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CCA M1

Droit des affaires


M. Fadil

I- Introduction

L’expression droit des affaires, née dans les années 1950, n’a pas
pleinement convaincu. Il expose l’ensemble des règles applicables aux
relations d’affaire. Encore faut-il s’entendre sur le terme affaire. Celui-ci est
délicat à cerner  : l’industriel à la tête d’une société de production de machines-
outils traite incontestablement des affaires. Le producteur de céréales qui
écoule sa production au marché fait-il des affaires ?
Certains auteurs estiment que l’objet du droit des affaires est
l’entreprise. D’autres y intègrent tous les aspects juridiques de l’activité
économique, aussi bien l’activité commerciale traditionnelle que les procédures
d’intervention directe de l’Etat dans l’économie.
Dans cette branche de droit se trouvent réunis des aspects du droit civil,
des aspects du droit du travail (la relation entre le salarié et l’employeur), des
règles spécifiquement commerciales (statut du commerçant et régime de
l’activité commerciale), des aspects du droit de la concurrence (l’économie de
marché se caractérisant par la mise en œuvre de moyens de production et
d’échange dans un contexte de compétition entre les agents économiques),
des aspects du droit de la consommation (le consommateur s’affirme comme le
destinataire ultime de l’activité de l’entreprise) ainsi que les procédures
collectives ouvertes contre les entreprises  en difficulté : le redressement
judiciaire, la liquidation judiciaire).

1- Evolution historique du DDA


La spécificité du DDA est essentiellement le résultat d’une évolution
historique.
Alors que les règles applicables aux commerçants et à l’activité
commerciale remontent à très loin, le DDA n’est pas ancien  ; il n’a gagné ses
lettres de noblesse qu’au cours de la deuxième moitié du XXe siècle.
Le droit commercial remonte au Code d'Hammourabi dans l’empire de
Babylone vers 1730 avant Jésus Christ, dans l'antiquité. Ce code prévoyait le
prêt à intérêt et les opérations de commission.
Les Phéniciens et les Athéniens ont connu des usages spécifiques pour les
besoins du commerce maritime.
Le droit Romain a surtout mis en place la théorie générale des contrats

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et des obligations en droit civil, il a réglementé également les techniques de
représentation (actuellement  : le mandat commercial)  ; les opérations de prêts
pour financer les entreprises de commerce maritime, le droit de la faillite et les
opérations de change et de banque.
A l’époque médiévale, les marchands exercent leurs négoces dans des
rassemblements, des foires qui se tiennent dans diverses contrées d’Europe, à
dates périodiques. Dans ce contexte, les commerçants établissent des usages
commerciaux et créent des instruments de transaction commerciale comme la
lettre de change.
Un tournant est pris avec la révolution française de 1789 qui permet une
grande libéralisation. Ainsi le décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791 proclame la
liberté du commerce et de l’industrie et la loi le Chapelier des 14 et 17 juin 1791
supprime les corporations et la réglementation rigide des corps de métiers en
vigueur.
Après la première guerre mondiale, l'État intervient de plus en plus pour
remédier aux excès du libéralisme, et le DDA devient très dirigé.
Avant le protectorat français, le droit musulman qui était appliqué au
Maroc ne faisait pas la distinction entre droit civil et droit commercial.
Le protectorat a donné naissance aux premiers textes du droit
commercial marocain d’inspiration française  : DOC, lois sur le registre de
commerce, les sociétés commerciales, etc. Le premier Code de commerce au
Maroc date du 12 août 1913  ; il est inspiré, bien entendu, du code Napoléonien
de 1807.
Après l’indépendance, il y a eu abrogation et révision de l’arsenal
juridique mis en place sous le protectorat en ce qui concerne le code de
commerce, le RC, les sociétés commerciales, les juridictions consulaires, etc.,
sous l’effet de l’évolution économique et les nécessités de la modernité.
L’actuel Code de commerce du 1 août 1996 a le mérite de rassembler la
plupart des lois éparpillées intéressant le commerce. Ce code est réparti en cinq
livres  :
Livre 1  : le commerçant ;
Livre 2 : le fonds de commerce ;
Livre 3 : les effets de commerce ;
Livre 4 : les contrats commerciaux  ;
Livre 5  : les difficultés de l’entreprise.

2- Particularisme du DDA
La plupart des techniques du droit civil lui sont applicables, et plus
spécialement la théorie générale des obligations (art. 2 du code com.). Cependant
le DDA se distingue notablement du droit civil. Le premier constat à relever est
que le DDA est un droit pragmatique qui ne se préoccupe que peu des théories

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générales dans la mesure où il s’efforce simplement de donner au commerçant
le moyen de réaliser ses affaires. Ce particularisme du DDA s’explique par les
techniques juridiques particulières qu’il utilise  :

2-1- La rapidité et la simplicité


Les commerçants ont observé que les formes juridiques constituent un
obstacle à la conclusion des actes, c’est ce qui explique la mise en vigueur de la
liberté de preuve en matière commerciale. De même que les opérations
commerciales nécessitent une certaine rapidité qui s’est traduite par
l’instauration de procédures judiciaires simplifiées et par la mise en place d’une
durée de prescription plus courte (en droit marocain 5 ans en vertu de l’article
5 du code de commerce).

2-2- La publicité
Elle est cruciale dans le monde des affaires  ; les besoins d’information
des associés, des tiers et des salariés rendent nécessaire la publicité des
situations et des actes commerciaux  ; on peut citer à titre d’exemple
l’inscription au registre de commerce, dans les journaux d’annonces légales et
dans le Bulletin Officiel. Cette publicité est justifiée aussi par l’instauration d’un
climat de transparence nécessaire à tout essor économique.

2-3- Le crédit
Il constitue l’instrument inéluctable pour les commerçants. Sans le crédit
le commerce est inconcevable. Les commerçants l’utilisent pour investir, pour
cela ils ont inventé des techniques particulières telles que les effets de
commerce et le nantissement.

3- Les sources du DDA


Elles sont variées et d’importance inégale suivant le principe de «  la
hiérarchie des normes  ». Deux catégories de sources sont à distinguer  : les
sources internes ou nationales et les sources externes ou internationales.

3-1- Les sources internes


Au sommet se trouvent la constitution, la loi puis le règlement. Une
source particulière au système juridique marocain réside dans le dahir. A ces
sources principales, s’ajoutent d’autres sources considérées comme
secondaires, telles que la coutume, la jurisprudence et la doctrine.
3-1-1- La constitution (29 juillet 2011)
L’actuelle constitution adoptée par référendum le 1er juillet 2011,
comporte 180 articles. Elle pose les principes fondamentaux du régime de la

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propriété (art. 35), des obligations civiles et commerciales (art. 71) et de la
liberté d’entreprendre et la libre concurrence (art.35).

