SERVICES DE CONCIERGERIE n TERRORISME

N ° 336 >>> Votre lecture se poursuit en ligne sur

MAI-JUIN 2017 www.revue-espaces.com
LES SERVICES EN LIGNE DE LA REVUE ESPACES
REVUE BIMESTRIELLE

ESPACES tourisme et loisirs

WWW.REVUE-ESPACES.COM
CENTRE DE RESSOURCES DOCUMENTAIRES LE TOURISME
WWW.CAMPUS-ESPACES.COM
FACE AU
RENCONTRES PROFESSIONNELLES ET FORMATIONS PRO TERRORISME

DOSSIER
WWW.EMPLOIS-ESPACES.COM
OFFRES D’EMPLOI ET DE STAGE

WWW.MARCHES-ESPACES.COM
MARCHÉS PUBLICS, MAPA ET DSP
LA RÉVOLUTION
DES SERVICES DE
ESPACES tourisme et loisirs
CONCIERGERIE
@REVUE_ESPACES
L’ACTUALITÉ DU TOURISME SUR TWITTER

HTTP://TOURISME.REVUES.ORG
MONDES DU TOURISME SUR LE PORTAIL SCIENTIFIQUE REVUES.ORG

CAHIER
336
 SOMMAIRE
PAGE 122 DOSSIER PAGE 4

MARKETING
DE DESTINATION LE TOURISME
FACE AU TERRORISME
Des slogans touristiques La sécurité est un facteur de plus en plus
interchangeables important dans l’attractivité d’une destina-
Analyse du positionnement tion. Elle est l’affaire des pouvoirs publics,
de 160 pays bien sûr, mais aussi des lieux qui accueillent
CHARLES-ÉDOUARD du public et, enfin, de tout un chacun.
HOULLIER-GUIBERT
6 CLAUDE ORIGET DU CLUZEAU

12 ALEX ALTSHULER

16 CLAUDE ORIGET DU CLUZEAU

18 SOPHIE HUBERSON

23 VINCENT CAPO-CANELLAS

29 JEAN-PAUL HUCHON

34 ELIZABETH JOHNSTON ET CARLA NAPOLANO

38 DAVID LISNARD

44 DENIS ZANON

2 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
CAHIER PAGE 47

LA RÉVOLUTION DES SERVICES

DE CONCIERGERIE
Aujourd’hui, les touristes voyagent seuls, veulent faire des rencontres
authentiques, exigent des services ultrapersonnalisés… mais aussi une
assistance en cas de problème. Pour cela, ils ont plus que jamais besoin d’une
assistance personnelle sur place, qu’elle soit fournie par leur hébergement,
par un office de tourisme ou par une conciergerie privée (robotisée ou pas).

50 NICOLAS DONNÈVE 92 LAURE DE BOERIO

55 ROGER BASTONI 95 NICOLAS MARTIN

59 JULIE EUGÈNE 99 MARJORIE MICHEL

63 MATHIEU POLLET ET 103 SYLVAIN PECHCONTAL ET

MARYLOU BIDAULT SABINE DARRIEUTORT

67 ROMAIN NKOUNKOU 107 HERVÉ PARGUE

70 MAYA SALA 110 PIERRE-JULIEN CROVISIER

74 JULIEN BRUNEL 114 PIERO CIPRIANO

78 CLOTHILDE PATIN 119 ALEXANDRA ORIGET DU CLUZEAU

80 BENOÎT CERCEAU

84 CLAUDE BLANC

88 THIERRY MAINCENT ET

ALEXANDRE BARBE

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 3
 LE TOURISME FACE
STRATÉGIE
DE RECONQUÊTE
“La menace terroriste doit servir
de catalyseur à la transformation
PRÉVENTION du tourisme français”
JEAN-PAUL HUCHON 29
DU RISQUE
Le défi de la menace terroriste
La gestion du risque terroriste. dans les villes européennes
Un enjeu majeur ELIZABETH JOHNSTON
CLAUDE ORIGET DU CLUZEAU 6 ET CARLA NAPOLANO 34
Protection face à la menace et Du deuil à la reconquête.
gestion de l’urgence. Les leçons La réaction de la Côte d’Azur
de l’expérience israélienne à l’attentat du 14 juillet 2016
ALEX ALTSHULER 12 DAVID LISNARD 38
“La sécurité, c’est l’affaire de tous”. La relance du tourisme niçois…
Les recommandations Un enjeu de gouvernance
d’un ex-général israélien DENIS ZANON 44
CLAUDE ORIGET DU CLUZEAU 16
La sécurité face au risque terroriste
Une préoccupation permanente
des parcs de loisirs
SOPHIE HUBERSON 18
La sûreté du transport aérien. DOSSIER DIRIGÉ PAR CLAUDINE DESVIGNES,
Un défi complexe AVEC LE CONCOURS DE CLAUDE ORIGET DU
VINCENT CAPO-CANELLAS 23 CLUZEAU

4 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
AU TERRORISME

L
a sécurité est un facteur de plus en plus important

dans l’attractivité d’une destination. Elle est l’affaire

des pouvoirs publics, bien sûr, mais aussi des lieux

qui accueillent du public et, enfin, de tout un chacun. Dans le

contexte actuel, où la menace terroriste est omniprésente, les

équipements et événements touristiques doivent se doter de

plans de sécurité associant l’ensemble du personnel et faire

régulièrement des exercices. Après un attentat terroriste, la

nécessaire consolidation de l’attractivité et la réassurance du

tourisme passent par une action coordonnée de toute la chaîne

touristique, du niveau national au niveau local, avec une gou-

vernance à même de mobiliser la population locale. n

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 5
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME

PRÉVENTION DU RISQUE

LA GESTION
DU RISQUE TERRORISTE
UN ENJEU MAJEUR
CLAUDE ORIGET DU CLUZEAU
Vice-présidente de l’Afest (Association francophone des experts et scientifiques du tourisme)
< c.o.c@wanadoo.fr >

Les touristes sont devenus des cibles du terrorisme inter-

national, si bien que la perception, par les clientèles poten-

tielles, du risque encouru dans les destinations s’en trouve

modifiée. D’une façon générale, la communication d’une

destination victime d’un attentat, qu’elle soit mise en œuvre

par les institutions touristiques, l’État ou les tour-opéra-

teurs, doit se positionner sur la réalité du risque et abor-

der le sujet sans intensifier la peur, mais au contraire en la

maîtrisant. Dans le contexte actuel, où la menace terro-

riste est omniprésente, les équipements et événements

touristiques doivent se doter d’un plan de sécurisation des

lieux et le faire savoir afin de rassurer leurs clients.

6 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

es touristes sont devenus des cibles
L du terrorisme, et non plus “seule-
ment” des victimes collatérales.
Parce que les touristes incarnent
l’Occident contre lequel les terro-
ristes se disent en guerre, parce qu’ils rendent
hommage à l’ouverture culturelle du pays visité
(comme au musée du Bardo à Tunis, par
exemple) et, surtout, parce qu’un attentat
contre des étrangers assure une ample com-
munication dans les pays d’où ils proviennent.
Au surplus, ces attentats saccagent l’économie
locale, privent les habitants d’un revenu essen-
tiel, comme aujourd’hui en Tunisie ou en
Turquie, et tendent à les asservir. Le phéno-
mène du terrorisme n’est hélas pas nouveau,
mais le ciblage du touriste semble s’être ampli-
fié(1). Depuis 2001, on déplore 2 300 victimes
du terrorisme tuées en Europe.
COMMUNICATION DE CRISE. Après une attaque
terroriste, l’une des premières réactions de la
destination touchée est de mettre en place une
communication de crise. On assiste parfois à
des déclarations spectaculaires, dont l’objec-
tif est de rassurer et d’afficher une maîtrise de
la situation. Ces déclarations sont souvent peu
efficaces et ne sont entendues que dans la
mesure où le public a confiance dans la capa-
cité de la police et de l’armée du pays touché à
déjouer efficacement le terrorisme et à y faire
face. Inversement, le manque de confiance dans
les autorités locales peut aboutir à un surcroît
de méfiance. Ainsi, pour l’Égypte, après le crash
d’un avion russe dans le Sinaï en 2015, le temps
que le pays a mis à reconnaître l’attentat a
engendré une perte de confiance du public dans
le discours officiel et eu un effet délétère sur
sa communication de crise.
L’attitude de la population locale peut jouer
un rôle dans la communication de crise. Ainsi,
après l’attentat du musée du Bardo à Tunis et
celui de la promenade des Anglais à Nice, les
habitants se sont montrés accueillants et pro-
tecteurs envers les touristes malencontreuse-
ment présents sur les lieux du drame. À Nice,
le 14 juillet 2016, la solidarité a pleinement
fonctionné : les habitants, les hôteliers, les com-
CLAUDE ORIGET DU CLUZEAU
merçants ont ouvert leurs espaces aux victimes
tandis que les taxis effectuaient des courses
gratuites pour éloigner victimes et spectateurs
des lieux du drame ; de très nombreux Niçois
ont spontanément fait la queue devant les hôpi-
taux pour donner leur sang. Communiquer
sur ce point suscite non seulement la confiance
mais aussi la sympathie, et une invitation à
revenir. Les initiatives qui jouent sur le registre
de l’émotion (telles les campagnes #coteda-
zurnow ou #tousaubistrot, après les événe-
ments du Bataclan) vont dans le même sens.
D’une façon générale, la communication
d’une destination victime d’un attentat, qu’elle
soit mise en œuvre par les institutions touris-
tiques, l’État ou les tour-opérateurs, doit se
positionner sur la réalité du risque et aborder
le sujet sans intensifier la peur, mais au
contraire en la maîtrisant.
RÉSILIENCE. Quand on se place du point de
vue du touriste, il faut considérer plusieurs
aspects :
– la réalité du risque encouru (le nombre de
morts par rapport au nombre de personnes
présentes dans le pays, soit le risque encouru
par chacun de se trouver parmi les victimes) ;
– la perception du risque. Selon le cabinet de
conseil Bearingpoint, la perception du risque est
le produit de deux facteurs : la vraisemblance
ou la probabilité, d’une part, et la gravité ou
l’impact, d’autre part. Autrement dit, la per-
ception du risque relève simultanément de la
probabilité et de la gravité de l’événement
redouté, l’un pouvant intensifier ou atténuer
l’autre. Dans ce contexte, il est clair que le
temps qui passe sans nouvelle alerte diminue la
probabilité de survenue du risque, donc sa cri-
ticité.
Juste après chaque attentat et dans le sillage
des reportages dans les médias, des enquêtes (1) Sur ce sujet, lire
auprès des marchés émetteurs sont souvent également : Philippe
réalisées. Ces enquêtes, à lourde charge émo- KEROURIO, “Tourisme,
tionnelle, sont peu fiables : leurs résultats terrorisme et médias.
varient fortement selon le nombre de jours qui L’équation de tous les
se sont écoulés depuis le dernier attentat. Le dangers”, Espaces tourisme
facteur temps est crucial dans le ressenti à et loisirs, n° 328, février
l’égard d’une destination victime d’un atten- 2016.
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 7
 DOSSIER l
PRÉVENTION DU RISQUE
(2) ITB World Travel Trends
Report 2016 / 2017, mars
2016.
http://www.itb-
berlin.de/media/itb/itb_dl_al
l/itb_presse_all/World_Trav
el_Trends_Report_2016_20
17.pdf
(3) Alain BAUER, Qui est
l’ennemi ?, CNRS éditions,
2015.
(4)
http://www.gouvernement.fr
/sites/default/files/documen
t/document/2016/11/07.11.
2016_dossier_de_presse_-
_comite_interministeriel_du
_tourisme.pdf
(5) Lire dans ce dossier
l’article de Vincent
Capo-Canellas (page 23).
8 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
LE TOURISME FACE AU TERRORISME
tat : c’est un élément essentiel dans la gestion
de la communication de crise.
Selon une étude du WTTC (World Travel
and Tourism Council) réalisée en 2016, la rési-
lience la plus rapide s’observe en tourisme d’af-
faires. Sur les quatre risques majeurs encou-
rus par les touristes (santé, environnement,
politique et terrorisme), c’est la survenue d’un
attentat qui impacte le moins le tourisme d’af-
faires, du moins en Europe – ce n’est pas le
cas en Turquie. De fait, après les attentats de
novembre 2015 à Paris, très peu de congrès
et autres événements d’affaires ont dû être
annulés.
Il n’en est pas de même en tourisme d’agré-
ment puisqu’on a constaté une chute specta-
culaire de fréquentation à Paris en 2016
(– 25 % à la tour Eiffel, par exemple) et sur la
Côte d’Azur. Une enquête IPK(2) menée auprès
de 50 000 touristes internationaux de 40 pays
révèle que près de 50 % d’entre eux sont prêts
à changer leurs habitudes de voyage en cas de
menace terroriste.
PRÉVENTION DU RISQUE. En France, la soli-
darité et l’optimisation des services s’obser-
vent à différents échelons :
– montée en charge significative du nombre
de candidats à la réserve opérationnelle des
armées, à la préparation militaire de la gen-
darmerie, à la réserve citoyenne, ainsi que, plus
simplement, au brevet de secourisme ;
– création d’une communauté du renseigne-
ment (police, gendarmerie, services spé-
ciaux…), qui doit assurer la collecte, l’analyse,
l’interception et la réaction la plus rapide. “On
ne fait pas la guerre au terrorisme, on lui fait
la police”, explique le professeur de crimino-
logie Alain Bauer(3) ;
– le comité interministériel tourisme du
7 novembre 2016 a pris des mesures pour
“garantir la sécurité des touristes sur tout le
territoire français (4)”. Le gouvernement a
notamment décidé de créer une “structure de
coordination sécurité tourisme” dans chaque
département. Parmi les mesures annoncées,
notons le renforcement de l’offre de sécurisa-
tion dans les zones touristiques. Il s’agit, d’une
part, de renforcer les patrouilles embarquées
dans les trains transfrontaliers et, d’autre part,
de déployer des patrouilles mixtes garde natio-
nale/opérateurs dans les gares et lignes por-
tant des flux touristiques majeurs. Par ailleurs,
des caméras de dernière technologie vont être
déployées dans les principaux sites et aires tou-
ristiques non équipées, à Paris et en Île-de-
France. Enfin, notons qu’il a été décidé de réa-
liser des outils de communication à destination
des touristes et des professionnels du tourisme
(brochures prodiguant conseils et bonnes pra-
tiques aux touristes en plusieurs langues, film
destiné aux professionnels du tourisme, atti-
rant leur attention sur leur rôle d'acteurs de la
prévention des agressions et vols envers les
touristes).
Le coût de la sécurité dans les aéroports fran-
çais est aujourd’hui de 11,20 euros par pas-
sager (+ 6 % depuis 2012), selon le sénateur
Vincent Capo-Canellas(5), qui a rédigé fin 2016
le rapport d'information Pour une sûreté de
l’aviation civile efficace et efficiente. Ce mon-
tant pourrait augmenter sensiblement dans les
années à venir, ce qui risque d’être probléma-
tique, les aéroports français étant plus chers
d’environ 35 % par rapport à leurs homo-
logues européens. Parmi les propositions
recommandées par ce rapport, il y a notam-
ment la mise en place de technologies per-
mettant une analyse systématique des com-
portements dans l’aéroport, afin de détecter
les personnes à risque et d’orienter le travail
des agents de sécurité et de la police aux fron-
tières. De plus, la mise en place de dispositifs
de contrôle plus sophistiqués, dits de stan-
dard 3, assurerait une détection des explosifs
dans les bagages en soute, mais le coût cor-
respondant s’éléverait à 600 millions d’euros
rien que pour Aéroports de Paris.
En 2016, une cinquantaine d’événements de
taille variable ont été annulés en France, prin-
cipalement les feux d’artifice, mais aussi les
Plages musicales de Berck, la représentation
de la Patrouille de France à Marseille, la
Braderie de Lille et la piétonnisation des
Champs-Élysées prévue le 7 août. Dans le

même temps, on a noté une affluence record
aux Francofolies de La Rochelle et aux
Eurockéennes de Belfort tandis que les Vieilles
Charrues (Carhaix), Solidays (Paris), Garorock
(Marmande) ou le Festival d’Avignon ont aug-
menté sensiblement leur fréquentation.
L’intervention sécuritaire lors d’un festival
porte moins sur le lieu même de l’événement
que sur la surveillance rapprochée de ses accès :
filtrage, fouille, interdiction de circulation de
véhicules et de survol de drones, planification
de couloirs d’extraction pour les blessés et les
personnels médicaux, disponibilité des forces
de l’ordre. Ces mesures amènent parfois à
modifier le déroulement de la manifestation
ou l’itinéraire d’un parcours, comme, par
exemple, celui de la procession du 15 août, à
Lourdes. Lors de l’édition 2016 du Festival
interceltique de Lorient, de nombreux béné-
voles, habituellement occupés à servir à boire
et à manger, se sont reconvertis dans la fouille
des sacs et la surveillance des participants.
La sécurité dans les stades est plus proche
de celle des aéroports que de celle des festi-
vals : les contrôles s’effectuent dès le parking,
avec détection des armes par des caméras au
sol, utilisation de radars détecteurs de drones
à trois kilomètres pour les neutraliser en vol, les
rendre stationnaires avant de les renvoyer à
leur point de départ. Ces mesures ont été à
l’œuvre en France pendant l’Euro de football.
Il est clair que les dispositifs de sécurité adap-
tés grèvent lourdement le budget des événe-
ments. En 2017, le ministère des Affaires étran-
gères et du Développement international
consacrera 4 millions d’euros à la sécurisation
des lieux de spectacles et de festivals. Ce prix est
à comparer aux coûts incalculables d’un atten-
tat et au coût symbolique, mais bien réel, du
mauvais signal envoyé aux touristes par l’an-
nulation d’un événement : montrer que les
Français ont peur ne peut être que contrepro-
ductif pour tous.
RÉSISTANCE POPULAIRE. Les conséquences
d’une attaque terroriste sont avant tout meur-
trières. Les blessés ne sont pas toujours inclus
dans les statistiques, même si certains restent
CLAUDE ORIGET DU CLUZEAU
handicapés à vie. Les effets psychologiques des
attentats ne sont pas moindres, puisqu’ils frap-
pent à l’aveugle, créant ainsi des situations
anxiogènes, des peurs, voire des délires para-
noïdes. La médiatisation sans bornes semble
offrir aux organisations terroristes un assou-
vissement de leur soif de publicité.
Mais la population ne s’avoue pas vaincue et,
malgré le choc et les chagrins que provoque
chaque attentat, malgré le stress post-trauma-
tique qui peut affecter un nombre considérable
de personnes, les victimes potentielles s’aguer-
rissent lentement, au fur et à mesure que les
attentats se produisent sur leur territoire. En
son temps, on a vu des touristes britanniques
rendus stoïques après les attaques répétées de
l’IRA (Irish Republican Army), et, aujourd’hui,
des touristes indiens à Paris immunisés contre
la peur par les nombreux attentats dont leur
pays est le théâtre.
La résistance populaire semble être la
“bonne” réaction face au terrorisme, ainsi
qu’en témoigent les prises de position sui-
vantes :
– Pour Barack Obama, il ne faut ni aban-
donner nos valeurs ni s’abandonner à la peur.
Les citoyens doivent se montrer forts et intel-
ligents, résilients et implacables. Pour lui,
contrer le terrorisme nécessite un bon système
de renseignements, du stoïcisme et le refus de
voir sapés les principes sur lesquels sont bâties
nos sociétés. La sécurité est l’affaire de tous, y
compris celle des populations sans armes.
– Pour le philosophe Michaël Fœssel(6), il
faut essayer de “tenir la rue”, pas seulement
d’une manière policière. Il ne faut pas surjouer
l’insouciance, mais tenter une insouciance ins-
truite par le risque. “J’espère que nous sau-
rons concilier la liberté et la conscience du tra-
gique. Mais plus rien n’advient sous le règne de (6) Michaël FŒSSEL, Le
l’évidence : voilà la seule certitude que délivre Temps de la consolation,
la terreur.” Le Seuil, 2015.
– Pour Anne Bouferguène, DGA de (7) Citée par Josette SICSIC
Voyageurs du Monde (7) : “Nous devons dans : Tourisme en 2050,
apprendre à vivre dans une ‘société à l’israë- quelques idées pour le
lienne’ dans laquelle la menace est permanente futur, “Cahier de
mais conjurée instantanément.” tendances”, DGE, 2016.
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 9
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME
PRÉVENTION DU RISQUE
– Pour Jacques Attali, “la solution à la peur
est de ne jamais y céder : il faut affronter le
danger pour trouver une manière de le réduire,
ensemble”. Céder à la peur, selon lui, entraîne
la lâcheté, la claustration, puis la collabora-
tion. Le meilleur moyen de rendre l’ennemi
inopérant, c’est l’éducation, la force et l’éthique.
DÉFENSE PASSIVE. Dans le contexte actuel,
où la menace terroriste est loin d’être écartée,
les professionnels accueillant des touristes doi-
vent se doter d’un plan de sécurisation des lieux,
et notamment d’un système d’alerte pour pré-
venir les personnes présentes d’un danger et
les mettre rapidement en sécurité. En février
2017, lors de l’attaque dans la galerie du
Carrousel du Louvre, le public a découvert que
le site bénéficiait d’un protocole de sécurisa-
tion des visiteurs, en l’occurrence leur confi-
nement dans les salles, loin des fenêtres ; le per-
sonnel était dûment entraîné à suivre ce
protocole.
Les conseils aux voyageurs,
un outil de prévention
es conseils aux voyageurs du ministère des Affaires étrangères (MAE) sont
L consultés par 8 millions d’internautes par an. Les risques identifiés sont
non seulement ceux du terrorisme, mais aussi les risques sanitaires, politiques
et ceux des catastrophes naturelles. Avant un départ vers une destination sen-
sible, le MAE propose de s’enregistrer sur le dispositif Ariane pour recevoir
des alertes sur son mobile. Certains pays tentent parfois de faire pression sur
le MAE pour qu’il communique des informations moins anxiogènes sur eux.
Pour sa part, le Guide du Routard a supprimé dix destinations de ses col-
lections pour des raisons de sécurité. Pour ce qui est d’une information au
10 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
De la même façon qu’ils ont un règlement
intérieur, une démarche qualité, un système
d’alarme incendie…, les équipements
accueillant du public doivent impérativement
se doter d’un dispositif d’alerte sécuritaire en
cas d’assaut terroriste. Cela suppose, pour les
exploitants, des coûts et une formation du per-
sonnel, avec des exercices d’alerte réguliers et
des échanges d’information avec les forces
locales de sécurité. Tous doivent prendre des
dispositions et assumer leurs responsabilités,
chacun à leur niveau, dans la nécessaire sécu-
risation des personnes. Ce faisant, les exploi-
tants ont aussi à le faire savoir, sobrement mais
sans inutile discrétion. Les clients apprécieront
et leur renouvelleront leur confiance, ainsi qu’à
la destination.
La sécurité est en train de devenir un élé-
ment indissociable de l’attractivité de la des-
tination : communiquer sur cette sécurité, c’est
du marketing bien réfléchi. ■
jour le jour, on peut accorder une grande crédi-
bilité aux tour-opérateurs qui sont en lien étroit
avec des réceptifs locaux, non seulement par
pays mais aussi par régions : ceux-ci ont des
prescriptions beaucoup plus fines et mieux
actualisées en termes de découpage territorial
et en termes de précautions à prendre. Leurs
sources sont souvent meilleures que celles des
ambassades. ■
 CLAUDE ORIGET DU CLUZEAU

ISRAËL, DESTINATION “SPÉCIALISTE” DU RISQUE TERRORISTE

es aéroports européens adoptent aujourd’hui trent les informations sur ces réseaux) et via des techniques classiques de ren-

L des mesures qui ont été mises en place il y a seignement. Trois ou quatre profils-types ont été dressés, avec leur parcours

déjà trente ans par les aéroports israéliens, et notam- personnel et les choses qu’ils sont susceptibles de faire pendant les quelques

ment par l’aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv. Israël jours qui précèdent – qui vont précéder – une attaque : surveillance, conversa-

a incontestablement un sérieux savoir-faire en tions avec la famille et l’entourage, voire arrestation… Ces techniques ont per-

matière de prévention du terrorisme. mis d’empêcher un nombre considérable d’attentats, en Israël et maintenant

Depuis les années 1970, l’aéroport Ben-Gourion n’a en France où ces procédures se développent. Les profils de ces loups solitaires

plus subi d’attentats. Les véhicules et le compor- sont souvent ceux de déprimés suicidaires (40 % des assaillants auraient des

tement des passagers y sont examinés trois kilo- motivations suicidaires). Il arrive aussi que la police israélienne diffuse des mes-

mètres avant l’arrivée à l’aérogare ; des caméras sages positifs à des suspects d’attentats futurs, pour les en détourner et pour les

au sol détectent les armes. Mais ce dispositif installé convaincre de ne pas envisager un attentat suicide.

en amont paraît peu applicable aux aéroports de Deux grands centres de recherche, l’INSS (Institute for National Security Studies),

Paris qui traitent un bien plus grand nombre de pas- à Tel-Aviv, et l’ICT (International Institute for Counter-Terrorism, à Herzliya, étu-

sagers. Dans l’aérogare Ben-Gourion, un peu partout, dient la menace terroriste et la protection civile. Chercheurs et ex-professionnels

de nombreux agents de sécurité en civil circulent de la sécurité s’y côtoient et travaillent ensemble, approfondissant des aspects

et scrutent les voyageurs. Mais on sait que, de leur particuliers du phénomène, par exemple les profils des auteurs d’attentat selon

côté, les terroristes effectuent beaucoup de voyages leur provenance géographique.

aériens sans autre but que d’observer les systèmes Enfin, la sécurité publique est sérieusement renforcée par le comportement de

de sécurité des avions et des aéroports. la population. Dans l’espace public, celle-ci prête une attention permanente à tout

Plus généralement, Israël s’attache depuis long- ce qui s’y passe, elle est disciplinée, fait preuve de discernement, a le réflexe

temps à identifier les “loups solitaires” via la sur- d’alerter immédiatement les forces de sécurité en cas de danger et contribue aux

veillance des réseaux sociaux (des algorithmes fil- premiers soins si nécessaire. ■

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 11
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME

PRÉVENTION DU RISQUE

PROTECTION FACE À LA MENACE

ET GESTION DE L’URGENCE
LES LEÇONS
DE L’EXPÉRIENCE
ISRAÉLIENNE
ALEX ALTSHULER
Docteur en sciences de la santé, chercheur, Institute for National Security Studies (INSS)
< alex.altshuler@gmail.com >

Israël a une longue expérience en matière de protection des

populations face à la menace terroriste, aux attaques de mis-

siles ou aux catastrophes naturelles. De son expérience on

retiendra que, pour être efficace, le dispositif mis en place

implique : une coopération entre les différentes parties pre-

nantes (secteur public, secteur privé et société civile) ; une

planification complète mais flexible ; la préparation à des situa-

tions inédites. Faire face à ces défis est une mission d’une

importance critique, en Israël comme partout dans le monde.

12 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

e mode opératoire de la vague d’at-
L tentats terroristes en France qui a
débuté à l’automne 2015 et se
poursuit sporadiquement ne figu-
rait pas parmi les scénarios explo-
rés par Israël en matière de protections multi-
dimensionnelles. Après la seconde guerre du
Liban, en 2006, les institutions chargées de
prévoir les tragédies ont concentré leurs efforts
sur des scénarios impliquant des missiles et des
fusées. Certes, depuis, Israël a progressé signi-
ficativement dans l’anticipation d’autres types
d’attentat : les attaques au poignard, à la voi-
ture-bélier… des années 2015-2016 ont per-
mis de prendre la mesure des types de dispo-
sitifs nécessaires. Adopter des formes de
protection adaptées et faire face à l’urgence
constituent une mission complexe qui
implique : une coopération permanente entre
les différentes parties prenantes (secteur public,
secteur privé et société civile) ; une planifica-
tion très complète mais flexible ; la prépara-
tion, tant conceptuelle qu’opérationnelle, à des
situations imprévues. Faire face à ces défis est
une mission compliquée mais d’une impor-
tance critique, aussi bien en Israël qu’ailleurs
dans le monde.
SYSTÈME DE GESTION. En Israël, le ministère de
la Défense et celui de la Sécurité civile sont,
depuis juin 2014, responsables du système de
gestion de l’urgence. Les décisions 1661 et 1662,
adoptées par le gouvernement le 1er juin 2014
ont, en effet, écarté le ministère de l’Intérieur
et confié la responsabilité globale de l’organi-
sation de l’urgence au ministre de la Défense,
chargeant les ministères de la Défense (mili-
taire) et celui de la Sécurité publique de se répar-
tir les tâches et les responsabilités. Chacun d’eux
fait face à de nombreux défis, tant internes
qu’externes (création de synergies et maintien
d’une coordination entre ces deux ministères).
Malgré leurs efforts, ils n’arrivent pas à aller
suffisamment loin dans la défense du territoire
national, notamment par manque de coordi-
nation. Les résultats sont insuffisants pour faire
face de façon exhaustive aux défis de la gestion
de l’urgence en Israël.
ALEX ALTSHULER
CHANGEMENT STRATÉGIQUE. Compte tenu des
changements intervenus dans le système de ges-
tion de l’urgence en Israël ces dernières années,
il semble que, en 2017, le temps soit venu de
promouvoir le changement stratégique attendu
depuis longtemps. Cette occasion de change-
ment se fonde sur deux faits. Tout d’abord, à
la suite de la mise à l’écart du ministère de
l’Intérieur, les principaux ministères chargés de
la gestion de l’urgence sont bien celui de la
Défense nationale et celui de la Sécurité
publique. Ensuite, trois personnalités politiques
clés sont relativement nouvelles dans leurs fonc-
tions (moins de deux ans) : le commandant du
territoire national, le directeur responsable des
situations d’urgence et le chef de la police.
Dans le meilleur des scénarios, ces deux faits
conjugués peuvent être l’occasion d’introduire
une réforme significative et de provoquer une
véritable avancée stratégique. L’un des prére-
quis essentiels pour améliorer la préparation à
l’urgence en Israël est le travail intégré, coor-
donné et permanent entre les différents orga-
nismes concernés. Bien que complexe, le sys-
tème de l’urgence au sein du pays peut et doit
fonctionner de manière bien plus fluide et inté-
grée que par le passé, sans les fréquentes rup-
tures dans l’organisation qui ont entravé gra-
vement la continuité du dispositif. De plus, on
devrait accorder, dans l’agenda de la sécurité
nationale israélienne, une priorité significative
aux problèmes de l’urgence dans la société civile
afin d’affronter des défis aux multiples visages.
FONDEMENTS JURIDIQUES. L’un de ces défis
est de toucher aux fondements juridiques et
réglementaires du système de gestion en Israël.
La loi de référence est la loi de défense civile,
votée en 1951, quand la situation ne concer-
nait que des urgences militaires. Depuis le conflit
libanais de 2006, on a tenté à plusieurs reprises
de faire passer une loi d’organisation de l’ur-
gence, qui fournirait une riposte exhaustive et
actualisée aux problèmes rencontrés. Toutefois,
pour des raisons à la fois politiques, organisa-
tionnelles et interorganisationnelles, ces tenta-
tives ont échoué. C’est la Nema (National
Emergency Management Authority), en 2016,
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 13
 DOSSIER l
PRÉVENTION DU RISQUE
(1) Cf. notamment :
Herman B. LEONARD et
Arnold M. HOWITT, “Acting in
time against disasters: a
comprehensive risk
management framework”,
dans Howard KUNREUTHER et
Michael USEEM (dir.),
Learning from
Catastrophes: Strategies for
Reaction and Response,
Wharton School Publishing,
2010.
14 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
LE TOURISME FACE AU TERRORISME
qui a fait la tentative la plus récente et la plus
complète en la matière. Sa proposition est en
cours d’examen par les services concernés. Si
tout va bien, elle sera votée en 2017. D’une
façon générale, la législation et les réglementa-
tions actualisées, qui peuvent se traduire par
plusieurs lois relatives aux différentes étapes de
la gestion des urgences, sont cruciales pour assu-
rer une amélioration stratégique de la prépa-
ration à l’urgence dans un pays.
ATTENTATS TERRORISTES. Les attaques au poi-
gnard et à la voiture-bélier au cours des années
2015 et 2016 ont rappelé cruellement que la
société civile israélienne peut avoir à faire face
à des attentats de formes diverses, potentielle-
ment imprévisibles. Aussi est-il crucial que les
organismes responsables de la défense des popu-
lations civiles préparent simultanément un large
éventail de scénarios et s’obligent en perma-
nence à la flexibilité et à l’innovation. L’urgence
est une dynamique multidimensionnelle. C’est
pourquoi il est d’une importance capitale de
remettre en question les usages et les modes
opératoires, certains pouvant s’appliquer à une
situation, mais pas à une autre. Cette recherche
permanente d’innovation, de flexibilité et de
critique de la réalité requiert un effort constant,
mais elle apporte une valeur ajoutée significative
aux organismes de gestion de l’urgence qui réus-
sissent à le faire (1). Pour adopter une telle
approche, il faut que les organismes chargés de
la gestion de l’urgence en Israël mettent en place
des équipes servant d’“avocats du diable” au
sein d’IDF (Israel Defense Forces), organisme
militaire chargé du renseignement intérieur. De
plus, il importe d’établir une coopération inter-
organisationnelle au sein du système de gestion
de l’urgence.
La récente vague de terrorisme a renforcé
l’anxiété de la population et créé une atmo-
sphère de tension. Dans pareille situation, il est
difficile de rester combatif. Il est pourtant très
important que la société israélienne garde son
intégrité morale et ses valeurs fondamentales
quand elle est confrontée à la violence, même
extrême. Devant les vagues d’agressions, les
Israéliens font preuve d’un courage extraordi-
naire, d’héroïsme et de solidarité. Néanmoins,
on assiste à des réactions inacceptables, telles
le racisme, l’intolérance et la cruauté. Il importe
que la société israélienne continue à condam-
ner haut et fort tout comportement immoral
ou toute atmosphère belliqueuse. Le combat
contre le terrorisme est long et douloureux :
maintenir élevés ses critères moraux est crucial
pour l’affronter.
ATTAQUES AUX MISSILES ET AUX FUSÉES. Israël
a fait des progrès impressionnants pour contre-
carrer les attaques de missiles et de fusées, qui
sont devenues un problème majeur après la
seconde guerre du Liban. C’est particulièrement
frappant sous l’angle technologique de la défense
préventive : la preuve la plus évidente en est le
déploiement du “Dôme de fer” et ses constantes
améliorations. Le succès d’Israël dans ce
domaine a sauvé bien des vies, a pourvu la direc-
tion politique d’une flexibilité renforcée dans
la prise de décision, et a évité de considérables
dommages économiques. Le défi majeur main-
tenant avec le Dôme de fer, est de multiplier le
nombre de tirs de barrage afin de sécuriser
simultanément les civils, les installations IDF
et les principales infrastructures.
L’investissement dans le Dôme de fer (sys-
tème capable d’intercepter des roquettes de
courte portée) s’est avéré efficace, et devrait être
renforcé pour fournir un moyen de riposte com-
plet à un large éventail de situations. Le coût de
ce dispositif étant élevé, les ressources finan-
cières, limitées, doivent être allouées en fonc-
tion des priorités définies par le cabinet de la
Sécurité nationale et les services exécutifs concer-
nés. Historiquement, les questions de défense
civile n’étaient pas prioritaires, et le finance-
ment de cette dernière par le ministère de la
Défense était insuffisant. En 2006, la commis-
sion Meridor, chargée de définir la politique
nationale de sécurité pour le pays, formula des
recommandations selon lesquelles la défense
civile devait devenir une priorité, eu égard aux
menaces auxquelles le pays faisait face. Dans
ce contexte, il apparaissait sage d’envisager un
investissement accru dans le développement du
Dôme de fer, via le budget de la Défense.

