé ? 7
La définition du diabète ne change pas selon l’âge et est fon-
■ Quand adresser le patient aux spécialistes ? 7 dée sur la mesure de la glycémie plasmatique à jeun supérieure
■ Conclusion 7 à 1,26 g/l à deux reprises, ou supérieure à 2 g/l à n’importe quel
moment de la journée.
La découverte d’un diabète chez un sujet âgé peut se faire,
comme chez le sujet plus jeune, devant un syndrome cardi-
Introduction nal, à l’occasion d’un examen systématique, d’une complication
(syndrome coronaire aigu ou accident vasculaire cérébral [AVC]),
Le nombre de patients diabétiques âgés augmente du fait de la d’une décompensation aiguë (rarement une acidocétose, plus sou-
prévalence croissante du diabète et du vieillissement de la popu- vent un coma hyperosmolaire), mais il faut aussi savoir évoquer le
lation. Chez un sujet diabétique âgé, les complications du diabète diagnostic devant des signes atypiques comme l’apparition d’une
vont s’associer aux complications propres au vieillissement, favo- déshydratation, d’une incontinence urinaire ou d’infections à
risant la perte d’autonomie du patient et augmentant l’impact répétition, etc. Certaines circonstances comme l’instauration
médicoéconomique de la maladie. Cette population diabétique d’une corticothérapie sont également des facteurs favorisant la
et âgée est très hétérogène selon l’ancienneté du diabète, la pré- révélation d’un diabète jusqu’alors méconnu.
sence de complications, l’association aux comorbidités liées à l’âge
et notamment les troubles cognitifs et la dénutrition. Les spécifici-
tés du patient âgé sont parfois difficiles à appréhender, c’est le cas Épidémiologie
en particulier de la fragilité. Le patient doit être pris en compte
dans son environnement social, familial, financier. Le médecin La prévalence du diabète traité pharmacologiquement en
généraliste se situe au centre de cette prise en charge délicate et France était estimée, d’après les données de l’Assurance maladie,
Tableau 1. Tableau 2.
Reconnaître les patients fragiles : le concept de Fried (d’après [6] ). Définition de la dénutrition (au moins un de ces critères).
Le malade « fragile » associe trois des critères suivants : Dénutrition Dénutrition sévère
• marche lente
Perte de poids ≥ 5 % en un mois ≥ 10 % en un mois
• perte de poids
ou ou
• asthénie
≥ 10 % en six mois ≥ 15 % en six mois
• diminution de l’activité physique
• faiblesse musculaire IMC ≤ 21 kg/m2 ≤ 18 kg/m2
Albuminémie < 35 g/l < 30 g/l
MNA global < 17
score max : 30
à 4,6 % en 2012 [2] et à 4,7 % en 2013, soit plus de trois millions
de patients. Cette prévalence est en augmentation régulière avec IMC : indice de masse corporelle ; MNA : Mini Nutritional Assessment.
néanmoins un ralentissement dans la progression depuis 2009.
La prévalence du diabète varie selon l’âge avec un pic dans la
population « âgée » entre 74 et 79 ans. Dans cette tranche d’âge, C’est la raison pour laquelle la HAS propose un dépistage de la
un homme sur cinq (19,4 %) et une femme sur sept (14 %) sont fragilité après l’âge de 70 ans [5] .
diabétiques.
Dans l’étude Entred, échantillon représentatif de la population,
en 2007, la moitié des patients a plus de 65 ans et 25 % plus de
75 ans [3] . Lutte contre la dénutrition
On peut observer une augmentation de la prévalence du diabète
chez les sujets âgés mais aussi une augmentation de l’incidence des Dans l’étude Entred, 80 % des patients diabétiques de 65 à
nouveaux cas de diabète chez les sujets âgés. Ainsi, dans l’étude 75 ans sont obèses ou en surpoids [4] . Néanmoins, chez le sujet
Entred [4] , le diagnostic de diabète est porté depuis moins de cinq âgé, le surpoids ou l’obésité peuvent coexister avec une sarcopé-
ans chez 20 % des patients de plus de 65 ans et chez 15 % des nie. Les objectifs ne sont donc pas les mêmes que chez un sujet
patients de plus de 80 ans. plus jeune et doivent privilégier la lutte contre la dénutrition.
La très grande majorité des patients âgés présente un diabète de La Société francophone du diabète (SFD) a publié en 2014
type 2. Cependant, même si cela n’est pas fréquent, un diabète de un référentiel de bonnes pratiques sur la nutrition et la diété-
type 1 peut apparaître chez un senior. Enfin, l’amélioration de la tique des patients diabétiques de type 2 [8] . Dans ce référentiel,
prise en charge de la maladie fait que de plus en plus de patients l’alimentation des patients âgés de plus de 75 ans est envisa-
diabétiques de type 1 parviennent à un âge avancé. gée de façon spécifique ; ainsi, il est recommandé de prendre en
Enfin, en cas d’apparition brutale d’un diabète chez une compte l’âge physiologique du patient, les pathologies associées,
personne âgée, la recherche systématique par imagerie d’une les conditions sociales, le degré d’autonomie et l’état buccoden-
pathologie pancréatique, et notamment d’un cancer, est forte- taire. La priorité est de dépister et de traiter une dénutrition et
ment recommandée. d’éviter les hypoglycémies. Le risque de dénutrition est faible chez
les sujets vigoureux mais augmente avec le degré de fragilité et de
dépendance, et l’apport protidique doit être alors renforcé et se
situer entre 1,2 et 1,6 g/kg/j. Chez les patients dénutris, il est
Fragilité conseillé de fractionner l’alimentation et de l’enrichir, notam-
ment avec les compléments nutritionnels oraux.
La dénutrition peut être dépistée grâce à un score simple, le
Le vieillissement est un processus évolutif et dynamique dans
Mini Nutritional Assessment (MNA) [9] qui permet grâce à cinq
lequel le sujet risque de passer de la validité à la dépendance. La
questions d’évaluer le risque de dénutrition.
fragilité est une étape intermédiaire qui a été définie en 2011 par
La dénutrition se définit par au moins un critère parmi une
la Société française de gériatrie et de gérontologie comme « un
perte de poids de plus de 5 % en six mois ou de plus de 10 % en
syndrome clinique qui reflète une diminution des capacités phy-
un an, un indice de masse corporelle inférieur ou égal à 21 kg/m2 ,
siologiques de réserve qui altère les mécanismes d’adaptation au
une albuminémie inférieure ou égale à 35 g/l ou un MNA global
stress. Son expression clinique est modulée par les comorbidités
inférieur à 17 sur 30 (Tableau 2).
et des facteurs psychologiques, sociaux, économiques et compor-
La dénutrition sévère se définit par au moins un critère parmi
tementaux ». Cette fragilité n’est donc pas uniquement liée à
une perte de poids de plus de 10 % en six mois ou de plus de
l’âge du patient. C’est un marqueur de risque de morbi-mortalité,
15 % en un an, un indice de masse corporelle inférieur ou égal à
d’institutionnalisation et d’hospitalisation.
18 kg/m2 , une albuminémie inférieure ou égale à 30 g/l [10] .
Il existe plusieurs définitions de la fragilité comme l’a rappelé
En pratique, au quotidien, il faut recommander au patient de
la HAS [5] .
prendre trois repas par jour avec une ou deux collations, éviter de
La première repose sur des paramètres cliniques définis par
dépasser 12 heures de jeûne, porter une attention particulière au
Fried [6] qui retient cinq critères chez des patients de plus de
dîner, souvent trop léger chez les sujets âgés et parfois à l’origine
65 ans : une perte de poids de plus de 4,5 kg (ou de plus de 5 % du
d’hypoglycémies nocturnes, stimuler la prise de boissons, et ne
poids initial) depuis un an, un épuisement ressenti par le patient,
consommer de l’alcool qu’avec modération.
une vitesse de marche ralentie, une baisse de la force musculaire
Il convient de toujours tenir compte des habitudes et du cadre
et une sédentarité. Si le patient présente plus de trois critères, il
de vie, et surtout de déculpabiliser la personne âgée : il n’existe pas
est considéré comme fragile, si un seul critère est présent, il est
d’interdits mais des conseils adaptés et personnalisés doivent être
préfragile. Si aucun critère n’est présent, il est robuste (Tableau 1).
recommandés. L’implication de l’entourage est essentielle lorsque
Une autre définition de Rockwood [7] est plus complexe et plus
cela est possible mais, en cas de nécessité, le recours au portage de
large et prend en compte la cognition, l’humeur, la motivation, la
repas à domicile peut être nécessaire.
motricité, l’équilibre, la capacité pour les activités de la vie quo-
tidienne, la nutrition, la condition sociale et les comorbidités.
L’échelle Short Emergency Geriatric Assessment (SEGA), facile à
réaliser, permet une évaluation de la fragilité par toutes les per- Définir les objectifs
sonnes qui interviennent auprès du patient : les médecins mais
aussi les infirmières, les kinésithérapeutes, etc. glycémiques
Le repérage de cette fragilité est indispensable à une prise en
charge globale du patient car elle permet de mettre en place des Les dernières recommandations internationales [11] et natio-
aides et des interventions visant à éviter ou retarder l’évolution nales [1] préconisent d’individualiser les objectifs glycémiques
vers la dépendance. selon le profil du patient.
Sulfamide
Metformine Intolérance ou
Monothérapie en l’absence de contre-indications IDPP4
rénales et d’intolérance chez les malades
fragiles
Échec
(non remboursé)
Contre-indication :
Malades fragiles
Malades vigoureux insuffisance rénale
ou à risque hypoglycémique
sévère, déséquilibre
Metformine Metformine majeur
Bithérapie + +
sulfamides IDPP4
Échec
Metformine Insuline
Trithérapie + Échec habituellement par
ou insuline sulfamides injection d’une
+ basale
IDPP4
anciennes et peu onéreuses sont efficaces et ont vu leur utilisa- Les agonistes des récepteurs du GLP1 sont des molécules par-
tion simplifiée puisque les molécules de dernière génération se ticulièrement intéressantes chez le sujet diabétique en surpoids.
prennent en une prise quotidienne. Néanmoins, elles exposent le Leur utilisation doit être évitée chez les patients âgés car il y a peu
patient à un risque élevé d’hypoglycémie. Leur introduction doit de données dans la littérature sur leur emploi dans cette popu-
donc être prudente, à posologie lentement croissante et accompa- lation. Les troubles digestifs liés au ralentissement de la vidange
gnée chez les sujets âgés d’une autosurveillance glycémique. Cette gastrique sont majorés chez les patients fragiles, avec un risque de
technique permet la titration de la posologie des sulfamides et de dénutrition, de déshydratation et d’insuffisance rénale.
®
contrôler la glycémie de la fin d’après-midi, horaire privilégié des Le répaglinide (Novonorm ) n’est pas recommandé chez le sujet
hypoglycémies. âgé en raison d’une expérience clinique limitée au-delà de 75 ans.
Les hypoglycémies graves (c’est-à-dire nécessitant l’aide d’une Les inhibiteurs des alphaglucosidases sont efficaces sur les glycé-
tierce personne pour le resucrage) sont particulièrement préoccu- mies postprandiales et n’entraînent pas d’hypoglycémie, mais ils
pantes sous sulfamides car elles sont marquées par un risque de ne sont pas cités par la HAS pour la prise en charge du sujet âgé sans
récidive itératif. Elles nécessitent habituellement une hospitali- doute en raison des troubles digestifs fréquents qu’ils induisent.
sation et un resucrage prolongé, souvent par voie intraveineuse. La fréquence du traitement par insuline augmente avec l’âge
Elles sont fréquemment provoquées par une accumulation du et concerne 33 % des patients de plus de 85 ans [15] dans l’étude
sulfamide du fait d’une insuffisance rénale sous-jacente, par- Entred. Comme plus de 80 % des patients diabétiques de type 2
fois méconnue. Il est donc important de vérifier régulièrement sont suivis par leur médecin généraliste [3] , c’est donc à lui que
la fonction rénale chez les patients sous sulfamides et d’éviter revient la tâche de débuter ce traitement.
tout risque d’interaction médicamenteuse, notamment avec les L’instauration d’une insulinothérapie est un moment souvent
anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), souvent pris en auto- difficile du fait de la réticence du patient à débuter ce traitement
médication, les fibrates, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion mais aussi de l’inertie fréquente du médecin. Il s’agit d’un tour-
(IEC) et certains antimycosiques. nant évolutif dans la maladie qui doit être pris de façon efficace et
Cette classe thérapeutique est donc à éviter chez les sujets déterminée. C’est la raison pour laquelle la HAS, en 2014, a précisé
fragiles ou malades chez lesquels le risque d’hypoglycémie est dans son « Guide parcours de soins – Diabète de type 2 de l’adulte »
majoré. Il n’existe pas de données dans la littérature concernant les étapes successives nécessaires à la réussite de cette intensifica-
la protection cardiovasculaire de cette classe thérapeutique chez tion thérapeutique [16] . Ces étapes débutent par une préparation
le sujet âgé. du patient avec une information, la vérification de sa motivation,
Chez les patients à risque d’hypoglycémie, la HAS propose [1] , l’évaluation de ses capacités d’apprentissage. Ce dernier point est
en échec de la metformine, l’association à un inhibiteur de la très important chez le sujet âgé car il va déterminer qui va réaliser
dipeptidyl peptidase-4 (IDPP4). Cette classe thérapeutique, main- les injections d’insuline : le patient lui-même, un membre de la
tenant bien connue, possède beaucoup d’atouts notamment chez famille, un aidant, une infirmière. La deuxième étape concerne
le sujet âgé : une prise orale, l’absence d’hypoglycémie, un effet la prescription d’insuline et sa mise en œuvre avec des objec-
pondéral neutre, une bonne tolérance digestive et une efficacité tifs précis portant sur les glycémies capillaires, l’adaptation des
satisfaisante. Son coût quotidien reste néanmoins bien supérieur doses d’insuline et les modalités de l’autosurveillance glycémique.
aux sulfamides hypoglycémiants. Enfin, la troisième étape concerne la surveillance de l’efficacité du
Trois molécules sont commercialisées en France (sitagliptine, traitement, l’évaluation de la qualité de l’éducation thérapeutique
vildagliptine et saxagliptine), de façon isolée ou en associations et le contrôle de l’absence d’hypoglycémie. Le médecin traitant
fixes avec la metformine. La posologie doit être adaptée à la peut compter sur les autres acteurs de santé auprès du malade que
fonction rénale, et presque toutes les molécules possèdent des sont les pharmaciens, les infirmiers et naturellement les diabéto-
formes galéniques à demi-dose. L’intérêt des IDPP4 repose sur logues (Fig. 3).
des études [14] qui démontrent, notamment pour la vildagliptine, Chez le sujet âgé, l’insuline peut être débutée lorsque les anti-
une efficacité et une tolérance chez les sujets âgés comparables diabétiques oraux (ADO) ne sont plus efficaces ou contre-indiqués
à celles des sujets plus jeunes. En revanche, il n’existe pas (du fait d’une dégradation de la fonction rénale), lorsqu’il existe
d’étude spécifique sur la protection cardiovasculaire chez le sujet des signes d’insulinopénie (comme une perte de poids inexpli-
âgé. quée), d’emblée chez les patients fragiles, transitoirement en cas
Débuter de préférence par une insuline Schéma basal/bolus : Schéma d’une à trois
intermédiaire (NPH) au coucher insuline ou analogue injections/jour
d’action lente et d’insuline biphasique :
insuline ou analogue mélange d’insuline
d’action rapide ou à action rapide
Risque d’hypoglycémie nocturne ultra-rapide avant un ou ultra-rapide et
préoccupant ou plusieurs repas d’insuline à action
de la journée intermédiaire ou lente
de chirurgie ou de déséquilibre brutal lié à une infection ou lors sujet âgé, il faut tenir compte des capacités gestuelles et de l’acuité
de l’instauration d’une corticothérapie. visuelle afin de choisir un modèle facile à utiliser avec des résultats
Le traitement débute idéalement par une injection d’insuline facilement lisibles. L’autosurveillance glycémique doit être réali-
lente au coucher, en association ou non aux ADO, selon un sée chaque fois que cela est possible par le patient lui-même, mais
schéma « bed time » avec pour objectif de contrôler la glycémie à le recours aux aidants est souvent nécessaire.
jeun du matin. La HAS propose de débuter par une insuline NPH Les modalités de l’éducation thérapeutique chez le sujet âgé
du fait de son coût réduit par rapport aux analogues lents. La NPH dépendent des capacités d’apprentissage du patient et de ses fonc-
est efficace, mais son pic d’action retardé vers la quatrième heure tions cognitives. Idéalement, le patient doit être autonome pour la
peut exposer le patient aux hypoglycémies nocturnes. Dans ce cas, gestion de son traitement. Lorsque cela ne s’avère pas possible, le
le recours aux analogues lents est recommandé. La dose initiale recours aux aidants devient indispensable, que ce soit la famille ou
ne doit pas dépasser 0,25 à 0,30 unité par kilogramme et par jour. les soignants. En l’absence d’autonomie du patient, les objectifs
Le choix de l’horaire de l’injection le soir facilite la titration de sont limités et orientés vers sa sécurité [18] .
l’insuline qui peut être réalisée selon la glycémie à jeun du matin.
Néanmoins, chez les patients les plus âgés et les plus fragiles, le
profil glycémique est souvent différent de celui des sujets plus
jeunes et plus vigoureux. Dans cette population fragile, les besoins Éviter les hypoglycémies
nocturnes en insuline sont souvent très faibles, la glycémie du
matin est fréquemment peu élevée et les besoins en insuline sont Une hypoglycémie se définit par la constatation d’une glycémie
plus importants pendant la journée. C’est la raison pour laquelle capillaire inférieure à 0,60 g/l qu’il existe ou non des symptômes.
l’injection d’insuline peut se faire préférentiellement le matin, ce Elle est qualifiée de « sévère » si le patient doit recourir à l’aide
qui facilite par ailleurs la réalisation du geste par un soignant. d’un tiers pour son resucrage.
En fonction des objectifs glycémiques, du profil glycémique Les hypoglycémies sont fréquentes, sous-estimées chez le sujet
et des capacités d’apprentissage du patient, le schéma peut être âgé chez lequel elles ont des conséquences particulièrement délé-
intensifié avec l’ajout de bolus d’un analogue rapide au moment tères. Dans l’étude Entred, les hypoglycémies sévères touchaient
des repas ou du repas le plus hyperglycémiant. dans l’année 13 % des sujets de plus de 85 ans, chiffre supé-
L’injection d’insuline est réalisée par le patient lui-même ou par rieur à celui des patients diabétiques plus jeunes chez lesquels
un membre de sa famille ou un aidant. Le recours à une infirmière cette fréquence ne dépasse pas 10 % [19] . Une étude menée en
à domicile reste parfois nécessaire, dans ce cas il faut déterminer France à l’aide du programme de médicalisation des systèmes
en accord avec l’infirmière les horaires de passage. Si l’injection d’information (PMSI) a montré que les hypoglycémies sévères
d’une insuline lente doit se faire à horaire fixe mais pas forcément étaient responsables en 2012 de plus de 27 000 séjours hospita-
au moment d’un repas, il en va différemment pour une injection liers et que 60,6 % des patients étaient âgés de plus de 65 ans [20] .
d’insuline rapide qui risquerait, si elle était faite à distance d’un Aux États-Unis, les hospitalisations pour hypoglycémie entre 2009
repas, de provoquer une hypoglycémie. Ainsi, le schéma insuli- et 2011 chez les patients de plus de 65 ans ont augmenté de 11,7 %
nique doit être adapté aussi en fonction de ce paramètre pratique et dépassent les hospitalisations pour hyperglycémie. La préva-
de faisabilité. lence de ces accidents est deux fois plus importante chez les sujets
Pour la HAS [1] , le traitement du sujet âgé débute par une âgés de plus de 75 ans [21] .
monothérapie par metformine, puis une bithérapie si l’objectif Chez le sujet âgé, les hypoglycémies sont plus souvent asympto-
glycémique n’est pas atteint soit par metformine et sulfamide matiques, notamment la nuit, ou peuvent avoir une présentation
hypoglycémiant (SU), soit en cas de contre-indication des SU atypique à type de trouble du comportement, d’agressivité ou de
par metformine et IDPP4. En cas d’échec ou de contre-indication confusion. Les facteurs favorisants sont l’âge avancé, l’existence
aux ADO, l’insulinothérapie est débutée si l’écart par rapport à de troubles cognitifs, les erreurs dans les prises de traitement ou
l’objectif dépasse 0,5 % ou en cas de situation aiguë ou de risque une alimentation irrégulière, les objectifs glycémiques trop stricts
de déséquilibre du diabète. et la réduction du seuil de perception des hypoglycémies. Les
L’autosurveillance glycémique est naturellement indispensable traitements impliqués sont l’insuline et les insulinosécréteurs, sul-
en cas d’insulinothérapie mais également [17] si le patient est famides hypoglycéminants et glinides [22] .
traité par des insulinosécréteurs, notamment lorsque l’existence Les hypoglycémies sont particulièrement redoutables chez le
d’hypoglycémies est soupçonnée ou si le patient n’est pas à sujet âgé fragile. Elles diminuent la qualité de vie, augmentent le
l’objectif glycémique. Le nombre de contrôles dépend du traite- risque de chute et d’accident traumatique, entraînent des modi-
ment : 4 par jour si le traitement du patient comporte plus d’une fications du comportement, majorent les troubles du rythme
injection d’insuline, 2 à 4 par jour pour une seule injection, et 2 cardiaque, les infarctus du myocarde et les accidents vascu-
par semaine à 2 par jour sous ADO comportant des insulinosécré- laires cérébraux. Les hypoglycémies sévères aggravent le risque de
teurs. La simplification, la rapidité et la performance des lecteurs démence mais, inversement, elles surviennent plus fréquemment
de glycémie ont rendu leur usage très simple. Néanmoins, chez le chez des sujets présentant une profonde altération des fonctions
cognitives. Au total, les hypoglycémies sévères multiplient le Il survient préférentiellement sur un terrain particulier, chez
risque de démence par deux, et l’existence d’une démence majore un patient qui ressent mal la sensation de soif ou qui n’est pas
les accidents hypoglycémiques d’un facteur 3 [23] . capable de l’exprimer ou de la satisfaire. Il touche ainsi avec pré-
La mortalité à cinq ans est multipliée par trois chez les patients dilection les sujets âgés de plus de 70 ans, les patients présentant
âgés présentant des hypoglycémies sévères [24] . des troubles cognitifs ou ceux qui vivent en institution. Le diabète
Si le lien de causalité direct entre la mortalité et les hypoglycé- est méconnu dans 40 à 50 % des cas et, lorsqu’il est connu, son
mies est difficile à démontrer [25] , les hypoglycémies doivent être traitement repose le plus souvent sur des antidiabétiques oraux.
considérées comme un marqueur de la fragilité et de la vulnéra- Sur ce terrain particulier, la survenue d’un facteur déclenchant
bilité du patient. entraîne une hyperglycémie. Ce stress peut être constitué d’une
infection, d’un AVC, d’un infarctus du myocarde, d’une occlusion
digestive ou d’un épisode de déshydratation. Certains traitements
Dépister les complications comme les diurétiques, les corticoïdes et la nutrition parentérale
peuvent également favoriser sa survenue.
Complications gériatriques La définition du coma hyperosmolaire est clinique et bio-
Certaines complications spécifiques touchent le sujet âgé. Parmi logique associant trois critères : une hyperglycémie majeure
celles-ci, les troubles cognitifs et les démences, la dépression et les supérieure à 6 g/l, une hyperosmolarité plasmatique supérieure
chutes occupent une place primordiale. à 320–350 mOsmol/l, et l’absence d’acidose ou de cétonémie.
Les troubles cognitifs et les démences augmentent avec l’âge Le tableau clinique s’aggrave progressivement :
mais restent plus fréquents chez les patients diabétiques. Les • la phase d’installation dure plusieurs jours et associe une asthé-
démences les plus fréquentes sont la maladie d’Alzheimer et nie, une perte de poids, une torpeur et une déshydratation ;
les démences vasculaires. Les mécanismes physiopathologiques • puis la phase d’état constitue le coma hyperosmolaire avec des
sous-jacents sont complexes, imparfaitement connus. L’âge, les signes neurologiques à type de troubles de la conscience, de
antécédents familiaux de démence, les facteurs de risque cardio- coma et parfois de convulsions ;
vasculaires, le niveau socioculturel et les hypoglycémies sont des • une déshydratation majeure avec une langue rôtie, un pli
facteurs de risque reconnus. Cependant, le rôle d’autres para- cutané, une hypotension artérielle, une perte de poids de plus
mètres est évoqué comme l’insulinorésistance, l’inflammation, de 5 kg, une fièvre, une altération de l’état général, des douleurs
le stress oxydatif et le microbiote, notamment dans la maladie abdominales, des nausées et des vomissements. En revanche, il
d’Alzheimer. n’y a pas de dyspnée en raison de l’absence d’acidose. Enfin, la
Ces troubles cognitifs et ces démences ont des conséquences polyurie qui est liée à la glycosurie reste importante malgré la
néfastes chez le sujet âgé car ils diminuent l’espérance de vie, déshydratation du patient.
compromettent l’autonomie du patient pour la gestion de son La prise en charge thérapeutique repose sur la réhydratation,
traitement, augmentent le risque de dénutrition, de dépression, de la correction des troubles hydroélectrolytiques et l’instauration
chutes, d’hypoglycémie, l’isolement social et familial et les acci- d’une insulinothérapie. Une surveillance clinique et biologique
dents iatrogènes [26] . Leur dépistage est d’autant plus important attentive permet d’adapter et de surveiller le traitement.
que ces troubles cognitifs sont souvent sous-estimés comme cela La prise en charge du facteur déclenchant est indispensable,
a été démontré dans l’étude Gerodiab [27] . Le temps d’une consul- ainsi que la prévention du risque thromboembolique et la réali-
tation est court, et il n’est pas toujours aisé de les déceler. Il faut sation des soins de nursing (lutte contre la sécheresse buccale et
savoir évoquer le diagnostic devant un déséquilibre glycémique, oculaire, prévention des escarres, kinésithérapie respiratoire, etc.).
la survenue d’hypoglycémies mal expliquées, une moins bonne Les complications peuvent être liées au coma lui-même : col-
tenue du carnet de glycémie, des oublis de rendez-vous ou une lapsus brutal avec chute de la pression artérielle et défaillance
moins bonne hygiène corporelle. De nombreux tests permettent multiviscérale, troubles ioniques, infections notamment pulmo-
d’évaluer les différentes composantes des fonctions cognitives. naires, complications thromboemboliques, etc.
Parmi ces tests, le Mini Mental State Examination (MMSE), bien Elles peuvent également être d’origine iatrogène avec un
connu de tous les médecins, permet une évaluation globale des risque de collapsus (en cas de correction insuffisante du
fonctions cognitives (orientation temporospatiale, apprentissage, déficit sodé et d’insulinothérapie trop brutale), d’œdème céré-
calcul, langage et praxies constructives) et de décider quel patient bral (en cas de correction trop rapide de l’hyperosmolarité
doit être adressé à un gériatre pour un complément d’exploration. et de l’hyperglycémie), d’infection sur la sonde urinaire,
La dépression est plus fréquente chez les sujets diabétiques d’hypoglycémie et d’hypokaliémie.
et elle est souvent intriquée avec les troubles cognitifs, ce qui Le pronostic, qui est sévère, est lié au terrain, au facteur déclen-
rend leur diagnostic respectif souvent difficile. Un dépistage peut chant, mais aussi au coma lui-même.
être facilement réalisé à l’aide du score Geriatric Depression Scale Le coma hyperosmolaire constitue donc une urgence thérapeu-
(GDS) qui comporte 30 questions simples. tique. Son pronostic reste sombre malgré une meilleure prise en
La prévalence des chutes augmente avec l’âge. Ainsi, on estime charge. Il faut par conséquent savoir l’évoquer devant des signes
que chaque année, en France, un tiers des patients de plus de peu spécifiques et surtout le prévenir devant des circonstances
65 ans et la moitié des plus de 80 ans font une chute. Ces chutes favorisant sa survenue chez un patient fragilisé.
peuvent être à l’origine d’accidents traumatiques graves mais
entraînent également des conséquences psychologiques (syn-
drome postchute et perte d’autonomie) et peuvent être à l’origine Complications chroniques
du décès du patient. On estime ainsi qu’en France 9000 décès par
an sont liés directement ou indirectement à des chutes parmi les Chez les sujets âgés, les complications liées à l’hyperglycémie
patients de plus de 65 ans. Ces chutes sont favorisées par l’âge, la chronique s’associent à celles du vieillissement.
polymédication, les troubles cognitifs, le sexe féminin, un indice La rétinopathie et l’œdème maculaire peuvent ainsi s’associer à
de masse corporelle (IMC) faible, les altérations fonctionnelles une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), un glaucome
(atteinte visuelle, arthrose, troubles locomoteurs, incontinence ou une cataracte qui aggravent le déficit visuel. Il en est de même
urinaire), et un antécédent de chute ou de fracture. Le diabète pour la fonction rénale puisque la néphropathie diabétique peut
est également un facteur risque indépendant de chute [28] . Des s’associer aux conséquences de l’hypertension artérielle (HTA) et
facteurs extrinsèques doivent aussi être recherchés (habitat non chez l’homme aux uropathies obstructives liées aux pathologies
adapté, prise d’alcool, etc.). prostatiques.
Le coma hyperosmolaire est une forme grave de décompen- Le risque podologique est majoré chez le sujet âgé avec un risque
sation aiguë d’un diabète de type 2 connu ou non, associant d’amputation plus important puisque les trois quarts des ampu-
une hyperglycémie majeure, une déshydratation profonde, des tations liées au diabète concernent des patients de plus de 75 ans.
troubles de la conscience et l’absence de cétose. Il s’agit d’une Aux facteurs de risque traditionnels (neuropathie, artériopathie,
situation particulièrement redoutable qui peut entraîner le décès trouble statique et infection) s’ajoutent les handicaps visuel et
du patient dans environ 15 % des cas. fonctionnel à l’origine d’un retard diagnostique et de prise en
charge. Le dépistage doit donc être réalisé comme chez le sujet répondre aux besoins de prévention et de soin. C’est notamment
plus jeune, mais en y associant les aidants. L’éducation thérapeu- lui qui doit pouvoir repérer la fragilité du patient et adapter les
tique occupe là aussi une place importante dans la prévention du objectifs glycémiques en fonction de la réussite du vieillissement
risque d’ulcération. du patient : plus stricts si le vieillissement est réussi, moins ambi-
Les complications ostéoarticulaires sont moins bien connues tieux chez les sujets fragiles ou « malades » mais sans laxisme
mais touchent avec prédilection les sujets âgés avec des consé- excessif.
quences fonctionnelles importantes. C’est le cas notamment de
la cheiroarthropathie, de la capsulite rétractile, de la maladie
de Dupuytren ou du syndrome du canal carpien. L’hyperostose Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
vertébrale ankylosante ou maladie de Forestier est au contraire d’intérêts en relation avec cet article.
volontiers asymptomatique.
Les complications macroangiopathiques sont plus fréquentes
et plus graves chez le sujet âgé. La prévalence croissante de Références
l’insuffisance cardiaque qui touche près de 10 % des patients dans
l’étude Gerodiab doit être soulignée. [1] Haute Autorité de santé. Agence nationale de sécurité du médicament
et des produits de santé (Ansm). Stratégie médicamenteuse du contrôle
glycémique du diabète de type 2. Recommandation de bonne pratique.
Quelle surveillance du diabète 2013. www.has-sante.fr.
[2] Mandereau-Bruno L, Denis P, Fagot-Campagna A, Fosse-Edorh S.
chez le patient âgé ? [18]
Prévalence du diabète traité pharmacologiquement et disparités ter-
ritoriales en France en 2012. Bull Epidemiol Hebd 2014;30–31:493–9.
Comme chez le sujet plus jeune, la surveillance du diabète du www.invs.sante.fr/beh/2014/30-31/2014 30-31 1.html.
sujet âgé requiert la réalisation régulière d’examens cliniques et [3] INVS. ENTRED. « Échantillon national témoin représentatif des
paracliniques. Toutefois, chez les personnes âgées, des paramètres personnes diabétiques » : www.invs.sante.fr/surveillance/diabete/
complémentaires doivent être examinés. entred 2007 2010/index.html.
Tous les trois mois, une évaluation de la qualité de [4] Pornet C, Bourdel-Marchasson I, Lecomte P, Eschwège E, Romon I,
l’alimentation, de l’état nutritionnel et de l’activité physique doit Fosse S, et al. Trends in the quality of care for elderly people with type
être faite. La prise de la pression artérielle, la recherche d’une 2 diabetes: the need for improvements in safety and quality (the 2001
hypotension orthostatique, la mesure de l’IMC et le contrôle de and 2007 ENTRED Surveys). Diabetes Metab 2011;37:152–61.
l’équilibre glycémique par l’examen du carnet et le dosage de [5] Comment repérer la fragilité en soins ambulatoires ? HAS. 2013. www.
l’HbA1c sont indispensables. has-sante.fr.
Tous les ans, un examen des pieds et la recherche d’une neuro- [6] Fried LP, Tangen CM, Walston J, Newman AB, Hirsch C, Gottdiener J,
pathie à l’aide d’un monofilament sont recommandés. Les dosages et al. Frailty in older adults: evidence for a phenotype. Cardiovascular
de la créatinine et l’évaluation fiable de la clairance (l’utilisation Health Study Collaborative Research Group. J Gerontol A Biol Sci Med
de la formule modification of the diet in renal disease [MDRD] est pré- Sci Med Sci 2001;56:M146–56.
férable après 70 ans), du bilan lipidique, de la microalbuminurie [7] Rockwood K, Song X, MacKnight C, Bergman H, Hogan DB, McDo-
well I, et al. A global clinical measure of fitness and frailty in elderly
doivent être réalisés annuellement, ainsi qu’un fond d’œil et un
people. CMAJ 2005;173:489–95.
électrocardiogramme (ECG). Chaque année, une évaluation plus
[8] Référentiel de bonnes pratiques. Nutrition et diététique. Diabète de
centrée sur les complications gérontologiques devrait également
type 2 de l’adulte. Med Mal Metab 2014;8(hors serie1).
être systématique par la quantification du degré d’autonomie,
[9] Guiguoz Y, Vellas B, Garry PJ. Mini Nutritional Assessment. A practi-
la recherche des chutes, d’un état dépressif et d’un déficit cog- cal assessment tool for grading the nutritional state of elderly patients.
nitif. Ces examens plus spécifiquement gériatriques nécessitent Facts Res Gerontol 1994;(Suppl. 2):15–59.
l’utilisation d’échelles validées comme le MMSE ou le MNA. [10] Haute Autorité de santé. Stratégie de prise en charge en cas de dénu-
Les examens Doppler des troncs supra-aortiques et des axes des trition protéino-énergétique chez la personne âgée. 2007. www.has-
membres inférieurs méritent d’être pratiqués tous les trois ans, sante.fr.
même en l’absence de symptômes. La pratique d’une épreuve [11] Inzucchi SE, Bergstal RM, Buse JB, Diamant M, Ferrannini E, Nauck
d’effort, d’une scintigraphie ou d’une échographie de stress se dis- M, et al. Management of hyperglycemia in type 2 diabetes, 2015: a
cute bien évidemment au cas par cas. Le dépistage ne doit être patient-centered approach. Update to a position statement of the Ame-
réalisé que si un traitement peut être mis en œuvre. rican Diabetes Association and the European Association for the Study
of Diabetes. Diabetes Care 2015;38:140–9.
[12] Bonnet F, Gauthier E, Gin H, Hadjadj S, Halimi JM, Hannedouche
Quand adresser le patient T, et al. Expert consensus on management of diabetic patients with
impairment of renal function. Diabetes Metab 2011;37:S1–25.
aux spécialistes ? [13] Roussel R, Travert F, Pasquet B, Wilson PW, Smith Jr SC, Goto S, et al.
Reduction of Atherothrombosis for Continued Health (REACH) Regis-
Plus de 80 % des diabétiques de type 2 sont suivis par leur méde- try Investigators. Metformin use and mortality among patients with
cin généraliste, mais, selon la HAS, le recours au diabétologue diabetes and atherothrombosis. Arch Intern Med 2010;170:1892–9.
peut et doit s’imposer à chaque fois que cela s’avère nécessaire. [14] Schweizer A, Dejager S, Foley JE, Shao Q, Kothny W. Clinical expe-
Ces situations concernent notamment le doute sur le type du rience with vildagliptine in the management of type 2 diabetes in a
diabète ou sur les objectifs glycémiques. Mais la nécessité du pas- patient population ≥ 75 years: a pooled analysis from a database of
sage à l’insuline ou l’optimisation du schéma ainsi que devant clinical trials. Diabetes Obes Metab 2011;13:55–64.
un déséquilibre majeur des glycémies constituent les raisons les [15] Bouée S, Detournay B, Balkau B, Blicklé JF, Attali C, Vergès B, et al.
plus fréquentes d’adresser le patient au spécialiste. Enfin, le dia- Diabète de type 2 : pratiques d’intensification thérapeutique chez les
bétologue peut apporter une aide dans l’éducation thérapeutique médecins généralistes en France en 2008-2009. Bull Epidemiol Hebd
réalisée auprès du patient ou de sa famille. 2010;(n◦ 42-43):436–40.
[16] Haute Autorité de santé. Guide parcours de soins – diabète de type 2
de l’adulte. 2014. www.has-sante.fr.
Conclusion
[17] Haute Autorité de santé (HAS). L’autosurveillance glycémique dans le
diabète de type 2 : une utilisation très ciblée. 2011. www.has-sante.fr.
[18] Bauduceau B, Bordier L, Doucet J. Diabète du sujet âgé. Rev Prat Med
Le diabète du sujet âgé, du fait de sa fréquence croissante et Gen 2013;27:859–64.
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du parcours de soin de ces patients dont la prise en charge doit être et poids économique des personnes diabétiques. INVS 2013. Entred
pluridisciplinaire, coordonnée, personnalisée et efficiente afin de 2007-2010. www.invs.sante.fr.
[20] Torreton E, Vandebrouck T, Emiel P, Detournay B. Cost of inpa- [25] Zoungas S, Patel A, Chalmers J, de Galan BE, Li Q, Billot L, et al.
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L. Bordier (lbordier@club-internet.fr).
M. Dolz.
M. Sollier.
C. Garcia.
Service d’endocrinologie, Hôpital d’instruction des armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France.
J. Doucet.
Service de médecine interne – gériatrie – thérapeutique, Hôpital Saint-Julien, CHU de Rouen, 76031 Rouen cedex, France.
C. Verny.
Service de gérontologie, CHU de Bicêtre, 12, rue Séverine, 94276 Le Kremlin-Bicêtre cedex, France.
J.-P. Le Floch.
Service de diabétologie-endocrinologie, Clinique de Villecresnes, 8, boulevard Richerand, 94440 Villecresnes, France.
B. Bauduceau.
Service d’endocrinologie, Hôpital d’instruction des armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Bordier L, Dolz M, Sollier M, Garcia C, Doucet J, Verny C, et al. Diabète du sujet âgé. EMC - Traité de
Médecine Akos 2018;13(1):1-8 [Article 3-1112].
L’insuffisance hépatique aiguë sévère (IHAS) est la conséquence d’une nécrose massive du parenchyme
hépatique, témoignant de l’altération profonde de la fonction de synthèse du foie. Elle est définie par un
taux de prothrombine (TP) inférieur à 50 % ou un international normalized ratio (INR) supérieur à 1,5,
en l’absence de carence en vitamine K ou de prise d’antivitamine K. L’apparition d’une encéphalopathie
hépatique marque une étape supplémentaire dans la gravité de la maladie et définit l’hépatite fulminante
(HF). Les principales causes sont le paracétamol, les autres médicaments, les virus, les hépatites auto-
immunes, les hépatites hypoxiques. Le pronostic dépend de la cause de l’hépatite. La mortalité globale
varie de 50 % à 80 % et dépend de la cause de l’hépatite. La transplantation hépatique reste le traitement
de référence des hépatites fulminantes. Les critères de transplantation les plus utilisés sont ceux du
King’s College Hospital et ceux de Clichy-Villejuif. Les principales causes de décès sont les infections, la
défaillance multiviscérale et la mort encéphalique. La survie après transplantation s’est améliorée ces
dernières années et est actuellement de 77 % à un an. La prise en charge de ces patients présentant une
IHAS/HF nécessite leur transfert vers un centre spécialisé ayant accès à la transplantation hépatique.
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Mots-clés : Insuffisance hépatique aiguë sévère ; Hépatite fulminante ; Étiologie des hépatites aiguës sévères ;
Complications des hépatites fulminantes ; Œdème cérébral ; Hypertension intracrânienne ;
Transplantation hépatique
Plan désignent une atteinte hépatique sévère, due à une nécrose mas-
sive ou submassive du parenchyme hépatique [1, 2] . Ces termes
■ Introduction. Définitions 1 traduisent l’état de gravité dans lequel se trouve le patient et
■
un pronostic différent. L’hépatite aiguë sévère est définie par la
Causes d’insuffisance hépatique aiguë sévère et fulminante 2
diminution du taux de prothrombine (TP) inférieur à 50 % ou de
Causes fréquentes 2
l’international normalized ratio (INR) supérieur à 1,5. En dehors de
Autres causes 2
rares exceptions, cette dysfonction hépatique survient chez des
■ Indication de transplantation hépatique 3 patients ne présentant pas de maladie chronique préexistante. La
■ Traitement spécifique des hépatites fulminantes 4 survenue d’une encéphalopathie hépatique définit l’hépatite ful-
■ Prise en charge des complications des hépatites aiguës minante. L’hépatite sévère est de meilleur pronostic que l’hépatite
sévères/fulminantes 4 fulminante ou subfulminante, mais il s’agit d’une notion dyna-
Complications métaboliques 4 mique. En fonction du délai entre le début de l’ictère (I) et
Complications neurologiques 4 l’apparition d’une encéphalopathie hépatique (EH), on distingue
Complications cardiovasculaires 5 les hépatites fulminantes (délai I-EH < 15 jours) et les hépatites
Complications pulmonaires 5 subfulminantes (délai I-EH compris entre 15 jours et 3 mois). Les
Complications infectieuses 5 Anglo-Saxons utilisent les termes acute liver injury (ALI), hyperacute
Complications rénales 5 (hyperALF), acute (ALF) et subacute liver failure (subALF). ALI est
défini par un INR supérieur à 1,5, sans encéphalopathie. Hyper-
■ Transplantation hépatique 5 ALF, ALF et subALF sont définis par un délai I-EH entre 0 et 7 jours,
■ Supports hépatiques 6 1 et 4 semaines, et 4 et 12 semaines, respectivement. Le pronostic
Système MARSTM 6 des hyperacutes est meilleur que ceux des acutes et subacutes.