3-1-2- Le dahir royal


Selon la constitution, le Roi a un pouvoir de création du droit qu’il exerce
par dahir  ; celui-ci peut être une mesure individuelle (le droit de grâce, art. 58 de la
Const.) ou générale (la déclaration de l’état d’exception art. 59 de la Const.) ou de
promulgation (art.50 Const.).

3-1-3- La loi
Au sens strict, la loi est une règle de droit générale, impersonnelle et
permanente (critère matériel) qui est votée par le parlement (critère
organique).
Exemple  : Sont du domaine de la loi le droit des sociétés, le régime des
banques, des sociétés d’assurances (art. 71 Const.)

3-1-4- Le règlement
Le règlement est un acte juridique de portée générale et impersonnelle
(sens matériel), pris par une autorité administrative dans son domaine de
compétence. Sur le plan organique, on distingue  :
*Au premier rang le décret du chef du gouvernement  ;
* L’arrêté interministériel émanant de plusieurs ministres en même
temps concernant une question précise ;
* L’arrêté gubernatorial (du gouverneur)  ;
* L’arrêté communal.

3-1-5- La jurisprudence
Elle est constituée par l’ensemble des décisions rendues par les
différentes juridictions appelées à trancher les litiges. Le juge doit appliquer et
«  fait  » le droit  :
 en interprétant les lois et règlements,
 en jugeant des affaires qu’aucun texte n’a envisagées,
 en adaptant les lois existantes à des situations nouvelles non prévues
par les textes.
Elle est plus ou moins intense selon le secteur d’activité  ; elle a un rôle
plus sensible en matière de baux commerciaux et de concurrence.

3-1-6- La coutume (« orf  ») et usage


La coutume se définit comme une pratique générale et prolongée. Elle
comporte à la fois des éléments objectif  ou matériel (répétition de situations

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et d’évènements dans le temps) et subjectif ou psychologique (la volonté de la
part des individus de reconnaître cet usage). Exemple  : les arrhes
Dans les contrats de vente, il est fréquent de renvoyer aux usages de la
profession en ce qui concerne les modalités de livraison, l’unité de vente, les
délais de paiement, etc.

3-1-7- La doctrine
Il s’agit des travaux, commentaires et opinions des juristes,
universitaires et auteurs qui étudient le droit sur les lacunes et imperfections
des règles appliquées ou l’absence de règles dans certains domaines. Elle
s’exprime dans les thèses, ouvrages, notes et articles.

3-1-8- La religion
Dans les Etats musulmans, la religion influence la règle de droit.
Remarquons simplement que des pans entiers du droit marocain sont
largement influencés par le droit musulman.

3-2- Les sources externes (ou sources internationales)


Ce sont essentiellement  :

3-2-1- les traités internationaux


Beaucoup de domaines de droit commercial voient leurs règles dépendre
des traités internationaux. Il en est ainsi en matière de transport, de propriété
industrielle, de chèque (la convention de Genève de 1931). Les traités
internationaux jouent un rôle important en droit commercial à trois points de
vue en fonction de leur objet. Certains traités proposent un corps de règles
unifiées applicables à un domaine d’activités ou à un type d’opération.
Exemple, la convention de Vienne du 11  avril  1980 qui réglemente la vente
internationale de marchandises ; la convention de Varsovie de 1929
s’appliquant aux transports internationaux aériens. De telles conventions
réalisent une harmonisation des législations nationales. Une autre catégorie de
conventions internationales institue des organismes permanents qui vont
formuler des règles de droit international à l’image du bureau international
pour la propriété industrielle. Par ailleurs, la commission des nations unies sur
le droit du commerce international assure la promotion de conventions
multilatérales relatives au commerce international.

3-2-2- les usages internationaux


Les usages sont des pratiques très anciennes dont les destinataires ont
acquis la certitude qu'elles étaient obligatoires. Aujourd'hui marginalisés par le
développement du droit écrit, ils restent importants dans le droit commercial.

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Exemples  :
* Pratique des contrats types  : les chambres de commerce
mettent en place des modèles de contrat dans des domaines précis qui
deviennent coutumiers  ;
* Réglementation de la Chambre de commerce internationale  ;
* La jurisprudence arbitrale.

De nombreux problèmes dans de larges domaines ne sont pas


réglementés par des textes internationaux. Les usages comblent les difficultés
dues à l’absence d’harmonie entre les droits nationaux. Aussi certains
organismes ont mis au point des normes, des formules qui sont utilisées dans
les contrats commerciaux  : la chambre de commerce international à Paris a
codifié des usages, notamment en matière de garanties contractuelles en
élaborant des incoterms qui sont des termes commerciaux normalisés destinés
aux ventes de marchandises accompagnées de transport.

Ces règles et usages jouent un rôle très important, en pratique ils


contiennent presque systématiquement des clauses compromissoires. Ce sont
des clauses qui prévoient que si un litige survient entre deux contractants,
celui-ci n’est pas soumis aux tribunaux mais à des arbitres.

II- Indications bibliographiques  :

- Cherkaoui H., Droit commercial


- Didier P., Droit commercial, t. II, L'entreprise en société, les groupes de
sociétés, PUF, Thémis
- Guyon Y., Droit des affaires, 2 tomes, Paris, Economica
- Hess-Fallon B.et Simon A-M., Droit des affaires, Paris, éd. Dalloz, Coll.
aide-mémoire
- Martin D., Droit commercial et bancaire marocain, Casablanca, SED Al
Madariss

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Grand I Le concept juridique d’entreprise
L’entreprise telle qu’on la désigne couramment, correspond à un
ensemble de moyens matériels, humains, juridiques permettant de développer
une activité fournissant des produits ou des services. En droit, l’activité
implique l’intervention d’une personne. L’entreprise n’a donc de sens que par
rapport à l’entrepreneur, sujet de droit et responsable de l’activité
d’entreprise.
L’entreprise est individuelle quand une personne physique établit et
développe une activité économique. Pour ce faire, elle doit utiliser ses biens,
s’approvisionner, vendre des produits ou des services, employer du personnel
selon le cas. Elle en recueillera le profit résultant de cette activité et sera tenue
des dettes contractées. Globalement, le résultat, positif ou négatif, sera intégré
dans l’ensemble de son patrimoine. La responsabilité rejaillira sur l’ensemble
de ses biens. C’est là une conséquence inévitable du principe d’unité du
patrimoine. Sans doute, elle permet une totale liberté et une autonomie dans
la direction de l’activité. Mais, elle apparaît aussi chargée d’inconvénients à
cause des risques illimités qu’elle comporte. C’est ce qui explique la recherche
d’une limitation de responsabilité par l’élaboration d’une structure sociétaire
pour organiser l’entreprise.
Il y a entreprise sociétaire quand à l’origine de l’activité d’entreprise un
groupement est constitué, la plupart du temps une société commerciale ou
civile. L’utilisation du patrimoine de la personne morale sera effectuée par
l’organe qui la dirige mais l’activité elle-même sera établie et développée au
nom de la personne morale avec les conséquences juridiques qu’elle implique.