Le déploiement prévu de la “Fronde de
David” (système capable d’intercepter les fusées
de moyenne portée) sera un autre moyen opé-
rationnel de défense à la disposition d’Israël(2). La
mise au point et le développement du système du
“Rayon de fer” s’avérera très bénéfique pour
les habitants des communes adjacentes à la
Bande de Gaza, qui ont souffert de bombarde-
ments depuis 2000 et n’ont pas bénéficié d’une
solution technique pour contrecarrer les fusées
à courte portée et les bombes au mortier(3). Le
Rayon de fer peut leur sauver la vie.
Un autre moyen important pour aider les gens
en situation d’urgence réside dans le système
d’alerte aux fusées et aux missiles permettant
aux civils de se précipiter dans des espaces sécu-
risés en cas de risque imminent. Au cours des
dernières années, le commandement de la sécu-
rité intérieure a consacré beaucoup d’efforts à
développer la précision de ce système, tout en
augmentant le nombre de zones d’alerte dans
le pays (ajout de zones dans le nord d’Israël).
En outre, le système d’alerte diversifie ses moyens
d’alerte : désormais, les Israéliens peuvent
notamment régler leur récepteur radio sur une
station qui n’émet qu’en cas d’alerte, sa lon-
gueur d’onde spécifique étant immédiatement
diffusée sur toutes les ondes ; ils peuvent aussi
recevoir des alertes sur le haut-parleur de leur
ordinateur(4) ou recevoir des alertes sur leur
smartphone via une application dédiée. Les
informations reçues via l’application concer-
nent la localisation du site attaqué et l’abri le
plus proche de l’endroit où ils se trouvent. Toutes
ces mesures d’information sont efficaces, rela-
tivement peu coûteuses et contribuent grande-
ment à la protection de la population.
TREMBLEMENTS DE TERRE. Traditionnel-
lement, l’attention portée par Israël aux situa-
tions d’urgence concerne surtout les risques sécu-
ritaires et la guerre. Si le risque sécuritaire est
évident et complexe, il importe de se souvenir
qu’Israël pourrait affronter des urgences extrêmes
d’un autre genre et s’y préparer sur les plans
conceptuel et opérationnel. Le risque le plus
important pour Israël, en dehors de la guerre,
réside dans un tremblement de terre majeur.
ALEX ALTSHULER
Il importe de reconnaître qu’un tremblement
de terre d’envergure pourrait frapper Israël dans
un proche avenir. Durant les derniers siècles,
de violents tremblements de terre ont frappé
tous les 80 à 100 ans ; le dernier séisme des-
tructeur s’est produit en 1927 – il y a 90 ans de
cela. En 1995, la ville d’Eilat, dans le sud du
pays, a subi un tremblement de terre, mais les
dégâts furent légers, et personne dans la société
ou parmi les décideurs ne l’a considéré comme
traumatisant. Mais, vu les dégâts possibles après
un tel événement, il faut comprendre qu’un
tremblement de terre de grande magnitude
constitue un défi stratégique pour le pays et
qu’il doit être traité à fond et d’une manière
intégrée. Le niveau de préparation actuel du
pays n’est pas à la hauteur des risques. Pour
supprimer cet écart et donner une réponse com-
plète et efficace à un tremblement de terre
majeur, il faudrait que soit mis en place un plan
stratégique complet.
■ ■
Si Israël a acquis une longue expérience en
matière de préparation aux situations d’urgence
liées à la guerre et à d’autres catégories d’at-
taques, le pays n’a pas encore fait son bond en
avant stratégique. Il existe un écart significatif
entre les menaces potentielles et l’actuelle riposte
à d’autres dangers tel un tremblement de terre.
Il est essentiel et stratégique pour Israël d’opé-
rer des changements aux échelons conceptuel,
législatif, décisionnaire et budgétaire, pour que
le pays se prépare efficacement à une variété de
situations d’urgence.
L’époque est propice à une solidarité inter- (2) Yohai OFER, “An addition
nationale face au terrorisme en hausse et au to Iron Dome: Iron Beam
nombre grandissant de désastres naturels. Les operational,” NRG,
nations peuvent mieux agir ensemble, à travers 1er avril 2015.
l’échange d’informations, une coopération en (3) Amir BUHBUT, “The laser
continu et une assistance sur tous les fronts. Les system that will intercept
défis sont simultanément locaux et internatio- very short-range rockets,”
naux, et, clairement, nous avons besoin d’une Walla! News,
coopération intégrée globale pour protéger nos 19 janvier 2014.
vies, nos biens, et, ce qui n’est pas le moins 4) Matan Hetzroni, “The
important, nos valeurs. ■ IDF changes Its warning
system in the North”, Mako,
TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR CLAUDE ORIGET DU CLUZEAU 15 novembre 2015.
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 15
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME

PRÉVENTION DU RISQUE

“LA SÉCURITÉ,
C’EST L’AFFAIRE DE TOUS”
LES RECOMMANDATIONS
D’UN EX-GÉNÉRAL ISRAÉLIEN
INTERVIEW RÉALISÉE PAR CLAUDE ORIGET DU CLUZEAU
Vice-présidente de l’Afest (Association francophone des experts et scientifiques du tourisme)
< c.o.c@wanadoo.fr >

Ancien général dans les forces spéciales de l’armée israé-

lienne, Nitzan Nuriel a été mandaté par la ville de Cannes

pour y organiser le dispositif de sécurité pendant le Festival

du film 2016. Ses recommandations aux exploitants de

sites, équipements et événements sont claires : mettez en

place des plans de sécurité associant l’ensemble du per-

sonnel et faites régulièrement des exercices.

itzan Nuriel a été, pendant trente de son pays. Retraité de l’armée en 2006, il est

N ans, général dans les forces spé-

ciales de l’armée israélienne.
Après des missions diverses,
notamment au Liban et à Gaza,
il a été pendant six ans chargé du contre-ter-
rorisme au sein du cabinet du Premier ministre
désormais consultant spécialisé dans l’organi-
sation de la sécurité dans divers pays, dont
Singapour et l’Espagne, et chercheur au sein
de l’Institut international pour la lutte contre
le terrorisme (ICT). Cet institut privé, basé à
Herzliya (Israël), réunit une soixantaine de

16 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

spécialistes mondiaux (dont Jean-Louis
Bruguière, ancien juge français spécialisé dans
la lutte antiterroriste). Il organise des colloques
sur les différents aspects de la sécurité et sur
les spécificités du terrorisme dans les différents
pays où il intervient et accueille des étudiants
et stagiaires (professionnels et institutionnels)
du monde entier venus se former au contre-
terrorisme.
C’est au titre de consultant que Nitzan Nuriel
a été mandaté par la ville de Cannes pour y
organiser tout le dispositif de sécurité pendant
le Festival du film 2016. Il a travaillé très en
amont de l’événement, principalement avec la
police municipale de Cannes, pour y mettre en
place une réflexion préalable, puis un disposi-
tif de prévention des risques de toute nature,
pas seulement terroriste. Son champ d’inter-
vention s’est étendu à toute la ville de Cannes,
espaces publics et établissements privés inclus.
NOUVELLE DONNE. Avant toute autre consi-
dération, Nitzan Nuriel pense que le risque
terroriste en France n’est pas passager : il est
appelé à durer très longtemps. Il importe donc
de s’y préparer. S’y préparer, c’est s’adapter à
cette nouvelle donne en adoptant de nouveaux
comportements et une toute nouvelle approche
du problème.
Les Français doivent devenir plus attentifs
et plus vigilants dans leur vie quotidienne. Il
leur faut prendre en compte la nouvelle donne
et adapter l’expérience israélienne au contexte
français local. À cet égard, en France, on pour-
rait être amené à opérer des changements dans
les trois domaines suivants : les lois et règle-
ments, en fonction des nouvelles menaces ; les
technologies, qui devront être mieux sécuri-
sées, plus résistantes au hacking ; les pratiques
au quotidien des professionnels, notamment
avec des exercices d’alerte réguliers.
Les exploitants d’hôtels, de campings, de
stades, de palais des congrès, de sites culturels
et de loisirs… doivent impérativement adap-
ter leur règlement intérieur et leurs pratiques
courantes pour hausser le niveau de sécurité. Il
faut à chacun un plan de sécurité spécifique,
avec différents niveaux d’alerte (du plus bas
CLAUDE ORIGET DU CLUZEAU
Conseils aux touristes
« Jusqu’à présent, vous avez sans doute choisi votre hôtel ou votre
hébergement en fonction de son nombre d’étoiles, du confort de
la chambre, des moyens de transport pour y accéder ; en termes de
localisation, vous avez pris en compte principalement sa proximité
par rapport aux sites d’intérêt touristique. Eh bien, maintenant, il
vous faudra prendre en compte d’autres critères liés à la localisa-
tion. Si, par exemple, votre hôtel est proche d’une mosquée, ce ne
sera pas forcément un facteur d’attaques terroristes, mais cela
engendrera des mouvements de rue et des difficultés à vous dépla-
cer. Veillez aussi à avoir affaire à un établissement qui a pris de
sérieuses mesures internes de sécurité, telles que le contrôle des
sacs à l’entrée et la présence de caméras de sécurité qui permet-
tront d’avertir les gens très en amont dans l’établissement en cas
de danger. Dans les lieux publics, regardez à côté de qui vous vous
asseyez, qui vous entoure. Mais, dans l’ensemble, cher touriste, ne
changez rien à vos plans, voyagez comme vous l’avez toujours fait
et restez vigilant, en respectant les précautions ci-dessus. » NN
au plus élevé), dûment adapté au contexte local
et aux espaces concernés, avec des procédures
impliquant tout le personnel, depuis les
employés du bas de l’échelle jusqu’aux cadres
du management. Pour roder les procédures, il
importe de faire régulièrement des exercices,
afin de tester leur fiabilité et d’habituer les
employés à les appliquer.
Si on compare la situation à celle d’un match
de football, on ne peut pas dire que la protec-
tion des buts relève uniquement du gardien de
but : tous les joueurs sont plus ou moins impli-
qués dans la défense pour empêcher que le bal-
lon ne pénètre dans leur but. La sécurité est
l’affaire de tous. Durant le Festival de Cannes,
nous avons, longtemps à l’avance, fait des
recommandations aux hôteliers, et, autant que
nous le sachions, ces recommandations ont été
pleinement mises en œuvre.
La recommandation générale pourrait être :
n’intensifions pas la panique, ce qui reviendrait
à faire exactement ce que souhaitent les terro-
ristes et à leur faciliter la tâche, mais intensi-
fions de manière significative la pertinence et
l’efficacité de nos mesures de sécurité. ■
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 17
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME

PRÉVENTION DU RISQUE

LA SÉCURITÉ FACE AU RISQUE TERRORISTE

UNE PRÉOCCUPATION
PERMANENTE
DES PARCS DE LOISIRS
SOPHIE HUBERSON
Déléguée générale du Snelac (Syndicat national des espaces de loisirs, d’attractions et culturels)
< sophie.huberson@snelac.com >

Les parcs de loisirs et sites culturels sont potentiellement

des cibles pour des terroristes qui peuvent y voir des sym-

boles forts de la société de loisir occidentale. C’est pour-

quoi les sites membres du Snelac (Syndicat national des

espaces de loisirs, d’attractions et culturels) mettent en

place des plans de gestion de la sécurité, notamment pré-

ventive. Ces plans, qui sont définis en concertation avec

les services préfectoraux, impliquent l’ensemble du per-

sonnel des sites concernés et visent tant la prévention du

risque que la capacité de réaction des équipes.

18 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

a multiplication des attentats sur
L le sol français, tant sur l’espace
public (la promenade des Anglais,
à Nice) que sur l’espace privé (le
Bataclan, à Paris), a fait prendre
conscience aux Français que la menace était
aveugle et que les terroristes pouvaient frap-
per partout, n’importe quand. La sécurité est
l’affaire de tous : tout un chacun doit haus-
ser son niveau de vigilance tandis que les
entreprises doivent se préparer à la gestion
d’une crise terroriste.
Le Snelac, Syndicat national des espaces
de loisirs, d’attractions et culturels, rassemble
un réseau de 500 entreprises qui, en 2015,
ont accueilli 52 millions de visiteurs et réa-
lisé 2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Les exploitants des parcs d’attractions, aqua-
tiques ou animaliers, des musées privés et
châteaux ont une priorité commune : faire
vivre une expérience unique de divertisse-
ment en les détournant de leur quotidien. La
sécurité de leurs visiteurs et de leurs colla-
borateurs est donc au centre de leurs préoc-
cupations.
RESPONSABILISER LES OPÉRATEURS. À l’ins-
tar de tous les établissements recevant du
public, les grands sites de loisirs et de culture
sont potentiellement des cibles pour des mou-
vances terroristes qui peuvent y voir : des
symboles forts de la société de loisir occi-
dentale ; des lieux relativement faciles d’ac-
cès à la fréquentation élevée et permanente.
Le Snelac travaille depuis 2009 à l’élabora-
tion d’un plan qui vise à associer et à respon-
sabiliser les opérateurs, publics et privés, à la
gestion de ce risque et à déterminer les mesures
générales d’organisation de la prévention.
Après les attentats du 13 novembre 2015, la
mise en place par le ministre de l’Économie
d’une Cellule de continuité économique a per-
mis au Snelac de sensibiliser l’État à la pro-
blématique du secteur touristique et culturel,
et plus particulièrement à celle des sites de loi-
sirs, lieux permanents de rassemblement mas-
sif de population pouvant constituer des cibles
faciles sur lesquelles toute acte terroriste aurait
SOPHIE HUBERSON
un fort impact médiatique et économique.
Les leçons tirées des pratiques actuelles dans
le domaine de la sécurité des sites de loisirs
démontrent qu’une importance toute parti-
culière doit être accordée à quatre modes de
sécurisation :
– le maintien d’une présence humaine dans et
autour des espaces de loisirs, qu’il convient de
mieux encadrer ;
– une collaboration efficace aux frontières de
ces sites entre les institutions et les exploitants
– la nécessaire organisation d’un domaine de
compétence en périphérie des sites ;
– le développement de la supervision dans et
autour des sites comme support de la colla-
boration renforcée entre les services de sécurité
intérieure et les exploitants.
Ces quatre éléments, qui apportent un gain
d’efficience en matière tant de prévention que
d’enquête judiciaire et d’identification des cou-
pables, déterminent le contenu des exigences
de sécurité préventive. Celles-ci peuvent être
regroupées pour répondre à la triple préoccu-
pation suivante : la planification et l’organi-
sation ; la sensibilisation et la formation ; la
capacité de réaction et l’entraînement.
PLANIFIER ET ORGANISER. L’analyse de
risque et la définition de la politique géné-
rale de sécurité de l’opérateur permettent tout
d’abord d’élaborer le plan de sécurité du site.
L’exercice permet à l’opérateur de se confron-
ter aux vulnérabilités de ses installations et
de définir une réponse adaptée. Puis nous
incitons les exploitants à identifier et à jus-
tifier l’identification de leurs points d’im-
portance vitale. Enfin, nous recommandons
la mise en place d’une chaîne d’alerte et de
sécurité, avec la désignation de correspon-
dants zonaux et de délégués de site. La chaîne
de sûreté est ici entendue comme, d’une part,
l’ensemble des moyens humains et matériels
et, d’autre part, les modes d’organisation et
procédures visant à garantir la bonne appli-
cation des prescriptions de sécurité tant au
plan de la prévention qu’au stade de la gestion
de crise, avec l’objectif permanent de main-
tenir la vulnérabilité à son niveau minimal,
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 19
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME
PRÉVENTION DU RISQUE
L’un des objectifs est, par l’élévation
du niveau de sécurité, de décourager
les auteurs potentiels d’attentat
de passer à l’acte.
d’assurer la sécurité des personnes ainsi que
la continuité des activités.
Le premier objectif est, par l’élévation du
niveau de sécurité, de décourager les auteurs
potentiels d’attentat de passer à l’acte, du fait
de l’augmentation du risque d’échec de leur
projet. La destruction d’un lieu de visite
emblématique et l’attaque dans une attrac-
tion au milieu d’une foule sont deux choses
différentes, tant dans leur nature que dans
leurs conséquences potentielles : chaque
risque appelle des réactions sensiblement dif-
férentes de la part des services d’alerte et de
gestion de crise.
Le deuxième objectif est d’élaborer des scé-
narios concrets afin d’évaluer les consé-
quences diverses d’une frappe terroriste et de
prévoir un plan de continuité d’activité.
Le troisième objectif est de définir les exi-
gences de sécurité et de les partager avec les
différents collaborateurs. Cela passe par la
description des différentes mesures de pro-
tection et de renforcement du dispositif de
sécurité (active et passive) envisagées, leurs
coûts (au regard des effets attendus), le calen-
drier de leur mise en œuvre (mise en place
ou renforcement des contrôles d’accès, ren-
forcement des clôtures, rondes de télésur-
veillance, vidéosurveillance, PC de sûreté,
etc.)…
Enfin l’exploitant élabore un plan de com-
munication et de sensibilisation. Ce plan com-
porte les éléments relatifs au comportement
des populations et à leur participation, pour
ce qui les concerne, à la gestion de la crise.
Ces éléments contribuent à la bonne arti-
20 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
culation avec le plan de protection externe
élaboré par les services préfectoraux. Ce plan
de protection externe représente l’engage-
ment des parties prenantes, État et exploi-
tant, dans la sécurisation du site.
FORMER ET SENSIBILISER. La formation et
la sensibilisation constituent un élément clé de
la crédibilité globale du plan de l’exploitant,
d’autant que la qualité de l’action des per-
sonnels et l’implication de ces derniers dans
la sécurisation du site sont in fine les seuls
garants du divertissement des visiteurs.
Le plan de formation détermine des actions
destinées aux collaborateurs du site. Son
contenu vise à :
– faire prendre conscience de la réalité du
risque ;
– faire partager les objectifs de sécurité ;
– favoriser l’appropriation individuelle du
plan de sécurité par les agents (dont le res-
pect de postures graduées).
S’agissant des agents plus spécifiquement
chargés de la sécurité, le plan de formation
leur délivre des éléments visant à : affûter
leur capacité à analyser la nature d’une
attaque et ses conséquences ; développer leur
aptitude à déclencher et à gérer les différentes
composantes du plan de gestion de crise ; être
prêts à mettre en œuvre ce plan, en contact
avec les responsables concernés ; être à même
de faire le choix de solutions alternatives,
avec le maintien partiel ou total de l’activité.
Le plan de gestion de crise contient égale-
ment des éléments destinés aux intervenants
extérieurs : brochures d’information, clauses
contractuelles de bonne connaissance des élé-
ments du plan de sécurité applicables à tel
ou tel intervenant. Il s’applique dès la
démarche de recrutement, avec deux mesures
phares :
– un meilleur contrôle des personnels à l’em-
bauche de façon à ne pas intégrer dans les
dispositifs de sécurisation de ces sites des élé-
ments à risque. Ce contrôle relève des ser-
vices de sécurité intérieure, et le Snelac tra-
vaille à l’élaboration d’une passerelle
systématique entre une personne dûment

habilitée dans l’entreprise et les services du
renseignement intérieur ;
– un parcours de formation à l’embauche qui
responsabilise les personnels nouvellement
embauchés autour des problématiques de
sûreté et contribue à leur donner des réflexes
de sécurité et de sûreté dès le départ de leur
collaboration.
Une procédure raccourcie de ces deux
mesures clés devrait par ailleurs être définie
pour les agents occasionnels ou saisonniers
qui sont une masse importante du personnel
des sites de loisirs et culturels.
RÉAGIR ET S’ENTRAÎNER. Le plan de l’ex-
ploitant contient également tous les éléments
d’une gestion de crise, c’est-à-dire l’ensemble
des mesures, différenciées en fonction de la
nature de l’attaque et de l’ampleur des consé-
quences, susceptibles d’être mises en œuvre en
cas d’attentat.
Il s’agit des mécanismes de détermination
de la nature de l’attaque : différentes hypo-
thèses doivent être envisagées avec une des-
cription précise des symptômes ou caracté-
ristiques résultant de l’utilisation de tel ou
tel moyen d’attaque et l’identification des
SOPHIE HUBERSON
compétences ou services spécialisés à mobi-
liser ou à alerter. Les fiches “réflexes”, l’ar-
ticulation des différents plans de sécurité sont
testés lors d’exercices. Ils sont destinés à : tes-
ter la fiabilité des conclusions de l’analyse de
risques et des vulnérabilités du site ; appré-
cier la pertinence et l’efficacité des procédures
(audit) ; mesurer la réactivité des agents de
sécurité ; tester la prise en considération par
l’ensemble des collaborateurs de l’impératif
de sécurité.
Sous l’impulsion du service de sécurité, l’en-
semble du personnel est associé aux exer-
cices, notamment en ce qui concerne les pro-
cédures d’évacuation et la répétition des gestes
de base en matière de sécurité.
■ ■
L’investissement humain et financier néces-
saire pour contrer le risque terroriste s’élève
à plusieurs dizaines de millions d’euros dans
notre secteur. C’est la contribution néces-
saire pour que la fréquentation des sites de
loisirs et culturels demeurent, pour tout un
chacun, l’activité de loisirs hors de chez soi
la plus sûre. ■
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 21
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME

PRÉVENTION DU RISQUE

GÉRER LA SÛRETÉ ET LA SÉCURITÉ

DES ÉVÉNEMENTS ET SITES CULTURELS
Guide élaboré par la mission sécurité-sûreté des événements naturels
(ministère de l’Intérieur, ministère de la Culture et de la Communication,
secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale) (avril 2017)
Ce guide de bonnes pratiques, destiné aux organisateurs d’événements
culturels de toute nature et à leurs organisations, vise à renforcer les
mesures de sûreté dont ils sont les garants. Il propose une méthode, des
fiches techniques, un questionnaire d’auto-évaluation et des mémentos.
Il permet de disposer d’outils précis tenant compte des spécificités des
manifestations culturelles.

THÈMES ABORDÉS DANS LE GUIDE

Se préparer
→ Évaluation de la menace terroriste
→ Ordonnancement et gestion des locaux
et espaces mis à disposition d’un événement
→ Contrôle d’accès
→ Vidéoprotection
→ Traitement du courrier et des petites livraisons
→ Planification de la fouille du site de l’événement,
filtrage et palpation de sécurité
→ Communication interne
→ Manifestations prestigieuses
→ Organisation du poste central de sûreté (PCS)
→ Le système d’alerte et d’information
des populations (SAIP)
→ Fiabilité du personnel
→ Missions de reconnaissance hostiles
Prévenir, réagir
→ Survol de drone, drone malveillant
→ Véhicules piégés
→ Attaques NRBC (nucléaires, radiologiques, bactériologiques, chimiques)
→ Attentats-suicides
→ Attaque à main armée (arme blanche, arme par destination, arme à feu),
attaque terroriste
→ Sécurité des informations
→ Plan d’évacuation, plan de confinement
→ Dossier d’intervention des forces de sécurité intérieure
http://www.interieur.gouv.fr/Actualites/Communiques/Publication-du-guide-Gerer-la-surete-et-la-
securite-des-evenements-et-sites-culturels

22 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
 VINCENT CAPO-CANELLAS

LA SÛRETÉ
DU TRANSPORT AÉRIEN
UN DÉFI COMPLEXE
VINCENT CAPO-CANELLAS
Sénateur-Maire du Bourget, rapporteur du budget de l’aviation civile au Sénat
Président du groupe d’études sénatorial sur l’aviation civile
< v.capo-canellas@senat.fr >

Si, au cours des vingt dernières années, des progrès consi-

dérables ont rendu le transport aérien plus sûr, les avions

demeurent des appareils fragiles tandis que les aéroports

sont des lieux de passage très fréquentés, difficiles à sécu-

riser totalement. La menace étant protéiforme et en évo-

lution constante, il convient sans cesse d’adapter les outils

et les technologies et de faire preuve d’une très grande

réactivité, ce qui coûte très cher. Par ailleurs, le renforce-

ment des mesures de sûreté entrave la fluidité du dépla-

cement des passagers.

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 23
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME
PRÉVENTION DU RISQUE
e transport aérien est aujourd’hui
L l’un des principaux symboles de la
mondialisation des échanges. On
estime ainsi que 3,5 milliards de
passagers ont été transportés par
avion dans le monde en 2015, dont 150 mil-
lions au départ ou à destination de la France.
Au cours des vingt dernières années, des pro-
grès considérables ont été réalisés par les com-
pagnies aériennes, les constructeurs aéronau-
tiques et les autorités de l’aviation civile pour
rendre les avions plus sûrs. Ainsi, alors que le
nombre de passagers a plus que doublé en
vingt-cinq ans, le nombre de morts dans des
accidents a été divisé par quatre. L’organisation
de l’aviation civile internationale (OACI) et
l’agence européenne de sécurité aérienne
(AESA), chacune à leur niveau, ont élaboré des
normes de plus en plus exigeantes en matière de
construction et d’entretien des avions pour
assurer le plus haut niveau de sécurité des vols.
C’est ce qu’on appelle la “sécurité aérienne”
(safety en anglais), qui désigne toutes les
mesures mises en œuvre (règles de construc-
tion et d’utilisation des avions) pour réduire le
risque aérien (accidents et incidents). Dans cette
même logique, une liste “noire” des compa-
gnies aériennes peu sûres a été établie par la
Commission européenne à partir des années
2006-2007, afin de rassurer les voyageurs sur
la sécurité des vols qu’ils empruntent.
VULNÉRABILITÉS. Mais le transport aérien
présente néanmoins des vulnérabilités.
L’attentat de Charm el-Cheikh, fin octobre
2015, contre l’A320 de la compagnie russe
Metrojet (le premier attentat réussi depuis 2004
contre un avion civil) est venu rappeler que,
même si l’avion est le moyen de transport le
plus sûr, le risque zéro n’existe pas.
Les avions demeurent en effet des appareils
fragiles et les aéroports sont des lieux de pas-
sage très fréquentés et, par définition, difficiles
à sécuriser totalement (cf. les événements tra-
giques récents).
Le transport aérien apparaît comme une cible
de choix pour les groupes terroristes désireux
de commettre des attentats et des actes de mal-
24 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
veillance, tels que des détournements ou des
destructions d’avions, des prises d’otages, des
attaques menées contre le public présent dans
les aéroports, etc.
CIBLES. L’actualité récente – les tragiques évé-
nements survenus à l’aéroport de Zaventem à
Bruxelles, le 22 mars 2016, et à l’aéroport
Atatürk d’Istanbul, le 28 juin 2016 – est mal-
heureusement venue confirmer cette prédilec-
tion des groupes terroristes pour le transport
aérien, et particulièrement les aéroports qui,
avec leurs flots ininterrompus de voyageurs de
toutes nationalités et de toutes confessions,
constituent pour eux des cibles explicites.
Notre pays est lui aussi directement concerné
par ce danger. Durement frappée par les atten-
tats de janvier et de novembre 2015, puis celui
de juillet 2016, perpétrés par l’organisation
État islamique ou en son nom, la France fait
face à des adversaires très déterminés et va
devoir vivre, sans doute pour longtemps, avec
un niveau de menace très élevé. Récemment,
en mars 2017, c’est un aéroport parisien, celui
d’Orly, qui a été visé par une attaque terro-
riste, heureusement stoppée par une patrouille
de l’opération Sentinelle. Cet attentat a relancé
la question légitime du niveau et de l’efficacité
des dispositifs de sûreté dans nos aéroports.
Or, la sûreté et la sécurité des vols et des
plates-formes aéroportuaires sont des éléments
déterminants dans le choix que font les tou-
ristes de leur destination, car ils aspirent légi-
timement à voyager en toute sécurité dans notre
pays. On sait ainsi l’impact désastreux qu’ont
eu les attentats terroristes de 2015 sur le tou-
risme. La France est le pays le plus visité au
monde ; les conséquences de ces attentats sont
dramatiques sur l’économie nationale, avec un
manque à gagner de plusieurs milliards d’euros
pour l’industrie touristique.
C’est dans ce contexte très lourd que j’ai réa-
lisé, dans le cadre de mes fonctions de rap-
porteur spécial du Sénat sur le budget de l’avia-
tion civile, un rapport d’information sur
l’efficacité et le financement de la sûreté du
transport aérien. Dans un premier temps, j’avais
orienté mon travail sur la problématique du

coût de la sûreté et du mécanisme qui assure
son financement, la taxe d’aéroport, les com-
pagnies estimant que cette taxe pénalisait leur
compétitivité. Mais à la suite des événements
des derniers mois, j’ai choisi d’adopter une
vision plus globale de la sûreté aéroportuaire,
en étudiant également de très près la question
de son efficacité : alors que notre pays doit sur-
monter une crise sécuritaire sans précédent,
comment garantir que les investissements
consacrés à la sûreté de l’aviation civile per-
mettront de réduire la menace à son minimum ?
Selon la définition qu’en donne l’annexe 17
de la convention de Chicago relative à l’aviation
civile internationale, la sûreté est “la combi-
naison des mesures ainsi que des moyens
humains et matériels visant à protéger l’aviation
civile contre les actes d’intervention illicite”.
ACTEURS. Au cours de mes auditions, il est
apparu que la politique de sûreté faisait inter-
venir un nombre considérable d’acteurs dans
notre pays.
L’autorité compétente au sens de l’article 9
du règlement européen n° 300/2008 est le
ministre chargé des Transports – c’est lui qui
assure la responsabilité de l’ensemble du dis-
positif. Placée sous son autorité, la direction
générale de l’Aviation civile (DGAC) élabore
et anime la politique de l’État en matière de
sûreté et veille à son application par l’ensemble
des acteurs du transport aérien. Mais, sur le
terrain, c’est le ministère de l’Intérieur qui tient
le premier rôle.
Côté ville, la police aux frontières (PAF)
assure la sécurité dans les aérogares, les
contrôles aux frontières, la lutte contre l’im-
migration clandestine et la supervision des
sociétés privées de sûreté. Côté pistes, la gen-
darmerie du transport aérien (GTA) assure le
contrôle des mesures de sûreté applicables aux
personnels, aux véhicules, aéronefs, bagages
de soute, fret, approvisionnement de bord et
fournitures d’aéroport. Les services de rensei-
gnement sont également présents sur les plates-
formes.
L’ensemble du dispositif est placé sous la res-
ponsabilité du préfet du département dans
VINCENT CAPO-CANELLAS
lequel se situe l’aéroport. À Roissy-Charles-
de-Gaulle et au Bourget, un préfet délégué,
placé auprès du préfet de la Seine-Saint-Denis,
est chargé de cette mission. À Orly, c’est direc-
tement le préfet qui en est responsable.
Enfin, dans une moindre mesure, les minis-
tères de la Défense, des Affaires étrangères et du
Budget (avec la direction générale des Douanes
et des Droits indirects, responsable de la sûreté
du fret dans les aéroports parisiens) intervien-
nent également en matière de sûreté.
Pour assurer la coordination de ces nom-
breux services, une instance baptisée commis-
sion interministérielle de la sûreté aérienne
(Cisa) se réunit tous les six mois à Matignon
sous l’égide du cabinet du Premier ministre.
Son secrétariat est assuré par le secrétariat géné-
ral de la Défense et de la Sécurité nationale
(SGDSN). Plusieurs remarques et propositions
peuvent être faites à ce sujet.
POLICE AUX FRONTIÈRES. Si la gendarmerie
du transport aérien donne satisfaction et a vu
ses moyens renforcés ces dernières années, la
police aux frontières apparaît en difficulté. Ses
effectifs ont été réduits au cours du temps, alors
même que le nombre de passagers a augmenté
et que ses tâches se sont accrues avec l’état d’ur-
gence et les mesures complémentaires prévues
par le plan Vigipirate. En période de forte
affluence dans les aéroports, la situation est
problématique, et il devient urgent de parve-
nir à résorber les files d’attente aux frontières,
qui nuisent à l’attractivité de nos aéroports et
peuvent constituer une cible pour les terro-
ristes. C’est pourquoi il me paraît nécessaire
que les effectifs de la PAF puissent être rapi-
dement étoffés.
Il est sans doute également nécessaire que la
PAF se recentre sur ses missions principales.
C’est notamment le sens de la réforme récem-
ment adoptée, qui confie au préfet de police
de Paris (à la place de la PAF) la responsabi-
lité de la sécurité publique sur les voies d’ac-
cès à l’aéroport.
Dans la période actuelle, il est essentiel de
donner la priorité à nos services de renseigne-
ment. Si ceux-ci sont bien présents sur les plates-
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 25
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME
PRÉVENTION DU RISQUE
Le concept de “défense en profon-
deur” s’appuie sur le postulat suivant :
aucune mesure ne pouvant prétendre à
elle seule mettre en échec un projet
d’attentat, il faut constituer un système
global, cohérent et robuste de mesures
et de dispositifs.
formes aéroportuaires, il paraît nécessaire de
renforcer cette présence, qui constitue la pre-
mière ligne de défense du système de sûreté.
Concernant la gouvernance locale de la
sûreté aéroportuaire, il paraît essentiel que la
plate-forme d’Orly, qui accueille quelque trente
millions de passagers par an, puisse à son tour
bénéficier de la présence d’un préfet délégué.
Grâce au vote du Parlement, cela devrait être
le cas en 2018.
GOUVERNANCE. Enfin, la gouvernance natio-
nale de la sûreté paraît présenter certaines fai-
blesses. Si l’autorité directrice en matière de
sûreté de l’aviation civile, à savoir la DGAC,
est clairement identifiée par tous, la multiplicité
des intervenants rend leur coordination difficile
et complexe.
Ainsi, un simple arrêté, parfois urgent, peut
nécessiter pas moins de trois signatures dans
la mesure où il concerne des directions minis-
térielles relevant de trois ministres différents,
ce qui allonge considérablement les délais de
décision et de publication.
En outre, des querelles de service ou de véri-
tables différences de stratégie sur le fond pous-
sent parfois à la recherche de consensus et de
compromis, ce qui empêche une prise de déci-
sion claire et nette.
Pour gagner en réactivité, il paraît souhai-
table de chercher à réduire le nombre d’acteurs
impliqués.
Dans cette perspective, la création d’une
26 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
agence de la sûreté du transport aérien, dotée
d’une forte capacité d’analyse et de prospec-
tive, et rassemblant des fonctionnaires issus de
l’ensemble des services qui travaillent sur cette
problématique, paraîtrait pertinente. Cette
solution a été retenue, selon des périmètres
variés, par les États-Unis avec la Transportation
Security Administration (TSA) ou bien par le
Canada avec l’Administration canadienne de la
sûreté du transport aérien (ACSTA).
DÉFENSE EN PROFONDEUR. La sûreté aéro-
portuaire est constituée d’un ensemble de
mesures et de dispositifs que la DGAC a syn-
thétisé dans le concept de “défense en profon-
deur”. Ce concept s’appuie sur le postulat sui-
vant : aucune mesure ne pouvant prétendre à
elle seule mettre en échec un projet d’attentat,
il faut constituer un système global, cohérent et
robuste de mesures et de dispositifs.
Dans les avions. Les menaces traditionnelles
auxquelles fait face depuis longtemps l’avia-
tion civile sont l’introduction d’armes ou d’ex-
plosifs dans les avions.
La traditionnelle inspection/filtrage des pas-
sagers et des bagages de cabine connaît actuel-
lement des évolutions importantes, autour de
deux grands axes : améliorer le confort des
passagers, d’une part renforcer la détection des
objets illicites, et en particulier les explosifs,
d’autre part.
La DGAC a mis en place en 2014, pour trois
ans, un programme d’innovation national, bap-
tisé “Vision sûreté”, qui entend agir sur ces
deux axes en expérimentant les shoe scanners
qui évitent aux passagers de se déchausser, les
scanners corporels ou bien encore le multi-
plexage, qui permet aux agents de sûreté de
regarder les images des bagages de cabine au
calme, loin de l’agitation des files de passagers.
Le contrôle des bagages de soute fait face
quant à lui à un défi important avec le passage
au standard 3 des appareils de détection d’ex-
plosifs d’ici à 2020. Ce chantier n’a pas encore
commencé dans la plupart des aéroports et
devrait représenter quelque 600 millions d’eu-
ros d’investissement pour les seuls aéroports
parisiens : son financement fait l’objet de nom-

breux débats, alors qu’il faudrait accélérer leur
déploiement.
Les mesures d’habilitation des personnels
ayant accès à la zone de sûreté à accès réservé
font aujourd’hui l’objet d’une attention toute
particulière, car il faut éviter à tout prix que
des terroristes puissent bénéficier de complici-
tés à l’intérieur des aéroports.
Afin de se prémunir du risque que des socié-
tés présentes côté pistes puissent compter dans
leurs rangs des salariés radicalisés, il est capital
de procéder à un réexamen très régulier de leurs
droits d’accès et qu’un criblage permanent des
fichiers de police permette de détecter les cas
problématiques. Depuis 2015, ce sont ainsi
80 personnes qui se sont vu retirer leur habi-
litation pour radicalisation dans les aéroports
parisiens, où ont eu lieu 14 perquisitions et
5 000 fouilles de casiers dans le cadre de l’état
d’urgence.
Dans les aérogares. Mais, à côté de ces
menaces traditionnelles, il faut examiner les
nouvelles menaces qui pèsent sur le transport
aérien et dont il n’est pas sûr que tous les
acteurs concernés aient toujours pris la pleine
mesure.
À la suite des attentats de Bruxelles et
d’Istanbul, et, dernièrement, de l’agression
d’une militaire à Paris-Orly, la principale ques-
tion qui se pose aujourd’hui au secteur du trans-
port aérien est celle de la sûreté dans les aéro-
gares, qui constituent des espaces publics
dépourvus de contrôle à l’entrée, au même titre
que les gares ou la plupart des grands maga-
sins.
Certains plaident pour l’installation de por-
tiques de sécurité à l’entrée des aérogares. Il
s’agirait, à notre avis, d’une erreur.
Ces portiques auraient pour premier effet de
rendre beaucoup plus difficile et lent l’accès
aux aérogares, provoquant l’apparition de files
d’attente à l’extérieur. Or, ces files d’attente
présenteraient une très grande vulnérabilité en
cas d’attaque terroriste par armes à feu ou par
explosifs.
Du reste, les portiques présents aux entrées
de l’aéroport Atatürk d’Istanbul n’ont nulle-
VINCENT CAPO-CANELLAS
ment permis d’empêcher les terroristes de péné-
trer à l’intérieur de l’aérogare.
En revanche, plusieurs pistes intéressantes
doivent être développées pour faire des aéro-
gares des lieux mieux sécurisés.
La plus intéressante est celle de l’analyse com-
portementale, dont les résultats sont très pro-
bants selon les experts de la DGAC et
d’Aéroports de Paris.
Fondée sur un ensemble de techniques d’ob-
servation, elle doit permettre à des personnels
dûment formés et entraînés de repérer les atti-
tudes anormales de personnes présentes dans les
aérogares et susceptibles de présenter un dan-
ger.
Associée à des dispositifs de vidéoprotection,
à des patrouilles policières ou militaires, à des
équipes cynophiles ou bien encore à des
contrôles aléatoires et ponctuels aux entrées,
cette technique permet d’élever le niveau de
sûreté des parties publiques de nos aéroports.
Dans cette logique, notre pays pourrait envi-
sager d’expérimenter le contrôle différencié des
passagers, pour concentrer les moyens sur les
personnes qui présentent le plus de risques et
alléger les contrôles sur celles qui en présen-
tent le moins.
NOUVELLES MENACES. Ces dernières années,
de nouvelles menaces ont émergé.
Le crash de l’avion de la compagnie russe
Metrojet en provenance de Charm el-Cheikh,
en octobre 2015, a montré la vulnérabilité des
vols reliant des pays “sensibles” à des pays
occidentaux. Dans ces pays confrontés à un
risque terroriste et dont la sûreté aéroportuaire
présente des failles, les autorités françaises ont
mis en place un programme dit “vols entrants”,
qui consiste à envoyer sur place des équipes
d’experts français chargés d’auditer les moyens
mis en œuvre. Il s’agit de faire prendre
conscience aux autorités des pays dont la sûreté
aéroportuaire présente des défaillances des
principales mesures à mettre en place pour rele-
ver son niveau, avec l’appui technique de notre
pays et, le cas échéant, de prescrire par arrêté
à nos compagnies des mesures de sûreté com-
plémentaires.
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 27
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME
PRÉVENTION DU RISQUE
Si étonnant que cela puisse paraître, aucune
consigne n’empêchait les compagnies aériennes
de survoler l’est de l’Ukraine, pourtant en proie
à un conflit armé, jusqu’à la tragédie du vol
MH17 de la Malaysia Airlines abattu par un
missile, le 17 juillet 2014. Depuis cette date,
la DGAC émet des circulaires d’information
aéronautique interdisant de survoler certaines
zones géographiques ou imposant un survol
au-dessus d’un certain palier, sur la base d’ana-
lyses de risque de présence de matériels anti-
aériens déployés et susceptibles d’être utilisés.
Autre risque de plus en plus présent, celui
des tirs de missiles sol-air à très courte portée
(Manpads), qui sont présents dans un nombre
de plus en plus grand de régions du globe. Pour
lutter contre cette menace, il est nécessaire
d’identifier et de surveiller les sites potentiels de
tir (SPT), c’est-à-dire les points d’un aéroport
d’où un tir de Manpad pourrait atteindre un
avion. Notre pays conduit des formations sur
ce point à l’étranger, notamment en Afrique,
et nos aéroports sont actuellement en cours
d’analyse. Une fois qu’ils ont été identifiés, les
sites potentiels de tir doivent être constamment
surveillés par des dispositifs de vidéoprotec-
tion, mais également par des patrouilles de la
GTA.
La lutte contre les drones malveillants a été
récemment renforcée sur le plan juridique par
des dispositions législatives et réglementaires et,
sur le plan capacitaire, par des solutions inté-
grées de détection et de neutralisation de
drones.
Dernière menace qui est en forte progres-
sion, la cybersûreté de l’aviation civile. Les
industriels de l’aéronautique doivent sans cesse
renforcer la sécurité de leurs systèmes d’infor-
mation pour éviter les intrusions de hackers,
qui sont présents dans les rangs des groupes
terroristes.
Pour protéger leurs appareils, ils veillent à
séparer les différents réseaux informatiques
des avions, de sorte qu’il ne puisse y avoir de
communication possible entre celui de la cabine
de pilotage et les systèmes auxquels ont accès
les passagers ; les avionneurs testent la robus-
28 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
tesse de ces réseaux cloisonnés avec des équipes
de hackers qu’ils salarient pour tenter d’en
dévoiler les failles.
■ ■
Notre système de sûreté apparaît robuste et
s’appuie sur un ensemble de mesures cohérent,
à même de garantir à nos concitoyens et aux
voyageurs un très haut niveau de sécurité.
Mais la menace étant protéiforme et en évo-
lution constante, il convient sans cesse d’adap-
ter les outils et les technologies et de faire
preuve d’une très grande réactivité. C’est là
sans doute une limite de la “défense en pro-
fondeur”, qui repose sur un trop grand nombre
d’acteurs, difficiles à coordonner.
En outre, la limite majeure du système est
son financement, qui pèse lourdement sur les
compagnies aériennes via la taxe d’aéroport ;
des contrôles plus approfondis des dépenses
de sûreté des aéroports permettraient de ren-
forcer nettement l’efficience de ces dernières.
C’est pourquoi, lorsqu’on évoque le renforce-
ment des dispositifs de sûreté dans le domaine
aérien et aéroportuaire, il faut garder à l’es-
prit le coût de ces mesures et appareils, qui,
compte tenu du contexte et des menaces,
devraient continuer à augmenter dans les
années à venir. Et ces coûts seront répercutés
pour partie sur les billets d’avion, donc sur les
clients des compagnies aériennes, dont les tou-
ristes.
Une autre limite est l’allongement des temps
d’attente et la dégradation possible du niveau
de confort des passagers avec le renforcement
des mesures de sûreté. L’objectif des passagers
lors de leurs déplacements est de franchir les
contrôles relativement rapidement. Il est déli-
cat d’allonger le temps de passage aux points
de contrôle par des mesures de sûreté trop
pesantes, la fluidité des passagers dans les aéro-
gares restant un objectif prioritaire des ges-
tionnaires d’aéroport. La difficulté est donc
de trouver un équilibre satisfaisant entre le ren-
forcement des mesures de sûreté, la fluidité du
déplacement des passagers et les contraintes
d’horaires des vols à respecter, notamment
pour les vols en correspondance. ■
 JEAN-PAUL HUCHON

“LA MENACE TERRORISTE

DOIT SERVIR DE CATALYSEUR
À LA TRANSFORMATION
DU TOURISME FRANÇAIS”
INTERVIEW DE JEAN-PAUL HUCHON

Pour Jean-Paul Huchon, auteur en septembre 2016 d’un

rapport au Premier ministre sur l’attractivité de la desti-

nation France après les attentats, les attaques terroristes

doivent être l’occasion, pour la destination France, d’aller

au-delà des mesures conjoncturelles. Le moment lui semble

venu de poser une réflexion sur le long terme, d’envisager

des mesures structurelles et de mener une politique forte

avec l’ensemble des forces vives du tourisme français.

e Premier Ministre m’a confié, en était de pouvoir approcher la réalité, complexe

L
fin d’année 2015, une mission por-
tant sur l’attractivité de la destina-
tion France après les attentats(1). Il
souhaitait que soit établi, à cette
occasion, un diagnostic partagé avec les pro-
fessionnels du secteur du tourisme. L’objectif
(1) Rapport au Premier
et en constante mutation, du tourisme français. ministre sur la destination
Pour cela, Sharon Elbaz (rapporteur) et moi- France après les attentats.
même avons rencontré un ensemble d’acteurs Diagnostic et propositions,
(environ 150 entretiens) représentant tous les Mission confiée à Jean-Paul
secteurs du tourisme en France, tant publics Huchon, Rapporteur : Sharon
que privés. Nous sommes également allés à Elbaz, septembre 2016.

