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Memoire Moez Kaaniche.1
Memoire Moez Kaaniche.1
Février 2011
Je dédie ce travail
Mes parents
Que ce travail soit pour eux une récompense et une reconnaissance de ma part pour tous les
sacrifices, efforts, encouragements et soutien qu’ils n’ont cessé de m’apporter.
Mon frère
Mes ami(e) s
Pour leur soutien, qu’ils trouvent dans ce mémoire ma grande considération pour eux.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidé et encouragé tout au long de la rédaction
de ce mémoire.
BIBLIOGRAPHIE 124
INTRODUCTION GENERALE
La volonté de libéraliser et d’internationaliser le fonctionnement des marchés financiers,
apparue vers le milieu des années 1980, s’est notamment traduite par une réforme importante
des modalités de leur contrôle. Alors qu’un rôle important était, antérieurement, dévolu aux
pouvoirs publics, il a été décidé de confier cette mission à des sociétés de droit privé, à savoir
les agences de notation ou agences de rating.
Le changement dans l’organisation des marchés a été significatif dans le sens où les banques
commerciales considérées jusqu’alors comme la source principale de financement aussi bien
pour les sociétés que pour les collectivités locales et les pays souverains, ont été relayées,
grâce au processus de désintermédiation, par le marché financier et ce, à travers les
obligations et les titres négociés. De même, dans un processus similaire, connu sous le nom de
titrisation, les crédits hypothécaires, les créances sur les cartes de crédit et même les emprunts
bancaires sont transformés en titres négociés sur le marché financier. Toutefois, cela ne
signifie nullement que le rôle des banques est amoindrie dans la finance moderne, mais
seulement que les décisions d’octroi, ou non, des crédits ne sont plus centralisées au niveau
des banques, comme c’était le cas, par le passé.
En effet, durant les dernières décennies, ces changements ont permis aux agences de notation
de crédit de prendre de l’importance et d’acquérir un certain pouvoir, en tant que forme de
régulation privée.
Vu que la libéralisation et l’internationalisation des marchés financiers ont augmenté
considérablement l’exposition au risque, il est devenu nécessaire de mettre sur pieds, des
mécanismes de divulgation, de vérification et d’analyse de l’information financière, fiables et
comparables, à l’échelle mondiale ; ainsi, par exemple, si un AA attribué à une société de
métallurgie sud-coréenne, équivaut en termes de risque, à un AA attribué à une société
spécialisée dans la papeterie en Grande Bretagne, ou à une société d’équipement électrique en
Tunisie, l’investisseur pourra se baser sur ces notes pour décider de son investissement. Si
l’on considère que les investisseurs nationaux ont le plus souvent une estimation relativement
précise du niveau de risque de l’émetteur, les investisseurs étrangers, quant à eux, souhaitent
généralement disposer d’une appréciation réalisée selon des critères et des échelles qui leurs
sont familiers ; à savoir, celle fournie par des agences internationales. Les groupes de stature
internationale ont eu peu à peu l’obligation de se faire noter, suivies en cela, par les sociétés
de moindre taille, s’adressant pour la plupart à des investisseurs nationaux.
1
Si les agences de notation prennent de plus en plus de place dans le fonctionnement des
marchés financiers, cela ne les rend pas pour autant indispensables, car beaucoup, parmi ces
derniers, ont survécu et même fleuri, par le passé, sans leur existence, grâce aux banques qui
ont essentiellement assumé le risque de crédit, dans la relation entre ceux qui voulaient
investir de l’argent et ceux qui étaient à la recherche de financement. Aussi, les marchés
financiers ont toujours compté sur des critères tels que la confiance et la notoriété de
l’emprunteur dans leur décision de financement. Mais ce système devenant archaïque, la
notation est devenue la norme à suivre sur le marché.