Avantages et inconvénients de l’entreprise individuelle

Avantages Inconvénients
C’est encore au Maroc, la forme la plus - l’entrepreneur est tenu des dettes de
utilisée pour l’exercice du commerce, l’entreprise sur ses biens personnels  ;
car  : - il n’a pas la couverture sociale d’un
- ses modalités de constitution sont salarié  ;
simples et peu coûteuses  ; -la vie et la survie de l’entreprise sont
- le chef d’entreprise conserve sa totale liées à celle de l’entrepreneur.
liberté de gestion  ;
- son régime fiscal est simple  ;
- elle offre une souplesse dans la gestion.

Les sociétés commerciales sont régies par les dispositions du Dahir des
obligations et des contrats (DOC) et les deux textes suivants:

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* Dahir n° 1-96-124 du 30 août 1996 portant promulgation de la loi n° 17-
95 relative aux sociétés anonymes modifié par la loi n° 20-05 du 19 juin 2008.
* Dahir n° 1-97-49 du 13 février 1997 portant promulgation de la loi n° 5-96
sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en
commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en
participation modifié par la loi n° 21-05 du 14 février 2006 et la loi n° 24-10 qui
supprime l’exigence d’un capital minimum et allège encore la formalité de
publicité et de blocage bancaire (art. 51, 52, 95 et 96).

Les sociétés commerciales sont fréquemment classées en trois


catégories  :

* Les sociétés de personnes Elles se créent sur la base de l’ «intuitu


personae», c’est à dire essentiellement en considération de la personne. Dans
ce type de société, les associés sont responsables indéfiniment des dettes
sociales. Ainsi, si la société ne peut honorer ses engagements, les associés sont
poursuivis sur leur patrimoine. Le mineur même émancipé ne peut y être
associé. Cette catégorie comprend la société en nom collectif, la société en
commandite simple et la société en participation qui, elle, est commerciale par
l’objet.
* Les sociétés de capitaux Dans ces sociétés, la personne des associés est
indifférente. Chaque associé fait un apport et n’est tenu qu’à concurrence de
celui-ci (responsabilité limitée). Les actions qui sont des titres représentatifs du
capital sont négociables. Il s’agit de la société anonyme, la société anonyme
simplifiée et la société en commandite par actions.
* La société à responsabilité limitée qualifiée de société hybride ou
mixte ou semi-ouverte. Elle emprunte ses caractères fondamentaux tant aux
sociétés de personnes (l’associé ne pouvant céder librement ses parts sociales à
des tiers) qu’aux sociétés de capitaux (la responsabilité de l’associé étant
limitée à hauteur de son apport).

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- Typologie
Plusieurs classifications sont possibles  ; elles sont tributaires des critères
retenus: objet, avec ou sans personnalité morale, avec ou sans appel public à
l’épargne, étendue de la responsabilité, régime fiscal, etc.
- Sociétés civiles / sociétés commerciales  ;
- Sociétés de personnes / sociétés de capitaux;
- Sociétés à risque limité / sociétés à risque illimité;
- Sociétés homogènes / sociétés hétérogènes;
- Sociétés unipersonnelles/sociétés pluripersonnelles;
- Sociétés dotées de la PM (immatriculées) / sociétés dépourvues de la PM
(non immatriculées);
- Sociétés avec APE (cotées) / sociétés sans APE (non cotées);
- Sociétés par intérêt / sociétés par actions;
- Sociétés transparentes /sociétés opaques.

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Grand II L’entreprise à forme sociétaire

1-La société contrat : les règles communes de constitution


La société est à la fois un contrat donnant naissance à une personne
morale et une institution reposant sur un grand nombre de dispositions
légales.

La définition de la société figure à l’article 982 du DOC  ; c’est «  le contrat


par lequel une ou plusieurs personnes conviennent de mettre en commun
leurs biens ou leur travail, ou tous les deux à la fois, en vue de partager le
bénéfice qui pourra en résulter  ».
La société se présente originairement comme un contrat, qui en raison
de son but économique s’accompagne d’un acte écrit détaillé  : les statuts.

1-1-Les règles de fond relatives à la formation du contrat


de société
Le DOC subordonne la validité des contrats en général (et donc du
contrat de société en particulier) au respect des quatre conditions suivantes:

1-1-1- Le consentement exempt de vices


L’hypothèse d’une erreur portant sur l’objet du contrat est très rare.
L’éventualité du dol est plus fréquente. La violence en matière de contrat de
société est rare en pratique.

1-1-2- Un objet licite et dans le commerce juridique


Dans la pratique de la vie des entreprises, l’objet du contrat de société
représente l’activité exploitée  ; celle-ci doit être licite. Si l’objet est jugé illicite
la société est frappée de nullité absolue, non régularisable.
L’article 986 du DOC prévoit également la nullité de plein droit, entre
musulmans, de toute société ayant pour objet des choses prohibées par la loi
religieuse, et, entre toutes personnes celle ayant pour objet des choses qui ne
sont pas dans le commerce.

1-1-3- Une cause licite


Elle correspond au motif pour lequel les associés ont décidé de constituer
une société. La cause ne doit pas être assimilée à l’objet. La cause illicite est
sanctionnée par la nullité absolue du contrat de société alors même que l’objet
social serait parfaitement licite.