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 29
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME
STRATÉGIE DE RECONQUÊTE
l’étranger, notamment à New York, à Londres
et à Madrid, pour échanger sur les bonnes pra-
tiques et en tirer des enseignements pour la
France.
Je n’ai pas choisi d’établir un “livre blanc”,
car il m’a semblé qu’il n’était pas possible de
tirer des conclusions définitives dans un
contexte aussi exceptionnel que celui des atten-
tats. Mon objectif est plutôt de partager
quelques convictions et propositions qui, de
mon point de vue, peuvent contribuer à ren-
forcer la “nouvelle donne touristique”.
Pour moi, en effet, les attentats et leurs
conséquences immédiates sur la fréquentation
de la destination France doivent être l’occa-
sion d’aller au-delà des mesures conjonctu-
relles. Des mesures de court terme ont été
prises pour répondre à l’urgence économique
et aux inquiétudes des professionnels : lance-
ment d’un plan de relance de la destination,
poursuite des mesures prises dans le cadre de
la Cellule de continuité économique, avec la
tenue d’un comité d’urgence économique. Elles
ont produit leur effet. Alors qu’il est de plus en
plus évident que le phénomène des attentats
n’est pas près de disparaître, il me semble que
le moment est venu de poser une réflexion sur
le long terme, d’envisager des mesures struc-
turelles et de faire des propositions afin de
refonder la politique touristique nationale.
OCCASION DE REBONDIR. Le tourisme, avec
ses 7,4 % de PIB et ses 2 millions d’emplois
directs et indirects non délocalisables, doit
être désormais considéré comme un secteur
clé de l’économie française. Si la France a des
atouts indéniables, force est de constater que
la concurrence internationale est de plus en
plus rude et que notre pays a désormais des
difficultés à conserver sa place de première
destination mondiale et, surtout, peine à aug-
menter le volume de ses recettes touristiques.
La puissance que peuvent lui conférer ses
atouts est largement entamée par la balkani-
sation du secteur du tourisme français, sec-
teur structurellement éclaté, avec une gou-
vernance atomisée. La période difficile que
nous traversons peut aussi être considérée
30 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
comme une occasion de rebondir.
C’est pourquoi la dernière vague d’attentats
doit nous faire prendre conscience de la néces-
sité de mettre en place un plan de sécurité, un
plan de promotion, mais aussi un plan d’in-
vestissement. Celui-ci est indispensable pour
permettre à la France de retrouver l’attracti-
vité perdue, mais aussi pour la renforcer dans
un contexte international très concurrentiel
tout en augmentant le volume des recettes.
Quand on analyse la situation de notre pays
après les attentats de 2015 et de 2016, on
constate que la France a été touchée de manière
différentielle. La région Île-de-France a parti-
culièrement souffert, et singulièrement Paris
intra-muros. Les clientèles étrangères ont
annulé leurs voyages – les Chinois, les Japonais
mais aussi les Italiens et les scandinaves. En
revanche, les Américains et les Britanniques
ont continué à venir. Malgré les événements
et leur répétition (notamment à Nice, en juillet
2016), nous n’avons pas assisté à un effon-
drement total de la fréquentation touristique,
tel qu’ont pu l’observer des destinations
comme la Tunisie ou l’Égypte…
Selon moi, deux raisons principales peuvent
expliquer ce constat. La première, c’est que
l’offre touristique de la France a des atouts
supérieurs à ceux de ses concurrents. La
deuxième raison tient à l’action des pouvoirs
publics, et notamment au rattachement du
tourisme au ministère des Affaires étrangères.
Cette décision, qui donne une importance sym-
bolique au secteur, se traduit aussi par toute
une série d’actions portant sur l’amélioration
de l’accueil des touristes asiatiques, la facili-
tation des visas… Ces mesures, qui avaient
commencé à produire de l’effet avant les atten-
tats, ont certainement contribué à amoindrir
l’impact de ces derniers sur la fréquentation. Et
je vois là de fortes raisons pour que les diffi-
cultés que nous avons rencontrées ne soient
pas pérennes. Il me semble alors qu’il serait
intéressant de profiter de cette période pour
optimiser l’organisation du tourisme en France
et mieux organiser les coopérations entre les
secteurs public et privé.

GESTION DE CRISE. Je me suis tout d’abord
attaché à tirer les enseignements de la crise
que le tourisme a subie après les attentats de
novembre 2015, afin de faire des propositions
permettant de renforcer la confiance et de faire
revenir les clientèles.
La première difficulté a été de mesurer l’im-
pact des attentats sur l’activité touristique.
Cela s’est révélé très compliqué tant l’outil sta-
tistique existant est complexe et tant la com-
munication sur les effets des attentats était
confuse, car émanant de multiples émetteurs
(État, collectivités locales et organisations pro-
fessionnelles), sans aucune coordination. C’est
pourquoi, parmi les mesures que j’ai voulu
proposer, la première concerne la création d’un
observatoire national du tourisme qui pro-
duirait une analyse de la conjoncture et des
tendances touristiques qui fasse référence :
c’est un outil indispensable pour avoir une
image juste de la réalité touristique et prendre
des décisions adaptées.
La seconde mesure qui s’est imposée à moi,
c’est la nécessité de formaliser les bonnes pra-
tiques d’une communication de crise pour le
tourisme. Pour cela, il me semble impératif de
créer une cellule de gestion de crise consacrée
au tourisme, qui serait reliée aux outils habi-
tuels de gestion de crise et déclenchée à chaque
crise affectant l’activité touristique – terro-
risme, mais aussi catastrophes naturelles, mou-
vements sociaux… Cette cellule réunirait des
acteurs publics (ministères, collectivités locales)
et privés (fédérations professionnelles et grands
groupes). L’ambition est de mettre en place un
dispositif harmonisé de communication de
crise permettant, en cas de difficulté, de ras-
surer les marchés émetteurs et de relancer la
destination France.
Il me semble par ailleurs qu’il convient de
porter une attention toute particulière à la des-
tination Paris, en tant que porte d’entrée et
locomotive de la destination France. Dans le
contexte post-attentats, l’image de la destina-
tion Paris est l’affaire de tous. J’ai proposé la
création d’un comité stratégique de la desti-
nation Paris réunissant l’État, la région Île-de-
JEAN-PAUL HUCHON
France et la ville de Paris, en lien avec leurs
partenaires publics et privés. Au-delà de la
promotion, le rôle de ce comité stratégique
pourrait être d’améliorer, de façon concertée,
l’offre touristique et d’élaborer une stratégie
de marque et d’attractivité partagée par tous.
À la suite des attentats de Paris et de Nice,
et dans un contexte de menace permanente,
la priorité est de rassurer les touristes, tant
français qu’étrangers. Il serait judicieux qu’un
plan “Tourisme sûr” soit élaboré par l’en-
semble des partenaires du tourisme français. Ce
plan pourrait englober, au-delà de la menace
terroriste, des dispositifs concernant la pré-
vention contre la délinquance dans les zones
touristiques. Les politiques publiques en la
matière existent déjà. Il s’agirait de leur don-
ner davantage de visibilité et de les adapter à
la nouvelle donne sécuritaire. Ce pourrait être
l’occasion de réfléchir à de nouveaux services
aux touristes. La communication sur la sécu-
rité de la destination devrait être intégrée dans
la communication globale de la destination
France.
PROMOTION MASSIVE DE LA DESTINATION. Au-
delà de ces mesures, la meilleure façon de
contrer la perte de confiance des touristes reste
la promotion massive de la destination, c’est-
à-dire la promotion de ses atouts et de la qua-
lité de son offre touristique. Aujourd’hui, on
ne peut que constater une forte dispersion des
budgets et des actions. L’État intervient à tra-
vers Atout France ; les collectivités locales
interviennent chacune à leur niveau, régional,
départemental ou local. Un tel éparpillement
ne peut que nuire à l’efficacité des actions.
C’est pourquoi j’ai proposé l’élaboration d’un
plan de promotion international et d’un plan
de promotion du tourisme interne – ces plans
seraient pilotés par un comité stratégique ad
hoc reposant sur un solide partenariat public-
privé.
À l’étranger, et notamment en Grande-
Bretagne et en Espagne, la coopération entre
les acteurs publics et les acteurs privés est beau-
coup plus grande qu’en France. Nous avons
été très impressionnés par ce que nous y avons
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 31
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME
STRATÉGIE DE RECONQUÊTE
vu, en particulier à Madrid. Dans un pays
comme l’Espagne, qui est beaucoup plus régio-
nalisé que le nôtre, la coopération entre les
régions est tout à fait impressionnante, tout
comme celle entre le secteur public et le sec-
teur privé. De ce fait, la prise en compte de la
sécurité, y compris dans des secteurs très spé-
cifiques comme les transports (le métro, par
exemple), est plus importante. En Grande-
Bretagne, la British Tourist Authority (BTA)
est directement rattachée au Premier ministre.
Espace de coopération entre les différents
acteurs et les différents échelons, elle organise
la sécurité de manière très centralisée avec des
pouvoirs forts.
En France, il nous manque un véritable
espace de coopération. On a tendance à tout
attendre de l’État. Des efforts ont déjà été faits
bien sûr avec les contrats de destination – qui
sont en fait des contrats d’ingénierie, pas des
contrats d’investissement. Une vingtaine de
destinations seulement ont signé un contrat à
ce jour, ce qui limite l’impact de cette mesure.
Notons toutefois que ces contrats dessinent
les contours de ce que pourrait être la coopé-
ration entre les autorités, notamment dans le
cadre régional.
Laurent Fabius avait proposé un plan assez
ambitieux pour le tourisme, avec pour objec-
tif l’accueil de 100 millions de visiteurs en
2020. Malheureusement, après son départ,
le ministère des Affaires étrangères n’a pas
déclenché l’immense plan de promotion inter-
nationale dont nous aurions besoin, compa-
rable à celui promu par Visit Britain.
Le plan de Visit Britain est complètement
intégré et fonctionne sur la base du mécénat,
avec des niveaux de financement sans com-
mune mesure avec ce qui existe en France où
l’État se contente, pour la promotion inter-
nationale, d’accorder une subvention à Atout
France. C’est à Atout France que revient le
rôle d’assurer l’effet de levier en allant chercher
des financements auprès des collectivités.
Il manque à la France un grand plan public-
privé, doté d’une gouvernance spécifique et
associant acteurs privés, collectivités locales
32 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
et État. Il revient à ce dernier de donner l’im-
pulsion. Si l’on veut convaincre les clientèles
étrangères de revenir, de venir plus nombreuses
ou de dépenser plus sur place, il faut un plan
de promotion internationale très ambitieux
dont la cheville ouvrière devrait être Atout
France. À la suite de mon rapport, les pou-
voirs publics ont accepté d’augmenter les
moyens de la promotion, mais pas suffisam-
ment pour déclencher un élan nouveau des
acteurs privés.
Il est également grand temps de promouvoir
le tourisme des Français en France. Les efforts
de promotion sont essentiellement concentrés
sur le tourisme des étrangers, à revenus élevés.
Il convient d’élaborer un plan de promotion
du tourisme intérieur afin d’inciter les Français
profiter de l’attractivité des régions françaises
durant leurs vacances. Il convient aussi de favo-
riser et d’augmenter le taux de départ en
vacances des Français. Il ne faut pas oublier
que ce sont les Français qui ont sauvé la sai-
son touristique après les attentats.
MODERNISATION DE L’OFFRE. Les actions de
promotion ne suffiront pas pour augmenter
le niveau des dépenses des touristes en France.
Pour cela, il faut engager un travail important
au niveau de l’offre. Cette dernière, dans beau-
coup de pans de l’activité, est vieillissante et
ne répond plus suffisamment à une demande
des touristes qui prend des formes de plus en
plus variées.
La modernisation de l’offre est désormais
un impératif. Les contrats de destination per-
mettent de fédérer les acteurs des destinations
françaises et d’élaborer une stratégie commune
de promotion. Pour aller encore plus loin, j’ai
proposé que les contrats de destination devien-
nent des lieux de contractualisation des inves-
tissements, ce qui permettrait d’en renforcer
l’efficacité, d’autant qu’un comité d’orienta-
tion réunissant les partenaires et les financeurs
serait chargé de veiller à la convergence des
investissements avec la stratégie touristique
nationale.
Pour relancer les propositions formulées
dans le rapport, nous avons proposé avec Jean-
 JEAN-PAUL HUCHON

Pierre Raffarin, avec qui je préside désormais

le comité de surveillance des investissements LES PROPOSITIONS DU RAPPORT HUCHON
d’avenir, que le tourisme devienne l’un des sec-
teurs éligibles aux investissements d’avenir. Si
cette proposition était acceptée, le tourisme Réaffirmer la stratégie nationale du tourisme
pourrait alors profiter des 300 millions d’eu-
ros qui devraient être dégagés dans les années autour d’objectifs revisités et partagés
à venir au titre investissements d’avenir. Il ne
s’agirait pas de moderniser les équipements au
sens propre du terme, mais plutôt d’innover,
dans le domaine du numérique notamment. 1 • Créer un observatoire national du tourisme
Nous avons également proposé qu’un sys-
tème d’amortissement accéléré soit mis en place 2 • Formaliser une cellule de gestion de crise pour le tourisme
pour les investissements touristiques. Pour
l’instant, ces propositions n’ont pas été accep- 3 • Créer un comité stratégique de la destination Paris
tées. Mais elles constituent, à mon avis, des
pistes à creuser pour la modernisation de l’offre 4 • Élaborer un plan “Tourisme sûr”
touristique française.
■ ■ 5 • Instaurer un plan de promotion internationale des destinations France
Si la question de la sécurité a été bien prise
en charge par les différents acteurs concernés, 6 • Se doter d’un plan de promotion du tourisme interne
l’enjeu aujourd’hui est un enjeu de communi-
cation. La menace terroriste touche aujour- 7 • Créer un comité d’orientation pour les investissements touristiques
d’hui tous les pays, les attaques contre le tou-
risme et l’attraction de la destination relèvent 8 • Inscrire à l’agenda des plates-formes État-régions la question
de la guerre économique. Dans un tel contexte,
la mise en œuvre d’un plan de communica- du développement touristique
tion ambitieux est nécessaire. Cela passe par un
budget (de l’État, notamment) à la hauteur 9 • Compléter le dispositif en matière d’investissements par des mesures
des enjeux et des modalités de coopération
entre acteurs. J’ai proposé que les pouvoirs d’incitation fiscale en matière de rénovation et d’offre de l’hébergement
publics travaillent à l’élaboration de plans de
mobilisation qui coordonnent l’action des pou- 10 • Valoriser la dimension touristique de grandes opérations d’aménagement
voirs publics, au niveau national comme au
niveau des territoires, et scellent des partena- (Plan Littoral 21, Grand Paris) et celle des grands événements structurants
riats public-privé s’appuyant sur une gouver-
nance et un financement ad hoc. tels que les JOP Paris 2024 ou l’Exposition universelle 2025
Tous nos interlocuteurs nous ont dit que ce
rapport apporte un éclairage intéressant sur 11 • Donner à Atout France les moyens de remplir pleinement sa mission de
l’activité touristique, au-delà de la question
de la sécurité. Il a permis de réfléchir aux développement touristique
enjeux d’une politique touristique et de mettre
en avant la nécessité d’une stratégie ambitieuse 12 • Créer une structure interministérielle pour mieux piloter et coordonner
de promotion de la destination France. ■
l’action de l’État

PROPOS RECUEILLIS PAR CLAUDINE DESVIGNES 12 bis • Mieux coordonner l’action de l’État dans les régions

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 33
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME

STRATÉGIE DE RECONQUÊTE

LE DÉFI DE LA MENACE
TERRORISTE
DANS LES VILLES EUROPÉENNES
ELIZABETH JOHNSTON
Déléguée générale du Forum européen pour la sécurité urbaine
< johnston@efus.eu >

CARLA NAPOLANO
Déléguée adjointe aux programmes européens et à la vie du réseau
Forum européen pour la sécurité urbaine
< napolano@efus.eu >

La sécurité est un facteur de plus en plus important dans l’at-

tractivité d’une destination. La menace terroriste a un impact

insidieux qu’il est difficile de contrecarrer, car il affecte

l’image que les villes projettent sur des visiteurs potentiels.

Toutefois, en Europe, si les attaques terroristes provoquent

une diminution immédiate du tourisme dans les villes et

pays ciblés, elles ne semblent pas avoir d’impact sur la fré-

quentation à moyen terme. Par leur caractère ouvert et

partagé, les lieux publics sont particulièrement difficiles à

sécuriser et nécessitent pour ce faire d’importants dispo-

sitifs matériels et humains, souvent onéreux.

34 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

ans une économie mondiale où
D le tourisme occupe une place
croissante, les villes européennes
font des efforts importants pour
mettre en avant leurs atouts et
attirer les visiteurs nationaux ou étrangers.
Les conditions de sécurité qu’elles offrent aux
visiteurs – taux réduit de criminalité par rap-
port à d’autres régions du monde, présence et
soutien de la police, sécurité juridique, dispo-
nibilité des services médicaux et d’urgence...
– jouent un rôle croissant dans leur attracti-
vité auprès d’un public de plus en plus informé.
Si les villes sont de plus en plus nombreuses à
intégrer les spécificités du tourisme dans leur
politique globale de sécurité, les attaques ter-
roristes de ces dernières années posent de nou-
veaux défis particulièrement complexes à gérer.
Le tourisme a un poids important dans l’éco-
nomie européenne : il représente près de 5 %
du produit intérieur brut et fournit près de
12 % des emplois(1). Conscientes que leur offre
culturelle et de loisirs est déterminante pour
attirer les visiteurs, les villes européennes
modernisent et aménagent leurs espaces publics
pour accueillir toutes sortes de manifestations
culturelles ou sportives destinées tout aussi
bien aux touristes qu’aux habitants, invités à
s’approprier ces lieux publics d’échange et de
rencontre. De même, de plus en plus de villes
se préoccupent de leur offre de vie nocturne,
elle aussi déterminante pour leur image.
Londres par exemple a nommé une Night Czar
(“tsarine de la nuit”), Paris a un conseil de la
nuit et Amsterdam, un maire de la nuit.
ATTRACTIVITÉ. Pour les autorités locales euro-
péennes, le tourisme est un secteur clé porteur
de croissance et d’emplois, mais aussi un sec-
teur complexe à gérer, notamment parce qu’il
est composé de myriades de petites et
moyennes entreprises et qu’il touche à prati-
quement tous les aspects de la vie en ville :
transports, gestion des espaces publics, héber-
gement, qualité de l’air, gestion des foules,
santé et, bien sûr, sécurité.
La sécurité est en effet un facteur de plus en
plus important dans l’attractivité d’une desti-
ELIZABETH JOHNSTON ET CARLA NAPOLANO
nation – une tendance qui a pu s’observer
même avant les attentats terroristes de ces deux
dernières années en Europe. Selon le World
Economic Forum (WEF), qui publie tous les
deux ans un rapport sur la compétitivité du
tourisme dans 141 pays(2), la sécurité (sûreté)
est considérée comme le deuxième critère le
plus important pour “créer un environnement
favorable” au tourisme.
La sécurité est mesurée en fonction du degré (1) L’Europe, première
de criminalité, de la menace terroriste, de l’ef- destination touristique au
ficacité des autorités chargées de la sécurité et monde - un nouveau cadre
de la sécurité routière. Les recherches mon- politique pour le tourisme
trent que la sécurité dans toutes ses compo- européen (COM/2010/352
santes doit être prise en compte sérieusement final), Commission
à tous les niveaux de l’offre (sécurité des tou- européenne, 2010.
ristes et des destinations touristiques)(3). En http://eur-
effet, les vacanciers peuvent annuler leur réser- lex.europa.eu/legal-
vation ou s’abstenir de voyager dans les des- content/FR/TXT/?uri=celex
tinations jugées à risque, ou encore se dépla- %3A52010DC0352
cer vers des lieux plus sûrs, voire rester chez (2)The Travel & Tourism
eux. Competitiveness Report,
RÉPERCUSSIONS IMMÉDIATES. Les attentats World Economic Forum,
de 2015 et 2016 ont eu un impact direct sur le 2015.
tourisme en Europe. Ainsi, en France, Paris et http://www3.weforum.org/do
sa région ont subi une baisse du nombre de cs/TT15/WEF_Global_Travel
clients étrangers, des arrivées internationales à &Tourism_Report_2015.pdf
Roissy-Charles-de-Gaulle et du taux d’occu- (3) – Janez MEKINC et
pation des hôtels pendant la première moitié Helena CVIKL, “The structure
de 2016. Le nombre de visiteurs étrangers à of security and safety crises
Paris a diminué d’environ 15 % entre janvier in Tourism”, Journal of
et juillet 2016, et le taux de fréquentation des Tourism, 2013.
hôtels a baissé de 7,7 points au premier tri- – Yoel MANSFELD et Abraham
mestre 2016 par rapport à 2015. Entre le PIZAM, Tourism, Security and
1er janvier et le 31 octobre 2016, les arrivées Safety: From Theory to
internationales aux aéroports de Paris ont aussi Practice, Elsevier
chuté de 8,1 %, selon les données du gouver- Butterworth-Heinemann,
nement. Pour la seule région de Paris Île-de- 2006.
France, cette baisse s’est traduite par un défi- (4) COLLECTIF, “Un an après
cit de 1,8 million de touristes (étrangers et les attentats, le tourisme à
français) sur les huit premiers mois de l’an- la peine”, Le Figaro.fr,
née 2016, par rapport à la même période en 5 novembre 2016.
2015. Le manque à gagner est estimé à près http://www.lefigaro.fr/flash-
de un milliard d’euros(4). eco/2016/11/05/97002-
L’attentat de Nice, le 14 juillet 2016, a éga- 20161105FILWWW00032-
lement eu des répercussions immédiates sur le un-an-apres-les-attentats-
tourisme en Côte d’Azur : 450 nuitées ont été le-tourisme-a-la-peine.php
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 35
 DOSSIER l
STRATÉGIE DE RECONQUÊTE
(5) Juliette GARNIER,
“Mobilisation générale pour
sauver la saison touristique
sur la Côte d’Azur”, Le
Monde.fr, 10 août 2016.
http://www.lemonde.fr/econ
omie/article/2016/08/10/mo
bilisation-generale-pour-
sauver-la-saison-
touristique-sur-la-cote-d-
azur_4980720_3234.html
(6) STATISTICS BELGIUM, Étude
d’impact. Attentats
terroristes en Belgique, juin
2016.
http://economie.fgov.be/fr/b
inaries/Etude_d_impact_att
entats_terroristes_en_Belgi
que-juin_2016_tcm326-
279586.pdf
(7) Abraham PIZAM et Aliza
FLEISCHER, cités par Rob
MAWBY, “Violent crime and
tourists”, in David BOTTERILL
et Trevor JONES (dir.),
Tourism and Crime: key
themes, Goodfellow
Publishers. 2010.
(8) – C. Michael HALL et
Vanessa O’SULLIVAN,
“Tourism, political instability
and violence”, dans
Abraham PIZAM et Yoel
MANSFELD (dir.), Tourism,
Crime and International
Security Issues, John Wiley,
1996.
– Ian HENDERSON, cité par
Rob MAWBY, “Violent crime
and tourists”, in David
BOTTERILL et Trevor JONES
(dir.), Tourism and Crime:
key themes, Goodfellow
Publishers. 2010.
(9) Abraham PIZAM et Aliza
FLEISCHER, cités par Rob
MAWBY, “Violent crime and
36 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
LE TOURISME FACE AU TERRORISME
annulées en juillet. À Cannes, le Festival d’art
pyrotechnique n’a attiré, le 7 août, que
20 000 visiteurs, contre 100 000 habituelle-
ment(5).
En Belgique, les attentats de mars 2016 à
Bruxelles ont également eu des répercussions
négatives. Au premier semestre 2016, le
nombre de nuitées dans les hôtels et autres
hébergements touristiques a baissé de 22,4 %
par rapport à la même période en 2015(6).
L’effet immédiat des attaques terroristes est
particulièrement marqué lorsque les touristes
et les sites touristiques sont explicitement
ciblés, que les attaques font des victimes mor-
telles et qu’elles sont perçues comme faisant
partie d’une stratégie offensive globale plutôt
que comme des événements isolés(7). L’impact
peut affecter également les pays voisins, déser-
tés par les touristes échaudés par une menace
difficile à mesurer(8). Mais, à l’inverse, des pays
qui n’ont pas été touchés par les attaques ter-
roristes ont vu le nombre de leurs visiteurs
augmenter, notamment en Méditerranée à la
suite des attentats de Tunisie en 2015. C’est
notamment le cas de l’Espagne, de l’Italie, du
Portugal ou encore de la Croatie. Par exemple,
la ville de Barcelone a reçu 6 % de touristes
supplémentaires en 2016 et le trafic à l’aéro-
port a augmenté de 12 %, selon la direction
Sécurité et Prévention de la municipalité.
Pour autant, les rares études sur le sujet(9)
semblent indiquer que, si les attentats provo-
quent une diminution immédiate du tourisme
dans les villes et pays ciblés, ceux-ci n’ont en
revanche pas d’incidence notable à moyen et
long terme. Ainsi, les villes de Madrid et de
Londres, frappées respectivement en 2004 et
en 2005 par de très graves attentats, n’ont pas
enregistré de baisse du tourisme sur le moyen
terme.
DISPOSITIFS MATÉRIELS ET HUMAINS. Les
attaques terroristes ont un impact économique
important pour les pays et les villes affectés,
notamment parce qu’elles entraînent des
mesures de sécurité accrues. Ainsi, en France,
le tournoi de football de l’Euro 2016, qui se
déroulait dans 10 villes (dont Paris), a attiré
un nombre record de spectateurs (une
moyenne de 47 594 par match et par stade,
selon l’UEFA(10)), déjouant la crainte d’un effet
négatif des attentats de novembre 2015 à Paris.
Mais ce succès s’est fait au prix d’un surcoût
important de sécurité : d’un montant de 34 mil-
lions d’euros, le budget consacré par l’État
pour la sécurité a été augmenté de 15 % par
rapport à ce qui était prévu ; 77 000 policiers
ont été mobilisés.
À l’instar de la France, la plupart des villes
européennes ont maintenu les grands événe-
ments prévus en 2016, tout en renforçant les
mesures de sécurité et en ajustant quand néces-
saire l’ampleur de ces manifestations. C’est
par exemple le cas du Marché de Noël orga-
nisé par la ville de Strasbourg, qui a été main-
tenu mais limité à un nombre restreint de sites.
De même, Bruxelles a ouvert le traditionnel
“Plaisirs d’hiver”, tout en mettant en œuvre
des mesures de sécurité renforcées, notamment
le déploiement de nombreux policiers en uni-
forme et en civil(11). Munich a organisé comme
chaque année l’Oktoberfest, l’un des festivals
les plus importants d’Europe avec près de six
millions de visiteurs annuels. Mais, notam-
ment en réaction à la série d’agressions contre
des femmes lors des célébrations du Nouvel An
à Cologne, la ville a considérablement ren-
forcé son dispositif de sécurité et, pour la pre-
mière fois, a restreint l’accès des visiteurs(12).
Par leur caractère ouvert et partagé, les lieux
publics sont particulièrement difficiles à sécu-
riser et nécessitent pour ce faire d’importants
dispositifs matériels et humains. Se pose alors
la question du financement de ces dispositifs et
de son partage entre l’État, les collectivités,
voire les organisateurs privés (qu’ils soient ou
non à but lucratif).
IMAGE. La menace terroriste a également un
impact insidieux qu’il est plus difficile de
contrecarrer, car il affecte l’image que les villes
projettent sur des visiteurs potentiels, notam-
ment à l’étranger. Certains pays et collectivités
ont mis en place une stratégie de communi-
cation post-attentat destinée à renforcer leur
image. Ainsi, fin 2016, sous l’égide du Premier

ministre(13), l’État français a fait du tourisme
une “grande priorité nationale” et appelé à
une “mobilisation renforcée”. Un budget addi-
tionnel de 10,5 millions d’euros a été dégagé
pour des actions de communication sur inter-
net et les réseaux sociaux afin d’améliorer l’e-
réputation de la France, première destination
touristique au monde. Le gouvernement a éga-
lement renforcé les campagnes à destination
du grand public, la présence de la France dans
les salons promotionnels, et a mis en œuvre
une campagne de promotion de la saison cul-
turelle 2017 à Paris et en Île-de-France.
Les collectivités locales mettent aussi en
œuvre leurs propres actions de communica-
tion. Par exemple, Bruxelles a lancé avant
l’été 2016 une campagne intitulée “Summer
in Brussels”, destinée à réduire les effets néga-
tifs des attentats et à “limiter les pertes à 15 %,
en comparaison de l’année précédente durant
laquelle la croissance était de 8 %”(14). La ville
est notamment soucieuse de restreindre l’im-
pact sur le tourisme de conférences et de
congrès, particulièrement important pour la
capitale belge. De même, le comité régional
du tourisme de Côte d’Azur a lancé une cam-
pagne après l’attentat de Nice, pour relancer
cette destination, notamment grâce à des
actions sur les réseaux sociaux.
COOPÉRATION INTERVILLES. Outre le soutien
qu’elles reçoivent de l’État, les collectivités
locales, qui se trouvent en première ligne à
ELIZABETH JOHNSTON ET CARLA NAPOLANO
gérer les effets de la menace terroriste sur la tourists”, in David BOTTERILL
sécurité des habitants comme des visiteurs, et Trevor JONES (dir.),
auraient intérêt à renforcer la coopération avec Tourism and Crime: key
d’autres collectivités dans l’objectif de déve- themes, Goodfellow
lopper des stratégies conjointes pour accroître Publishers. 2010.
leur résilience. Cela pourrait s’avérer d’autant (10) http://fr.uefa.com/uefae
plus bénéfique que les villes sont parfois réti- uro/news/newsid=2390150
centes à communiquer sur leurs préoccupa- .html
tions en matière de sécurité, car soucieuses de (11) T. DNE, “‘Plaisirs
ne pas ternir leur image. Aussi, le développe- d’hiver : des mesures de
ment d’échanges plus systématiques entre l’É- sécurité ‘importantes et
tat, les villes et les acteurs du tourisme doit pressantes’, selon Mayeur”,
être une priorité partagée, même si les villes Le Soir, 25 novembre 2016.
sont en concurrence les unes par rapport aux http://www.lesoir.be/13763
autres en matière de marketing territorial et 48/article/actualite/regions/
d’attractivité. bruxelles/2016-11-
Par ailleurs, des outils tels que les audits 25/plaisirs-d-hiver-des-
locaux de sécurité peuvent permettre d’ap- mesures-securite-
profondir les connaissances sur l’état de sécu- importantes-et-pressantes-
rité d’un territoire, et notamment de recueillir selon-may
des données chiffrées fiables sur le tourisme (12) http://www.oktoberfest
et la sécurité. La sensibilisation et la forma- -insider.com/oktoberfest-
tion des acteurs du tourisme à ces nouveaux security.htm
enjeux doivent également être promues. Enfin, (13) COMITÉ INTERMINISTÉRIEL
certaines villes et régions cherchent désormais TOURISME, Le Tourisme,
à impliquer les résidents dans leurs efforts de grande priorité nationale :
promotion touristique, notamment grâce aux une mobilisation renforcée,
réseaux sociaux. C’est une voie qui est moins 7 novembre 2016.
onéreuse et lourde à gérer que la publicité tra- http://www.gouvernement.fr
ditionnelle et qui peut s’avérer particulière- /sites/default/files/documen
ment efficace, notamment auprès du public t/document/2016/11/07.11.
jeune. ■ 2016_dossier_de_presse_-
_comite_interministeriel_du
_tourisme.pdf
(14) HORECA, Bruxelles.
Tourisme : le “plan été” est
lancé ! Objectif : limiter la
baisse touristique !, 8 juin
2016.
http://www.horecabruxelles.
be/index.php?option=com_
k2&view=item&id=647:bru
xelles-tourisme-le-plan-ete-
est-lance-objectif-limiter-la-
baisse-
touristique&Itemid=130&lan
g=be
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 37
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME

STRATÉGIE DE RECONQUÊTE

DU DEUIL À LA RECONQUÊTE
LA RÉACTION DE
LA CÔTE D’AZUR À
L’ATTENTAT DU 14 JUILLET 2016
DAVID LISNARD
Maire de Cannes, président du comité régional du tourisme Côte d’Azur

L’attentat sur la promenade des Anglais, le 14 juillet 2016 à

Nice, a eu un impact immédiat sur la fréquentation touris-

tique de la Côte d’Azur. Sans une réaction et une mobilisa-

tion en faveur du tourisme de la destination, le bilan écono-

mique, qui a été mauvais, aurait pu être catastrophique. La

destination a su rebondir après ce tragique événement en

mettant en œuvre un plan d’action en quatre étapes : le recueil

et le deuil ; la mise en place d’aides financières d’urgence

pour les professionnels ; la mise en œuvre d’un plan de com-

munication de crise ; l’adaptation de la stratégie de la desti-

nation à moyen terme (de la gestion de crise à la relance).