Échanges plasmatiques à haut débit 6 L’hépatite fulminante est une urgence car en quelques jours,
■ Résultats de la transplantation hépatique 6 parfois moins, la cause de l’hépatite doit être trouvée (bien
■
que dans 15 à 20 % des cas, elle reste indéterminée) ; il faut
Conclusion 7
éliminer une contre-indication à la transplantation hépatique,
poser l’indication de transplantation, et prévenir et/ou traiter les
complications liées à la défaillance hépatique.
Le pronostic spontané des hépatites fulminantes est mauvais, et
Introduction. Définitions la transplantation hépatique doit être considérée lorsque certains
critères de gravité sont réunis.
Dysfonction hépatique aiguë sévère, insuffisance hépatique La prise en charge de ces patients présentant une IHAS/HF
aiguë sévère (IHAS), hépatite fulminante (HF), hépatite subful- nécessite leur transfert vers un centre spécialisé ayant accès à la
minante, acute liver failure, subacute ou hyperacute liver failure transplantation hépatique.
Autres causes
Causes d’insuffisance hépatique L’hépatite aiguë auto-immune peut être responsable
d’insuffisance hépatique aiguë sévère et fulminante. Elle sur-
aiguë sévère et fulminante (Tableau 1) vient principalement chez les jeunes femmes, ayant ou non un
terrain « auto-immun ». Le diagnostic d’hépatite sévère auto-
Causes fréquentes immune doit être évoqué en cas d’hypergammaglobulinémie,
de la présence d’autoanticorps antimuscles lisses ou anti-LKM1,
Les causes les plus fréquentes sont le paracétamol, les médi- de l’existence d’un infiltrat inflammatoire plasmocytaire à
caments autres que le paracétamol, le virus A, le virus B et les l’histologie. Les anticorps antitissus peuvent être négatifs.
toxiques [3] . L’hépatite aiguë auto-immune peut survenir sur un foie sain ou
Le paracétamol est actuellement la cause la plus fréquente sur un foie d’hépatopathie chronique [6] .
d’hépatite aiguë sévère et est souvent un facteur aggravant de Le virus de l’hépatite E (VHE) se transmet essentiellement par
l’hépatite (lorsque la cause principale n’est pas le paracétamol). Les voie féco-orale, mais il existe d’autres voies de transmission :
hépatites au paracétamol peuvent être soit intentionnelles (ten- consommation de viandes mal cuites, transfusion de produits san-
tative de suicide), soit dues à une consommation de paracétamol guins infectés, ou transmission verticale d’une femme enceinte
à dose thérapeutique, dans certaines conditions (alcoolisme chro- au fœtus. Le virus de l’hépatite E est ubiquitaire mais est essen-
nique, jeûne). Cette dernière représente actuellement 50 % des tiellement rencontré dans les pays d’Asie du Sud et de l’Est. Les
hépatites sévères ou fulminantes au paracétamol. Le jeûne, la prise formes fulminantes ou subfulminantes sont observées essentiel-
d’alcool augmentent la toxicité du paracétamol en diminuant la lement chez la femme enceinte durant le troisième trimestre de
quantité de glutathion, qui permet la détoxification des métabo- grossesse. Les formes observées en France et dans les pays d’Europe
lites actifs en métabolites inactifs, non toxiques. La dose toxique de l’Ouest sont essentiellement observées chez les personnes reve-
de paracétamol au-delà de laquelle une hépatotoxicité peut surve- nant de voyage dans les pays à hautes endémies ou sont des formes
nir est de 150 mg/kg chez l’adulte et de 200 mg/kg chez l’enfant. Le autochtones dues à une souche du VHE d’origine porcine (géno-
risque de mortalité en l’absence de transplantation est d’environ type 3 ou 4) transmis par la viande de porc.
30–40 % [4] . Le diagnostic positif d’IHAS/HF due au virus E se fait par la pré-
Les hépatites médicamenteuses représentent environ 30 % sence d’IgM VHE dans le sang et/ou une polymerase chain reaction
des causes d’hépatites fulminantes et subfulminantes. Les (PCR) sang ou selle du virus E positif [7] .
familles de médicaments le plus souvent en cause sont les Le syndrome de Budd-Chiari fulminant est une forme rare du
anti-inflammatoires non stéroïdiens, certains antibiotiques, les syndrome de Budd-Chiari. Il s’agit de la thrombose aiguë des trois
antituberculeux. Le mécanisme peut en être un surdosage veines sus-hépatiques, responsable d’une hépatomégalie doulou-
médicamenteux ou un mécanisme idiosyncrasique. Certaines reuse avec ascite et cytolyse majeure. Le diagnostic peut être
interactions médicamenteuses peuvent être responsables de modi- fait par l’échodoppler hépatique (veines hépatiques non visibles,
fications métaboliques potentialisant l’hépatotoxicité d’un des ascite, segment I hypertrophié), l’angioscanner ou l’imagerie par
®
deux médicaments (Rimifon et rifampicine). Les hépatites médi- résonance magnétique (IRM) hépatique [8] .
camenteuses évoluent plus souvent sur un mode subfulminant Dans certains cas, la maladie de Wilson peut se révéler sur un
que fulminant et touchent plus les personnes âgées (ceci est expli- mode fulminant. Elle est caractérisée par la survenue chez un
qué en partie par le fait que la prise de médicaments est plus patient de 10–25 ans d’une augmentation modérée des transami-
fréquente dans la population âgée). L’interrogatoire du patient et nases, l’existence d’une anémie hémolytique à Coombs négatif.
de son entourage est majeur afin de retrouver le médicament en Le diagnostic peut être confirmé par la présence de l’anneau de
question. La recherche du médicament potentiellement respon- Kayser-Fleischer, une céruloplasminémie basse, une cuprurie et
transplantation (en particulier l’œdème cérébral et le sepsis). En [12] Henrion J, Schapira M, Luwaert R, Colin L, Delannoy A, Heller FR.
effet, la présence de troubles neurologiques graves (coma profond Hypoxic hepatitis: clinical and hemodynamic study in 142 consecutive
avec ou sans signes d’hypertension intracrânienne) associés ou cases. Medicine 2003;82:392–406.
non à la présence d’une autre défaillance viscérale au moment de [13] Ostapowicz G, Fontana RJ, Schiodt FV, Larson A, Davern TJ, Han
la transplantation hépatique expliquent certainement ces moins SH, et al. Results of a prospective study of acute liver failure at 17
bons résultats. tertiary care centers in the United States. Ann Intern Med 2002;137:
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[15] Clemmesen JO, Larsen FS, Kondrup J, Hansen BA, Ott P. Cerebral
L’insuffisance hépatique aiguë sévère et fulminante est une herniation in patients with acute liver failure is correlated with arterial
complication rare mais grave des hépatites. La prise en charge ammonia concentration. Hepatology 1999;29:648–53.
des patients présentant une IHAS/HF nécessite leur transfert [16] Bernuau J, Goudeau A, Poynard T, Dubois F, Lesage G, Yvonnet B,
vers un centre spécialisé ayant accès à la transplantation hépa- et al. Multivariate analysis of prognostic factors in fulminant hepatitis
tique. L’indication de transplantation hépatique doit être posée B. Hepatology 1986;6:648–51.
lorsque le patient présente des critères de mauvais pronostic. La [17] Bismuth H, Samuel D, Gugenheim J, Castaing D, Bernuau J, Rueff
principale cause d’IHAS/HF dans le monde est le paracétamol. B, et al. Emergency liver transplantation for fulminant hepatitis. Ann
L’hospitalisation précoce de ces patients, l’arrêt de tout médica- Intern Med 1987;107:337–41.
ment hépatotoxique, le traitement par NAC, quelle que soit la [18] Izumi S, Langley PG, Wendon J, Ellis AJ, Pernambuco RB, Hughes
cause de l’hépatite, ont probablement contribué à l’amélioration RD, et al. Coagulation factor V levels as a prognostic indicator in
de la survie sans transplantation. Les principales causes de morta- fulminant hepatic failure. Hepatology 1996;23:1507–11.
lité des hépatites fulminantes sont les infections, la défaillance [19] Ichai P, Legeai C, Francoz C, Boudjema K, Boillot O, Ducerf C, et al.
multiviscérale et la mort encéphalique. La survie après trans- Patients with acute liver failure listed for superurgent liver transplan-
plantation hépatique s’est considérablement améliorée ces dix tation in France: reevaluation of the Clichy-Villejuif criteria. Liver
dernières années, du fait des progrès de la prise en charge des Transplant 2015;21:512–23.
[20] Escudie L, Francoz C, Vinel JP, Moucari R, Cournot M, Paradis V,
complications des HF.
et al. Amanita phalloides poisoning: reassessment of prognostic fac-
tors and indications for emergency liver transplantation. J Hepatol
2007;46:466–73.
Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts
[21] Ganzert M, Felgenhauer N, Zilker T. Indication of liver transplantation
en relation avec cet article.
following amatoxin intoxication. J Hepatol 2005;42:202–9.
[22] Bernal W, Wang Y, Maggs J, Willars C, Sizer E, Auzinger G, et al.
Development and validation of a dynamic outcome prediction model
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Ichai P. Insuffisance hépatique aiguë sévère et hépatite fulminante. EMC - Traité de Médecine Akos
2018;13(1):1-7 [Article 4-0376].
Carcinome hépatocellulaire
C. Fron, J.-F. Blanc
Mots-clés : Carcinome hépatocellulaire (CHC) ; Cirrhose ; Syndrome métabolique ; Hépatite virale chronique ;
Transplantation hépatique ; Chimioembolisation ; Sorafénib
Plan Introduction
■ Introduction 1 Épidémiologie
Épidémiologie 1
À l’échelon mondial, le cancer du foie est le sixième cancer le
Facteurs de risque de CHC 1
plus fréquent en incidence (782 000 nouveaux cas chaque année
Évolution prévisible de l’épidémiologie 2
dans le monde, soit 5,6 % de tous les nouveaux cas de can-
■ Anatomopathologie 2 cer). C’est une tumeur de très mauvais pronostic représentant la
■ Circonstances de découverte 2 deuxième cause de mortalité par cancer dans le monde (74 000
Manifestations cliniques 2 décès, soit 9,1 % du total) après le cancer du poumon [1] .
Dépistage 3 En France, le taux de survie à cinq ans est de 15 % et la survie
■ Confirmation diagnostique 3 médiane de 9,4 mois [2] .
Ponction biopsie hépatique 3 À l’échelon mondial, l’incidence du carcinome hépatocellu-
Critères non invasifs (imagerie) 3 laire (CHC) varie selon les régions géographiques. Ces inégalités
■
d’incidence sont principalement liées à la variation de prévalence
Bilan préthérapeutique 3
des principaux facteurs de risque.
Évaluation du patient 4
Dans les pays occidentaux, notamment en France, l’alcool
Évaluation de la tumeur, bilan d’extension 4
(72 %), le syndrome métabolique (18 %) et l’hépatite C (15 %)
Évaluation du foie sous-jacent 5
sont les causes les plus fréquentes de CHC [3] . Dans le monde,
Place des marqueurs tumoraux : alpha-fœto-protéine 5
l’hépatite B et l’aflatoxine B1 expliquent 60 % des CHC.
■ Traitement 5
Traitement curatif 5
Traitement palliatif 6 Facteurs de risque de CHC (Tableaux 1, 2)
■ Nouvelles options thérapeutiques en développement 7 Cirrhose
■ Surveillance 7 La cirrhose, quelle qu’en soit la cause est le principal facteur de
■ Conclusion 7 risque de CHC. Seuls 5 à 15 % des CHC se développent sur foie
non cirrhotique.
Tableau 1. Hépatite C
Principaux facteurs de risque de carcinome hépatocellulaire sur foie
cirrhotique. L’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) représente l’une
des causes principales d’hépatite chronique, de cirrhose et de CHC
Cause(s) de la cirrhose dans le monde. En cas d’infection virale C, une virémie détectable
Virus (VHB, VHC, VHD) est associée au risque de CHC alors que l’éradication virale réduit
Alcool ce risque [10] . En cas de cirrhose constituée, la guérison virale ne
NASH supprime pas totalement le risque de développer un CHC, surtout
Hémochromatose, Wilson, déficit A1AT si des cofacteurs de risque (alcool, syndrome métabolique) sont
Paramètres liés à la sévérité de la cirrhose toujours présents. La surveillance doit donc être maintenue à vie,
Hypertension portale (VO, plaquettes) même en cas de négativation de la virémie.
Insuffisance hépatique (TP, bilirubine)
Activité de la maladie (ALAT, alpha-fœto-protéine) Syndrome métabolique
Marqueurs histologiques (dysplasie, CK7, fer)
Le syndrome métabolique apparaît comme un facteur de risque
Paramètres individuels majeur de cancers dont le CHC [11] . L’épidémie d’obésité et de
Âge (> 50 ans) diabète, en lien étroit avec le syndrome métabolique, semblent
Polymorphismes génétiques expliquer l’augmentation de l’incidence du CHC dans les pays
Syndrome métabolique, obésité, diabète occidentaux [12] .
Tabac Le syndrome métabolique pourrait être un facteur de risque
direct ou indirect de CHC via le développement d’une stéatohépa-
VHB, C, D : virus des hépatites B, C, D ; NASH : stéatohépatite non alcoo-
lique ; A1AT : alpha 1-antitrypsine ; VO : varice œsophagienne ; TP : taux de tite non alcoolique (NASH). Plusieurs données montrent d’ailleurs
prothrombine ; ALAT : alanine aminotransférase ; CK7 : cytokératine 7. que, chez ces patients, le CHC n’est pas toujours associé à une cir-
rhose sous-jacente. Jusqu’à 50 % des cas surviennent en l’absence
de fibrose ou d’inflammation significative, sur foie simplement
Tableau 2. stéatosique [13] .
Principaux facteurs de risque de carcinome hépatocellulaire sur foie non D’autres facteurs de risque de CHC ont été identifiés sur le foie
cirrhotique. (Tableaux 1, 2).
Individu
Histoire familiale de CHC Évolution prévisible de l’épidémiologie
Environnement
Jusqu’alors, la majorité des cas de CHC se produisaient en Asie
Aflatoxine (Afrique, Asie+++)
Tabac
et en Afrique, zones de forte prévalence du VHB et du VHC.
L’épidémiologie est cependant en train de se modifier avec
Comorbidités
un rôle devenant majeur dans les pays développés du syndrome
Syndrome métabolique métabolique et de ses composantes, dont le diabète. Parallèle-
Diabète ment, les avancées dans le traitement des hépatites C et B laissent
Obésité présager une diminution de l’incidence du CHC sur cirrhose
Virus virale [14, 15] . Il est donc possible que les stéatopathies (alcooliques
AgHBs+ et non alcooliques) deviennent les causes les plus fréquentes de
Adeno-associated virus de type 2 CHC en Occident dans les années à venir [12] .
Adénomes (mutation exon 3 b-caténines, TERT, sonic hedgehog)
Aflatoxine B1
Il s’agit d’une mycotoxine produite par deux espèces Circonstances de découverte
d’Aspergillus, présente sous forme de moisissure dans les pays
chauds et humides. Extrêmement génotoxique et carcinogène,
Manifestations cliniques
ses modes de contamination sont multiples : consommation Le CHC peut être découvert devant des symptômes : tumeur
de denrées contaminées (noix, arachide, maïs, etc.) ou de lait palpable, douleurs, altération de l’état général, décompensation
d’animaux ayant reçu des substances contaminées. Plusieurs de cirrhose ou syndromes paranéoplasiques (fièvre, polyglobulie).
études montrent une très forte corrélation entre l’ingestion Dans ces cas, le diagnostic est tardif et la tumeur ne peut être
d’aflatoxine et l’incidence du CHC, encore plus chez les patients accessible à un traitement curateur rendant alors le pronostic très
porteurs de l’antigène (Ag)Hbs [8, 9] . sévère.
La mise en place d’un dépistage précoce est fondamentale pour Une biopsie « négative » n’élimine pas le diagnostic de CHC.
augmenter la proportion de patients porteurs de CHC accessibles Au moindre doute, une surveillance rapprochée doit être réalisée
à des traitements curatifs. (tomodensitométrie [TDM] ou imagerie par résonance magné-
tique [IRM] à trois mois)
Dépistage
Critères non invasifs (imagerie)
Le CHC se prête particulièrement bien au dépistage puisqu’il
s’agit d’une tumeur : grave, avec des traitements efficaces à un L’alternative à la biopsie, en cas de nodule découvert chez un
stade précoce, se développant dans une population bien définie patient porteur d’une cirrhose, repose sur les critères de diagnostic
(patients cirrhotiques). non invasif, c’est-à-dire sur des critères d’imagerie. Leur validité
Les sociétés savantes recommandent une stratégie de dépis- nécessite :
tage du CHC par échographie hépatique semestrielle chez tous • la certitude du diagnostic de cirrhose ;
les patients porteurs d’une cirrhose, quelle qu’en soit la cause [19] . • le respect des recommandations techniques concernant la réa-
Cet examen non invasif et peu coûteux a une sensibilité entre lisation des examens d’imagerie, décrites sur le site de la Société
60 et 90 % et une spécificité de plus de 90 %, ce qui est acceptable, française de radiologie ;
mais il doit être réalisé par des opérateurs expérimentés. • que le diagnostic soit validé par une réunion de concer-
Le dosage associé de l’alpha-fœtoprotéine (AFP) n’est pas recom- tation pluridisciplinaire (RCP) « spécialisée », c’est-à-dire
mandé en France dans le cadre du dépistage. comportant au moins les compétences en hépato-
En l’absence de cirrhose, des stratégies de dépistage ont été gastroentérologie/hépatologie, radiologie diagnostique et
établies pour les patients porteurs du VHB et du VHC (Fig. 1). interventionnelle, chirurgie hépatique et transplantation,
Concernant les autres facteurs de risque de CHC : l’âge avancé, oncologie médicale et oncologie radiothérapie.
le diabète, l’obésité et le sexe masculin, aucune stratégie de dépis- Seuls deux examens d’imagerie font référence, le scanner
tage n’est validée en l’absence de cirrhose. hélicoïdal et l’IRM hépatique avec triple acquisition artérielle,
parenchymateuse et portale. Le diagnostic repose sur les spécifici-
tés vasculaires du CHC : la lésion doit être typique, hépatocytaire :
hypervascularisée au temps artériel avec un wash-out (une chute
Confirmation diagnostique brutale de contraste de signal) aux deux temps veineux (por-
tal et tardif) (Fig. 2). L’analyse radiologique doit être rigoureuse
Lorsqu’un nodule suspect est dépisté à l’échographie, la afin de ne pas méconnaître les diagnostics différentiels dont les
confirmation diagnostique repose soit sur l’analyse anatomopa- cholangiocarcinomes intrahépatiques souvent développés sur foie
thologique, soit sur des critères non invasifs. pathologique (Fig. 2). Seule une lésion qui répond strictement
à ces critères d’imagerie peut donc être considérée comme un
CHC [22] .
Ponction biopsie hépatique Pour les nodules de plus de 2 cm, une seule imagerie est suffi-
sante si le nodule est typique (fortes sensibilité et spécificité). Pour
La référence pour le diagnostic de CHC est l’analyse histolo-
les nodules de 1 à 2 cm, les deux imageries doivent être concor-
gique d’un fragment tumoral obtenu par ponction dirigée sous
dantes pour affirmer le diagnostic de CHC. Au moindre doute,
échographie ou scanner, comparé, chaque fois que c’est possible,
une biopsie dirigée doit être réalisée pour confirmer ou infirmer
à un fragment de foie non tumoral prélevé simultanément [20] .
le diagnostic.
En raison de la robustesse des critères de diagnostic non
Pour les nodules de moins de 1 cm, la caractérisation formelle
invasif et des risques de complications liés à la biopsie (risque
des lésions est impossible, une surveillance rapprochée est donc
d’hémorragie, de dissémination tumorale), elle a longtemps été
recommandée (Fig. 3).
délaissée au profit du diagnostic radiologique. Elle reste obliga-
toire pour la confirmation diagnostique lorsque tous les critères
de diagnostic non invasif ne sont pas réunis ou lorsque la cirrhose
n’est pas certaine. Bilan préthérapeutique
Actuellement, elle bénéficie d’un regain d’intérêt, notamment
à visée pronostique (degré de différenciation tumorale, enva- Une fois le diagnostic établi, un bilan préthérapeutique doit être
hissement vasculaire, marqueurs immunohistochimiques) [21] et réalisé afin de guider la décision thérapeutique. Les trois éléments
thérapeutique pour la recherche et le développement de nouvelles essentiels sont l’évaluation :
thérapies ciblées. • de l’état général du patient ;
A B C D
Figure 2. Imagerie typique de carcinome hépatocellulaire sur cirrhose : examen tomodensitométrique avec injection
de produit de contraste : prise de contraste au temps artériel (A) et lavage au temps portal (B). Cholangiocarcinome :
examen tomodensitométrique avec injection de produit de contraste : prise de contraste périphérique au temps artériel
(C) persistante sur le temps portal (D) et sans lavage sur le temps portal tardif (E).
< 1 cm > 1 cm
Échographie TDM ou
Biopsie
à 3 mois IRM injectée
Non Oui
Carcinome hépatocellulaire
• de l’extension de la tumeur ;
• et de l’état du foie sous-jacent.
Évaluation de la tumeur, bilan d’extension
Comme pour tout cancer, un bilan d’extension de la tumeur
doit être réalisé au moment du diagnostic.
Évaluation du patient Ce bilan repose principalement sur l’imagerie en coupes et
Les données sociodémographiques (âge, tabac, alcool), l’état nécessite d’évaluer de façon très précise l’extension de la tumeur,
général (grade Organisation mondiale de la santé/performans sta- à la fois au sein du parenchyme hépatique et à distance.
tus [OMS/PS]) et l’étiologie de la maladie hépatique doivent être Concernant l’atteinte hépatique, l’IRM hépatique avec injec-
recueillis. Un bilan des comorbidités liées au terrain doit être tion de produit de contraste semble avoir des performances un
réalisé, en particulier en cas de cirrhose alcoolique ou de consom- peu supérieures au scanner injecté, en termes de sensibilité,
mation tabagique et d’autant plus si un projet de transplantation pour la détection et la caractérisation des nodules, permettant
hépatique est envisagé. Ces investigations doivent évaluer les notamment de distinguer un nodule de régénération d’un nodule
fonctions cardiaque et respiratoire et rechercher des cancers asso- cancéreux [23] .
ciés : oto-rhino-laryngologique (ORL), pulmonaire, du tractus Ces examens doivent systématiquement être visualisés et ana-
digestif supérieur. lysés en RCP par un radiologue expérimenté afin de préciser : le
Enfin, un bilan préopératoire et une consultation d’anesthésie nombre, la taille, le caractère uni- ou multifocal, les rapports avec
doivent être réalisés si une chirurgie est envisagée. les structures vasculaires et biliaires.
Child B
Destruction
percutanée
OMS 2
RE ?
RT ?
Sorafénib OMS 1
Child A Chimioembolisation
Chirurgie Régorafénib
OMS 0
Il s’agit théoriquement du traitement idéal chez les patients cir- Cependant, certaines localisations tumorales se prêtent mal à
rhotiques porteurs d’un CHC car il permet de traiter la tumeur et la destruction par radiofréquence : contact avec une grosse voie
le foie sous-jacent. biliaire (risque de nécrose biliaire), une structure vasculaire (perte
Elle doit être proposée aux patients ayant une survie atten- d’efficacité par efflux de la chaleur dans le système vasculaire) ou
due post-transplantation hépatique proche de la survie observée localisation sous-capsulaire à proximité d’un organe creux (risque
après transplantation hépatique pour des pathologies bénignes de perforation digestive). Le choix entre résection chirurgicale et
(65–75 % de survie à cinq ans). destruction percutanée est donc souvent difficile et nécessite une
Les indications de transplantation hépatique sont établies discussion du dossier en RCP spécialisée.
dans des réunions multidisciplinaires spécialisées en présence de
membres d’équipes de transplantation. Les critères d’éligibilité
à la transplantation ont varié dans le temps. Ils ont longtemps Traitement palliatif
reposé sur les critères de Milan [26] et donc limité les indica-
tions aux tumeurs uniques de moins de 5 cm ou à deux à trois Chimioembolisation artérielle
tumeurs de taille inférieure à 3 cm. Ces critères sont cependant C’est le traitement le plus utilisé dans le CHC en France et dans
apparus trop restrictifs et, actuellement, l’indication de transplan- le monde avec des résultats controversés/discutables en raison de
tation en France est fondée sur un nouveau score appelé « score l’hétérogénéité des techniques, des patients traités et des opéra-
AFP » comportant trois variables : la concentration d’alpha-fœto- teurs. Néanmoins, la validité de ce traitement repose sur deux
protéine (< 100 ng/ml ; entre 100 et 1000 ng/ml ; > 1000 ng/ml), études de phase III et une méta-analyse et a donc un fort niveau
le diamètre du plus gros nodule, et le nombre de nodules [24] . de preuve [30–32] .
Les contre-indications à la transplantation hépatique sont : la Cette technique consiste à combiner une chimiothérapie locale
mise en évidence d’une invasion veineuse (portale ou hépatique), (en général anthracycline en France) avec une procédure appelée
un score de l’alpha-fœto-protéine supérieur à 2, la présence de « embolisation » réalisée par le largage de particules embolisantes.
lésions secondaires extrahépatiques. En chimioembolisation classique, une huile iodée (le lipiodol)
Compte tenu du délai d’attente sur liste, la plupart des centres est le plus souvent utilisée comme vecteur du chimiotoxique
proposent un traitement « d’attente » pour éviter la progression avec lequel il est émulsionné et injecté avant le largage des par-
tumorale dans l’intervalle et la sortie de liste (chimioembolisation ticules. Une autre technique de chimioembolisation a été plus
intra-artérielle, radiofréquence, résection chirurgicale). récemment développée et consiste à utiliser des billes chargées
de chimiothérapie qui vont s’emboliser dans les vaisseaux tumo-
raux. Cette dernière technique, plus coûteuse, semble mieux
Résection chirurgicale tolérée mais n’apporte pas de bénéfice en termes de contrôle
La résection hépatique est le traitement de référence du CHC tumoral.
sur foie non cirrhotique et doit donc être privilégiée dans ce cas. La chimioembolisation a un effet nécrosant sur la tumeur et
En cas de CHC sur cirrhose, elle est indiquée chez les patients retarde la survenue d’une invasion vasculaire. Elle est indiquée
présentant un nodule avec une fonction hépatique conservée en situation palliative de première ligne chez les patients por-
(BCLC 0 et certains A) sans signe d’hypertension portale (évaluée teurs d’un CHC évolué (BCLB B) (en pratique, multinodulaires),
par le taux de plaquettes ou, si la technique est disponible dans le en l’absence de métastase et d’anomalie significative du flux por-
centre, par la mesure du gradient pression porto-sus-hépatique). tal (les thromboses portales non tronculaires ne sont pas une
Une estimation très précise de la masse hépatique restante doit contre-indication), chez les malades Child-Pugh A ou B7, asymp-
être réalisée avant l’intervention par mesure volumétrique sur tomatiques et en bon état général (PS 0).
examen tomodensitométrique : le volume du foie restant doit Elle est aussi régulièrement utilisée dans deux situations diffé-
représenter 40 % du volume de foie total. rentes : à visée de downstaging chez les patients hors critères de
En respectant ces indications, la mortalité périopératoire est transplantation, ou en traitement « d’attente » de transplantation
inférieure à 5 %. Le taux de survie à cinq ans varie selon les séries, hépatique quand le temps d’accès à la greffe est estimé supérieur
allant de 34 à 72 %. En revanche, la survie sans récidive est plus à six mois.
faible, ne dépassant pas 30 % [27] . Son principal risque est de dégrader la fonction hépatique. Ce
L’analyse histologique conditionne le pronostic. Plusieurs fac- traitement est donc contre-indiqué chez les patients présentant
teurs de risque de récidive précoce ont été mis en évidence : la une cirrhose décompensée (Child-Pugh B ou C) et/ou un état
présence d’une micro-invasion vasculaire, d’une mauvaise dif- général altéré (PS > 0) ainsi qu’une insuffisance rénale (du fait
férenciation histologique, de nodules satellites et le caractère de l’injection d’iode pertraitement).
multifocal des lésions tumorales [28] . Ce traitement entraîne un bénéfice en survie avec des médianes
allant de 35 à 40 mois selon les séries [33, 34] chez des patients
bien sélectionnés (cirrhose compensée [Child A (B)], absence de
Destruction percutanée par voie radiologique thrombose porte, absence d’insuffisance rénale, PS 0/1).
En France, le traitement le plus utilisé pour la destruction
percutanée est la radiofréquence monopolaire. Cette technique Traitements médicaux systémiques
consiste à appliquer un courant alternatif délivré par un géné- ®
rateur de radiofréquence connecté à une aiguille-électrode avec Sorafénib (Nexavar )
création d’un circuit électrique entre cette électrode placée dans Le sorafénib est un inhibiteur de protéines kinases (rapidly acce-
la tumeur et de larges plaques de dispersion sur le patient. Elle lerated fibrosarcoma [RAF] kinase, vascular endothelial growth factor
permet de détruire le nodule avec la marge de sécurité nécessaire receptor 1, 2 et 3 [VEGF-R1, -R2 et -R3], platelet-derived growth fac-
pour obtenir une nécrose complète. Les taux de survie globale tor receptor beta [PDGFR], Fms-like tyrosine kinase 3 [Flt3], c-Kit
et sans récidive à cinq ans sont respectivement de 40 à 70 % et et rearranged during transfection [RET]) ; il a un double mécanisme
de 30 %. Les meilleurs résultats sont obtenus pour des tumeurs d’action, en ciblant à la fois directement la cellule tumorale (inhi-
de petite taille inférieures à 3 cm. Pour des tumeurs de taille bition de la prolifération cellulaire) et les cellules endothéliales
supérieure à 3 cm, le risque de traitement incomplet augmente. des vaisseaux sanguins (inhibition de l’angiogenèse).
D’autres techniques de destruction percutanée sont disponibles C’est le traitement standard en situation palliative chez les
telles que la destruction par micro-ondes ou l’utilisation de radio- patients présentant un CHC au stade avancé (BCLC C) : invasion
fréquence multipolaire qui vient de montrer sa supériorité par portale néoplasique et/ou N1 et/ou M1 et/ou PS 1-2.
rapport au traitement monopolaire dans une étude multicen- Son indication repose sur l’étude Study of Heart and Renal Pro-
trique française [29] . tection (SHARP), étude de phase III, randomisée, multicentrique
La destruction percutanée est une alternative à la résection chi- ayant démontré que le sorafénib améliorait la survie des patients
rurgicale et peut être proposée chez les patients non éligibles à la ayant un CHC évolué sur cirrhose Child A [35] .
chirurgie (comorbidités, hypertension portale significative, loca- Ce traitement n’est actuellement pas recommandé en cas de
lisation tumorale imposant une chirurgie majeure). cirrhose Child B.
Le sorafénib est un traitement oral qui doit être prescrit par un la réponse, il est proposé une nouvelle séance, ou une surveillance
médecin ayant une compétence en oncologie. Du fait de ces effets par examen d’imagerie tous les trois mois pendant un an, puis tous
indésirables (hypertension artérielle [HTA], syndrome pied-main, les six mois.
diarrhée, asthénie) il nécessite un suivi rigoureux et rapproché en En cours de traitement par sorafénib : surveillance clinique et
consultation. biologique mensuelle et examen d’imagerie tous les deux à trois
Régorafénib (Stivarga )
® mois (scanner thoraco-abdomino-pelvien ou IRM hépatique et
® TDM thoracique).
Très récemment, le régorafénib (Stivarga ) a fait preuve de son
Sous traitement symptomatique : surveillance clinique et bio-
efficacité en seconde ligne chez des patients ayant progressé sous
logique à la demande.
sorafénib, avec un allongement significatif de la survie sans pro-
gression et de la survie globale. Ce traitement devrait donc devenir
le traitement de référence de seconde ligne chez les patients ayant
une fonction hépatique préservée [36] .
Conclusion
Lenvatinib (Lenvima )
® Le CHC est la tumeur du foie la plus fréquente et la principale
cause de mortalité chez le patient ayant une cirrhose. Malgré de
Le lenvatinib (inhibiteur des récepteurs 1 à 3 du VEGF, des récep-
nombreux progrès ces dernières années en termes de diagnostic
teurs 1 à 4 du fibroblast growth factor [FGF], du récepteur ␣ du PDGF,
et de traitement, son pronostic reste sombre avec des taux de sur-
de RET et de KIT) a montré une efficacité équivalente au sorafénib
vie à dix ans de 4 %. Encore aujourd’hui, le CHC n’est souvent
dans une étude de phase III de non-infériorité chez des patients
diagnostiqué qu’à un stade avancé empêchant la mise en place de
avec un CHC au stade B ou C de la classification BCLC, un stade
traitements à visée curative. Il faut donc améliorer le dépistage de
A de Child-Pugh, et un indice de l’Eastern Cooperative Oncology
la cirrhose chez les malades à risque, le dépistage du CHC chez
Group (ECOG) PS inférieur ou égal à 1. Le lenvatinib peut donc
les malades ayant une cirrhose, identifier de « nouveaux facteurs
être une alternative au sorafénib en traitement de première ligne
de risque » de CHC et de nouvelles populations accessibles au
après obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM)
dépistage.
(en cours) [37] .
La prise en charge doit être multidisciplinaire et experte [2]
afin de proposer les séquences thérapeutiques les plus adaptées
Soins de confort incluant des traitements complexes tels que la transplantation
Chez les patients de niveau BCLC D, c’est-à-dire présentant une hépatique. Le développement de nouveaux traitements systé-
fonction hépatique et un état général fortement altéré, des soins miques (thérapies ciblées, immunothérapies) devrait modifier à
de confort sont recommandés. court terme les schémas de traitement et le pronostic du CHC.
Surveillance
La surveillance après traitement du CHC doit faire appel aux
critères radiologiques d’évaluation de la réponse. Les modalités
et le rythme de surveillance sont adaptés au traitement mis en Déclaration de liens d’intérêts : C. Fron déclare ne pas avoir de liens d’intérêts
œuvre et doivent faire l’objet d’une nouvelle discussion en RCP. en relation avec cet article ;
Après résection chirurgicale : examen clinique, alpha-fœto- J.-F. Blanc déclare : Bayer SP, BMS, Lilly Oncology, Novartis.
protéine et imagerie (TDM ou IRM) tous les trois mois la première
année, puis tous les six mois.
Après traitement percutané : IRM six à huit semaines, puis tous Références
les trois mois pendant un an, puis tous les six mois.
Après chimioembolisation artérielle : TDM sans injection cou- [1] Ferlay J, Soerjomataram I, Dikshit R, Eser S, Mathers C, Rebelo M,
plée à une IRM avec injection à un mois (critères Modified et al. Cancer incidence and mortality worldwide: sources, methods and
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C. Fron.
Service d’hépato-gastro-entérologie et d’oncologie digestive, Hôpital Haut-Lévêque, Pôle ADEN, Centre médico-chirurgical Magellan, CHU de Bordeaux,
avenue Magellan, 33600 Pessac, France.
J.-F. Blanc (jean-frederic.blanc@chu-bordeaux.fr).
Service d’hépato-gastro-entérologie et d’oncologie digestive, Hôpital Haut-Lévêque, Pôle ADEN, Centre médico-chirurgical Magellan, CHU de Bordeaux,
avenue Magellan, 33600 Pessac, France.
Inserm U1053, BaRITOn, Université Victor Segalen, 146 rue Léo-Saignat, 33000 Bordeaux, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Fron C, Blanc JF. Carcinome hépatocellulaire. EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-9 [Article
4-0400].
Identifier la cause d’une douleur aiguë abdominale est un des problèmes les plus fréquents à résoudre,
notamment dans un service d’urgence. Ses causes sont extrêmement diverses, mais le plus souvent en lien
avec les organes digestifs comme l’estomac, l’intestin ou le foie. L’origine peut aussi être gynécologique,
urinaire, et même cardiaque ou pulmonaire. La préoccupation première est de ne pas méconnaître une
urgence chirurgicale. Tout syndrome douloureux aigu de l’abdomen n’est cependant pas synonyme
d’urgence chirurgicale. Le symptôme peut révéler une affection médicale, souvent non digestive, qui peut
elle-même demander un traitement urgent. Dans un tel cas de figure, le diagnostic étiologique peut être
difficile, surtout quand la pathologie causale est rare. Un interrogatoire approfondi et un examen clinique
complet sont alors essentiels pour orienter le diagnostic et la prescription des examens complémentaires
utiles. Le contraste habituel entre l’intensité de la douleur et la normalité de l’examen clinique abdominal
est un premier élément d’orientation. La présence de symptômes ou de signes cliniques extradigestifs
associés à la douleur abdominale en est un autre. Le but de cet article est de récapituler les principales
pathologies rares auxquelles il faut penser en cas de douleurs abdominales aiguës récidivantes.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
A B
Figure 1. Exemples de deux trajets de hernies internes intra-abdominales (flèches).
A. Paraduodénale.
B. Rétrocæcale.
Les données de l’interrogatoire ont une importance primor- Les douleurs d’origine cardiovasculaire (insuffisance corona-
diale en précisant les caractères de la douleur (siège, irradiations, rienne ; anévrisme de l’aorte abdominale en train de se fissurer,
type, durée, mode de début et de fin des crises, facteurs qui la embolie pulmonaire) peuvent avoir une expression douloureuse
déclenchent ou la majorent [alimentation, émotion, fatigue, etc.] abdominale, les causes hydroélectrolytiques (hypercalcémie) ou
et ceux qui la calment), les symptômes associés (en particulier endocriniennes (insuffisance surrénale aiguë, thyrotoxicose, aci-
non digestifs), les antécédents (personnels ou familiaux) notables docétose diabétique, poussée évolutive d’un phéochromocytome)
et l’évolution générale des troubles (caractère récidivant ou non). peuvent se révéler par un tableau clinique inaugural dominé par
L’examen clinique apporte des arguments supplémentaires en une douleur abdominale aiguë et ne doivent pas être oubliées dans
faveur d’une cause non chirurgicale ou d’une pathologie extra- la recherche étiologique. En revanche, ces affections ne sont pas
digestive lorsque la symptomatologie douloureuse abdominale des causes de crises douloureuses abdominales récidivantes. En
contraste avec un examen abdominal sans particularité et qu’il effet, si le diagnostic n’est pas posé lors du premier accès doulou-
existe des anomalies extra-abdominales (cutanées, neurologiques, reux aigu et le traitement urgent non institué, le pronostic vital
articulaires, etc.). du malade est alors rapidement engagé.
Tableau 1.
Liste des médicaments non autorisés en cas de porphyrie.
Acide méfénamique Clotiazépam IMAO Prazépam
Acide nalidixique Cyclophosphamide Irbésartan Prilocaïne
Acide pipémidique Cyprotérone Isoniazide Primidone
Acide piromidique Danazol Isradipine Probénécide
Acitrétine Dapsone Kétamine Progestatifs propafénone
®
Adrafinil Dénoral Kétoconazole Propanthéline
Alcool Dexfenfluramine Lidocaïne Pyrazinamide
Alizapride Dextromoramide Lincomycine Pyrrocaïne
Allopurinol Dextropropoxyphène Loflazépate Quinapril quinine + dérivés
Alminoprofène Diazépam Loprazolam Ranitidine
Alprazolam Dihydralazine Loxapine Rilménidine
Ambroxol Diménhydrinate Mébévérine Ropivacaïne
Amidopyrine Disopyramide Médifoxamine Roxithromycine
Amineptine Dosulépine Méfloquine Sertraline
Aminogluthétimide Oxépine Méphénésine Simvastatine
Amiodarone Éconazole Mépivacaïne Sotalol
Amisulpride Énalapril Méprobamate Spironolactone
Amobarbital Enflurane Mesna Succinimides
Androgènes Ergotamine + dérivés Méthocarbamol Sulfamides
Articaïne Érythromycine Méthyldopa Sulpiride
Astémizole Étamsylate Méthylergométrine Sultopride
Baclofène Éthenzamide Métronidazole Sumatriptan
Barbituriques Éthosuximide Mexilétine Tamoxifène
Benfluorex Étidocaïne Miansérine Témazépam
Benzbromarone Étifoxine Miconazole Terbinafine
Benzylthiouracile Étomidate Moclobémide Tétrazépam
Bépridil Famotidine Nifédipine Théophylline
Bêtahistine Fenfluramine Nitrazépam Thioridazine
Bipéridène Fénofibrate Nitrendipine Tiadénol
Bisoprolol Fénoprofène Nizatidine Tiapride
Bromocriptine Fénovérine Noramidopyrine Ticlopidine
Bupivacaïne Fenspiride Nordazépam Tiliquinol
Buspirone Flavoxate Œstrogènes Tinidazole
Captopril Floctafénine Œstroprogestatifs Tolbutamide
Carbamazépine Fluconazole Ornidazole Toloxatone
Céfaclor Fluméquine Oxétorone Tramadol
Cefpodoxime Flunarizine Oxybutynine Trazodone
Céfuroxime Flurbiprofène Paracétamol Triazolam
Chloramphénicol Fluvastatine Pentamidine Triméthadione
Chlormézanone Fluvoxamine Pentazocine Trimipramine
Chloroquine Gabapentine Pentoxifylline Tritoqualine
Cibenzoline Gemfibrozil Phénacétine Urapidil
Clindamycine Glibenclamide Phénazone Valproate de sodium
Clobazam Griséofulvine Phénobarbital Valpromide
Clofibrate Halofantrine Phénylbutazone Véralipride
Clométhiazole Halothane Phénytoïne Vigabatrin
Clomifène Hydantoïnes Pipampérone Viloxazine
Clonidine Hydralazine Piribédil Vinburnine
Clorazépate Ibuprofène Pravastatine Zolpidem
Les premiers symptômes apparaissent habituellement avant tant en retrouvant une défense et la diminution ou l’absence des
15 ans mais les manifestations inaugurales de la maladie peuvent bruits hydroaériques. La fièvre est habituelle, aux alentours de
être beaucoup plus tardives. 38–38 ◦ 5 C.