Si personne n’ignore ce qu’est l’activité d’une banque, d’une compagnie d’assurance, ou celle
d’un auditeur, ce n’est pas toujours le cas avec les agences de rating qui sont des entités
tellement spécialisées que leur objectif et leurs opérations ne sont pas transparentes, hormis
pour ceux qui y travaillent.
Une agence de notation est sensée émettre un jugement sur la solvabilité d’un émetteur et son
intention de rembourser à temps le principal et les intérêts d’un titre, tout au long de sa durée
de vie ; ce jugement ne peut être considéré comme une recommandation d’achat, de vente ou
de détention d’un titre. En d’autres termes, la notation de crédit constitue tout juste une partie
des informations dont dispose un investisseur, dans ses prises de décisions. L’évaluation se
concrétise par une note qui est communiquée à l’émetteur, puis à l’ensemble du marché
financier. Cette note est sujette à un suivi, en ce sens que l’agence procède à des examens
périodiques de la situation de l’émetteur, en vue de confirmer ou de modifier la note
initialement attribuée.
Les agences de notation émettent donc des notes sur des sociétés, des institutions financières,
des collectivités locales et des états souverains, aussi bien sur leurs engagements sur le long
terme (Obligations…) que sur le court terme (des billets de trésorerie…). Une fois ces notes
émises, elles doivent faire l’objet d’un suivi régulier, et être revues à la hausse comme à la
baisse en cas d’évolution affectant la solvabilité de l’émetteur ; cette surveillance et cette mise
à jour continuelle se situent au cœur de l’activité de ces agences.
Suite à la crise asiatique de la fin des années 90, et l’éclatement de la « bulle » du secteur des
technologies de l’information, au début du troisième millénaire, et surtout suite à la récente
crise économique mondiale, les agences ont été accusées de commettre des erreurs
d’appréciation fortement préjudiciables, tant au bon fonctionnement des sociétés émettrices
qu’à celui des marchés financiers.
2
Cela étant, il est devenu clair que le fait de se baser exclusivement sur les agences de notation,
que ce soit dans le choix de l’investissement, lors de l’émission de crédits, ou pour la
régulation des marchés, est une stratégie imprudente. Il est aussi devenu évident, que la
plupart des intervenants, dans le marché financier, n’avaient pas une vision lucide du rôle de
ces agences, ni sur leur façon de procéder, ni même sur ce qu’on pouvait attendre d’elles.
Toute cette polémique autour de la responsabilité des agences de notation dans la crise des
subprimes, a poussé, d’une part, certains régulateurs de marché à essayer de trouver une
alternative à ces agences de notation, ou, au moins, réglementer la façon avec laquelle elles
opèrent ; et d’autre part, certains intervenants, tels que les cabinets d’audit, à s’intéresser au
marché de la notation et y voir une réelle opportunité.
Donc, afin de pouvoir juger de l’opportunité existante pour les cabinets d’audit d’intervenir
dans le marché de la notation de crédit, ce mémoire se propose, dans une première partie,
d’analyser les composantes de cette activité telles que le risque de défaut, le taux de
recouvrement, les différentes échelles de notation et leurs interprétations ; ensuite, de fournir
un aperçu sur l’utilité économique de la notation de crédit et du rôle qu’elle joue dans la
réduction de l’asymétrie de l’information, ce qui permettra de cerner les différents marchés et
utilisations de la notation financière. Et enfin, d’exposer, avec les différentes méthodes
d’analyse existantes, les différentes étapes de détermination de la note, les spécificités de
certains secteurs et l’évaluation de la performance de notation.
Une fois l’activité de notation analysée, la deuxième partie de ce mémoire sera réservée, en
premier lieu, à l’analyse de l’éligibilité de la notation de crédit aux missions d’assurances qui
pourraient être menées pas un expert comptable. Puis, en second lieu, elle s’intéressera à
l’opportunité s’offrant aux cabinets d’expertise comptable de pénétrer ce marché ; et ce, en
étudiant l’adéquation de leur profil pour bien mener ce genre de missions.