38 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

uelle que soit la destination, la
Q sécurité est la condition sine qua
non du développement et du
maintien de l’accueil touristique.
Jusqu’ici épargnée, et même plu-
tôt considérée comme une destination très sûre,
la France a vu son image entachée par les atten-
tats de Paris. Leur côté sauvage et surtout répé-
titif a produit un effet majeur sur l’évolution
de la perception touristique du pays. Cet élé-
ment s’est ajouté à d’autres facteurs négatifs,
se traduisant à Paris par une chute des taux de
fréquentation jamais observée dans le passé.
Les régions françaises ont tout d’abord été
épargnées par l’impact de ces attentats. La Côte
d’Azur qui, comme la capitale, accueille une
clientèle internationale très nombreuse, a para-
doxalement peu souffert, en 2015 et au pre-
mier semestre 2016, du repli de la demande
internationale pour la destination France. On
observait même une remontée de sa part de
marché sur les flux aériens à destination de la
France, comme si un phénomène d’évitement de
la capitale amenait les visiteurs étrangers à se
replier sur le littoral azuréen.
DYNAMIQUE CASSÉE. Après une très bonne
année 2015, la tendance sur les flux est donc
restée plutôt positive jusqu’au mois de juin 2016,
dopé par les matchs de l’Euro à Nice. Mais, dès
juillet, la dynamique a été cassée, surtout sur
les marchés internationaux. Le léger retard déjà
observé au niveau des réservations n’a pu être
rattrapé ; la saison estivale s’est achevée sur une
perte d’environ 6 % pour les nuitées et bien
davantage en chiffre d’affaires (entre 20 et 25 %
de moins, soit une perte de l’ordre de 400 à 500
millions d’euros). Cette estimation des pertes
économiques prend en compte la baisse de la
durée des séjours et la chute de la dépense
moyenne consécutives à l’attentat. Cela étant,
sans une réaction et une mobilisation générale
en faveur du tourisme de la destination, le bilan
économique aurait pu être bien pire.
La Côte d’Azur est une destination solide,
bien installée sur le marché touristique mon-
dial depuis des décennies, et qui a déjà démon-
tré sa forte résilience à toutes sortes de crises
DAVID LISNARD
affectant son économie touristique. Mais elle
n’avait jamais connu un attentat d’une telle
ampleur – comme dans toutes les capitales et
grandes zones touristiques, cette situation était
redoutée, mais n’avait jamais encore été vécue
et, on peut le dire aujourd’hui, traversée.
Comment la destination a-t-elle été en mesure
de rebondir après ce tragique événement ? Cela
s’est fait en quatre étapes : le recueil et le deuil ;
la mise en place d’aides financières d’urgence
pour les professionnels impactés ; la mise en
œuvre rapide d’un plan de communication de
crise ; l’adaptation de la stratégie de la desti-
nation à moyen terme (de la gestion de crise à
la relance).
Les hôteliers, restaurateurs et plagistes de la
promenade des Anglais, à Nice, ont été en ligne
de front dès les premières minutes de l’atten-
tat. Ils ont fait preuve d’une réactivité et d’une
hospitalité exemplaires. Nous devons tous les
saluer. Après le temps du recueillement et du
deuil, l’ensemble des professionnels du tou-
risme ont uni leurs forces pour soutenir le tou-
risme, première industrie de la Côte d’Azur.
Tout de suite après l’attentat, l’arrêt brutal
de la fréquentation touristique ne concerne pas
uniquement la ville de Nice, mais bien l’en-
semble de la destination. Ainsi, la ville de
Cannes, dont la clientèle du Moyen-Orient
avait réservé en nombre pour le week-end sui-
vant, est particulièrement impactée (en juillet
2016, l’occupation hôtelière est en retrait de
11 points par rapport à juillet 2015). Ce constat
nous convainc de la nécessité d’une approche
élargie à l’ensemble de la Côte d’Azur.
CELLULE DE CRISE. Cet attentat ayant été com-
mis en pleine saison touristique, il apparaît très
tôt à tous les acteurs qu’il est essentiel d’agir
afin d’atténuer au mieux l’impact sur la fré-
quentation touristique. Une rapide analyse des
événements précédents nous persuade qu’il faut
faire vite. Les différents plans de relance de l’ac-
tivité touristique à Paris ont été mis en œuvre
plusieurs mois après les attentats et, du fait des
cycles de promotion sur les marchés interna-
tionaux, supérieurs à six mois, l’activité n’est
toujours pas repartie huit mois après.
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 39
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME
STRATÉGIE DE RECONQUÊTE
C’est pourquoi, à mon initiative, en tant que
président du comité régional du tourisme (CRT)
Côte d’Azur, moins de quinze jours après l’at-
tentat, est réunie une cellule de crise Côte d’Azur
Tourisme. Il s’agit de mettre en synergie nos
efforts, nos idées, nos énergies, et de pouvoir
traverser cette période si particulière en œuvrant
à protéger l’activité touristique tout en respec-
tant le travail de deuil des familles et des habi-
tants.
Coordonné par le CRT Côte d’Azur et com-
posé d’une dizaine d’acteurs des services de l’É-
tat, des collectivités (département des Alpes-
Maritimes, région Provence-Alpes-Côte d’Azur
– Paca), des principales destinations (offices de
tourisme), de la chambre de commerce et d’in-
dustrie (CCI) et des structures professionnelles
azuréennes, ce groupe de réflexion et de tra-
vail, informel et évolutif, décide, dès sa pre-
mière réunion, de mettre en œuvre rapidement
un plan d’action marketing et de communica-
tion au bénéfice des touristes et des prescrip-
teurs de la Côte d’Azur.
Le point saillant majeur à souligner est l’im-
plication et la mobilisation, dès les premières
heures, des élus à la tête des exécutifs locaux. À
la première réunion, le 26 juillet 2016, j’ob-
tiens l’engagement financier du département
des Alpes-Maritimes, via son président (500 000
euros), puis de la CCI Nice-Côte d’Azur (50 000
euros) et, quelques jours plus tard, celui de la
région Paca (200 000 euros, via son président)
– soit au total 750 000 euros, sur le million
d’euros prévu pour le plan de relance. Nous
pouvons donc travailler immédiatement à la
mise en œuvre de ce dernier avec une certaine
sérénité.
Atout France, l’agence marketing et de pro-
motion de la France à l’étranger, nous assure
rapidement de son soutien actif pour relayer
notre plan d’action à l’étranger. Seul l’engage-
ment de l’État reste à confirmer, ce qui sera le
cas beaucoup plus tard, en novembre.
Avec le soutien d’Atout France, la cellule de
crise propose de mener son action à l’échelle
de la Côte d’Azur, avec la participation de tous
les partenaires et en complément des actions
40 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
menées par l’office du tourisme et des congrès
de Nice. Le CRT Côte d’Azur et ses partenaires
se muent en catalyseurs d’énergie, d’idées et
d’actions pour soutenir la toute première indus-
trie économique de ce territoire qu’est le tou-
risme.
AIDES FINANCIÈRES D’URGENCE. Alors que
notre cellule se concentre très clairement sur la
communication de crise, d’autres réunions sont
lancées parallèlement par le préfet, dans le cadre
de la Cellule de continuité économique déci-
dée par le ministre de l’Économie et les secré-
taires d’État au Commerce extérieur et au
Tourisme, venus à Nice le 24 juillet. Il s’agit de
soutenir financièrement les professionnels les
plus touchés (hôtels, restaurants, plages, com-
merces, artisanats, les producteurs d’événe-
ments, etc.). Sur ce point, la destination azu-
réenne bénéficie de l’expérience parisienne où
ce type de cellule avait été mis en place. Dans ce
cadre, la métropole Nice-Côte d’Azur, avec ses
partenaires (région, département et CCI),
débloque les mesures de soutien suivantes :
– un fonds d’urgence de 610 000 euros pour
les 42 établissements de la promenade des
Anglais ayant accueilli des victimes ;
– un fonds exceptionnel de 2 millions d’euros
pour les petites entreprises situées entre le bou-
levard Gambetta et l’avenue Thiers et ayant
subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins
20 % (hôtels, restaurants, snacks, boutiques
de souvenirs et activités en lien direct avec le
tourisme) ;
– un fonds régional de garantie pour renforcer
la trésorerie des entreprises impactées ;
– un prêt à taux zéro pour financer les intérêts
des prêts bancaires aux entreprises fragilisées.
Afin de faciliter les démarches d’indemnisa-
tion et d’en accélérer le traitement, la CCI Nice-
Côte d’Azur met en place un guichet d’infor-
mation unique. La CCI Nice-Côte d’Azur
devient le référent pour faciliter les démarches ;
elle centralise et fait un suivi hebdomadaire des
demandes. De cette façon, un vrai dispositif
d’accompagnement des entreprises est mis en
place rapidement, en coordination avec l’en-
semble des partenaires, permettant aux pro-

fessionnels concernés de s’informer, de décla-
rer leur préjudice et d’être suivis par un
conseiller personnel.
COMMUNICATION DE CRISE. Il nous faut avant
tout rassurer les clientèles, qu’elles soient indi-
viduelles ou d’affaires. C’est sur cet axe que
nous devons innover et inventer une réaction
adaptée.
Avant même la conception d’un plan de com-
munication plus élaboré, le CRT Côte d’Azur,
à la demande des professionnels représentés
notamment par les syndicats d’hôtellerie et res-
tauration, coordonne la communication à des-
tination de la presse afin d’éviter la double peine
qu’auraient représentée des retombées média-
tiques donnant à croire que la destination était
désertée au cœur de l’été. En effet, si l’impact
immédiat sur la fréquentation (– 10 %) et le
chiffre d’affaires (baisse de 20 à 25 %) est réel,
la Côte d’Azur continue à accueillir de très
nombreux visiteurs : c’est le message que nous
souhaitons faire passer. Cette coordination de
la communication des institutionnels et des
acteurs privés est la première réussite de la cel-
lule de crise mise en place.
Le CRT, avec l’ensemble des community
managers de la destination – un annuaire des
community managers azuréens est d’ailleurs
créé à cette occasion – parvient à lancer en un
temps record (quatre semaines seulement après
l’attentat) une campagne collaborative et virale
autour du hashtag fédérateur #cotedazurnow.
L’idée est de créer un point de rassemblement de
tous les témoignages positifs pouvant s’expri-
mer sur la destination au travers de messages,
de photos ou encore de vidéos. Le lancement
a lieu concrètement le 12 août, lors de la
deuxième réunion de la cellule de crise.
Le choix du #cotedazurnow s’impose dès la
réunion du 26 juillet. Il s’agit de montrer des
images et messages instantanés démontrant que
la destination est bien vivante : habitants, pro-
fessionnels et visiteurs présents sont sollicités
pour partager la diffusion de contenus positifs.
Instagram, Twitter et Facebook sont au cœur du
dispositif ; un site web spécifique (www.cote-
dazur-now.com) est créé ; une gestion spéci-
DAVID LISNARD
Avant même la conception d’un plan de
communication plus élaboré, le CRT
Côte d’Azur coordonne la communica-
tion à destination de la presse afin de
ne pas donner à croire que la destina-
tion est désertée au cœur de l’été.
fique de l’opération est mise en place. Près de
180 000 partages sont ainsi enregistrés en six
mois de campagne, soit une moyenne de 1 000
à 1 800 partages par jour en fonction des mois.
L’audience hebdomadaire du hashtag atteint,
au cœur de la campagne, le chiffre de 14 mil-
lions de personnes. Le site web, pour sa part,
enregistre plus de 120 000 visites.
Parallèlement, une large campagne de com-
munication on line et off line est menée par le
CRT Côte d’Azur : affichage local (1 500 pan-
neaux #cotedazurnow), campagne télévision
sur BFM (106 spots de trente secondes), cam-
pagnes numériques, 35 000 autocollants dif-
fusés… dans le but de stimuler la spontanéité
des partages positifs. L’objectif premier est de
nous (habitants et professionnels) redonner
confiance dans la capacité de résilience collec-
tive de la destination et de porter ensuite ce
message positif à l’extérieur de nos frontières
territoriales.
Une action est également menée auprès des
influenceurs, avec l’accueil de blogueurs euro-
péens sur le territoire, en collaboration avec les
grandes villes de la Côte d’Azur. En septembre,
plus de 70 influenceurs et prescripteurs de la
destination sont ainsi accueillis. Des “blogtrips”
et “instagramtrips” sont ensuite organisés à la
fin de l’année.
La réussite de cette campagne collaborative
repose aussi sur le soutien d’un réseau actif
d’une centaine de partenaires et ambassadeurs
qui s’engagent et s’impliquent eux-mêmes dans
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 41
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME
STRATÉGIE DE RECONQUÊTE
Agenda de la gestion de crise
n 24 juillet (dix jours après l’attentat) : installation de la cellule de conti-
nuité économique par le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron n 26
juillet (douze jours après l’attentat) : constitution de la cellule de crise Côte
d’Azur Tourisme et annonce d’un budget de un million d’euros n 12 août
(quatre semaines après l’attentat) : deuxième réunion de la cellule de crise
Côte d’Azur Tourisme et lancement officiel de la campagne #côtedazurnow
n 13 septembre : réunion du comité d’urgence économique pour le tou-
risme, présidée par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault
n 14 septembre : troisième réunion de la cellule de crise Côte d’Azur Tourisme
à la CCI, faisant état d’un bilan économique et de mesures complémentaires
autour d’un guichet unique destiné au soutien des professionnels directe-
ment impactés par la crise post-attentat.
la “viralisation” de la campagne et du hash-
tag. De grands événements et de nombreux
partenaires reprennent le hashtag #cotedazur-
now (Ultra-Trail Côte d’Azur-Mercantour,
Bionazur, match OGC Nice-OM, régates
royales, lancement d’une monnaie locale à
Cagnes-sur-Mer, fête de la gastronomie, remise
du label de maître restaurateur, braderie du
Vieux-Nice, Roc d’Azur, Escale sensation, col-
lèges internationaux, etc.).
D’autres actions sont menées :
– une campagne en partenariat avec Voyages-
sncf.com. Une campagne “Côte d’Azur”
s’adressant prioritairement au marché natio-
nal est menée jusqu’à la fin de l’été afin de
doper les réservations de dernière minute
(habillage “Côte d’Azur” de la page d’accueil
42 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
du site www.voyages-sncf.com ; envoi d’une
newsletter “inspirationnelle” sur la Côte d’Azur
à deux millions d’abonnés ; affichage dans les
espaces marketing du site Voyages-sncf.com
(deux millions d’impressions pendant l’été).
Cette campagne s’est étendue auprès des mar-
chés européens de proximité (notamment Italie,
Grande-Bretagne, Allemagne) en septembre ;
– une campagne de la CCI sur le thème
“Achetez et consommez Côte d’Azur”, accom-
pagnée d’un visuel se concluant sur une valeur
que chacun peut partager : “Soyons tous soli-
daires avec notre économie”.
Enfin, Atout France apporte également son
soutien financier et son expertise à la Côte
d’Azur ; une visibilité du #cotedazurnow est
organisée sur différents salons internationaux :
WTM à Londres, Imex America, IBTM à
Barcelone, ou encore ILTM à Cannes.
PLAN DE RELANCE. Au-delà de ce plan d’ac-
tion d’urgence, le CRT Côte d’Azur entame
une démarche constructive autour de la marque
ombrelle Côte d’Azur. Il s’agit, sur la base d’une
Côte d’Azur contemporaine, créative, sportive
et dotée d’atouts naturels et économiques, de
réinventer la marque qui constitue l’écrin de
toutes les autres : Antibes, Cannes, Grasse,
Monaco, Nice, Saint-Tropez, etc.
Les événements de juillet 2016 démontrent
que, plus que jamais, il est fondamental de
regrouper les forces vives du tourisme autour
de cette marque à la notoriété internationale.
La cellule de crise Côte d’Azur Tourisme
change donc d’appellation le 4 novembre
2016, jour du choix définitif de la marque,
pour devenir la “cellule de relance Côte d’Azur
France”.
Il est important aussi de s’assurer du main-
tien des grands événements attractifs pro-
grammés. L’annulation d’un événement peut en
effet donner à penser que la situation n’est pas
maîtrisée sur le plan sécuritaire et produire un
effet désastreux sur l’image de la destination.
Inversement, le maintien de ces événements
rassure la clientèle et démontre la vitalité de
l’offre touristique, avec la présence d’un public
toujours aussi nombreux et enthousiaste.

Au-delà des actions d’urgence, l’affaiblisse-
ment de la performance de la France sur les
marchés internationaux conduit la Côte d’Azur
à adapter sa stratégie. Le marché national, voire
régional, doit être davantage investi ; il est en
effet moins sensible aux annonces médiatiques
dissuasives. La diversification des visiteurs est
plus que jamais nécessaire. Les marchés de
longue distance seront plus longs à reconqué-
rir. Pour la destination Côte d’Azur, et malgré
le Brexit, la Grande-Bretagne reste une cible
prioritaire du fait de son poids et de liens forts
avec la région, mais aussi en raison de la chute
régulière du marché italien, proche mais en
crise durable. De même, le tourisme d’affaires,
par sa forte résilience, doit être réinvesti.
STRATÉGIE DE RECONQUÊTE. Dans le cadre
d’un nouveau contrat de destination “Côte
d’Azur France, terre d’événements”, nous
poursuivons et adaptons la stratégie de créa-
tion de flux autour de l’événementiel sportif,
culturel et professionnel de la destination.
Nous recherchons enfin une meilleure dis-
persion spatiale de la fréquentation. Nice avait
sensiblement augmenté sa part de marché
avant l’attentat, mais le potentiel apparaît plus
fort aujourd’hui pour les stations plus petites,
littorales ou de montagne, qui sont aujour-
d’hui privilégiées par la clientèle potentielle.
Parallèlement, il faut bien évidemment conti-
nuer à accompagner la promotion de Nice.
Depuis le milieu de l’été 2016, les actions
menées grâce à la mobilisation de la cellule de
relance Côte d’Azur France ont bel et bien per-
mis d’enrayer la perte de clientèle. Si l’impact
négatif de cette crise a été bien visible et for-
tement ressenti jusqu’à la fin de la saison esti-
vale, on observe, depuis le mois de novembre
2016, une inversion de la courbe de fréquen-
tation touristique, désormais en légère pro-
gression.
L’effort commun des institutionnels et des
professionnels, l’obtention quasi immédiate
du financement local d’un plan de communi-
cation de crise de un million d’euros pour sou-
tenir l’image de la Côte d’Azur, l’abondement
de un million d’euros de l’État (via Atout
DAVID LISNARD
Un plan de communication
de crise et un plan de relance
Plan de communication de crise : un million d’euros
n 500 000 euros, département des Alpes-Maritimes n 200 000 euros, région
Provence-Côte d’Azur n 150 000 euros, CRT Côte d’Azur n 100 000 euros,
Atout France n 50 000 euros, CCI Nice-Côte d’Azur
Plan de relance : un million d’euros
L’engagement du ministre des Affaires étrangères, Jean Marc-Ayrault, pour un
plan de relance de dix millions d’euros en faveur de la France, notamment Paris
et la Côte d’Azur, n’a été confirmé qu’en novembre 2016. Son montant s’élève
à un million d’euros pour la Côte d’Azur. Ces fonds supplémentaires sont utili-
sés pour financer le plan de relance 2017, mis en œuvre avec Atout France.
France) pour renforcer les actions de promo-
tion, en 2017, sur les pays cibles doivent per-
mettre de soutenir et de maintenir, pour les
mois à venir, la première industrie du terri-
toire créatrice d’emplois et de revenus.
Ces éléments de confiance sont renforcés
en 2017 à travers un plan d’action de 2,3 mil-
lions d’euros. Les événements populaires et
sportifs comme le Carnaval de Nice, la Fête
du citron de Menton, le Festival de Cannes et
l’Ironman de Nice sont maintenus ; quant aux
événements professionnels, ils doivent
répondre avec encore plus d’exigence aux
demandes des organisateurs.
Nous devons tous tenir compte des trans-
formations des modes de voyage et être exi-
geants afin de conserver une image touristique
forte pour la France et la Côte d’Azur. La
mobilisation suscitée par les événements tra-
giques doit rester totale. n
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 43
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME

STRATÉGIE DE RECONQUÊTE

LA RELANCE
DU TOURISME NIÇOIS…
UN ENJEU DE GOUVERNANCE
DENIS ZANON
Directeur de l’office de tourisme et des congrès de Nice
< denis.zanon@otcnice.com >

L’attentat du 14 juillet 2016 a été un drame considérable

pour la population niçoise, qui a été meurtrie et traumatisée.

L’impact économique a été immédiat. La nécessaire conso-

lidation de l’attractivité et la réassurance du tourisme niçois

passent par une action coordonnée de toute la chaîne tou-

ristique, du niveau national au niveau local, avec une gou-

vernance à même de mobiliser la population locale.

e risque terroriste a longtemps été le reste, favorisant des destinations plus sûres

L cantonné dans des destinations plus

ou moins lointaines, exposées à la
violence du fait d’antagonismes
entre les structures sociales, reli-
gieuses ou ethniques, et dont l’attractivité
variait d’une décennie à l’autre au gré des évé-
nements qui y prenaient place, souvent graves.
et plus fiables en matière de sécurité intérieure.
Depuis quelques années, ce risque terroriste
a gagné l’intérieur des frontières européennes,
et notamment la France, qui a subi une suc-
cession d’attaques très symboliques, comme
celle de Charlie Hebdo, ou très violentes et
dévastatrices, comme celles de Paris ou Nice.
L’éloignement géographique et culturel faisait Sans parler des attentats perpétrés à Bruxelles,

44 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

Berlin, Istanbul, etc. Le rythme de ces attaques
s’est considérablement accéléré au cours des
trois dernières années, frappant en leur cœur
même ces destinations considérées il n’y a pas
si longtemps comme très sûres.
La France souffre depuis plus de deux ans
de la conjonction et de la constance de ces
attaques, mais aussi des déclarations et mots
utilisés par la gouvernance – “état d’urgence”,
“guerre”… – qui, traduits littéralement par les
agences de presse, ont une signification plus
ou moins forte selon les pays (marchés). En
outre, d’autres événements tels que les grèves
ou les émeutes, qui n’ont rien à voir avec le
risque terroriste mais qui sont ajoutés dans le
fil d’actualité, érodent l’attractivité de la des-
tination France et de ses différents pôles tou-
ristiques, au premier rang desquels se trouvent
Paris et Nice.
MAELSTRÖM MÉDIATIQUE. Concernant Nice,
l’attentat du 14 juillet 2016 a été un drame
considérable pour la population, qui a été
meurtrie, traumatisée, et dont la douleur est
toujours extrêmement vive et présente plus de
six mois après ce jour funeste. L’impact éco-
nomique a été immédiat, avec l’annulation du
concert de Rihanna, prévu le lendemain avec
près de 40 000 places vendues, et le maelström
médiatique qui a suivi l’attentat.
La gestion immédiate de la communication
de crise a été un enjeu fort. Un comité de crise
a été créé dès les premiers jours, rassemblant les
acteurs majeurs de l’économie et du territoire
(chambre de commerce et d’industrie, comité
régional du tourisme, office de tourisme, syn-
dicat patronal, aéroport, municipalité, syndi-
cat hôtelier…), pour décider des informations
à diffuser… ou non. La pression des médias
pour obtenir des chiffres a été très rapidement
au cœur des débats, avec une vraie difficulté
à les donner pour les professionnels, car pris
par d’autres priorités de gestion après le trau-
matisme subi.
La tonalité des campagnes de communica-
tion futures vers le grand public a été définie en
commun. La communication a été reprise en
cercles concentriques aux plans départemental,
DENIS ZANON
régional et national (en collaboration avec
Atout France, notamment pour la diffusion
des messages sur les marchés extérieurs).
Globalement, grâce aux budgets d’urgence
débloqués à ces différents niveaux par les ins-
titutions de tutelle, et grâce au réaménagement
de la communication de tous les acteurs de la
chaîne touristique, une homogénéité relative
a pu être mise en place rapidement et effica-
cement pour préserver (restaurer) l’attractivité
de la Côte d’Azur dans son ensemble, et de
Nice en particulier.
Depuis quelques années déjà, nous avons
intégré la sécurité au sens large dans l’argu-
mentaire promotionnel de Nice, pour ce qui
concerne tant l’ordre civil que les éléments
d’ordre sanitaire et médical. 60 % de nos
clients sont étrangers, et la sensibilité à ces
sujets est forte sur certains marchés lointains
(Asie, Amérique du Nord) sur lesquels nous
devons mettre en avant des arguments de réas-
surance. Ces arguments sont les suivants : une
organisation sécuritaire structurelle (vidéo-
surveillance, police municipale, maison d’aide
aux victimes) ; un environnement médical de
pointe (hôpitaux, médecins…) et une bonne
salubrité générale (eau, déchets, politique envi-
ronnementale).
COORDINATION. Un travail de coordination
avec les services concernés permet de propo-
ser une communication (sites web, flyers) et
un accueil adaptés aux touristes (notamment
dans les transports urbains, pour ce qui est du
contrôle des usagers touristes).
La nécessaire consolidation de l’attractivité
et de la réassurance passe par une action coor-
donnée de toute la chaîne touristique, du
niveau national au niveau local. Différents
ministères (Affaires étrangères, Intérieur,
Tourisme, Transports) sont concernés pour
adapter la communication, faciliter les finan-
cements et améliorer l’ergonomie de consom-
mation touristique, depuis la délivrance des
visas jusqu’à la gestion des transports (aéro-
ports, gares, taxis). Les professionnels (héber-
geurs, commerces, restaurateurs) quant à eux
sont concernés par l’accueil. La mise en lumière
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 45
 DOSSIER l LE TOURISME FACE AU TERRORISME

STRATÉGIE DE RECONQUÊTE

des progrès organisés, homogènes et signifi- de pouvoir optimiser le rapport économique

catifs dans l’ensemble des différents secteurs, est de l’activité touristique et limiter le sentiment
la base de la reconstruction et de l’évolution d’intrusion susceptible d’être ressenti par la
du secteur touristique sur les marchés exté- population. Les grands pôles touristiques
rieurs, mais aussi sur le marché national. urbains sont d’excellents laboratoires à ce
Si le tourisme d’agrément grand public est niveau, dont il faut exploiter l’expérience pour
une priorité dans le cadre du plan de relance dupliquer des modèles au plan national. La
post-attentat sur la Côte d’Azur, le secteur du mobilisation des populations est également un
tourisme d’affaires mérite une attention par- élément de l’ergonomie touristique nationale :
ticulière. Complexe, il est trop souvent incom- la réassurance passe aussi par la sérénité de la
pris des édiles, et même des professionnels du population locale, donc par la gestion de la
secteur touristique. Son impact économique perception du risque par la gouvernance locale.
direct, son pouvoir de prescription à court Enfin, la gestion homogène de l’observation
terme sont nettement sous-estimés, surtout en économique du secteur, avec des standards
période post-crise comme celle que l’on connaît nationaux, est un chantier prioritaire pour
aujourd’hui. Malheureusement, il n’est pas améliorer les performances du pays, a fortiori
intégré aujourd’hui dans les plans de finance- en temps de crise, dans un environnement
ment nationaux de relance de la destination concurrentiel global extrêmement compétitif.
France, consacrés exclusivement au tourisme La précision, l’exactitude des données nous
de loisirs. permettrait d’ajuster les stratégies et les moyens
La stratégie de relance idéale conjuguerait : de manière efficace, dès lors que nous saurions
une communication de réassurance qui ne soit exactement prendre le pouls de l’activité sans
pas anxiogène, exercice subtil et extrêmement agréger des données fournies par des territoires
difficile ; une communication de résilience au sur des bases, aussi disparates qu’extrapolées,
travers du prisme des éléments d’attractivité dictées par des cabinets de consultants. ■
(beauté des sites, climat, variété de l’offre,
richesse culturelle, patrimoniale, etc.), base de
notre discours sur la destination ; une coordi-
nation et une amélioration de l’ergonomie tou-
ristique de notre pays, trop hétérogène et dis-
cordante ; la constance des moyens sur le
moyen et long terme.
Parce qu’il est un secteur économique trans-
versal, le tourisme souffre de l’hétérogénéité
de son arborescence. De ce fait, il est incapable
de se consolider, ce qu’a mis en lumière l’ac-
tualité brutale de ces derniers mois.
Le rôle des populations locales est impor-
tant, mais ces dernières sont difficiles à mobi-
liser, d’autant que le profil sociodémographique
des villes change rapidement : les bases cultu-
relles locales se diluent dans le mixage des cul-
tures communautaires, ce qui rend la pédago-
gie de l’accueil difficile. Il faut aussi travailler
sur la notion de tourisme durable, intégrer la
notion de maîtrise du développement de la fré-
quentation (en volume comme en qualité), afin

46 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
LA RÉVOLUTION
e métier de concierge a long-

L temps été un métier exercé par

passion dans le monde feutré des

DES SERVICES DE palaces. Aujourd’hui, les concierge-

CONCIERGERIE ries privées comptent plus d’agents

qu’il n’existe de concierges d’hôtel

tandis que les évolutions technologiques (intelligence artificielle, profiling,

messagerie robotisée…) bouleversent l’organisation du métier. Les services

des conciergeries privées seront bientôt accessibles à tous, via les smart-

phones et autres objets connectés… De leur côté, les touristes voyagent

seuls, exigent des services ultrapersonnalisés, veulent faire des rencontres

authentiques… mais aussi une assistance en cas de problème. Pour les

aider à décoder la destination et à gérer les aléas du voyage, ils ont plus

que jamais besoin d’une assistance personnelle sur place, qu’elle soit four-

nie par leur hébergement, par un office de tourisme, par une conciergerie pri-

vée (robotisée ou pas). Nouveaux acteurs, nouvelles technologies, nouveaux

besoins : la révolution des services de conciergerie est en marche. n

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 47
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE

1. PERSONNALISER LES SERVICES DE L’HÔTEL

Concierge, un métier aux multiples facettes

50 NICOLAS DONNÈVE

Envie, efficacité, passion et sourire ! Les clefs du succès du concierge

55 d’hôtel // ROGER BASTONI

Le Royal Monceau Raffles Paris invente le métier d’art concierge

59 JULIE EUGÈNE

Loungeup : conciergerie numérique et… gestion de la relation client

63 MATHIEU POLLET ET MARYLOU BIDAULT

Victor & Charles. L’intelligence artificielle pour personnaliser l’expé

67 rience client // ROMAIN NKOUNKOU

2. FLUIDIFIER L’EXPÉRIENCE DE VOYAGE

“John Paul va révolutionner le marché du voyage sur mesure”

70 MAYA SALA

Du palace au smartphone… Le métier de concierge est en pleine

74 mutation // JULIEN BRUNEL

Wiidii met un concierge dans votre poche

78 CLOTHILDE PATIN

Onspot : du réceptif à la conciergerie de voyage

80 BENOÎT CERCEAU

Le voyage de luxe par Tapis Rouge. L’esprit de conciergerie

84 CLAUDE BLANC

48 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
 SOMMAIRE

3. OUVRIR LES PORTES DE LA DESTINATION

Les Travel Angels de “Vivre le Japon”. Un service unique pour des

88 besoins nouveaux // THIERRY MAINCENT ET ALEXANDRE BARBE

Paris Helpline, conciergerie de destination privée

92 LAURE DE BOERIO

L’Assistant Bordeaux facilite le quotidien des touristes

95 NICOLAS MARTIN

L’office de tourisme, conciergerie de la destination Saint-Émilion

99 MARJORIE MICHEL

L’office de tourisme du Grand Auch teste la conciergerie par tchat

103 SYLVAIN PECHCONTAL ET SABINE DARRIEUTORT

Jules&Julie, shopping concierge à Paris

107 HERVÉ PARGUE

4 • RENDRE DES SERVICES PRATIQUES

At the Corner propose aux hôtels de devenir des conciergeries de

110 quartier // PIERRE-JULIEN CROVISIER

Bnbsitter, service d’assistance au propriétaire

114 PIERO CIPRIANO

Des services d’accueil premium pour Homeexchange

119 ALEXANDRA ORIGET DU CLUZEAU

CAHIER DIRIGÉ PAR HERMINE DE SAINT ALBIN

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 49
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
1 • PERSONNALISER LES SERVICES DE L’HÔTEL

CONCIERGE,
UN MÉTIER
AUX MULTIPLES
FACETTES

Qu’il travaille dans un grand hôtel, dans une conciergerie pri-

NICOLAS DONNÈVE vée ou une conciergerie d’entreprise, le concierge doit

Directeur avoir des compétences en matière de relation client, maî-

du développement
ICI-Icare triser les règles de bienséance et les codes (vestimen-
< nicolas.donneve@
institut-conciergerie.fr > taires et conversationnels)… Mais il doit aussi diriger une

équipe qui compte parfois plusieurs dizaines de personnes

et, enfin, avoir des compétences de gestionnaire. Les dif-

férentes facettes de la fonction de concierge en font un

métier passionnant mais exigeant.

u concierge rien d’im- demande du client, nous nous plaisons plus

“A possible.” Ces quelques

mots permettent d’ap-
préhender le travail du
concierge. Trop sou-
vent perçu comme une personne dotée d’un
réseau qui lui permet d’exaucer chaque
à le définir comme le garant de la qualité du
séjour du client. Description qui englobe la
précédente tout en y ajoutant d’autres aspects
non négligeables, comme la relation client, la
personnalisation du service ou encore l’ex-
périence client.

50 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

LE RÔLE DU CONCIERGE. Le concierge se
constitue tout d’abord un réseau de partenaires
privilégiés grâce auquel il peut répondre rapi-
dement et simplement à la plupart des
demandes de ses clients. Cela induit qu’il négo-
cie des accords avec ces partenaires et s’assure
de la qualité de leurs prestations sur le long
terme.
Ensuite, s’il est vrai que le concierge doit
répondre aux demandes du client, il se doit
aussi d’anticiper celles-ci. C’est pourquoi il lui
est nécessaire d’observer son client, de conver-
ser avec lui, de le questionner habilement afin
d’accumuler un ensemble d’informations qui
lui permettront d’améliorer non seulement la
pertinence des propositions qu’il fera, mais
également de surprendre son client avec jus-
tesse : si, par exemple, la gouvernante sou-
haite disposer un cadeau en chambre pour
l’arrivée du client, le concierge lui fera savoir
le nom de son whisky préféré ; ou alors, si le
client est fan d’Anna Netrebko, le concierge
lui fera savoir la prochaine fois qu’elle se pro-
duit en ville.
Le concierge est également un commercial
distingué. L’adjectif “distingué” a ici toute son
importance, car il ne s’agit pas de vente directe.
Si le concierge doit donner envie au client de
suivre ses conseils, ce qui est le propre du ven-
deur, il n’est pas pour autant question de tenir
un discours commercial ostentatoire. Afin
d’éviter cela, il use de techniques comme le
storytelling ou la mise en perspective de la sug-
gestion avec les préférences du client afin de
susciter son intérêt sans pour autant soumettre
quoi que ce soit. Est-ce vraiment fondamen-
tal ? Disons que c’est relativement important,
le concierge ayant tout intérêt à ce que ses pro-
positions tentent le client, tout en gardant sa
position de conseil. Être catalogué comme ven-
deur lui ferait perdre en consistance dans la
bonne tenue de son rôle. Le vendeur est partial
là où le concierge se doit de rester impartial. Si
un client n’est pas satisfait par les propositions
du concierge, non seulement le client sera déçu
mais, de surcroît, le concierge aura perdu du
temps dans sa journée déjà bien chargée.
NICOLAS DONNÈVE
Enfin, le concierge est un manager. En hôtel-
lerie, c’est toute l’équipe du hall (bagagiste,
chasseur, voiturier…) qui est sous les ordres
de la loge de conciergerie. Dans certains grands
établissements, le chef concierge supervise par-
fois plus de 60 personnes (dont des concierges).
En conciergerie privée, le principe est équiva-
lent, le premier concierge opère la plupart du
temps comme un manager d’équipe qui, selon
la taille de la structure, monte jusqu’à 30 per-
sonnes. En outre, et cela complexifie sa tâche,
le concierge supervise souvent des équipes mul-
ticulturelles construites spécifiquement pour
répondre aux clientèles cosmopolites des hôtels
de luxe et des conciergeries privées.
Après avoir vu ce qu’ils font, il est aussi per-
tinent de s’intéresser à qui sont les concierges.
Au cours des nombreuses promotions qui sont
passées sur les bancs de notre école, nous avons
remarqué que les meilleurs profils réunissent
souvent un ensemble de qualités. Mais c’est
avant tout deux aspects qui ressortent. Tout
d’abord, une attitude profondément tournée
vers le client, une volonté de s’intéresser à lui
et au sens profond de ses demandes. Ensuite,
une volonté affirmée de satisfaire le client,
comme si le concierge tirait avant tout sa
récompense du sourire ou du remerciement
d’un client comblé. Puis on trouve régulière-
ment des qualités de second plan, mais tout
autant souhaitables, pour faire un bon
concierge : la persévérance, l’enthousiasme, la
résistance au stress, la rigueur et l’élégance.
LA FORMATION DE CONCIERGE. L’ambition
d’ICI-Icare est de proposer à ses étudiants un
bagage solide afin qu’ils puissent faire la dif-
férence dès leur arrivée sur le marché du tra-
vail. C’est pourquoi nos matières sont en lien
direct avec la réalité du terrain et, dès que pos-
sible, le savoir est transmis par un profes-
sionnel. Après les deux années d’étude en
hôtellerie-restauration de luxe dans notre éta-
blissement, nos étudiants peuvent, entre autres,
se spécialiser en conciergerie afin de valider
leur bachelor (seule formation de concierge
sanctionnée par un diplôme de niveau 2
[bac + 3] à être reconnue par l’État). Notre
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 51
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
1 • PERSONNALISER LES SERVICES DE L’HÔTEL
approche pédagogique se divise en trois
grandes thématiques qui reprennent les com-
pétences clés du concierge.
La technique. Indispensable à toute pratique
hôtelière et grandement souhaitée en concier-
gerie privée, la maîtrise parfaite des techniques
de service constitue le socle de compétences
incontournables du concierge. Règles de bien-
séance, procédures d’accueil et d’accompa-
gnement, art de la table et du savoir-recevoir,
codes (vestimentaires et conversationnels) et
protocoles sont revus et répétés tout au long
de la formation. Ces techniques de service,
souvent perçues comme des règles froides
dénuées de toute logique, sont expliquées
depuis leurs origines (avec les raisons qui ont
présidé à leur définition) afin que les étudiants
en saisissent mieux le sens et la fonction.
Une méthode qui permet d’inscrire plus en
profondeur dans la mémoire de l’étudiant les
usages à respecter. À cela s’ajoute un module
unique qui, s’appuyant sur des techniques théâ-
trales, permet à chaque étudiant d’intégrer son
rôle d’acteur du service. Il est question ici de
comprendre que, lorsque l’on revêt son cos-
tume de travail, on incarne un personnage qui
se doit de respecter un ensemble de règles qui
font peu ou prou partie des usages de la vie
sociale – c’est un exercice digne d’un comé-
dien. Notre objectif : donner à nos étudiants
l’envie d’être chaque jour un meilleur acteur.
La culture et le conversationnel. Comme nous
l’avons déjà précisé, un bon concierge se doit
de personnaliser le service destiné à un client.
La personnalisation implique que l’on
connaisse au préalable les préférences de ses
invités. Pour cela, le concierge doit tout d’abord
observer ce que le client choisit et écouter atten-
tivement ce qu’il dit. C’est au détour des
conversations que le concierge collecte le plus
d’informations : c’est pourquoi il se doit de
développer des compétences conversationnelles
soutenues par une culture générale lui per-
mettant d’aborder avec confiance différents
sujets. Nous faisons la part belle à trois types
de connaissances que nous étudions et révi-
sons régulièrement tout au long de la forma-
52 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
tion : compétences artistiques, touristiques et
culturelles. Puisque la clientèle des établisse-
ments de luxe témoigne souvent d’un attrait
pour l’art, le concierge sera amené à échanger
sur cette thématique et à conseiller les activités
du moment en accord avec les goûts des clients.
Le rôle du concierge reste de pouvoir aiguiller
le client vers les bons choix lors de son séjour.
Ainsi il se doit de connaître les meilleures acti-
vités et prestataires dans les domaines qui inté-
ressent les touristes. Restaurants, musées, visite
guidée, transports, boutiques constituent les
principaux sujets sur lesquels il peut échanger
quotidiennement. Enfin, dans la mesure où le
concierge fait face à une clientèle internatio-
nale, il gagne à connaître les coutumes essen-
tielles ainsi que les bases historiques des grandes
cultures qui composent notre monde. Et ce
afin de ne pas commettre d’impair dans la réa-
lisation de son service, mais également pour
ajouter une corde à son arc dans la construc-
tion d’une proposition adaptée. Être au fait de
la culture de son client, c’est non seulement
cerner en partie son client, mais aussi lui faire
ressentir que l’on s’intéresse à lui. Qu’il s’agisse
de sa langue, de ses coutumes, de son histoire
ou de son actualité, un client est toujours flatté
qu’un interlocuteur connaisse sa culture.
Toutefois, le concierge n’a pas toujours le
temps de rassembler un ensemble d’informa-
tions pertinentes sur son client avant de for-
muler une première proposition. Si l’idéal reste
de construire une relation, cette même rela-
tion a toujours un point de départ. C’est pour-
quoi, dès les premiers échanges, dès les pre-
miers mots et attitudes observables, le concierge
doit analyser son invité afin de le cerner rapi-
dement. Ainsi, au-delà des quelques informa-
tions que nous indique l’origine culturelle du
client, il est nécessaire de recourir à d’autres
outils utiles au déchiffrage de son caractère.
C’est pourquoi nos concierges étudient la com-
munication comportementale : il s’agit de com-
prendre le profil d’un client en déchiffrant sa
gestuelle et son attitude lorsqu’il s’exprime et
se déplace, afin de faire le rapprochement avec
une typologie de clients préétablie. Maîtriser

cet outil nécessite toutefois des capacités d’ob-
servation et d’analyse fortement développées,
qu’il n’est pas toujours évident de solliciter
dans le feu de l’action. Aussi est-il important de
considérer cet aspect comme une clé de lecture
supplémentaire, et non comme la panacée.
Le management et la gestion. Dans sa mis-
sion de sublimer la qualité du séjour du client,
le concierge n’est pas seul. Si, bien évidem-
ment, il peut s’appuyer sur les autres dépar-
tements de l’hôtel pour ce qui se déroule dans
les étages ainsi que dans les bars et restau-
rants, il est directement responsable de la qua-
lité du service dispensé dans le hall, où sont
assurés les services des bagagistes, des chas-
seurs, des voituriers, des portiers ou ceux, plus
transverses, de bellboys. Comme dit précé-
demment, dans certains établissements “gros
porteurs”, les équipes que le chef concierge
supervise atteigent parfois plusieurs dizaines
de personnes. D’où la nécessité de préparer
nos concierges à cet aspect non négligeable
du métier. De l’entretien de recrutement et de
licenciement à la motivation des équipes et la
conception de plannings, tout est étudié au
travers de mises en situation concrètes tout
au long de la 3e année de bachelor.
Une loge fonctionne comme une entreprise
dans l’entreprise, avec sa propre trésorerie,
son réseau de partenaires et leurs commissions
respectives. Le chef concierge se doit de gérer
sa loge sur tous ces aspects afin d’en garantir
le bon fonctionnement. Il doit donc avoir la
main sur les contrats passés avec les presta-
taires, s’assurer de la qualité du service qu’ils
rendent, négocier les commissions et garder
un œil sur sa trésorerie. Un exercice de style
qui, s’ajoutant à ses autres missions, témoigne
de la polycompétence confirmée des
concierges. C’est pourquoi, le droit, la ges-
tion, le contrôle qualité et la négociation font
partie des modules spécifiques suivis au sein de
l’établissement.
NOUVELLES FORMES DE CONCIERGERIE. Il y
a dix ans, le concierge, dans l’inconscient col-
lectif, renvoyait plus au gardien d’immeuble
qu’au concierge au sens où nous l’avons défini
NICOLAS DONNÈVE
précédemment. De nos jours, il suffit de prê-
ter un peu d’attention aux affichages publici-
taires, qu’ils soient numériques ou tradition-
nels, pour voir le mot “concierge” apparaître.
Les services de conciergerie fleurissent, qu’ils
soient proposés par une carte de crédit, une
plate-forme d’hébergement de vacances ou
une grande entreprise… Mais est-ce réelle-
ment de la conciergerie ?
Le mot “conciergerie” est de plus en plus
galvaudé, utilisé dès qu’une entreprise pro-
pose plus de cinq prestations. Pourquoi alors
parler de concierge alors qu’il ne s’agit de four-
nir que quelques services ? Certainement parce
que cela est évocateur du luxe. Chacun a le
sentiment de pouvoir avoir un concierge à sa
disposition, privilège réservé auparavant aux
élites. Est-ce gênant ? Difficile à dire. Il est
vrai que cela peut s’avérer problématique pour
les services de conciergerie authentiques qui
se retrouvent mis dans la même catégorie que
des prestataires spécialisés. Mais c’est pour
autant un choix pertinent de la part de ces
nouveaux prestataires ; puisque l’on observe
avec surprise que les cols bleus, qui ne consti-
tuent pas a priori le cœur de cible de la concier-
gerie, sont de bien plus fervents utilisateurs
de ces services que les cols blancs.
Cela étant, nous allons passer au crible ces
nouvelles formes de conciergerie, afin de don-
ner une vue d’ensemble de ce marché en pleine
évolution.
Les conciergeries privées. Depuis une dizaine
d’années de nombreux services de concierge-
rie ont émergé. Parmi les plus notables on
compte bien évidemment John Paul (récem-
ment racheté par le groupe Accor), mais aussi
Generali Concierge Services, Mutuaide
Assistance (Groupama) ou Europ Assistance.
Bien que certains travaillent en B2C, de plus
en plus proposent leur service en marque
blanche suivant une stratégie B2B2C. Par
exemple, si vous êtes une banque et que vous
souhaitez mettre en place un service de
conciergerie pour vos clients, une de ces socié-
tés de conciergerie s’occupera d’effectuer le
travail pour vous.
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 53
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
1 • PERSONNALISER LES SERVICES DE L’HÔTEL
Il s’agit là de services de conciergerie au sens
propre du terme. Leur seule différence avec les
concierges de grands hôtels, c’est qu’ils n’hé-
bergent pas le client et qu’ils ne peuvent pré-
tendre aux fameuses “clés d’or”. Ils sont néan-
moins à même de répondre à tous types de
demandes à toute heure du jour ou de la nuit.
La relation avec le client se fait souvent par
téléphone, par SMS ou courriel ; le présentiel
reste marginal et réservé aux clients très aisés.
Ces dernières années, on a vu naître des ser-
vices de conciergerie qui fonctionnent exclu-
sivement par SMS ou courriel. L’idée est d’avoir
son concierge à portée de main sans avoir
besoin de parler, ce qui est pratique lorsqu’on
est en réunion par exemple.
ICI-Icare (est une école hôtelière spécialisée dans l’hô-
tellerie-restauration haut de gamme. L’établissement couvre l’en-
semble des métiers de front office d’un hôtel de luxe ou d’un res-
taurant gastronomique (concierge, majordome, gouvernant(e),
réceptionniste, chasseur, bagagiste, maître d’hôtel, chef de rang,
etc.). Créée en 1983 par Jean Gillet, ancien président des Clefs d’Or
de France et directeur du Meurice, l’établissement a formé plus de
1 500 concierges, l’un des principaux postes de front office dans les
hôtels de luxe. Les étudiants de l’école suivent principalement des
programmes bachelor comprenant deux années de formation en
hôtellerie-restauration de luxe, suivies d’une année de spécialisa-
tion métier. Sur nos 70 diplômés annuels, le bachelor concierge
reste le plus important en nombre de candidats, suivi du bachelor
gouvernante et majordome. ■ et avoir l’esprit concierge reste essentiel. ■
Les conciergeries d’entreprise. L’objectif de
ces conciergeries est d’améliorer la qualité des
conditions de travail des salariés. Pour
répondre à cet enjeu de plus en plus central,
les grandes entreprises mettent des services de
conciergerie à disposition de leurs salariés. Les
concierges répondent à un large panel de
demandes et peuvent tant assister les employés
dans la traduction de documents que gérer leur
pressing ou encore commander un taxi. On
distingue deux types de conciergeries d’entre-
prises : celles qui proposent un service en pré-
sentiel avec une banque d’accueil dans l’en-
treprise (Bien-être à la carte, To Do Today …) ;
les conciergeries numériques qui fonctionnent
de manière dématérialisée. Ces dernières sont
assez récentes mais en plein développement,
comme en témoigne le succès de l’entreprise
Jobbers qui propose de mettre à disposition
de chaque salarié de l’entreprise un assistant
personnel disponible par SMS.
Les services dits “de conciergerie”. On trouve
aujourd’hui pléthore de services de concierge-
rie dans de nombreux domaines, qui vont de
la location d’appartements courte durée à l’as-
sistance au déménagement en passant par le
pressing. Selon nous, il s’agit là d’une évolu-
tion de l’usage du terme de conciergerie.
Cependant, si ces services s’écartent de la
conciergerie au sens propre, nous trouvons
toutefois des correspondances dans l’esprit, à
savoir dans la volonté de sublimer la qualité
de vie d’un client au cours d’un moment plus
ou moins long. Il y a dans ces services une
volonté réelle de décharger complètement un
client de tâches pénibles tout en lui proposant
un service de qualité.
■ ■
L’esprit qui fonde le métier de concierge est
essentiel et mériterait d’être plus souvent par-
tagé par les différents acteurs du service afin
d’enchanter le client. Dans nos formations pro-
fessionnelles, nous mettons en avant ces
concierge skills qui sont indispensables pour
améliorer la qualité de la relation client. Quand
il est question de satisfaire le client, comprendre

54 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
 ROGER BASTONI

ENVIE, EFFICACITÉ,
PASSION ET SOURIRE !
LES CLEFS DU SUCCÈS
DU CONCIERGE D’HÔTEL

Roger Bastoni a fait toute sa carrière dans la concierge-

Interview de
rie d’hôtel. Aujourd’hui à la tête de la loge de l’hôtel Majestic ROGER BASTONI

Barrière (Cannes), président d’honneur de l’Union interna- Chef concierge

Majestic Barrière (Cannes)
tionale Les Clefs d’Or, il nous fait part des multiples facettes <rbastoni@lucienbarriere.com>

de son métier et témoigne, à travers son expérience per-

sonnelle, des évolutions que celui-ci a connu au fil des

décennies. Même si les fondamentaux n’ont pas changé.