Les douleurs abdominales, présentes dans plus de 95 % des La clinique est donc souvent alarmante. S’il n’existe pas de
cas, sont souvent d’emblée très violentes. D’abord localisées, notion de crises douloureuses abdominales préalables, brèves (24
elles se généralisent à tout l’abdomen et peuvent irradier vers le à 48 h) et cycliques (toutes les 2 à 4 semaines), différents éléments
thorax ou les lombes. L’examen de l’abdomen est souvent inquié- doivent alerter pour redresser le diagnostic :
“ Point fort
Critères diagnostiques de fièvre méditerranéenne
familiale
Critères de Tel Hashomer
Critères majeurs
• Épisodes fébriles récurrents avec péritonite, arthrite ou
pleurésie
• Amylose de type AA sans cause identifiée
• Réponse favorable à un traitement continu par colchi-
cine
Critères mineurs
• Épisodes fébriles récurrents
• Pseudoérysipèle
• Fièvre méditerranéenne familiale chez un parent du pre-
mier degré
Diagnostic positif de fièvre méditerranéenne familiale si :
– Présence de deux critères majeurs
– Présence d’un critère majeur et deux critères mineurs
Critères simplifiés de Livneh
Critères majeurs
• Accès typiques récurrents (au moins trois) avec fièvre
supérieure à 38 ◦ C et d’une durée de 12 à 72 heures
• Péritonite (généralisée)
• Pleurésie (unilatérale) ou péricardite
Figure 2. Transit baryté du grêle au cours d’une crise d’œdème • Monoarthrite (hanche, genou, cheville)
angioneurotique. Les « empreintes de pouce » (indentations [flèches])
• Fièvre isolée
traduisent l’œdème pariétal.
• Accès douloureux abdominal incomplet
Critères mineurs
• l’origine du patient ; • Accès incomplet touchant un ou plus des sites suivants :
• l’existence associée (deux tiers des malades) d’une mono- ou oli- thorax, articulation
goarthrite fébrile touchant les grosses articulations et associées • Douleurs des membres inférieurs à l’effort
à des myalgies ; • Réponse favorable à un traitement par colchicine
• la présence d’autres symptômes : plaques érythémateuses assez Diagnostic positif de fièvre méditerranéenne familiale si :
larges des membres inférieurs, douleurs pleurales associées ou • Présence d’un critère majeur
non à un épanchement, péricardite.
• Ou présence de deux critères mineurs
Des critères ont été établis pour aider au diagnostic. Biologique-
ment, le syndrome inflammatoire et la franche hyperleucocytose
(10 à 30 G/l) à polynucléaires n’ont pas de spécificité diagnos-
tique. Seule l’identification d’une mutation au niveau du gène une anorexie, parfois à une atteinte cutanée (urticaire, purpura),
responsable confirme le diagnostic. une atteinte buccale avec la présence d’aphtes, des douleurs mus-
Le traitement à vie par la colchicine (1 à 2 mg/kg) prévient culaires ou articulaires.
les accès aigus et réduit le risque d’évolution vers une amylose Les crises peuvent survenir sans facteur déclenchant bien précis,
avec insuffisance rénale. D’autres molécules (anti-tumor necrosis mais elles apparaissent habituellement après une stimulation anti-
factor-␣ [TNF-␣], simvastatine, thalidomide, etc.) ont été testées en génique (infection virale ou bactérienne, vaccination). Le stress,
traitement de fond afin d’éviter les accès inflammatoires avec une la fatigue et les émotions peuvent aussi favoriser la survenue d’un
efficacité inconstante. Le traitement le plus prometteur semble accès inflammatoire.
être les anti-interleukines 1 (IL-1), même si les modalités exactes Lors des poussées fébriles existent toujours une inflammation
d’administration de ces médicaments ne sont pas encore définies. biologique (élévation de la C reactive protein [CRP], des poly-
nucléaires neutrophiles, de la vitesse de sédimentation) et une
augmentation de la sécrétion d’acide mévalonique dans les urines.
Déficit partiel en mévalonate kinase En dehors des épisodes fébriles, il n’y a pas d’anomalie biologique,
(« mévalonate kinase deficiency ») (MKD) [6] notamment pas d’élévation des IgD.
Les poussées inflammatoires durent en moyenne entre 5 et
Le MKD (appelé auparavant syndrome d’hyper-IgD) est respon- 8 jours et se répètent à intervalles irréguliers variant de 2 à 6
sable d’une fièvre récurrente auto-inflammatoire. semaines. L’évolution est en général bonne avec une diminution
La mévalonate kinase intervient dans la voie de synthèse du progressive des poussées fébriles avec le temps. Le développement
cholestérol. Un MKD diminue l’efficacité de cette voie de pro- d’une amylose est rare.
duction alors que certains dérivés du cholestérol interviennent Le traitement de la crise du MKD repose sur les traitements anti-
dans le contrôle du système immunitaire inné, notamment dans inflammatoires. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
la régulation de synthèse de l’IL-1. Ces anomalies de régulation ont en général peu d’efficacité, les corticoïdes sont parfois efficaces
du système immunitaire inné seraient responsables des épisodes mais au moyen de doses élevées pendant plusieurs jours.
de fièvre à répétition. Pathologie héréditaire autosomique réces-
sive, le MKD est lié à une mutation du gène MVK qui code la
mévalonate kinase. De très nombreuses mutations sont connues
aujourd’hui.
Hémolyses intravasculaires
Le MKD se caractérise par des épisodes de fièvre en général éle- Les hémolyses intravasculaires s’accompagnent de douleurs
vée à 39–40 ◦ C, associés à la présence d’adénopathies cervicales, abdominales, parfois intenses, pseudochirurgicales, notamment
d’une pharyngite, de douleurs abdominales, de vomissements, si l’hémoglobinopathie s’accompagne de thromboses vasculaires.
Déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase compromettre l’oxygénation des tissus. Cette mauvaise circula-
(G6PD) [7] tion sanguine est à l’origine des crises vaso-occlusives.
Dans sa forme homozygote SS, la maladie est à l’origine d’accès
Ce déficit est le déficit enzymatique le plus répandu chez douloureux abdominaux récurrents concernant l’abdomen mais
l’homme avec environ 400 millions d’individus atteints avec une également le dos, le thorax, les articulations [6] . La fréquence
transmission liée au chromosome X. La fréquence du déficit est des crises est très variable selon les individus. Chez certains
de 1 % en Europe du Nord mais atteint 25 % en zones tropicales et malades, elles peuvent être espacées de plusieurs mois. Les crises
même 50 % dans certaines populations juives du Moyen-Orient. seraient plus fréquentes en été, à la faveur d’une déshydrata-
Deux principaux variants de l’affection existent. Dans le type tion. Le diagnostic doit être évoqué, notamment chez des patients
A-, retrouvé surtout en Afrique noire, la G6PD est synthétisée antillais ou africains, devant l’association des crises douloureuses
en quantité normale mais sous forme instable in vivo. Dans le abdominales favorisées par le froid, avec une anémie hémoly-
type méditerranéen, forme la plus fréquente chez les Caucasiens, tique marquée, encore plus s’il existe la notion d’arthropathies
l’activité catalytique de la G6PD est de 1 % de la normale. et d’ulcères cutanés récidivants, notamment au niveau des che-
Si la plupart des sujets porteurs sont asymptomatiques, le défi- villes. Une splénomégalie est habituellement palpable. Le cliché
cit peut occasionner une hémolyse aiguë à la suite surtout d’un d’abdomen sans préparation peut apporter des arguments en
épisode infectieux ou d’une exposition médicamenteuse. Le montrant un aspect biconcave des vertèbres, considéré comme
tableau clinique associe à des degrés divers douleurs abdominales quasi pathognomonique. Le frottis sanguin découvre des héma-
ou dorsales, émission d’urines rouges et état de choc. Chez les ties falciformes dont certaines ont un aspect en « cible ».
sujets A-, le processus hémolytique est bref et s’arrête spontané- L’électrophorèse de l’hémoglobine fait le diagnostic. La crise
ment. En cas de type méditerranéen, l’hémolyse est plus sévère, douloureuse répond rapidement à une analgésie adaptée et une
ne s’arrête pas spontanément et peut conduire à une insuffisance réhydratation abondante.
rénale aiguë. Le favisme est l’expression la plus grave du déficit
chez le sujet méditerranéen : quelques heures après l’ingestion
de fèves, l’hémolyse débute avec des urines foncées et un état de Intoxication par le plomb (saturnisme)
choc (favisme). Le déficit augmente également la susceptibilité Les douleurs abdominales, dites « coliques de plomb », sont
aux infections et la morbimortalité en cas de traumatisme ou de classiques au cours de l’intoxication par les sels de plomb. Les
chirurgie cardiaque. intoxications professionnelles ont pratiquement disparu. Les cas
Le diagnostic est fait sur une quantification de la G6PD par recensés actuellement sont des observations anecdotiques, isolées
spectrophotométrie. ou familiales, secondaires à une intoxication alimentaire ou liées
La prise en charge est avant tout préventive avec interdic- à une contamination de l’eau par l’intermédiaire de canalisations
tion des médicaments oxydants et des fèves. Il n’existe pas de défectueuses.
traitement spécifique. Dans les formes les plus sévères du type La douleur abdominale souvent violente s’installe progressi-
méditerranéen, une exsanguinotransfusion peut être discutée. vement, évolue par paroxysmes et s’associe à une intolérance
alimentaire et une constipation opiniâtre. Cette symptomatolo-
gie douloureuse bruyante contraste avec l’absence de fièvre et
Hémoglobinurie paroxystique nocturne un examen abdominal normal. L’examen clinique peut orien-
(maladie de Marchiafava-Micheli) [8] ter le diagnostic en révélant un liseré gingival bleuté ou ardoisé
La forme la plus classique est celle d’une anémie hémolytique de Burton ou une neuropathie périphérique avec paralysie des
acquise chez un adulte jeune, entre 30 et 40 ans, accompagnée muscles extenseurs et atrophie (chute du poignet ou du pied).
d’urines foncées le matin et parfois d’un ictère modéré. L’anémie L’hypertension artérielle, fréquente et associée à une protéinu-
est accompagnée d’une réticulocytose et souvent d’un certain rie par néphropathie tubulo-interstitielle, est moins évocatrice.
degré d’insuffisance médullaire. Biologiquement, il existe une anémie modérée hypochrome
La maladie peut aussi se manifester par deux autres microcytaire avec des hématies contenant des granulations baso-
complications (chacune chez 20 % des malades) : des crises dou- philes (hématies ponctuées).
loureuses abdominales (d’étiologie incertaine : microthromboses Le diagnostic est confirmé indirectement par la mise en évi-
mésentériques ?) et des infections récurrentes. L’incidence des dence d’acide aminolévulinique en excès dans les urines et
thromboses a été chiffrée à 25 % à 5 ans. Les deux localisations les directement par l’élévation de la plombémie ou de la plomburie
plus fréquentes de ces thromboses sont les veines sus-hépatiques provoquée après acide éthylène diamine tétra-acétique (EDTA).
(syndrome de Budd-Chiari) et le système nerveux central.
Le maître symptôme est l’hémoglobinurie matinale (présence Causes neurologiques
dans les premières urines du matin de l’hémoglobine libérée des
• L’épilepsie à forme abdominale est de diagnostic difficile [10] .
hématies, lorsque celles-ci ont éclaté durant la nuit). Les urines du
Elle s’intègre dans les manifestations de l’épilepsie tempo-
matin ont une couleur brun-rouge. Sont associés les signes clas-
rale, surtout chez l’enfant, exceptionnellement chez l’adulte.
siques de l’anémie chronique : fatigue, essoufflement au moindre
La douleur d’installation brutale est souvent épigastrique.
effort, pâleur cutanéoconjonctivale.
Très intense, elle s’associe à des manifestations vasomotrices
L’hémoglobinurie paroxystique nocturne doit être évoquée éga-
(pâleur, sueurs abondantes) et parfois à d’autres signes diges-
lement en cas d’anémie hémolytique évoluant par poussées, à test
tifs (nausées, vomissements, diarrhée). La présence de signes
de Coombs négatif, sans anomalie morphologique des globules
neurologiques (hallucinations sensorielles, contractions toni-
rouges sur le frottis sanguin, mais aussi en cas de maladie throm-
cocloniques de l’hémiface, perte de connaissance) aide au
botique artérielle (en particulier cérébrale) ou veineuse, et en cas
diagnostic. En leur absence, la symptomatologie paroxystique
d’aplasie médullaire idiopathique, voire de myélodysplasie.
et stéréotypée, les circonstances de survenue, le caractère sou-
L’introduction de l’éculizumab a transformé le profil évolutif de
vent ascendant de la douleur doivent être évocateurs et faire
la maladie.
demander un électroencéphalogramme avec éventuel test de
provocation.
Drépanocytose [9] • Une migraine se manifestant par des douleurs abdominales est
tout à fait exceptionnelle chez l’adulte [11] .
Elle est due à la mutation d’un gène localisé sur le chromosome
11, codant une des deux protéines qui forment l’hémoglobine :
la bêtaglobine. En raison de cette mutation, l’hémoglobine des Douleurs musculosquelettiques
drépanocytaires (dite « hémoglobine S » pour Sickle, faucille)
polymérise en cas d’hypoxie. Les polymères d’hémoglobine S Elles sont davantage connues par les médecins du sport et les
déforment alors les hématies et leur donnent une forme caractéris- kinésithérapeutes.
tique de faucille. Devenues rigides, les hématies peuvent obstruer Leur prévalence est mal connue. Les différents muscles de
la circulation sanguine à travers les petits vaisseaux sanguins et la paroi abdominale peuvent être douloureux, à la suite de
1 2 3 4
ou incomplète. Le temps clinique, avec l’analyse précise des carac- [6] Mulders-Manders CM, Simon A. Hyper-IgD syndrome/mevalonate
tères de la douleur et un examen clinique orienté, reste l’étape clé kinase deficiency: what is new? Semin Immunopathol 2015;37:
pour orienter au mieux la stratégie des examens complémentaires. 371–6.
Il importe de garder à l’esprit qu’une douleur aiguë de topogra- [7] Mégarbane B. Déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase.
phie abdominale n’est pas constamment synonyme de douleur Quand y penser et quelles précautions prendre ? Reanimation
d’origine digestive. 2008;17:399–406.
[8] Brodsky RA. Paroxysmal nocturnal hemoglobinuria. Blood
2014;124:2804–11.
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens [9] Rees DC, Williams TN, Gladwin MT. Sickle-cell disease. Lancet
d’intérêts en relation avec cet article. 2010;376:2018–31.
[10] Salanova V, Andermann F, Rasmussen T, Olivier A, Quesney LF.
Parietal lobe epilepsy. Clinical manifestations and outcome in patients
Références [11]
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[1] Sultan S, Bellaiche G. Douleurs abdominales d’origine métabolique et Headache 1995;35:207–9.
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[4] Altman KA, Naimi DR. Hereditary angioedema: a brief review of new quently overlooked problem. Practical approach to diagnosis and
developments. Curr Med Res Opin 2015;30:923–30. management. Am J Gastroenterol 2002;97:824–30.
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fever. Acta Med 2014;57:97–104. poorly recognized clinical problem. Dtsch Arztebl Int 2016;13:51–7.
P. Ducrotté (philippe.ducrotte@chu-rouen.fr).
C. Melchior.
UMR 1073, Service d’hépato-gastro-entérologie, Centre hospitalier universitaire de Rouen, Hôpital Charles Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex,
France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Ducrotté P, Melchior C. Douleurs abdominales aiguës récidivantes de cause rare. EMC - Traité de
Médecine Akos 2018;13(1):1-8 [Article 4-0626].
Les infections cutanées bactériennes regroupent l’ensemble des infections des trois tuniques de la peau,
épiderme, derme et hypoderme, et des tissus sous-cutanés. Les deux principales bactéries en cause sont
Streptococcus pyogenes et Staphylococcus aureus. Le spectre clinique est large. L’antibiothérapie
est probabiliste, le diagnostic clinique permettant d’orienter vers un germe particulier. De plus, il est
primordial, dans le cadre des dermohypodermites bactériennes, de rechercher et de traiter une éventuelle
porte d’entrée.
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Tableau 1.
Signes de gravité devant faire suspecter une dermohypodermite bacté-
rienne nécrosante ou une fasciite nécrosante.
Terrain Immunodépression
Diabète
Prise d’AINS ou de corticoïdes
Porte d’entrée Morsure humaine ou animale
Plaie traumatique aquatique
Plaie chirurgicale
Signes locaux Douleurs très intenses, non contrôlées par les
antalgiques
Zones ecchymotiques ou purpuriques
Zones hypoesthésiques
Crépitations sous-cutanées
Zones indurées hyperalgiques
Signes généraux Signes de choc septique
Évolution Extension rapide du placard sous
antibiothérapie
Aggravation sous antibiothérapie
Biologie Élévation des CPK
Élévation de la CRP > 150 mg/l
Hémocultures positives
Signes de défaillance viscérale ou de choc
Figure 1. Érysipèle. puis, quelques heures plus tard, apparition d’un placard cutané
inflammatoire. Une présentation moins typique des symptômes
doit faire suspecter une origine non streptococcique. La lésion
cutanée est une plaque érythémateuse, douloureuse, œdémateuse,
bien limitée par un bourrelet périphérique au niveau du visage,
de limites moins nettes au niveau des membres inférieurs, sans
nécrose. Les contours de la plaque doivent être systématique-
ment marqués (Fig. 1). Une porte d’entrée locale est fréquemment
retrouvée. La présence d’une adénopathie inflammatoire satellite
est fréquente, mais l’association à une traînée de lymphangite est
inconstante.
Les signes cliniques de gravité faisant suspecter une forme grave
de DHBA et obligeant à un transfert vers un milieu hospitalier
spécialisé sont des signes généraux (signes de choc, résistance à
un traitement antibiotique, présumé efficace) et locaux (nécrose,
lividité, cyanose, anesthésie locale, intensité des douleurs locales)
qui doivent être systématiquement recherchés (Tableau 1).
Figure 2. Intertrigo inter-orteil d’origine fongique (dermatophyte).
Examens complémentaires
Le diagnostic est avant tout clinique et aucun examen complé-
mentaire n’est indispensable au diagnostic. Le bilan biologique
peut montrer une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles
et le plus souvent une élévation de la protéine C réactive (CRP).
Les hémocultures sont recommandées en présence d’une fièvre
élevée avec présence de facteurs de comorbidités, mais sont peu
contributives, puisque positives dans moins de 5 % des cas [4–6] .
Les prélèvements locaux (écouvillons, ponctions sous-cutanées
ou biopsies cutanées) sont peu contributifs compte tenu de la
faible charge bactérienne dans cette maladie de mécanisme plutôt
toxinique. La ponction d’une phlyctène fermée peut apporter la
preuve bactériologique. Ces prélèvements locaux ne sont réalisés
que dans un contexte de comorbidités ou d’immunodépression
sous-jacente [6] . Le dosage de la créatine phosphokinase (CPK) peut
être indiqué en présence de signes de gravité, à la recherche d’une
Figure 3. Onycholyse disto-latérale et hyperkératose sous-unguéale rhabdomyolyse, évocatrice de fasciite. En présence d’un intertigo
dans le cadre d’une dermatophytie unguéale. inter-orteil et/ou d’une atteinte unguéale suspecte de mycose, un
prélèvement mycologique avec examen direct et culture doit être
réalisé à la recherche de la porte d’entrée.
chronique n’ont pas été identifiés comme étant des facteurs de
risque potentiels [2] . Ces comorbidités sont en revanche à risque Diagnostics différentiels
de décompensation en cas d’érysipèle.
Les diagnostics différentiels à évoquer sont : les dermohy-
podermites bactériennes nécrosantes (DHBN) et les fasciites
Présentation clinique nécrosantes, d’origine streptococcique ou non, les thromboses
L’érysipèle associe trois signes cliniques apparaissant dans veineuses profondes ou superficielles et les dermites de stase
l’ordre chronologique suivant : fièvre élevée (39–40 ◦ C) et frissons (Tableau 2).
Tableau 2. par jour) lui est préférée en première intention. La posologie doit
Diagnostic différentiel de l’érysipèle. tenir compte du poids et de la fonction rénale du patient. En cas
Causes infectieuses DHB non streptococcique d’allergie aux -lactamines et de nécessité d’un traitement intra-
bactériennes Érythème migrant veineux, le choix se porte sur un lincosamide, la clindamycine
DHBA nécrosante (DHBN) (1800 à 2400 mg/j en trois à quatre perfusions) ou un glyco-
Fasciite nécrosante peptide, la vancomycine. Si le traitement per os est suffisant,
Pasteurellose on prescrit une synergistine, la pristinamycine (2 à 3 g/j selon
Arthrite infectieuse le poids, en deux à trois prises quotidiennes). La résistance du
Causes veinolymphatiques Thrombose veineuse profonde ou streptocoque aux macrolides a nettement diminué (environ 5 %),
superficielle refaisant des macrolides et apparentés (clindamycine) des alterna-
Lipodermatosclérose tives valables pour les infections cutanées à streptocoques [9] . La
Eczéma variqueux durée du traitement est de 7 à 21 jours en fonction de la gravité
Poussée inflammatoire de et de l’évolution clinique [10] .
lymphœdème En cas de persistance de la fièvre après deux jours d’une
Causes inflammatoires Érythème noueux antibiothérapie bien conduite ou de suspicion d’emblée de der-
Arthrite microcristalline mohypodermite bactérienne non streptococcique, le spectre doit
être élargi vers d’autres germes, dont S. aureus. La pristinamy-
Causes externes Eczéma de contact
Piqûres et morsures d’animaux
cine, la clindamycine ou le linézolide peuvent alors être utilisés
venimeux préférentiellement.
Dermite caustique Le traitement adjuvant associe une anticoagulation préventive
Brûlures en cas d’hospitalisation, un traitement systématique de la porte
d’entrée et des antalgiques. Les anti-inflammatoires non stéroï-
DHB : dermohypodermite bactérienne ; DHBA : dermohypodermite bactérienne diens (AINS) et les corticoïdes sont fortement déconseillés car ils
aiguë ; DHBN : dermohypodermite bactérienne nécrosante. favorisent l’évolution vers la nécrose.
La surveillance est biquotidienne en cas d’hospitalisation et
La recherche d’une thrombose veineuse profonde n’est pas sys- quotidienne en cas de maintien à domicile. Les délimitations ini-
tématique. Elle est faite selon les signes cliniques et/ou en cas tiales du placard à l’aide d’un feutre sont plus particulièrement
d’existence de facteurs favorisant les complications thromboem- observées afin de détecter précocement une éventuelle extension
boliques. et de suivre l’involution des lésions. Le port de la contention vei-
neuse au décours immédiat de l’épisode est fondamental pour
prévenir le lymphœdème et donc les récidives.
Évolution
Enfin, certaines complications des DHBA (abcédation, nécrose)
Sous antibiothérapie adaptée, l’évolution est satisfaisante. peuvent nécessiter une prise en charge chirurgicale car les anti-
L’apyrexie est obtenue en 48 à 72 heures. L’amélioration des biotiques pénètrent insuffisamment au niveau du site infecté.
signes locaux est plus longue (environ sept jours) et la guérison L’apparition d’un abcès nécessite un drainage et méchage. La
est obtenue en dix jours en moyenne, après une phase de des- nécrose tissulaire est détergée et parée. L’indication chirurgicale
quamation superficielle. La persistance des signes généraux, des peut être nécessaire d’emblée en cas de DHBA nécrosante, mais
douleurs importantes persistantes ou majorées ou l’aggravation peut également apparaître dans un deuxième temps, au cours de
des signes locaux (extension du placard inflammatoire) après 48 l’évolution.
à 72 heures nécessitent un changement thérapeutique (résistance Le traitement de l’érysipèle récidivant est préventif, reposant sur
bactérienne, antibiothérapie non adaptée, posologie insuffisante, l’antibioprophylaxie par benzathine benzylpénicilline (2,4 MUI
abcédation avec mauvaise pénétration des antibiotiques néces- en intramusculaire tous les 15 jours à trois semaines) en l’absence
sitant un geste chirurgical). Les complications locales sont de contre-indications. En cas d’allergie aux -lactamines, un
rares : nécrose, abcès, thromboses veineuses profondes. Les traitement par macrolides par voie orale peut être discuté. La pres-
complications générales sont exceptionnelles et essentiellement cription d’un traitement antibiotique préemptif par amoxicilline
liées au terrain sous-jacent (effet indésirable de la pénicilline, sep- peut également être recommandée et constituer une alternative à
ticémies, décompensations de tares sous-jacentes) [7] . l’antibioprophylaxie si le patient ressent des signes avant-coureurs
de ses érysipèles.
Récidives
Les récidives sont possibles et d’autant plus fréquentes que la Dermohypodermite bactérienne nécrosante
porte d’entrée persiste. De ce fait, le traitement de la porte d’entrée
est un point primordial de la prise en charge. Les facteurs de risque et fasciite nécrosante (Fig. 4)
de l’érysipèle récidivant semblent être superposables à ceux de
Définition
l’érysipèle incident [8] . Chaque épisode de récidive aggrave le lym-
phœdème préexistant. Un traitement adapté du lymphœdème Les DHBN sont des infections cutanées provoquant une
et/ou de l’insuffisance veineuse doit être mis en place par conten- nécrose de l’hypoderme avec thrombose vasculaire, nécrose de
tion mécanique adaptée et drainage lymphatique si besoin. Une l’aponévrose superficielle sous-jacente (ce qui définit la fasciite
antibioprophylaxie doit être discutée chez les patients ayant eu nécrosante) et, secondairement, nécrose du derme. L’agent causal
trois à quatre épisodes d’érysipèles consécutifs malgré un bon le plus fréquent est le streptocoque -hémolytique du groupe A
contrôle des facteurs de risques locaux [6] . Celle-ci doit être pour- (S. pyogenes) mais d’autres germes peuvent être en cause selon le
suivie tant que persistent les facteurs favorisants ou si ceux-ci ne terrain et la localisation [11] . Une origine plurimicrobienne est mise
peuvent être contrôlés [6] . en évidence dans 40 à 90 % des cas (streptocoques, anaérobies,
entérobactéries, S. aureus et entérocoques).
Traitement La DHBN-fasciite nécrosante survient le plus souvent chez des
patients de plus de 50 ans, diabétiques dans un quart des cas. Le
Le traitement peut être réalisé en ambulatoire sous certaines risque est plus élevé chez les patients atteints d’hémopathies, de
conditions [1] . L’hospitalisation est indispensable en cas de signes cancers, de maladies cardiovasculaires, pulmonaires ou immuno-
généraux marqués, de complications locales, de comorbidités, déprimés, alcooliques ou toxicomanes.
d’un contexte social qui peut entraver l’observance au traitement,
d’une absence d’amélioration à 72 heures du début du traitement.
L’antibiothérapie doit être à visée antistreptococcique. La péni-
Présentation clinique
cilline G injectable est le traitement de référence (10 à 20 MUI/j Le diagnostic est clinique. Les signes généraux de sepsis grave
en quatre à six perfusions/j, en continu sur 24 heures) mais, pour sont au premier plan : fièvre supérieure à 39 ◦ C (ou hypother-
des raisons pratiques, l’amoxicilline (50 mg/kg/j en trois prises mie), tachycardie, tachypnée, confusion, hypotension artérielle,
hypoxémie, oligo-anurie. Les signes locaux sont moins impor- Le traitement comporte plusieurs volets :
tants : douleur intense, œdème, érythème avec quelquefois des • traitement de l’état de choc : remplissage vasculaire, recours
bulles hémorragiques, tâches cyaniques, froides, hypoesthésiques, aux amines vasoactives en cas d’échec, correction des troubles
et crépitation neigeuse à la palpation (si infection associée avec hydroélectrolytiques, nutrition entérale continue ;
des germes anaérobies). L’ensemble de ces signes cliniques néces- • antibiothérapie : elle est probabiliste et doit tenir compte de
site une prise en charge médico-chirurgicale en urgence en milieu la localisation et des germes les plus fréquemment respon-
spécialisé (Tableau 1). sables [1, 11] . Elle est résumée dans le Tableau 3 ;
• traitement chirurgical : la précocité de l’intervention est un
Examens complémentaires facteur déterminant du pronostic. Elle doit être réalisée par
un chirurgien expérimenté. La chirurgie consiste à exciser
Ils permettent d’évaluer le retentissement général et de prépa-
l’ensemble des tissus nécrosés jusqu’aux tissus sains bien vas-
rer l’intervention chirurgicale. Outre le syndrome inflammatoire
cularisés. Une exérèse complémentaire est souvent nécessaire
biologique, il existe des signes indirects de sepsis grave comme
dans les jours qui suivent. Une chirurgie de reconstruction est
une insuffisance rénale fonctionnelle, une acidose métabolique,
envisagée secondairement lorsque le processus infectieux est
une hyperlactatémie. L’élévation des CPK traduit une nécrose
contrôlé. Les séquelles de l’excision chirurgicale peuvent néces-
musculaire associée et représente un signe de gravité. Les radio-
siter ultérieurement des gestes importants de reconstruction ;
graphies sans préparation de la région atteinte recherchent
• anticoagulation efficace : elle est nécessaire en raison d’un haut
systématiquement des images aériques sous-cutanées, témoignant
risque thromboembolique.
d’une infection associée avec des germes anaérobies. Une échogra-
phie des parties molles peut être indiquée à la recherche de corps
étrangers quand l’histoire clinique est évocatrice. L’IRM pourrait,
dans certains cas, permettre de distinguer les DHBN-fasciite nécro-
sante des dermohypodermite bactérienne (DHB) et également de Impétigo et ecthyma
guider le geste chirurgical pour qu’il soit le plus précis et le moins
délabrant possible. Cependant, l’imagerie ne doit en aucun cas Définition
retarder le geste chirurgical qui est urgent [12] .
L’impétigo est une infection cutanée superficielle, épidermique,
Évolution à streptocoque -hémolytique du groupe A (S. pyogenes) et/ou à
S. aureus. La maladie est plus fréquente chez l’enfant et le nour-
Le taux de mortalité est de 30 % environ. Cela nécessite donc de risson. Elle est très contagieuse et survient par petite épidémie
poser le diagnostic rapidement et d’orienter le patient en milieu dans les collectivités d’enfants ou en milieu familial, justifiant une
spécialisé où une équipe médico-chirurgicale peut assurer la prise éviction scolaire. Chez l’adulte, l’impétigo est rarement primitif et
en charge. Les deux causes principales de mortalité sont le choc doit faire rechercher une dermatose sous-jacente, secondairement
septique et l’embolie pulmonaire. impétiginisée, comme une ectoparasitose.
Traitement
Le traitement de la DHBN-fasciite nécrosante est une urgence
médico-chirurgicale, nécessitant un transfert en réanimation et Formes cliniques
un avis en chirurgie plastique en urgence [1] . Il existe plusieurs formes cliniques.
Dans la forme typique de l’enfant, la lésion élémentaire est une
bulle superficielle, sous-cornée, flasque (Fig. 5). Très fragile, elle
passe souvent inaperçue et évolue rapidement vers une érosion
recouverte de croûtes jaunâtres mélicériques (c’est-à-dire couleur
de miel) à extension centrifuge. Le début est souvent périorifi-
ciel, puis d’autres lésions apparaissent par auto-inoculation. En
l’absence de complications, il n’y a ni fièvre, ni signes généraux.
La guérison se fait sans cicatrice. L’impétigo bulleux du nourrisson
réalise des bulles de grande taille, entourées d’un érythème diffus,
localisées le plus souvent sur le siège. Il survient le plus souvent
dans les crèches et est dû au S. aureus.
L’ecthyma est une forme creusante d’impétigo, recouvert d’une
croûte noirâtre et entouré d’un halo érythémateux, habituelle-
ment localisé aux membres inférieurs et survenant plus volontiers
sur terrain débilité (Fig. 6, 7). Il guérit au prix d’une cicatrice
indélébile.
L’impétiginisation d’une dermatose sous-jacente est fréquente
en cas de dermatose prurigineuse. Elle est marquée par
l’apparition, au cours d’une dermatose de croûtes mélicériques
Figure 4. Dermohypodermite bactérienne nécrosante. et/ou de pustules.
Tableau 3.
Antibiothérapie proposée en fonction de la localisation et du germe suspecté dans les dermohypodermites bactériennes nécrosantes et fasciites nécro-
santes [1, 6] .
Localisation Bactéries responsables Antibiothérapie
Membres Streptocoques Amoxicilline + clindamycine
Cervico-faciale (périorbitaire, Staphylococcus aureus, Streptococcus pneumoniae, Amoxicilline-acide clavulanique + clindamycine
cervicale) Streptococcus pyogenes, Haemophilus influenzae,
anaérobies
Thoraco-abdominale Entérobactéries (Escherichia coli, Proteus mirabilis) Pipéracilline-tazobactam + métronidazole ± aminoside
Anaérobies (Clostridium et Bacterioïdes)
Périnéale Aérobies (E. coli, S. aureus, Streptococcus sp.) Pipéracilline-tazobactam + métronidazole ± aminoside
Anaérobies (Bacterioïdes, Clostridium)
Évolution
Traité, l’impétigo évolue favorablement. En l’absence de trai-
tement, de nouvelles lésions apparaissent sur plusieurs semaines
puis régressent spontanément. Des localisations systémiques sont
possibles, mais rares, de même que les complications locales
(abcès, lymphangites, etc.). Le risque majeur, mais en réalité
exceptionnel, est l’apparition d’une glomérulonéphrite post-
streptococcique, due à certains sérotypes, dit « néphritigènes »,
de streptocoques. En conséquence, un contrôle de la protéinurie
à trois semaines de l’épisode infectieux est nécessaire. Les récidives
sont possibles, la maladie n’étant pas immunisante.
Figure 5. Impétigo bulleux.
Traitement
Il peut bénéficier d’une antibiothérapie locale dont les
indications et les modalités d’utilisation ont fait l’objet de recom-
mandations officielles [15] . Le traitement local peut suffire en cas
de formes peu sévères : surface cutanée atteinte inférieure à 2 %
de la surface corporelle totale, pas plus de cinq sites lésionnels
atteints, et absence d’extension rapide. Il comporte exclusivement
une antibiothérapie locale : de l’acide fusidique, ou, de préférence,
de la mupirocine, à raison de deux à trois applications par jour,
pendant cinq à dix jours [15] .
Le traitement antibiotique par voie générale est recommandé
dans les impétigos plus sévères (impétigos bulleux, ecthymas, sur-
face cutanée atteinte supérieure à 2 % de la surface corporelle
totale, plus d’une dizaine de lésions actives ou une extension
rapide). Il doit être actif sur le S. aureus et le streptocoque et pres-
crit pendant dix jours mais il doit idéalement être orienté par un
prélèvement bactériologique avec antibiogramme. Le seul anti-
biotique qui apporte une garantie suffisante est la pristinamycine
Figure 6. Ecthyma. puisqu’elle couvre aussi bien le S. aureus que le streptocoque [9, 14] .
L’association amoxicilline/acide clavulanique peut être utilisée
chez l’enfant. Les pénicillines du groupe M (cloxacilline) à la dose
de 50 mg/kg par jour en trois prises ne doivent être utilisées que
pour des infections cutanées non compliquées en raison de para-
mètres pharmacocinétique/pharmacodynamie insuffisants pour
les infections cutanées compliquées. Les autres antibiotiques ne
couvrent pas aussi bien les deux germes simultanément. Le trimé-
thoprime/sulfaméthoxazole et les tétracyclines sont de nouveau
très efficaces sur les staphylocoques de ville avec des sensibi-
lités supérieures à 95 % mais on ne peut pas en dire autant
sur le streptocoque [9, 14] . Au contraire, les macrolides, qui ont
retrouvé toute leur efficacité contre les streptocoques, ne couvrent
pas aussi bien les staphylocoques, avec environ 20 % de résis-
tance y compris pour la clindamycine si l’on prend en compte la
résistance inductible [14] . Des mesures complémentaires sont sys-
tématiquement associées au traitement : douche quotidienne à
l’eau et au savon [15] , éviction scolaire, traitement de la fratrie,
prélèvement des gîtes pour l’enfant et toute la famille en cas de
récidive, sous-vêtements propres, ongles coupés courts.
Figure 7. Lymphangite aiguë sur ecthyma.
Tableau 4.
Traitement des infections du follicule pilosébacé.
Traitement général Traitement local Autres
Folliculite Non Désinfection
Antibiotiques locaux 5 à 7 jours
Furoncle Antibiothérapie antistaphylococcique Pas de manipulation Arrêt de travail pour les professions à risque
(cloxacilline, pristinamycine, acide Antisepsie
fusidique) pendant 3 à 7 jours Hygiène rigoureuse
Seulement si :
– localisation à risque (centro-faciale)
– furoncles multiples
– terrain débilité (diabète,
immunodépression)
Anthrax Antibiothérapie antistaphylococcique Drainage chirurgical souvent nécessaire
Furonculose Antibiothérapie antistaphylococcique Désinfection des gîtes staphylococciques Arrêt de travail pour les professions à risque
pendant 7 jours Hygiène rigoureuse Rechercher un facteur favorisant (diabète,
obésité, déficit immunitaire)
Évaluation microbiologique familiale (gîtes)
et antibiogramme dans les formes
réfractaires
Le furoncle est une forme clinique particulière de folliculite pro- antibiothérapie antistaphylococcique par voie générale est alors
fonde, nécrosante, où l’infection est due à un S. aureus sécréteur recommandée : pénicilline M (cloxacilline), pristinamycine, ou
d’une toxine nécrosante. Il se manifeste par une lésion papulo- acide fusidique, macrolides ou clindamycine (si les bactéries sont
nodulaire, très inflammatoire profonde, qui évolue en cinq à dix sensibles) pour une durée de trois à sept jours [10] .
jours vers la nécrose et l’élimination du follicule pileux (bour- Le traitement de l’anthrax est le plus souvent médico-
billon). chirurgical : antibiothérapie antistaphylococcique par voie
L’anthrax est un agglomérat de furoncles, réalisant un pla- générale, associée à un drainage chirurgical.
card inflammatoire hyperalgique parsemé de pustules. Il peut Le traitement de la furonculose chronique est long et parfois dif-
s’accompagner de fusées purulentes sous-jacentes, de fièvre et ficile. Il associe des mesures d’hygiène rigoureuse, un traitement
d’adénopathies régionales. Son siège électif est le cou et le haut des épisodes de furoncles et un traitement des gîtes staphylo-
du dos. cocciques par une antibiothérapie locale. Pour la décolonisation
La furonculose correspond à une répétition de furoncles, avec cutanée et nasale, on utilise en première intention la mupirocine.
passage à la chronicité sur des périodes de plusieurs mois. Elle doit Celle-ci doit être appliquée au niveau de la muqueuse nasale, deux
faire rechercher un facteur favorisant sous-jacent (diabète, obésité, fois par jour, en cure de cinq à sept jours, en association avec
facteur mécanique, déficit immunitaire, carence martiale, voyage des toilettes corporelles à la chlorhexidine aqueuse (en alterna-
prolongé), mais surtout un réservoir cutané à S. aureus au niveau tive : solutions de polyvidone iodée, d’octénidine, d’ammonium
des gîtes (narines, sillons rétroauriculaires, interfessiers, cicatrices quaternaire ou d’hypochlorite de sodium). Un antibiogramme
d’anciens furoncles, cavité buccale) à rechercher systématique- doit être réalisé dans les formes réfractaires. Le portage buccal
ment. doit également être traité (chlorhexidine solution pour bains de
bouche) [16] .
Pour les professions à risque (alimentation, milieu médical), un
Diagnostic arrêt de travail est nécessaire.
Il est purement clinique. La mise en évidence du S. aureus dans
les gîtes peut être utile pour la conduite thérapeutique. En cas
d’infections sévères (anthrax, abcès, lésions nécrosantes et pro-
fondes), une analyse bactériologique du pus est indispensable afin Conclusion
d’identifier précisément le staphylocoque (S. aureus, sécréteur de
toxine de Panton-Valentine, est souvent impliqué dans ce type de Les infections cutanées bactériennes sont des infections fré-
forme clinique). quentes et potentiellement graves. L’anamnèse et l’examen
dermatologique doivent être minutieux afin d’orienter vers le type
de germes responsables et d’adapter au mieux l’antibiothérapie
Évolution qui devrait toujours être rediscutée une fois revenus les prélè-
vements bactériologiques qui devraient être plus systématiques.
Le passage à la chronicité est la complication la plus fréquente Il permet également de détecter les signes de gravité imposant
mais toute infection cutanée profonde à S. aureus peut être la un avis spécialisé et une prise en charge en milieu hospitalier en
porte d’entrée d’une septicémie. Des complications locorégio- urgence. Dans ces infections, l’antibiothérapie locale est rarement
nales sont possibles (abcès, lymphangite). Il existe un risque, indiquée.
devenu aujourd’hui exceptionnel, de staphylococcie maligne de la
face, survenant principalement après manipulation d’un furoncle
centro-facial. Le tableau clinique associe dans ce cas un syndrome Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
infectieux marqué et un œdème centro-facial douloureux. d’intérêts en relation avec cet article.