La troisième partie qui sera d’ordre pratique, traitera du cycle de notation de la société
SIAME.
3
PREMIERE PARTIE : SPECIFICITES TECHNIQUES DE LA NOTATION DE CREDIT
INTRODUCTION
Le monde de la notation de crédit est un espace extrêmement rempli. Plus de 745 000 titres
émis par plus de 42 000 émetteurs, représentant plus de 30 Milliards de Dollars, sont notés par
environ 150 agences de notation, dans plus de 100 pays dans le monde. Mais qu’est
exactement la notation de crédit ?
Il n’existe pas de définition précise, ni de modèle standard pour décrire la notation de crédit,
ni même une association d’agences de notation pour les représenter. Durant la revue mondiale
de l’industrie de notation qui a eu lieu entre 2003 et 2006, divers organismes de régulation à
travers le monde, ont donné leur définition de la notation de crédit. Selon l’US Securities
Exchange Commission (SEC), la notation de crédit reflète l’opinion, à une date donnée, d’une
agence de notation, sur la solvabilité d’une société, d’un titre ou d’une obligation1. Pour
l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (OICV) et the Committee of
European securities regulators (CESR) : la notation de crédit est une opinion relative à la
solvabilité d’une entité, d’un engagement de crédit, d’une dette ou d’une obligation ou de leur
émetteur, exprimée dans un système de classement bien défini… ce n’est ni une
recommandation d’achat ou de vente, ni une recommandation de détention de tels
instruments2. En d’autres termes, ce sont des organismes qui évaluent la probabilité qu’un
émetteur fasse défaut, aussi bien dans ses obligations financières générales (La notation de
l’émetteur), que dans un engagement en particulier (La notation d’un instrument de dette).
Selon the US Credit Rating Agency reform Act de 2006, le terme notation de crédit signifie :
l’évaluation de la solvabilité d’un emprunteur en tant qu’entité ou en regard d’un instrument
particulier3.
1
US Securities Exchange Commission, 2003, Report on the role and function of credit rating agencies in the
operation of the securities markets, January 1-45, page 5.
2
Technical Committee of International Organisation of Securities Commissions, 2004, Code of conduct
fundamentals for credit rating agencies, December, OICV-IOSCO PD 180, 1-12, page 3, and the Committee of
European Securities Regulators,2005, The use of ratings in private contracts, Technical Advice to European
Commission on possible measures concerning rating agencies, March, CESR/05-139b, 1-93, page 12.
3
United States House of Representatives, 2006, H.R. 2990, short Title: Credit rating Duopoly Relief Act of
2006, July 13, 1-26, page 4 and United States Senate, 2006, Credit Rating Agency Reform Act of 2006 (S.3850),
109th Congress, 2D Session, September 22.
4
Tandis que ces définitions donnent une image plus ou moins exhaustive des composants
essentiels de la notation de crédit, le meilleur endroit où trouver la réponse à notre question
est l’industrie de notation de crédit elle-même. Aussi, chacune des agences de notation a-t-elle
sa propre définition de la notation de crédit.
Les trois plus grandes agences de notation (selon l’ordre alphabétique) sont : Fitch, Moody’s
et Standards & Poor’s (S&P), et leur définition de la notation de crédit sont les suivantes :
• Selon Fitch, la notation de crédit fournit une opinion sur la capacité relative d’une
entité à faire face à ses engagements financiers… Elle est utilisée par les investisseurs
comme une indication sur la probabilité d’être ou non remboursés, conformément aux
termes sur lesquels ils ont investi… Selon leurs utilisations, les notations constituent
des mesures de références quant à la probabilité de défaut, de même qu’une estimation
de la perte, en cas de défaut4.
• D’après Moody’s la notation de crédit est une opinion indépendante sur le risque de
crédit. C’est une estimation de l’habilité et de la volonté d’un émetteur de titres de
dettes de payer à temps la totalité du montant dû, sur un titre, tout au long de sa durée
de vie5.