1-1-4- La capacité juridique des associés

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Les exigences en la matière varient selon la forme juridique concernée.
Dans les sociétés de capitaux et les SARL, les associés n’acquièrent pas la
qualité de commerçant en devenant associé. De ce fait, il n’est pas requis qu’ils
détiennent la capacité commerciale, la capacité civile est suffisante. Dès lors, le
mineur et l’incapable majeur (dément et prodigue) peuvent devenir associés
par l’intermédiaire de leurs représentants légaux.
Dans les sociétés de personnes les associés en nom collectif et les
commandités sont tenus personnellement et solidairement de toutes les
dettes sociales, ils ont la qualité de commerçant. À ce titre, ils doivent satisfaire
aux conditions requises pour devenir commerçant à savoir  :
* ne pas être incapable de faire le commerce (mineur émancipé ou non;
majeur incapable),
* ne pas être déchu du droit d’exercer le commerce ni faire l’objet d’une
incompatibilité (fonctionnaire, professionnel libéral).

Est réputé majeur pour exercer le commerce tout étranger ayant atteint
vingt ans révolus, même si sa loi nationale prévoit un âge de majorité supérieur
à celui qui est édicté par la loi
marocaine (art. 15 Code com.) 

La femme mariée peut exercer le commerce sans autorisation de son


mari. Toute convention contraire est réputée nulle (art. 17 Code com.) 

1-1-5- Les apports


L’apport  est un bien (somme d’argent, fonds de commerce) que l’associé
s’engage à mettre à la disposition de la société en vue de l’exploitation
commune. En contrepartie de son apport, l’apporteur se voit remettre par la
société des parts sociales ou des actions.
On dénombre trois catégories d’apports.

1-1-5-1- L’apport en numéraire


Il s’agit du type d’apport le plus simple et fréquent. L’apporteur verse à
la société une somme d’argent (espèces, chèques, etc.).
L’opération d’apport se décompose en deux phases:
* la promesse d’apport ou souscription des parts ou des actions,
* la réalisation de la promesse d’apport ou libération.
En principe, le législateur exige que l’apporteur libère dès la souscription
tout ou partie de sa promesse selon la forme sociale concernée.
Ainsi, dans la SA, la libération de l’apport, lors de la constitution, est
fixée au minimum au quart de la valeur nominale des actions souscrites. Le

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reste doit être libéré dans le délai de3 ans à compter de l’immatriculation au
RC.
S’agissant de la SARL, son capital est librement fixé par les associés  ;
si celui-ci est supérieur à 100.000 dhs, la réalisation de la promesse d’apport
doit porter sur au moins le 1/4 du montant. Le reste doit être libéré dans le
délai de 5 ans à compter de l’immatriculation au RC.

En ce qui concerne la SAS, le capital est libéré en totalité au moment de


la constitution.

Quant à la SNC, les associés décident librement de la fraction des apports


qui doit être libérée éventuellement à la constitution, le solde étant appelé par
la gérance au fur et à mesure des besoins.

Les sommes versées en compte courant par les associés (quasi-apport)


sont de simples créances sur la société, que celle-ci devra rembourser lorsque
sa trésorerie le lui permettra et en fonction de dispositions de la convention
conclue entre la société et son associé (convention dite de compte courant).
Il est conseillé de préciser dans une convention passée entre l’associé et
la société, les conditions de remboursement des avances consenties ainsi “en
compte courant”. En l’absence de telles précisions, l’associé peut demander à
tout moment, le remboursement du solde créditeur de son compte courant.
Alors que les véritables apports ont leur contrepartie au bilan dans le
compte «capital», ces avances ou prêts à la société sont enregistrés en
comptabilité sous un compte de passif qualifié de «compte courant  ».
Toutefois, si des apports sont faits à l’occasion d’une augmentation de
capital, les créances de l’associé apporteur peuvent se compenser avec ceux-ci,
à condition qu’elles soient exigibles, certaines et liquides, à moins que les
statuts ne s’y opposent : il s’agit alors d’une augmentation de capital par
incorporation de créances.

1-1-5-2- L’apport en nature


L’apport en nature concerne aussi bien les meubles que les immeubles,
corporels ou incorporels (marchandises, fonds de commerce, brevets
d’invention, locaux, droit au bail, etc.).
L’apport de certains biens nécessite d’être publié pour leur opposabilité
aux tiers: Ex. apport d’un fonds de commerce.

L’apport en nature peut être réalisé en propriété, en jouissance ou en


usufruit.

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En propriété  : La propriété et les risques sont transmis à la société au
jour de son immatriculation au RC. L’opération est très proche de celle de la
vente en ce que l’apporteur garantit la société contre l’éviction et les vices
cachés comme un vendeur son acheteur. En revanche, l’apporteur ne bénéficie
pas du privilège du vendeur. Cependant, l’apporteur reçoit en contrepartie de
son apport des parts ou des actions alors que le vendeur perçoit une somme
d’argent.
Le transfert de propriété n’intervient qu’au jour où la société est
immatriculée au RC.

En jouissance : la propriété n’est pas transférée à la société. Ce


mécanisme s’apparente à celui de la location en ce que l’apporteur met le bien
à la disposition de la société mais en demeure propriétaire.

En usufruit: la différence entre l’apport en usufruit et l’apport en


propriété tient au fait que la société ne peut pas disposer (faute d’abusus) du
bien apporté en usufruit. Elle peut juste l’utiliser (usus) ou le louer (fructus).
L‘usufruit peut résulter d’un démembrement de propriété opéré au
moment de la constitution de la société ou de l’augmentation de capital; dans
ce cas l’apporteur conserve la nue-propriété du bien et l’usufruit ne peut
excéder 30 ans.

Il est toujours particulièrement délicat de fixer la valeur exacte d’un bien.


Le danger principal tient dans la surévaluation du bien par l’apporteur, en vue
d’obtenir une part de capital plus importante que celle à laquelle il devrait
prétendre. Cette situation présente un double inconvénient:
- pour les autres associés du fait de l’inadéquation entre apport et
participation dans le capital social, ce qui rompt l’égalité entre les associés,
- pour les créanciers sociaux dont le droit de gage est faussé du fait d’un
capital social surévalué conférant à la société une apparence de solvabilité.
Pour pallier ces inconvénients, le législateur a prévu dans certains types
de sociétés (SA, SAS, SCA) une évaluation par un commissaire aux apports
(CAA) c’est-à-dire par un professionnel indépendant qui procède au chiffrage
du bien en engageant sa responsabilité.