Traitement
La prise en charge thérapeutique est résumée dans le Tableau 4. Références
La folliculite et le furoncle isolé sont traités par des soins d’hygiène
seule et par une antisepsie locale. Il faut éviter toute manipula- [1] Conférence de consensus : érysipèle et fasciite nécrosante. Ann Der-
tion intempestive. L’intérêt d’une antibiothérapie locale n’a pas matol Venerol 2000;127:336–40.
été démontré à ce jour [15] . Si le furoncle est situé dans une zone [2] Dupuy A, Benchikhi H, Roujeau JC, Bernard P, Vaillant L, Chosidow
à risque (centro-faciale), s’il existe de la fièvre, un terrain parti- O, et al. Risk factors for erysipelas of the leg (cellulitis): case-control
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2017;47:92–141. avisrapportsdomaine?clefr=453.
G. Monsel (gentiane.monsel@aphp.fr).
V. Pourcher.
E. Caumes.
Service des maladies infectieuses et tropicales, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP–HP, Sorbonne Université, Université Pierre et Marie Curie, 47-83,
boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Monsel G, Pourcher V, Caumes E. Infection cutanée bactérienne. EMC - Traité de Médecine Akos
2018;13(1):1-7 [Article 4-0980].
Les infections des voies respiratoires supérieures sont une part majeure de la consommation
d’antibiotiques en ville. Il est important de ne mettre en route un traitement antibiotique que lorsqu’il y
a des arguments pour une pathologie bactérienne. Le test de diagnostic rapide doit être utilisé pour les
angines. Il est licite, que ce soit chez l’adulte ou l’enfant après 2 ans devant une infection évoquant une
otite et une sinusite, si les symptômes sont modérés, d’envisager une réévaluation après 48 heures avant
de décider de la mise en route d’un traitement antibiotique.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan des germes résistants aux antibiotiques (avec un coût qui s’élève
à 1,5 milliard d’euros). Il est donc essentiel de limiter la prescrip-
■ Introduction 1 tion d’antibiotiques aux infections bactériennes afin de ne pas
favoriser la sélection de souches bactériennes communautaires
■ Rhinopharyngites 1 résistantes aux antibiotiques.
■ Angines 2
Diagnostic clinique 2
Tableaux cliniques en fonction de l’agent pathogène en cause 2
Examens complémentaires 3 Rhinopharyngites
Complications 3
Traitement 3 La rhinopharyngite est une atteinte inflammatoire du pharynx
■ Sinusites 4 et des fosses nasales d’origine virale. Cette infection banale est
Diagnostic 4 très fréquente, elle survient quatre à six fois par an en moyenne
Examens complémentaires 4 chez l’adulte, et est particulièrement fréquente chez les enfants
Traitement 4 de moins de 6 ans. Le tableau clinique associe de façon variable
■ Otites moyennes aiguës 4 une rhinorrhée, des éternuements, une obstruction nasale, de la
Épidémiologie bactérienne des otites moyennes aiguës 4 fièvre et de la toux. L’examen clinique est pauvre, retrouvant un
Facteurs de risques des otites moyennes aiguës 5 aspect inflammatoire plus ou moins important de l’oropharynx
Diagnostic clinique 5 et de la muqueuse nasale (œdème des cornets inférieurs), une
Examens complémentaires 6 rhinorrhée antérieure et/ou postérieure qui peut être séromu-
Diagnostics différentiels 6 queuse (visqueuse et claire), purulente (colorée, plus ou moins
Traitement 7 épaisse) ou mucopurulente (visqueuse et colorée). Le but essen-
Évolution et suivi sous traitement 7 tiel de l’examen est d’éliminer une complication ou une autre
Cas particulier des otites moyennes aiguës du petit nourrisson 7 pathologie associée.
Complications 8 L’histoire naturelle de la rhinopharyngite est marquée par une
douleur pharyngée brutale qui dure 24 à 48 heures à laquelle
s’associe rapidement une fièvre qui peut être élevée chez l’enfant
et une rhinorrhée claire aqueuse, abondante. Rapidement, la dys-
phagie et la fièvre disparaissent et la rhinorrhée devient colorée
Introduction par l’abrasion de superficielle de l’épithélium par le virus. Cette
coloration de la rhinorrhée n’est en aucun cas un signe de surin-
Les infections des voies respiratoires supérieures sont un motif fection, mais l’adhérence des bactéries à la muqueuse est modifiée
fréquent de consultation en pratique de ville et aux urgences. et cela favorise les complications, essentiellement de type otite
Elles représentent aussi un enjeu important pour notre société car chez l’enfant et sinusite chez l’adulte. La guérison spontanée
elles constituent un motif fréquent de prescription d’antibiotiques d’une rhinopharyngite se fait en 6 à 8 jours. Seul un traitement
pour des infections qui sont souvent virales [1] . symptomatique doit être prescrit type antalgique/antipyrétique
Selon l’Organisation mondiale de la santé, 25 000 personnes (paracétamol), éventuellement associé (notamment chez l’enfant)
décèdent par an en Union européenne à cause d’infections dues à à des lavages de nez au sérum physiologique.
Érythématopultacée
Virales +++
Streptococciques
Pseudomembraneuse
MNI
Diphtérie
Vésiculeuse
Herpangine
Herpès
Zona
Figure 2. Angine érythématopultacée.
Ulcéronécrotique
Angine de Vincent
Chancre syphilitique
Agranulocytose, leucémie aiguë, tumorale
Angines
L’angine constitue l’une des causes les plus fréquentes de
consultation médicale. On estime que 10 à 12 millions d’angines
sont diagnostiquées chaque année en France [1] . Les angines
sont majoritairement virales, notamment chez l’adulte. Elles sont
exceptionnelles avant 3 ans et au-delà de 50 ans. Les virus incri- Figure 3. Angine pseudomembraneuse.
minés sont nombreux, alors que la principale bactérie responsable
d’angines est le streptocoque -hémolytique du groupe A (SGA)
ou Streptococcus pyogenes (nom taxonomique) [2] , les autres angines
bactériennes étant beaucoup plus rares. La guérison des angines
virales est rapide et spontanée, la gravité des angines bactériennes
est liée au risque de complications locorégionales et générales,
justifiant un traitement par antibiotique.
Diagnostic clinique
Les symptômes sont l’apparition souvent brutale d’une fièvre
(modérée ou élevée) et d’une douleur à la déglutition (odynopha-
gie), associées ou non à une otalgie uni- ou bilatérale. D’autres
symptômes et signes cliniques peuvent être associés : une conjonc-
tivite ; une rhinorrhée ; une toux ; une dysphonie ; des arthralgies ;
des myalgies.
L’association d’une fièvre modérée d’apparition progressive Figure 4. Angine de Vincent : ulcération de l’amygdale gauche.
et de plusieurs symptômes extrapharyngés à une odynophagie
modérée est évocatrice d’une infection d’origine virale.
Un tableau clinique associant une fièvre élevée, d’apparition La palpation cervicale montre souvent la présence d’un ou plu-
brutale, une odynophagie importante, sans signe extrapharyngé, sieurs ganglions cervicaux de taille variable, uni- ou bilatéraux,
est lui évocateur d’une infection bactérienne. parfois douloureux à la palpation.
L’examen clinique de l’oropharynx permet le diagnostic Dans la très grande majorité des cas, la symptomatologie et
d’angine (Fig. 1) : l’examen clinique ne permettent pas de déterminer avec certitude
• angine érythémateuse (angine « rouge ») lorsque les amygdales si l’infection est d’origine virale ou bactérienne.
palatines et l’oropharynx sont érythémateux et congestifs ;
• angine érythématopultacée (angine « blanche ») lorsqu’il existe
un enduit purulent, se détachant facilement de la muqueuse et
recouvrant les deux amygdales palatines (Fig. 2) ;
Tableaux cliniques en fonction de l’agent
• angine pseudomembraneuse par la présence de fausses mem- pathogène en cause (Tableau 1)
branes, adhérentes à la muqueuse, se détachant difficilement,
limitées aux amygdales palatines ou entendues au voile du Angines bactériennes
palais (Fig. 3) ; Elles sont dans la très grande majorité dues au SGA. Il est la
• angine vésiculeuse, avec présence de vésicules, notamment au cause de 20 % des angines tous âges confondus. Une infection
niveau des piliers amygdaliens et/ou du voile du palais ; bactérienne est plus souvent chez les enfants que chez les adultes
• angine ulcéreuse, avec présence d’une ulcération, associée ou (respectivement 25 à 40 % contre 10 à 25 % des angines). L’angine
non à une nécrose du tissu amygdalien, généralement unilaté- à SGA survient après l’âge de 3 ans, son pic d’incidence se situe
rale (Fig. 4). entre 5 et 15 ans.
Tableau 1. Tableau 2.
Orientation diagnostique devant une angine. Traitement antibiotique des angines (d’après [2] ).
Les angines ulcéronécrotiques (angine de Vincent liée à des En cas de suspicion de sinusite sphénoïdale ou de sinusite
anaérobies : Fusobacterium necrophorum) sont à traiter très rapide- compliquée, un scanner est recommandé. Pour les sinusites
ment pour prévenir le risque d’un phlegmon et/ou d’un syndrome compliquées ou survenant chez un patient immunodéprimé
angine–infarctus pulmonaire lié à une thrombophlébite jugu- ou ayant reçu une antibiothérapie récente, un prélèvement
laire avec dissémination hématogène. Souvent l’association bactériologique est souhaitable, la pratique de prélèvements bac-
amoxicilline–acide clavulanique est prescrite dans cette forme cli- tériologiques, une imagerie et une antibiothérapie parentérale
nique. urgentes.
Devant une forme pseudomembraneuse, il faut penser à évo- Devant une sinusite maxillaire unilatérale qui survient sans
quer la MNI, ou la diphtérie chez un sujet non vacciné et venant contexte de rhinite, surtout si la rhinorrhée est fétide, l’origine
d’une zone endémique. dentaire doit être évoquée (panoramique dentaire, denta-
L’hospitalisation n’est indiquée que lorsqu’il existe une impor- scanner).
tante altération de l’état général avec une dysphagie importante.
Traitement
Tableau 3.
Traitement antibiotique des sinusites (d’après [2] ).
Indications Agents pathogènes Traitement antibiotique Précautions
Sinusite aiguë communautaire Haemophilus influenzae (35 %) Amoxicilline 1 g 3×/j p.o. pendant 5 j Amoxicilline–acide clavulanique :
Pneumocoque (20 %) C2G ou C3G orale p.o. pendant 5 j allergie aux -lactamines
Moraxella catarrhalis (10 %) En cas d’allergie aux -lactamines : Pristinamycine : si > 6 ans
Germes anaérobies pristinamycine 1 g 2×/j p.o. pendant C2G ou C3G : allergie aux
Staphylococcus aureus (rare) 4j -lactamines ; céfixime moins efficace
Association de 2 bactéries (15 %) ou, en l’absence d’autres alternatives que les autres C2G ou C3G sur le
(pneumocoque + Haemophilus) télithromycine 800 mg 1×/j p.o. pneumocoque
pendant 5 j Télithromycine si > 12 ans, infection
Amoxicilline–acide clavulanique 1 g documentée à pneumocoque de
3×/j p.o. pendant 5 j ou FQAP si sensibilité diminuée à la pénicilline
sinusite extramaxillaire ou dentaire Allergie, grossesse, QT (ECG),
insuffisance hépatique ou rénale,
surveiller BH
Sinusite aiguë communautaire Idem Choix fonction des données du Avis ORL pour éliminer
résistante à un traitement prélèvement du sinus. À titre complications/autres pathologies
classique d’exemple : C3G injectable ou FQAP
Antibiotique antistaphylococcique
Sinusite aiguë nosocomiale Pseudomonas aeruginosa Choix fonction des données Drainage habituellement nécessaire
Staphylococcus aureus écologiques locales
Enterobacter Exemple : direct et antibiogramme
Serratia Par exemple : C3G + aminoside
Bactéries anaérobies
p.o. : per os ; C2G : céphalosporine de deuxième génération ; C3G : céphalosporine de troisième génération ; ECG : électrocardiogramme ; ORL : oto-rhino-laryngologiste ;
FQAP : fluoroquinolones avec activité antipneumococcique.
OMA. Néanmoins, les germes en cause sont variables selon les ◦ absence d’allaitement maternel (ou durée inférieure à
pays. En France, on retrouve en pourcentage de cas : 3 mois),
• H. influenzae : 30 à 40 %. En France, près de 40 % de souches sont ◦ âge inférieur à 4 ans,
productrices de bêtalactamases. Ce mécanisme de résistance ◦ sexe (garçons).
rend inactives l’amoxicilline et les céphalosporines de première
génération. En revanche, l’association amoxicilline–acide cla-
vulanique et les céphalosporines de troisième génération sont Diagnostic clinique
actives. Une conjonctivite est associée dans deux tiers des cas ;
Le diagnostic est le plus souvent aisé et clinique ; les symptômes
• S. pneumoniae : 25 à 40 %. Depuis les années 1970, des souches
retrouvés sont :
de pneumocoques résistantes à la pénicilline ou de sensibilité
• une fièvre supérieure à 38,5 ◦ C ;
diminuée sont apparues ; elles sont en baisse depuis 2003 grâce à
• une otalgie ;
la diminution de consommation des antibiotiques et au vaccin
• une irritabilité ou des troubles du comportement ;
antipneumococcique ;
• une anorexie.
• B. catarrhalis : 10 à 15 %. L’évolution des résistances bac-
L’examen physique comprend :
tériennes et le progrès dans la connaissance des infections
• un examen général, en particulier chez l’enfant, à la recherche
otitiques ont conduit à réactualiser en 2011 les recommanda-
d’une complication (méningite) ;
tions de l’Agence française de sécurité sanitaire du médicament
• un examen otoscopique qui permet le diagnostic positif et
et des produits de santé sur le traitement antibiotique des OMA
d’évaluer le stade de l’otite.
de l’enfant publiées en 2004. En effet, la plupart des OMA
guérissent spontanément et les complications infectieuses loco-
régionales des OMA sont très rares et souvent inaugurales. Stade congestif (ou OMA virale)
Elle se voit au cours d’une rhinopharyngite. Elle correspond
à la phase initiale virale. Elle peut se guérir spontanément, sans
Facteurs de risques des otites moyennes surinfection bactérienne. L’examen otoscopique peut objectiver :
aiguës • une dilatation des vaisseaux périmalléaires ;
• une diminution de la transparence tympanique ;
Les facteurs de risques des OMA sont à rechercher : • la disparition du cône lumineux.
• facteurs environnementaux :
◦ le climat et la saison (automne-hiver),
◦ le mode de garde (crèches collectives, fratrie nombreuse),
Stade purulent ou collecté (OMA bactérienne)
◦ le tabagisme passif ; (Fig. 5)
• facteurs anatomiques : À l’examen otoscopique, on note :
◦ l’hypertrophie des végétations adénoïdiennes, • une inflammation diffuse du tympan ;
◦ la dysfonction tubaire, • un épaississement du tympan par infiltration (opacité rendant
◦ l’insuffisance vélaire (fentes palatines, Pierre Robin, microdé- le tympan blanc, disparition des reliefs ossiculaires) ;
létion 22q11) ; • un bombement très important de la membrane tympanique
• facteurs inflammatoires : signant la collection (épanchement rétrotympanique puru-
◦ la carence martiale, lent).
◦ le terrain allergique,
◦ le reflux gastro-œsophagien ;
• facteurs liés à l’hôte :
Stade perforé
◦ prématurité, L’examen otoscopique peut objectiver :
◦ prédisposition génétique (antécédents familiaux d’OMA), • une otorrhée purulente (souvent associée à une disparition de
◦ déficits immunitaires (en particulier en immunoglobuline A la fièvre) ;
et/ou G), • une perforation punctiforme du tympan.
B
Figure 5. Otite moyenne aiguë suppurée (A, B).
Forme particulière
L’otite phlycténulaire ou myringite bulleuse est classiquement
virale mais parfois associée à une OMA bactérienne (Fig. 6). Figure 7. Otite séromuqueuse. Bulles d’air au niveau du tympan.
Elle se caractérise par
• une otalgie très vive ;
• une otorrhée sérosanglante ou purulente ;
• à l’otoscopie : vésicules ou bulles sur membrane tympanique.
Otalgies réflexes
Irradiation douloureuse dans le cadre de processus inflam-
matoires ou traumatiques pharyngés, cervicaux, dentaires,
Examens complémentaires temporomaxillaires ou parotidiens. Lors d’une otalgie, en
Ils ont inutiles dans les formes non compliquées. La paracentèse l’absence d’anomalies otoscopiques, il faut penser à examiner ces
avec prélèvement bactériologique est réservée à des indications régions.
très précises.
Choix de la molécule
Le traitement de première intention fait appel à l’amoxicilline,
80 à 90 mg/kg par jour en deux ou trois prises. En cas d’allergie
vraie à la pénicilline sans allergie aux céphalosporines, il est
Figure 8. Otite séromuqueuse. Niveau liquide rétrotympanique. tout à fait licite de proposer une céphalosporine orale comme
le cefpodoxime proxétil (une dose-poids matin et soir). En cas
d’allergie aux bêtalactamines (pénicillines et céphalosporines), on
Bouchon de cérumen peut prescrire de la pristinamycine (après 6 ans) ou l’association
érythromycine–sulfafurazole. En cas d’intolérance alimentaire,
Il peut se révéler par des douleurs. Le diagnostic otoscopique est
on peut avoir recours à une injection intramusculaire de
aisé.
ceftriaxone.
Corps étrangers
De nature variable, ils sont aussi reconnus et localisés à Durée de l’antibiothérapie
l’otoscopie. Leur extraction est impérative. La durée préconisée est de 8 à 10 jours avant 2 ans et de cinq
jours après cet âge. Dans le cas de l’utilisation de ceftriaxone, la
Autres atteintes de l’oreille moyenne durée officiellement recommandée n’est que de trois jours.
Dysfonctionnement tubaire ou catarrhe tubaire
Il regroupe les troubles de la perméabilité tubaire dus à une Évolution et suivi sous traitement
obstruction muqueuse d’origine inflammatoire (le plus souvent
une rhinopharyngite). Dans ce contexte, l’otalgie est associée à L’évolution est favorable dans la majorité des cas, spontané-
une otophonie, une hypoacousie, une sensation d’oreille bou- ment ou sous traitement. Au stade congestif, elle peut guérir
chée. L’otoscopie note une congestion ou une légère rétraction simplement, ou passer au stade suppuré, ouvert, avec otorrhée.
du tympan ; à un degré de plus des signes d’otite séromuqueuse Au stade d’OMA suppuré, la fièvre disparaît en moyenne en deux
(Fig. 7, 8). jours avec un traitement antibiotique et en trois jours en l’absence
d’un tel traitement. L’épanchement liquidien rétrotympanique
Poussée de réchauffement d’otite moyenne chronique (Fig. 9) dure habituellement plusieurs semaines. En cas de persistance des
L’anamnèse et l’otorrhée fréquente orientent vers ce diagnostic. symptômes deux jours après le début du traitement ou de réappa-
L’otoscopie retrouve le plus souvent une perforation tympanique. rition des symptômes dans les quatre jours qui suivent son arrêt, il
s’agit d’un échec du traitement. Il faut modifier la prise en charge
en prescrivant l’association amoxicilline–acide clavulanique. En
Traitement cas de deuxième échec, un avis ORL est recommandé pour juger
de l’indication d’une paracentèse (cf. supra), et on peut pres-
En cas d’OMA fébrile, une part essentielle du traitement consiste crire en attendant l’association amoxicilline–acide clavulanique
à soulager la douleur et à prévenir les complications de la fièvre par (80 mg/kg/j) complétée par 70 mg/kg par jour d’amoxicilline
la prescription d’antalgiques/antipyrétiques. Le traitement repose afin d’atteindre une posologie totale d’amoxicilline de 150 mg/kg
sur les antibiotiques (Fig. 10). par jour. Chez les enfants ayant présenté une OMA non
compliquée, il n’y a pas d’indication d’un suivi systématique
à 10–15 jours. Le suivi à distance se justifie uniquement en
Indications fonction des antécédents et du caractère répétitif des OMA
Dans les OMA congestives, un traitement uniquement (avis ORL).
symptomatique est recommandé sous surveillance clinique et oto-
scopique (réévaluation à 48 heures en cas de persistance de la
fièvre). Pour les OMA purulentes, une antibiothérapie systéma- Cas particulier des otites moyennes aiguës
tique est recommandée avant l’âge de 2 ans [2] . Après cet âge, les du petit nourrisson
antibiotiques sont inutiles en cas de fièvre peu élevée et d’otalgies
modérées. Dans ce cas, l’état clinique et l’aspect des tympans Avant l’âge de 3 mois, les infections bactériennes sont volon-
doivent être réévalués par le médecin au bout de 48 à 72 heures. tiers plus diffuses et les germes plus polymorphes. À cet âge, il est
Traitement symptomatique
Réévaluation à 48 heures < 2 ans > 2 ans
si persistance de la fièvre
Antibiothérapie Antibiothérapie si
systématique forte symptomatologie :
• Fièvre élevée
• Otalgies intenses
• Persistances des
signes à 48 heures
Choix de l’antibiothérapie
en 1ère intention
Échec du traitement :
Persistance fièvre > 2 jours
Réapparition des
symptômes 4 jours après
l’arrêt
Amoxicilline-acide
clavulanique
[3] Young J, De Sutter A, Merenstein D, van Essen GA, Kaiser L, Varonen [4] Venekamp RP, Thompson MJ, Hayward G, Heneghan CJ, Del Mar CB,
H, et al. Antibiotics for adults with clinically diagnosed rhinosinusitis. Perera R, et al. Systemic corticosteroids for acute sinusitis. Cochrane
A meta-analysis of patient individual data. Lancet 2008;371:908–14. Database Syst Rev 2014;(3).
Toute référence à cet article doit porter la mention : Barry B, Bernard S. Infections des voies respiratoires supérieures. EMC - Traité de Médecine Akos
2018;13(1):1-9 [Article 4-0860].
Infections urinaires
M. Baldeyrou, P. Tattevin
Les infections urinaires (IU) sont caractérisées par leur fréquence mais aussi par leur variété, allant de
la simple colonisation au choc septique. Il est fondamental de distinguer les situations d’IU simples des
IU à risque de complications (le terme de « compliquées » a été abandonné) où le terrain physiologique
(enfant, homme, grossesse, sujet âgé), le terrain pathologique (immunodépression grave, insuffisance
rénale) ou l’existence d’une anomalie fonctionnelle de l’arbre urinaire peuvent conduire à des tableaux
cliniques graves. Les IU graves sont définies par un sepsis ou un choc septique, ou par l’indication d’un
drainage chirurgical ou interventionnel des urines. Les entérobactéries, majoritairement Escherichia coli,
sont les principaux microorganismes responsables des IU, avec une augmentation actuelle de la résistance
de celles-ci aux antibiotiques. En conséquence, les céphalosporines de troisième génération parentérales
sont devenues le traitement probabiliste de première intention pour les infections parenchymateuses,
la résistance d’E. coli en 2015 à ces molécules étant estimée à 4 %. L’infection urinaire basse ou cys-
tite associe brûlures mictionnelles, pollakiurie, pesanteur pelvienne et urines troubles, sans syndrome
infectieux. S’il y a hyperthermie, on parle d’atteinte parenchymateuse (pyélonéphrite ou prostatite),
aiguë ou chronique. La bandelette urinaire est suffisante pour le diagnostic de cystite aiguë simple de la
femme jeune, mais dans les autres cas l’examen de choix est l’examen cytobactériologique des urines
(ECBU). L’échographie des voies urinaires n’est plus systématique dans les infections urinaires hautes,
tout comme l’ECBU de contrôle systématique n’est plus indiqué. La prise en charge thérapeutique associe
des mesures hygiénodiététiques, un drainage des urines si obstacle, et une antibiothérapie probabiliste
adaptée secondairement à la bactérie isolée et à l’antibiogramme.
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de 75 ans, ainsi que des patients de plus de 65 ans avec au moins permettre l’usage de ces molécules, la CMI doit être inférieure ou
trois critères de fragilité de Fried parmi : perte de poids involon- égale à 8 mg/l pour la céfoxitine, la tazocilline, la témocilline, ce
taire au cours de la dernière année ; vitesse de marche lente ; qui concerne environ 90 %, 80 % et 61 % des souches, respec-
faible endurance ; faiblesse/fatigue ; activité physique réduite. L’IU tivement [5] . Elle doit être inférieure ou égale à 1 mg/l pour les
masculine est considérée comme à risque de complications en rai- C3G parentérales. L’adoption des nouvelles concentrations cri-
son de la fréquence des anomalies anatomiques ou fonctionnelles tiques augmente le nombre de E. coli producteurs de BLSE rendus
sous-jacentes. Quand il n’y a pas de facteur favorisant, on parle « sensibles » à l’amoxicilline–acide clavulanique (40 % en 2013),
d’IU simple [2] . ce qui est proche des taux de sensibilité au cotrimoxazole et aux
quinolones [2] .
La prévalence des résistances est plus élevée en milieu hospi-
Épidémiologie talier : en France, en 2013, 59,6 % des E. coli responsables d’IU
à l’hôpital étaient sensibles à l’amoxicilline–acide clavulanique,
76 % au cotrimoxazole, 86 % à la ciprofloxacine, 92,7 % au céfo-
Il s’agit de la deuxième cause d’infections bactériennes com-
taxime, 92,8 % au mécillinam, 98,2 % aux furanes et 98,7 % à la
munautaires, après les infections respiratoires. Les IU surviennent
fosfomycine [3] .
principalement chez la femme. La courte distance urètre-anus
chez la femme explique en partie ce déséquilibre. L’incidence
des IU augmente avec l’âge. L’existence d’une incontinence, d’un
prolapsus, d’un résidu postmictionnel, majore ce risque [1] .
Présentation clinique
des infections urinaires
Bactéries en cause dans les infections Signes cliniques communs
urinaires La cystite associe brûlures mictionnelles, pollakiurie, pesanteur
pelvienne et urines troubles, sans syndrome infectieux. On peut
La pathogénicité de certaines bactéries est liée aux facteurs
observer une hématurie macroscopique, en fin de miction. S’il y
d’adhérence à la muqueuse et à la production d’hémolysines
a hyperthermie, on parle d’atteinte parenchymateuse (pyéloné-
détruisant les cellules épithéliales du tractus urinaire.
phrite ou prostatite).
L’obstruction des voies urinaires ou le cathétérisme vésical sont
des éléments favorisant la colonisation urinaire. Escherichia coli
est à l’origine de 70 à 95 % des IU. Les autres entérobactéries, Formes topographiques
notamment Proteus sp., sont impliquées dans 15 à 25 % des La cystite aiguë simple est l’infection de la femme jeune sans
cas. Staphylococcus saprophyticus, contrairement à Staphylococcus comorbidité. Les cystites sont dites récidivantes quand il y a au
aureus ou Staphylococcus epidermidis, est capable d’adhérer aux moins quatre épisodes par an. La PNA simple associe des signes
cellules uroépithéliales et est à l’origine de 5 à 10 % des cystites vésicaux, un syndrome infectieux et des douleurs de la fosse lom-
simples de la femme jeune, mais reste exceptionnel dans les baire majorées à la palpation/percussion, irradiant vers les organes
IU parenchymateuses. On retrouve les mêmes uropathogènes génitaux externes. Chez le nourrisson, le tableau clinique peut se
pour les prostatites communautaires, à l’exception des infections réduire à une fièvre nue ou associée à des troubles digestifs. On
sexuellement transmissibles à gonocoque, Chlamydophila tracho- observe dans la prostatite aiguë une dysurie voire une rétention
matis ou Mycoplasma genitalium. Chez les patients hospitalisés ou aiguë d’urines liées à l’obstacle prostatique, ainsi que des douleurs
ayant des anomalies des voies urinaires, l’épidémiologie s’enrichit pelviennes et urétrales. Au toucher rectal, la prostate est doulou-
d’IU à Pseudomonas aeruginosa, entérocoques et S. aureus [2] . reuse et augmentée de volume. Les complications sont le sepsis, la
rétention d’urines, l’abcès prostatique ou l’orchiépididymite par
extension locale. Il existe une forme chronique (prostatite chro-
Augmentation de l’antibiorésistance nique), pas forcément précédée d’épisodes aigus et souvent moins
La prévalence de la résistance aux antibiotiques chez les enté- symptomatique.
robactéries est en augmentation, compliquant l’antibiothérapie
probabiliste. Complications
En 2015, selon l’Observatoire national de l’épidémiologie et de
la résistance bactérienne aux antibiotiques (ONERBA) en France, En cas de mauvaise évolution à 48–72 heures d’une PNA traitée,
43 % des E. coli retrouvées dans les IU communautaires sont résis- on doit rechercher un abcès périnéphrétique ou intraparenchy-
tantes à l’amoxicilline, 17 % à l’association amoxicilline–acide mateux. Le facteur de risque principal est l’obstruction des voies
clavulanique, 20 % au cotrimoxazole, 14 % aux fluoroquinolones urinaires. Le traitement est une antibiothérapie prolongée (au
(FQ), moins de 5 % aux céphalosporines de troisième génération moins 3 semaines) et un drainage ou traitement chirurgical pour
(C3G), et 1 % aux furanes et à la fosfomycine [3] . La résistance aux les abcès de 5 cm et plus [6] . Parmi ces formes abcédées, la pyélo-
FQ n’a fait que croître : 91 % des souches d’E. coli étaient sensibles néphrite emphysémateuse, qui touche principalement la femme
aux FQ en 2004. Le principal facteur de risque de résistance aux FQ diabétique, est une forme grave avec une mortalité élevée (10 %
est un antécédent de traitement par FQ au cours des six derniers malgré l’antibiothérapie et le traitement par drainage ou néphrec-
mois (69 % de résistance si usage dans les 3 derniers mois) [4] . tomie) [7] .
Les bêtalactamases à spectre étendu (BLSE), initialement essen-
tiellement retrouvées en milieu hospitalier, ont diffusé en milieu Formes particulières
communautaire. Ces bactéries hydrolysent l’ensemble des bêta-
lactamines à l’exception des céphamycines, des pénèmes et du Infections urinaires de l’enfant : rechercher
moxalactam. En 2013, les BLSE représentaient 3,3 % des souches une malformation urogénitale
d’E. coli isolées dans les urines de ville. Il existe des disparités au
Excepté dans le cas de la cystite de l’adolescente pubère, une
sein du territoire national, le pourcentage de BLSE dans les urines
uropathie doit être recherchée par une échographie des voies uri-
de ville variant de 1,8 % en Bretagne à 5,1 % en Provence-Côtes
naires, voire une cystographie rétrograde, à distance de l’épisode,
d’Azur [3] . Dans les traitements des cystites à BLSE, le mécillinam
après stérilisation des urines. Un reflux vésico-urétéral est retrouvé
(91 % des souches de E. coli BLSE restent sensibles à cette bêtalacta-
chez 30 à 50 % des enfants traités pour IU.
mine), la fosfomycine (> 98 % de sensibilité) et la nitrofurantoïne
(> 90 % de sensibilité) sont des traitements de choix. Pour le traite-
ment des IU parenchymateuses à BLSE, il est nécessaire de vérifier
Colonisation urinaire : à ne pas traiter
la concentration minimale inhibitrice (CMI) avant d’utiliser les Les colonisations urinaires correspondent aux situations de
bêtalactamines. Celle-ci est mesurée en gradient de diffusion en portage de microorganismes sans manifestation clinique. La pré-
gélose, microdilution en milieu liquide ou dilution en gélose. Pour valence augmente avec l’âge, allant de 1 % chez les jeunes
Bactériurie : symptômes
Non Oui
Éléments de gravité :
- sepsis (signes infectieux + hypotension) Éléments de gravité ?
- choc septique
- geste urologique (hors sondage simple)
Non Oui
FDR d’EBLSE :
- antécédent de colonisation/IU à EBLSE < 6 mois
- amox-clav/C2G-C3G/FQ < 6 mois PNA/IU non grave PNA/IU grave
- voyage en zone d’endémie EBLSE
- hospitalisation < 3 mois
- vie en long séjour FDR d’EBLSE ?
Figure 1. Terminologie/stratégie (d’après Société de pathologie infectieuse de langue française [SPILF]. Diaporama des recommandations de prise en
charge des infections urinaires communautaires, mise à jour 2017. http://www.infectiologie.com). EBLSE : entérobactéries productrices de bêtalactamases à
spectre élargi ; PNA : pyélonéphrite ; FDR : facteur de risque ; FQ : fluoroquinolone ; C3G : céphalosporine de troisième génération ; C2G : céphalosporine
de deuxième génération ; amox-clav : amoxicilline–acide clavulanique.
Négative Positive
PNA simple : PNA à risque de complication : Sepsis ou geste urologique urgent Choc septique :
FQ (sauf si FQ < 6 mois) C3G parentérale C3G parentérale + amikacine C3G parentérale + amikacine
ou C3G parentérale (à privilégier si hospitalisation) si allergie : aztréonam + amikacine si allergie : aztréonam + amikacine
ou FQ (sauf si FQ < 6 mois) sauf si antécédent d’IU/colonisation sauf si :
urinaire à EBLSE < 6 mois : - antécédent d’IU/colonisation à
- choix selon la documentation EBLSE < 6 mois
Si contre-indication : aminoside
microbiologique antérieure - ou amox-clav/C2G-C3G/FQ < 6 mois
(amikacine, gentamicine ou tobramycine) ou aztréonam
exemple : pipéracilline-tazobactam + - ou voyage en zone d’endémie EBLSE
amikacine si souche sensible - ou vie en long séjour :
- à défaut carbapénème + amikacine • carbapénème + amikacine
Figure 4. Traitement probabiliste des pyélonéphrites (d’après Société de pathologie infectieuse de langue française [SPILF]. Diaporama des recommanda-
tions de prise en charge des infections urinaires communautaires, mise à jour 2017. http://www.infectiologie.com). FQ : fluoroquinolone ; C3G : céphalosporine
de troisième génération ; C2G : céphalosporine de deuxième génération ; EBLSE : entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre élargi ; PNA :
pyélonéphrite.
En relais :
fluoroquinolones (ciprofloxacine, lévofloxacine, ofloxacine)
et cotrimoxazole à privilégier (par os) => durée = 14 jours
21 jours à discuter si :
- uropathie sous-jacente ou ne régressant pas sous traitement antibiotique
- lithiase urinaire, immunodépression profonde
- molécule autre que fluoroquinolone ou cotrimoxazole ou β-lactamine parentérale
Figure 7. Tomodensitométrie d’une pyélonéphrite emphysémateuse. Figure 8. Tomodensitométrie d’un abcès prostatique retrouvant une
Présence d’air au sein du parenchyme rénal et dans la voie excrétrice volumineuse hypodensité cloisonnée avec rehaussement périphérique
(flèches). (flèche). On visualise quelques microcalcifications intraprostatiques.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Baldeyrou M, Tattevin P. Infections urinaires. EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-8 [Article
4-0880].
Le terme psychotrope désigne les substances ayant un effet sur le fonctionnement cérébral, qu’il s’agisse
de médicaments ou de toxiques. On parle d’effets psycholeptique (action apaisante sur le fonctionnement
cérébral, par exemple les anxiolytiques), psychoanaleptique (action stimulante, par exemple les antidé-
presseurs) et psychodysleptique (action perturbatrice provoquant un état délirant ou hallucinatoire, par
exemple le cannabis). Les médicaments psychotropes désignent les traitements prescrits pour apaiser des
troubles psychiques. Il s’agit des traitements antidépresseurs, thymorégulateurs, neuroleptiques, anxio-
lytiques et hypnotiques. Leur prescription survient dans le cadre d’indications précises. Elle peut être mise
en place aussi bien par un médecin généraliste que par un spécialiste psychiatre en fonction de la comple-
xité et sévérité des troubles ou du contexte. Un bilan préthérapeutique doit toujours être réalisé avant
l’introduction du traitement psychotrope. Il peut être clinique, biologique, voire électrocardiographique
ou électroencéphalographique selon le type de molécule envisagée. L’efficacité du traitement psychotrope
nécessite une observance thérapeutique régulière. L’adhésion au diagnostic et au traitement, sa bonne
tolérance ainsi qu’une alliance de qualité avec le médecin prescripteur sont des gages de cette obser-
vance. La surveillance doit être attentive portant sur l’efficacité et la tolérance du traitement, adaptée
aux spécificités de chacune des molécules.
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Plan ■ Anxiolytiques 15
Indications 15
■ Introduction 1 Benzodiazépines 16
Autres anxiolytiques 16
■ Antidépresseurs 2
■ Hypnotiques 17
Indications 2
Différentes voies d’administration 2 Benzodiazépines 17
Critères de choix d’un antidépresseur 3 Autres molécules hypnotiques 18
Durée du traitement antidépresseur 4
Différentes classes d’antidépresseurs 4
■ Thymorégulateurs 8
Indications et conduite du traitement thymorégulateur
Lithium (Téralithe® 250 mg, Téralithe® LP 400 mg)
8
9
Introduction
Valproate de sodium 10 Depuis plusieurs années, le développement important des
Carbamazépine (Tégrétol® , Tégrétol LP® , Carbamazépine® ) 10 médicaments psychotropes a considérablement modifié la prise
Lamotrigine (Lamictal® , Lamotrigine® ) 11 en charge des troubles psychiques.
■ Neuroleptiques 11 Ces médicaments permettent de donner une réponse thérapeu-
Classifications 11 tique aux troubles psychiques en association avec une prise en
Pharmacodynamie 12 charge psychothérapeutique et un accompagnement social.
Pharmacocinétique 12 Plusieurs partenaires de santé sont impliqués dans la prise en
Indications 12 charge des patients souffrant de troubles psychiques : le médecin,
Contre-indications 12 généraliste ou psychiatre, le pharmacien, l’infirmier ainsi que les
Bilan préthérapeutique 13 associations de patients et de proches.
Choix du neuroleptique 13 Le médecin généraliste est l’interlocuteur privilégié pour la prise
Introduction et surveillance du traitement 14 en charge globale du patient. C’est lui qui est en première ligne
Effets indésirables et prise en charge 14 pour identifier d’éventuels symptômes psychiques qu’il peut être
amené à prendre en charge seul ou bien en collaboration avec un anxiété sociale, le trouble anxieux généralisé et l’état de stress
psychiatre. post-traumatique.
Son rôle dans le traitement des troubles mentaux est fondamen- Les antidépresseurs, quelle que soit leur indication, sont en
tal et comporte plusieurs points : règle générale associés aux approches psychothérapeutiques qui
• le dépistage et le diagnostic d’une pathologie mentale chez un demeurent essentielles.
patient consultant pour une souffrance psychique ; Actuellement, les antidépresseurs sont répartis en cinq classes
• le traitement de l’épisode pathologique (choix d’une hospitali- en fonction de leur mécanisme d’action :
sation, d’un médicament, etc.) ; • les imipraminiques, tricycliques ou non ;
• la surveillance du traitement (effets bénéfiques primaires, effets • les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ;
indésirables) et le suivi du patient. • les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradré-
Pour différentes raisons (difficulté à reconnaître un trouble naline (IRS-NA) ;
mental – ainsi, 19 % des dépressions majeures ne sont traitées • les IMAO, sélectifs ou non de la monoamine oxydase A (MAO-
qu’avec des anxiolytiques –, refus du patient du diagnostic de A) ;
maladie mentale, réticence à consulter un psychiatre, etc.), il • les « autres antidépresseurs » (de mécanisme pharmacologique
existe souvent un délai important entre le moment où appa- différent).
raissent les troubles et le moment où le patient est traité. Ce Dans ces cinq classes, les imipraminiques sont les antidépres-
décalage peut être à l’origine d’une aggravation de la symptoma- seurs historiques, de référence. Les ISRS, les IRS-NA et les « autres
tologie psychique avec parfois le risque d’un passage à l’acte auto- antidépresseurs » sont de développement plus récent et plus faciles
ou hétéroagressif ou avoir des conséquences négatives sur la vie à manier. Les IMAO sont peu utilisés en France.
conjugale, familiale, sociale et professionnelle. Les mécanismes d’action des antidépresseurs en termes
L’épisode pathologique dépisté par le médecin traitant peut d’efficacité ne sont pas complètement connus et ceux identifiés,
être traité d’emblée par l’omnipraticien après avoir informé clai- en particulier pour la définition de chacune des classes, sont très
rement le patient des effets bénéfiques et des effets indésirables clairement des mécanismes d’action à court terme.
du traitement psychotrope proposé. Dans ce cas, il ne faut pas De façon globale, tous les antidépresseurs augmentent le renou-
hésiter à revoir le patient la semaine suivant l’introduction du vellement des monoamines cérébrales (sérotonine, noradrénaline
traitement. Par ailleurs, quand la symptomatologie psychique est et dopamine) et, de ce fait, l’hypothèse de la spécificité d’action
floue ou lorsque le patient est ambivalent quant à la prise d’un de certains antidépresseurs est caduque. D’autres pistes concer-
traitement psychotrope, il est préférable de l’adresser vers un spé- nant l’efficacité des antidépresseurs sont aujourd’hui investiguées
cialiste. En effet, l’issue favorable de la prise en charge nécessite comme l’hypothèse peptidergique.
de poser le diagnostic correct, ce qui peut être difficile en présence Les mécanismes d’action des antidépresseurs en termes d’effets
d’une symptomatologie atypique, de comorbidités, etc., ainsi que indésirables sont davantage connus. Les antidépresseurs imipra-
la compliance du patient à son traitement. miniques ont des effets réceptoriels postsynaptiques impliqués
Le rôle du médecin généraliste est également important en ce dans leur tolérance et rendent compte de certains de leurs effets
qui concerne le suivi des patients sous traitement psychotrope. Il indésirables :
peut être amené à informer le patient sur sa maladie et son trai- • effet anticholinergique M1 ;
tement (améliorant ainsi la compliance au traitement) ; à assurer • effet adrénolytique alpha 1 ;
un soutien psychologique au patient et à sa famille ; à surveiller • effet antihistaminique H1.
l’efficacité (fonction du délai d’action des médicaments) et la tolé- Les autres classes d’antidépresseurs ne possédant pas ces pro-
rance du traitement. priétés réceptorielles postsynaptiques, elles sont dénuées des effets
Le rythme des consultations dépend du malade, de sa patholo- indésirables correspondants.
gie et de la « qualité » de son entourage. La mise en place d’un traitement antidépresseur est soumise
Le traitement et le suivi ne s’arrêtent pas à la guérison d’un à des références médicales opposables (RMO), publiées dans le
épisode pathologique. Ils doivent être prolongés afin d’assurer Journal officiel.
la prévention et la prise en charge des éventuelles rechutes et
récidives. Au décours d’un épisode, le patient peut présenter des
difficultés psychologiques persistantes, séquellaires ou non de la Indications
maladie. Ces difficultés doivent faire l’objet d’une évaluation par
un psychiatre qui peut proposer une intervention psychothéra- De façon générale, les antidépresseurs sont indiqués dans les
pique spécifique. troubles dépressifs. Historiquement, ce sont les antidépresseurs
On comprend donc la complexité d’approche du soin médi- imipraminiques qui étaient reconnus comme les plus efficaces.
camenteux qui nécessite non seulement une bonne connaissance Actuellement, d’autres molécules antidépressives, notamment les
scientifique mais aussi une bonne alliance thérapeutique avec son IRS-NA, donnent de très bons résultats et comportent moins
patient. d’effets indésirables.