POURQUOI AVEZ-VOUS ponsable. La rencontre n’a jamais lieu.

CHOISI CE MÉTIER ? M. Doumenc, le chef concierge de l’époque,
Vous n’allez pas le croire, mais
c’est, en quelque sorte, le métier
qui m’a choisi. J’ai treize ans et
demi quand je demande à mon
père de me trouver un petit emploi
pour l’été plutôt que de m’envoyer
à la campagne, chez mes grands-parents.
Comme il travaille au bar du Majestic, il décide
de m’y amener pour me présenter à son res-
nous intercepte en effet sitôt notre arrivée et
me propose une place de groom.
C’est comme ça que j’ai découvert ma pre-
mière loge et j’ai adoré ça, fasciné, entre autres,
par l’élégance du concierge, par le lien convi-
vial qu’il entretenait avec une clientèle hup-
pée, ou encore par toutes les langues qu’il par-
lait. Alors, à dix-sept ans, j’ai pris ma décision :
j’ai arrêté l’école, devancé l’appel pour le ser-

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 55
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
1 • PERSONNALISER LES SERVICES DE L’HÔTEL
vice militaire et, une fois libéré de ces obliga-
tions, je suis vraiment entré dans le métier. À
Cannes d’abord, puis à Londres où, à vingt-
deux ans à peine, on me confie la place de
second concierge dans l’un des plus beaux
palaces de la ville. Et, aujourd’hui, j’ai la grande
satisfaction de voir mes deux fils, Gilles et
Yannick, exercer ce métier.
COMMENT DÉFINIRIEZ-VOUS LE
RÔLE DU CONCIERGE ? équivalent en ce qui concerne le service. Grâce
À mes yeux, le rôle d’un concierge est très
simple et se résume ainsi : servir le client en toute
occasion. Notre quotidien est fait, pour l’essen-
tiel, d’interventions anodines : la livraison d’un
journal, d’un médicament, la prise d’un mes-
sage, la commande d’un taxi, la promenade d’un
animal, une réservation pour un restaurant ou
un spectacle. Mais il arrive aussi que des mis-
sions très compliquées nous soient confiées, ou
encore que les besoins de nos hôtes soient com-
plexes. Même di, selon le proverbe, “à l’impos-
sible, nul n’est tenu”, un bon concierge ne doit
jamais abdiquer. On ne dit pas “non” dans notre
métier ! Nous devons toujours trouver une solu-
tion qui aille dans le sens du client. Il faut pour
cela contourner la difficulté, être imaginatif et
réactif. La plupart du temps, il suffit d’avoir du
bon sens, tout simplement.
Je me souviens ainsi d’une histoire émou-
vante. J’ai été sollicité un jour par le mari d’une
dame dont la mère était mourante. Elle devait
rejoindre le plus vite possible l’aéroport de
Genève, le plus proche de Gstaad où résidait sa
mère. Hélas, tous les avions étaient complets.
Qu’est-ce que j’ai fait ? Pas un miracle, non,
j’en suis bien incapable. Mais j’ai organisé son
déplacement jusqu’à Lyon où, là, j’avais déni-
ché un billet. Une voiture, un avion, et l’épouse
de mon client a pu faire ses adieux à sa mère.
Le rôle du concierge, c’est aussi de sourire.
Même s’il a accumulé la fatigue au terme d’une
longue journée, même s’il a des soucis per-
sonnels ou professionnels, il doit montrer qu’il
ne rend pas service par obligation mais par
plaisir. La reconnaissance du client n’en est
que plus grande et sincère.
56 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
Le rôle du concierge, c’est d’animer et de
développer son relationnel. Dans sa ville
comme en dehors de celle-ci, en repérant et en
fidélisant les meilleurs professionnels du
moment. Pour cela, il peut compter sur un for-
midable atout : les Clefs d’Or. Cette associa-
tion regroupe aujourd’hui plus de 4 000
concierges à travers le monde, sur les cinq
continents. Elle est un lieu d’échange de bonnes
pratiques et, surtout, un outil de travail sans
à ce réseau mondial amical (service through
friendship), je peux en effet appeler n’importe
lequel de mes pairs pour solliciter son aide et
l’obtenir, sans délai ni contrepartie.
Enfin, même si c’est moins glamour, le
concierge a un rôle de gestion. Nous devons
en premier lieu manager nos équipes : grooms,
voituriers, chasseurs… Il nous faut veiller à ce
que chacun d’eux renvoie au client le dyna-
misme et la disponibilité dont nous faisons
preuve nous-mêmes. Et puis, de plus en plus,
nous devons gérer notre temps. Les e-mails,
les appels téléphoniques et les rendez-vous
nous accaparent énormément. Pas question
pour autant que nos hôtes patientent devant
notre comptoir. Il n’y a rien de plus terrible
qu’un client qui contemple le sommet de votre
crâne parce que vous êtes le nez sur un écran
d’ordinateur et que vous ne vous êtes même
pas aperçu de sa présence. Pour moi, il faut
distinguer l’accueil de l’administratif. À cha-
cun son endroit : la loge, pour l’un, et le back
office, pour l’autre.
Y A-T-IL DES SPÉCIFICITÉS
DE L’EXERCICE DU MÉTIER
EN FRANCE, SELON VOUS ?
Les Clefs d’Or est une association française
depuis bientôt quatre-vingt-dix ans. L’union, la
tradition du métier, du service… ont donné
lieu à la création d’une association européenne
de concierges, en 1952, puis mondiale (Union
internationale des concierges d’hôtels). Notre
ambition à tous, partout dans le monde, est la
même : satisfaire nos clients et répondre aux
objectifs de nos directions respectives.

AVEZ-VOUS VU ÉVOLUER
LES DEMANDES DES CLIENTS ? L’EXERCER, AVEC NOTAMMENT
Leur nature n’a pas franchement changé. Il
n’y a pas plus de demandes extravagantes que
par le passé. En revanche, leur nombre a aug-
menté. C’est bien normal : notre clientèle s’est
accrue avec l’ouverture toujours plus grande
des établissements de luxe au tourisme d’af-
faires. Les saisons durent ainsi plus longtemps
et les taux d’occupation sont plus élevés. À
Cannes, avec de grands événements comme le
Mipim, le Festival de Cannes ou le Tax Free
World Exhibition, les palaces font le plein bien
au-delà de l’été. Au Majestic, par exemple,
nous affichons régulièrement “complet”.
L’origine de nos clients a également évolué.
De nouvelles nationalités fréquentent les
palaces. Je pense tout spécialement aux Russes,
aux Chinois et, dans une moindre mesure,
même si leur nombre augmente régulièrement,
aux Brésiliens. Nous adaptons nos procédures,
nos réseaux ou bien encore nos recrutements
en conséquence.
PENSEZ-VOUS QU’ON ASSISTE
À UNE DÉMOCRATISATION DE
LA CONCIERGERIE DANS
DES UNIVERS MOINS HAUT DE
GAMME ? aujourd’hui dirigées par des femmes et, même
C’est indéniable : des établissements ban-
caires, des assureurs, des marques de luxe ou,
tout simplement, des entreprises spécialisées
proposent aujourd’hui de la conciergerie hors
hôtel. Qu’est-ce que cela change pour des
concierges traditionnels d’hôtels ? Pas grand-
chose, si ce n’est que ces initiatives contribuent
à la promotion de notre métier. Et ça, je ne
peux que m’en réjouir. Je mettrais cependant un
petit bémol à cette satisfaction : attention à ne
pas verser dans la facilité. Je me félicite que
l’on démocratise notre activité, qu’on élargisse
son périmètre d’intervention. Mais je n’ac-
cepterais pas qu’on la galvaude.
LA PROFESSION A-T-ELLE
CHANGÉ ? VOYEZ-VOUS UNE
DIFFÉRENCE, PAR EXEMPLE, DANS
ROGER BASTONI
LA MANIÈRE QU’ONT VOS FILS DE
LES OUTILS NUMÉRIQUES À LEUR
DISPOSITION ?
Si la profession a changé, comme je l’ai dit
précédemment, c’est au niveau du volume de
demandes que nous traitons. Via les e-mails,
nous sommes plus accessibles que jamais, et
les clients ne se privent pas de nous contacter
avant même leur arrivée chez nous, voire bien
après leur départ ! La loge du Majestic doit
ainsi recevoir près d’une centaine de courriels
par jour. C’est du travail que d’y répondre !
Je note également un plus fort appétit de la
clientèle pour tout ce qui fait l’événement. Il
y a vingt ans, par exemple, Roland-Garros
n’intéressait que des passionnés. Aujourd’hui,
tout le monde ou presque veut en être. Et
comme il devient difficile de se procurer des
places, beaucoup de gens se tournent vers nous
dans l’espoir que nous y parvenions. Je vous
parle de Roland-Garros, mais c’est pareil pour
le Grand Prix de Monaco ou pour les concerts
géants des stars du rock…
En ce qui concerne l’évolution du métier à
proprement parler, je soulignerais deux ten-
dances positives. D’une part, la féminisation
de notre profession. De grandes loges sont
si elles sont encore en minorité, leur nombre
est plus important chaque année. D’autre part,
sa modernisation. Nous profitons pleinement
des nouvelles technologies de communication.
Internet, pour ne citer que lui, est d’une aide
appréciable. Quand je pense au Thomas Cook
de mes débuts ! Ce fameux guide horaire
m’était aussi précieux qu’une bible. Tout cela
est oublié ! En un clic, on a désormais toutes les
infos que l’on veut. Nous disposons également
d’outils en ligne, comme le Concierge
Organizer, qui nous facilitent la tâche.
Cela dit, l’éveil, la débrouillardise, l’élégance
sont toujours d’actualité, tout comme le sou-
rire, la disponibilité et le relationnel.
Malheureusement, internet et les call-centers
ont un peu gommé le côté humain de la pro-
fession. Avant, quand je cherchais un billet
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 57
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
1 • PERSONNALISER LES SERVICES DE L’HÔTEL
d’avion à la dernière minute, j’appelais le direc-
teur local de la compagnie, que je connaissais
personnellement. Maintenant, la relation est
bien plus anonyme. C’est ce que l’on appelle
le revers de la médaille.
DEVENIR CONCIERGE, COMMENT
CELA S’APPREND-IL ? QUELLES
SONT LES BONNES ÉCOLES ? CE
MÉTIER A-T-IL LA COTE AUPRÈS
DES JEUNES ? dence internationale. Ce titre est pour moi un
Pour avoir la cote, il l’a ! C’est fou, l’intérêt
de la jeunesse pour les métiers de la loge. On me
questionne souvent sur la filière scolaire qui y
mène. Longtemps, je n’ai eu que des forma-
tions privées à proposer. Mais, il y a quelques
années, en 2007, année de ma présidence natio-
nale, grâce à mon initiative et à celle de l’Union
nationale Les Clefs d’Or, l’Éducation nationale
a mis en place un cursus spécialisé au lycée
hôtelier de Toulouse, un cycle d’un an qui vient
juste après le bac. Cela dit, n’oublions jamais
que, si l’acquis est important, l’inné est essen-
tiel. Pour faire ce métier, il faut être dynamique
mais posé, débrouillard mais discret, et plutôt
58 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
à l’aise avec les langues étrangères. Ce qui me
fait dire qu’il relève encore de la vocation !
QUE VOUS INSPIRE LE STATUT DE
PRÉSIDENT D’HONNEUR DE
L’UNION INTERNATIONALE DES
CLEFS D’OR ?
Le titre de président d’honneur m’a été
décerné à la suite de deux mandats à la pré-
sidence nationale et d’un mandat à la prési-
moyen de développer et de promouvoir le
métier de concierge, de l’ouvrir davantage
aux jeunes, aux femmes, aux nouveaux
acteurs de l’économie touristique. Je remer-
cie mes confrères non seulement pour l’hom-
mage qu’ils m’ont fait en me décernant ce
titre, mais aussi pour les responsabilités qu’ils
m’ont ainsi accordées. Car un président d’hon-
neur, ça ne chôme pas. Il est en effet membre
du comité des sages et, à ce titre, il contribue
à la bonne marche de l’association et de la
profession tout entière. Rendez-vous compte :
je rends encore service ! Quoi de plus beau
pour un chef concierge ? ■
Lobby du Majestic © Groupe Barrière Hôtels et Casinos photo : Fabrice Rambert
 JULIE EUGÈNE

LE ROYAL MONCEAU
RAFFLES PARIS
INVENTE LE MÉTIER
D’ART CONCIERGE
Le Royal Monceau Raffles Paris a mis l’art au cœur de son

positionnement. D’abord, en organisant un happening, la JULIE EUGÈNE

Demolition Party, pour marquer le lancement des grands tra- Art concierge
Le Royal Monceau
vaux de rénovation de l’hôtel, en 2008. Ensuite, en créant Raffles Paris
< julie.eugene@raffles.com >
un Art District (galerie d’art, collection privée…) au cœur du

palace. Enfin, en créant un poste d’art concierge, dont la

mission est de conseiller les clients de l’hôtel sur tout ce qui

touche à l’art à Paris (de la visite de galeries à la sélection

d’une œuvre, en passant par les visites guidées de musées).

e Royal Monceau Raffles superbe. L’hôtel a entièrement été refait sous l’égide

L Paris a rouvert ses portes,

le 18 octobre 2010, après
presque trois ans de tra-
vaux de rénovation.
L’hôtel datant de la fin des années
1920 commençait à perdre de sa
du designer français Philippe Starck, qui s’est vu
offrir carte blanche par l’entrepreneur Alexandre
Allard, alors propriétaire de l’hôtel.
Lui-même collectionneur, Alexandre Allard
a été à l’initiative du projet Art District du
Royal Monceau, qui met l’art au cœur de

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 59
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
1 • PERSONNALISER LES SERVICES DE L’HÔTEL
l’ADN de l’hôtel. Il a trouvé dans les fonds
souverains du Qatar les moyens de mettre en
œuvre ce projet ambitieux. En effet, il est main-
tenant bien connu du monde de l’art interna-
tional que la famille royale du Qatar compte
parmi ses membres de grands collectionneurs
et soutiens de la création artistique. C’est donc
avec le soutien de ses nouveaux propriétaires
que le Royal Monceau engagea les travaux.
HISTOIRE PARTICULIÈRE. Philippe Starck, outre
le design, a ainsi conçu le premier hôtel de luxe
au monde entièrement consacré à l’art contem-
porain, à la fois chic et décalé, palace interna-
tional et parisien. Le projet Art District s’ins-
crit dans la continuité de l’histoire particulière
du Royal Monceau qui fut, dès son ouverture
en 1928, très fréquenté par les artistes et per-
sonnalités de l’époque. Nous pouvons ainsi
citer Mistinguett, Maurice Chevalier, Joséphine
Baker ou encore Ernest Hemingway. La crise
de 1929 impacta peu l’activité de l’hôtel.
Durant la Seconde Guerre mondiale, cepen-
dant, le Royal Monceau fut réquisitionné par
l’armée allemande. Dès la Libération, la petite
histoire du Royal Monceau entra dans la
grande Histoire, puisqu’il fut l’hôte des Forces
alliées et du général Eisenhower puis, en 1948,
le lieu des négociations entre Golda Meir et
David Ben Gourion pour la signature de l’acte
de création de l’État d’Israël.
La vie reprit ensuite son cours et le Royal
Monceau redevint un lieu de rencontre pour
les artistes. Après Joseph Kessel, Walt Disney...
suivirent des artistes comme James Brown,
Mickael Jackson, Robert De Niro ou Lou
Reed. Impossible de ne pas citer Michel
Polnareff, qui séjourna 800 jours au Royal
Monceau, de 1989 à 1992, et y composa son
album Kâmâ Sutrâ, dont l’un des titres,
“Goodbye Marylou”, fut inspiré par Marie-
Louise, une des standardistes de l’hôtel. En
1990, Madonna y tourna, sous la direction du
photographe français Jean-Baptiste Mondino,
le clip vidéo très controversé du single Justify
my Love. Enfin, nous citerons Ray Charles à
qui une suite est consacrée : les clients y trou-
vent un piano et des photographies du chanteur
60 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
dans l’ancien Royal Monceau, prises par sa
compagne de l’époque, Arlette Kotchounian.
Ces photographies font d’ailleurs partie de la
collection de l’hôtel.
COLLECTION PRIVÉE. En effet, afin de com-
pléter le design de Philippe Starck, l’hôtel s’est
doté d’une collection d’œuvres d’art sélec-
tionnées par Hervé Mikaeloff, expert en art
contemporain, commissaire d’exposition et
conseiller artistique (notamment pour Bernard
Arnault). Cette collection contient une sélec-
tion de photographies et des œuvres d’art créées
spécialement pour les espaces publics de l’hô-
tel. Parmi les artistes invités, on peut citer
Stéphane Calais, Nikolay Polissky, Simon
Chaput, Lucien Hervé ou encore Guy Le
Querrec. De plus, des lieux au sein de l’hôtel
ont été consacrés à l’art et pensés comme des
lieux de rencontre pour les artistes, les Parisiens
et la clientèle de l’hôtel. Ainsi, Le Royal
Monceau a une librairie, la Librairie des Arts,
une salle de cinéma de 99 places et une galerie
d’art, l’Art District.
Afin de faire le lien entre l’art et les clients
de l’hôtel, l’idée est alors venue de créer une
fonction qui n’existe nulle part ailleurs, celle
d’art concierge. Et c’est par un concours de
circonstances que j’ai intégré le projet Art
District, et que j’ai fait partie de l’équipe de
création du poste d’art concierge.
En 2008, alors que je travaillais en tant
qu’assistante pour des galeries d’art, ces der-
nières ont été approchées par Hervé Mikaeloff
et Philippe Starck dans leur recherche de jeunes
artistes pour la collection du Royal Monceau.
Ainsi qu’à l’occasion de la fameuse Demolition
Party, réalisée le 26 juin 2008. Alexandre
Allard eut en effet l’idée d’organiser une soi-
rée sur le thème de la démolition pour mar-
quer le lancement des grands travaux de réno-
vation de l’hôtel. Celle-ci se tint après la vente
aux enchères de tout le mobilier du Royal
Monceau par Me Pierre Cornette de Saint Cyr,
entre le 19 et le 22 juin 2008.
Un artiste commun à deux galeries (la gale-
rie Patricia Dorfmann et le Studio 55), dans
lesquelles je travaillais, Zevs (récemment

exposé au château de Vincennes), fut sélec-
tionné afin de réaliser une performance lors
de cette soirée qui allait marquer un tournant
pour l’hôtel. C’est ainsi que je mis les pieds
pour la première fois au Royal Monceau et
que je me suis imprégnée de l’atmosphère artis-
tique du lieu avec les œuvres et installations
éphémères de Xavier Veilhan, d’Arne Quinze,
de Wang Du ou encore de Kirill Chelushkin.
POSTE À INVENTER. Deux années plus tard,
en 2010, j’ai été contactée afin de participer à
la création du poste d’art concierge. Ce poste
était alors à inventer. Il consiste à conseiller les
clients de l'hôtel en leur créant un programme
culturel sur mesure ou en leur proposant une
sélection exclusive de l’actualité culturelle et
artistique parisienne : expositions, vernissages,
concerts, visites d’ateliers d’artistes, activités
pour les enfants, etc. L’art concierge propose
également des visites personnalisées de la col-
lection privée de l’hôtel, riche aujourd’hui de
plus de 350 œuvres.
Les enjeux lors de la création de ce poste
sont multiples :
– faire accepter ce nouveau service dans le
monde de l’hôtellerie ;
– anticiper les demandes de la clientèle et pré-
voir les différents cas de figure qui pourront
se présenter ;
– faire connaître ce nouveau service dans le
milieu de l’art parisien afin que les artistes, les
galeristes, les musées... acceptent de collabo-
rer en participant au développement du cata-
logue de ce service ;
– faire connaître le service auprès de la clientèle
et susciter les demandes ;
– identifier les clients susceptibles de faire appel
à ce service.
Le poste d’art concierge étant unique et inédit
à l’époque, les clients ne pouvaient en faire
spontanément la demande : il était nécessaire
de les informer de l’existence de ce service et de
leur permettre d’y faire appel tout aussi natu-
rellement qu’à un concierge classique.
COMMUNICATION INTERNE ET EXTERNE. Aussi,
un travail de communication interne et externe
fut réalisé. En interne, par la mise en place de
JULIE EUGÈNE
réunions d’information et de formations pour
les employés, notamment les agents de réser-
vation et les réceptionnistes qui sont les pre-
miers contacts avec la clientèle ; en externe,
auprès des professionnels, par la diffusion de
communiqués à la presse, de lettres d’infor-
mation aux agences de voyages, par des ren-
contres avec les acteurs du monde de l’art, et
auprès de la clientèle par la création d’outils
nouveaux.
Le premier lien avec le client se fait via une
newsletter artistique présente dans toutes les
suites et chambres de l’hôtel. Conçue comme
un agenda hebdomadaire ou un menu, Art For
Breakfast regroupe les recommandations de
l’art concierge sur les sorties culturelles à voir
et à faire (exposition dans une galerie ou un
musée, ballets, concerts de jazz…). Le contenu
de cette newsletter se veut éclectique afin que
chaque résident y trouve une recommanda-
tion suscpetible de lui convenir. Cet outil est
également le moyen d’inviter le client à deman-
der des sorties sur mesure en fonction de ses
goûts. Il existe également une version numé-
rique envoyée par e-mail à toute personne le
souhaitant, ce qui permet de lier l’hôtel aux
Parisiens et aux amateurs d’art de tout hori-
zon.
EXPERTISE. Avec l’ouverture et l’arrivée des
clients, un écueil qui n’avait pas été anticipé
s’est présenté : selon les connaissances en art
des clients et leur pays d’origine, les termino-
logies employées pour nommer un mouvement
artistique, une période ou un style ne sont pas
les mêmes. En effet, la frontière est mince entre
art moderne et art contemporain et, si les his-
toriens de l’art ne sont pas unanimes sur la
définition de ces mouvements, sur les artistes et
dates qui font passer de l’un à l’autre, les clients
quant à eux ont tendance à les confondre tota-
lement. Il faut donc poser les bonnes questions
et faire preuve de finesse afin de ne pas de don-
ner l’impression au client qu’il manque de
connaissances.
Le poste d’art concierge demande une véri-
table expertise dans le domaine de l’art contem-
porain : des connaissances en histoire de l’art,
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 61
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
1 • PERSONNALISER LES SERVICES DE L’HÔTEL
mais également un réseau développé de
contacts afin de pouvoir répondre le plus rapi-
dement possible aux demandes les plus diverses,
tout en étant garant de la qualité du service
proposé. Aussi, il est nécessaire de se maintenir
en permanence informé de l’actualité culturelle
et de l’évolution du marché de l’art.
J’ai pour ma part fait des études universi-
taires en arts plastiques (histoire et esthétique
de l’art contemporain, spécialité photographie
et nouveaux médias). Ce parcours universi-
taire, mon expérience dans plusieurs galeries
d’art parisiennes et un bref passage dans la sec-
tion luxe de l’agence de publicité Euro RSCG
m’ont permis de développer une connaissance
de l’art, du réseau des galeries et musées, ainsi
qu’une vision sur l’univers du luxe me rendant
à même de proposer des expériences hors du
commun à notre clientèle. Ainsi, en tant qu’art
concierge, outre faire des recommandations
sur mesure, il m’arrive de :
– aider à l’acquisition d’œuvres d’art ;
– jouer le rôle de médiateur artistique dans
la collection de l’hôtel et les expositions de
Le Royal Monceau
Raffles Paris
Cerfs,
sculpture de
Nicolas Polissky
62 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
l’Art District ;
– guider les clients dans des expositions hors
de l’hôtel ;
– organiser des visites privées (d’un musée –
Le Louvre, Le Grand Palais ou le musée
Picasso –, des appartements de Coco Chanel
ou d’un atelier d’artiste).
■■
Le Royal Monceau s’est positionné en tant
que précurseur dans le domaine de l’art. Sept
ans après son invention, la fonction d’art
concierge est désormais reprise par d’autres :
des conciergeries privées, des institutions
muséales (le Palais de Tokyo), des hôtels (le
Drawing hotel, récemment ouvert) ou de nou-
velles entreprises (Barter) proposent ce service.
Le groupe Raffles dont dépend l’hôtel a éga-
lement commencé à développer le concept dans
d’autres hôtels du groupe. Mais Le Royal
Monceau reste le seul palace au monde à pro-
poser une conciergerie d’art véritablement spé-
cialisée en art contemporain, avec services
diversifiés et de véritables lieux consacrés à
l’art au sein même de l’hôtel. ■
 MATHIEU POLLET ET MARYLOU BIDAULT

LOUNGEUP
CONCIERGERIE
NUMÉRIQUE ET… GESTION
DE LA RELATION CLIENT

Dans un contexte où les clients exigent des services ultra-

personnalisés, où les solutions technologiques sont de plus MATHIEU POLLET

en plus performantes (intelligence artificielle, profiling, mes- Directeur général

Loungeup
sagerie robotisée…), les services traditionnels de concierge- < mathieu@loungeup.com >

rie sont mis en demeure de passer à l’ère numérique. Loungeup

MARYLOU BIDAULT
fournit des outils technologiques aux hôteliers (et autres héber-
Chef de projet marketing
geurs touristiques) pour les aider à fluidifier le parcours de Loungeup
< marylou@loungeup.com >
leurs clients, d’une part, et pour collecter des données sur

ces derniers (utilisables à des fins de marketing), d’autre part.

oncierge” est un mot sûr, de concierge d’hôtel. Il est souvent asso-

“C français largement uti-

lisé à l’étranger. En
France, il est employé
dans des contextes
d’usage très différents : on parle de concierge
d’immeuble, de concierge d’entreprise et, bien
cié à la notion de service, voire de prestige.
L’hôtellerie de luxe entretient l’aura de pres-
tige qui entoure les mots de “concierge” et
de “conciergerie”. Les possesseurs de cartes
de paiement haut de gamme tout comme ceux
de voitures de prestige bénéficient désormais

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 63
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
1 • PERSONNALISER LES SERVICES DE L’HÔTEL
d’un service de conciergerie disponible vingt-
quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur
sept : ce service leur permet d’accéder à une
large gamme de prestations leur facilitant la
vie au quotidien (organisation de voyages,
achats à distance, réservation de tables de
restaurant, recommandation de spectacles,
traduction de textes, organisation de soirées,
recherche d’appartement, transmission de
messages urgents, location de yacht ou de
limousine...). Mais qu’est-ce que la concier-
gerie dans l’hôtellerie ? Comment a-t-elle évo-
lué dans le contexte actuel de révolution
numérique ?
CONTACT HUMAIN. Le concierge d’hôtel
exerce à l’origine dans les établissements de
prestige (hôtels 4I, 5I, palaces), mais aussi
dans certains châteaux et autres demeures de
grand luxe. Les concierges des établissements
les plus prestigieux sont regroupés dans l’as-
sociation Les Clefs d’Or. Thierry Revel, pré-
sident des Clefs d’Or de France, définit le
concierge comme “une profession […] qui a
à cœur de satisfaire les demandes d’une clien-
tèle de plus en plus exigeante”. En France,
l’association compte plus de 400 membres
(3 700 membres dans le monde). On y entre
sur examen, après cooptation par deux
anciens. S’ils ont bien conscience que la tech-
nologie impacte énormément le monde de
l’hôtellerie et ses habitudes, les membres de
l’association sont convaincus que “rien ne
pourra remplacer la connaissance, la réacti-
vité, la disponibilité et surtout le contact
humain qui est [leur] grande force”. Ils sont
reconnaissables à l’insigne (deux grandes clefs
en or) épinglé sur le col de leur veste, insigne
qui semble dire : ce concierge-là peut tout
faire, tout résoudre, tout arranger sans perdre
son calme.
Les clients des établissements de luxe le
savent bien, ils peuvent tout demander au
concierge, quelle que soit l’heure : réserver
une table dans le restaurant le plus huppé de
la ville, privatiser un magasin ou réserver un
siège dans n’importe quel vol. Pour ce faire,
tout concierge a dans son carnet d’adresses
64 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
des fournisseurs privilégiés avec lesquels il
traite au gré des envies de ses clients. Les res-
taurants, commerces et prestataires ont bien
compris l’influence des concierges auprès des
clients les plus fortunés : ils ont mis en place
des systèmes de commissions à l’intention
des concierges ou leur réservent un statut
d’invité permanent. Outre qu’il a établi une
liste de prestataires bien affutée, le concierge
Clefs d’Or sait qu’il peut compter sur la com-
munauté internationale des Clefs d’Or, qu’il
peut solliciter à loisir.
Dans les établissements hôteliers moins
luxueux, c’est l’équipe de réception qui fait
office de concierge, prodiguant régulièrement
des conseils et proposant parfois de la billet-
terie. Cette double fonction des réception-
nistes est très appréciée et utile au voyageur
qui souhaite trouver un restaurant ou com-
mander un taxi.
La conciergerie d’un hôtel, si elle joue un
rôle important dans son image, n’est pas
génératrice de chiffre d’affaires direct pour
l’établissement. Sa mission exclusive est de
contribuer à la satisfaction du client. Le
concierge est un référent, une personne de
confiance sur laquelle le voyageur peut comp-
ter, surtout quand il est dans un pays inconnu,
parfois jugé dangereux.
CONCIERGERIE NUMÉRIQUE. Le métier de
concierge n’échappe pas à la révolution
numérique. Par le biais d’une application
mobile ou d’une autre interface numérique,
l’hôtel peut proposer ses recommandations
touristiques ou toute information qu’il juge
utile ou pertinente pour le client, et ce à tout
moment (avant ou après le séjour, lorsque le
client est en dehors de l’établissement ou dans
sa chambre…), dans toutes les langues, avec
une cartographie interactive, etc.
Les clients sont demandeurs de ces services
de conciergerie numérique. Selon une étude
de MCD Partners réalisée en 2014 sur les
attentes en matière de services hôteliers, 68 %
des voyageurs souhaitent utiliser leur smart-
phone pour connaître les conseils du
concierge sur les places à visiter. De nom-
 MATHIEU POLLET ET MARYLOU BIDAULT

Les hôtels ont de plus en plus de mal à établir un vrai contact

avec un client qui consulte internet pour rechercher les informa-

tions dont il a besoin, réserver une table ou un spectacle, voire

réserver une chambre alors qu’il se trouve sur le parking de l’hôtel.