Les statuts contiennent la description et l'évaluation des apports en


nature. Ceux-ci peuvent également faire l'objet d'un acte séparé mais annexé
aux statuts et signé dans les mêmes conditions (art. 24  loi n° 17-95 relative aux SA)

Le ou les CAA sont choisis parmi les personnes habilitées à

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exercer les fonctions de commissaires aux comptes (CAC). Ils peuvent se faire
assister, dans l'accomplissement de leur mission, par un ou plusieurs experts
de leur choix (art. 25 loi n° 17-95 relative aux SA)

Cas SARL Evaluation par un CAA lorsque la valeur d’un apport excède 100.000 dhs
et si la valeur totale de l’ensemble des apports en nature dépasse la moitié du capital ; les
statuts devant contenir l’évaluation de chaque apport en nature.
Tout apport de fonds de commerce (FC) à une société doit être publié au
BO et dans un JAL après   inscription au RC
Dans les 15 jours au plus tard après la seconde publicité, tout créancier non
inscrit de l'associé apporteur fera connaître par une déclaration au secrétariat-
greffe du tribunal qui a reçu l'acte, la somme qui lui est due (art. 104 Code Com.)
A défaut par les coassociés ou l'un d'eux de former, dans les trente jours
suivant la seconde publicité, une demande en annulation de la société ou de
l'apport, ou si l'annulation n'est pas prononcée, la société est tenue
solidairement avec le débiteur principal au paiement du passif déclaré et
dûment justifié. 
En cas d'apport du FC par une société à une autre société à l’occasion
d'une fusion ou d'une scission, ces dispositions ne s'appliquent que sous
réserve des dispositions relatives aux fusions et scissions de sociétés (art. 105
Code Com.).

1-1-5-3- L’apport en industrie


L’apport en industrie consiste dans l’engagement pris par un associé de
consacrer tout ou partie de son activité à la marche des affaires sociales.
Le régime juridique de l’apport en industrie se caractérise par les traits
suivants  :
- L’apporteur en industrie ne doit pas faire une concurrence déloyale à la
société dont il devient associé  ;
- L’apporteur en industrie, sauf clause statutaire contraire, voit sa part
dans les bénéfices, dans le « boni » éventuel de liquidation et sa contribution
aux pertes fixées à hauteur de celle de l’associé dont l’apport (en numéraire ou
en nature) est le moins élevé.
- L’apport en industrie, faute de valeur patrimoniale réalisable n’entre
pas dans la composition du capital social.

L’apport en industrie est autorisé:


Dans la SNC, dans les sociétés en commandite simple et par actions pour
les seuls commandités.

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Dans la SARL, il est admis lorsque l’objet social porte sur l’exploitation
d’un fonds de commerce ou d’une entreprise artisanale.

L’apport en industrie est interdit dans la SA, la SAS et dans les sociétés
en commandite simple et par actions pour les commanditaires.

1-1-5-4- Rémunération des apports : les titres sociaux


En contrepartie des apports faits à la société par les associés, celle-ci
émet des titres sociaux de même valeur nominale et caractérisés par leur
nature mobilière. Ces titres sont appelés actions dans les sociétés par action et
parts sociales, dans les autres sociétés

Les titres sociaux confèrent des droits aux associés et mettent à leur
charge une obligation essentielle, celle, de contribuer aux pertes sociales, mais
également les droits suivants:
* un droit sur les bénéfices réalisés  ;
* un droit sur les actifs nets de la société lors de leur répartition, à sa
dissolution ;
* le droit de participer aux décisions collectives des associés.
La cession et la négociation doivent être distinguées.  Les parts sociales
sont uniquement cessibles (cessibilité) tandis que les actions sont cessibles et
négociables (négociabilité).

1-1-6- Le partage des bénéfices et la contribution aux pertes


La finalité de la société est de réaliser des bénéfices et de les partager
entre les associés; elle s’accompagne en cas d ‘exploitation déficitaire, de la
contribution des associés aux pertes.

1-1-6-1- La recherche de bénéfices


Il s’agit du critère de distinction entre les sociétés et d’autres
groupements (but désintéressé, charitable, artistique, etc.). La société doit
poursuivre un but lucratif.
Sont exclus:
* la fondation: acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou
morales décident l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la
réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif ;
* l’association, convention par laquelle deux ou plusieurs personnes
mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur
activité dans un but autre que de partager des bénéfices;
* le groupement d'intérêt économique (GIE) structure dotée de la
personnalité morale -PM- permettant à ses membres de mettre en commun
15
certaines de leurs activités afin de développer, améliorer ou accroître les
résultats de celles-ci tout en conservant leur individualité.

Le bénéfice est  tout «gain pécuniaire ou matériel qui ajouterait à la


fortune des associés»; le gain devant correspondre à un enrichissement positif.
Il peut être la réalisation d’une économie : éviter une dépense, acheter du
matériel en commun à moindre coût.
Le bénéfice distribuable est le bénéfice de l’exercice :
* diminué des pertes antérieures et des dotations à la réserve légale et
aux éventuelles réserves statutaires;
* augmenté du report bénéficiaire ;

La répartition est proportionnelle à l’apport. Une répartition inégalitaire


peut être prévue dans les statuts. Sont interdites les clauses dites «léonines»,
qu’elles soient insérées dans le contrat de société ou dans un acte postérieur
aux statuts.

1-1-6-2- La contribution aux pertes


Elle est la contrepartie de la vocation aux bénéfices. Deux situations
juridiques sont à distinguer:
* La contribution aux pertes Elle concerne les rapports des associés
entre eux. Au moment de la liquidation de la société chaque associé
participera, en principe proportionnellement à son apport, aux pertes subies.
* L’obligation aux dettes (ou obligation au passif) Elle concerne les
rapports entre les associés et les créanciers sociaux. Ainsi les associés dans la
SNC, et les commandités dans la SCS ou la SCA, sont tenus d’une obligation aux
dettes indéfinie et solidaire.

1-1-7- L’affectio societatis


L’affectio societatis représente l’intention de s’associer. Le législateur
n’utilise pas cette notion à laquelle se réfère très souvent la jurisprudence. En
effet, les tribunaux affirment de façon constante qu’il ne saurait y avoir de
société sans une volonté de s’associer. L’affectio societatis est une notion
délicate à appréhender du fait de sa nature psychologique, intentionnelle. Un
large débat doctrinal s’est ouvert sur le point de savoir ce que recouvre la
notion même d’affectio societatis.

La conception classique voit dans l’affectio societatis une « collaboration


volontaire, active, intéressée et égalitaire ». Les associés ne sont pas seulement
apporteurs de biens, ils doivent collaborer à la mise en valeur du patrimoine de
la société, et ce, sur un pied d’égalité. Cette approche reste très théorique.
16
Si elle se vérifie en général dans les SNC, elle est en total déphasage avec la
réalité de la situation des actionnaires petits porteurs d’une SA cotée en
bourse.