Les quatre grandes classes de traitements médicamenteux Plus récemment, des antidépresseurs ont obtenu des indications
en psychiatrie sont les antidépresseurs, les neuroleptiques, les d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans certains troubles
anxiolytiques et hypnotiques et les thymorégulateurs. Nous les anxieux et dans les troubles obsessionnels compulsifs.
aborderons successivement, en précisant pour chacun d’eux les Le Tableau 1 montre les antidépresseurs ayant l’AMM pour les
différentes classes disponibles, les effets indésirables et accidents, épisodes dépressifs et pour certains troubles anxieux.
les contre-indications et les règles de prescription.
Tableau 1.
Médicaments antidépresseurs indiqués dans les troubles dépressifs et les troubles anxieux.
Famille DCI Indications de l’AMM
®
Imipraminiques Clomipramine (Anafril ) Épisodes dépressifs majeurs
Troubles obsessionnels compulsifs
Prévention des attaques de panique avec ou sans agoraphobie (uniquement pour la forme
comprimé)
Certains états dépressifs apparaissant lors de schizophrénies, en association avec un
traitement neuroleptique (uniquement pour la forme comprimé)
Douleurs neuropathiques de l’adulte
®
ISRS Citalopram (Séropram ) Épisodes dépressifs majeurs
Trouble panique avec ou sans agoraphobie (uniquement pour les formes comprimé et
solution buvable)
®
Escitalopram (Seroplex ) Traitement des épisodes dépressifs majeurs
Trouble panique avec ou sans agoraphobie
Trouble anxiété sociale
Trouble anxiété généralisée
Troubles obsessionnels compulsifs
®
Fluoxétine (Prozac ) Épisodes dépressifs majeurs
Troubles obsessionnels compulsifs
Boulimie (en complément de la psychothérapie)
®
Fluvoxamine (Floxyfral ) Épisodes dépressifs majeurs
Troubles obsessionnels compulsifs
® ®
Paroxétine (Deroxat , Divarius ) Épisodes dépressifs majeurs
Trouble panique avec ou sans agoraphobie
Troubles obsessionnels compulsifs
Trouble anxiété sociale
Anxiété généralisée
État de stress post-traumatique
®
Sertraline (Zoloft ) Épisodes dépressifs majeurs
Prévention des récidives dépressives
Trouble panique avec ou sans agoraphobie
Trouble anxiété sociale
État de stress post-traumatique
Troubles obsessionnels compulsifs chez l’adulte et l’enfant de 6 à 17 ans
®
IRS-NA Venlafaxine (Effexor LP ) Épisodes dépressifs majeurs
Prévention des récidives dépressives
Trouble panique avec ou sans agoraphobie
Anxiété généralisée
Trouble anxiété sociale
DCI : dénomination commune internationale ; AMM : autorisation de mise sur le marché ; ISRS : inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ; IRS-NA : inhibiteurs
de la recapture de la sérotonine-noradrénaline.
Il est important de souligner que, avec les imipraminiques, les Les antidépresseurs ayant la meilleure tolérance et la meilleure
formes en gouttes présentent un risque plus important en cas de maniabilité sont les ISRS, les IRS-NA et les molécules de la classe
surdosage en lien avec une résorption digestive plus rapide. « autres antidépresseurs ».
Ils doivent être de ce fait prescrits en première intention en
ambulatoire. La prescription d’un imipraminique, d’un IMAO et
Critères de choix d’un antidépresseur d’une bithérapie antidépressive se fait en deuxième ou troisième
intention.
Le choix de l’antidépresseur est fondé sur différents critères.
Propriétés collatérales
Efficacité et effets pharmacologiques
Les antidépresseurs peuvent aussi être classés selon leurs pro-
La nature des effets biochimiques aigus (exemple : augmen- priétés collatérales : sédative, stimulante ou mixte. Ces propriétés
tation de la sérotonine dans la fente synaptique pour les ISRS) collatérales sont d’autant plus utiles qu’elles se manifestent en
induits par les antidépresseurs (de type sérotoninergique, noradr- général dès les premiers jours de traitement, c’est-à-dire avant
énergique ou mixte par exemple) ne constitue pas un argument l’amélioration de l’humeur.
de choix de la molécule. En réalité, ces effets biochimiques n’ont L’effet sédatif est bénéfique chez les patients anxieux et/ou
jamais été corrélés avec des effets cliniques. Ainsi, en termes insomniaques ; au contraire, l’effet stimulant est bénéfique chez
d’efficacité, les différentes catégories d’antidépresseurs sont à peu les déprimés les plus ralentis ou asthéniques.
près équivalentes. Les antidépresseurs recommandés pour les troubles du
L’antidépresseur qui a été efficace en phase d’attaque est sommeil sont principalement la miansérine, la mirtazapine,
poursuivi pour la phase de consolidation du traitement. Il est l’amitriptyline. Les stimulants sont par exemple : l’imipramine
également privilégié dans le traitement préventif ou curatif des ou la fluoxétine. D’autres sont plutôt « médians » comme la clo-
récurrences. mipramine.
Tableau 3.
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine commercialisés en France.
DCI Nom de spécialité Présentation Posologie (mg/j) Demi-vie
®
Fluoxétine Prozac Gélules à 20 mg, comprimés orodispersibles à 20 à 60 4 à 15 jours
Fluoxétine générique 20 mg et solution buvable 20 mg/mesure
®
Sertraline Zoloft Gélules à 25 et 50 mg 50 à 200 26 heures
Sertraline générique
®
Citalopram Séropram Comprimés à 20 mg, solution buvable 40 mg/ml et 20 à 60 30 heures
Citalopram générique ampoules 40 mg/ml
®
Escitalopram Séroplex Comprimés à 5, 10 et 20 mg 10 à 20 30 heures
Escitalopram générique
®
Paroxétine Deroxat Comprimés à 20 mg et solution buvable 20 à 40 24 heures
®
Divarius 10 mg/5 ml
Paroxétine générique
®
Fluvoxamine Floxyfral Comprimés à 50 et 100 mg 100 à 300 16 heures
Fluvoxamine générique pendant les repas
Tableau 4.
Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline commercialisés en France.
DCI Nom de spécialité Présentation Posologie (mg/j) Demi-vie
®
Venlafaxine Effexor Comprimés à 50 mg et 37,5 à 225 11 heures
Venlafaxine générique forme LP à 37,5 mg et
75 mg
®
Duloxétine Cymbalta Gélules à 30 et 60 mg 60 à 120 8 à 17 heures
Duloxétine générique
®
Milnacipran Ixel Gélules à 25 et 50 mg 100 en deux prises au cours 8 heures
Milnacipran générique des repas
Tableau 5.
Les principaux tricycliques.
DCI Nom de spécialité Présentation Posologie (mg/j) Demi-vie
®
Imipramine Tofranil Comprimés à 10 et 75 à 150 9 à 20 heures
25 mg
®
Clomipramine Anafranil Comprimés à 10, 25 et 75 à 150 21 heures
Clomipramine 75 mg
générique Solution injectable à
25 mg/2 ml
®
Dosulépine Prothiaden Gélules à 25 mg et 75 à 150 30 heures
comprimés à 75 mg
®
Amitriptyline Laroxyl Comprimés à 25 et 75 à 150 22 à 40 heures
®
Elavil 50 mg
Solution injectable à
50 mg/2 ml
Solution buvable à
40 mg/ml
®
Trimipramine Surmontil Comprimés à 50 et 75 à 100 24 heures
100 mg
Solution 1 mg/1 goutte
®
Amoxapine Defanyl Comprimés à 50 et 100 à 400 8 heures
100 mg 30 heures pour le
métabolite actif
®
Doxépine Quitaxon Comprimés à 10 et 10 à 300 10 heures
50 mg
Leur mécanisme d’action résulte d’un blocage de la dégradation Du fait des interactions médicamenteuses fréquentes, il est
intracellulaire de la noradrénaline et de la sérotonine. Les IMAO nécessaire d’éduquer le patient sur la nécessité d’informer tous
dits « classiques » sont irréversibles et non sélectifs, inhibant à ses médecins de son traitement.
la fois la MAO-A et la MAO-B (leur activité cesse au moins deux
semaines après l’arrêt du produit). Il existe également des IMAO Caractéristiques pharmacocinétiques
dits « de nouvelle génération » qui sont réversibles (leur activité De façon générale, ils ont une résorption digestive rapide avec
cesse peu après l’arrêt du produit) et sélectifs de la MAO-A. Ces une fixation protéique de 50 %, un métabolisme hépatique très
IMAO ne présentent pas les effets indésirables et les risques (dont important, une élimination urinaire sous forme inactive et une
le risque vital) des IMAO classiques et sont donc plus fréquem- demi-vie courte d’une à deux heures nécessitant plusieurs prises
ment prescrits. dans la journée.
Tableau 6.
Comme pour les autres classes d’antidépresseurs, ils peuvent Effets indésirables
entraîner des effets neuropsychiques (réactions anxieuses ou déli- Les effets indésirables décrits sont principalement les nausées.
rantes, inversion rapide de l’humeur). On a aussi pu observer des vertiges, des troubles du transit, un
Les traitements avec la miansérine et la mirtazapine peuvent prurit. Cette molécule est susceptible de provoquer un syndrome
être associés à une forte prise de poids. sérotoninergique.
Contre-indications Contre-indications
Uniquement l’association à un IMAO non sélectif. Les contre-indications sont l’association aux IMAO non sélectifs
et sélectifs de la MAO-A ainsi que l’hypersensibilité à la substance
Précaution d’emploi pour la miansérine et la mirtazapine active ou à un excipient.
Surveillance de l’hémogramme pendant les premiers Conduite du traitement
mois de traitement avec arrêt immédiat et définitif en cas Les posologies thérapeutiques sont comprises entre 5 et 20 mg
d’agranulocytose. par jour. L’administration se fait en une prise quotidienne par
Intoxication voie orale. Le traitement peut être interrompu sans décroissance
progressive.
Comme toutes les intoxications médicamenteuses, c’est une
urgence thérapeutique qui doit être traitée en milieu hospitalier.
Elle provoque une somnolence, une HTA, une tachycardie ou une
bradycardie. Thymorégulateurs
Conduite du traitement Les thymorégulateurs sont les traitements employés dans le
Il est conseillé de débuter le traitement avec la dose minimum trouble bipolaire. Il s’agit de molécules efficaces dans la prise
et d’augmenter progressivement la posologie en fonction de la en charge ou la prévention des épisodes thymiques (dépressifs,
tolérance et de l’efficacité. mixtes, hypomanes ou maniaques) qui n’aggravent pas les autres
épisodes (ainsi, les antidépresseurs qui augmentent la fréquence et
® l’intensité des épisodes maniaques ne sont pas considérés comme
Agomélatine (Valdoxan )
des thymorégulateurs). Le thymorégulateur de référence est le
L’agomélatine est un antidépresseur d’apparition récente. lithium. Cependant, il en existe d’autres : l’acide valproïque, la
Elle n’aurait aucun effet sur les concentrations de sérotonine carbamazépine, la lamotrigine, certains neuroleptiques atypiques
intrasynaptique mais agirait comme agoniste des récepteurs comme la rispéridone, l’aripiprazole, l’olanzapine et la quétia-
mélatoninergiques MT1 et MT2 et comme antagoniste des récep- pine (cf. infra). Ce sont des traitements au long cours puisqu’ils
teurs 5HT2c. Cela entraînerait une augmentation de la libération permettent la stabilisation du trouble bipolaire et non sa gué-
de noradrénaline et de dopamine, spécifiquement dans le cor- rison. Le médecin généraliste est souvent amené à prendre en
tex frontal. Elle permettrait une resynchronisation des rythmes charge des patients ayant ce type de traitement, en coordina-
circadiens. tion avec un psychiatre. L’information et l’éducation des patients
L’agomélatine est bien absorbée après la prise orale. Elle est bipolaires est primordiale pour assurer la connaissance du trouble
métabolisée par le foie et éliminée dans les urines. Sa demi-vie est ainsi que l’observance du suivi et du traitement, uniques gages
d’une à deux heures. À noter que sa biodisponibilité est augmentée de l’équilibre thymique. C’est grâce à cela que le retentissement
par la prise d’un contraceptif oral et diminuée par la consomma- socio-professionnel du trouble, qui peut être majeur, est limité.
tion de tabac.
Elle doit être administrée en une prise le soir à l’heure du cou-
cher.
Indications et conduite du traitement
Les effets indésirables fréquents sont l’anxiété, les céphalées thymorégulateur
et migraines, vertiges, la somnolence ou l’insomnie, les nausées,
vomissements, diarrhées, l’hyperhidrose, l’élévation des enzymes Il est indiqué d’introduire un thymorégulateur en cas :
hépatiques. • d’épisode maniaque, hypomane et mixte ;
Un contrôle de la fonction hépatique doit ainsi être réalisé chez • d’épisode dépressif avec antécédent d’épisode hypomane,
tous les patients à l’instauration du traitement, puis après envi- maniaque ou mixte.
ron six semaines, 12 et 24 semaines et par la suite si cela s’avère Le choix du thymorégulateur introduit se fait en fonction de
cliniquement nécessaire. plusieurs critères : le type et l’intensité de l’épisode thymique
Les contre-indications sont l’hypersensibilité à la substance actuel, la prédominance d’un type d’épisode par rapport aux
active ou à l’un des excipients, l’insuffisance hépatique et autres à l’anamnèse, l’âge et le sexe du patient, les comorbidités
l’association aux inhibiteurs puissants du CYP1A2 (par exemple : et traitements associés, le souhait du patient.
fluvoxamine, ciprofloxacine). Le consentement du patient, si ce n’est à la phase aiguë d’un
épisode thymique, au moins dans un second temps, est indispen-
® sable.
Vortioxétine (Brintellix ) En cas d’épisode maniaque, hypomane ou mixte, sont recom-
La vortioxétine est un antidépresseur qui a été commercialisé en mandés en première intention : lithium, acide valproïque,
France en 2016. Il est indiqué dans les épisodes dépressifs caracté- neuroleptiques atypiques sus-cités. Dans le cas d’un épisode
risés de l’adulte. Son mécanisme d’action implique la modulation mixte, certains auteurs recommandent plus particulièrement la
directe des récepteurs sérotoninergiques (effet agoniste, agoniste carbamazépine.
partiel et antagoniste selon le type de récepteur) et l’inhibition du Si la monothérapie doit être privilégiée, des associations de thy-
transporteur de la sérotonine. Cela entraînerait un impact sur les morégulateurs sont possibles en cas d’épisode résistant ou sévère.
voix de transmission de la sérotonine mais aussi de la noradré- Il s’agit le plus souvent de l’association de lithium ou acide val-
naline, dopamine, acétylcholine, histamine, du glutamate et de proïque avec un neuroleptique atypique.
l’acide ␥-aminobutyrique (GABA). En cas d’épisode dépressif, il convient en première inten-
tion d’optimiser le traitement thymorégulateur déjà en place ou
Caractéristiques pharmacocinétiques d’introduire de la quétiapine ou de la lamotrigine (hors AMM) ou
La résorption par voie digestive est lente, la liaison aux pro- d’associer un antidépresseur au thymorégulateur. Dans cette der-
téines plasmatiques importante (98 % environ). La métabolisation nière situation, il faut garder à l’esprit le risque de virage maniaque
est hépatique donnant lieu à la formation de métabolites inactifs ainsi que d’accélération des cycles thymiques, surveiller étroi-
dont l’élimination est rénale (deux tiers) et digestive (un tiers). tement le patient et ne maintenir l’antidépresseur que sur une
L’absence de données suffisantes concernant l’utilisation de la vor- courte durée.
tioxétine chez la femme enceinte ou allaitante ne permet pas sa Le traitement prophylactique, après retour à l’euthymie, corres-
prescription dans cette population. pond à celui qui a permis la guérison de l’épisode thymique.
Le traitement médicamenteux doit s’accompagner d’une infor- Certains médicaments entraînent des interactions avec le
mation précise sur ses objectifs, effets indésirables potentiels, lithium et sont à éviter, principalement : inhibiteurs de
durée, modalités de surveillance ainsi que sur les règles hygiéno- l’enzyme de conversion (IEC), antagonistes des récepteurs de
diététiques à respecter. La psychoéducation a une place centrale l’angiotensine II (ARA II), anti-inflammatoires non stéroïdiens
dans le trouble bipolaire. (AINS), carbamazépine, diurétiques de l’anse et thazidiques. Pour
Les recommandations concernant la durée du traitement prévenir des situations de sur- ou de sous-dosage, le patient doit
thymorégulateur sont variables. Certaines sociétés savantes pré- informer tous ses médecins de son traitement par lithium.
conisent un maintien aussi longtemps que possible dès lors qu’un
trouble bipolaire est diagnostiqué. D’autres conditionnent la
Introduction et surveillance
durée du traitement au nombre d’épisodes thymiques, évoquant
la possibilité d’une interruption, moyennant une surveillance cli- Le bilan préthérapeutique a pour objectif de repérer les contre-
nique rapprochée, après quelques années en cas d’épisode unique. indications et éléments nécessitant des précautions.
Dans tous les cas, le trouble bipolaire indique un suivi psychia-
trique très régulier. L’alliance thérapeutique est à travailler. Une
prise en charge psychothérapeutique doit être proposée au patient
en complément de la pharmacothérapie. “ Point fort
® ®
Lithium (Téralithe 250 mg, Téralithe LP Bilan préthérapeutique avant instauration d’une
400 mg) lithiothérapie
• Examen clinique complet.
Les sels de lithium constituent le thymorégulateur le plus • ECG.
ancien mais aussi de référence. Cependant, il présente des contre- • Électroencéphalogramme (EEG) en cas d’antécédent
indications et effets indésirables qui nécessitent une surveillance neurologique.
rapprochée bien observée par le patient. • Bilan sanguin : numération formule sanguine (NFS),
ionogramme sanguin, fonction rénale (urée, créatinine,
Pharmacodynamie clairance de la créatinine), calcémie, thyréostimuline
Les mécanismes d’action du lithium ne sont pas complètement (TSH), glycémie à jeun et dosage des bêta hormones cho-
élucidés. Il agirait par le blocage des inositol phosphatases dans les rioniques gonadotrophiques (hCG) plasmatiques chez la
neurones. Cela entraînerait la diminution des réponses cellulaires femme en âge de procréer.
aux neurotransmetteurs. • Bilan urinaire : recherche d’une protéinurie.
Pharmacocinétique
La prise orale est suivie d’une absorption gastro-intestinale
Après instauration du lithium, son taux plasmatique est à sur-
complète et rapide. La concentration plasmatique maximale est
veiller de manière rapprochée jusqu’à atteindre l’équilibre. La
atteinte en deux à quatre heures pour la forme à libération immé-
lithiémie doit ainsi être dosée après sept jours de prises, à 12 heures
diate, en 2,5 à six heures pour la forme à libération prolongée. ®
de la dernière prise. La lithiémie cible sous Téralithe 250 mg
La demi-vie plasmatique est de 24 heures. L’équilibre plasmatique
est située entre 0,5 et 0,8 mmol/l (concentration minimale) tan-
est atteint en cinq à huit jours. Le lithium est éliminé à 90 % par ®
dis que sous Téralithe LP 400 mg, elle est située entre 0,8 et
voie rénale, non métabolisé.
1,2 mmol/l (concentration intermédiaire).
La lithiémie intraérythrocytaire peut aussi être dosée. Elle serait
Indications un meilleur reflet de la concentration intracérébrale.
Les indications du lithium sont : En règle générale, les lithiémies cibles en cas d’épisode
• traitement curatif des épisodes maniaques ou hypomanes et maniaque sont situées dans la fourchette thérapeutique haute tan-
dépressifs bipolaires ; dis qu’elles sont situées dans la fourchette thérapeutique basse en
• traitement préventif des récurrences dépressives, mixtes, cas d’épisode dépressif. Systématiquement, la posologie minimale
maniaques du trouble bipolaire ; efficace est recherchée.
• traitement curatif et préventif des récurrences du trouble schi- La posologie de lithium nécessaire pour atteindre une lithiémie
zoaffectif. efficace est variable d’un patient à l’autre. Si la lithiémie est infé-
Dans le cadre du traitement de maintenance du trouble bipo- rieure à la fourchette thérapeutique, il convient d’augmenter le
®
laire, le lithium diminue la fréquence, l’intensité et la durée des Téralithe par paliers de demi-comprimés. En cas de modification
épisodes thymiques. Cela est important du fait des risques, du de posologie, la lithiémie doit être recontrôlée après sept jours de
retentissement neurotoxique mais aussi socio-professionnel des prises.
épisodes. Une fois la lithiémie cible atteinte, il faut continuer de la sur-
Par ailleurs, le lithium est reconnu comme ayant des propriétés veiller toutes les semaines pendant le premier mois de traitement
anti-suicide chez les patients bipolaires (ce qui contre-balance le puis tous les mois pendant trois mois puis tous les deux mois.
risque létal important en cas de surdosage volontaire). Il aurait Un contrôle de lithiémie est aussi indiqué en cas de pathologie
aussi des propriétés neuroprotectrices chez les mêmes patients. somatique intercurrente ou de modification du traitement associé.
De même, le contrôle de la TSH, de la fonction rénale, du bilan
lipidique, de la glycémie, de la calcémie et la recherche d’une
Contre-indications protéinurie sont à renouveler chaque année.
Les contre-indications du lithium sont le régime sans sel,
l’insuffisance rénale en cas d’impossibilité de surveillance stricte Effets indésirables
et régulière de la lithiémie et de la fonction rénale, l’insuffisance
cardiaque, l’antécédent personnel ou familial de syndrome de Les effets indésirables potentiels du lithium sont nombreux.
Brugada, la maladie d’Addison. La majorité d’entre eux sont dose-dépendants. Il est important
En cas de grossesse, il est recommandé d’arrêter le lithium de les surveiller et de les prendre en charge du fait de leur gra-
du fait de l’effet délétère sur l’organogenèse cardiaque avec vité potentielle mais aussi parce que ce sont des facteurs limitant
risque de maladie d’Ebstein fœtale. Si l’arrêt n’est pas décidé l’observance donc l’efficacité du traitement.
après évaluation de la balance bénéfices/risques, il faut instau- Les plus fréquents sont :
rer une surveillance échographique fœtale adaptée. Par ailleurs, • tremblements fins des extrémités ;
l’allaitement est contre-indiqué en cas de traitement par lithium. • nausées, vomissements, diarrhées en début de traitement ;
ment.
• le valpromide (Dépamide ).
®
Effets indésirables
Les effets indésirables fréquents sont les suivants :
Neuroleptiques
• sédation, vertiges, ataxie, céphalées, diplopie ;
Les neuroleptiques sont des traitements efficaces sur les symp-
• prise de poids ;
tômes psychotiques et sont ainsi aussi nommés antipsychotiques.
• nausées, vomissements, sécheresse buccale ;
Leur utilisation en psychiatrie depuis les années 1950 a inauguré
• réactions cutanées allergiques voire, rarement, dermopathies
l’ère psychopharmacologique moderne.
bulleuses ;
Les neuroleptiques peuvent être prescrits dans le cadre de
• hyponatrémie par syndrome de sécrétion inappropriée en hor-
diverses pathologies psychiatriques, ayant plusieurs effets théra-
mone antidiurétique (SIADH), leucopénie, thrombocytopénie ;
peutiques :
• augmentation des GGT, PAL ;
• action antiproductive, c’est-à-dire réduction des éléments déli-
• modification du métabolisme des autres traitements par effet
rants et hallucinatoires ;
inducteur enzymatique ;
• action anxiolytique et sédative ;
• en cas de grossesse, augmentation du risque de malformation
• action antidéficitaire, c’est-à-dire sur les symptômes psycho-
fœtale, notamment par anomalie de la fermeture du tube neural
tiques négatifs tels que l’apragmatisme et l’émoussement
ainsi que malformation cardiaque, hypospadias, fente labiale
affectif ;
ou palatine.
• action thymorégulatrice pour certains.
® ®
Lamotrigine (Lamictal , Lamotrigine ) Classifications
La lamotrigine est un anticonvulsivant ayant des propriétés Il existe de nombreuses classifications des neuroleptiques.
thymorégulatrices. Selon la structure chimique, on distingue les phénothiazines
(aliphatiques : chlorpromazine, lévopromazine ; pipérazinées : • les récepteurs adrénergiques ␣1 responsables de l’effet antima-
trifluopérazine, fluphénazine, perphénazine ; pipéridinées : niaque mais aussi des effets indésirables à type d’hypotension
pipotiazine), les butyrophénones (halopéridol, dropéridol), orthostatique et somnolence (clozapine, rispéridone, quétia-
les thioxanthènes (flupentixol, zuclopentixol), les dibenzo- pine, halopéridol).
oxazépines (loxapine), les dibenzodiazépines (clozapine), les
benzamides (amisulpride, sulpiride, sultopride, tiapride), les
diphénylbutylpipéridines (pimozide), les benzisoxazoles (rispéri-
Pharmacocinétique
done), les thiénobenzodiazépines (olanzapine), les dérivés de la Les neuroleptiques peuvent être administrés par voie orale,
quinolinone (aripiprazole). intramusculaire ou, exceptionnellement, intraveineuse. La voie
On peut aussi classer les neuroleptiques selon leurs effets cli- intramusculaire doit être réservée aux situations d’urgence (état
niques. Cependant, la multiplicité des composantes de l’effet d’agitation psychomotrice avec refus de la prise orale du traite-
antipsychotique des neuroleptiques se prête mal à la schématisa- ment). Après la prise orale, la résorption digestive est bonne. Elle
tion, ce qui explique le grand nombre de classifications proposées. est plus rapide après l’administration en intramusculaire.
Par exemple, Lambert et Revol ont réparti les neuroleptiques selon Dans le cas des neuroleptiques à action prolongée (adminis-
un axe allant d’un pôle sédatif à un pôle « incisif » (ou antipsy- tration intramusculaire toutes les deux à quatre semaines), la
chotique). Dans une telle classification, la chlorpromazine occupe solubilité est moindre, ce qui permet un relargage plasmatique
une position médiane, les neuroleptiques sédatifs (de type lévo- progressif de la molécule active. Ces traitements doivent être ins-
promazine) sont les plus actifs sur les manifestations d’anxiété et taurés après observation de l’efficacité et de la tolérance de la
d’agitation, les neuroleptiques incisifs (de type halopéridol) sont molécule active sous forme orale.
les plus actifs sur les manifestations délirantes. Le métabolisme des neuroleptiques est essentiellement hépa-
La posologie étant susceptible de modifier l’effet thérapeu- tique. On observe des variations interindividuelles importantes.
tique observé, Petit et Colonna distinguent les neuroleptiques Après un certain temps d’administration, un effet d’auto-
« monopolaires », toujours sédatifs, à effets neurovégétatifs pré- induction enzymatique peut s’installer, provoquant une diminu-
dominants (type lévopromazine, chlorpromazine, cyamémazine), tion de l’effet thérapeutique.
des neuroleptiques « bipolaires », possédant un effet stimulant, La demi-vie des neuroleptiques est longue, permettant une prise
désinhibiteur à faibles doses et un effet antiproductif et sédatif à quotidienne unique dans le cadre d’un traitement au long cours.
plus fortes doses (type amisulpride, halopéridol). Certains auteurs Au contraire, les neuroleptiques utilisés à visée sédative ont une
anglo-saxons distinguent les neuroleptiques non en fonction de demi-vie plus courte et sont à renouveler.
leurs effets cliniques, qu’ils jugent semblables les uns aux autres,
mais en fonction de la dose nécessaire pour obtenir une action thé-
rapeutique. Cela permet de séparer les neuroleptiques puissants, Indications
c’est-à-dire actifs à faible dose comme l’halopéridol, des neuro-
L’indication de choix des neuroleptiques est la schizophré-
leptiques de faible puissance nécessitant des posologies élevées
nie ainsi que les autres formes de psychose aiguë ou chronique.
comme la chlorpromazine.
Dans ces troubles, les neuroleptiques se révèlent efficaces sur les
Enfin, les neuroleptiques récents sont qualifiés de « neurolep-
symptômes délirants et hallucinatoires ainsi que sur l’excitation
tiques atypiques », « neuroleptiques de seconde génération » ou
psychomotrice et l’anxiété. Les symptômes déficitaires et cognitifs
« antipsychotiques » par opposition aux plus anciens, qualifiés
de la schizophrénie répondent moins bien aux médicaments.
de « neuroleptiques classiques » ou « neuroleptiques de première
Par ailleurs, les neuroleptiques peuvent être utilisés dans les
génération ». Du fait de leurs actions différentes au niveau des
troubles thymiques.
récepteurs cérébraux (dopaminergiques et sérotoninergiques), ces
Dans le cas de la dépression mélancolique unipolaire, les neuro-
classes ont des profils d’effets thérapeutiques et secondaires dif-
leptiques peuvent être prescrits en deuxième intention, toujours
férents. Les neuroleptiques classiques sont moins bien tolérés sur
en association à un traitement antidépresseur bien mené en
le plan neurologique (syndrome parkinsonien iatrogène plus fré-
cas d’anxiété intense avec risque suicidaire (privilégier un neu-
quent) et s’accompagnent plus d’une majoration des symptômes
roleptique à action plutôt sédative et anxiolytique comme la
psychotiques déficitaires et cognitifs (Tableau 8).
cyamémazine, la lévomépromazine), d’éléments délirants ou de
résistance pharmacologique (AMM de la quétiapine uniquement).
Dans le cas du trouble bipolaire, les neuroleptiques peuvent être
Pharmacodynamie prescrits seuls ou en association à un autre thymorégulateur,
Tous les neuroleptiques ont en commun la propriété phar- que l’épisode soit dépressif ou maniaque. Le seul neuroleptique
macodynamique d’antagoniser les récepteurs dopaminergiques ayant l’AMM en monothérapie pour la dépression bipolaire est la
centraux. Ainsi, la transmission dopaminergique est modifiée quétiapine. Les neuroleptiques ayant l’AMM pour la manie sont
(diminuée ou augmentée avec les neuroleptiques atypiques et sys- l’aripiprazole, l’olanzapine, la quétiapine, la rispéridone.
tématiquement diminuée avec les neuroleptiques classiques) au Les neuroleptiques autorisés dans la prise en charge des épisodes
niveau de quatre circuits principaux : la voie mésolimbique, la voie aigus du trouble bipolaire peuvent être maintenus afin de prévenir
mésocorticale, la voie nigrostriée et la voie tubéro-infandibulaire. les rechutes et les récurrences (seule la rispéridone n’a pas l’AMM
L’effet antidopaminergique au niveau des deux dernières voies dans cette indication).
citées est responsable d’effets indésirables, respectivement effets Les neuroleptiques peuvent aussi être prescrits sur une courte
neurologiques extrapyramidaux et hyperprolactinémie. Les lieux durée en cas d’échec des thérapeutiques habituelles dans un
et mécanismes d’action précis de cette classe médicamenteuse res- contexte d’anxiété intense (par exemple cyamémazine, halo-
tent cependant encore à préciser. péridol) ou d’agitation et agressivité associées à un trouble
Les neuroleptiques ont aussi des affinités variables avec d’autres psychotique ou à certains troubles de la personnalité (en
récepteurs cérébraux : général par voie intramusculaire, par exemple chlorpromazine,
• les récepteurs sérotoninergiques, notamment 5HT2 et 5HT1, cyamémazine, lévomépromazine, loxapine). L’utilisation des neu-
par le biais desquels l’effet antidopaminergique peut être roleptiques par rapport aux benzodiazépines en cas d’anxiété
modulé avec certains neuroleptiques atypiques (clozapine, permet d’éviter le risque de développement d’une dépendance
olanzapine, quétiapine, rispéridone) ; (Tableau 9).
• les récepteurs histaminergiques H1 responsables des effets indé-
sirables à type de prise de poids et somnolence (clozapine, Contre-indications
olanzapine, loxapine, quétiapine, chlorpromazine) ;
• les récepteurs cholinergiques muscariniques responsables des Il n’y a pas de contre-indication absolue aux neuroleptiques.
effets indésirables à type de troubles de l’accommodation, Cependant, l’hypersensibilité à la substance active ou à l’un
sécheresse buccale et constipation (clozapine, quétiapine, phé- des excipients contre-indique l’utilisation de la molécule concer-
notiazines) ; née. Un antécédent de syndrome malin des neuroleptiques (cf.
Tableau 8.
Principaux neuroleptiques, présentations et posologies.
DCI Nom de spécialité Présentation Posologie (mg/j)
®
Amisulpride Solian Comprimés à 100 mg, 200 mg et 400 mg, solution buvable à 50 à 1200
100 mg/ml, solution injectable 200 mg/4 ml
®
Tiapride Tiapridal Comprimés à 100 mg, solution buvable à 5 mg/goutte et solution 50 à 300
®
Tiapride injectable à 100 mg/2 ml
®
Halopéridol Haldol Comprimés à 1 mg et 5 mg, solution buvable 2 mg/ml et solution 1 à 40 (1 à 20 mg/j en voie
injectable 5 mg/ml intramusculaire)
®
Rispéridone Risperdal Comprimés à 0,5 mg, 1 mg, 2 mg, 3 mg et 4 mg, solution buvable 0,5 à 6
®
Rispéridone 1 mg/ml
®
Aripiprazole Abilify Comprimés à 5 mg, 10 mg et 15 mg et solution injectable 7,5 mg/ml 5 à 30
®
Clozapine Leponex Comprimés à 25 mg et 100 mg 50 à 900
®
Clozapine
®
Quétiapine Xeroquel Comprimés à libération prolongée à 50 mg, 300 mg et 400 mg 50 à 800
®
Quétiapine
®
Olanzapine Zyprexa Comprimés à 5 mg, 7,5 mg, 10 mg, 15 mg et 20 mg 5 à 20
®
Zalasta
®
Olanzapine
Tableau 10.
Principaux neuroleptiques d’action prolongée.
DCI Nom de spécialité Présentation Posologie Durée d’action moyenne
®
Halopéridol décanoate Haldol décanoas Ampoule 50 mg 50 à 300 mg 4 semaines
®
Rispéridone Risperdal Consta Ampoule 25 mg, 37,5 mg, 50 mg 25 à 50 mg 2 semaines
®
Palipéridone Xeplion Seringue préremplie 25 mg, 50 mg, 25 à 150 mg 4 semaines
75 mg, 100 mg, 150 mg
®
Palipéridone Trevicta Seringue préremplie 175 mg, 263 mg, 175 à 525 mg 3 mois
350 mg, 525 mg
®
Aripiprazole Abilify Maintena Ampoule 300 mg, 400 mg 300 à 400 mg 4 semaines
®
Olanzapine Zypadhera Ampoule de 210 mg, 300 mg, 405 mg 150 à 300 mg 2 semaines
300 à 405 mg 4 semaines
®
Zuclopenthixol Clopixol action Ampoule 200 mg 200 à 400 mg 2 à 4 semaines
décanoate prolongée
®
Zuclopenthixol acétate Clopixol action Ampoule 50 mg 50 à 150 mg 2 à 3 jours (durée maximale
semi-prolongée 6 jours)
ou de spasticité musculaire, certains types de douleurs et certains symptômes ayant motivé l’introduction du traitement, voire à
effets indésirables des neuroleptiques (akathisies et dyskinésies l’apparition d’une irritabilité, d’une désinhibition, d’une auto- ou
précoces). hétéroagressivité, d’éléments délirants ou hallucinatoires ou de
D’autres classes pharmacologiques ont montré leur intérêt dans conduites automatiques.
les troubles anxieux, en particulier les antidépresseurs et les neu- Il convient d’être prudent quant au risque de dépendance et
roleptiques. d’accoutumance. Il faut dans cette optique maintenir le traite-
ment à la posologie minimale efficace, pour une durée la plus
Neuroleptiques courte possible. Il faut aussi interroger le patient sur ses anté-
® ® cédents de dépendance (médicamenteuse ou non) et éviter les
La cyamémazine (Tercian ), la lévomépromazine (Nozinan ) benzodiazépines le cas échéant. Un syndrome de sevrage peut
® ®
voire l’olanzapine (Zyprexa ) et la quétiapine (Xeroquel ). survenir dans les jours suivants (apparition d’autant plus rapide
que la demi-vie de la molécule prescrite est courte) un arrêt
Antidépresseurs brutal chez un patient présentant une pharmacodépendance
Certains imipraminiques comme l’amitriptyline (Laroxyl ), la
® physique.
®
clomipramine (Anafranil ) ; certains ISRS comme la paroxétine Chez les sujets âgés, la prescription de benzodiazépines est à
® ® ®
(Deroxat ), l’escitalopram (Seroplex ) et la venlafaxine (Effexor ) éviter autant que faire se peut. En effet, la iatrogénie est plus fré-
pour les IRS-NA. quente dans cette population, avec un risque majoré de chutes et
de confusion. En cas de nécessité importante, il faut introduire le
traitement à faible dose et augmenter de manière très progressive
Benzodiazépines en fonction de la tolérance.
Elles constituent les anxiolytiques les plus prescrits actuelle- Conduite du traitement
ment du fait de leur efficacité et de leur bonne tolérance. La prescription des benzodiazépines fait l’objet d’une
Cependant, il faut être vigilant aux risques de tolérance et de RMO.
dépendance qui y sont associés. En effet, un traitement prolongé La prescription de benzodiazépine doit toujours être prudente.
par benzodiazépine entraîne une accoutumance et une réponse Elle se fait après évaluation de l’indication et après avoir informé
moindre pour une posologie similaire, ce particulièrement concer- le patient des objectifs de ce traitement, des possibles effets indé-
nant les effets sédatif et anticonvulsivant. La dépendance se sirables (notamment la somnolence à évoquer systématiquement,
manifeste par un syndrome de sevrage en cas d’interruption contre-indiquant la conduite automobile) et de la durée limi-
brutale du traitement. Peuvent alors survenir une recrudescence tée pour le protéger du risque de dépendance (12 semaines en
anxieuse importante, des tremblements, une confusion, voire cas d’anxiété et quatre semaines en cas d’insomnie). Il ne faut
des convulsions. Néanmoins, la problématique de dépendance pas associer deux benzodiazépines différentes, cela n’ayant pas
ne concernerait que 25 % des patients après trois mois de d’intérêt clinique et majorant le risque de dépendance. Tout
traitement. renouvellement de la prescription d’une benzodiazépine doit
Les propriétés des benzodiazépines sont les suivantes : anxioly- s’accompagner d’une réévaluation de son indication et de la
tique, myorelaxante, sédative/hypnotique, anticonvulsivante et balance bénéfices/risques.
amnésiante. Enfin, l’arrêt d’une benzodiazépine après plus de deux semaines
de traitement doit se faire progressivement afin d’éviter le syn-
Pharmacodynamie drome de sevrage.
Les benzodiazépines ont pour cibles les récepteurs cérébraux Il faut aussi informer le patient de la potentialisation des effets
du neurotransmetteur inhibiteur GABA (récepteurs GABA-A). En dépresseurs du système nerveux central en cas de prise concomi-
se fixant à ces récepteurs, elles augmentent l’activité du GABA au tante d’autres médicaments sédatifs ou d’alcool.
niveau de zones cibles comme l’amygdale.
Pharmacocinétique
Autres anxiolytiques
® ®
Les benzodiazépines ont des vitesses de résorption et des Hydroxyzine (Atarax , Hydroxyzine )
demi-vies variables en fonction des molécules. Il convient de L’hydroxyzine est un antihistaminique ayant des proprié-
prendre en compte ces critères lors du choix de la benzodiazépine, tés anxiolytiques. Il est intéressant pour les patients avec une
notamment en situation d’urgence. Le métabolisme est principa- anxiété mineure présentant des contre-indications aux benzodi-
lement hépatique. Certaines molécules ont des métabolites actifs. azépines.
L’oxazépam est privilégié chez les patients insuffisants hépatiques Il n’y a pas de phénomène de tolérance, de dépendance ni de
du fait de sa demi-vie courte et de l’absence de métabolite actif. sevrage avec cette molécule.
L’élimination est rénale. Les effets indésirables sont liés à l’action anticholinergique.
Les benzodiazépines traversent la barrière hématoencéphalique Certaines contre-indications en découlent : le risque de glau-
ainsi que la barrière placentaire. Elles sont aussi retrouvées dans come par fermeture de l’angle, le risque de rétention urinaire
le lait maternel. en cas de troubles urétroprostatiques. Mais on retrouve aussi :
Les benzodiazépines prescrites à visée anxiolytique, leurs l’hypersensibilité au principe actif ou à un excipient, la porphyrie,
demi-vies et posologies recommandées sont regroupées dans le l’allongement congénital ou acquis du QT à l’ECG.
Tableau 11.