L’enjeu, pour eux, est donc de rester le référent du client tout au

long de son séjour et d’être le garant de sa satisfaction.

breux clients préfèrent ainsi accéder directe-
ment aux informations sur leur mobile ; ils
sont également preneurs de conseils avisés
par un local.
Les hôtels ont de plus en plus de mal à éta-
blir un vrai contact avec un client qui consulte
internet pour rechercher les informations
dont il a besoin, réserver une table ou un
spectacle, voire réserver une chambre alors
qu’il se trouve sur le parking de l’hôtel.
L’enjeu, pour eux, est donc de rester le réfé-
rent du client tout au long de son séjour et
d’être le garant de sa satisfaction.
C’est pourquoi Loungeup fournit des outils
numériques aux hôteliers (et autres héber-
geurs touristiques) pour les aider à fluidifier
le parcours de leurs clients, d’une part, et
pour collecter des données sur ces derniers
en vue de personnaliser le plus possible leur
expérience, de mettre en place des pro-
grammes de fidélisation…, d’autre part.
La solution Loungeup se concrétise sous
la forme d’une suite de produits complé-
mentaires : une application web et mobile de
séjour (Loungeup App), une solution d’e-
mailings transactionnels (Loungeup E-mai-
ling), une plate-forme d’interaction par SMS
(Loungeup SMS) et une plate-forme de ges-
tion de la relation clients rassemblant toutes
les données issues des outils hôteliers et des
réseaux sociaux (Loungeup Guest Profile).
L’objectif de ces solutions est de permettre
aux hôteliers d’accompagner leurs clients
avant, pendant et après le séjour et de leur
proposer une expérience personnalisée (pré-
check-in, application pour réserver les ser-
vices de l’hôtel, messagerie directe pour inter-
agir avec les équipes, carte interactive
regroupant les recommandations touristiques
et restaurants, collecte des préférences et habi-
tudes du client…). Les solutions Loungeup
mettent le numérique au service des hôteliers
pour les aider à offrir le meilleur service pos-
sible. Avec plus de 1700 clients dans quinze
pays, Loungeup se positionne comme l’ac-
teur de référence en Europe.
CONTACT NUMÉRIQUE. La conciergerie numé-
rique n’a pas pour but de remplacer le
concierge de l’hôtel, mais de faciliter le
contact de celui-ci avec ses clients, surtout
ceux qui ne s’adressent pas d’eux-mêmes à
la réception. C’est le cas par exemple de la
génération des “millennials”, ces technophiles
qui ne jurent que par leurs appareils mobiles
et préfèrent le contact numérique au contact
physique. Ils sont en passe de devenir le type
de voyageur dominant : il est donc nécessaire
pour les hôtels de proposer des services d’in-
formation sous format numérique et de créer
ainsi un contact direct avec le client – un
contact qui peut également être conservé
lorsque le client est en dehors de l’établisse-
ment étant donné qu’il a toujours son por-
table sur lui. Pour l’hôtel, être disponible via
ce canal est un moyen de toucher ses clients
les plus technophiles pour répondre à leurs

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 65
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
1 • PERSONNALISER LES SERVICES DE L’HÔTEL
Le vrai enjeu des services de
conciergerie numérique est d’amener
du contenu pertinent, comme le fait la
conciergerie traditionnelle.
questions. Outre qu’il satisfait ainsi les
demandes de ses clients, l’hôtel les garde dans
son écosystème et évite ainsi qu’ils ne fassent
appel à des applications ou sites web externes,
sur lesquels il n’a pas la main.
Dans la même optique, le propre de la
conciergerie étant de répondre aux questions
des clients, les outils de chat et de SMS per-
mettent de faciliter le contact et l’interaction
en temps réel. Un outil de messagerie est un
bon moyen de créer ou de renforcer le contact
direct avec le client qui ne s’adresse pas à la
réception. Cet outil permet de lui souhaiter la
bienvenue à l’arrivée, de lui rappeler que le
concierge est à sa disposition tout au long de
son séjour s’il a des questions, en direct ou
par message, de l’informer efficacement sur
la vie de l’hôtel (messages groupés aux rési-
dents de l’hôtel, par exemple). À l’inverse, il
permet aux clients de contacter facilement la
réception quand ils ont un problème.
Pour autant, la messagerie instantanée
robotisée (les chatbots), qui permet d’auto-
matiser les réponses aux questions des clients
grâce à la détection de mots-clés, ne nous
semble pas nécessaire dans l’hôtellerie, au vu
du volume des requêtes et de l’importance
de la personnalisation. De notre point de vue,
tous les canaux instantanés doivent avoir
pour objet de faciliter l’accès au concierge,
non de robotiser ce dernier.
GESTION DE LA RELATION CLIENT. Le vrai
enjeu des services de conciergerie numérique
est d’amener du contenu pertinent, comme
le fait déjà la conciergerie traditionnelle. Pour
cela, il faut que le service de gestion de la
relation client garde la main sur ces outils et
66 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
les utilise pour partager ses connaissances.
Pour que ces outils d’e-conciergerie soient
efficaces et poposent un contenu pertinent,
il faut qu’ils soient capables, autant que pos-
sible, d’adapter leur contenu au profil du
client, en fonction de sa nationalité ou de
l’objet de son voyage. Ainsi, un client en
voyage d’affaires ne doit pas se voir proposer
les mêmes services qu’un client séjournant
avec sa famille. Le défi est d’assurer le même
niveau de pertinence du contenu que celui
prodigué par le concierge à son comptoir. Les
offres et messages étant adaptés à leur profil,
les utilisateurs se sentent plus concernés, ils
ont l’impression d’être moins sollicités et sont
donc plus réceptifs.
Outre qu’elle rend service au client et faci-
lite son séjour, la conciergerie numérique per-
met à l’hôtel de capitaliser sur ses actions
marketing, notamment en matière de fidéli-
sation client. En effet, la plate-forme permet
de collecter automatiquement certaines coor-
données et préférences. À titre d’exemple, si
on détecte qu’un client s’intéresse aux trai-
tements spa de l’hôtel, une offre de spa peut
lui être proposée pendant ou après le séjour.
Certaines technologies invisibles pour le
client permettent ainsi au concierge de per-
sonnaliser plus encore les services proposés.
Il est possible de détecter les préférences et
centres d’intérêt en analysant automatique-
ment les profils des clients sur les réseaux
sociaux. En détectant sur son profil Instagram
qu’un client est végétarien, le concierge
pourra lui proposer des restaurants adaptés.
Notons à ce propos que le contenu le plus
souvent consulté par les clients des hôteliers
disposant de la solution Loungeup est celui
concernant la restauration, plus particuliè-
rement la liste des restaurants recommandés
par l’hôtel.
Le numérique permet ainsi de dépasser le
simple service au client et de nourrir les
actions marketing nécessaires au développe-
ment de l’hôtel, grâce à une connaissance
client enrichie. ■
 ROMAIN NKOUNKOU

VICTOR & CHARLES

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

POUR PERSONNALISER

L’EXPÉRIENCE CLIENT

Victor & Charles met au service des hôteliers des outils d’in-

telligence artificielle permettant de “prédire les envies” de ROMAIN NKOUNKOU

leurs clients. Ces outils, destinés plus particulièrement aux Cofondateur et directeur
des opérations de
services de conciergerie et du marketing, analysent les infor- Victor & Charles
< r.nkounkou@
mations socioculturelles et comportementales détenues sur victor-charles.com >

le client (issues des réseaux sociaux, des bases de données

de l’hôtel…) pour le connaître avant même son arrivée, afin

d’être en mesure d’anticiper ses besoins ou de savoir de

quel sujet lui parler pour engager une conversation.

avènement du numérique a pro- plates-formes de réservation en ligne (de type

L’ fondément bouleversé les codes

du secteur de l’hôtellerie. Deux
leviers conditionnent aujourd’hui
le futur de l’hôtellerie : l’augmen-
tation programmée du nombre de touristes
dans le monde, d’une part ; la croissance des
Booking.com, Expedia…) et le développement
de nouveaux modes d’hébergement (dont l’hé-
bergement collaboratif), d’autre part.
Dans cette équation, le numérique agit
comme un catalyseur. Il permet aux hôteliers
de se réinventer pour accueillir un nombre

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 67
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
1 • PERSONNALISER LES SERVICES DE L’HÔTEL
Les données disponibles via les réseaux sociaux mais également
via les sites partenaires et ceux des marques elles-mêmes sont
riches en informations sur les préférences des utilisateurs, sur leur
personnalité, leurs centres d’intérêt…
croissant de touristes, mais il permet aussi à
de nouveaux modèles en ligne d’émerger face
aux acteurs traditionnels. Pour le secteur de
l’hôtellerie, tous segments confondus (écono-
mique, d’affaires, de luxe), comme pour la plu-
part des secteurs économiques, il est donc vital
de réussir la transformation numérique pour
tirer parti des innovations technologiques afin
de capter, satisfaire et fidéliser une clientèle aux
aspirations nouvelles et toujours plus volatiles.
Parmi ces innovations, l’intelligence artifi-
cielle (IA) est une des avancées majeures de ces
dernières années. La technologie de l’intelli-
gence artificielle vise à créer ou à simuler, chez
les robots ou les logiciels, une intelligence com-
parable à celle de l’homme ou davantage spé-
cialisée. Beaucoup d’entreprises la considèrent
déjà comme un des moteurs de la construction
d’une expérience client fluide et convaincante.
Confrontés à l’explosion de la quantité d’in-
formations à traiter, diffusées et échangées par
les clients, ainsi qu’aux nouvelles exigences de
rapidité, de simplicité et de pertinence des
clients, les hôteliers doivent repenser leur rela-
tion client.
Les données disponibles via les réseaux
sociaux, mais également via les sites parte-
naires et ceux des marques elles-mêmes, sont
riches en informations non seulement sur les
préférences des utilisateurs, mais surtout sur
leur personnalité, leurs centres d’intérêt… Elles
permettent de disposer d’une connaissance
dynamique et contextuelle pour chaque client.
D’importants volumes de données sont à la
disposition des hôteliers, mais sont encore mar-
ginalement exploitées. Grâce à ces données,
les envies des clients, exprimées ou non, pour-
raient être utilisées pour leur proposer des ser-
68 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
vices personnalisés dès leur arrivée à l’hôtel,
qu’il s’agisse d’un hôtel économique ou d’un
palace. Ces petites attentions rendraient l’ex-
périence plus humaine et plus authentique.
CONNAÎTRE LE CLIENT EN VALORISANT L’ACTIF
DATA. Les hôteliers disposent d’un important
capital de données (l’actif data), mais sont,
pour la plupart, très loin de l’exploiter à son
plein potentiel. Pourtant, l’explosion de la
quantité de données disponibles grâce au big
data et à l’open data (données publiques) per-
met d’affiner la connaissance des clients. Les
données publiques, en effet, constituent une
mine d’or. Les traces des interactions sociales
recèlent une mine d’informations : centres d’in-
térêts, relations, localisations, comportement…
Dépassant de loin le simple univers de la com-
munication, ces insights pourraient avoir un
impact sur la chaîne de valeur des hôtels. Si,
aujourd’hui, ces données sont souvent peu ou
mal intégrées dans les systèmes d’information
des hôtels, leur maîtrise grâce à l’intelligence
artificielle permettra bientôt de “prédire les
envies” des clients, de personnaliser l’expé-
rience ou d’adapter sa stratégie commerciale.
De fait, un monde de possibilités s’ouvre à
ceux qui disposent des ressources adaptées
pour traiter ces données.
DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE À L’INTELLI-
GENCE AUGMENTÉE. L’intelligence artificielle est
une formidable occasion de connaître le client,
mais cette connaissance n’est pas une fin en
soi. La capacité à en tirer l’essence véritable
dépend de la capacité de l’hôtelier à actionner
cette connaissance. Comment ? Tout d’abord,
en donnant au personnel le moyen de l’utili-
ser et de l’actionner à chaque point de contact
avec le client. Ensuite, en donnant le moyen

au personnel de connaître le client avant même
son arrivée, d’être en mesure d’anticiper ses
besoins ou de savoir de quel sujet lui parler
pour engager une conversation.
La mise en mouvement de la connaissance
client est une occasion sans précédent de
remettre l’humain au cœur de la relation client
et de bâtir une relation durable. Elle permet
au personnel d’être au centre de la relation
client, d’être le principal vecteur de sa satis-
faction et de sa fidélisation. C’est pourquoi on
parle d’intelligence augmentée, dont le prin-
cipe consiste à utiliser la technologie pour aug-
menter, voire décupler, les capacités humaines.
Dans l’hôtellerie, en aidant le personnel à
exploiter, en temps réel, l’ensemble des don-
nées publiques disponibles sur les clients pour
mieux les connaître, on permet de décupler les
capacités humaines et à mettre en lumière le
savoir-être du personnel, pour la plus grande
satisfaction du client.
Cette alliance entre l’intelligence artificielle
et le service du personnel n’est pas une vision
futuriste : elle est déjà une réalité dans l’hôtel-
lerie en France. Victor & Charles, start-up
parisienne créée en 2015, a mis au point une
intelligence artificielle qui aide les hôteliers à
mieux connaître leurs clients et à anticiper leurs
envies. En utilisant simplement un nom et un
prénom pour “profiler” le client, ses algo-
rithmes sont capables d’aller chercher en temps
réel des informations dans plusieurs sources :
les informations publiques des réseaux sociaux
personnels et professionnels comme Facebook
ou Linkedin, les données PMS (logiciel de ges-
tion de l’hôtel) et du logiciel de CRM (custo-
mer relationship management – gestion de la
relation client) s’il y en a un. Le tout est ensuite
croisé avec des paramètres socioculturels.
Toutes ces informations permettent également
à l’hôtelier de repérer les clients influents sur les
réseaux sociaux.
L’information sur le profil des clients est dis-
ponible dès la veille de leur arrivée directement
via une interface spécifique que le personnel
de l’hôtel (de la réception au directeur géné-
ral) peut consulter afin de mieux préparer l’ar-
ROMAIN NKOUNKOU
rivée du client, de personnaliser son accueil et
de prodiguer de nombreuses attentions pen-
dant son séjour. Victor & Charles travaille
aujourd’hui avec plus de quinze groupes hôte-
liers français et internationaux allant de l’hô-
tellerie économique au haut de gamme.
En répondant à la problématique de la
connaissance client pour les hôteliers et en
s’adaptant à chaque segment du marché, Victor
& Charles aide les équipes de réception à se
sentir valorisées et sécurisées. Fortes des infor-
mations qu’elles détiennent, elles sont aujour-
d’hui capables d’anticiper les arrivées des clients
et d’utiliser leur créativité pour leur faire plai-
sir. Pour que l’expérience se poursuive après
le séjour à l’hôtel, les directeurs commerciaux
et marketing disposent également de leur
propre outil pour rester en contact avec le client
et bâtir des offres ultrapersonnalisées en
quelques clics.
C’est au prix de cette capacité à connaître
le client que les hôtels réussiront à se diffé-
rencier de la concurrence et à fidéliser leur
clientèle. La transformation est en marche
dans l’hôtellerie. Mais ce n’est que le début,
d’autant qu’aucun secteur dans lequel la rela-
tion client et la personnalisation de l’expé-
rience sont un enjeu ne devrait être épargné
par l’utilisation de l’intelligence artificielle. À
l’instar des chaînes hôtelières, les compagnies
aériennes demandent à Victor & Charles de
les aider à mieux connaître leurs clients pour
mieux les servir. ■
© profit_image
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 69
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
2 • FLUIDIFIER L’EXPÉRIENCE DE VOYAGE

“JOHN PAUL
VA RÉVOLUTIONNER
LE MARCHÉ DU
VOYAGE SUR MESURE”

John Paul a révolutionné le marché mondial de la concier-

MAYA SALA gerie en l’appréhendant en BtoBtoC et en construisant une

Communication Manager, offre de service s’appuyant sur du personnel qualifié et une

France
John Paul technologie puissante qui permet, notamment, le profilage

< maya.sala@johnpaul.com > du client. Son service de conciergerie traite tout type de

demandes, partout dans le monde. Désormais intégré au

sein du groupe Accorhotels, John Paul s’attaque au mar-

ché du voyage, qu’il entend bien révolutionner lui aussi.

l y a une dizaine d’années, John Paul a (dans le cadre de leur stratégie de gestion des

I révolutionné le marché de la concier-

gerie en créant la première offre en
BtoBtoC. La société propose à de
grandes entreprises une solution unique
et globale permettant à ses dernières d’offrir
un service de conciergerie à leurs clients (dans
le cadre de leur stratégie de fidélisation et de
ressources humaines). L’offre de services est
construite sur mesure selon les enjeux propres
à chaque entreprise.
CONCIERGE “AUGMENTÉ”. John Paul réinvente
le métier de concierge de palace et crée le
concierge “augmenté” – le concierge de la plus
grande tradition, augmenté des moyens nés de
gestion de la relation client) ou à leurs salariés la révolution numérique. Chacune des cinq

70 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

qualités immuables de la profession (la
mémoire, l’intuition, l’engagement, le réseau
et la discrétion) est renforcée grâce aux nou-
velles technologies :
– les outils de connaissance client boostent
considérablement la mémoire du concierge ;
– l’intuition est quant à elle aiguisée grâce aux
algorithmes prédictifs utilisés pour anticiper
les besoins des clients ;
– l’engagement est permanent, avec notam-
ment des plates-formes ouvertes vingt-quatre
heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept ;
– le réseau du concierge traditionnel est aug-
menté par la richesse considérable de notre
carnet d’adresses numériques, alimenté par les
1 000 employés du groupe ayant chacun leurs
propres connaissances personnelles ;
– enfin, la discrétion est totale. Nous respec-
tons les standards les plus exigeants en termes
de sécurité des données et disposons des cer-
tifications internationales liées à la confi-
dentialité.
Ces dernières années, les entreprises ont pris
conscience qu’il fallait replacer le client au
cœur des dispositifs. Philippe Bloch, cofonda-
teur de Colombus Café et auteur de Service
compris 2.0 nous rappelle qu’il coûte cinq fois
plus cher de conquérir de nouveaux clients que
de les conserver. Un nouveau métier est
d’ailleurs apparu dans l’organisation marke-
ting des entreprises : le directeur de la relation
client. La gestion de la relation avec le client
est d’autant plus importante que les modes
d’usage et de consommation ont évolué : les
clients sont devenus plus volatils et ils ont de
nouvelles exigences en matière de service (accès
multicanal, notamment) et de reconnaissance.
Le pari de John Paul est d’industrialiser un
métier artisanal en mariant l’humain et la tech-
nologie afin de délivrer l’excellence au quoti-
dien. Un millier de concierges issus des palaces
les plus prestigieux au monde ont été recrutés
pour satisfaire les désirs d’une clientèle exi-
geante dont ils connaissent mieux que per-
sonne les goûts et les besoins tandis que des
investissements ont été faits dans la technolo-
gie et l’innovation.
MAYA SALA
EXCELLENCE DU SERVICE. Notre service de
conciergerie, disponible partout dans le monde,
traite tout type de demandes, des plus simples
aux plus insolites. Véritables facilitateurs de
vie, nos concierges privés accompagnent nos
“membres” (les bénéficiaires du service) au
quotidien pour répondre à tous leurs besoins
et envies.
Afin de garantir l’excellence du service,
chaque concierge doit respecter les engage-
ments qualité de la marque et les procédures –
SLA (service level agreement) de John Paul.
Que ce soit via des audits ou des indicateurs
de mesure, notre équipe qualité assure un
contrôle continu pour vérifier l’efficacité des
procédures et atteindre les résultats planifiés.
John Paul se constitue un carnet d’adresses
mondial en sélectionnant les meilleures adresses
et établissements à travers le monde selon un
processus de recrutement et des critères rigou-
reux. Notre réseau de plus de 50 000 parte-
naires (internationaux et locaux) s’est construit
autour de prestataires de confiance, capables
d’apporter la meilleure réponse à nos membres,
en leur garantissant réactivité et qualité de ser-
vice.
La fonction de conciergerie de John Paul est
construite sur trois piliers : la passion, l’excel-
lence et l’innovation. Notre métier est un métier
de passion parce qu’il place le client au centre
des préoccupations. Servir avec excellence n’est
pas une simple promesse marketing, c’est une
vocation et notre obsession depuis le premier
jour. Pour délivrer chaque jour la meilleure
expérience, nous personnalisons chaque point
de contact avec soin et souci du détail, que ce
soit avec nos clients, nos partenaires ou nos
collaborateurs. Nous ne cessons d’innover, de
réinventer le service de demain, et investissons
dans les nouvelles technologies pour aller tou-
jours plus loin dans l’expérience client. Nos
équipes restent à l’affût des nouveaux usages
pour envisager le futur, anticiper les problé-
matiques et atteindre des objectifs audacieux.
PROFILAGE DES CLIENTS. La “data client” est
le bien le plus précieux d’une marque. John
Paul aide les entreprises à construire cette
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 71
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
2 • FLUIDIFIER L’EXPÉRIENCE DE VOYAGE
connaissance et à l’exploiter pour mieux enga-
ger les clients et leur apporter une réponse per-
sonnalisée à chaque point de contact, entrant
ou sortant.
Fonctionnant en langage naturel, notre outil
de CRM (customer relationship management
– gestion de la relation client) s’enrichit de
chaque interaction avec les membres à travers
tous les supports de communication à l’oral
ou à l’écrit… Étant l’interface centrale des inter-
actions entrantes et sortantes avec les clients,
de la gestion de campagnes marketing multi-
canal et de l’analyse des performances du pro-
gramme de privilèges, John Paul analyse le
comportement des membres en temps réel :
utilisation du service, centres d’intérêt et réac-
tion aux offres qui sont poussées vers lui. John
Paul dispose ainsi d’un profil du membre, très
précis et évolutif, ce qui permet au concierge de
répondre parfaitement à ses attentes.
Créée pour répondre aux exigences d’un
métier sur mesure (la conciergerie privée), notre
plate-forme CRM recueille, intègre et centra-
lise toutes les informations des membres en
temps réel. Grâce à son expertise en profilage
comportemental et affinitaire, notre logiciel
de CRM permet de connaître, reconnaître et
servir les clients comme les marques ne l’ont
jamais fait.
Agence numérique intégrée, John Paul per-
met aux entreprises de se positionner comme
des acteurs innovants du numérique. Les appli-
cations mobiles et web, développées à l’image
de la marque de nos clients, intègrent des tech-
nologies de pointe, agrègent des services
uniques et deviennent l’interface centrale des
interactions entrantes et sortantes avec leurs
propres clients.
MEILLEURS TALENTS. John Paul s’est déve-
loppé en s’appuyant sur des femmes et des
hommes de talent. L’entreprise favorise chez
ses collaborateurs le partage de la passion du
client en organisant des ateliers autour du ser-
vice, afin de diffuser une vraie culture de la
relation client. Travailler chez John Paul, c’est
avant tout adhérer à une culture d’entreprise.
Celle-ci encourage l’initiative personnelle, l’es-
72 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
prit d’entreprise et la créativité tout en favo-
risant l’échange et le partage d’expériences à
tous les niveaux. L’entreprise s’est fixé trois
axes pour attirer et retenir les meilleurs talents :
– un style participatif de gestion qui permet à
chacun de s’exprimer et de prendre part à la
construction de l’entreprise ;
– une diversité des compétences, des expé-
riences et des milieux, qui est source de valeur
et de croissance ;
– une préoccupation pour le développement
personnel de chaque employé, ce qui entraîne
des possibilités de carrière pour tous.
La politique des ressources humaines de John
Paul vise la diversité, la communication et le
partage des valeurs. Recrutés pour leur savoir-
faire et leur personnalité, nos concierges sont
formés aux codes du luxe et aux procédures
de John Paul pour garantir la satisfaction des
clients. Nous venons d’ailleurs d’annoncer
notre partenariat avec le Swiss Education
Group (SEG), leader de la formation hôtelière
en Suisse, ce qui nous permet de recruter les
meilleurs talents parmi leurs étudiants. Nous
proposons à ces derniers de nombreuses oppor-
tunités de carrières sur les cinq continents et
dans des centaines de métiers différents allant
des services de conciergerie au marketing, en
passant par les métiers du digital ou encore le
développement commercial. Parallèlement,
John Paul s’implique dans la pédagogie du
SEG. Depuis trois ans, les experts de John Paul
animent un cours intitulé “Concierge
Foundations” à l’IHTTI School of Hotel
Management, l’une des écoles du groupe. Avec
la signature de ce partenariat, John Paul va
désormais s’impliquer davantage, avec notam-
ment la mise en place de conférences pour les
étudiants de l’Hotel Institute Montreux (HIM).
OFFRE COMPLÈTE. Aujourd’hui, John Paul
développe deux grandes lignes d’offre distinctes
répondant à deux grands types d’objectifs de
nos entreprises clientes : objectifs marketing,
d’une part, et objectifs de ressources humaines,
d’autre part. Grâce à une solution unique et
mondiale, nous proposons à nos marques par-
tenaires une solution globale leur permettant

d’accompagner leurs clients ou collaborateurs
partout dans le monde par le biais d’une plate-
forme unique, déployée par des équipes locales.
Notre conviction est que nous pouvons amé-
liorer la vie de millions de clients en leur pro-
posant un service hautement personnalisé et
d’excellence.
Marketing. Nous accompagnons les marques
qui souhaitent fidéliser leurs meilleurs clients
dans la gestion de leur relation client, de la
conception à l’implémentation de programmes
affinitaires personnalisés.
Ressources humaines (RH). Pour les entre-
prises qui souhaitent fidéliser leurs collabora-
teurs tout en développant leur marque
employeur, nous construisons des programmes
relationnels innovants. Nous leur proposons
une conciergerie sur site, un service en multi-
canal et une animation personnalisée adaptée
aux stratégies RH. L’attractivité de l’entreprise
auprès des meilleurs talents progresse, et les
cadres supérieurs ne quittent pas un groupe
où ils sont choyés comme nulle part ailleurs.
Au cours des dernières années, John Paul a
connu un très fort développement avec des
partenaires de différents secteurs d’activité.
Notre sentiment est que nous arrivons à un
tournant de notre histoire et que nous avons
besoin du soutien d’un puissant leader pour
opérer un nouveau changement de dimension.
Nous avons donc rejoint l’industrie du voyage
avec le support d’Accorhotels : l’union de nos
forces – le numéro un mondial des services de
conciergerie, d’une part, et un groupe comp-
tant plus de 4 000 hôtels et 3 000 restaurants
dans le monde, d’autre part – est l’occasion de
changer la donne du secteur du voyage. Notre
ambition en effet est d’enrichir, de réinventer,
d’anticiper et de créer ensemble le voyage de
demain.
VOYAGE SUR MESURE. Nous souhaitons révo-
lutionner le voyage en proposant à chaque
client un parcours global, sur mesure. L’objectif
est d’être présent à chaque point de contact
du voyage : avant, pendant et après. Ainsi les
clients des hôtels du groupe ont accès aux ser-
vices personnalisés de la conciergerie tout au
MAYA SALA
long de leur voyage. Par exemple, si un client
d’un hôtel du groupe le souhaite, nous pou-
vons nous charger d’organiser les activités de
son séjour et de le faire bénéficier ainsi des pri-
vilèges de nos partenaires. Les services devien-
nent une partie intégrante du voyage, trans-
formant une simple réservation de chambre
d’hôtel en une expérience complète et unique.
C’est en nous appuyant sur notre cœur de
métier, la connaissance du client, que nous
enrichissons l’expérience du voyageur. En iden-
tifiant son mode de vie ou encore son profil,
nous pouvons dépasser ses attentes, anticiper
ses désirs et le surprendre. Nous cherchons à
aller au-delà du produit ou du service, nous
souhaitons créer une expérience forte.
Dans un contexte où les voyageurs souhai-
tent de plus en plus de prestations sur mesure
et une assistance à chaque étape du voyage,
nous avons noué un partenariat stratégique
avec Allianz Wordwide Partners pour créer
une offre unique sur le marché. Les clients
d’Allianz Worldwide Partners bénéficieront
ainsi d’un éventail très large de services de
conciergerie et de fidélisation tandis que les
clients de John Paul profiteront de services
complémentaires d’assistance et d'assurance.
Nos deux entreprises sont déjà solidement
implantées sur le marché mondial, nous avons
pour objectif d’accélérer notre croissance grâce
à cette alliance associant des services spéci-
fiques d’accompagnement et des services d’as-
surance et d’assistance voyage. Par exemple,
les membres de John Paul auront accès à une
assurance voyage pendant que le concierge
organise leurs vacances, et ce via un seul point
de contact.
■ ■
Notre avancée technologique en matière de
systèmes d’information nous permet de faire
évoluer notre cœur de métier, la conciergerie
privée, vers de nouveaux horizons. Grâce à la
conjugaison de l’humain et de la technologie,
grâce également à des alliances stratégiques
avec des entreprises mondiales, John Paul
devrait devenir rapidement un acteur majeur
du voyage sur mesure ■
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 73
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
2 • FLUIDIFIER L’EXPÉRIENCE DE VOYAGE

DU PALACE AU
SMARTPHONE…
LE MÉTIER DE CONCIERGE
EST EN PLEINE MUTATION

Le métier de concierge a longtemps été un métier exercé

JULIEN BRUNEL par passion dans le monde feutré des palaces. Aujourd’hui,

Head of Global les conciergeries privées comptent plus d’agents qu’il n’existe
Concierge Services
AXA Partners de concierges d’hôtel tandis que l’intelligence artificielle bou-
<julien.brunel@
axa-assistance.com> leverse l’organisation du métier. Les services des concier-

geries privées seront bientôt accessibles à tous, via les

smartphones et autres objets connectés… Témoignage d’un

ancien concierge de palace, devenu directeur du réseau de

conciergerie d’AXA Assistance.

a conciergerie a bien évolué depuis hôtels et les palaces, en passant par les

L le Moyen Âge, même s’il est tou-

jours question d’attention envers
l’autre. Le concierge a été le portier
chargé de l’accueil des cavaliers
dans les relais postaux ; sa fonction s’est
ensuite déclinée dans les auberges, les grands
immeubles. Aujourd’hui, avec les avancées
des nouvelles technologies et le nouveau mas-
todonte de l’hébergement mondial qu’est
devenu Airbnb, nous sommes à l’aube d’une
nouvelle ère du service, avec de forts impacts
sur les métiers de la conciergerie.

74 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

ÉTYMOLOGIE. Concernant l’étymologie du
mot “concierge”, deux versions complé-
mentaires sont avancées. Pour la première,
retenue par l’Union internationale des
concierges d’hôtels (dite Les Clefs d’Or),
“concierge” viendrait du mot latin conver-
sus qui signifie “compagnon de service”. En
1195, on l’orthographiait “cumcerge”. On
retrouve cette appellation du temps d’Hugues
Capet. La deuxième version est donnée par
Paul Belaiche-Daninos dans son ouvrage Les
Soixante-Seize Jours de Marie-Antoinette à
la Conciergerie (Actes Sud, 2006). Il nous y
explique que le concierge était nommé par le
roi “comte des cierges”. En effet, à cette
époque, Paris était enclos dans un mur d’en-
ceinte percé de dix-huit portes, dont certaines
sont encore visibles, comme les portes Saint-
Denis et Saint-Martin. Le concierge, en plus
d’être chargé de la prison, était chargé de
récupérer les clefs de toutes les portes tous
les soirs ; en même temps, il remettait aux
portiers les cierges nécessaires pour éclairer
leurs portes. L’appellation Ville Lumière vien-
drait également de cette tradition. Grâce à
ces visites quotidiennes, le concierge se tenait
informé de la vie de chaque quartier de la
ville.
La professionnalisation du métier de
concierge d’hôtel a bien évolué. C’est en 1908
que les portiers s’unissent et s’organisent en
associations locales. En 1919, au lendemain
de la Première Guerre mondiale, les associa-
tions locales commencent à se regrouper en
une union nationale. Mais ce n’est qu’en
1929 que l’association des Clefs d’Or est
créée, et seulement en 1952 que les premiers
pays se réunissent pour créer l’Union euro-
péenne des portiers des grands hôtels qui
deviendra l’Union internationale des
concierges d’hôtels. Elle regroupe environ
8 000 concierges Clefs d’Or à travers le
monde.
DESTINÉE. Je me permets ici de faire une
pause afin de vous parler un peu de mon par-
cours. L’on peut réellement parler de desti-
née. Dès mon plus jeune âge, j’ai eu la chance
JULIEN BRUNEL
de fréquenter le milieu des palaces, non pas
en tant que client, mais grâce à ma famille.
Mon grand-père, Jean Galop, était un proche
de Claude Terrail, le célèbre propriétaire de
la Tour d’Argent. Il me racontait les anec-
dotes que lui avaient rapportées son ami, les
dîners royaux, les retrouvailles des grands de
ce monde autour d’un canard au sang, ce qui
faisait rêver l’enfant que j’étais. À quatre ans,
je me voyais chef de cuisine.
Tout devint clair pour moi lorsque, vers
l’âge de treize ans, je passais du temps pen-
dant mes vacances avec mon oncle Éric
Brunel, qui travaillait alors dans la joaillerie
Bulgari, établie dans le très célèbre Plaza
Athénée, avenue Montaigne. C’est là que j’ai
été impressionné par la prestance et le savoir
des hommes aux clefs d’or. Depuis lors, je
n’ai eu de cesse de rejoindre cette vénérable
profession. Une fois mon BTS en mercatique
et gestion hôtelière en poche, je me suis natu-
rellement dirigé vers le monde feutré des
palaces. C’est lors d’un stage aux Fermes de
Marie, à Megève, lors de ma deuxième année
de BTS, que j’ai réellement découvert le
monde de la conciergerie en tant que portier,
bagagiste, voiturier et assistant concierge. J’y
ai découvert ce que voulait dire le mot “ser-
vice”. J’ai eu la chance de fréquenter mes pre-
miers clients importants.
PREUVES. Mais le monde de la concierge-
rie ne se pénètre pas si facilement. Après un
passage à l’hôtel Saint James Albany, rue de
Rivoli, puis à l’hôtel de Crillon, place de la
Concorde, j’ai rejoint l’équipe d’ouverture
du Four Seasons Hotel George V en tant que
réceptionniste, puis caissier. C’est à ce
moment-là qu’on m’a donné l’occasion d’en-
trer dans le monde de la conciergerie. J’ai dû
y faire mes preuves, apprendre les exigences
des clients réguliers, des célébrités. J’ai dû
acquérir des connaissances sur Paris, mais
pas seulement, car le client d’un palace voyage
énormément et s’attend à ce que vous
connaissiez tout sur tout, en France et dans le
monde. L’une des grandes forces des
concierges Clefs d’Or est de pouvoir mobi-
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 75
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
2 • FLUIDIFIER L’EXPÉRIENCE DE VOYAGE
liser des relais dans les autres palaces du
monde pour ouvrir toutes les portes (sur ce
sujet, je vous invite à voir le film The Grand
Budapest Hotel).
En 2006, j’ai participé au trophée Pierre-
Quentin, qui élit le meilleur jeune concierge
Clefs d’Or de France (soit l’équivalent, dans
la profession, du concours du Meilleur
Ouvrier de France). J’ai rejoint, quelques
années plus tard, la direction des Clefs d’Or
France en tant de trésorier national. Après
douze ans au George V, j’ai été nommé chef
concierge du Mandarin Oriental Paris, qui
allait ouvrir rue Saint-Honoré.
J’y suis resté trois ans, avant d’être recruté
par AXA Assistance en tant que responsable
international de leur réseau. Aujourd’hui, je
suis chargé de l’offre et du réseau de la
conciergerie au sein d’AXA Partners. Un tra-
vail passionnant mais… en quittant l’hôtel-
lerie, j’ai dû laisser le monde que j’aimais tant :
celui des Clefs d’Or.
CONCIERGERIES PRIVÉES. Pour les Clefs d’Or,
le titre de concierge ne devrait être utilisé que
dans un hôtel. Malheureusement le mot
“concierge” est complètement galvaudé depuis
des années ; employé tout d’abord pour dési-
gner les gardiens d’immeuble, il est désormais
utilisé par quiconque apporte des services aux
personnes, voire aux animaux – on trouve
effectivement des concierges pour animaux !
Les conciergeries privées (sociétés d’assistance
personnelle) comptent à ce jour plus d’agents
de conciergerie qu’il n’existe de concierges
d’hôtel. Certes, le service n’est pas le même, les
concierges d’hôtels sont des experts, mais l’on
voit bien qu’il y a une vulgarisation du ser-
vice. Toute personne ayant une carte de cré-
dit haut de gamme se voit proposer “un ser-
vice de conciergerie”. Avec les nouvelles
technologies qui émergent, tels Alexa
d’Amazon ou Google Home, tout le monde
aura bientôt son “concierge” à la maison.
Pour ma part, j’utiliserais plutôt dans ce cas
l’appellation “assistant personnel”.
Comme nous le savons, le tourisme mon-
dial se porte pour le mieux. L’OMT
76 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
(Organisation mondiale du tourisme) annonce
1,8 milliard d’arrivées de touristes interna-
tionaux d’ici à 2030. Le marché asiatique,
notamment chinois, est en croissance rapide
– sans oublier l’Inde, dont les ressortissants
commencent seulement à voyager. À Paris, le
nombre de palaces ne cesse de croître depuis
une quinzaine d’années : les établissements
anciens ont lancé de grands plans de rénova-
tion (Ritz, Hôtel de Crillon, George V, Plaza
Athénée) ; le groupe Peninsula a ouvert en
2015 un établissement avenue Kleber ; un
nouveau palace, Le Cheval Blanc (groupe
LVMH), ouvrira ses portes en 2018 dans l’an-
cienne Samaritaine… Dans le même temps,
jamais Paris n’a reçu autant de touristes qui ne
séjournent pas dans un hôtel, Paris étant
d’ailleurs la première destination mondiale
pour Airbnb. Dans le 4e arrondissement de
Paris, il y aurait plus de touristes hébergés
dans des appartements commercialisés via
Airbnb que d’habitants !
Avec la technologie, le service se transforme,
l’accès aux données n’a jamais été aussi
simple. Toutes les adresses un peu secrètes
sont disponibles sur des blogs spécialisés ou
sur des pages web touristiques. Dorénavant,
la plupart des réservations peuvent se faire en
ligne. Des applications permettent à tout un
chacun de s’orienter, de parler une langue
inconnue. Il est bien loin le temps des carnets
d’adresses secrètes des concierges.
PUISSANT RÉSEAU DE PRESTATAIRES. Dans
le même temps, les conciergeries privées rat-
tachées à des cartes de crédit ne cessent de se
développer : AXA Assistance est présent dans
le monde via neuf centres opérationnels ;
American Express a sa propre conciergerie et
agence de voyages. Le groupe Accor a racheté
la conciergerie privée John Paul, qui possède
sa propre agence de billetterie. Toutes ces
conciergeries développent un puissant réseau
de prestataires proposant des offres de plus
en plus intéressantes avec lesquelles les
concierges d’hôtels ne peuvent rivaliser…
N’oublions pas non plus que les “mille-
nials” arrivent sur le marché touristique, ces
 JULIEN BRUNEL

jeunes qui ne peuvent se séparer de leur smart- tous les objets connectés. Elle va devenir l’as-
phone, de leur tablette ou de leur ordinateur. sistant personnel de tout un chacun. Grâce à
Ils ne voyagent pas comme leurs parents : ils la combinaison de la technologie et du déve-
sont à la recherche d’une expérience, d’une loppement des smartphones, de la domotique
découverte ; la visite traditionnelle d’une ville et des agrégateurs globaux, il est donc tout à
ou d’un pays les intéresse peu. Airbnb l’a bien fait possible aujourd’hui de pouvoir répondre
compris en proposant dorénavant des offres aux attentes des utilisateurs. De plus, cette
d’expériences. Tout comme les plates-formes solution est très rentable car elle peut être
collaboratives, telle Meetrip (qui a acheté en déployée sur un marché de masse. L’assistant
septembre 2016 Cariboo et Guide Like You), personnel va donner accès à un centralisateur
qui marchent sur les plates-bandes des de prestataires capable d’automatiser les réser-
concierges traditionnels en proposant, au vations.
choix, des visites guides par des guides-confé- Pour conclure, les services de conciergerie
renciers ou par des habitants. Lorsqu’Uber sont en pleine révolution. Si les grands hôtels
est apparu sur le marché, personne ne croyait auront encore pendant longtemps des
à son concept ; depuis, toutes les compagnies concierges, il est clair que tout le monde aura
de limousines traditionnelles ont dû revoir aussi très prochainement un assistant per-
drastiquement leur modèle économique et sonnel dans sa poche. ■
leurs tarifs. La restauration également est en
train de changer : aujourd’hui vous pouvez
déguster des plats de chef livrés chez vous ;
vous pouvez aller manger chez l’habitant et
réserver presque n’importe quelle table en
ligne. Quoi qu’on en pense, chacun devient
un critique gastronomique et peut laisser ses
commentaires sur le web. Un autre indica-
teur : plus besoin de faire la queue pour visi-
ter certains monuments, des applications
gèrent vos numéros d’attente et vous pré-
viennent quand c’est à votre tour d’entrer.
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. Que recherche le
client ? De la simplicité, de la rapidité et de
l’efficacité. Il veut être compris dans sa langue,
demander n’importe quoi, n’importe quand
© kyrien

et n’importe où dans le monde. Il veut aussi

qu’on connaisse ses habitudes et ses préfé-
rences.
Aujourd’hui il nous est possible de répondre
à tous ses désirs d’autant que, avec l’intelli-
gence artificielle, nous passons un nouveau
cap. Maintenant, la machine comprend et
apprend, elle est capable en outre de répondre
aux demandes, de connaître les envies, les
goûts, les préférences des utilisateurs. Elle va
pouvoir anticiper les attentes, et donc révo-
lutionner notre manière de consommer. Elle
sera déployée partout très rapidement, sur

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 77
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
2 • FLUIDIFIER L’EXPÉRIENCE DE VOYAGE

WIIDII
MET UN CONCIERGE
DANS VOTRE POCHE

Wiidii est un assistant personnel, sous forme d’application à

CLOTHILDE PATIN télécharger dans son smartphone, qui combine intelligence

Chargée de artificielle et savoir-faire humain, avec de véritables

communication
Wiidii concierges personnels. Wiidii propose sa solution d’assis-

<clothilde.patin@wiidii.com > tance personnelle aux clients des grands groupes (tests

avec Voyages-sncf, Air France-KLM…) et aux touristes des

métropoles du monde entier (dont ceux en séjour à Bordeaux,

via un partenariat avec l’office de tourisme).

réé en juin 2014 à Bordeaux, La solution Wiidii combine intelligence arti-

C Wiidii est un assistant personnel

hybride sous forme d’application.
Passionné par les nouvelles tech-
nologies, Cédric Dumas, alors res-
ponsable d’un service de conciergerie haut de
gamme, décide de démocratiser l’assistance per-
sonnelle et de la rendre accessible à tous. Il fait
le tour des centres de recherche pendant un an
et constitue l’équipe technique de Wiidii. Son
projet : créer un compagnon qui facilite la vie de
ses clients n’importe où, n’importe quand.
ficielle et savoir-faire humain, avec de véritables
concierges personnels. Wiidii peut ainsi répondre
à des demandes massives et simultanées tout
en apportant personnalisation et qualité de ser-
vice. Les concierges humains vérifient les infor-
mations et adaptent les réponses en fonction
des goûts, du budget ou des habitudes des
clients. Plus l’utilisateur parle à Wiidii, plus
celui-ci apprend à le connaître pour lui appor-
ter des réponses pertinentes et personnalisées.
Wiidii dialogue également avec ses utilisateurs.