Plus récemment, certains juristes ont vu dans l’affectio societatis une


volonté d’union ou une convergence d’intérêts. En effet, tous les associés
n’ont-ils pas un intérêt à la bonne marche de la société?
L’affectio societatis représente l’intention de s’associer. Le législateur n’utilise
pas cette notion à laquelle se réfère très souvent la jurisprudence. C’est la «
collaboration volontaire, active, intéressée et égalitaire ». En effet, tous les
associés n’ont-ils pas un intérêt à la bonne marche de la société?

Dans la SARLAU, l’associé unique doit se comporter en qualité de


membre d’un groupement personnalisé en prenant grand soin d’éviter de
confondre son patrimoine propre et le patrimoine social.

L’intérêt de la notion d’affectio societatis est de permettre de rechercher


la qualification de société dans des cas limites où les parties n’ont pas
manifesté clairement leur volonté: on recherche ainsi, à travers leur
comportement, si elles se sont comportées comme des associés. Cela permet
de distinguer la société - et notamment la société de fait- de contrats voisins
tels que le contrat de travail ou le contrat de louage d’ouvrage.
Sa présence demeure indispensable à la validité de toute société. Elle
peut être définie comme : « La volonté de tous les associés de collaborer
ensemble et sur un pied d’égalité à la poursuite de l’œuvre commune » .

1-2- Les règles de forme relatives à la formation de la société


Elles tiennent pour l’essentiel dans l’accomplissement des formalités
suivantes  :

Formalité 1: Certificat Négatif (CN)


Le CN est un document qui atteste qu’aucune autre entreprise, au Maroc,
ne porte le même nom que celui choisi par le demandeur pour sa société.
La demande du CN se fait à l’Office Marocain de la Propriété Industrielle
et Commerciale (OMPIC) représenté au sein du Centre Régional
d’Investissement (CRI)  : 170 dhs
Passé le délai d’un mois, les CN non retirés seront annulés. Idem pour les
CN retirés et non déposés pour inscription au registre du commerce (RC).
La protection s’étend sur le territoire national au-delà du rayonnement
de la société

17
Formalité 2: Etablissement des statuts
Les statuts constituent l’acte par lequel les parties formalisent leur
accord. Cet écrit qui peut être sous forme d’acte authentique (notarié) ou
d’acte sous seing privé (SSP, fiduciaires, avocats, experts comptables,
conseillers juridiques, etc.) , contient les mentions obligatoires suivantes  : la
forme, la durée, le siège social, la dénomination sociale, le capital social et
l’objet social, ainsi que des mentions facultatives.
Le droit d’enregistrement est de 0,5% du capital, avec un minimum de
1000 dhs (frais de timbres  : 20 dhs par feuille).

Formalité 3: Etablissement des bulletins de souscription


L’établissement des bulletins de souscription ou des actes d’apport (le
cas échéant), particulièrement pour les SA, SAS et SCA.

Formalité 4: Blocage du montant du capital libéré


Le dépôt doit être effectué dans un délai de 8 jours à compter de la
réception des fonds par la société. Une attestation de blocage de capital libéré
est délivrée par la banque.

Formalité 5: Etablissement des déclarations souscription/versement


Sont concernées les SA, SAS et les SCA.

Formalité 6: Dépôt des actes de création et formalité d'enregistrement


Le dépôt des actes se fait au niveau de la Direction Régionale des Impôts
(DRI) représentée au sein du CRI
Dans le mois de l’acte (30 jours) à compter de la date de l’établissement  :
contrat de bail (200 dhs) ou acte d’acquisition

Formalité 7: Inscription à la taxe professionnelle et identification fiscale


IS ou IR, taxe professionnelle et TVA

Formalité 8: Immatriculation au registre de commerce (RC)


Excepté la société en participation SEP
La demande se fait au niveau du tribunal de commerce représenté au
sein du CRI. Cette opération coûte 350 dhs  (dépôt des statuts : 200 dhs;
immatriculation au RC : 150 dhs)
Il est créé un registre électronique du commerce (art. 27 Code Com.)

. - Dahir n°1-18-110 du 9 janvier 2019 portant promulgation de la loi n° 89-17


modifiant et complétant la loi n° 15-95 formant code de commerce (BO n° 6788 du 20 Juin
2019, p.1472).

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Formalité 9: Affiliation à la CNSS
Cette opération sans frais se fait au niveau de la CNSS représentée au
sein du CRI

Formalité 10: Publications officielles


- Journal d’annonces légales  (JAL)  : avant et après immatriculation au
RC  ; - Bulletin officiel.
Les frais d’annonces varient d’un journal à un autre selon l’importance
d’espace acheté.

1-3- La sanction du non-respect des règles de constitution des


sociétés
Lorsque des irrégularités apparaissent au cours du processus de
constitution des sociétés, il y a nullité.
Rappelons qu’il existe deux formes principales de nullités  :
• les nullités absolues dont la finalité est la protection de l’intérêt
général  : objet ou cause d’un contrat de société illicites; tout intéressé peut
demander au tribunal l’annulation de la société.
• les nullités relatives dont la finalité est la protection de l’intérêt
particulier d’un des contractants  ; à ce titre seul celui que le législateur entend
protéger peut agir  : vice de consentement ou incapacité.
Que la nullité soit absolue ou relative ses effets sont les mêmes, à savoir
pour l’essentiel l’anéantissement rétroactif de l’acte concerné, censé n’avoir
jamais existé. En pratique, l’application du régime des nullités au contrat de
société présente de graves inconvénients. En effet, si la société est annulée, les
contrats de travail, d’achat, de vente le sont aussi, ce qui est très
dommageable aux tiers de bonne foi. C’est la raison pour laquelle le législateur
a cherché à réduire au maximum le prononcé des nullités de sociétés, et précisé
que, par dérogation, la nullité d’une société n’a pas d’effet rétroactif ; elle
s’apparente à une dissolution. Le jugement d’annulation met fin à la PM de la
société qui cesse d’exister pour l’avenir.
Le législateur a entendu protéger ainsi les tiers de bonne foi qui,
confrontés à une annulation rétroactive verraient leurs droits de créance
contre la société transformés en droits de créance contre la personne avec
laquelle ils auraient contracté, situation beaucoup moins favorable pour eux.

Les causes de nullité sont strictement délimitées par les textes.