®
Contre-indications Buspirone (Buspirone )
Bien qu’étant bien tolérées, les benzodiazépines ont quelques
contre-indications : hypersensibilité au principe actif ou aux La buspirone est un anxiolytique qui agit par le biais du système
excipients, insuffisance respiratoire sévère, syndrome d’apnée du sérotoninergique. En effet, il s’agit d’un agoniste partiel des récep-
sommeil, insuffisance hépatique sévère (aiguë ou chronique, du teurs sérotoninergiques 5HT1A et d’un antagoniste de récepteurs
fait du risque d’encéphalopathie), myasthénie. dopaminergiques D2.
L’effet anxiolytique de la buspirone ne s’accompagne pas d’un
Précautions d’emploi et effets indésirables effet sédatif, myorelaxant ni anticonvulsivant. Il n’y a pas de
Les effets indésirables fréquemment retrouvés sont les suivants : phénomène de tolérance, dépendance ni de sevrage avec cette
sédation, somnolence, confusion, dépression, irritabilité, troubles molécule.
mnésiques (défaut d’encodage), trouble de la coordination, ver- La buspirone est métabolisée par le CYPP450 au niveau hépa-
tiges, dysarthrie. tique. L’effet thérapeutique peut ne survenir qu’après deux à trois
On observe chez certains patients des réactions paradoxales aux semaines de traitement, ce qui le rend moins immédiat que celui
benzodiazépines. Ces réactions correspondent à l’aggravation des des benzodiazépines.
Tableau 11.
Principales benzodiazépines utilisées comme anxiolytique (classées selon leur demi-vie).
®
Séresta (oxazépam) Comprimés sécables 10 mg et 50 mg A. 10 à 60 mg/j (jusqu’à 150 mg/j)
Demi-vie : 8 heures
®
Xanax (alprazolam) Comprimés sécables 0,25 mg, 0,50 mg et A. 0,25 à 3 mg/j en 2 à 3 prises
®
Alprazolam 1 mg
Demi-vie : 10 à 20 heures
®
Témesta (lorazépam) Comprimés sécables 1 mg et 2,5 mg A. 1 à 7,5 mg/j en 1 à 3 prises
®
Lorazépam
Demi-vie :10 à 20 heures
®
Lexomil (bromazépam) Comprimés 1,5 mg et 6 mg (quadrisécables) A. 3 à 18 mg/j en 1 à 3 prises (dose
®
Bromazépam maximale : 36 mg/j chez le sujet hospitalisé)
Demi-vie : 20 heures
®
Valium Diazépam Comprimés sécables 2 mg, 5 mg et 10 mg, A. 5 à 40 mg/j
®
Diazépam solution buvable 1 %, solution injectable E. 0,5 mg/kg/j en 2 à 3 prises
Demi-vie : 32 à 47 heures 10 mg/2 ml
®
Lysanxia (prazépam) Comprimés sécables 10 mg et 40 mg NR A. 10 à 60 mg/j en 1 à 2 prises
®
Prazépam Solution buvable 15 mg/ml
Demi-vie : 65 heures
®
Nordaz (nordazépam) Comprimés sécables 7,5 mg et 15 mg A. 7,5 à 15 mg/j en 1 prise le soir
Demi-vie : 65 heures
®
Tranxène (clorazépate dipotassique) Gélules 5 mg, 10 mg et 20 mg A. 5 à 90 mg/j
Demi-vie : 30 à 150 heures
Le métabolite principal du clorazépate est le
desméthyldiazépam, également actif, dont la demi-vie
est plus importante que celle de la molécule mère
®
Tranxène injectable Flacon 20 mg/2 ml et/ou 50 mg/2,5 ml Par voie intramusculaire ou intraveineuse
Délai d’action : 15 à 30 minutes lente : A. 20 à 200 mg/j
Demi-vie : 30 à 150 heures
NR : non remboursable.
®
Autres molécules hypnotiques Mélatonine (Circadin )
®
Apparentés aux benzodiazépines : zolpidem Le Circadin est un agoniste des récepteurs de la mélatonine.
® ® ®
(Stilnox , Zolpidem ) et zopiclone (Imovane , Celle-ci est l’hormone sécrétée par la glande pinéale qui permet
® la régulation des rythmes circadiens. Sa sécrétion diminue de
Zopiclone ) manière physiologique avec l’âge.
Ces deux médicaments sont des inducteurs du sommeil qui Ainsi, la mélatonine est indiquée dans le traitement à court
sont intéressants pour les insomnies d’endormissement. Ils appar- terme (13 semaines) de l’insomnie primaire chez les patients de
tiennent respectivement à la classe des imidazopiridine et des 55 ans ou plus.
cyclopyrrolones. Bien qu’étant naturelle, cette molécule n’est pas conseillée en
Comme les benzodiazépines, ils agissent via le système cas d’insuffisance rénale ou hépatique, de maladie auto-immune
GABAergique et leurs actions sont : anxiolytiques, sédatives, myo- ou de grossesse et allaitement.
relaxantes, amnésiantes et anticonvulsivantes.
Les effets indésirables et contre-indications sont les mêmes que
ceux des benzodiazépines. Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
Sur le plan de la pharmacocinétique, leur demi-vie est de d’intérêts en relation avec cet article.
2,4 heures pour le zolpidem et cinq heures pour le zopiclone. Le
pic plasmatique est atteinte en 0,5 à trois heures pour le zolpidem
et en 1 heure 30 minutes à deux heures pour le zopiclone. Leur Pour en savoir plus
action est donc rapide.
Guelfi JD, Rouillon F. Manuel de psychiatrie. Paris: Masson; 2000.
®
Antihistaminiques : l’alimémazine (Théralène ) Hardy-Baylé MC, Hardy P, Dantchev N. Stratégies et moyens thérapeutiques
® en psychiatrie. Paris: Doin; 1993.
et la doxylamine (Donormyl ) Bourgeois ML, Gay C, Henry C, Masson M. Les troubles bipolaires. Paris:
L’alimémazine est un antihistaminique de la famille des phé- Lavoisier; 2014.
notiazines. Elle est indiquée pour les insomnies occasionnelles ou Debray Q, Granger B, Azaïs F. Psychopathologie de l’adulte. Paris: Elsevier
transitoires. Masson; 2015.
Sa résorption est rapide et sa demi-vie longue. Elle est donc Haute Autorité de santé. ALD n◦ 23. Actes et prestations sur les troubles
intéressante pour les insomnies d’endormissement comme pour anxieux graves. Actualisation janvier 2015.
Haute Autorité de santé. ALD n◦ 23. Guide médecin. Troubles bipolaires,
celles avec réveils nocturnes ou précoces.
mai 2009.
Comme l’hydroxyzine, elle présente des effets indésirables anti-
Millet B, Vanelle JM. Surveillance des traitements thymorégulateurs dans
cholinergiques ainsi qu’une photosensibilisation et de possibles le trouble bipolaire. Encéphale 2006;32:536-41.
interactions médicamenteuses. Stahl SM. Psychopharmacologie essentielle : le guide du prescripteur. Paris:
Les contre-indications sont celles liées aux effets anticholi- Lavoisier Médecine Sciences; 2016.
nergiques mais aussi à l’antécédent d’agranulocytose à d’autres Stahl SM. Psychopharmacologie essentielle. Bases neuroscientifiques
phénotiazines. et applications pratiques. Paris: Lavoisier Médecine Sciences;
La doxylamine fait partie de la famille des éthanolamines. Ses 2015.
contre-indications et effets indésirables sont les mêmes que ceux Vital Durand D, Lejeunne C. Dorosz. Guide pratique des médicaments 2015.
de l’alimémazine hormis le risque d’agranulocytose et de photo- Paris: Maloine; 2014.
sensibilisation. Ce médicament n’est pas remboursé par la Sécurité www.ansm.sante.fr/var/ansm site/storage/original/application/9698d423
sociale. c76ea69ed0a2678ff7a2b2b3.pdf.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Lemarié C, Abgrall-Barbry G. Médicaments psychotropes ou moyens psychopharmacologiques.
EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-18 [Article 7-0130].
Pneumopathie d’hypersensibilité
J.-C. Dalphin
Mots-clés : Pneumopathie d’hypersensibilité ; Maladie du poumon de fermier ; Maladie des éleveurs d’oiseaux ;
Granulomatose ; Bronchiolite
Plan Introduction
■ Introduction 1 La pneumopathie d’hypersensibilité (PHS) correspond à une
■ Agents et circonstances étiologiques 2 atteinte pulmonaire inflammatoire et granulomateuse, de méca-
Antigènes et sources antigéniques 2 nismes immunologiques, causée par une réponse exacerbée
Aspect quantitatif 3 à l’inhalation répétée d’antigènes le plus souvent organiques
■ Épidémiologie et facteurs de risque 3 auxquels le sujet a été préalablement sensibilisé. Elle réalise
Fréquence selon la PHS considérée 3 histologiquement une infiltration cellulaire inflammatoire des
Facteurs de risque 3 bronchioles distales et des alvéoles. Les antigènes en cause
■
peuvent être classés en trois grandes catégories :
Diagnostic 4
• les micro-organismes et les moisissures (Tableau 1) ;
Classification de la PHS 4
• les protéines animales et les insectes (Tableau 2) ; et
Méthodes diagnostiques 4
• les composés chimiques.
Critères diagnostiques 6
La fréquence de la PHS varie considérablement en fonction
■ Formes étiologiques 7 du type et de l’intensité de l’exposition, des conditions environ-
Pneumopathies d’hypersensibilité domestiques nementales et des facteurs de risque individuels/génétiques qui
dues aux moisissures 7 restent très hypothétiques.
PHS dues aux mycobactéries non tuberculeuses 7 Cette maladie n’a pas de critère diagnostique standardisé.
■ Aspects particuliers de formes chroniques de PHS 7 Plusieurs propositions ont fait l’objet de publications, mais
Exacerbations aiguës des formes fibreuses de PHS 7 toutes comportent des limites qui entravent leur utilisation en
Formes chroniques fibreuses mimant une fibrose pulmonaire routine. Cependant, toutes ces propositions reconnaissent la
idiopathique 8 notion d’exposition antigénique comme un critère diagnostique
Association à l’hypertension pulmonaire (HTP) 8 majeur, même si la notion de PHS de cause non identifiée reste
■ Formes de l’enfant 8 acceptée.
Cet article développe par conséquent la conduite diagnos-
■ Évolution, pronostic 8 tique, et notamment la connaissance des « nouvelles » étiologies
Évolution, histoire naturelle 8 et des étiologies rares. Sont également traitées les acquisitions
Pronostic 8 récentes qui concernent une proposition de nouvelle classifica-
■ Traitement 8 tion, l’importance de l’atteinte bronchiolaire et la fréquence de
Éviction antigénique et méthodes préventives 8 l’évolution vers une maladie obstructive avec parfois emphysème.
Traitement médical 9 En revanche, les données histopathologiques et physiopatho-
■ Aspects médicolégaux 9 logiques, classiques pour les premières et incertaines pour les
secondes, ne seront pas abordées en détail.
Tableau 1.
Pneumopathies d’hypersensibilité (PHS) dues à des micro-organismes et des moisissures.
Maladies Sources antigéniques
Maladie du poumon de fermier Foin, fourrages, paille, céréales, fumier, substances végétales moisies
et PHS dans l’agriculture et dans les activités connexes Le système d’air conditionné dans un tracteur
Manipulation du blé en période de récoltes
Engrais et végétaux contaminés
Les charançons des céréales
Compost (horticulture, maraîchage, etc.)
Silos à grains
Travailleurs d’endives, travailleurs des pommes de terre et oignons, manipulation de
pommes de terre
Copeaux de bois moisis dans les plantations d’orchidées
Laine de roche moisie dans les roseraies
Maladie des champignonnistes due à des spores d’espèces Vesses de loup, pleurotte, pholiote, shiitake, énoki, tricholome, bunashimati, maitaki,
exotiques au Japon et en Europe (la PHS peut aussi être strophariaceae
due à l’exposition à des moisissures qui se développent
dans les supports compostés des champignons)
Poumon des fromagers Moisissures (et parfois acariens) dans différents types de fromages
Poumon des ouvriers du malt Malt moisi, orge moisie
Subérose Bouchons moisis (bûcherons ou travailleurs du liège)
Séquoïose Poussières moisies de séquoïa
Poumon des composteurs Emballage de tourbe et mousse
Bagassose Moisissures dans la canne à sucre
Poumon des travailleurs du tabac Moisissures dans les feuilles de tabac (industries du tabac)
Poumon des toits de chaume (Nouvelle-Guinée) Moisissures dans les toits
Poumon des ouvriers du paprika Poussière de paprika
Poumon des charcutiers (fabrication de saucissons secs, Saupoudrage de saucissons ou étiquetage, brossage des salamis, moisissures sur la charcuterie
brossage des salamis, etc.)
Poumon des horticulteurs Laine de roche contaminée
Poumon des ouvriers du bois Moisissures sur divers matériaux en bois : arbres, écorces, sciure, compost, granulés, etc.
Maladies des écorceurs d’érables
PHS des vignerons Pourriture grise sur les grappes
Araignée rouge
Poumon des climatiseurs Systèmes de climatisation, systèmes d’humidification, brumisateurs, conteneurs d’huiles
Poumon des humidificateurs
PHS domestiques :
- PHS au fièvre d’été Maison ancienne à forte proportion de bois
- PHS familiale Bois contaminés dans les murs
- poumon des jacuzzis Jacuzzis (notamment d’intérieur)
- poumon des utilisateurs de saunas Eau contaminée
- poumon des salles de bains Douches, baignoires avec mauvaise évacuation, dans des locaux mal ventilés
- poumon de la mérule Moisissures (mérule) se développant dans des matériaux organiques (en particulier le bois).
- PHS des moisissures rouges Notamment séquelles d’inondation
- PHS domestiques dues à diverses moisissures Locaux mal ventilés ; séquelles d’inondation
Circonstances variées dans lesquelles les moisissures se développent en relation avec :
humidité excessive, manque de ventilation, froid (pour une majorité des espèces), manque
de lumière directe, supports riches en matière organique, proximité de sources de moisissures
(agricoles ou industrielles), maison surhabitée
Poumon de fer à vapeur Réservoirs d’eau
Poumon des saxophonistes Moisissures dans l’anche
Poumon des mécaniciens Liquide ou fluide de coupes aérosolisés dans l’industrie, en particulier automobile
Poumon des fruits et légumes Moisissures dans les locaux industriels de stockage frais des fruits
PHS due à Aspergillus oryzae Pulvérisation de spores fongiques sur divers objets ou bibelots métalliques, en vue de leur
donner un aspect vieilli (Japon)
Tableau 2. Tableau 4.
Pneumopathies d’hypersensibilité (PHS) dues aux protéines animales. Pneumopathies d’hypersensibilité dues à des substances indéterminées.
Maladies Sources antigéniques Maladies Sources
Poumon des éleveurs de Pigeons et colombidés utilisés pour les Poumon des plâtriers (appelé Graminées utilisées dans la
pigeons courses (loisirs) ou l’élevage parfois stipatose ou espartose) ; fabrication de plâtre, de cordes, de
Poumon des éleveurs Perruches, perroquets, canaris, décrit en Espagne ficelles, de lanières de sandales, etc.
d’oiseaux inséparables, canards, oies, dindes, etc. Poumon des ouvriers du café Grains de café, café vert, poussière
PHS aviaires rares Faisans, oiseaux sauvages, oiseaux de proie de café
(faucons), hiboux, chauve-souris Poumon des ouvriers du thé Poussières de thé, moisissures ?
PHS aviaires inusuelles Mouches artificielles pour la pêche des Situation particulière : inhalation
salmonidés, oreillers, édredons, couettes, à de feuilles de thé pour une sinusite
base de plumes ou de duvet Poumon des fabricants de Pâte de konnyaku (pâte
Poumon des fourreurs Fourrure d’animal ? konnyaku alimentaire utilisée en Asie)
Poils de chat ? Poumon des ouvriers du détergent Détergent, poudres de nettoyage
Poumon des sniffeurs Hormones pituitaires Poumon du soja Nourriture animale
d’hormones pituitaires Poumon du souchet Poussière de souchet
Poumon des laborantins Rats, gerbilles, souris dans les animaleries Poumon des feuilles Feuilles de noisettes moisies
Poumon des sériculteurs Production de soie Poumon des entomologistes Musée
Poumon des ouvriers des Travail des huîtres perlières
Tableau 3. coquillages Fabrication de bijoux en nacre
Pneumopathies d’hypersensibilité dues à des produits chimiques. Fabrication de boutons, bibelots à
base d’escargots de mer, etc.
Maladies Sources antigéniques
Poumon de la viande de poissons Viande de poissons
Poumon des ouvriers de l’industrie Fabrication de mousse PHS de la carmine Colorants alimentaires ou
polyuréthane cosmétiques
Fabrication de peintures, laques,
Poumon du lait de vache Ingestion de lait de vache
vernis
Contrôle qualité des peintures Poumon des aquariophiles Nourriture de poissons d’aquarium
Carrosserie PHS de la poudre d’épinard Poudre d’épinard utilisée comme
Industrie du plastique colorant alimentaire
Travaux de moulage/démoulage Poumon des grilleurs de Exposition à la fumée des
dans les fonderies moustiques serpentins
Production d’airbags
Industrie des alginates (extraction
à partir des algues de mer)
Fabrication de pénicilline entre 0,2 et 1,5 %. En Finlande, l’incidence annuelle standardi-
(compagnies pharmaceutiques) sée des cas de PDF hospitalisés a été évaluée à cinq pour 10 000
Fabrication d’insecticides fermiers. Les études portant sur la prévalence du PEO estiment
PHS des techniciens dentaires Résines généralement une PHS chez 5 à 10 % des éleveurs. Dans l’industrie
des champignons au Japon, la prévalence se situe à 3 à 5 % des
Poumon des fabricants de yacht Fabrication de yachts en fibre de
sujets exposés.
verre
Le développement de PHS peut cependant être beaucoup plus
fréquent, de type épidémique, en cas d’exposition massive dans
trentaine d’années, restent méconnues. Elles concernent princi- des situations d’exposition exceptionnelles. C’est le cas des PHS
palement la PHS des mécaniciens dans la construction automobile liées aux mycobactéries non tuberculeuses.
et le poumon des jacuzzis, qui feront l’objet d’un développement Les PHS liées aux isocyanates dans l’industrie chimique illus-
plus loin [5] . trent l’influence des critères diagnostiques retenus avec des
Enfin, des formes de PHS persistent, pour lesquelles le ou les prévalences qui s’étalent de 0,9 à 27 % [8, 9] .
antigènes n’ont pas été clairement identifiés (Tableau 4). Parmi les La PHS est surtout une maladie de l’adulte et les formes de
plus fréquentes, on peut citer la PHS des coquilles de mollusques l’enfant sont rares. Moins de 200 cas ont été rapportés dans la lit-
et le poumon des plâtriers. térature internationale. Il s’agit essentiellement de PDF dans des
familles de fermiers et de PEO de loisir. Des formes familiales ont
été décrites.
Aspect quantitatif
La quantité d’antigènes inhalée et le mode d’exposition sont Facteurs de risque
également importants. La survenue d’une PHS requiert une expo- Parmi les sujets exposés à des quantités élevées d’antigènes,
sition chronique, nécessaire à la sensibilisation du sujet exposé. seulement 5 à 10 % développent la maladie. En revanche, un pour-
En milieu agricole, le risque de PDF est lié à la concentration en centage beaucoup plus élevé, qui dépasse parfois 50 %, développe
micro-organismes [6, 7] . Il existe une relation de type dose-effets des réactions immunologiques et cellulaires.
qui a également été décrite pour d’autres étiologies de PHS. Ces
observations n’excluent pas l’éventualité rare mais documentée
Facteurs liés à l’exposition
d’observer des cas après de faibles niveaux d’exposition antigé-
nique, notamment d’origine aviaire. L’influence de la concentration en micro-organismes et de la
durée quotidienne et hebdomadaire de l’exposition ont été bien
décrites dans le PDF [6, 7] . La prolifération des micro-organismes
Épidémiologie et facteurs dans les fourrages en zones de production laitière, humides et
froides explique le risque élevé de PDF dans ces régions. Le même
de risque type de corrélation entre exposition et risques a été identifié
dans les PHS aviaires et a fortement été suggéré dans les PHS
Fréquence selon la PHS considérée chimiques.
Les études portant sur le PDF et le poumon d’éleveurs d’oiseaux D’autres facteurs d’environnement ou d’autres cofacteurs inter-
(PEO) sont les plus nombreuses. La prévalence du PDF se situe viennent vraisemblablement. La PHS survient plus fréquemment
Tableau 5.
Présentation clinique, fonctionnelle, radiologique et évolutive de la pneumopathie d’hypersensibilité (PHS).
PHS type 1 (ou aiguë et subaiguë) (par exemple PDF) PHS type 2 (ou chronique) (par exemple, MEO)
Exposition Habituellement massive mais intermittente Habituellement chronique et insidieuse
Habituellement micro-organismes fongiques et actinomycètes Habituellement à faible dose d’antigènes aviaires
Présentation clinique Épisodes récidivants de symptômes respiratoires (toux, Dyspnée d’effort et toux, parfois fébricule et amaigrissement
oppression thoracique, expectoration) suivant de quelques Dyspnée progressive avec parfois hippocratisme digital dans
heures l’exposition les formes insidieuses
Fréquence des symptômes systémiques : frissons, myalgies,
arthralgies
Fonction respiratoire Normale ou discrète perte de volume transitoire Trouble ventilatoire restrictif
Obstruction discrète dans les formes chroniques Hypoxie de repos ou d’exercice, habituelle
Imagerie RP standard : souvent normale RP standard : fréquemment anormale
TDM-HR : opacités en verre dépoli prédominant dans les TDM-HR : opacités réticulaires irrégulières, bronchectasies
lobes inférieurs et les zones périhilaires mais respectant la d’attraction et rayons de miel qui s’associent à des signes
périphérie, nodules centrolobulaires de petite taille, zones d’activité (opacités en verre dépoli, nodules centrolobulaires,
hyperclaires ; parfois aspect en mosaïque zones hyperclaires)
Dans les formes chroniques, emphysème assez discret qui
épargne souvent les sommets
LBA et précipitines Non spécifique pour différencier les deux types Non spécifique pour différencier les deux types
Évolution Résolution habituelle Évolue fréquemment vers une fibrose
La poursuite de l’évolution peut conduire à une bronchite Possible exacerbation aiguë non liée à l’exposition
chronique ou à un emphysème
LBA : lavage bronchioloalvéolaire ; PDF : poumon de fermier ; MEO : maladie des éleveurs d’oiseaux ; PHS : pneumopathie d’hypersensibilité ; RP : radiographie standard ;
TDM-HR : tomodensitométrie haute résolution.
chez les non-fumeurs que chez les fumeurs. Par ailleurs, il est vrai- subaiguës appartiennent au type 1. L’évolution et le pronostic de
semblable que la maladie soit précipitée chez les sujets sensibilisés la PHS s’accordent mieux à cette nouvelle proposition de classifi-
par des phénomènes inflammatoires non spécifiques en rapport cation et semblent dépendre du type et du mode d’exposition.
avec des « stimulants » d’origine bactérienne ou virale.
Lavage bronchoalvéolaire
Le LBA est un outil diagnostique de grande valeur dans la
PHS, dans la mesure où un nombre normal de lymphocytes
exclut le diagnostic, sauf en cas de maladie résiduelle. Le lavage
est considéré normal quand le pourcentage de lymphocytes
est inférieur à 30 % chez le non-fumeur et à 20 % chez le
fumeur. La lymphocytose est cependant peu spécifique, dans
la mesure où on l’observe dans de nombreuses autres maladies
Figure 2. Tomodensitométrie thoracique haute résolution en ins- infiltratives pulmonaires [13] . Les lymphocytes en excès sont clas-
piration, coupes millimétriques. Opacités micronodulaires floues de siquement des lymphocytes T avec un rapport CD4/CD8 abaissé.
l’ensemble des deux champs pulmonaires. Forme subaiguë de maladie Cette alvéolite à CD8 est précoce, avec un retour progressif à
du poumon de fermier (type 1). la normale quelques semaines après la cessation de l’exposition.
Cependant, cette notion classique est remise en cause par plu-
sieurs études, notamment une étude rétrospective multicentrique
La TDM-HR reflète les observations histopathologiques et
française portant sur 139 cas de PHS, qui a établi que seulement
montre des images directes (principalement des opacités centrolo-
39 % des sujets avaient un rapport CD4/CD8 inférieur à 1 [14] .
bulaires et en verre dépoli) et indirectes (principalement des zones
Ainsi, l’utilité des sous-populations lymphocytaires apparaît très
d’hyperclarté et de piégeage).
discutable.
Les opacités en verre dépoli sont habituellement bilatérales et
symétriques, mais parfois en « patchs » ; elles prédominent géné-
ralement dans les parties moyennes des poumons. Ces opacités
Immunodiagnostic
correspondent habituellement à une inflammation interstitielle La présence d’anticorps circulants vis-à-vis des antigènes pré-
chronique, mais peuvent aussi être en rapport avec des lésions sumés en cause est utile pour le diagnostic. En effet, les résultats
de fibrose ou de pneumonie organisée. Un autre aspect carac- de la HP Study ont retenu la présence de précipitines comme un
téristique est la présence de petites opacités centrolobulaires prédicteur indépendant du diagnostic, avec un odds ratio à 5,3
rondes, habituellement inférieures à 5 mm de diamètre (Fig. 2). (2,7–10,4) après prise en compte de l’exposition antigénique [9] . La
Ces opacités centrolobulaires en verre dépoli ont des bords bien sélection du panel d’antigènes à tester doit toutefois être détermi-
définis et sont dénommées nodules. Ces anomalies traduisent née localement, au niveau régional, voire dans l’environnement
des lésions de bronchiolite cellulaire, d’inflammation intersti- direct des patients [15] . C’est particulièrement le cas dans la mala-
tielle péribronchiolaire ou, moins fréquemment, de pneumonie die du PDF et dans les pneumopathies dites domestiques, liées
organisée. Le troisième aspect caractéristique se réfère à des hyper- aux moisissures. Plusieurs méthodes d’identification des préci-
clartés de lobules secondaires, donnant assez souvent un aspect pitines ou des anticorps de type IgG (immunoglobuline G) ont
A B
Figure 4. Opacités en verre dépoli bilatérales associées à des hyperclartés segmentaires (A). Les coupes expiratoires révèlent une accentuation du verre
dépoli sans perte de volume des zones claires, traduisant un piégeage aérique dû à l’obstruction bronchiolaire (B).
Figure 5. Tomodensitométrie haute résolution en inspiration. Coupes Figure 6. Tomodensitométrie haute résolution en inspiration. Coupes
millimétriques. Emphysème centrolobulaire postérobasal des deux lobes millimétriques. Aspect de fibrose pulmonaire bilatérale, qui prédomine en
inférieurs. Forme chronique de poumon de fermier. base gauche, avec des opacités non septales, des réticulations, quelques
rayons de miel et des bronchectasies d’attraction. Noter en base droite
quelques opacités en verre dépoli, qui peuvent faire suspecter une
été décrites. L’Elisa (enzyme-linked immunosorbent assay) est large- pneumopathie d’hypersensibilité dans un contexte évocateur. Forme
ment utilisée car la technique est standardisée. La reproductibilité chronique (type 2) de maladie des éleveurs d’oiseaux.
et la performance de quatre techniques sérologiques (électrosy-
nérèse, double diffusion d’Ouchterlony, Elisa et western-blot) ont
été récemment évaluées en France. L’électrosynérèse sur acétate restrictif ou obstructif. Dans le PDF, et probablement dans d’autres
de cellulose était l’outil diagnostique le plus pertinent pour dis- PHS dues à des micro-organismes, le profil emphysémateux pour-
criminer le PDF des sujets exposés mais sains (sensibilité 87 %, rait être le plus fréquent.
sensibilité 100 %) [16] .
Critères diagnostiques
Explorations fonctionnelles respiratoires
Le diagnostic de la PHS repose sur une suspicion clinique,
Les tests fonctionnels respiratoires au repos ne permettent pas
la reconnaissance d’une exposition antigénique et la conjonc-
de différencier la PHS des autres pneumopathies infiltrantes dif-
tion d’indicateurs cliniques, radiologiques, biologiques et parfois
fuses. Au moment du diagnostic, on observe généralement un
histopathologiques [17] . Plusieurs propositions de critères diag-
trouble ventilatoire restrictif, avec une réduction des capacités
nostiques ont été publiées mais aucune n’a été scientifiquement
pulmonaires totale et vitale, et une diminution de la compliance
validée. Ainsi, leur précision diagnostique est inconnue. La HP
pulmonaire et de la capacité de diffusion du CO (oxyde de car-
Study est, à notre connaissance, la seule à proposer des critères
bone) (DLCO). La baisse des volumes est moins homogène que
diagnostiques validés. Cependant, cette étude a évalué seulement
dans la plupart des autres pneumopathies interstitielles diffuses
des critères cliniques. En outre, elle a inclus une large proportion
et on peut observer un volume résiduel normal ou augmenté. La
de formes chroniques de PHS induites par des expositions aviaires
diminution de la DLCO est l’anomalie fonctionnelle la plus sen-
insidieuses, ce qui ne permet probablement pas d’extrapoler ces
sible et prédit la désaturation en oxygène à l’effort. L’existence
résultats aux PHS en général.
d’une obstruction bronchique distale est commune. Dans les
formes chroniques actives, le profil fonctionnel dépend de la
forme évolutive : pneumopathie interstitielle fibrosante ou mala-
HP Study
die bronchoemphysémateuse obstructive. La fonction respiratoire Il s’agit d’une étude prospective multicentrique internationale
est alors respectivement caractérisée par un trouble ventilatoire dont l’objectif était de développer une règle de prédiction pour le
Tableau 6. sp. sont les espèces les plus souvent incriminées. La plupart de ces
Proposition de prise en charge diagnostique de la pneumopathie micro-organismes sont ubiquitaires. Ils peuvent proliférer lorsque
d’hypersensibilité (PHS) a . les conditions sont favorables : froid (pour la plupart des moi-
1 Exposition à un antigène connu de PHS : révélé par sissures pathogènes), humidité, manque de lumière, atmosphère
l’interrogatoire b et/ou par des investigations microbiologiques confinée ou mal ventilée et matériaux riches en particules orga-
de l’environnement et/ou par la présence de précipitines dirigées niques [3] . Il faut ajouter l’utilisation de plus en plus courante de
contre un ou plusieurs antigènes issus d’un panel d’antigènes bois dans la construction des maisons, de plaques de plâtre dans
standardisés ou contre un ou plusieurs antigènes présents dans le les murs et les plafonds et plus généralement de zones réservées à
propre environnement de l’individu l’isolation, qui peuvent cacher les moisissures. Le développement
2 Symptômes compatibles avec une PHS et râles crépitants des nécessaire des habitats économes en énergie, lié notamment à la
bases c hausse continue du prix des combustibles fossiles, peut conduire
à des habitats insalubres si cela ne s’accompagne pas d’un assai-
3 Lymphocytose au LBA d
nissement des locaux par des systèmes de renouvellement d’air
4 Aspect radiologique compatible avec une PHS en TDM-HR performants. La présentation de ces PHS n’a pas de spécificité et
5 Altération du transfert du CO et/ou hypoxémie artérielle (ou s’intègre dans les formes de type 1 décrites supra.
diminution de la saturation en oxygène) au repos ou à l’exercice Les investigations environnementales jouent un rôle majeur
dans le diagnostic de ces PHS. Elles doivent précéder le test
LBA : lavage bronchioloalvéolaire ; TDM-HR : tomodensitométrie haute résolu-
tion ; CO : oxyde de carbone. d’éviction, qui souvent confirme le diagnostic, et évidemment
a
Les critères 3 et 4 présentent le gold standard du diagnostic et sont obliga- les procédures de remédiation. Ces investigations peuvent être
toires. Le diagnostic de PHS est certain quand les cinq critères sont présents. prises en charge par le patient ou son entourage, des hygiénistes
S’ils ne le sont pas, le diagnostic requiert des tests de provocation positifs (si
de l’habitat, des conseillers médicaux en environnement intérieur.
possible naturels) et si ces derniers sont négatifs, on cherche une confirmation
histopathologique sur prélèvements pulmonaires. Voir, sentir, prélever en sont les trois étapes cardinales.
b
Requiert l’utilisation d’une liste exhaustive et actualisée des étiologies.
c
Les râles crépitants des bases ne peuvent être considérés comme un critère
obligatoire car c’est un indicateur opérateur-dépendant ; il s’agit plutôt d’un PHS dues aux mycobactéries
critère additionnel.
d
Sauf si le lavage bronchioloalvéolaire est réalisé peu de temps après une phase non tuberculeuses
aiguë ou la fin de l’exposition. Dans ce cas, le lavage peut être renouvelé quelques
jours après. Plusieurs espèces de mycobactéries non tuberculeuses (MNT)
peuvent causer des PHS, en particulier Mycobacterium immunoge-
num en rapport avec l’inhalation d’aérosols de fluides de coupes
diagnostic des PHS actives. Les patients consécutifs se présentant (poumon des mécaniciens) et Mycobacterium avium intracellulare
avec un syndrome respiratoire pour lequel une PHS active était en relation avec l’inhalation d’aérosols d’eau contaminée dans des
considérée dans les possibilités diagnostiques étaient inclus dans jacuzzis, des saunas, des sanitaires [18] . Le poumon des mécaniciens
l’étude [9] . n’est plus une cause rare de PHS. Près de 200 cas ont été publiés,
Six prédicteurs indépendants de PHS ont été identifiés, qui sont : généralement par petites séries. Il reste néanmoins mal connu
exposition à un antigène de PHS connu ; présence d’anticorps des pneumologues. La cause en est probablement son caractère
précipitants ; épisodes récidivants de symptômes ; crépitants ins- épidémique, avec des cas concentrés dans quelques zones géogra-
piratoires ; symptômes de quatre à huit heures après l’exposition ; phiques. Les fluides de coupes sont utilisés pour la lubrification
amaigrissement. et le refroidissement des métaux sous contraintes thermiques
(découpe, fraisage, etc.). Les huiles semi-synthétiques (émulsion
Propositions françaises du GERM’O’P de pétrole dans une base aqueuse) constituent un support de
(Groupe d’études et de recherches choix pour le développement de plusieurs espèces microbiennes,
dans les maladies orphelines pulmonaires) en l’occurrence les mycobactéries. C’est dans l’industrie automo-
bile que les plus nombreuses observations ont été rapportées [19] .
Ces propositions ne peuvent être considérées comme de véri- La présentation est semblable aux autres formes de type 1, causées
tables critères diagnostiques, n’ayant pas été validées. Elles par des micro-organismes. La détection d’anticorps dirigés contre
représentent un outil pour une prise en charge diagnostique M. immunogenum permet de différencier les cas des sujets contrôles
standardisée, à utiliser par des spécialistes des pneumopathies exposés avec une excellente précision [19] .
interstitielles (Tableau 6). Leur utilisation requiert [1] : Le poumon des jacuzzis est dû à l’inhalation d’aérosols d’eau
• l’accès à une liste exhaustive et actualisée des causes de PHS contaminée par M. avium intracellulare dans les jacuzzis, mais
telles que celle utilisée par le GERM’O’P, résumée dans les aussi beaucoup plus rarement dans les saunas, les piscines, les
Tableaux 1 à 4. Cette liste doit être utilisée sous forme de sanitaires de complexes hôteliers ou autres, les douches ou bai-
questionnaires et inclure des précisions sur les circonstances gnoires individuelles [20] . Une des particularités de cette PHS est
d’exposition ainsi que sur les antigènes responsables de la mala- la présence quasi constante de la mycobactérie dans les échan-
die ; tillons pulmonaires (le plus souvent produit de LBA). Une autre
• la présence d’un laboratoire de référence capable de pratiquer particularité est l’intensité des lésions granulomateuses avec, à la
des prélèvements environnementaux et de réaliser des tech- TDM-HR, une micronodulation centrolobulaire avec des nodules
niques d’immunodiagnostic incluant la production d’antigènes assez souvent bien limités et sur les coupes histopathologiques des
et l’utilisation de méthodes immunologiques appropriées ; granulomes occasionnellement nécrotiques. Un profil fonction-
• de disposer de documents TDM avec coupes fines, procubitus nel de type obstructif, même en phase aiguë, en est également le
et coupes expiratoires, afin de détecter les signes indirects de témoin. Le traitement repose sur la prévention secondaire et, en
bronchiolite, qui peuvent être les seules anomalies visibles. raison de l’extrême résistance de M. avium intracellulare à la plu-
part des désinfectants, la réutilisation du jacuzzi coupable est très
fortement déconseillée.
Formes étiologiques
Pneumopathies d’hypersensibilité Aspects particuliers de formes
domestiques dues aux moisissures chroniques de PHS
Les micro-organismes fongiques sont les antigènes les plus fré- Exacerbations aiguës des formes fibreuses
quemment en cause dans la PHS à l’échelon planétaire. Ils sont
impliqués dans le PDF et dans un très grand nombre de PHS.
de PHS
Aspergillus sp., Penicillium sp., Alternaria sp., Fusarium sp., Clado- L’exacerbation aiguë (EA) est une atteinte respiratoire aiguë
sporium sp., Trichosporon sp., Cryptococcus sp., Absidia sp., Eurotium qui conduit à un syndrome de détresse respiratoire chez des
Formes de l’enfant
tic des formes fibreuses de PHS est nettement meilleur que celui
des FPI, avec une médiane de survie de l’ordre de dix à 15 ans
selon les séries [26] .
La PHS chez l’enfant est rare et sa connaissance repose prin-
cipalement sur des rapports de cas et des petites séries de
patients [23] .
Il existe quelques particularités par rapport à la maladie de Traitement
l’adulte, que l’on peut synthétiser ainsi :
• la fréquence des formes familiales dans environ 15 à 20 % des Le traitement de la PHS repose sur l’éviction ou la réduction de
cas ; l’exposition antigénique et accessoirement sur la corticothérapie.
• la fréquence des formes graves avec insuffisance respiratoire
séquellaire ;
• le retard diagnostique ;
Éviction antigénique et méthodes préventives
• la responsabilité d’antigènes aviaires dans la majorité des cas ; L’arrêt de l’exposition est le traitement de référence. Le praticien
dans une série allemande, l’antigène retenu était 19 fois sur 23 doit être intransigeant dans les formes liées à une exposition non
d’origine aviaire, dont trois cas possiblement en rapport égale- professionnelle, domestique ou de loisir, même si les conséquen-
ment avec une exposition fongique ; ces psychologiques peuvent être pénibles. C’est notamment le cas
• une présentation qui correspond au type 2, avec, dans la quasi- des patients qui doivent se séparer de leur élevage de pigeons.
totalité des cas, une maladie restrictive, avec à l’imagerie des De même, chez les salariés de l’industrie ou chez les salariés agri-
opacités réticulaires et de la fibrose ; coles, l’arrêt de l’exposition et le reclassement par l’intermédiaire
• le non-respect des mesures d’éviction secondaire dans près de de la médecine du travail doivent être recherchés activement.
25 % des cas, ce qui explique peut-être une maladie plus sévère Malheureusement, l’éviction antigénique absolue chez les
que chez l’adulte ; exploitants agricoles non salariés impliquerait une reconversion
• l’absence d’argument pour une quelconque efficacité de la cor- complète, quasi impossible actuellement pour des motifs écono-
ticothérapie. miques. De fait, depuis très longtemps, une majorité des fermiers
atteints de PHS ont fait en connaissance de cause le choix de Comité régional de reconnaissance des maladies profession-
poursuivre leur activité. Cependant, ces fermiers ont contribué nelles dans le cadre de l’alinéa 3 de l’article L. 461.1 du Code
au développement et à l’évaluation de l’efficacité des mesures de de la sécurité sociale.
prévention collectives et individuelles. Plusieurs études sur le PDF,
mais également dans la maladie des éleveurs de pigeons, ont ainsi
montré que la poursuite des activités professionnelles était pos- Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts
sible sans risque respiratoire majeur à partir du moment où l’on en relation avec cet article.
se trouve dans une forme de type 1 sans fibrose et sous réserve
de réaménagement des conditions de travail et/ou du port de
masques de protection respiratoire adaptés [27] . Ainsi, le dogme Remerciements : à A. Gondouin, P. Manzoni et G. Reboux pour leur aide scien-
de l’éviction antigénique absolu est remis en cause. tifique, et à A. Cachot pour son assistance technique.
[22] Hodnett PA, Naidich DP. Fibrosing interstitial lung disease. A practi- [27] Erkinjuntti-Pekkanen R, Kokkarinen JI, Tukiainen HO, Pekkanen J,
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and management and a review of the literature. Am J Respir Crit Care farmer’s lung: a 14-year follow-up with matched controls. Eur Respir
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Am J Respir Crit Care Med 1998;158:S1–76. Pour en savoir plus
[26] Mooney J, Elicker B, Urbania T, Agarwal M, Ryerson C, Nguyen ML, Dalphin JC, Gondouin A. Rare causes and the spectrum of hypersensitivity
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pneumonitis. Chest 2013;144:586–92. diseases: Londres: Springer; 2015. p. 457–72.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Dalphin JC. Pneumopathie d’hypersensibilité. EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-10 [Article
6-0928].
Les prothèses totales de hanche (PTH) et de genou (PTG) figurent parmi les interventions aux résultats les
plus spectaculaires de la chirurgie orthopédique. Il existe cependant un risque d’échec lié à la survenue de
douleurs après l’intervention. Devant une prothèse douloureuse, il convient d’abord d’évaluer les carac-
téristiques de la douleur : date d’apparition, intensité, siège, type. L’examen clinique permet d’orienter
les examens complémentaires : radiographie standard, échographie, tomodensitométrie, voire imagerie
par résonance magnétique et scintigraphie dans certains cas. Le premier diagnostic à envisager est celui
d’une infection de la prothèse, qu’elle soit précoce ou tardive. L’aspect clinique et les examens biologiques
permettent de suspecter le diagnostic qui n’est affirmé que par la ponction-aspiration et l’identification
du germe. Les autres diagnostics possibles sont souvent communs aux PTH et aux PTG : descellement
aseptique, usure et ostéolyse, instabilité, conflits entre implants et parties molles, fractures périprothé-
tiques et ruptures d’implants. Parfois, ils concernent plus spécifiquement la hanche (complications liées
au type de couple de friction) ou le genou (raideurs, complications liées au système extenseur). Des
complications rares peuvent être également retrouvées (allergie aux métaux) et, dans certains cas, on ne
retrouve aucune cause à la douleur.