• Pour S&P, la notation de crédit constitue une opinion sur la solvabilité générale d’un
emprunteur, ou particulière d’un de ses titres ou obligations financières, et ce, sur la
base des facteurs de risque appropriés6.
La différence entre ces trois définitions reflète les divergences entre les agences de notation.
Fitch insiste sur le fait que la notation est relative et concerne le défaut. Sa définition souligne
la distinction entre la probabilité que le défaut se produise et la perte potentielle pour
l’investisseur. Moody’s insiste sur l’indépendance de son opinion, et la volonté de l’émetteur
d’effectuer les remboursements nécessaires. Pour S&P, la notation concerne la solvabilité
d’un émetteur en tant que tel ou d’une émission en particulier, et son opinion est basée sur les
facteurs risques appropriés. Malgré ces différences, les trois plus grandes agences de notation
s’accordent à dire que la notation est une opinion sur la possibilité qu’un émetteur
4
Fitch Ratings, 2007. Fitch rating definitions: Introductions to rating, Resource Library, March 26, 1-4, page 1.
5
Moody’s Investors Service, 2004, guide to Moody’s ratings, ratings process, and rating practices, June, Report
87615, 1-48, page 9.
6
Standard & Poor’s, 2005, Corporate Ratings Criteria 1-119, page 8.
5
d’instruments de dettes rembourse, à l’échéance et en totalité, les montants dûs. Le point
commun est que la notation concerne le défaut de remboursement et place un émetteur ou un
instrument sur une échelle allant du moins probable de faire défaut au plus probable de le
faire ; la notion de défaut s’avère donc, essentielle pour bien comprendre la notation de crédit.
Dans ce qui suit nous traiterons des éléments relatifs à cette notion.
6
Chapitre I LES FONDEMENTS DE LA NOTATION DE CREDIT
1. Le défaut de remboursement
Le défaut est une des notions les plus ambigües dans la loi, alors que son analyse prospective
se trouve au cœur de l’activité des agences de notation. Et comme la mesure correcte du
risque de défaut est primordiale dans la détermination du prix des instruments de dettes, nous
nous devons d’être plus clairs, quant à la définition du défaut.
Selon le dictionnaire7, le défaut est : « l’échec dans le remboursement d’un montant dû »,
alors que l’article 268 du code des obligations et des contrats définit le défaut comme étant :
« le retard dans l’exécution d'une obligation, en tout ou en partie, et sans cause valable », par
cause valable, le législateur vise les cas prévues par l’article 282 du code des obligations et
des contrats tels que la force majeure, le cas fortuit ou la demeure du créancier, mais en aucun
cas l’insolvabilité du débiteur ; ces deux définitions nous permettent, au moins, de commencer
à appréhender le monde du défaut des sociétés. Quel que soit l’émetteur, et même si les
défauts sont peu fréquents, l’histoire nous a prouvé que toute dette comporte un risque de
défaut. Ce risque peut être élevé ou faible, mais aucune dette n’a de garantie absolue. Et
comme nous ne pouvons prédire l’avenir, toute évaluation du risque est, par nature, subjective
et elle peut être estimée de différentes façons et présenter différents degrés d’exactitude.
13.00
12.50
12.00
11.50
11.00
10.50
10.00
9.50
Taux de défaut dans les 5 ans (%)
9.00
8.50
8.00
7.50
7.00
6.50
6.00
5.50
5.00
4.50
4.00
3.50
3.00
2.50
2.00
1.50
1.00
0.50
0.00
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1972
1973
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1979
1980
1981
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1983
1984
1985
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1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Année d'émission
Figure 1.1 : Taux de défaut cumulé dans les 5 ans qui suivent l’émission, toutes les obligations émises par des
sociétés entre 1970 et 2002.
Source : Moody’s Investors Service, June, Report 102071, 1-48, page 28.
7
Webster’s New World Dictionnary of the American Language, 1970