1-3-1- Nullité pour défaut de publicité


Elle est uniquement prononcée en ce qui concerne les SNC et les sociétés
en commandite simple -SCS-

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Le juge appelé à prononcer la nullité sur ce fondement, ne le fera que s’il
constate une fraude dans la constitution. Dans les autres sociétés, le défaut de
publicité (insertion, dépôt, immatriculation) donne lieu à régularisation et à
mise en jeu éventuelle de la responsabilité des fondateurs.

1-3-2- Nullité en cas de violation des dispositions régissant les


contrats en général
Cette seconde catégorie comprend la nullité résultant des cas suivants  :
• Violation d’une condition générale de validité des contrats  :
consentement vicié, incapacité d’un associé, objet ou cause illicites.
• Absence d’un des éléments spécifiques du contrat de société à savoir:
la mise en commun d’apports faits par chacun des associés (absence d’au
moins deux associés sauf pour la SARLAU, absence ou fictivité d’un apport);
vocation au partage des bénéfices et la contribution aux pertes; affectio
societatis.
En cas d’annulation, les fondateurs responsables de l’irrégularité
peuvent voir leur responsabilité civile mise en jeu.
Contrairement au droit commun, toutes les actions en nullité peuvent
être écartées par l’exercice d’une action en régularisation, à l’exception de
celles fondées sur l’illicéité de l’objet social ou de la cause.

Complément : la société en formation -SEF-


Entre la signature du contrat de société (statuts) et la jouissance de la
PM, s’écoule un laps de temps pendant lequel certaines opérations (conclusion

20
d’un bail commercial ou d’un contrat de travail) doivent être accomplies par les
fondateurs pour le compte de la société en formation en vue de préparer
l’exploitation sociale.
Durant cette période, la société est en formation, elle n’a pas encore
d’existence juridique propre et ne peut s’engager dans les liens du contrat.

Le législateur a organisé la protection des tiers qui contractent avec une


société encore dépourvue de la PM par la mise en place d’une solution
alternative  :
* Soit la société après avoir été régulièrement constituée et
immatriculée, reprend à son compte les engagements souscrits qui sont alors
réputés l’avoir été par la société dès l’origine  ;
* Soit la société ne reprend pas les engagements souscrits par les
fondateurs qui sont dès lors tenus de leur exécution.

Deux régimes de reprise des actes conclus au cours de la période


constitutive : la reprise automatique et la reprise décidée après
immatriculation au RC.

Actes conclus entre le début de la Actes conclus entre la


période constitutive et la signature signature et l’immatriculation
des statuts au RC

Procédure Liste annexée aux statuts et Mandat exprès donné à


normale adoptée avec eux (ratification) personne déterminée

Procédure Décision de la collectivité des associés prise à la majorité (sauf clause


exceptionnelle contraire des statuts) après immatriculation (ratification)
«  reprise balai»

Complément: La notion d’appel public à l’épargne -APE-

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Est réputée faire publiquement appel à l’épargne:
- toute société qui compte plus de 100 actionnaires  ;
- toute société dont les titres sont inscrits à la cote de la bourse des
valeurs  ;
- toute société qui pour le placement des titres qu’elle émet, a recours,
soit à des sociétés de bourse, à des banques ou d’autres établissements
financiers, soit au démarchage ou à des procédés de publicité quelconque.
Il peut y avoir APE tant lors de la constitution de la société (constitution
du capital), qu’en cours de vie sociale (renforcement des fonds propres).

Les formalités de constitution d’une SA faisant APE sont les mêmes que
celles des SA ne faisant pas APE en plus de certaines exigences légales destinées
à protéger les épargnants.
Elles doivent notamment avoir un capital social minimum de 3 000 000
dhs et sont soumises à des obligations d'informations périodiques,
occasionnelles et permanentes (loi n° 44-12 relative à l’APE et aux informations
exigées des personnes morales et organismes faisant APE).

Avant les opérations de souscription, l’information du public est réalisée


Lors de la constitution, la souscription des actions en numéraire est
constatée par un bulletin de souscription daté et signé par le souscripteur ou
son mandataire, indiquant en toutes lettres le nombre de titres souscrits.
Une assemblée constitutive doit être réunie, ayant pour mission :
– de constater que le capital est entièrement souscrit ;
– de statuer sur l’évaluation des apports en nature ;
– d’adopter les statuts ;
– de nommer les organes sociaux.

L’autorité de régulation du marché des capitaux -AMMC-, instituée par la


loi n° 43-12, a pour mission de veiller à la protection de l’épargne investie en
instruments financiers.

Complément : les sociétés dépourvues de personnalité morale -PM-

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Elles ne sont pas immatriculées au RC.

1- La société en participation -SEP-


Les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée.
Elle est souvent « occulte » : volonté des associés de ne pas révéler aux tiers les
raisons qui les poussent à se regrouper et l’objet social qu’ils souhaitent
développer ensemble. Elle n’a pas de la personnalité morale et n’est soumise à
aucune formalité de publication (art 89 de la loi 5-96).
Si aucune condition de forme n’est prescrite pour la validité de la société,
le souci de définir clairement les droits et obligations des associés conduisent
pratiquement à établir un acte. La SEP n’existe que dans les rapports entre
associés et n’est pas destinée à être connue des tiers.

La durée de constitution de la SEP est librement fixée par les associés.


Envisagée pour une courte durée, elle s’achève en même temps que la
réalisation d’un objet social. Celui-ci est librement choisi par les associés sous
réserve des dispositions des articles 982/985/986/988 du dahir des obligations
et des contrats - DOC-.

Son existence peut être prouvée par tous les moyens.

2- La société créée de fait


Non définie par le législateur, elle est d’origine jurisprudentielle.
Issue du comportement professionnel de deux ou plusieurs personnes
susceptibles d’être qualifiées d’associés sans toutefois avoir eu l’intention
délibérée de créer une société.
Sont applicables à cette société les règles relatives au fonctionnement de
la SEP.

La distinction société créée de fait et société en formation


La société en formation n’a d’existence qu’en vue de l’acquisition de la
PM alors que la société créée de fait existe à partir du seul accord des parties
sans recherche de la PM. Précisons que la société créée de fait est celle dans
laquelle les participants se comportent entre eux vis-à-vis des tiers comme des
associés.

2- La société personne morale -PM-

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La personnalité morale -PM- confère au groupement qui en est doté une
identité. En vertu de la loi, la société acquiert la personnalité morale à
l’immatriculation au RC.

2-1- Les attributs de la PM


La personnalité des sociétés est calquée sur celle des personnes
physiques sauf lorsqu’une disposition expresse ou qu’une impossibilité
naturelle s’y oppose.