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Mots-clés : Prothèse totale de hanche ; Prothèse totale de genou ; Infection sur prothèse ;
Descellement prothétique ; Fractures périprothétiques ; Ostéolyse périprothétique
D’autres sont particulières à la hanche ou au genou : c’est le cas • La mobilité active et passive est appréciée selon la technique
pour les PTH des complications liées au couple de friction qui habituelle en recherchant l’arc douloureux et le mouvement
est variable (métal-polyéthylène, céramique-polyéthylène, métal- déclenchant la douleur.
métal, alumine-alumine), alors qu’il s’agit pratiquement toujours • Le testing et la palpation des tendons périarticulaires :
d’un couple métal-polyéthylène pour les PTG. Celles-ci ont en ◦ pour la hanche : tendons des fessiers, psoas ;
revanche des complications spécifiques telles que celles liées à ◦ pour le genou : bandelette iliotibiale, patte d’oie, poplité.
l’appareil extenseur. Devant une prothèse douloureuse, il faut • Les signes propres à la hanche ou au genou :
dans un premier temps évaluer la douleur et pratiquer un exa- ◦ hanche : signes d’instabilité, appréhension, tests en compres-
men clinique précis qui va permettre de choisir les examens sion des implants (décubitus ventral genou fléchi) ;
complémentaires nécessaires au diagnostic étiologique. Ces exa- ◦ genou : recherche d’une laxité en extension ou flexion, étude
mens permettent dans la très grande majorité des cas d’identifier de l’appareil extenseur (centrage, douleur patellaire globale
la complication responsable de la douleur. La recherche de la cause ou facettaire). L’examen genou fléchi peut montrer un pied
de cette complication suivra, lorsqu’elle peut être identifiée : par en position de rotation externe du côté opéré, témoignant
exemple, problème de positionnement des implants, problèmes d’une position en rotation interne du composant tibial.
liés au matériel mis en place (dessin de la prothèse, qualité du
polyéthylène). Enfin, dans certains rares cas, aucune complica-
tion n’est identifiée, ce qui pose le problème de la conduite à tenir
Examens complémentaires
chez un patient se plaignant d’une gêne fonctionnelle et déçu du Au terme de l’interrogatoire et de l’examen clinique, un cer-
résultat de son intervention. tain nombre d’examens peuvent être demandés en fonction du
contexte : il n’est évidemment pas question de les demander tous
et le choix doit se faire en fonction des données de l’examen.
Évaluation d’une prothèse
douloureuse Radiographie
La radiographie est systématique devant une prothèse doulou-
Interrogatoire reuse, en précisant les incidences utiles :
L’interrogatoire est capital dans l’évaluation de la douleur. • hanche : bassin de face, hanche face et profil ;
Les premières questions à poser sont les suivantes : quand la • genou de face en charge, profil vrai, incidence fémoropatellaire
douleur est-elle apparue ? Après un bon résultat initial ou depuis à 30◦ , pangonogramme en charge.
l’intervention ? La douleur est-elle différente de la douleur préopé- Ces radiographies doivent, en comparant les clichés successifs :
ratoire ? Quel est le siège et le type (mécanique ou inflammatoire) • étudier la position des implants :
de la douleur ? ◦ hanche : inclinaison, antéversion, latéralisation,
Il convient de préciser certains points : ◦ genou : angle fémoral et tibial mécanique, pente tibiale, bas-
• les antécédents médicaux (diabète, obésité, rhumatisme inflam- cule ou subluxation patellaire ;
matoire) et chirurgicaux : s’agit-il d’une première intervention • rechercher une éventuelle migration :
ou y a-t-il des antécédents chirurgicaux avant la prothèse : frac- ◦ pour la hanche : enfoncement de la tige, varisation, ascension
ture, méniscectomie, ostéotomie, intervention ligamentaire ? du cotyle, migration (jusqu’à la protrusion intrapelvienne),
• la douleur doit être évaluée tant en ce qui concerne sa date ◦ pour le genou : varisation ou valgisation de l’implant fémoral
d’apparition que ses caractéristiques, son intensité, son siège, ou tibial, accentuation de la pente tibiale ;
son type : • étudier l’interface os-implant : liseré, fracture du ciment,
◦ si la douleur semble identique à la douleur préopératoire, la contact os tige, ostéolyse, hypertrophie corticale ;
première question à se poser est celle de l’indication opé- • évaluer l’usure éventuelle du polyéthylène : pénétration tête
ratoire initiale : l’articulation de la hanche ou du genou fémorale dans le polyéthylène de l’implant cotyloïdien, dimi-
était-elle vraiment responsable des douleurs (même si la nution de l’interligne fémorotibial ;
coxarthrose ou la gonarthrose était avérée) ? Il faut alors • rechercher des ossifications ;
rechercher une autre cause, en particulier une origine au • évaluer la position de l’interligne articulaire du genou en pre-
niveau du rachis ou de l’articulation sacro-iliaque pour les nant pour repères la rotule et la tête de la fibula.
PTH, au niveau de la hanche pour les PTG,
◦ il est important de préciser si la douleur n’a pas cessé depuis Échographie
l’intervention ou si elle survient après un intervalle libre plus Elle permet de rechercher un conflit entre un implant et les
ou moins long (plusieurs mois ou années) pendant lequel elle parties molles (tendon, ligament) : pour la hanche, elle permet sur-
a disparu, tout d’étudier le tendon ilio-psoas. Pour le genou, elle permet de
◦ l’intensité de la douleur doit être précisée par des scores rechercher une compression du poplité ou un débord de l’implant
d’évaluation généraux (échelle visuelle analogique) ou par- au niveau d’un ligament.
ticuliers à une articulation : score d’Oxford pour la hanche, Elle étudie l’aspect des muscles périarticulaires qui, en dehors
score IKS (International Knee Society) pour le genou, même de tout conflit, peuvent présenter une tendinopathie ou
◦ le siège de la douleur est important à connaître : une bursite, et peuvent être responsables de douleurs.
– pour la hanche : région inguinale, fémorale, fesse, région
trochantérienne, Tomodensitométrie
– pour le genou : douleur antérieure, latérale, médiale, pos-
térieure, postérolatérale ; Elle a de multiples intérêts dans l’étude d’une prothèse doulou-
◦ le type de douleur permet de différencier : reuse :
– la douleur de type mécanique : douleur au démarrage, à • elle permet de visualiser les zones cachées par la prothèse,
l’appui, d’évaluer l’ostéolyse et de rechercher un liseré ;
– la douleur de type inflammatoire : au repos ou nocturne, • elle est le meilleur moyen de préciser la position des implants :
– la douleur en flexion ou en extension, ◦ PTH : position du cotyle, débord éventuel, antéversion de la
– la douleur survenant uniquement lors des mouvements tige fémorale,
actifs ou passifs. ◦ PTG : débord et rotation des implants [5] ;
• elle est utile dans la recherche de la plupart des complications :
descellement, ostéolyse, instabilité, raideur, conflit.
Examen clinique
• L’inspection de la marche recherche une boiterie, une attitude Imagerie par résonance magnétique (IRM)
vicieuse en rotation pour la hanche, une déformation axiale L’IRM a longtemps eu la réputation de ne pouvoir explo-
pour le genou (varus, valgus, recurvatum, flessum). rer une région porteuse d’une prothèse à cause d’importants
descellement aseptique
complications liées à l’appareil extenseur
descellement aseptique raideur
fracture sur prothèse instabilité
infection infection
luxation autres causes : fractures périprothétiques,
autres causes : conflits, rupture implants, conflits parties molles,
fractures d’implants, allergie, etc. allergie, etc.
A B
artéfacts liés au métal. Comme pour le scanner, le développe- Ponction-aspiration du liquide articulaire
ment d’algorithmes de réduction des artéfacts et de séquences avec examen bactériologique
optimisées conjointement à l’utilisation de matériaux prothé-
tiques faiblement magnétiques permettent maintenant d’explorer Elle n’est pratiquée qu’en cas de doute suffisant, en particulier
l’environnement prothétique, voire même l’os au contact des pro- lorsque l’on envisage une reprise de la prothèse.
thèses. Il est préférable de réaliser ces IRM sur des machines 1,5 T L’analyse du liquide comporte un comptage leucocytaire et un
avec réduction des artéfacts. Il s’agit d’un examen d’avenir pour examen bactériologique :
l’étude des prothèses douloureuses, en particulier pour l’étude des • un compte leucocytaire supérieur à 1100 cellules/mm3 et un
parties molles périprothétiques, mais aussi pour explorer l’os et sa pourcentage de neutrophiles supérieur à 64 % sont fortement
réaction (granulome ou œdème). en faveur d’une infection ;
• l’examen bactériologique est nécessaire pour affirmer le diag-
Imagerie EOS nostic d’infection. Le liquide aspiré est divisé en divers
prélèvements pour culture en milieu aérobie et anaérobie,
Cet examen permet d’étudier la position des implants dans les adressés rapidement au laboratoire. Une culture positive sur
trois plans de l’espace. Il peut être d’un grand intérêt pour évaluer deux prélèvements avec un antibiogramme identique permet
les rapports avec les articulations sus- et sous-jacentes, en particu- d’affirmer le diagnostic d’infection. L’aspiration aurait pour les
lier en cas de pathologie associée du rachis, de la hanche ou du PTG une sensibilité de 55 % et une spécificité de 96 % [7] . Il est
genou. impératif que le patient n’ait pas reçu d’antibiotiques pendant
au moins 15 jours avant l’aspiration.
Scintigraphie osseuse
L’évaluation scintigraphique des prothèses douloureuses a une
bonne sensibilité mais une faible spécificité. Une hyperfixation Comment identifier
peut persister plus de deux ans en raison du remodelage osseux, la complication responsable
en dehors de toute complication.
Le plus souvent, la scintigraphie au technétium est utilisée en de la douleur ?
trois phases : une première de perfusion, une deuxième de vas-
Les causes d’échecs des PTH et des PTG sont variables selon les
cularisation, une troisième appréciant l’activité ostéoblastique.
séries publiées : on peut cependant les apprécier en en donnant
La combinaison aux leucocytes marqués au gallium apporte une
des valeurs moyennes au vu des différentes publications (Fig. 1).
amélioration peu importante.
Pour les PTH, une étude française portant sur 2107 reprises de
La scintigraphie à l’indium leucocytes marqués à l’indium a une
PTH [8] montre que le descellement aseptique est la complication
valeur prédictive importante du diagnostic d’infection. En cas de
la plus fréquente (42 %), devant les fractures sur prothèse (12 %),
négativité, le diagnostic d’infection est peu probable.
l’infection (11 %), l’ostéolyse sans descellement (11 %) et les luxa-
La scintigraphie osseuse peut orienter vers une algo-neuro-
tions (10 %). Les résultats des registres scandinaves de PTH (Suède,
dystrophie en cas d’hyperfixation aux trois phases mais aboutit
Finlande, Norvège, Danemark) donnent davantage de luxations et
parfois à des diagnostics et des traitements abusifs.
moins de fractures sur prothèse.
Pour les PTG [9] , le descellement aseptique est également la
Examens biologiques cause la plus fréquente de reprise (40 %), devant les complications
L’évaluation de la vitesse de sédimentation (VS) et de la liées à l’appareil extenseur (15 %), la raideur (14 %), l’instabilité
protéine C réactive (CRP) est très souvent utilisée pour recher- (13 %) et l’infection (12 %). Certains auteurs insistent sur le
cher une étiologie infectieuse [6] . VS et CRP sont de bons fait qu’un problème technique initial peut être à l’origine de
indicateurs mais n’ont aucune spécificité et peuvent être aug- complications diverses [10] . Devant une douleur sur PTH ou PTG,
mentées dans des affections inflammatoires non infectieuses. il convient d’avoir en tête la liste des complications possibles afin
Elles sont souvent élevées dans les premières semaines après d’identifier celle qui est responsable de la douleur (Fig. 2) : avant
intervention. tout, il faut éliminer une infection qui peut parfois se manifes-
La CRP peut présenter un pic vers le deuxième ou troisième jour, ter de façon atypique. Ensuite, il faut évoquer la possibilité d’une
et revient souvent à la normale en trois semaines. autre complication : descellement aseptique (qu’il s’accompagne
Le niveau sérique de l’interleukine-6 semble un meilleur indi- ou non d’ostéolyse), usure du polyéthylène avec ostéolyse sans
cateur de l’infection que la CRP : elle présente un pic précoce descellement, instabilité articulaire, raideur accompagnant les
avant la 12e heure, avec un retour à la normale en deux ou trois douleurs, fracture prothétique ou périprothétique, complication
jours. liée à l’appareil extenseur (uniquement pour les PTG), douleurs
plus de 3◦ semble entraîner un risque accru de descellement. Plu- montrer un épanchement. Le scanner retrouve l’ostéolyse mais,
sieurs publications suggèrent que le non-cimentage des implants à un stade précoce, seul l’épanchement peut être présent. Une
(en particulier l’implant tibial) augmente le risque de descelle- ponction peut retrouver des débris de polyéthylène. Pour les PTG
ment précoce (ou plutôt de non-fixation). (Fig. 6), l’usure du PHE est multifactorielle : elle dépend de la
Au total, le diagnostic de descellement est souvent facile, en cas qualité et de l’épaisseur du polyéthylène, du positionnement et
de liseré évolutif ou de migration d’un implant. Il peut être difficile du dessin des implants, et bien entendu de la qualité de l’acte
en particulier sur certains implants non cimentés. La scintigraphie chirurgical (axe dans les plans frontal, sagittal et rotationnel, équi-
peut être utile lorsqu’elle montre une hyperfixation localisée mais libre ligamentaire). Le niveau d’activité des patients est également
elle est peu spécifique. L’arthroscanner peut également montrer déterminant dans la survenue de l’usure [13] . L’usure résulte d’une
un passage du produit de contraste entre ciment et os. combinaison de mouvements de roulement, glissement et rota-
tion, conduisant à une délamination, et parfois à des fractures
A B C
Figure 4. Descellement tibial précoce.
A. Gonarthrose bilatérale chez une femme obèse (indice de masse corporelle : 35) de 55 ans. Valgus de 12◦ (HKA : 192◦ ) à droite. Antécédents d’ostéotomie
tibiale.
B. Indication de prothèse totale de genou. Aspect postopératoire. Axe postopératoire normal.
C. Douleurs apparues deux ans après l’intervention. Bascule en varus du composant tibial. Reprise isolée de l’implant tibial par prothèse postérostabilisée à
longue tige.
A B
Figure 6. Usure et ostéolyse de prothèse totale de genou (PTG). Douleurs depuis un an chez un homme de 69 ans. PTG mise en place 11 ans auparavant.
A. Usure du polyéthylène tibial (pincement de l’interligne). Ostéolyse des plateaux tibiaux.
B. Aspect de profil au scanner. Changement de l’implant fémoral et tibial. À l’intervention, usure majeure du polyéthylène et métallose. Bon résultat à dix
ans du changement de la prothèse totale de genou.
de fatigue de la surface du polyéthylène. Une usure peut égale- fémorale et les parties molles, décoaptation par épanchement
ment survenir entre la pièce de polyéthylène et le métal back. articulaire ou hypotonie musculaire, détente musculaire parfois
Au total, le dessin de la prothèse joue un rôle très important secondaire à un défaut d’offset fémoral avec médialisation. Un
dans la survenue de l’usure : le changement isolé du polyéthy- défaut d’antéversion fémorale ou de l’implant cotyloïdien (excès
lène donne rarement de bons résultats et il faut en règle générale dans les luxations antérieures, manque dans les luxations pos-
changer l’ensemble de la prothèse. La prévention de l’usure du térieures) est souvent à l’origine des luxations. La voie d’abord
polyéthylène est capitale pour l’avenir des prothèses. Concernant (fréquence moins grande par voie antérieure) [16] , le diamètre de
les PTH, l’utilisation de polyéthylène réticulé améliore à moyen la tête fémorale (fréquence plus grande avec les têtes de petit
terme la survie des implants [14] . Le changement de couple, en diamètre), l’âge du patient jouent un rôle certain dans la fré-
particulier l’utilisation d’un couple alumine-alumine, est très fré- quence des luxations. Le diagnostic d’instabilité est facile en
quent en Europe et semble être une solution d’avenir. Pour les cas de luxation, parfois plus difficile en cas de subluxation : la
PTG, le couple très majoritairement utilisé est un couple métal- tomodensitométrie permet d’apprécier l’orientation des implants.
polyéthylène. Pour les implants modernes, l’usure n’est pas une L’imagerie EOS est également utile, en particulier en cas de patho-
cause fréquente de reprise, en tout cas avant 20 ans de recul. logie rachidienne associée. Le traitement de l’instabilité de hanche
est le plus souvent chirurgical : il consiste à corriger un éventuel
défaut de positionnement (cotyloïdien et/ou fémoral), parfois à
Instabilité utiliser une prothèse à double mobilité.
L’instabilité se présente d’une façon très différente pour les
PTH et les PTG. Dans les premières, il s’agit en règle générale de Instabilité des PTG (Fig. 7)
vraies luxations. En dehors des épisodes de luxation, la hanche L’instabilité fémorotibiale représente 10 à 15 % des causes de
est souvent indolore. Cependant, les hanches présentant une sub- reprise des PTG. Le diagnostic est généralement aisé : l’examen cli-
luxation (en particulier par effet came) peuvent être douloureuses nique montre parfois une laxité en extension, parfois en flexion,
ou entraîner au moins une appréhension. Pour les secondes, parfois en flexion et en extension. Les radiographies en stress
l’instabilité se traduit souvent par des douleurs du genou et sont utiles. La cause de l’instabilité est souvent une insuffi-
résultent la plupart du temps d’un problème d’équilibrage liga- sance d’équilibrage ligamentaire ou un défaut de contrainte de
mentaire. la prothèse. C’est le cas en particulier dans certains genu val-
gum présentant une insuffisance du ligament collatéral médial.
Instabilité des PTH Les radiographies dynamiques en varus et valgus sont utiles ; il
est indispensable de demander avant toute reprise un scanner
La fréquence des luxations de hanche sur PTH varie de 1 à
recherchant un défaut de rotation des implants [17] .
4 % pour les prothèses primaires. L’instabilité représente, selon
les publications, 10 à 15 % des causes de reprise de PTH. La
luxation est dite récidivante à partir du second épisode. Il existe Raideur (associée à la douleur)
également des subluxations dans lesquelles la tête fémorale se
subluxe sur le rebord du cotyle et se réduit spontanément, avec La mobilité d’une prothèse dépend de différents facteurs
une sensation de ressaut, parfois audible. La fréquence de ces dont le plus important semble être la mobilité préopératoire de
subluxations serait de 2 à 5,5 %. Le délai de la luxation après l’articulation. En cas de raideur postopératoire associée à une dou-
l’intervention est variable : le plus souvent précoce (de 50 à 75 % leur, le problème se pose de façon différente pour les PTH ou les
selon les séries), parfois secondaires (de 1 à 5 ans) ou tardives, PTG, ces dernières étant beaucoup plus souvent l’objet de cette
traduisant alors souvent une usure du polyéthylène. Les causes complication.
de l’instabilité de hanche sur PTH sont variables [15] : effet came Pour les PTH, une douleur et une raideur peuvent se voir sur-
lié à un contact entre le col et la cupule ou entre la métaphyse tout dans les mois après l’intervention, en cas d’allongement
A B
Figure 7. Instabilité fémorotibiale sur prothèse totale de genou (PTG).
A. Instabilité en flexion d’une PTG avec luxation du tibia vers l’avant.
B. Aspect sur le cliché de face en stress de deux PTG mises en place pour gonarthrose sur genu valgum. Aspect de bâillement interne par incompétence du
ligament collatéral médial. Une prothèse contrainte (à charnière rotatoire) aurait due être posée en première intention pour éviter cette instabilité.
A B
C D
excessif ou en raison d’une augmentation trop importante de adhérences précoces liées parfois à un manque de rééducation
l’offset fémoral. Les calcifications semblent plus fréquentes après postopératoire, une mobilisation sous anesthésie générale est sou-
certaines voies d’abord, en particulier transglutéale. Elles appa- vent très efficace. Lorsque le genou est « trop serré » par défaut
raissent progressivement et sont accompagnées de douleurs de de coupe osseuse ou implant trop volumineux, cette mobili-
façon inconstante, parfois par irritation des muscles fessiers. Broo- sation est inefficace. Le tableau de ces genoux serrés est assez
ker les a classifiées en quatre stades, de la présence de calcifications univoque : genou raide et douloureux avec sensation d’« étau »
isolées à l’ossification continue du fémur à l’os iliaque. depuis l’implantation de la prothèse. Les causes les plus souvent
Après une PTG (Fig. 8), la survenue d’une raideur persistant retrouvées sont le positionnement de l’implant fémoral en rota-
à distance de l’intervention représente une cause fréquente de tion interne [18] entraînant une tension excessive au niveau du
reprise (10 à 15 % selon la littérature). En cas de raideur par ligament collatéral médial et le surdimensionnement des implants
26,9 mm
A B C
Figure 9. Conflit du psoas typique sur cupule trop volumineuse et trop rétroversée.
A. Débord latéral excessif de la cupule sur 26 mm dans le plan axial.
B. Débord antérieur visible sur la coupe sagittale (tête de flèche).
C. Test anesthésique positif réalisé par la mise en place de l’aiguille (flèches) au contact de la cupule sous scanner en raison de la corpulence du patient (geste
effectué habituellement sous échographie). Un changement du cotyle a été nécessaire chez ce patient.
A B
Figure 11.
A. Tige fémorale à col modulaire mise en place chez un patient présentant une
coxarthrose sur col varus long. Fracture du col modulaire à un an de la pose.
B, C. Douleurs de hanche gauche chez une femme de 61 ans porteuse d’une pro-
thèse totale de hanche bilatérale. La radio (B) montre une fracture de l’implant
de tête fémorale. Le scanner (C) avec reconstruction confirme cette fracture.
Nécessité d’un changement de tête fémorale après nettoyage soigneux des
débris.
entraîner des douleurs latérales [22] . Elle peut être antérieure à la zones d’ostéolyse. Plus rarement, il s’agit de véritables fractures
PTH et est parfois aggravée par elle, surtout en cas d’excès de laté- de stress, survenant sans aucun traumatisme initial. Le scanner
ralisation. Une rupture du moyen fessier peut également survenir et la scintigraphie permettent alors le diagnostic. Le traitement
et se traduire par un déficit plus ou moins complet des muscles des fractures périprothétiques consiste le plus souvent en un
abducteurs de hanche. Concernant le genou, une tendinopathie traitement chirurgical qui varie en fonction du descellement des
de la patte d’oie peut entraîner une douleur antéro-interne. implants : ostéosynthèse simple en cas d’implants non descellés
consistant en une plaque pour les PTH, une plaque ou un clou
Douleurs liées aux nerfs verrouillé pour les PTG. En cas de changement d’implant, on peut
utiliser dans certains cas des tiges fémorales verrouillées pour les
Après la pose d’une PTH, une douleur et des paresthésies dans
PTH, des tiges longues pour les PTG, souvent en association à
le territoire du nerf fémorocutané peuvent se rencontrer après
une plaque diaphysaire ou métaphysaire.
une voie d’abord antérieure. Elles sont le plus souvent régressives
et retentissent rarement sur le résultat fonctionnel mais, en cas
de persistance, le traitement est difficile (infiltrations, neurolyse Ruptures d’implants
exceptionnelle). Après une PTG, une douleur superficielle anté-
romédiale peut être liée à un névrome du saphène interne : la S’agissant des PTH (Fig. 11), les fractures de matériel sont rares
présence d’un signe de Tinel positif, la sédation de la douleur et ont le plus souvent une symptomatologie aiguë : une rupture
après infiltration de lidocaïne permettent le diagnostic et peuvent de tige signe un descellement de l’implant fémoral et est liée
conduire (rarement) à une résection du névrome. à l’accumulation de microcontraintes. Dans les prothèses à col
modulaire (col amovible de taille et d’orientation variable), une
fracture de l’implant cervical modulaire peut survenir, en particu-
Fractures périprothétiques et ruptures lier pour les cols longs et varus et chez les sujets présentant une
de matériel surcharge pondérale. Les fractures de tête ou d’implant acétabu-
laire céramique [24] sont devenues très rares et sont le plus souvent
Ces complications sont le plus souvent aiguës et de diagnostic de diagnostic aisé. Parfois, celui-ci peut être difficile, en particulier
aisé. Elles peuvent être post-traumatiques ou spontanées. si la fracture de l’implant n’est pas déplacée, reposant alors sur le
scanner voire sur les constatations peropératoires. L’implant coty-
Fractures périprothétiques loïdien en polyéthylène peut également être siège d’une fracture,
Elles sont plus fréquentes au niveau de la hanche que du généralement après usure majeure.
genou [23] . Elles peuvent être traumatiques et se manifester par Dans les PTG, des fractures de l’embase métallique peuvent
une douleur aiguë, ne posant alors aucun problème de diagnostic, exceptionnellement survenir. Les fractures de tige ou la déco-
établi sur de simples radiographies (Fig. 10). Elles sont parfois aptation entre la partie métaphysaire et la tige sont également
plus insidieuses et peuvent apparaître progressivement sur des possibles.
A B
C D
Figure 12. Hypersensibilité et prothèse totale de hanche métal-métal.
A. Douleurs sur une prothèse totale de hanche métal-métal mise en place quatre ans auparavant sur une coxarthrose évoluée. Taux sériques de Cr et Co très
élevés. Aspect radiographique : absence de descellement fémoral ou tibial.
B. Sur le scanner, on note une très importante ostéolyse du toit du cotyle et du grand trochanter.
C. Les lésions lytiques sont également présentes dans les parties molles.
D. Changement des implants et du couple de friction par cotyle sans ciment avec couple alumine-alumine. Ablation des lésions lytiques et reconstruction du
toit du cotyle par autogreffe. Bon résultat clinique à huit ans de la reprise.
Complications liées à l’appareil extenseur phénomènes d’hypersensibilité sont différents de ceux retrouvés
plus précocement, responsables de nécroses tissulaires qui seraient
propres aux PTG d’origine toxique et qui se rencontrent particulièrement après la
Elles incluent les instabilités et luxations rotuliennes, les frac- mise en place d’implants à grosse tête et après un resurfaçage.
tures de rotule, le clunk syndrome, le conflit rotulien (que la
rotule soit resurfacée ou non) et les ruptures du tendon quadri-
cipital ou rotulien. Les complications rotuliennes se traduisent le
Douleurs inexpliquées
plus souvent par une douleur antérieure du genou, parfois par des Au terme des examens complémentaires, il arrive que l’on ne
dérobements à la marche. retrouve aucune explication à la douleur présentée par le patient.
Une évaluation psychologique peut être faite, parfois aidée par
Instabilités et luxations rotuliennes l’interrogatoire de l’entourage. Il est communément admis qu’une
reprise après douleurs inexpliquées donne le plus souvent de mau-
Il peut s’agir d’une simple bascule patellaire, d’une subluxation
vais résultats cliniques. Une surveillance reste nécessaire : elle peut
ou d’une véritable luxation de rotule [25] . Cette instabilité peut
mettre en évidence des signes tardifs sur l’imagerie. Ces douleurs
avoir différentes causes : défaut de rotation de l’implant fémoral
inexpliquées sont plus fréquentes après la pose de PTG que de
et/ou tibial [26] , défaut de coupe patellaire, design trochléen de
PTH. Après prothèse totale, la « hanche oubliée » est beaucoup
l’implant fémoral. Le traitement peut être chirurgical si la gêne
plus fréquente que le « genou oublié » : la persistance d’une dou-
fonctionnelle le justifie : transfert de tubérosité tibiale ou modifi-
leur inexpliquée modérée après PTG est fréquente, estimée par
cation de rotation d’un ou des deux implants.
certains auteurs à 20 % : cette gêne modérée, souvent discrète et
intermittente, ne justifie pas une reprise chirurgicale.
Fractures de rotule Le caractère neuropathique des douleurs peut être recherché
Elles sont rares, parfois traumatiques, mais le plus souvent et évalué par certains questionnaires. D’après plusieurs études
sans traumatisme, de survenue progressive [27] . Elles sont plus fré- récentes, l’apparition de douleurs chroniques postopératoires
quentes en cas de resurfaçage, surtout si l’épaisseur de rotule après pourrait être détectée en préopératoire par certains indices : pré-
coupe est insuffisante. Le traitement est surtout préventif (pas de sence avant l’intervention de douleurs de type neuropathique,
coupe laissant moins de 13 ou 14 mm d’épaisseur). Le traitement importance de l’intensité de la douleur, présence d’antécédents
est rarement chirurgical, sauf en cas d’interruption complète du de dépression.
système extenseur.
douleur est relativement intense et fréquente et si elle entraîne [14] Langlois J, Atlan F, Scemama C, Courpied JP, Hamadouche M. A
une gêne fonctionnelle dans la vie courante. Elle doit évoquer en randomized controlled trial comparing highly cross linked and contem-
premier lieu une éventuelle infection mais également une compli- porary annealed polyethylene after a minimal eight years follow-up in
cation mécanique (descellement, usure, conflit, fracture). Une total hip arthroplasty using cimented acetabular components. J Bone
évaluation clinique est indispensable avant de déterminer quels Joint Surg Br 2015;97:1458–62.
sont les examens complémentaires nécessaires. Ceux-ci doivent [15] Huten D, Langlais F. Luxations et subluxations des prothèses totales
permettre de retrouver la complication à l’origine de la dou- de hanche. In: Duparc J, editor. Prothèse totale de hanche : les choix.
leur et éventuellement la (ou les) cause(s) de cette complication. Monographies de la SOFCOT. Paris: Elsevier-Expansion scientifique
L’analyse de la cause de l’échec est capitale avant d’envisager une française; 2005. p. 370–417.
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éventuelle reprise chirurgicale.
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Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens [17] Pagano MW, Hanssen AD, Lewallen DG, Stuart MJ. Flexion instability
d’intérêts en relation avec cet article. after primary posterior cruciate retaining total knee arthroplasty. Clin
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Y. Catonné (ycatonne@gmail.com).
F. Khiami.
H. Sariali.
Hôpital La Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
H. Guerini.
Centre d’imagerie Vinci, 43, rue Cortembert, 75016 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Catonné Y, Khiami F, Sariali H, Guerini H. Prothèses totales de hanche et de genou douloureuses.
EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-12 [Article 7-0405].
Réhabilitation respiratoire
S. Stélianides, J.-M. Grosbois
La réhabilitation respiratoire est une intervention pluridisciplinaire individualisée ayant fait la preuve de
son efficacité de façon indiscutable. Elle s’adresse aux patients atteints de maladies respiratoires chro-
niques, en particulier la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), présentant une dyspnée
et/ou une réduction des activités et/ou une dégradation de la qualité de vie. Les indications s’élargissent
actuellement à de nombreuses pathologies : les atteintes pulmonaires interstitielles, l’asthme, les dila-
tations des bronches, en oncologie thoracique, en périopératoire, etc. Elle nécessite de réaliser un bilan
initial permettant d’évaluer la déficience, l’incapacité et le handicap ainsi que les besoins éducatifs du
patient. Le programme de réhabilitation respiratoire repose sans y être limité sur l’éducation thérapeu-
tique, l’entraînement physique des muscles périphériques et, parfois, des muscles inspirateurs, le soutien
psychosocial et nutritionnel. Le programme proposé autant dans ses aspects fonctionnels qu’éducatifs
et psychosociaux est adapté aux besoins du patient, encadré par des professionnels de santé de
compétences variées et fait l’objet d’évaluations. Selon les disponibilités locorégionales et les souhaits
du patient, la réhabilitation respiratoire peut se dérouler en centre, en ambulatoire et au domicile sans
différence significative de résultats. La réhabilitation respiratoire améliore significativement (grade A de
la médecine fondée sur les preuves) la dyspnée, la capacité à l’effort et la qualité de vie et doit avoir
aussi pour objectifs de permettre au patient d’acquérir des comportements favorables à sa santé et d’y
adhérer à long terme. Cette composante fondamentale du traitement non médicamenteux des maladies
respiratoires chroniques a été démontrée comme étant coût-efficace.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan Généralités
■ Généralités 1 Définition issue des recommandations
Définition issue des recommandations de la Société
de pneumologie de langue française 1
de la Société de pneumologie de langue
Définition issue des recommandations internationales, française
American Thoracic Society et European Respiratory Society 1
Selon les recommandations françaises de 2009, la réhabilita-
■ Indications et résultats 2 tion respiratoire « est un ensemble de moyens proposés au patient
Rationnel 2 atteint d’une maladie respiratoire chronique pour réduire le han-
Bronchopneumopathie chronique obstructive : indication dicap et améliorer la qualité de vie ». La réhabilitation a pour
de réhabilitation 2 objectif principal de maintenir dans la durée un niveau d’activités
Résultats de la réhabilitation respiratoire dans physiques quotidiennes jugé nécessaire à la santé physique et
la bronchopneumopathie chronique obstructive 2 psychique du patient, de façon à diminuer les conséquences sys-
Autres indications de la réhabilitation respiratoire 2 témiques de la maladie et les coûts de santé [1] .
Contre-indications de la réhabilitation respiratoire 2
Modalités pratiques de réalisation 3
■ Bilan initial en réhabilitation respiratoire 3 Définition issue des recommandations
■ Contenu d’une réhabilitation respiratoire 4 internationales, American Thoracic Society
Éducation thérapeutique 4
Entraînement physique 4
et European Respiratory Society
Techniques de kinésithérapie respiratoire 6 « La réhabilitation respiratoire est une intervention globale
Soutien psychologique 6 et individualisée, reposant sur une évaluation approfondie du
Soutien nutritionnel 6 patient, incluant, sans y être limitée, le réentraînement à l’effort,
Ergothérapie 6 l’éducation, les changements de comportement visant à amélio-
Soutien social 6 rer la santé globale, physique et psychologique des personnes
■ Maintien des acquis 7 atteintes de maladie respiratoire chronique et à promouvoir leur
■ Conclusion 7 adhésion à long terme à des comportements adaptés à leur état de
santé » [2] .
Tableau 2.
Récapitulatif des indications de la réhabilitation respiratoire hors bronchopneumopathie chronique obstructive.
Pathologies Études Résultats Particularités de la réhabilitation
Pathologie interstitielle Dowman, 2014 Cochrane Amélioration dyspnée, TM6 (+44,3 m ; REE sous O2 souvent nécessaire,
Database [10] , 5 études retenues, IC 95 % : 26,04–62,64), VO2 pronostic de la pathologie nécessitant
89 patients traités, 82 contrôles (+1,24 ml/kg/min ; IC 95 % : adaptation (notamment en éducation
Spielmanns [7] 0,46–2,03 ml/kg/min) thérapeutique)
Amélioration qualité de vie
Échappement à 6 mois
Dilatation des bronches Lee 2016 [11] , revue de la Amélioration test navette (+67 m, IC L’entraînement des muscles inspirateurs
littérature, 4 études randomisées 95 % : 52–82 m), de la qualité de vie, du semble important, rôle du drainage
de réhabilitation respiratoire nombre d’exacerbations à 12 mois bronchique mal démontré
ambulatoire contre placebo, Échappement à 6 mois
164 patients Pas d’effet démontré sur la toux et
l’expectoration
Mucoviscidose Radke [12] , méta-analyse sur Effets positifs sur la moindre dégradation Vigilance hygiène, mesure nutritionnelle
l’entraînement physique, de la fonction pulmonaire, sur la associée importante
13 études retenues, 402 patients capacité à l’exercice, sur la force
musculaire et la qualité de vie
HTAP Babu [13] , revue de 15 articles Effet sur TM6 (+17 à 96 m) Protocole basse intensité ou intervalle
Sur VO2 pic (+1,1 à 2,1 ml/kg/min), training, supervision plus importante
améliore la qualité de vie, change la recommandée, supplémentation O2 pour
WHO class saturation > 90 %
Asthme Trevor, 2015 [14] Amélioration de la capacité à l’exercice, Utilisation bronchodilatateurs
de l’anxiété-dépression, de la qualité de préexercice, échauffement
vie, réduction des exacerbations
Cancer broncho-pulmonaire Ni, 2016 [15] méta-analyse en Amélioration de la capacité à l’exercice, Objectifs potentiellement différents
périopératoire de la VO2 pic en préopératoire, du statut selon le moment de la réhabilitation
Rivas-Perez [8] , revue émotionnel, de la qualité de vie, impact respiratoire, travail des muscles
pronostique de l’activité physique inspirateurs en préopératoire
Réduction de volume NETT [9] Amélioration dyspnée VO2 pic, TM6, Focus éducatif sur procédure chirurgicale
d’emphysème qualité de vie
Transplantation pulmonaire Langer, 2015 [16] Maintien ou amélioration de la capacité Adaptation des protocoles
fonctionnelle d’effort et de la qualité de d’entraînement : intérêt EES, O2 , voire
vie en pré-TP, meilleur pronostic de la TP, VNI, en post-TP nombreuses précautions
amélioration fonctionnelle et qualité de liées aux immunosuppresseurs
vie en post-TP ETP avec focus spécifique greffe
HTAP : hypertension artérielle pulmonaire ; REE : réentraînement à l’effort ; TP : transplantation pulmonaire ; ETP : éducation thérapeutique du patient ; VNI : ventilation
non invasive ; EES : électrostimulation.
serré, insuffisance cardiaque instable, maladie thromboembo- perdurent, en intégrant le suivi, et le renforcement si nécessaire,
lique évolutive, anévrisme ventriculaire, troubles du rythme non des activités physiques, de l’ETP, de l’approche motivationnelle et
contrôlés. du self management, par l’ensemble des professionnels de santé du
On retrouve souvent dans les recommandations la notion de patient, des associations de patients et de loisirs, de l’entourage,
manque de motivation ou de non-observance aux traitements etc.
comme contre-indication. Les experts insistent sur le fait de ne La réhabilitation peut être prescrite par le médecin généraliste
pas renoncer à prescrire une réhabilitation parce que l’on pense ou par le pneumologue.
que le patient va refuser ou ne pas adhérer. Actuellement, la prise en charge de la réhabilitation respiratoire
par les caisses d’assurance maladie en France n’est possible que
dans le cadre de structure soins de suites et réadaptation (SSR)
Modalités pratiques de réalisation en hospitalisation ou ambulatoire ou de réseaux dédiés. Il existe
La réhabilitation respiratoire est efficace quel que soit le lieu néanmoins de nombreuses dynamiques locales fonctionnant avec
où elle est réalisée : hôpital, structure de proximité, domicile [1, 2] . des solutions financières propres. Le groupe Alvéole (groupe de
Plusieurs études ont montré une efficacité équivalente du réen- travail de la Société de pneumologie en langue française [SPLF])
traînement à l’exercice et de l’éducation thérapeutique en centre recense ces structures sur une carte de France mise à jour régulière-
ou à domicile [17] . Le choix du lieu dépend alors du bilan clinique ment. L’offre de réhabilitation reste très hétérogène sur le territoire
et paraclinique initial, de la maladie respiratoire et des comorbidi- français et il est recommandé de s’informer sur l’existant et de
tés, des projets et du choix du patient, et de l’offre locorégionale. créer des liens directs avec les structures de son territoire au-delà
L’ambulatoire et le domicile doivent être privilégiés autant que des systèmes administratifs pour faciliter le parcours de soins des
possible, la réhabilitation en centre, plus coûteuse, devant être patients.
réservée aux patient ne pouvant accéder à une structure ambu-
latoire, ou devant relever d’une surveillance étroite en raison de
pathologies sévères, potentiellement instables, avec des comorbi-
dités multiples. Les différents lieux peuvent être combinés.
Bilan initial en réhabilitation
La réhabilitation commence par un stage de durée détermi- respiratoire
née qui favorise le regroupement et la coordination de tous les
moyens nécessaires au projet. Ce stage initial comporte classique- L’évaluation médicale de la pathologie respiratoire est réalisée
ment une vingtaine de séances dont au moins deux supervisées par le pneumologue référent, éventuellement complétée, en cas
par semaine [1, 2] . La durée optimale de cette période initiale est de besoin, par l’évaluation des comorbidités associées.
variable dans la littérature : de 4 à 12 semaines. Dans le bilan initial de la réhabilitation respiratoire, il est
Dans tous les cas, le stage doit être un temps privilégié sur une recommandé d’évaluer les déficiences, les incapacités fonction-
réflexion du maintien des acquis, de façon à ce que les bénéfices nelles et le désavantage psychosocial du patient, et de réaliser un
Tableau 3.
Récapitulatif du bilan initial de réhabilitation respiratoire [1] .
Évaluation Évaluation
optimale minimale
Évaluation clinique X X
Diagnostic éducatif x x
Poids, IMC, histoire sur les six x x
derniers mois
Impédancemétrie x
Tabagisme x x
Gazométrie artérielle de repos x x
Spirométrie post-bronchodilatateur x
EFR complète en pléthysmographie x Figure 1. Séance collective d’éducation thérapeutique.