78 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

Ce nouveau compagnon de poche conseille
à ses utilisateurs des lieux à visiter, effectue
leurs réservations (hôtel, restaurant, billets de
train ou d’avion, taxi, places pour un spec-
tacle…), prend leurs rendez-vous (il appelle
leur médecin, dentiste ou collègue… et les
ajoute à leur agenda), leur trouve le meilleur
tarif, leur cherche un horaire, un prestataire,
une information… Avec Wiidii, chacun peut
gagner un temps précieux lors de ses déplace-
ments et dans sa vie quotidienne. La solution
est disponible en français, en anglais et en chi-
nois ; elle est accessible vingt-qautre heures sur
vingt-qautre, sept jours sur sept. L’équipe, basée
à Bordeaux, est actuellement composée d’une
quinzaine de personnes, dont 8 concierges
humains prêts à répondre à toutes les demandes
des utilisateurs.
La start-up bordelaise propose sa solution
d’assistance personnelle aux clients des grands
groupes et aux touristes des métropoles du
monde entier. Elle s’adresse à de nombreux
secteurs : tourisme (compagnies aériennes ou
ferroviaires, offices de tourisme, chaînes hôte-
lières, aéroports, agences de voyage…),
banques, assurances, mutuelles, opérateurs de
téléphonie mobile, constructeurs automobiles,
services au client (désengorgement des plateaux
d’assistance) et autres grands groupes souhai-
tant travailler la fidélisation client. Le marché
potentiel représente donc des centaines de mil-
lions de personnes à travers le monde.
PILOTES. Wiidii a déjà réalisé de nombreux
pilotes avec de grands comptes. Durant l’été
2016, près de 40 000 clients de Voyages-sncf
ont pu tester Wiidii. D’octobre 2016 à janvier
2017, la société bordelaise a assisté plusieurs
milliers de clients d’Hertz Europe dans leurs
déplacements et leur vie quotidienne. Fin 2016,
c’était au tour d’Air France-KLM et de ses cen-
taines de voyageurs Premium et d’EDF
Entreprises et de ses 800 clients anglophones de
tester l’assistant personnel hybride.
L’office de tourisme et des congrès de
Bordeaux Métropole propose Wiidii via le
Citypass de la ville. Fin 2016, il a décidé de
lancer une application en marque blanche pour
CLOTHILDE PATIN
la destination, sous le nom “Assistant
Bordeaux”. L’Assistant Bordeaux permet aux
touristes de poser n’importe quelle question
pendant leur séjour et d’obtenir une réponse
en un instant. Une façon différente de décou-
vrir cette belle région ! Ce compagnon de visite
est disponible sous forme d’abonnement heb-
domadaire (5 euros), mensuel (15 euros) ou
annuel (150 euros). Wiidii est en discussion
avec d’autres villes françaises et étrangères pour
proposer son assistant personnel aux touristes.
MY ZODIAC CONCIERGE. En décembre 2016,
la start-up a lancé My Zodiac Concierge avec
le groupe Zodiac Nautic, leader mondial de la
production et de la distribution de bateaux
souples et semi-rigides. Il s’agit de la première
conciergerie destinée aux plaisanciers et adeptes
d’activités nautiques. Pour un plaisancier, la
possibilité de se concentrer sur la navigation
pendant qu’une conciergerie nautique se charge
des à-côtés est une proposition de valeur ines-
timable, et cette proximité engendre une
confiance et une fidélité à la marque sans pré-
cédent dans cette industrie. Les plaisanciers
n’ont plus qu’à faire leurs demandes sur leur
smartphone, My Zodiac Concierge s’occupe
de tout : réservation de prestations (répara-
tion, mise à l’eau, hivernage), informations sur
la météo et les marées, assistance aux
démarches administratives, etc.
Courant 2017, Wiidii lancera une nouvelle
application en marque blanche avec Transavia,
compagnie du groupe Air France-KLM. Les
clients bénéficieront du service d’un assistant
innovant qui va simplifier leur voyage.
Outre les clients de grands groupes, Wiidii
assiste les participants d’événements dans toute
la France, comme cela a été le cas pour les 11es
et 12es Rencontres nationales du e-tourisme
institutionnel à Pau, pour le Talent Day 2016
à Lyon, ou encore pour Totec 2016 à Paris.
Une levée de fonds de 5 à 7 millions d’euros
est prévue fin 2017-début 2018 afin d’accélérer
les développements techniques et commerciaux
au niveau international, avec l’ouverture notam-
ment de bureaux à Singapour et Montréal.
L’aventure Wiidii ne fait que commencer ! ■
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 79
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
2 • FLUIDIFIER L’EXPÉRIENCE DE VOYAGE

ONSPOT
DU RÉCEPTIF À
LA CONCIERGERIE
DE VOYAGE

Créée par une agence réceptive, la conciergerie de voyage

Interview de Onspot® propose ses services aux États-Unis, au Canada

BENOÎT CERCEAU et aux Bahamas. Outre des services d’assistance au voyage

Fondateur et directeur (résolution d’impondérables concernant le voyage pro-

général de Onspot
< benoit@onspot.travel > grammé…), l’agence fournit une assistance locale (aide

médicale, assistance juridique, conseils…) par téléphone

et par e-mail. Après avoir investi dans la technologie, Onspot

veut étendre sa zone d’influence géographique.

COMMENT EN ÊTES-VOUS VENU trois ans chez Voyageurs du Monde à Paris.

À LANCER AUX ÉTATS-UNIS EN
2008 ONSPOT, SERVICE DE
CONCIERGERIE BTOB CIBLANT
LES AGENCES ET TOUR-OPÉRA-
TEURS ?
Je suis installé depuis plus de dix ans déjà aux
États-Unis où j’ai créé mon agence réceptive
Califun, à Los Angeles, après une expérience de
Après quelques années en tant qu’agent de
voyages, j’ai remarqué que notre secteur avait
tendance à consacrer davantage d’efforts à la
vente d’un voyage qu’à son suivi. Il y avait une
incohérence entre l’énergie dépensée à l’éla-
boration d’un voyage (le travail amont en pro-
duction, marketing, commercial…) et la fai-
blesse des moyens humains consacrés à fournir

80 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

au client l’attention qu’il mérite lorsqu’il en a
le plus besoin, c’est-à-dire une fois qu’il est sur
place, pendant son voyage.
Dans le contexte actuel de forte concurrence
entre les voyagistes, assurer une qualité de ser-
vice équivalente avant, pendant et après le
voyage, avec une vraie personnalisation, me
paraissait indispensable pour qu’ils puissent
démarquer leur offre de celle de leurs concur-
rents, mais aussi pour qu’ils fidélisent mieux
les clients. J’ai donc créé, en 2008, un service
d’assistance locale et de conciergerie person-
nelle qui s’adresse dans sa langue au voyageur,
avec un expert de la destination qui est à son
service et peut répondre à toutes ses questions
en temps réel. Lorsque le voyageur découvre
une destination qu’il ne connaît pas, les aspects
émotionnels sont exacerbés du fait de la dis-
tance, de la peur de l’inconnu, de la mécon-
naissance des spécificités culturelles ou de la
non-maîtrise de la langue.
Onspot®, qui signifie “sur place”, couvre les
besoins spécifiques du voyageur arrivé à des-
tination. C’est une technologie de concierge-
rie et d’assistant personnel adaptée à l’industrie
du tourisme : ses services sont exclusivement
consacrés aux voyageurs, ce qui la distingue
des assistants personnels pour les services du
quotidien.
DÉCRIVEZ-NOUS
CONCRÈTEMENT LE
FONCTIONNEMENT DE ONSPOT,
TANT POUR L’AGENCE QUI EST
VOTRE CLIENT QUE POUR LE
VOYAGEUR QUI L’UTILISE ?
Le service Onspot est proposé en marque
blanche sous la forme d’un forfait annuel. Il
est commercialisé auprès des professionnels
du voyage, dans une logique BtoBtoC (busi-
ness to business to consumer). Nous travaillons
avec une trentaine d’importants tour-opéra-
teurs francophones, qui eux-mêmes travaillent
avec environ 200 agences de voyages qui font
bénéficier leurs clients du service. Onspot est
proposé dans trois destinations (États-Unis,
Canada et Bahamas).
BENOÎT CERCEAU
Les voyageurs disposent d’une carte d’assis-
tance-conciergerie personnalisée aux couleurs
de l’agence, insérée dans leur carnet de voyage
avant leur départ. Cette carte comporte un
numéro de téléphone gratuit, propre à chaque
agence, ainsi qu’un numéro de client unique,
permettant un accueil personnalisé à chaque
sollicitation. Pour tous problèmes ou besoins,
des experts Onspot se tiennent à la disposition
des voyageurs par téléphone et par e-mail, sept
jours sur sept, 365 jours par an, sans restriction
du nombre d’appels ni de requêtes.
Chaque carte est enregistrée par l’agence dans
la plate-forme professionnelle au moins
soixante-douze heures avant l’arrivée du client
sur le territoire. Ainsi Onspot, contrairement
aux services proposés par Europe Assistance
ou American Express, par exemple, dispose
d’emblée de toutes les informations liées au
voyage (dates, vols, transferts, réservation hôte-
lière, composition du groupe…). L’activation
du service est ensuite réalisée en ligne par le
voyageur, avec la création d’un profil voya-
geur dans lequel il entre des informations per-
sonnelles (centres d’intérêt, niveau d’anglais,
handicap éventuel, attentes particulières). Une
fois que le client est arrivé à destination,
Onspot prend le relais pour assurer la relation
client à la place de l’agence, en répondant à
toutes situations qui pourraient altérer la qua-
lité de l’expérience vécue par le voyageur. Nous
avons l’habitude de dire que “les agents de
voyage sont là pour vendre du rêve et [que]
nous aidons à faire de ces rêves une réalité
pour chaque voyageur”.
QUI RÉPOND AUX DEMANDES DES
CLIENTS ET QUELLES SONT-
ELLES ?
Nos experts sont des spécialistes locaux, sala-
riés de Onspot, qui connaissent parfaitement
le pays puisqu’ils y vivent. Ils sont entraînés à
traiter tous types d’imprévus et, bien évidem-
ment, ils trouvent des solutions aux problèmes
rencontrés par les voyageurs de façon beau-
coup plus rapide et efficace que ne peut le faire
une agence depuis l’étranger. Les demandes
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 81
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
2 • FLUIDIFIER L’EXPÉRIENCE DE VOYAGE
auxquelles nous répondons sont de toute
nature (cf. encadré), des besoins les plus clas-
siques aux plus farfelus. Dans tous les cas, nos
experts sont là pour permettre au voyageur de
profiter pleinement de son séjour. Parce que
nous savons qu’une information n’est valable
que si elle est vérifiée, nous investissons beau-
coup dans la formation de nos experts et dans
des voyages de “familiarisation”. Nos agents
sont continuellement informés des nouveau-
tés sur le terrain.
QUI SUPPORTE LE COÛT DU SER-
VICE ET QUELS SONT LES RÉSUL-
TATS EN TERMES D’UTILISATION ? pensons que nous pouvons commencer à inté-
Le coût est en général “offert” au client final ;
il est donc supporté par l’agence de voyages.
Pour le forfait standard, le tarif est aux alen-
tours de 100 dollars par dossier, ce qui explique
que nous nous adressions aux voyagistes posi-
tionnés sur le moyen et haut de gamme. Nous
avons aussi des prestations renforcées pour
des clients VIP. Nous prévoyons enfin une
redistribution à l’agence de voyages des com-
missions sur une sélection d’activités réservées
localement par les clients, en fonction du
volume d’achat généré (sans toutefois pousser
aux ventes additionnelles).
Nous observons un taux d’utilisation de nos
cartes de 60 %. En moyenne, nous traitons
300 appels par jour l’été (entre juin et sep-
tembre), soit, pour l’année, entre 45 000 et
50 000 appels.
CERTAINS TOUR-OPÉRATEURS SE
METTENT À CRÉER LEUR PROPRE
SERVICE DE CONCIERGERIE.
QUELS ARGUMENTS AVEZ-VOUS
POUR LES CONVAINCRE DE PAS-
SER PAR ONSPOT ?
Effectivement, un nombre croissant de voya-
gistes se lancent dans la conciergerie. Par
exemple, Voyageurs du Monde, qui était un
de nos premiers clients, a décidé d’exploiter
son service de conciergerie en direct. Il faut
dire que c’est un gros opérateur, qui plus est
positionné sur le voyage sur mesure : le ser-
82 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
vice de conciergerie constitue pour lui un enjeu
majeur en termes de marketing et d’image.
Toutes les agences ne pouvant pas se permettre
ce type d’investissement, il y a une place pour
un service comme le nôtre, avec un produit de
qualité, clé en main.
COMMENT VOYEZ-VOUS VOTRE
DÉVELOPPEMENT À COURT ET
MOYEN TERME ?
Onspot compte aujourd’hui une douzaine de
salariés en saison haute et la moitié environ
en basse saison. Notre croissance s’est faite
sans levée de fonds jusqu’à ce jour, mais nous
resser des investisseurs. En effet, notre force
est d’avoir été précurseurs en créant ce service
il y a déjà neuf ans, sur une niche.
Si nous avons essuyé les plâtres les premières
années, nous disposons aujourd’hui de neuf
années de retours d’expériences utilisateurs
(soit plus de 80 000 cas gérés). Nous sommes
désormais bien positionnés pour développer
de nouveaux partenariats au-delà du marché
francophone, sur des destinations qui corres-
pondent à des besoins (Costa Rica, Océanie,
Thaïlande) et où nous aurons des référents
locaux.
Depuis deux ans, nous avons pris un tournant
technologique en misant sur une équipe de
développeurs recrutés en interne, dont la mis-
sion est d’améliorer sans cesse l’expérience uti-
lisateur sur nos outils. Nous avons mis en place
Onspot Connect, qui est une plate-forme à
triple entrée : celle que nous administrons ;
celle consacrée aux utilisateurs (c’est-à-dire les
tour-opérateurs et les agences) ; celle à laquelle
accède le client final. Nous les enrichissons
sans cesse.
L’interface des tour-opérateurs et agences com-
prend toujours plus de fonctionnalités pour
leur faire gagner du temps (outil glisser/coller
des bons d’échange, extraction automatique
depuis leur base clients, génération de carnets
de voyage, informations sur le profilage).
Chaque intervention de nos experts peut être
suivie grâce à un descriptif clair et transparent
 BENOÎT CERCEAU

de la nature de l’intervention. Un outil de busi-

ness intelligence permet d’évaluer la perfor- Les services de Onspot
mance des fournisseurs et partenaires locaux
des agences, grâce à un système de notations.
La connaissance très fine des experts locaux Assistance au voyage
et leur veille permanente permet aussi à l’agence
de bénéficier d’informations très utiles, comme → Aérien (retards et annulations de vol, perte, détérioration et retard de bagages).
les nouveautés ou changements concernant les
hôtels et les activités sur place (fermeture d’éta- → Locations de véhicule (erreurs de bons d’échange, surclassements injustifiés,
blissements, nouveaux propriétaires, tra-
vaux…). Certaines petites attentions sont ren- facturation d’assurances additionnelles, catégories de véhicule, prolongations
dues possibles, par exemple l’envoi d’un
message d’accueil à l’arrivée des clients sur le de contrat…).
territoire ou la livraison d’un cadeau ou mes-
sage de bienvenue directement dans leur → Réservations d’hôtel (erreurs, annulations, problèmes de bons d’échange,
chambre… La plate-forme permet enfin de
“marquer” un client en fonction de son degré surbooking, check-in tardifs, relogements).
d’importance pour l’agence (VIP, repeater,
influent, etc.) afin qu’il puisse bénéficier d’une → Visites guidées, activités et transferts (modifications et reconfirmations,
attention redoublée.
Quant au voyageur, il a accès à une page per- informations générales, adresses et contacts, mises en relation).
sonnelle avec un tchat en ligne (bientôt via
Facebook Messenger), des suggestions d’acti- → Itinéraires de voyage (modifications d’itinéraires dues à la météo ou à une
vités réservables en ligne que nous étoffons au
fur et à mesure, des notifications et messages catastrophe naturelle, envoi de messages d’information par anticipation, mise en
urgents que l’agence souhaite lui transmettre,
un suivi en temps réel de ses requêtes en attente place de cellules de crise).
de résolution… L’ensemble de ces fonction-
nalités sont également accessibles via une appli- Conciergerie
cation smartphone.
→ Conseils pour ne rien manquer de la destination.
AVEZ-VOUS PENSÉ À PASSER À
UN MODÈLE BTOC, POUR PRO- → Bons plans et offres spéciales, adresses et contacts.
POSER CE SERVICE À CEUX QUI
VOYAGENT SANS PASSER PAR → Réservations d’hôtel.
UNE AGENCE ?
C’est une éventualité que nous n’écartons pas, → Aide médicale, assistance juridique (conseils, numéros d’urgence).
mais il ne faut pas sous-estimer l’importance
des développements nécessaires pour passer → Réservations de restaurants, d’activités et service de billetterie (concerts,
d’un modèle BtoB à un modèle BtoC. Ce n’est
pas du tout le même métier, même si évidem- spectacles, événements sportifs etc.).
ment des synergies peuvent être trouvées. Nous
estimons surtout qu’il y a encore un réel poten- → Services divers (préparation au voyage, service de réveil, rappel de rendez-vous,
tiel de développement sur notre modèle, qui
vise les professionnels du voyage. ■ prise de messages, recherche de baby-sitters, assistance en cas d’objets perdus).

PROPOS RECUEILLIS PAR HERMINE DE SAINT ALBIN → Service de traduction instantanée.

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 83
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
2 • FLUIDIFIER L’EXPÉRIENCE DE VOYAGE

LE VOYAGE DE LUXE
PAR TAPIS ROUGE
L’ESPRIT
DE CONCIERGERIE

Les clients du voyage de luxe recherchent une expérience

CLAUDE BLANC unique, personnalisée. Ils veulent que l’on soit très attentif

Coprésident de à eux, à leur parcours, à leurs attentes, à leurs probléma-

Tapis Rouge
< cb@travel-co.fr > tiques. Tapis Rouge, agence de voyages de luxe, fonctionne

comme un service de conciergerie consacré à la concep-

tion et à la réalisation de voyages d’exception, avec une

disponibilité totale pour ses clients, une grande réactivité

et l’excellence dans le service.

e secteur du voyage de luxe se doit constante de perfection, d’excellence, mais sur-

L de s’adapter en permanence à l’évo-

lution du comportement de la clien-
tèle, d’améliorer sans cesse l’expé-
rience client – aussi bien en ligne,
sur mobile qu’en point de vente physique. Selon
Pierre Bord, directeur général du Negresco :
“L’univers du luxe s’inscrit dans une recherche
tout d’émotion, et la relation en est la clé de
voûte. L’élégance relationnelle est celle du geste
parfait et du mot choisi ; elle se nourrit d’es-
thétique et d’éthique, conjuguant délicatesse et
discrétion…”
Parce que le panier moyen des achats dans
le voyage de luxe est très élevé, les clients affi-

84 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

chent des exigences très grandes vis-à-vis des
prestataires. Ils sont à la recherche de produits
de qualité, bien sûr, mais ils veulent aussi béné-
ficier d’une qualité de service à la hauteur de
l’image des grandes maisons du luxe. Peut-être
encore plus que dans les autres secteurs, les
clients du voyage de luxe recherchent une expé-
rience unique, personnalisée. Ils veulent que
l’on soit très attentifs à eux, à leur parcours, à
leurs attentes, à leurs problématiques. En un
mot, ils recherchent l’enchantement.
Satisfaire nos clients ne suffit pas, nous
devons les enchanter, créer un effet “waouh”,
les surprendre positivement. Comment ? En
dépassant leurs attentes, leurs espérances et
leurs exigences. Pour enchanter nos clients,
nous devons aller au-delà de ce qu’ils attendent
de nous et les faire rêver. C’est dans cet esprit
que nous avons décidé de faire de Tapis
Rouge(1), agence de voyages de luxe, un service
de conciergerie vingt-quatre heures sur vingt-
quatre sept jours sur sept, consacré à la concep-
tion et à la réalisation de voyages d’exception.
VOYAGE SUR MESURE. Nous concevons notre
métier de créateur des plus belles expériences
de voyages à l’image de la conciergerie d’un
grand hôtel : une disponibilité totale pour nos
clients, une réactivité inédite, l’excellence dans
le service. Bref, du sur-mesure à la mesure de
leurs rêves. Pour cela, nos conseillers-concierges,
qui sont à la disposition de nos clients à toute
heure du jour et de la nuit, font en sorte que
chaque client se sente unique. Cela se traduit
par un service ultrapersonnalisé lors de cha-
cune des phases de la conception d’un voyage
sur mesure.
Les conseillers-concierges se doivent d’anti-
ciper les besoins du client et de lui assurer des
prestations haut de gamme au quotidien ; ce
sont des facilitateurs de vie. À ce titre, ils garan-
tissent à leur client :
– un gain de temps, par leur disponibilité, par
leur réactivité à ses demandes. Les conseillers-
concierges doivent également opter pour les
solutions logistiques les plus fluides tout au
long du voyage du client, afin de réduire les
ruptures de charge ainsi que les temps d’attente
CLAUDE BLANC
pour les formalités aux aéroports ;
– un confort maximal. Les conseillers-concierges
veillent systématiquement aux types de véhi-
cules utilisés dans les transferts, à la disposi-
tion des sièges dans les avions, à la nature des
chambres et à leur équipement (jusqu’à la qua-
lité des oreillers proposés) ;
– un juste prix. Une prestation exceptionnelle
ne saurait justifier un prix prohibitif. Le
conseiller-concierge doit faire bénéficier son
client du meilleur prix disponible sur le mar-
ché pour une prestation déterminée à un ins-
tant T.
Le conseiller-concierge de Tapis Rouge se
doit d’être un “enchanteur”. Passionné de ser-
vice, il met tout en œuvre pour que son client
vive des moments inoubliables. Il donne à son
client le sentiment de son importance en lui
offrant l’accès à des lieux exclusifs ou à des
manifestations culturelles rares, en l’accompa-
gnant pour ses achats de cadeaux ou pour la
recherche de l’objet de ses passions.
Ainsi, chez Tapis Rouge, la conciergerie est
d’abord un état d’esprit à l’égard du client,
avant, pendant et après son voyage. Les ser-
vices de conciergerie stricto sensu sont fournis
par un réseau de “travel butlers” implantés
dans une cinquantaine de destinations. Triés
sur le volet, liés par un service level agreement
extrêmement rigoureux, nos “travel butlers”
sont, selon les destinations, salariés de nos pres-
tataires réceptifs ou collaborateurs de sociétés
spécialisées comme UUU, par exemple. Ils sont
disponibles par téléphone sept jours sur sept,
vingt-quatre sur vingt-quatre, pour satisfaire
les demandes de nos clients lors de leur séjour. (1) Tapis Rouge est une
SECRETS D’ENCHANTEMENT. Mais quels sont agence de voyages de luxe,
les secrets de l’enchantement du client ? Noriaki qui fait référence sur le
Kano a établi des modèles de satisfaction du marché français depuis
client fondés sur trois types d’attributs, compte trente-cinq ans. Elle a été
tenu des exigences et besoins vis-à-vis des pro- acquise fin mars 2017 par
duits. le groupe Travel & Co, créé
Attributs de base. Les attributs de base, ou en 2007 par Jacques
prérequis, doivent répondre obligatoirement Judéaux et Claude Blanc,
aux attentes du client. Le consommateur a spécialisé dans la
besoin de ces attributs de base pour s’intéresser production et la distribution
au produit. Si ces attributs de base ne sont pas de voyages sur mesure.
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 85
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
2 • FLUIDIFIER L’EXPÉRIENCE DE VOYAGE
fournis, s’il y a non-accomplissement des
attentes du consommateur, cela entraîne une
insatisfaction du client. Par exemple, pour un
voyage, les attributs de base sont : l’organisa-
tion du transport d’un point A à un point B en
respectant les contraintes de temps et de confort
du client ; la sélection d’un hébergement de
qualité ; la gestion des transferts appropriés.
Attributs unidimensionnels. Les attributs uni-
dimensionnels, complémentaires aux attributs
de base, sont la plupart du temps exprimés par
le client. Plus ces souhaits sont réalisés, plus la
satisfaction sera élevée. Dans le cas du voyage
de luxe, les attributs unidimensionnels concer-
nent la relation de vente positive, le déplace-
ment au domicile du client pour finaliser le pro-
gramme, les conseils en matière d’excursions
et de visites, ainsi que la réduction des délais de
formalités aux aéroports.
Attributs attractifs. Les attributs attractifs, ou
bonus, comprennent les attentes qui ne sont ni
communiquées au client ni attendues par lui.
Lorsque ces attributs sont proposés, ils ont des
conséquences positives sur la satisfaction, avec
un impact très fort. Par exemple, un attribut
attractif dans le cas du voyage sur mesure peut
être une invitation dans un spa réputé, comme
un avant-goût de la destination avant l’envol,
ou encore un surclassement dans une suite,
découvert seulement lors de l’arrivée à l’hôtel !
MOMENT HORS DU COMMUN. Enchanter le
client, c’est le faire rêver, lui faire éprouver un
moment hors du commun, surprenant, diffé-
rent. Les quatre principaux facteurs qui pro-
voquent l’enchantement du client sont les émo-
tions positives, les sensations nouvelles, le
dépassement des attentes, le partage du savoir.
Émotions positives. L’émotion est indispen-
sable au surgissement de l’étincelle magique
qu’est l’enchantement. Chez Tapis Rouge, nous
cherchons à optimiser tous les points de contact
avec nos clients et à générer des émotions posi-
tives par des actions relationnelles pertinentes.
Ces émotions concernent le sourire, l’entrain,
l’humour, la vivacité, et permettent de déve-
lopper un climat favorable autour du client.
Inspirés par la devise de l’Institut de concier-
86 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
gerie international (“Servir sans être servile,
mais servir avec un grand S !”), dont certains
sont issus, les collaborateurs de Tapis Rouge
sont soucieux d’instaurer une relation positive
avec leurs clients, en fonction de leur person-
nalité.
Sensations nouvelles. Elles émergent du mar-
keting sensoriel : l’harmonie d’une musique,
les arômes d’un bouquet, le bruit d’une cas-
cade, la puissance des images constituent les
ingrédients d’une relation chaleureuse. Par
exemple, chez Tapis Rouge, l’ambiance donne
le ton : les cinq sens sont sollicités lorsque l’on
pousse la porte. Tout est minutieusement étu-
dié : les écrans muraux qui présentent nos der-
nières cachettes du bout du monde, les odeurs
apaisantes d’huiles essentielles abondamment
diffusées, la musique agréable invitant les clients
à flâner, et enfin le goût sollicité grâce à une
tisane ou un thé offert à la dégustation.
Dépassement des attentes. Notre objectif est
de dépasser les attentes du client, quelles qu’elles
soient. C’est en étant toujours présents que
nous accompagnons l’imprévu et la sponta-
néité propre à cet art de vivre qu’est le voyage.
Que le client soit proche de chez lui ou à l’autre
bout du monde, nous répondons à cette envie
soudaine et absolue des petits plus qui font que
le voyage est encore plus extraordinaire : l’en-
vie de visiter au dernier-moment, sans réserva-
tion et en privé cette exposition courue à New
York, Tokyo, Londres ou ailleurs ; le souhait
de marquer l’instant par un cadeau hors norme
et le faire livrer directement ; le désir d’assister
à la première déjà complète de telle pièce de
théâtre, ou de dîner à la nouvelle adresse de ce
grand chef dont tout le monde parle ici mais
dont on ignorait l’existence avant d’arriver…
Partage du savoir. Il est nécessaire de parta-
ger le savoir avec ses clients, c’est-à-dire
d’échanger, de communiquer grâce à une
écoute empathique, tout en étant attentifs à
tout ce qu’il a à nous enseigner. Un client
enchanté en parlera à plusieurs personnes. Son
voyage véritablement coorganisé avec l’un des
conseillers-concierges de Tapis Rouge lui lais-
sera une impression inoubliable. ■
Les services de conciergerie

permettent de fluidifier

l’expérience de voyage

© liravega

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 87
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
3 • OUVRIR LES PORTES DE LA DESTINATION

LES TRAVEL ANGELS

DE “VIVRE LE JAPON”
UN SERVICE UNIQUE POUR
DES BESOINS NOUVEAUX

Les touristes d’aujourd’hui voyagent seuls, dorment chez

THIERRY MAINCENT l’habitant et veulent faire des rencontres authentiques…

Directeur Mais il n’est pas si facile de saisir en quelques jours les

Vivre le Japon
< thmaincent@ codes d’un pays aussi complexe que le Japon. Tout comme
vivrelejapon.com >
il peut être compliqué de s’approprier un logement japo-
ALEXANDRE BARBE
nais… C’est pourquoi le voyagiste Vivre le Japon a créé le
Responsable éditorial
Vivre le Japon métier de travel angel. À l’instar d’un concierge, celui-ci
< alexandrebarbe@
vivrelejapon.com > fait le lien entre le visiteur étranger et le Japon ; il lui donne

la clé pour dépasser les barrières linguistique et culturelle.

e concept d’accueil personnalisé des dent travellers – voyages individuels pro-

L voyageurs au Japon, tel que proposé

par le voyagiste Vivre le Japon, est
né en 2006 en réponse à des attentes
nouvelles de la part des voyageurs.
Les formules de voyages dits “organisés”
(groupes encadrés) ou des FIT (free indepen-
grammés) sont beaucoup moins demandés
qu’il y a vingt ans. Les nouveaux voyageurs
aspirent à explorer un pays, une région, une
ville, plus en profondeur, à leur rythme.
“Découvrir un pays, et particulièrement le
Japon, ce n’est pas seulement s’intéresser à

88 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

comment les gens vivaient il y a trois siècles,
rappelle Claude Saulière, président-fondateur
de Vivre le Japon, mais comment ils vivent
aujourd’hui, leur vie quotidienne. Pour cela,
il faut pouvoir flâner, observer, rencontrer, se
perdre…” Le voyageur aujourd’hui ne veut
plus subir la loi des agences et des tour-opé-
rateurs, il veut maîtriser son voyage, le réaliser
sur mesure. Il est en quête d’expérience, d’en-
richissement personnel. Il veut comprendre le
monde, les autres cultures, expérimenter
d’autres styles de vie. Il ne veut plus ressem-
bler aux hordes de touristes qui déambulent
dans les quartiers historiques. Il souhaite réa-
liser un voyage individuel propice à la décou-
verte. Le voyageur individuel est plus libre que
le voyageur en groupe, mais perd en sécurité ce
qu’il gagne en liberté. Or la demande de sécu-
rité du touriste est très forte dans le contexte
actuel de menaces terroristes ou climatiques
qui minent certaines destinations.
Le tourisme au Japon doit faire face en outre
à l’explosion du nombre de visiteurs étrangers
sur l’archipel. D’environ 7 millions en 2011,
le chiffre a plus que triplé en cinq ans, passant
à 24 millions en 2016. Sur cette lancée, le
JNTO (l’Office national du tourisme japonais)
a l’ambition d’accueillir 40 millions de tou-
ristes étrangers en 2020, l’année des Jeux olym-
piques de Tokyo. Conséquence : les héberge-
ments dans les villes comme Tokyo et Kyoto,
à la haute saison (fin mars et courant avril,
quand fleurissent les cerisiers), arrivent à satu-
ration. D’où la nécessité de proposer de nou-
velles formes d’accueil.
LIEN INDISPENSABLE. Pour répondre à ce
besoin d’hébergements et à ces nouveaux désirs
de découverte individuelle, de liberté et de sécu-
rité, à ces envies de rencontres et d’expériences,
Vivre le Japon a lancé il y a dix ans le concept
de travel angels. Dans dix villes du Japon, de
Tokyo à Kyoto en passant par Nara, Osaka
ou Kanazawa, ces “anges gardiens des voya-
geurs” les accueillent à leur arrivée dans l’une
des soixante maisons proposées à la location
par le voyagiste.
Le travel angel guide le voyageur dans ses
THIERRY MAINCENT ET ALEXANDRE BARBE
premiers pas au Japon. Il veille sur lui, le ren-
seigne, l’aide, voire le secourt en cas d’urgence.
Il est autonome et se montre flexible face aux
demandes très diverses des voyageurs. Il laisse
en permanence son téléphone portable branché
afin d’être joignable à tout moment et de don-
ner l’information ou le “truc” qui aidera le
voyageur à profiter pleinement de son séjour.
Il lui conseille les bonnes adresses, l’initie à
l’art de vivre japonais et anime les quelque
35 activités de découverte : visite de Tokyo en
une journée, excursion sur la route du thé, ate-
lier de confection d’un bentô…
Le rôle du travel angel ne saurait donc se
réduire à celui d’un concierge. C’est un métier
nouveau aux contours changeants, né de
besoins inédits et ultrapersonnalisés. Le travel
angel, tel que l’a pensé Vivre le Japon, est avant
tout le lien indispensable entre le visiteur étran-
ger et le Japon, la clé pour dépasser les bar-
rières linguistique et culturelle et pour com-
prendre un pays si subtil. Voyager avec un
travel angel, c’est une autre façon de décou-
vrir une ville, c’est vivre le Japon de l’intérieur
et en tirer une expérience unique.
La valeur ajoutée du travel angel est dans
l’accompagnement proposé. Appréciable par-
tout, cet accompagnement se révèle quasi indis-
pensable dans un pays aussi différent et débous-
solant, pour un voyageur occidental, que le
Japon. Le voyageur arrive ici sur une autre pla-
nète, où tous les codes sont différents. Le tra-
vel angel est là pour transmettre ces codes.
Plébiscité par les voyageurs, le concept a valu
à Vivre le Japon le French Business Award du
meilleur produit/service de l’année 2016. La
même année, les travel angels ont accueilli au
total 7 150 voyageurs au Japon, soit une aug-
mentation de 20 % par rapport à 2015. Au
cours des derniers mois, trois villes ont été
ajoutées à la liste des villes où le service est
proposé : Hiroshima, Hakone (au pied du
mont Fuji) et Takayama (entre campagne et
Alpes japonaises). Le réseau des travel angels
couvre aujourd’hui l’essentiel de la zone tou-
ristique visitée par 95 % des voyageurs au
Japon.
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 89
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
3 • OUVRIR LES PORTES DE LA DESTINATION
PASSION POUR LE JAPON. Vivre le Japon tra-
vaille avec une vingtaine de travel angels qui
exercent leur activité en free-lance et sont rému-
nérés au service rendu. Ils sont français pour la
plupart, mais aussi américains ou japonais,
tous francophones ou anglophones. Ils ont
entre vingt-cinq et quarante ans et exercent ce
métier par passion pour le Japon et pour le
contact avec les voyageurs. Les travel angels
sont choisis pour leur courtoisie, leur convi-
vialité, leur capacité à accueillir, guider et rendre
service. Ils connaissent le Japon et leur ville
sur le bout des doigts, pour y vivre depuis plu-
sieurs années. C’est le cas de Lætitia, Française
installée à Tokyo depuis bientôt dix ans. Après
un premier séjour d’échange linguistique au
lycée, à l’âge de seize ans, puis un second à
l’université de Keio, dans la capitale japonaise,
elle devient travel angel pour Vivre le Japon.
Sa motivation : transmettre sa passion pour la
culture japonaise et pour “sa” ville, Tokyo,
aux voyageurs français et étrangers. La même
passion anime Saki, travel angel à Kyoto,
l’autre cité emblématique du pays. Née à
Osaka, cette jeune Japonaise a étudié douze
ans au sein d’une école internationale avant
de commencer sa carrière de guide touristique
en 2010. Bilingue japonais-anglais, Saki par-
tage depuis 2012 sa connaissance intime de
Kyoto avec les voyageurs de Vivre le Japon,
toujours plus nombreux à arpenter l’ancienne
capitale impériale. Parfois également, les travel
angels sont professeurs d’anglais ou traduc-
teurs.
Trois types de prestations d’accueil sont pro-
posées à l’ensemble des clients de Vivre le
Japon : l’accueil dans les maisons, au tarif de
5 000 yen (environ 40 euros) ; l’accompagne-
ment à travers des activités de découverte (par
exemple, la promenade nocturne à Gion, au
prix de 12 euros) ; et enfin le service Japan
Assistance (50 euros), qui permet au client de
contacter son travel angel à tout moment. Ces
deux dernières prestations sont ouvertes à tous,
y compris, par exemple, aux voyageurs louant
leur hébergement via Airbnb.
Chaque travel angel est associé à une ville
90 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
(ou, pour Kyoto et Tokyo, à une certaine zone
de la ville), à une ou des maisons ainsi qu’aux
activités de découverte correspondant à cette
ville. Il est automatiquement avisé lorsqu’un
client réserve (via le site internet ou en bou-
tique) une maison ou une activité. Il prend
alors contact avec le client par courriel, un
mois avant le voyage. Le travel angel et le voya-
geur définissent un lieu et une heure de ren-
dez-vous. Le travel angel réalise le check-in à
l’arrivée du client, étape essentielle pour expli-
quer comment habiter une maison japonaise :
comment utiliser le bain, les toilettes, la
machine à laver, les futons, etc., et pour don-
ner au client les conseils qui lui permettront
de réussir sa visite : les bons restaurants, les
événements et festivals à ne pas manquer pen-
dant son séjour, les pièges à éviter, etc. Le tra-
vel angel ne donne pas seulement les clés de la
maison, mais aussi celles d’un art de vivre
unique et subtil, et ce pendant toute la durée du
séjour, jusqu’au check-out.
RÈGLES DE SAVOIR-VIVRE. À l’échelle mon-
diale, la location de maisons et d’appartements
n’est pas nouvelle. Elle l’est en revanche au
Japon, où le phénomène vient seulement
d’émerger. Bien avant Airbnb, débarqué sur
l’archipel en mai 2014, Vivre le Japon a été
précurseur dans un pays attaché aux formes
classiques d’hébergement que sont les hôtels
et les ryokan (auberges traditionnelles).
Louer des maisons au Japon ne se fait pas
sans difficulté. Géographiquement insulaire,
le Japon est historiquement un pays qui a long-
temps été replié sur lui-même, avec une atti-
tude méfiante vis-à-vis des influences étran-
gères. Même si ce cliché appartient au passé, il
n’en subsiste pas moins certains réflexes encore
aujourd’hui. Un étranger ignorant les règles
locales de savoir-vivre sera mal perçu. Et les
problèmes de voisinage survenus ces trois der-
nières années avec l’apparition d’Airbnb ont
ajouté à la défiance des Japonais face aux min-
paku, le terme japonais pour désigner la loca-
tion de courte durée dans une résidence pri-
vée. L’interdiction de fumer dans la rue, le tri
et la gestion des ordures ménagères, le respect

du calme des lieux sont quelques exemples des
règles que tous, et notamment les touristes
étrangers, se doivent de respecter au Japon,
pays du civisme et de la propreté. Le risque de
mauvaise cohabitation, particulièrement élevé
au Japon, est une contrainte à avoir à l’esprit.
Là encore, c’est sur cet effort de sensibilisation
des voyageurs que les travel angels apportent
leur valeur ajoutée. En fait, le travel angel veille
autant sur les maisons que sur les voyageurs.
Conçu pour répondre aux besoins des voya-
geurs, le service des travel angels suscite une
grande satisfaction auprès des clients. “Chris
a été un super hôte, s’exclame Rosie après son
séjour à Kanazawa. Il nous a accueillis à l’en-
trée de la maison et nous a montré les princi-
pales attractions et les meilleurs restaurants
de la ville. Il a même réservé un restaurant de
sushis pour nous !” La disponibilité des tra-
vel angels est aussi fortement appréciée :
“Notre angel Clémence a été très profession-
nelle et s’est toujours montrée disponible
quand on en avait besoin, que ce soit en per-
sonne, par téléphone ou par e-mail”, témoigne
Guillermo, voyageur à Tokyo. Expérience sin-
gulière et sécurité, deux autres critères impor-
tants pour Eddy, de passage à Kyoto : “Un
grand merci à Nikki pour son accueil sur place.
Son aide a fait de ce premier voyage au Japon
une expérience unique mais surtout sans
souci.” Autre qualité mise en exergue : les
conseils avisés des travel angels, forts d’une
connaissance pointue de leur ville, comme l’ex-
prime Jacques : “Notre angel Saki a été remar-
quable de précision et de justesse dans ses
conseils, tout en nous laissant suffisamment
de latitude d’interprétation pour que nous
ayons le plaisir de la découverte.”
■ ■
Le Japon est une destination qui se distingue
par la qualité de l’expérience vécue. L’immense
majorité des voyageurs est séduite par un
monde si dépaysant, par un art de vivre si déli-
cat et par un sens du service et de l’hospitalité
(omotenashi, en japonais) unique. L’enjeu,
pour le tourisme dans les années à venir,
consiste à préserver cette qualité d’expérience
THIERRY MAINCENT ET ALEXANDRE BARBE
et d’accueil dans un contexte de croissance
rapide de la fréquentation. Des sites comme
le Pavillon d’or ou le temple Kiyomizu-dera,
à Kyoto, arrivent déjà à saturation, menaçant
leur intérêt touristique. Pour Vivre le Japon et
ses travel angels, le défi est de désengorger ces
sites majeurs et d’amener de plus en plus de
voyageurs (notamment les repeaters) vers des
régions moins prisées mais à fort potentiel,
comme les nombreux villages de la campagne
japonaise. D’où la présence, depuis mars 2017,
d’un travel angel à Takayama, au pied des
Alpes japonaises, loin des grands axes du
Shinkansen (le train à grande vitesse japonais).
Le défi est donc double : développer l’offre de
logements dans les villes majeures et équilibrer
la répartition des masses touristiques en pro-
mouvant des itinéraires nouveaux. ■
Vivre le Japon (anciennement Carrefour du Japon, puis
Voyageurs au Japon) a été fondé en 1981 par Claude Saulière. L’équipe
actuelle se compose de trente personnes, accompagnateurs, conseillers
experts et travel angels, tous passionnés par le Japon. Présent en
France mais aussi, sous la marque Japan Experience, au Royaume-Uni,
en Allemagne, en Espagne, en Italie, aux États-Unis et au Japon, Vivre
le Japon est l’un des principaux voyagistes spécialisés sur cette des-
tination. 15 000 voyageurs français ont bénéficié de ses services en
2016. Le voyagiste propose depuis 2006 des locations de maisons
traditionnelles ; il loue également des voitures, des Pockets Wifi et
propose des circuits accompagnés ou individuels. Vivre le Japon est
enfin le premier distributeur mondial du Japan Rail Pass, forfait qui
permet de voyager en illimité sur le réseau ferroviaire japonais. ■
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 91
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
3 • OUVRIR LES PORTES DE LA DESTINATION

PARIS HELPLINE,
CONCIERGERIE
DE DESTINATION
PRIVÉE

Paris Helpline est un service de conciergerie centré sur la

LAURE DE BOERIO destination Paris. Si l’accès au service est numérique (via

Fondatrice de une application), les prestations sont, quant à elles, déli-

Paris Helpline
< laure@parishelpline.com > vrées par des humains. Pour une explication, un conseil ou

une réservation, les City Helpers sont le référent de

confiance du touriste pendant tout son séjour. Ils person-

nalisent la relation, ne font pas de réponses toutes faites.