2-1-1- L’état des sociétés


Il comprend deux catégories d’éléments. Les uns, extrapatrimoniaux,
permettent d’identifier la société. L’autre, le patrimoine, lui confère une
autonomie financière indispensable à son existence.

2-1-1-1- Les attributs extrapatrimoniaux


2-1-1-1-1- La forme sociale
Elle constitue un mode d’individualisation important des sociétés en ce
qu’elle détermine le statut juridique qui leur est applicable.

2-1-1-1-2- La capacité des sociétés


* La capacité de jouissance L’étendue de la capacité de jouissance des
sociétés est, contrairement à celle des personnes physiques, limitée par le
«  principe de spécialité ».
La spécialité légale Une société est constituée en vue de partager des
bénéfices, elle ne peut agir que dans ce but. Ajoutons qu’au sein même des
sociétés commerciales certaines activités sont réservées à certaines formes et
interdites à d’autres (l’activité bancaire ou d’assurance ne peut être exploitée
sous forme de SARL par exemple).
La spécialité statutaire L’objet social en vue de la réalisation duquel la
société se constitue, est précisé dans les statuts. En conséquence, la société
doit agir dans la limite de son objet.

* La capacité d’exercice La société a besoin d’être représentée de façon


permanente pour exercer ses droits. Ses représentants légaux sont chargés de
cette mission.

2-1-1-1-3- La dénomination sociale


Elle sert à désigner la société dans la vie commerciale ainsi que lors des
actes juridiques qu’elle conclut.
Les modalités d’attribution de la dénomination sociale sont très
simples  ; pour l’essentiel, les fondateurs la choisissent librement. Ils peuvent

24
retenir une appellation de fantaisie, inspirée de l’objet de l’entreprise ou bien
de son lieu d’exploitation. La dénomination sociale peut se résumer au nom
d’un ou plusieurs associés.
La liberté de choix en matière de dénomination sociale est toutefois
limitée par le risque d’atteinte à la dénomination identique de sociétés
existantes.

2-1-1-1- 4- Le siège social


Il doit être localisé par une adresse ou une indication géographique
suffisamment précise. II ne peut pas être simplement constitué par une
domiciliation à une boite postale.

Désormais, les personnes morales sont autorisées à installer le siège


social au domicile du représentant légal. Le représentant légal doit présenter, à
l’appui de la demande d’immatriculation ou d’inscription modificative, l’acte
de propriété ou l’accord écrit du propriétaire du local.
 
La domiciliation de l’entreprise est le contrat par lequel une personne
physique ou morale, dénommée domiciliataire, met le siège de son entreprise
ou son siège social à la disposition d’une autre personne physique ou morale,
dénommée domiciliée pour y établir le siège de son entreprise ou son siège
social, selon le cas (art 544-1 Code Com.).
 La loi interdit de domicilier des sociétés ayant leur siège au Maroc, et à
chaque personne morale d’établir son siège dans plus d’un lieu de domiciliation
(art. 544-5 Code Com.).

Le siège social joue un rôle très important dans la vie de la société


puisque c’est à partir de lui que se déterminent:
* la loi applicable,
* les tribunaux territorialement compétents;
* la nationalité de la société;
* le lieu où doivent être accomplies les formalités légales de publicité.

Le régime du siège social est similaire à celui de la dénomination sociale;


il peut être modifié, mais dans le strict respect des conditions de modification
des statuts, c’est-à-dire par une décision de l’assemblée des associés statuant
extraordinairement. Le simple déplacement du siège social, n’est pas concerné
par cette disposition. En effet, lorsqu’il s‘agit de transférer le siège social à un
autre endroit de la même préfecture/province, la décision des organes de
gérance ou d’administration de la société suffit  ; il n’est pas besoin, dans ce cas,
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de réunir une assemblée générale. Toutefois, cette décision doit être ratifiée
par la plus prochaine AGE.

Loi 89-17 relative à la domiciliation des entreprises du 9 janvier 2019.

2-1-1-1- 5- La nationalité
La solution de principe est la suivante : la société a la nationalité du pays
où se situe son siège social.

2-1-1-1- 6- Durée de la société


La société commerciale a la durée prévue par ses statuts. Sa durée
maximale de vie est de quatre-vingt-dix-neuf (99) ans, courant à compter de
son immatriculation au registre du commerce. Elle peut être prorogée.

2-1-1-2- Les attributs patrimoniaux : le capital social


En sa qualité de personne juridique la société possède un patrimoine en
propre.
Les notions de capital social et de patrimoine social ne doivent pas
être confondues: Le patrimoine social comprend tous les droits et obligations
de la société ; sa composition varie constamment en fonction des opérations
qu’elle réalise et sa valeur augmente ou diminue selon qu’elle fait des bénéfices
ou des pertes.
À la constitution, le capital social est égal à la somme de tous les apports
en numéraire et en nature. L’originalité du capital social tient au fait qu’il est le
gage des créanciers sociaux. À ce titre, il est dit fixe ou intangible. Plusieurs
conséquences en découlent:
* La société ne peut pas distribuer aux associés des sommes par
prélèvement sur le capital social sous peine de rendre les dirigeants passibles
du délit de distribution de dividendes fictifs.
* La société peut lors de sa dissolution, après avoir désintéressé tous les
créanciers sociaux, procéder au remboursement des apports par prélèvement
sur le capital.
La loi impose un capital social minimum dans les formes sociétaires
limitant la responsabilité des associés à leurs apports  :
SA ne faisant pas appel public à l’épargne 300 000 dhs
SA faisant appel public à l’épargne 3 000 000 dhs
SAS 300 000 dhs
Dans les autres formes de sociétés, aucun minimum n’est requis.

2-1-2- La responsabilité de la société


Elle est double.

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2-1-2-1- La responsabilité civile
Il a toujours été admis qu’une société est civilement responsable des
dommages qu’elle occasionne. Le but de la responsabilité civile est de réparer
le préjudice et non de sanctionner l’auteur du dommage.
La responsabilité civile de la société peut être constituée soit par la faute de
son représentant légal soit par celle de son préposé.

2-1-2-2- La responsabilité pénale


La société est responsable pénalement. Selon la loi, les infractions
doivent avoir été commises pour le compte de la société par ses organes ou
représentants.
Soulignons que la responsabilité pénale de la société n’est pas exclusive
de «celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits »
La responsabilité des personnes morales est sanctionnée par des
amendes
D’autres peines peuvent sanctionner la personne morale, elles vont de la
confiscation de la chose ayant servi à commettre l’infraction jusqu’à sa
dissolution.

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