Force des muscles respiratoires x
Force des muscles périphériques x
Évaluation de la dyspnée (mMRC, x x gie(s). De nombreuses publications ont montré la complexité de
NYHA, etc.) cette démarche. Bourbeau et al. [18] ont publié une étude multi-
Tests de terrain (test de marche de six x x
centrique randomisée montrant qu’un programme d’éducation
minutes, ou autres tests validés) thérapeutique chez le patient BPCO diminuait de 39,8 % les
admissions hospitalières pour exacerbation, de 57,1 % les admis-
Épreuve fonctionnelle d’exercice x
sions hospitalières pour autre motifs, de 41 % les passages aux
(EFX)
urgences et de 58,9 % les consultations non programmées à
ECG d’effort x x 12 mois. Fan et al. [19] ont publié une étude contradictoire sur
Évaluation de la qualité de vie x x 209 patients BPCO ayant bénéficié d’un programme d’éducation
(questionnaires génériques SF36, ou versus 417 contrôles montrant une surmortalité dans le groupe
spécifiques SGRQ, CAT, VQ11, VSRQ) des patients éduqués (hazard ratio [HR] : 3,00 ; IC 95 % : 1,46–6,17 ;
Évaluation psychologique (entretien, x x p = 0,003). Cette étude négative peut s’expliquer par la non-prise
échelle HAD) en compte des comportements individuels et l’inexpérience des
Niveau d’activité physique (entretien, x x personnes dispensant le programme. Cela souligne l’importance
actimétrie, etc.) de la formation initiale (et continue) à cette approche éducative
pour l’ensemble de l’équipe. L’éducation thérapeutique doit être
IMC : indice de masse corporelle ; EFR : exploration fonctionnelle respiratoire ; dispensée par des professionnels formés et dans le cadre d’un pro-
Mmrc : Modified British Medical Research Council ; NYHA : New York Heart gramme structuré évaluable [1, 2, 20, 21] . Seule la notion de durée du
Association ; ECG : électrocardiogramme ; SF36 : short form 36 ; SGRQ : St.
George’s Respiratory Questionnaire ; CAT : COPD Assessment Test ; VSRQ : programme [20] est un facteur prédictif de succès, suggérant que
Visual Simplified Respiratory Questionnaire ; HAD : hospital anxiety and depres- l’éducation est un processus continu, avec d’éventuelles séances
sion scale. de suivi et/ou de renforcement à long terme, comme cela est pro-
posé par la Haute Autorité de santé (HAS).
diagnostic éducatif ou bilan éducatif partagé ou évaluation de Les experts français [2, 21] recommandent de débuter par un
situation initiale [1, 2] . L’évaluation clinique et fonctionnelle peut diagnostic éducatif aussi appelé analyse de situation initiale ou
nécessiter l’intervention de différents intervenants : médecin, bilan éducatif partagé. Il s’agit d’un entretien guidé, semi direc-
kinésithérapeute, infirmière, diététicien, psychologue, professeur tif, reposant sur une méthodologie précise, utilisant des questions
d’activités physiques adaptées, ergothérapeutes (Tableau 3). ouvertes, la reformulation, une posture empathique permettant à
Cette évaluation standardisée permet de mettre en place un pro- la fois de comprendre où en est le patient, quels sont ses motiva-
gramme sûr, individualisé, centré sur les besoins du patient, et de tions et ses besoins, d’analyser ses difficultés et ses ressources, de
négocier un projet thérapeutique qui répond à ses objectifs. le faire s’interroger sur ses convictions et ses comportements, mais
L’évaluation est répétée en fin de stage et permet d’apprécier également de commencer à le mettre en mouvement. Cet état des
objectivement les bénéfices de la réhabilitation à court terme. Elle lieux à un instant « T », évolutif, jamais définitif, est partagé et
sert de repères pour évaluer le patient à moyen et long termes. enrichi au fil du temps avec l’équipe transdisciplinaire, et permet
de mettre en place, de suivre et d’adapter le projet éducatif cen-
tré sur les besoins du patient. Les séances d’ETP se font de façon
Contenu d’une réhabilitation individuelle ou en groupe (avec renforcement individuel en cas
de nécessité) où de nombreux outils et méthodes, que l’équipe
respiratoire va s’approprier, peuvent être utilisés. Une attention particulière
devrait être portée à l’approche psychologique, comportementale
Il est important de préciser que tous les moyens décrits se et motivationnelle pour les différents comportements de santé,
complètent et c’est leur mise en œuvre concomitante qui apporte dans le cadre d’une prise en charge globale de type « self manage-
une réelle plus-value au patient et à son entourage. ment » [20] (Fig. 1)
Débit (Vmn)
VE
VCO2
VO2
B
A : seuil ventilatoire
Puissance (W)
Soutien psychologique
Les publications faisant état de la prévalence particulièrement
élevée des syndromes anxiodépressifs chez les patients et de leur
impact pronostique négatif sont extrêmement nombreuses [29, 30] .
Les programmes de réhabilitation améliorent les scores d’anxiété
et de dépression [1, 2, 6] . Cette prévalence élevée propre aux mala-
dies respiratoires peut s’expliquer par la pénibilité de la dyspnée
au quotidien et la peur générée, des phénomènes complexes de
culpabilité, l’absence d’un début de la maladie clairement identi-
fié, le peu de représentation sociétale de ces maladies, la notion
de mort associée à l’étouffement, etc.
Il est fondamental d’en tenir compte durant le programme
de réhabilitation sous peine d’échec [30] . L’accompagnement psy-
chologique de l’ensemble de l’équipe et l’intervention éventuelle
Figure 7. Électrostimulation des muscles périphériques.
d’un(e) psychologue (thérapies cognitivocomportementales ou
autres approches) sont nécessaires, mais parfois un traitement
médicamenteux peut être indispensable.
Entraînement des muscles respiratoires Les techniques de relaxation et de gestion du stress sont d’un
Les recommandations françaises et internationales proposent appoint intéressant dans ce domaine.
d’inclure l’entraînement des muscles inspirateurs dans les pro-
grammes de réhabilitation respiratoire, dans les cas où la pression
inspiratoire maximale (PImax ) est diminuée. Il s’agit d’un travail
contre résistance ou avec une valve inspiratoire à seuil (Thre-
Soutien nutritionnel
shold IMT), durant 10 ou 30 minutes, plusieurs jours par semaine, Le statut nutritionnel est un élément très important de
pendant 12 semaines, à une intensité de 30 à 80 % de la PImax . l’évolution des maladies respiratoires chroniques. Un indice de
L’entraînement des muscles inspirateurs chez les patients BPCO masse corporelle (IMC) inférieur à 21 est considéré comme un
améliore la force et l’endurance des muscles inspirateurs mais facteur de mauvais pronostic dans la BPCO [31] . Pour faire face
aussi la dyspnée pour les activités de vie journalière, la dis- à la dénutrition, il faut analyser les causes possibles : insuffi-
tance parcourue au test de marche, mais pas la consommation sance quantitative ou qualitative d’apports, anorexie, infections
d’oxygène (VO2 ) au pic de l’effort sur bicyclette, et peu la qualité à répétition et hypercatabolisme, dépression, difficultés logis-
de vie [25] . Il est difficile de montrer une plus-value de ces exercices tiques liées à l’isolement ou à la dyspnée, dyspnée lors de
ajoutés aux autres composants de la réhabilitation respiratoire. l’ingestion, de la digestion, etc. La question des besoins nutri-
Le niveau de preuve est élevé dans la préparation à la chirurgie tionnels exacts n’est pas clairement résolue et a probablement
abdominale et cardiaque, avec une diminution significative de la une réponse individuelle. On retient en général un apport de
morbi-mortalité postopératoire [26] . 1,3 fois la dépense énergétique de repos dont 20 % de protéine,
une prédominance d’hydrate de carbone sur les lipides, riche en
antioxydants. La vigilance durant le programme de réhabilita-
Techniques de kinésithérapie respiratoire tion est indispensable et peut nécessiter l’intervention d’un(e)
diététicien(ne). La supplémentation orale en enrichissant la nour-
Drainage bronchique riture, ou avec des suppléments nutritionnels oraux, est efficace
en cas de dénutrition [31] . Cette supplémentation est d’autant
Il est indiqué uniquement dans les cas où le patient est bron-
plus efficace qu’elle est couplée à l’exercice [2] . Certains auteurs [2]
chorrhéique. Les méthodes d’accélération du flux expiratoire
ont étudié une approche multimodale incluant l’exercice, la
restent la référence, la pression expiratoire positive (PEP) n’a pas
supplémentation orale et l’administration de stéroïdes ana-
démontré clairement son efficacité, elle peut éventuellement être
bolisants avec une efficacité significative sur la composition
couplée avec la technique d’expiration forcée afin d’améliorer la
corporelle au profit de la masse maigre, sur la capacité à
tolérance à l’effort ou les échanges gazeux. Les percussions, les
l’exercice, la qualité de vie et même sur la survie. Néanmoins,
vibrations, les hyperinsufflations n’ont pas démontré leur effica-
® l’utilisation des stéroïdes anabolisants est encore discutée, et
cité. Les oscillations buccales (avec des appareils type RC Cornet
® des études complémentaires sont nécessaires pour en préciser
ou VRP1Desitin , qui entraînent une PEP oscillante) n’ont tou-
l’indication.
jours pas démontré de supériorité [27] .
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S. Stélianides (sandrine.stelianides@aphp.fr).
Pôle thorax-vaisseaux, Hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.
J.-M. Grosbois.
FormAction Santé, rue de Pietralunga, 59840 Pérenchies, France.
CH Béthune, rue Delbecque, 62408 Béthune, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Stélianides S, Grosbois JM. Réhabilitation respiratoire. EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-8
[Article 6-0995].
Dans le cadre pédiatrique, les douleurs abdominales peuvent être le signe de nombreuses pathologies
organiques ou fonctionnelles. Une bonne connaissance des étiologies chirurgicales, éclairées par les causes
les plus fréquentes en fonction de l’âge du patient, permet de prendre en charge à temps les étiologies
chirurgicales. En effet, certaines étiologies nécessitent une prise en charge rapide et adaptée afin d’éviter
les complications potentiellement graves des pathologies à composante ischémique notamment.
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Mots-clés : Douleur ; Enfant ; Volvulus ; Hernie ; Invagination intestinale ; Torsion du cordon spermatique ;
Torsion d’annexe ; Appendicite aiguë
Tableau 1.
Principales étiologies en fonction de l’âge.
Nourrissons < 2 ans Enfants (2–10 ans) Adolescents
Hernie inguinale Appendicite Appendicite
Invagination intestinale Traumatisme Traumatisme
Volvulus du mésentère Pathologie annexielle ou testiculaire Pathologie annexielle ou testiculaire
Maladie de Hirschsprung Occlusion sur brides Occlusion sur brides
Gastroentérite Infection ORL Douleurs menstruelles
Constipation Pneumonie Grossesse extra-utérine
Infection urinaire Constipation Pathologie lithiasique
Adénolymphite mésentérique Gastroentérite
Purpura rhumatoïde
Douleur fonctionnelle
ORL : oto-rhino-laryngologique.
“ Point fort
Invagination intestinale aiguë
• Vomissements verts + tableau de gravité = volvulus du
Il s’agit d’une anomalie de la motricité digestive le plus
mésentère souvent dans les suites d’une infection d’origine virale banale
• Gravité des conséquences potentielles (l’invagination intestinale aiguë est alors dite idiopathique) qui
conduit le tube digestif à se retrousser telle une chaussette. Le plus
souvent, le siège est iléocæcal. Lorsque le boudin d’invagination
passe la valvule iléocæcale, il ne peut repartir en arrière et conti-
Hernie inguinale compliquée nue alors à progresser. Progressivement, une ischémie veineuse
La hernie inguinale est l’anomalie pariétale la plus fréquente s’installe alors, pouvant entraîner une souffrance digestive impor-
chez l’enfant et est dans plus de 95 % des cas une hernie oblique tante [7] .
externe. Elle est chez l’enfant en bas âge due à une persistance du L’âge classique au diagnostic est situé entre 3 mois et 3 ans
processus péritonéovaginal. En effet, lors de la migration testicu- pour les formes idiopathiques qui représentent plus de 90 % des
laire anténatale (troisième trimestre) depuis le pôle inférieur du cas. Dans 10 % des cas, une forme secondaire peut être mise en
rein jusque dans la bourse, le testicule « emporte » avec lui une évidence : diverticule de Meckel (50 %), tumeurs (polypes, lym-
partie du péritoine pour former ce processus péritonéovaginal. phome du grêle, autres), duplication digestive. En cas de douleur
Celui-ci est perméable chez 80 % des nouveau-nés, mais s’oblitère abdominale dans le cadre d’un purpura rhumatoïde, il convient
dans la majorité des cas durant la première année de vie. Chez d’évoquer le diagnostic de principe. De même, il est classique
certains nouveau-nés, avec ou sans facteur de risque (ventilation d’évoquer une invagination intestinale chez un patient porteur
mécanique, prématurité), du tube digestif peut donc passer dans d’une mucoviscidose.
le canal inguinal et conduire à une hernie. La clinique est le plus souvent typique, associant des douleurs
Au plan clinique, cela se manifeste par une tuméfaction paroxystiques évoluant par crises brèves associées à des épisodes
inguinale douloureuse non réductible L’anneau inguinal étant de pâleur. Les vomissements sont souvent associés. Il est classique
inextensible, le retour veineux au niveau du grêle est diminué, de décrire des rectorragies qui signent une souffrance digestive
entraînant progressivement une souffrance digestive par ischémie avancée le plus souvent.
veineuse. Le tableau évolue alors vers une perforation digestive, Chez les enfants les plus jeunes, il n’est pas rare d’observer un
et un tableau septique marqué au niveau local et général. Aucun tableau « pseudo-neurologique », qui doit là encore faire suspecter
examen complémentaire n’est nécessaire car le diagnostic est le diagnostic après avoir éliminé les autres causes potentielles.
généralement évident. L’examen clinique est souvent peu contributif.
Il convient de mettre en condition l’enfant (voie veineuse et Le diagnostic est confirmé à l’échographie et met en évidence
réhydratation), avant de tenter une réduction par taxis externe une image en cocarde pathognomonique (Fig. 2A, B).
®
sous prémédication (Midazolam 0,3 mg/kg par voie intrarectale Si l’état général le permet, le traitement consiste en un lave-
ou Nalbuphine 0,2 mg/kg par voie intrarectale). En cas d’échec, ment radiologique (à l’air ou aux hydrosolubles) sous sédation en
une réduction au bloc opératoire est nécessaire. Les parents sont urgence (Fig. 2C, D).
alors prévenus du risque de résection intestinale et de nécrose En cas d’échec, une désinvagination chirurgicale est réalisée et
testiculaire. En cas de réussite de la réduction en urgence, une les parents sont alors prévenus du risque de cause secondaire et/ou
chirurgie est programmée dans les jours suivants (sous 48 heures de résection anastomose (Fig. 3).
généralement). En outre, le risque de récidive en cas de succès doit leur être
Les complications de la hernie étranglée sont donc digestives signifié car relativement important (20 à 30 %).
initialement (perforation par nécrose digestive et péritonite secon-
daire) et testiculaire avec un risque de nécrose testiculaire non Occlusion sur bride
négligeable par compression extrinsèque des vaisseaux, notam- Ce diagnostic doit être évoqué systématiquement devant tout
ment chez les nouveau-nés. patient ayant pour antécédent une chirurgie abdominale quels
Chez la fille de moins de 3 mois, il convient d’évoquer la hernie que soient son âge, la pathologie initiale ou la voie d’abord (y
de l’ovaire. Comme chez le garçon, elle est secondaire à un défaut compris mini-invasive). Il s’agit d’un tableau le plus souvent à
de fermeture du canal de Nück qui devient le ligament rond. début subaigu. Progressivement, les douleurs s’intensifient, et un
Ainsi, en raison de la proximité anatomique du petit bassin chez météorisme abdominal se constitue en parallèle d’un arrêt des
le nourrisson, il est possible que l’ovaire puisse être extériorisé. matières et des gaz.
B D
Figure 2.
A, B. Aspect échographique du boudin d’invagination iléocæcale en
coupe transversale (A) avec aspect en cocarde, et en coupe longitudi-
nale (B) avec aspect en sandwich.
C, D. Lavement à l’air pour prise en charge de l’invagination montrant
l’aspect initial (C) et réduit (D) avec inondation de la dernière anse grêle. Figure 4. Aspect peropératoire d’une torsion testiculaire.
A B
▲ Attention
• Douleur testiculaire = torsion du cordon jusqu’à preuve
du contraire
• Avis spécialisé en urgence
O. Abbo (abbo.o@chu-toulouse.fr).
Service de chirurgie viscérale pédiatrique, CHU - Hôpital des Enfants, 330, avenue de Grande-Bretagne, 31059 Toulouse cedex 9, France.
K. Pinnagoda.
Centre universitaire de chirurgie pédiatrique, Centre hospitalier universitaire Vaudois, 46, rue du Bugnon, 1011 Lausanne, Suisse.
J. Vial.
Service d’imagerie pédiatrique, Hôpital des Enfants, 330, avenue de Grande-Bretagne, 31059 Toulouse cedex, France.
I. Claudet.
Service des urgences médicales pédiatriques, CHU de Toulouse, 330, avenue de Grande-Bretagne, 31059 Toulouse cedex, France.
P. Galinier.
Service de chirurgie viscérale pédiatrique, CHU - Hôpital des Enfants, 330, avenue de Grande-Bretagne, 31059 Toulouse cedex 9, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Abbo O, Pinnagoda K, Vial J, Claudet I, Galinier P. Urgences chirurgicales : douleur abdominale aiguë.
EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-6 [Article 8-0530].
Vaccinations
J. Beytout
Le recours à la vaccination pour traiter des pathologies de plus en plus nombreuses (maladies infectieuses,
cancer, etc.) ne fait que croître. Les vaccinations exploitent les ressources de l’immunité, c’est-à-dire spécifi-
cité, mémoire, efficacité protectrice. Elles ont un rôle essentiel dans la prévention de certaines pathologies
d’origine infectieuse, toxinique (tétanos) ou virale (hépatite B). Les progrès dans la connaissance des
agents infectieux ont permis l’amélioration des vaccins classiques (meilleure définition des sites antigé-
niques permettant l’élaboration de vaccins mieux ciblés), la mise à disposition des nouveaux vaccins
(exemple : papillomavirus, méningocoque B), l’amélioration des possibilités de production et de purifi-
cation, etc. L’immunogénicité de certains vaccins a été renforcée par certains procédés (conjugaison à
des protéines porteuses des antigènes pneumococciques et méningococciques, utilisation d’adjuvants,
etc.). Le développement de ces nouveaux vaccins est de mieux en mieux contrôlé en priorisant la sécurité.
Les vaccins sont utilisés de préférence par anticipation dans un objectif de prévention organisée (plutôt
qu’après exposition) et ont un rôle important en santé publique : les recommandations d’utilisation de
chaque vaccin sont établies en s’appuyant sur une argumentation qui prend en compte le risque infectieux
et l’épidémiologie de la maladie, les propriétés des vaccins et leur impact sur la collectivité (bénéficiant
notamment de l’immunité de groupe), le rapport coût/efficacité attendu ainsi que la faisabilité. Le calen-
drier vaccinal constitue la référence à la pratique de la vaccination de chacun (et de tous) en fonction
de son âge. Des recommandations spécifiques s’adressent à certains groupes de personnes du fait des
risques liés à leur état de santé (exemple : immunodéprimés), à leur profession (exemple : professionnels
de santé), ou à des expositions circonstancielles (exemple : voyageurs). La politique vaccinale doit être
encadrée et suivie notamment par l’évaluation de la couverture vaccinale et des conséquences sur les
maladies à prévention vaccinale.
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Toll-R
IL-4
IL-5
Plasmocytes
Tfh
B
B
Plasmocytes
B
Th2
B
CMH TCR
B
IL-10 IL-6
Tfh B
Plasmocytes
Zones extrafolliculaires IL-10
Activation DC
=> Présentation d’Ag aux T CD4
Activation et polarisation T CD4
Follicule, Centre Germinatif :
CD4 Th2 et Tfh => Activation Ly B :
Prolifération, différenciation
Adjuvants Commutation isotypique : IgM => IgG, IgA,
mutation Ig
Adjuvants => Activation des DC Sélection d’Ac de haute affinité
A
Ly B effector
Vaccin B effector
naïfs B B mémoires B effecteur B
Plasmocytes
Plasmocytes
activé mémoires mémoires mémoires
Vaccin/infection
B
Ly B effector
Vaccin B effector
naïfs B B mémoires B effecteur B
activé mémoires mémoires Effecteur
Effecteurs mémoires
Vaccin/infection
C
Figure 1. Mécanismes des réponses immunes vaccinales (d’après Autran [6] ).
A. Chaîne de coopération cellulaire au cours de l’induction des réponses vaccinales. CMH : complexe majeur d’histocompatibilité ; IL-4, -5, -6, -10 : interleukines
4, 5, 6, 10 ; TCR : T cell receptor ; DC : dendritic cell ; Ag : antigène ; Ac : anticorps ; IgM, G, A : immunoglobulines M, G, A ; Tfh : T follicular helper ; Th2 : T
helper 2.
B. Réponses immunes et mémoire immunitaire impliquant anticorps IgG et lymphocytes T cluster of differentiation (CD)4 et CD8 après stimulation par des
vaccins vivants atténués.
C. Réponses immunes et mémoire immunitaire impliquant anticorps IgG et lymphocytes (Ly) T CD4 à des vaccins entiers ou protéiques adjuvantés.
Ly B
naïfs
effector
B Plasmocyter
activé Plasmocyte
Plasmocyte
Vaccin
Anticorps IgM
Vaccin/infection
D
Figure 1. (suite) Mécanismes des réponses immunes vaccinales (d’après Autran [6] ).
D. Réponses immunes de type IgM seules (et sans mémoire immunitaire) à des vaccins polyosidiques non conjugués.
l’hépatite B surdosé pour les insuffisants rénaux, vaccination • sous-unités vaccinantes : obtenues directement de l’agent infec-
par le vaccin pneumococcique conjugué puis par le vaccin tieux soumis à différents traitements ou par génie génétique
polysaccharidique chez tous les immunodéprimés, etc. [11] . (comme les vaccins recombinants produits sur levures ou bac-
téries) ou par synthèse :
◦ les hémagglutinines ou neuraminidases de surface des vac-
“ Point fort cins grippaux sont obtenues de souches virales définies,
cultivées sur œuf, traitées par des moyens physiques permet-
tant de produire ces antigènes spécifiques,
La vaccination exploite la capacité du système immuni- ◦ l’antigène HBs est un antigène naturel présent dans le sérum
taire des individus à reconnaître certaines structures des de certains individus infectés par l’hépatite B, il est mainte-
agents infectieux, à élaborer des réactions de défense et nant produit de manière synthétique,
◦ les vaccins coquelucheux « acellulaires » sont constitués de
à mémoriser cette rencontre pour assurer une protection
plusieurs composants antigéniques de la bactérie,
définitive. La réponse est différente en fonction des anti-
◦ le vaccin papillomavirus est fait de capsides du Human papil-
gènes proposés et certains dispositifs (protéines porteuses, lomavirus (HPV) réassemblées après évacuation du génome
adjuvants, etc.) permettent de renforcer l’efficacité de ces viral,
vaccins. ◦ les vaccins Haemophilus, pneumocoque, méningocoque sont
des polysaccharides spécifiques de différents sérotypes ou
sérogroupes combinés à des protéines porteuses (toxines téta-
niques ou diphtériques détoxifiées ou leurs dérivés).
Caractéristiques des vaccins [12, 13]
jaune et rougeole), il est conseillé d’injecter deux vaccins vivants Les vaccins sont des produits biologiques conçus pour lutter
simultanément, ou avec un intervalle d’au moins un mois [15] . contre des infections potentiellement graves (diphtérie, tétanos)
ou d’impact manifeste sur la santé de la collectivité (rougeole).
Nouveaux vaccins viraux vivants administrés Aujourd’hui, les enjeux paraissent moins évidents pour le grand
par voie muqueuse public : raréfaction de certaines infections, parfois justement
Les virus à génome segmenté permettent de créer des « réassor- liée au succès de la pratique généralisée du vaccin (diphtérie,
tants » chez lesquels les segments porteurs de la spécificité sont rougeole), pathologies plus difficiles à appréhender (infection à
conservés, le segment porteur de la virulence est délété. Ces vac- papillomavirus), etc. La crainte d’effets indésirables est beaucoup
cins vivants sont administrés par voie muqueuse, orale (rotavirus) plus prégnante et légitime dans la mesure où ils s’adressent à
ou nasale (grippe). des personnes non malades. Leur tolérance est particulièrement
contrôlée tout au long du développement de nouveaux vaccins.
Bacille tuberculeux bovin atténué L’évaluation d’un vaccin doit aller jusqu’à mesurer son efficacité
dans une collectivité (« effectiveness »).
Le BCG détermine une infection locale superficielle au site
d’inoculation susceptible d’instaurer une immunité vis-à-vis de
la tuberculose, notamment chez l’enfant. Même atténué, le BCG Évaluation des vaccins [18]
garde une virulence modérée pouvant être à l’origine d’une L’évaluation de l’efficacité et de la tolérance de ces « médi-
BCGite localisée (abcès, adénite). caments immunologiques » est de plus en plus exigeante.
Elle comporte des études précliniques auprès de différentes
Vaccins tués, inactivés ou « inertes » espèces animales. La tolérance et l’immunogénicité sont vérifiées
auprès de volontaires sains pour pouvoir estimer l’importance et
Ils sont très divers : agents infectieux entiers, toxines détoxi- l’homogénéité de la réponse et la validité du (des) protocole(s)
fiées, sous-unités antigéniques sous formes isolées, associées ou d’administration. L’effet protecteur des vaccins est évalué par
combinées, etc. Ils sont de différents types : des études cas/témoin auprès de personnes susceptibles d’être
• vaccins viraux entiers : poliomyélite, hépatite A inactivés par exposées au risque infectieux. Pour estimer l’efficacité d’une vac-
différents procédés physiques ou chimiques ; cination à réduire un risque infectieux peu fréquent, les études
• vaccins bactériens entiers : leptospirose, vaccin coquelucheux recrutent un nombre de volontaires de plus en plus élevé suivis sur
« entier », etc. ; une durée très longue (exemple : vaccins contre le papillomavirus
• toxines inactivées : anatoxine tétanique ou diphtérique, etc. ; et le zona).
Tableau 2.
Tableau de correspondances entre les valences vaccinales dans le calendrier des vaccinations et les vaccins commercialisés en France (Haut Conseil de la santé
publique. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2017).
Valences vaccinales contenues dans le vaccin Noms commerciaux des vaccins
®
BCG (tuberculose) Vaccin BCG SSI
Diphtérie/tétanos Vaccin non commercialisé mais disponible sur demande du médecin auprès du
fabricant
®
Diphtérie-tétanos-poliomyélite Revaxis (valences dTP)
® ®
Diphtérie-tétanos-coqueluche-poliomyélite Enfants (valences DTCaP) : Infanrixtetra /Tetravac-acellulaire
® ®
Adolescents et adultes (valences dTcaP) : Boostrixtetra /Repevax
®
Diphtérie/tétanos/coqueluche/poliomyélite/Haemophilus influenzae b Infanrixquinta
®
Pentavac
®
Diphtérie-tétanos-coqueluche-poliomyélite-Haemophilus influenzae Infanrix Hexa
®
b-hépatite B Hexyon
®
Fièvre jaune Stamaril
® ® ® ® ®
Grippe saisonnière Agrippal /Fluarix /Immugrip /Influvac /Vaxigrip
®
Optaflu (agréé à l’usage des collectivités)
®
Fluarixtetra
®
Haemophilus influenzae b Act-Hib
® ®
Hépatite A Enfants (12 mois à 15 ans) : Havrix 720/Avaxim 80 U
® ®
Adolescents et adultes (à partir de 16 ans) : Avaxim 160 U/Havrix 1440/Vaqta
®
50 U à partir de 18 ans
® ® ®
Hépatite B Enfants : Engerix B10 g/HBVaxpro 5 g /Vaccin Genhevac B Pasteur 20 g
® ®
Adolescents et adultes : Engerix B20 g (à partir de 16 ans)/HBVaxpro 10 g
®
(≥ 16 ans)/Vaccin Genhevac B Pasteur 20 g
®
Hépatite A et hépatite B Enfants (entre 1 et 15 ans) : Twinrix enfant
®
Adolescents et adultes (à partir de 16 ans) : Twinrix adulte
®
Leptospirose Spirolept
®
Méningocoque A et C Méningocoque A et C à partir de 2 ans : Vaccin méningococcique A+C (non
conjugué)
®
Méningocoque A, C, Y, W135 À partir de 1 an : Nimenrix (conjugué)
®
À partir de 2 ans : Menveo (conjugué)
® ® ®
Méningocoque C Menjugatekit /Menjugate /Neisvac (vaccins conjugués)
®
Méningocoque B Bexsero
®
Papillomavirus humains Cervarix (vaccin bivalent)
®
Pneumocoque Prevenar 13 (conjugué)
®
Pneumo 23 (non conjugué)
®
Poliomyélite Imovax Polio
®
Rage Vaccin rabique Pasteur
®
Rabipur
®
Rougeole Rouvax
®
Rougeole-oreillons-rubéole M-M-RVaxPro
®
Priorix
®
Tétanos Vaccin tétanique Pasteur
®
Typhoïde (fièvre) Typhim Vi
®
Typherix
®
Typhoïde et hépatite A Tyavax
®
Varicelle Varilrix
®
Varivax
®
Zona Zostavax
Des organismes internationaux d’évaluation donnent manifestations infectieuses. Par exemple, pour le vaccin contre
l’autorisation d’utilisation des vaccins dont l’application dépend la rougeole : fièvre, éruption ; pour le BCG : abcès sous-cutané
des autorités sanitaires nationales. Après leur commercialisation, persistant, adénite ; pour le vaccin contre les rotavirus : selles
les vaccins restent sous surveillance : leur « effectiveness » est liée liquides, invagination intestinale (exceptionnelle). Les vaccins
à la qualité de leur application et à la complétude de la couverture inactivés (comportant parfois des adjuvants) peuvent provo-
vaccinale, notamment pour les infections contagieuses à trans- quer des réactions locales (douleur, inflammation) ou générales
mission interhumaine. Le « plan de gestion du risque (d’effets (fièvre, narcolepsie). Les effets indésirables graves (exemple :
adverses) » porte notamment sur les pathologies auto-immunes poyradiculonévrites) sont exceptionnels. Destinés à être utilisés
que pourraient éventuellement déclencher ces médicaments essentiellement en prévention, chez des personnes non malades,
« immunologiques ». tout doit être fait pour réduire les risques potentiels. Dès les
études préalables à l’autorisation du vaccin, les effets indésirables
sont systématiquement recherchés et leur fréquence estimée :
Effets indésirables [18, 19] les volontaires sont sollicités pour rapporter toutes manifesta-
Certains effets indésirables, en rapport avec les caractéristiques tions locales ou générales consécutives à l’inoculation du vaccin.
du vaccin, sont attendus. Les vaccins vivants exposent à des L’utilisation du vaccin en pratique courante sur une grande échelle
permet de préciser l’incidence de ces effets indésirables mais aussi tiques en réduisent l’efficacité. Les politiques d’immunisation
de détecter des manifestations indésirables rares (exemple : invagi- vraiment préventives, anticipées, réfléchies et systématiques, ont
nations intestinales après le vaccin contre les rotavirus). Des effets de meilleures chances d’être performantes.
imprévus pourraient survenir : toute manifestation inhabituelle Certains vaccins ont démontré leur efficacité après exposition
consécutive à une vaccination doit être signalée de même que (vaccin contre la rage, le tétanos, la rougeole, la varicelle, l’hépatite
les éventuels effets indésirables graves. L’imputabilité du vaccin B, l’hépatite A, etc.) [27] . Dans le protocole de prévention de la
est retenue d’après les données cliniques, biologiques et sur des transmission mère-enfant de l’hépatite B, le vaccin est associé à
arguments statistiques [19] . Ces données sont prises en compte et des Ig.
peuvent amener à une révision des recommandations [20] .
Vaccins
Âge BCG Diphtérie Coqueluche Hib Hépatite B Pneumocoque Méningocoque Rougeole Papillomavirus Grippe Zona
Tétanos C Rubéole humain
Poliomyélite Oreillons
Naissance HB
Pneumo
2 mois DTPolio Ca Hib HB
conjugué
Pneumo Men C à 5
4 mois DTPolio Ca Hib HB
conjugué mois
Pneumo
11 mois DTPolio Ca Hib HB
conjugué
BCG
12 mois RRO
24 mois
Pneumo
conjugué
6 ans DTPolio Ca
Rattrapage Men C
11-13 ans dTPolio Ca Grippe
Rattrapage
HPV
15 ans
Lorsqu'un retard est intervenu dans la réalisation du calendrier de vaccinations indiqué, il n'est pas nécessaire de recommencer tout le programme des
vaccinations imposant des injections répétées. Il suffit de reprendre ce programme au stade où il a été interrompu et de compléter la vaccination en réalisant le
nombre d'injections requis en fonction de l'âge.
Figure 2. Calendrier vaccinal 2017. Tableau synoptique. Certains vaccins existent sous forme combinée : 6 valences : diphtérie, tétanos, polio, coquelucheux
acellulaire, Haemophilus influenzae b, hépatite B ; 5 valences : diphtérie, tétanos, polio, coquelucheux acellulaire, Hib ; 4 valences : diphtérie, tétanos, polio,
coquelucheux acellulaire ; 3 valences : diphtérie, tétanos, polio, rougeole-rubéole-oreillons. Les vaccins indiqués en gras correspondent aux recommandations
générales et les vaccins indiqués en italique ne sont proposés que pour des risques spécifiques.
chacun : il précise l’âge où il est le plus opportun de pratiquer la vaccin pour la collectivité et à choisir la meilleure stratégie
primovaccination (exemple : coqueluche dès l’âge de 2 mois, rou- d’utilisation [35] .
geole à 1 an) et les injections de rappel (exemple : pneumocoque Les rééditions annuelles intègrent aussi les acquis techniques et
et diphtérie-tétanos-coqueluche-poliomyélite [DTCP]-H. influen- les informations issus de la surveillance des vaccins, notamment
zae b-virus de l’hépatite B [HBV] à 11 mois, DTP tous les 20 ans : sur la durée effective de la protection ou l’impact épidémio-
à 25, 45 et 65 ans chez l’adulte jeune). logique [30] : ainsi, les rappels du vaccin coqueluche ont été
rapprochés, l’âge de la vaccination papillomavirus a été avancé.
La transition entre les anciennes générations et celles qui sont en
“ Point fort phase avec le nouveau calendrier vaccinal suppose des « mises
à jour » pour ceux qui n’ont pas bénéficié de vaccins non dis-
ponibles à leur époque : ainsi, la vaccination méningocoque C
(une injection recommandée en 2010 aux enfants âgés de 1 an)
L’immunisation des enfants vis-à-vis des infections graves
doit aussi être pratiquée à toutes les générations précédentes non
qui les menacent (comme la coqueluche) justifie les injec- vaccinées jusqu’à l’âge de 24 ans.
tions précoces et multiples qui sont recommandées par le Ce calendrier vaccinal « meilleur compromis » n’est pas coerci-
calendrier vaccinal. Par la suite, l’immunité acquise doit tif : tout écart par rapport à la date de vaccination conseillée n’est
être entretenue tout au long de la vie. pas rédhibitoire. Il n’exclut pas la possibilité d’un rattrapage pour
établir ou restimuler l’immunité tant que le risque infectieux per-
siste (exemple : le risque des infections invasives à pneumocoque
Les nouveaux vaccins ne sont intégrés que s’ils sont estimés reste très élevé jusqu’à l’âge de 2 ans ; un enfant non vacciné
utiles à la collectivité : on prend en compte non seulement ou insuffisamment vacciné qui n’a pas atteint cet âge peut bénéfi-
l’âge le plus opportun pour réaliser la vaccination (en fonc- cier d’une ou plusieurs injections de rattrapage). Pour l’hépatite B,
tion de l’évaluation du risque infectieux) mais aussi l’efficience on peut même considérer que le risque s’accroît à l’adolescence :
attendue compte tenu du coût d’application (exemple : vacci- il est important d’effectuer au plus vite la vaccination des pré-
nation papillomavirus, méningocoque C, zona) en s’appuyant adolescents non vaccinés préalablement [20] . Le rattrapage des
sur des modélisations [32–34] . Le bilan de la modélisation médico- vaccinations DTP ou hépatite B peut se faire à tout âge de manière
économique contribue à retenir ou à récuser le recours au à obtenir un nombre d’inoculations égal au cumul des injections
homologues du calendrier vaccinal, même si les intervalles entre maladies à prévention vaccinale [22] : certaines sont à déclara-
les inoculations sont longs. Il vaut même mieux que les injections tion obligatoire (diphtérie, tétanos, poliomyélite, tuberculose,
de rattrapage soient suffisamment espacées pour que l’effet de rap- rougeole, hépatite A, etc.). L’incidence de certaines autres peut
pel soit maximal (délai d’un à deux mois entre l’inoculation de être estimée à partir de certains réseaux de surveillance (hôpi-
deux vaccins contenant la même valence). taux, laboratoires). Cette surveillance permet aussi de percevoir
les modifications épidémiologiques de ces maladies comme le
recul de leur incidence vers les générations plus âgées (exemple :
“ Point fort tuberculose, coqueluche, rougeole, etc.) [38] .
La pratique des vaccins des enfants est mentionnée sur les cer-
tificats des consultations effectuées les premiers mois et années
De nouvelles acquisitions surviennent régulièrement en de la vie et figure sur le carnet de santé de chaque individu. Le
vaccinologie : amélioration de vaccins préexistants, nombre de vaccins vendus et remboursés peut être obtenu de dif-
nouveaux vaccins, information sur l’épidémiologie des férentes sources (laboratoires producteurs, pharmacies, Sécurité
sociale, etc.). Des enquêtes par sondages permettent également
maladies à prévention vaccinale, données sur la couver-
d’avoir une estimation de la couverture vaccinale de la population
ture vaccinale. Elles justifient la réadaptation régulière des et d’en définir les tendances [39] .
programmes vaccinaux, notamment du calendrier vacci-
nal.
Paradoxes du succès des vaccinations
L’efficacité des vaccinations, qui a fait régresser, sinon dis-
paraître certaines maladies rend moins prégnante la perception
Politique vaccinale de l’utilité de certains vaccins (diphtérie, rougeole, etc.) et
l’intérêt d’assurer une couverture vaccinale élevée dans un objectif
Décision altruiste. En même temps, on observe, en France comme dans de
nombreux pays développés, une désaffection vis-à-vis de certaines
En France, la politique de vaccination est élaborée par le vaccinations autrefois très prisées (hépatite B) et une méfiance vis-
ministre chargé de la Santé. Il fixe les conditions d’immunisation, à-vis des plus récentes (papillomavirus) : les médias et les réseaux
énonce les recommandations nécessaires et rend public le calen- sociaux amplifient les rumeurs d’effets indésirables présumés, col-
drier vaccinal. Il prend avis du Haut Conseil de la santé publique et portent les idées des antivaccinaux et ne facilitent pas l’adhésion
d’experts du comité technique des vaccinations qui lui proposent à la politique vaccinale préventive [40] .
des actualisations ou des modifications : une évaluation de plus Ce renoncement affecte la couverture vaccinale au risque de
en plus approfondie du rapport coût/bénéfice attendu est réalisée voir réapparaître des épidémies (exemple : rougeole) ou altère cer-
pour les enjeux importants [34] . La Commission de transparence taines stratégies (comme celle de la vaccination méningocoque
de la Haute Autorité de santé (HAS) se prononce sur le service C obligeant à introduire une injection pour les nourrissons de
médical rendu d’un nouveau vaccin ou d’une nouvelle présenta- 5 mois). Il est envisagé, par décision de « salut public », d’étendre
tion et le Comité économique des produits de santé (CEPS) sur l’obligation vaccinale pour les enfants aux valences suivantes :
son coût [36] . coqueluche, H. influenzae b, hépatite B, pneumocoque, ménin-
gocoque C, rougeole, rubéole, oreillons. Cette décision devrait
Disponibilité des vaccins permettre que les vaccins soient encore mieux pris en charge, que
la responsabilité de l’État soit plus engagée et que la conviction
Se donner les moyens de sa politique impose de mettre à la dis- des vaccinateurs soit consolidée.
position de la population les vaccins recommandés, notamment Dans les pays pauvres, aux conditions sanitaires déficientes et
ceux qui figurent dans le calendrier vaccinal. Le remboursement aux ressources médicales faibles, on a compris que la vaccination
même partiel (65 % pour la majorité des vaccins recommandés) est avait un rôle très important. L’Organisation mondiale de la santé
un atout essentiel pour la généralisation des vaccinations. La four- (OMS) en fait un moyen essentiel de sa politique de prévention et
niture des vaccins et leur prix font l’objet de négociations entre les s’est fixée des objectifs pour les cinq années à venir : augmenter la
autorités de santé et les laboratoires producteurs. Les contraintes couverture vaccinale contre la diphtérie, le tétanos et la coque-
de la production, l’importance de la demande internationale sur luche, réduire la mortalité de la rougeole, éliminer la rubéole,
un marché concurrentiel exposent à des périodes de restrictions. éliminer le tétanos maternel et néonatal, éradiquer la poliomyé-
lite, recourir à des vaccins nouveaux ou sous-utilisés [41, 42] .
Promotion des vaccinations
Le succès de la politique vaccinale est lié à la détermination
des autorités de santé et à la persuasion des professionnels pour
faire adhérer les individus et la population aux vaccinations.
“ Point fort
Chaque vaccin est particulier et ses enjeux doivent être expliqués
L’efficacité et la bonne tolérance des vaccins en font
au grand public. Il n’y avait guère de difficultés à faire accepter des
des moyens particulièrement utiles en santé publique.
vaccins très efficaces pour prévenir des infections aiguës graves
(diphtérie, tétanos). Les nouveaux vaccins dont l’impact est diffi- Ils justifient une politique déterminée d’application et de
cilement perceptible d’emblée par la population (papillomavirus, persuasion pour en tirer le meilleur bénéfice pour la col-
zona) exigent une promotion particulièrement élaborée. L’Institut lectivité.
national pour la prévention par l’éducation pour la santé (INPES)
est impliqué dans l’information du grand public, notamment à
l’occasion de manifestations publiques comme la « semaine euro-
péenne des vaccinations ». Les sociétés savantes participent à la Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare : essais cliniques :
mobilisation des professionnels de santé : le médecin traitant est investigateur-coordonnateur pour la France de l’essai Vaccin Zoster inactivé
le contributeur principal à l’application de la politique vaccinale. (Laboratoire GSK).
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Beytout J. Vaccinations. EMC - Traité de Médecine Akos 2018;13(1):1-10 [Article 8-0290].