Les outils technologiques développés par Paris Helpline

sont là pour les aider, pas pour se substituer à eux.

aris Helpline est une applica- sienne…) toute la journée, où qu’il soit. Plus

P tion, créée en 2014, qui donne

au touriste un accès direct et
personnalisé à un conseiller
parisien bilingue qui peut
répondre à toutes ses questions (informa-
tions touristiques, pratiques, actualité pari-
besoin de guides, de plans, ni de recherches
compliquées : les conseillers Paris Helpline
guident le touriste, l’informent et ciblent la
bonne réponse en fonction de ses besoins
précis, grâce notamment à la géolocalisation
de son téléphone.

92 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

Paris Helpline est fondée sur une approche de
complémentarité des moyens techniques et des
ressources humaines, à contre-courant des
logiques économiques qui tendent à réduire le
visiteur à son seul profil technologique. Si nous
sommes convaincus que la technologie consti-
tue un puissant levier de la performance du
service, nous l’utilisons pour permettre à l’hu-
main de se concentrer sur l’hospitalité, outil
crucial de fidélisation. La technologie permet de
reconsidérer nos hôtes et de renouveler la façon
de les recevoir, en s’intéressant vraiment à eux.
Un touriste n’est pas juste un consommateur
de produits touristiques spécifiques : il juge la
prestation de la destination dans sa globalité,
et notamment la multitude des petits et grands
problèmes pratiques auxquels il est confronté
lors de son séjour.
Ce qui est évident pour les locaux est sou-
vent difficilement accessible pour les visiteurs,
voire parfois impossible compte tenu de la bar-
rière linguistique. Les incompréhensions dues
aux différences culturelles sont monnaie cou-
rante. La liste des obstacles à une appropria-
tion fluide de la destination est longue : les
sources d’information sont nombreuses, éparses
et impersonnelles, conduisant à créer une forme
d’isolement, voire un sentiment d’insécurité.
HOSPITALITÉ. Paris Helpline est le lien per-
manent qui rompt l’isolement des visiteurs.
C’est un service touristique numérique déve-
loppé autour des valeurs de bienveillance, de
proximité et d’authenticité. Nous mettons notre
expertise et notre savoir-faire à la portée immé-
diate du touriste, partout.
Notre service est dédié aux visiteurs et à leur
expérience. C’est une solution d’hospitalité à
l’échelle d’une destination, Paris.
L’application Paris Helpline est disponible
dans l’App Store et dans le Google Play Store.
Son téléchargement est gratuit ; les utilisateurs
sont invités à choisir le Pass qui leur convient
selon leurs besoins. Notre offre de lancement
va de la formule à la carte (1 euro la demande)
au forfait illimité (15 euros par jour).
Nos City Helpers sont disponibles immé-
diatement depuis l’application – par message ou
LAURE DE BOERIO
appel vocal, dans la langue du touriste (du
lundi au samedi, de 10 heures à 19 heures).
Nous limitons sciemment dans un premier
temps ces amplitudes horaires eu égard à l’exi-
gence de qualité que nous souhaitons appor-
ter.
D’une explication à une réservation, d’un
itinéraire à une recommandation en passant
par une traduction, les City Helpers sont le
référent de confiance du touriste à chaque ins-
tant, pendant tout son séjour.
Depuis notre création, nous menons un
immense chantier de réflexion, d’analyse et de
conceptualisation d’outils nous permettant de
nous concentrer sur chaque visiteur et ses
besoins précis. Si presque toutes les solutions de
conciergerie touristique vendent des produits de
la destination, il n’existait rien qui soit spécifi-
quement consacré au quotidien des touristes,
alors que Paris est une ville complexe pour qui
ne la connaît pas ou mal. Rien qui leur donne
la possibilité de se référer à une entité hospi-
talière bienveillante, alors qu’ils sont par défi-
nition en dehors de leur zone de confort et que
tout est “compliqué” : le choix d’un lieu, le
bon prix, le bon interlocuteur, les horaires, se
repérer dans la ville, prendre le bus ou le métro,
le menu d’un restaurant en français, savoir quoi
chercher et au bon endroit.
TECHNOLOGIE. Nous travaillons à partir des
besoins réels de touristes, pas des produits ni des
marques. Nous ne délivrons pas une réponse au
visiteur, nous lui délivrons sa réponse, en fonc-
tion de lui, de son profil. Pour ce faire, nous
nous appuyons sur le traitement du big data
(qualification des ressources) pour la destina-
tion Paris. Nos experts locaux enrichissent et
sécurisent toutes les informations issues de nos
systèmes. C’est un travail colossal qui nous
permet aujourd’hui de répondre à tout, de
manière qualifiée, dans la langue du touriste.
Il nous a fallu deux ans pour développer et
tester ce service avant de le lancer aujourd’hui
à Paris. Notre développement est en train de
s’accélérer via la mise en place de partenariats
stratégiques avec des acteurs clés du tourisme
qui partagent notre vision. Nous refusons par
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 93
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
3 • OUVRIR LES PORTES DE LA DESTINATION
exemple tout commissionnement : en effet,
nous voulons assurer une transparence totale à
nos clients et, par-delà, être une valeur ajoutée
complémentaire des acteurs existants, un par-
tenaire utile. Pas une (énième) brique en plus.
Nous avons élaboré des solutions, que nous
testons de façon permanente pour coller à la
réalité des visiteurs ; nous y travaillons sans
cesse pour améliorer chaque détail du service
apporté à nos clients. Nous lancerons pro-
chainement une nouvelle version de l’applica-
tion qui intégrera de nouvelles fonctionnalités,
encore plus centrées sur l’utilisateur. Nous pen-
sons que ce n’est pas au visiteur d’aller cher-
cher son information ni de s’adapter à l’offre :
la technologie nous donne les moyens de mettre
nos ressources, notre expertise et notre savoir-
faire à sa disposition.
BIENVEILLANCE. Notre équipe de City Helpers
est composée d’une vingtaine de personnes aux
profils internationaux, avec dix langues par-
lées dont les langues européennes, le chinois,
le russe, le brésilien, le japonais et bientôt le
coréen. Ils viennent majoritairement des métiers
de la relation client, du tourisme, de l’inter-
prétariat, mais pas que. Nous appliquons une
stricte politique d’intrapreneuriat pour créer
ce hub international d’échanges et de diversité
en interne, où chacun est un élément clé, et
toute personne adhérant à nos valeurs avec
force et conviction peut devenir un “bien-
veilleur” Paris Helpline.
Les conseillers sont formés au métier de l’hos-
pitalité et de la relation client : jamais de
réponses toutes faites, les processus figés sont
bannis. Nos outils technologiques sont déve-
loppés pour eux, pour les soutenir et pouvoir
s’adapter à tout type de demande. Ils leur don-
nent les moyens d’exprimer pleinement tout
leur potentiel humain. Il faut être généreux
pour travailler chez nous. Nous adhérons à la
définition de Georges-Édouard Dias, cofon-
dateur de Quantstreams et chief digital officer
de L’Oréal, selon laquelle “les trois compo-
santes de l’hospitalité sont la bienveillance
comme créateur de lien, l’humanité comme
facteur de différentiation et l’intimité comme
94 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
vecteur de confiance”.
L’approche de productivité n’est pas le
moteur de nos développements de service. Nos
échanges, même en tchat, sont humains, per-
sonnalisés et efficaces. Un certain nombre de
demandes nécessitent d’ailleurs d’avoir une
vraie conversation pour qu’il y soit répondu
de manière vraiment pertinente. Nos clients
aiment entendre nos explications, et nos
conseils. Cela les rassure. Les questions que
nous leur posons leur garantissent un véritable
intérêt et notre voix les sécurise. Nous avons
d’ailleurs ajouté une ligne prioritaire, estimant
que, en cas de problème, ils ne doivent pas res-
ter seuls dans un environnement inconnu. Nous
sommes présents à leurs côtés, à portée de
main, ou plutôt “à portée de clic”.
CONFIANCE. Notre application propose au
touriste d’indiquer à tout instant, au fil de l’eau
et de ses envies, ses préférences et ses centres
d’intérêt spécifiques. C’est une démarche volon-
taire de la part du visiteur, et nous ne l’utili-
sons qu’à son bénéfice. Notre relation est fon-
dée sur la confiance.
Le tourisme est une expérience et l’expérience
est une émotion. C’est cela que le visiteur vient
chercher. Notre conviction est que sa confiance
sera l’or de demain. Dans un contexte de
concurrence débridée, il est indispensable de
se poser la question de la fidélité du consom-
mateur et de sa perception des “ogres” qui fon-
dent leur succès sur le profiling, le digital
labor… Nous pensons que les approches de
services fondées uniquement sur l’intelligence
artificielle peuvent séduire le consommateur à
court terme, mais qu’elles l’inquiètent et l’in-
terpellent à long terme. Notre pari est donc
celui de la qualité de service, de l’alliance fruc-
tueuse entre la technologie et l’humain.
Après avoir investi la destination Paris, nous
prévoyons un déploiement à l’étranger dès
2018. Notre stratégie de développement a été
pensée dès le départ dans une logique de hub
continental nous permettant de créer une dyna-
mique globale de destination s’adressant tant
aux touristes sur place qu’aux habitants partant
en voyage. ■
 NICOLAS MARTIN

L’ASSISTANT
BORDEAUX
FACILITE LE QUOTIDIEN
DES TOURISTES

L’office de tourisme de Bordeaux vient de se doter d’un ser-

Interview de
vice de conciergerie numérique, l’Assistant Bordeaux, déve- NICOLAS MARTIN

loppé en marque blanche avec Wiidii. Intégré dans le Bordeaux Directeur général de
Bordeaux Tourisme et
Métropole Citypass, ce service permet de répondre à toute Congrès
< n.martin@
heure aux questions pratiques que se posent les touristes – des bordeaux-tourisme.com >

questions précises, pas toujours “touristiques”, auxquelles

l’office de tourisme ne sait pas nécessairement répondre. Ce

service sera bientôt inclus dans le Bordeaux Business Pass.

QUELS CONSTATS VOUS ONT vice d’assistant personnel. Installé à

POUSSÉ À DÉVELOPPER DES
SERVICES DE CONCIERGERIE ET
POURQUOI AVOIR DÉVELOPPÉ
CETTE SOLUTION EN MARQUE
BLANCHE AVEC WIIDII ?
Tout a commencé il y a un peu plus de deux
ans par une discussion avec Cédric Dumas
créateur de Wiidii, qui lançait alors son ser-
Bordeaux, il était venu présenter à l’office de
tourisme son produit, afin d’en tester l’inté-
rêt pour les touristes. J’ai immédiatement
réagi positivement : Wiidii allait pouvoir
répondre à un certain nombre de nos pro-
blèmes. En effet, à l’accueil de l’office de tou-
risme, on ne sait pas répondre de manière
immédiate et satisfaisante à certaines

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 95
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
3 • OUVRIR LES PORTES DE LA DESTINATION
demandes ciblées telles que, par exemple :
– celle d’un touriste américain qui cherche, à
22 heures, un médecin anglophone proche de
son hôtel ;
– celle d’un touriste qui souhaite une dégusta-
tion de vin casher, dans un domaine ouvert le
23 novembre ;
– celle d’un touriste dont la fille est allergique
au gluten et qui cherche un restaurant sans
gluten proche de son hôtel…
Nous sommes d’autant moins capables d’ap-
porter des réponses satisfaisantes à ce type de
questions qu’elles ne sont pas toujours posées
aux heures d’ouverture de nos points d’accueil
et que, par ailleurs, seul un touriste sur dix fait
la démarche d’entrer dans un office de tou-
risme. Nous proposons bien un accueil télé-
phonique, mais nous ne pouvons répondre
dans toutes les langues et nos lignes sont sou-
vent saturées. En effet, nous ne sommes pas
équipés pour répondre à un volume d’appels
important, surtout quand les demandes exi-
gent que nous fassions des recherches signifi-
catives.
Dans son principe, l’assistant personnel est
donc une solution adaptée à certains des pro-
blèmes auxquels est confronté l’office de tou-
risme : il permet de répondre en temps réel
dans plusieurs langues à des questions très pré-
cises, le tout de manière très simple, par écrit
ou par commande vocale du smartphone du
client.
COMMENT AVEZ-VOUS TESTÉ LA
SOLUTION WIIDII ?
Dans un tel cas de figure, notre mode opé-
ratoire est toujours le même : nous testons les
solutions ; nous observons les résultats et nous
poursuivons si le test est concluant. C’est donc
ce que nous avons fait il y a deux ans avec
Wiidii.
Nous avons intégré l’application Wiidii dans
le Citypass que nous nous apprêtions à lancer.
Nous avons fait ce choix car nous savons par
expérience que très peu de touristes sont prêts
à payer pour obtenir une application de ser-
vice. En intégrant l’application dans le Citypass,
96 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
son coût est indolore pour le voyageur.
D’ailleurs, beaucoup de clients découvrent le
service une fois qu’ils ont acheté le Citypass.
COMMENT LES CLIENTS ONT-ILS
RÉAGI À CE NOUVEAU SERVICE ?
Les résultats ont d’emblée été satisfaisants.
En 2015 et 2016, les deux premières années
de fonctionnement du service, 23 % des ache-
teurs du Citypass ont téléchargé l’application
Wiidii, 18 % l’ont utilisée, avec un nombre
moyen de demandes par utilisateur de 3,51
sur une durée de trois jours (Citypass de
soixante douze heures).
Nous n’avons pas le moyen de savoir si ce
service d’assistant personnel a permis de vendre
davantage de Citypass. Ce dernier a en effet
très bien marché dès son lancement, avec
12 000 forfaits vendus dès la première année
(ce qui correspond au chiffre de certaines villes
qui proposent un city pass depuis une dizaine
d’années).
ET À LA SUITE DE CE PREMIER
TEST ?
Au vu de ces bons résultats, nous avons
décidé d’aller plus loin et de développer notre
propre marque, l’Assistant Bordeaux, en
marque blanche de l’application Wiidii.
L’Assistant Bordeaux est opérationnel depuis
début 2017 en trois langues (français, anglais
et chinois). Il est disponible sous deux formes,
en inclusion dans le Citypass ou de façon auto-
nome.
Inclus dans le Citypass, il constitue un outil
parfaitement adapté aux touristes qui vien-
nent en court séjour à Bordeaux. Outre
l’Assistant Bordeaux, le Citypass inclut l’ac-
cès aux transports en commun de la métro-
pole (via une technologie sans contact), l’en-
trée dans les principaux monuments et musées
de la ville, dont la Cité du vin, et des réduc-
tions pour des croisières fluviales et excursions
dans le vignoble. Il est proposé en trois for-
mules : vingt-quatre heures (29 euros) ; qua-
rante-huit heures (39 euros) et soixante-douze
heures (46 euros).

L’Assistant Bordeaux est aussi commercialisé
de façon autonome pour les visiteurs qui ne
voudraient pas acheter le Citypass, avec trois
tarifs (hebdomadaire, 5 euros ; mensuel, 15
euros et annuel, 150 euros). Ces solutions ne
visent pas les mêmes cibles. Si le pass hebdo-
madaire cible une clientèle touristique, le pass
mensuel ou annuel cible plutôt une personne
qui s’installe à Bordeaux, qu’il s’agisse d’un
nouvel habitant ou d’un étudiant étranger
confronté à la barrière de la langue. Wiidii
s’apparente alors à un service de conciergerie
personnelle, service auquel on fait appel pour
se simplifier la vie quotidienne. Nous expéri-
mentons ce mode de commercialisation au
cours de l’année 2017.
PAR RAPPORT À LA SOLUTION
WIIDII IMPORTÉE, QU’EST-CE QUI
CHANGE AVEC L’ASSISTANT
BORDEAUX ?
C’est avant tout l’aspect marketing qui dif-
fère. Tout d’abord, l’Assistant Bordeaux met
l’accent sur la marque Bordeaux. Ensuite,
nous pouvons désormais pousser un certain
nombre d’informations que nous maîtrisons,
issues de notre système d’information tou-
ristique. Wiidii est un concierge neutre, il n’a
pas d’accord avec des prestataires. L’Assistant
Bordeaux peut en revanche conseiller cer-
taines offres commercialisées par l’office de
tourisme (des visites guidées, des dégusta-
tions…).
QUELLES SONT LES QUESTIONS
LES PLUS FRÉQUEMMENT
POSÉES ? DE VOTRE PARTENARIAT
L’essentiel de la demande concerne les spec-
tacles proposés le soir même, les restaurants
proches de l’hôtel, la réservation de taxis.
Finalement, l’Assistant Bordeaux répond aux
questions classiques posées à l’accueil de l’of-
fice de tourisme, avec un service supplémen-
taire très prisé : la traduction. Par exemple, un
usage très répandu chez la clientèle chinoise
est de prendre en photo le menu du restaurant
pour demander à Wiidii de le traduire.
NICOLAS MARTIN
QUELS AVANTAGES Y VOYEZ-
VOUS POUR L’OFFICE
DE TOURISME ?
Ce service supplémentaire nous permet de
répondre à des demandes que nous ne pou-
vions pas traiter auparavant, et que Google
ou Siri ne prennent pas complètement en
charge aujourd’hui. Car, au-delà du rensei-
gnement, l’Assistant Bordeaux passe à l’ac-
tion : il peut directement effectuer une réser-
vation de restaurant, d’hôtel, de taxi… Par
ailleurs, l’Assistant Bordeaux représente une
vraie source de renseignement sur les attentes
des visiteurs. Nous pouvons par exemple
mieux saisir les besoins spécifiques de cer-
taines nationalités (cf. l’exemple de la tra-
duction pour les Chinois). C’est donc pour
nous une occasion de progresser dans la
manière dont nous “travaillons” nos clien-
tèles, de répondre de façon pointue à leurs
besoins.
Enfin, on peut imaginer qu’à terme cela per-
mettra de désengorger nos points d’accueil,
qui sont souvent sollicités pour des demandes
basiques qui ne nécessitent pas les compétences
du conseiller en séjour. Nous encourageons
tous nos clients qui achètent le city pass à poser
leurs questions directement à l’application
Assistant Bordeaux. Notre objectif est de
dépasser les 25 000 unités vendues en 2017,
puis les 30 000 en 2018. On peut raisonna-
blement penser que nos conseillers pourront
alors se consacrer à des tâches à plus forte
valeur ajoutée que celle qu’ils font aujourd’hui.
QUELS SONT LES TERMES
AVEC WIIDII ?
L’information touristique est notre métier.
Notre système d’information touristique pro-
duit une information qualifiée, c’est-à-dire
très précise et évidemment à jour. Par exemple,
s’agissant des visites de vignobles, nous savons
pour chaque domaine quelles langues y sont
parlées, quels sont les horaires exacts d’ac-
cueil du public, quels sont ceux qui disposent
d’un accès pour les personnes à mobilité
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 97
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
3 • OUVRIR LES PORTES DE LA DESTINATION
réduite, d’un service livrai-
son… Nous transmettons
toutes ces informations au
système de Wiidii.
L’intérêt de Wiidii est son
interaction entre l’humain et
l’intelligence artificielle : la
première fois qu’on lui pose
une question, c’est toujours
une personne qui répond ;
puis le système “apprend” et,
la deuxième fois que cette
question sera posée à
l’Assistant Bordeaux, l’intel-
ligence artificielle prendra le
relais.
Nous avons négocié avec
Wiidii un prix par utilisateur,
qui n’a pas changé depuis que
nous sommes passés en
marque blanche. Nous avons
simplement dû financer en
complément la customisation
de l’application aux couleurs
de Bordeaux.
QUELS DÉVELOPPEMENTS
FUTURS ENVISAGEZ-VOUS ? vons décider de prendre à notre charge ce ser-
Nous souhaitons développer d’autres langues
étrangères pour cette application, les prochaines
versions prévues étant espagnole et allemande
avant la fin de l’année 2017.
Nous allons proposer aux hôtels de déve-
lopper ce service pour leur compte. L’hôtelier
aura la possibilité de donner les codes de télé-
chargement à ses clients et pourra décider si ce
service est payant ou gratuit. Nous lancerons
cette expérimentation dans quelques hôtels qui
ne proposent pas de services de conciergerie.
98 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
Enfin, nous avons conçu un service destiné
à la clientèle affaires, le Bordeaux Business
Pass. Actuellement en phase de test (sortie pré-
vue en juin 2017), cette application combine
l’accès aux transports publics et le service de
conciergerie Assistant Bordeaux. Les questions
posées par les touristes d’affaires seront pro-
bablement un peu différentes de celles posées
par les voyageurs d’agrément, avec davantage
de logistique (acheminement des bagages,
horaires et itinéraires en transport en commun,
réservation de taxi pour les transferts…). Nous
serons la première ville à proposer un tel ser-
vice combiné.
Notre souhait est de pouvoir fournir ce ser-
vice sans que l’utilisateur final n’ait à en sup-
porter le coût directement. Par exemple, à l’oc-
casion d’un important congrès médical, nous
pouvons solliciter un laboratoire pour être
sponsor de l’Assistant Bordeaux en offrant le
service à tous les congressistes, avec l’assurance
d’une mise en avant de son logo sur l’applica-
tion à l’ouverture. Une autre solution consiste
à demander à l’organisateur de l’inclure dans
le coût de l’événement. Enfin, pour certains
congrès qui nous paraissent stratégiques et que
nous souhaitons attirer à Bordeaux, nous pou-
vice complémentaire, pour faire la différence
avec d’autres métropoles concurrentes.
En résumé, avec l’Assistant Bordeaux, l’of-
fice de tourisme de Bordeaux proposera pro-
chainement un service de conciergerie numé-
rique à la plupart de ses visiteurs, sans coût
supplémentaire pour ces derniers. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR HERMINE DE SAINT ALBIN
 MARJORIE MICHEL

L’OFFICE DE TOURISME,
CONCIERGERIE DE LA
DESTINATION
SAINT-ÉMILION
Avec la notion de “conseil éclairé”, désormais au cœur de

la mission des offices de tourisme, le métier de conseiller MARJORIE MICHEL

en séjour est en train d’évoluer vers un métier de concierge Responsable du pôle

accueil-boutique
de la destination. À Saint-Émilion, c’est toute l’équipe du Saint-Émilion Tourisme
< m.michel@
pôle accueil qui a suivi une formation à l’accueil par excel- saint-emilion-tourisme.com >

lence (Apex) et qui, progressivement, fait évoluer sa façon

d’exercer son métier.

n beau matin de 2013, nous Mais qu’est-ce que le conseil éclairé ? Tout le

U avons trouvé dans le courrier de

l’office de tourisme de Saint-Émi-
lion une lettre de Jean Burtin,
alors président d’Offices de tou-
risme de France. Il nous engageait, ainsi que
tous les offices de tourisme en France, à repen-
ser la vision que nous avions de notre fonc-
tion et à renoncer notamment au principe de
neutralité de l’information, pour faire le choix
du conseil éclairé.
monde a-t-il la même idée de cette notion ? Et
comment, de manière très concrète, mettre en
application cette nouvelle vision dans notre
structure ? Au-delà des méthodes, ce sont des
réflexes et notre façon de faire que nous
devions changer. Une vraie stratégie d’accueil
à repenser… Même si, grâce notamment à la
certification (Afnor, puis Qualité Tourisme),
nous avions acquis de solides bases et mis en
place des procédures d’accueil téléphonique et

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 99
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
3 • OUVRIR LES PORTES DE LA DESTINATION
physique. Mais notre métier se limitait-il à
accueillir ?
ACCUEIL PAR EXCELLENCE. À la même
période, la Mopa (Mission des offices de tou-
risme et pays touristiques d’Aquitaine, deve-
nue depuis la Mona, Mission des offices de
tourisme Nouvelle-Aquitaine), inscrivait dans
son programme de formation le cursus Apex
(accueil par excellence). Nous ne savions pas
exactement dans quelle aventure nous nous
embarquions, mais le programme était allé-
chant et les objectifs clairs :
– mettre l’accueil au cœur du dispositif de l’of-
fice de tourisme ;
– revaloriser les métiers d’accueil et renforcer
leur expertise et leur savoir-faire ;
– accompagner l’office de tourisme dans la
maîtrise des outils numériques, dans l’obser-
vation touristique et l’évaluation du service
rendu aux clientèles.
Très rapidement, nous avons inscrit une par-
tie de notre équipe à ce cursus. C’était là une
des premières occasions qui s’offraient à nous
de bénéficier d’une formation sur le métier de
l’accueil. La force de notre office de tourisme
réside dans le fait que le personnel d’accueil y
assure également des fonctions de guidage.
Jusque-là, la valorisation du métier des agents
se faisait surtout via leur casquette de guide,
rarement par celle d’agent d’accueil.
Décider de s’inscrire ne fut pas un choix ano-
din, car il s’agissait d’une formation relative-
ment longue : dix jours, étalés sur quasiment
une année – un investissement, tant pour l’en-
treprise que pour les personnes formées. Faire
le choix d’une formation de dix jours était un
pari impliquant l’engagement de chacun.
Pour la première session, la formation a été
proposée à deux personnes du service accueil.
Très vite il nous est apparu indispensable que
l’ensemble de l’équipe d’accueil puisse la suivre.
Plus de trois années se sont écoulées entre la
première et la dernière formation, car nous
étions alors une équipe de huit personnes.
VISION COMMUNE. Pourquoi inscrire toute
l’équipe ? Pour que tout le monde parle le
même langage, que personne ne soit laissé sur
100 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
le bord de la route sans comprendre, sans
savoir, et pour que l’équipe partage une vision
commune. Certes, il y a eu trois ans de décalage
entre les premiers et les derniers formés, mais
la force de cette formation a été sa capacité
d’adaptation, en matière de contenu et d’ap-
proche. Si les premiers groupes ont eu la lourde
tâche de comprendre ce qu’était un Sadi
(schéma d’accueil et de diffusion de l’infor-
mation), de l’expliquer, de l’étudier et de le
transmettre à l’équipe, les groupes suivants ont
pu aborder plus précisément d’autres sujets :
par exemple, les expériences d’offices de tou-
risme hors les murs, les matrices en réponse
aux messages électroniques… Si nous man-
quions parfois d’outils, nous ne manquions
pas de motivation collective. Ce qui n’était pas
le cas forcément partout.
Certains collègues d’autres offices nous
racontaient qu’ils se sentaient bien seuls de
retour dans leur structure à vouloir parler
Apex, à essayer d’expliquer le Sadi et à utiliser
d’autres termes qui pouvaient sembler bar-
bares aux non-convertis… Difficile, voire
impossible, pour eux de proposer de nouveaux
outils ou méthodes, de les faire accepter par
leurs collègues, leurs responsables ou leur direc-
tion.
Personnellement, j’ai travaillé pendant six
ans à l’accueil avant de prendre en charge le
poste de responsable de l’accueil. Quand nous
nous sommes lancés dans l’aventure Apex, je
ne faisais plus de permanence à l’accueil depuis
quelques années déjà ; je faisais uniquement
du travail en back office. J’ai souhaité suivre
cette formation avec mon équipe pour décou-
vrir les évolutions des métiers de l’accueil qui
étaient en train de se jouer, pour accompagner
mon équipe dans cette transformation, pour
mieux comprendre leurs problèmes quotidiens
et pouvoir accompagner le changement de nos
méthodes, de notre fonctionnement.
Le fait que toute l’équipe d’accueil a suivi la
formation Apex a permis de créer une vraie
dynamique de groupe, une cohésion d’équipe
et d’entreprise ; les collègues des autres ser-
vices ont découvert et compris, grâce à nous,

ce qu’était un Sadi. L’étalement de cette for-
mation sur trois ans a par ailleurs permis que
la dynamique perdure et ne retombe pas au
bout de quelques semaines, après la fin du
cursus.
CONSEIL PERSONNALISÉ. Cette formation
nous a rappelé quel était le rôle d’un conseiller
en séjour et son importance. Dit comme cela,
cela peut paraître évident, basique même, sauf
que l’on a souvent tendance à oublier l’essen-
tiel. Non, l’agent d’accueil n’est pas un simple
distributeur humain de plans et de brochures,
c’est quelqu’un qui apporte une valeur ajou-
tée au partage d’information. Exit le catalogue
exhaustif des prestataires où l’on évitait de
mettre en avant l’un ou l’autre de nos adhé-
rents de peur de froisser la susceptibilité des
uns et des autres. Désormais, l’agent d’accueil
peut préconiser une prestation ; mieux, il se
doit de le faire pour donner un conseil per-
sonnalisé.
Ce rôle nouveau induit qu’il connaisse par-
faitement l’offre touristique de sa destination,
qu’il sache répondre aux différentes clientèles,
en fonction de leurs attentes spécifiques. Il
devient expert de son territoire, d’une part, et
de la demande touristique, d’autre part. Quelle
fierté de voir le métier de conseiller en séjour
remis au cœur des missions de l’office de tou-
risme, de voir son rôle valorisé ainsi et ses qua-
lités appréciées à leur juste valeur ! L’agent
d’accueil est devenu conseiller en séjour : le
changement est en marche !
Parallèlement à la formation Apex des
agents, notre direction a lancé un projet de
réaménagement de notre hall d’accueil. La for-
mation nous a beaucoup aidés et nous a mis
sur la voie des bonnes pratiques. Un gros tra-
vail de fond avait été réalisé par le premier
binôme ayant suivi la formation, car un état
des lieux complet était indispensable. Celui-ci
portait sur notre territoire et ses portes d’entrée,
sur l’accueil physique que nous proposions
dans nos murs mais aussi hors des murs, sur
notre accueil numérique tout comme sur les
différentes typologies de clientèles que nous
étions amenés à accueillir.
MARJORIE MICHEL
L’agent d’accueil n’est pas un simple
distributeur humain de plans et de
brochures, c’est quelqu’un qui apporte
une valeur ajoutée au partage
d’information.
PROJET COLLECTIF. Nous avons créé des
groupes de travail et donné la parole à tous
les services de notre structure, qu’ils aient ou
non suivi la formation. Nous avons ainsi com-
plètement remis à plat notre organisation. Cela
nous a permis de mettre en lumière nos atouts
et nos faiblesses, nos besoins et nos spécificités :
nous nous sommes remis en question et avons
commencé à imaginer ensemble un nouveau
mode de fonctionnement.
C’est à partir de là que nous nous sommes
approprié le Sadi, puis nous l’avons fait évoluer
en Sadic (schéma d’accueil et de diffusion de
l’information et de la commercialisation). Cette
adaptation nous a semblé évidente et néces-
saire, car nous vendons des visites guidées et
exploitons une boutique. Un poste de “chargé
des relations et de la promotion des parte-
naires” a été créé, permettant ainsi une
meilleure connaissance de l’offre locale.
Les personnes ayant suivi la formation Apex
ont naturellement été légitimes pour donner
leurs avis ou arguments concernant les choix
faits pour notre futur hall d’accueil. Elles se
sont exprimées et leur avis a réellement été pris
en considération par la direction. Les change-
ments ont été nombreux et ont impacté notre
organisation :
– délocalisation du standard téléphonique, qui
est passé de l’accueil à un bureau à l’étage ;
– création d’une caisse pour la boutique ;
– mise en place d’un pôle de billetterie ;
– création d’un accueil déporté pour les pro-
fessionnels et les groupes ;
– acquisition d’un logiciel pour la vente des
visites guidées en ligne et au guichet ;
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 101
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
3 • OUVRIR LES PORTES DE LA DESTINATION
– mise en place d’une gestion des files d’at-
tente ;
– mise en place d’écrans avec affichage dyna-
mique et mur d’images…
Peut-être que, sans ce projet fédérateur de
réaménagement, toute l’équipe n’aurait pas
été concernée, mais ce concours de circons-
tances a ouvert une nouvelle porte.
La formation Apex nous a permis d’antici-
per le changement, de l’apprivoiser, d’en com-
prendre l’intérêt et d’aller là où nous voulions
aller. Bien entendu, seule une partie de nos sou-
haits a pu être réalisée pour des raisons pra-
tiques, techniques, économiques… et certaines
choses ont mis plus de temps à se mettre en
place que d’autres. Mais le projet collectif est
bien là.
Aujourd’hui, presque deux ans après la fin
de cette formation pour le dernier groupe, il
reste encore du travail. Nous sommes tout juste
102 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
en train de travailler sur la refonte de nos
matrices d’e-mails et de questionnaires de satis-
faction numériques pour nos visiteurs. Cela
prend du temps, tout ne peut pas se mettre en
place du jour au lendemain. C’est une
démarche permanente, constamment perfec-
tible. Nous sommes toujours à la recherche
d’évolutions et d’améliorations.
La formation Apex nous a ouvert les yeux
sur la nécessité de repenser notre métier d’ac-
cueil ; elle nous a recommandé de bonnes pra-
tiques et nous a aidés à les mettre en place. Elle
a mis en valeur le métier de conseiller en séjour
et permis à chacun d’entre nous de gagner en
confiance, en autonomie et en responsabilité.
Aux côtés des développements numériques, le
conseiller en séjour a un véritable rôle à jouer
et apporte une réelle valeur ajoutée que rien
ne peut remplacer pour garantir toujours plus
de qualité et de satisfaction à nos visiteurs. ■
OT de Saint-Émilion © Guillaume Le Baube
 SYLVAIN PECHCONTAL ET SABINE DARRIEUTORT

L’OFFICE DE TOURISME
DU GRAND AUCH
TESTE LA CONCIER-
GERIE PAR TCHAT

Mettre en place une solution de conciergerie sur son site

internet via un tchat, telle est l’expérience qu’a menée l’of- SYLVAIN PECHCONTAL

fice de tourisme du Grand Auch. Ce test, qui s’est révélé Directeur

Office de tourisme du
concluant, lui a donné envie d’aller plus loin… peut-être en Grand Auch
< direction
associant l’ensemble des offices de tourisme du Gers pour @auch-tourisme.com >

assurer une permanence du service aux heures où les SABINE DARRIEUTORT

offices de tourisme sont fermés. Adjoint de direction et

community manager
n 2016, l’office de tourisme du il a assuré des missions autour du numérique :

E
Grand Auch est démarché par une
start-up, Second Degré, qui lui pro-
pose la mise en place d’une solu-
tion de conciergerie, à partir d’un
dispositif de tchat. Cette proposition corres-
pond à notre préoccupation : nous sommes
convaincus que nous devons être plus actifs
vis-à-vis des internautes. Le fondateur de
Second Degré a travaillé au comité départe-
mental du tourisme et des loisirs du Gers, où
Office de tourisme du
promotion, community management, anima- Grand Auch
tion numérique de territoire. Il a notamment < sabine.darrieutort
accompagné notre office de tourisme lors de @auch-tourisme.com >
la mise en ligne de son site internet actuel.
L’office de tourisme accueille quatre fois plus
de visiteurs sur son site internet que dans ses
locaux. Avec la création d’une solution de
conciergerie, il souhaite instaurer pour cette
relation en ligne une qualité égale à celle four-
nie en face à face, avec des conseils d’expert.

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 103
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
(1) Les déclencheurs sont
des messages envoyés
automatiquement par le
système de messagerie
instantanée aux internautes
naviguant sur le site afin de
les inviter à converser.
104 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
3 • OUVRIR LES PORTES DE LA DESTINATION
Engager la conversation avec les internautes
permet en effet :
– d’affirmer le rôle de conseiller en séjour et
la valeur ajoutée de l’office de tourisme (expert,
qui aide, prescrit et suggère) ;
– d’humaniser la relation sur le site internet.
DÉVELOPPEMENT. Second Degré ne disposant
pas de solution clé en main, un forfait
“recherche, développement et programma-
tion” lui est financé. C’est donc dans le cadre
d’un codéveloppement que la solution est mise
en place : recherche d’outils et programma-
tion, établissement des règles de fonctionne-
ment, mise en place du modèle économique,
etc. Ce mode de développement permet à la
start-up de tester le dispositif et à l’office de
tourisme de maîtriser les coûts et d’éviter un
engagement à long terme. C’est dans ce
contexte que le dispositif est développé au pre-
mier trimestre 2016.
Afin de sélectionner un outil de tchat, il est
procédé à une recherche auprès des anima-
teurs numériques de territoires (ANT) via leur
groupe Facebook. Après des tests, c’est le pro-
duit (gratuit) Tawk.to qui est sélectionné.
L’intégration du widget correspondant dans
le site web se révèle simple : elle avait été pré-
vue dès la création de celui-ci en 2013. La pro-
grammation du widget porte surtout sur celle
de ses déclencheurs(1) : quels messages ? à quel
moment ? comment ? En effet, sans messages
affichés encourageant les internautes à conver-
ser, nous constatons que l’outil n’est quasi-
ment pas utilisé.
Parallèlement, il faut cadrer le niveau de ser-
vice que le concierge doit apporter. Par
exemple, si la demande concerne un restau-
rant et ses horaires d’ouverture, le concierge
doit-il : répondre simplement à la question ?
inviter le client à réserver ? se charger lui-même
de la réservation après avoir proposé ce ser-
vice au client ? C’est le deuxième niveau de
service (inviter le client à réserver) qui est
retenu. Il faut aussi partager avec Second Degré
la stratégie d’accueil, et notamment les atouts
que l’office souhaite mettre en valeur. Afin que
le concierge soit au fait de l’offre du territoire,
il est mis en place un partage d’outils : carnet
de liaison interne et transfert de mails.
FONCTIONNEMENT. L’équipe de conseillers en
séjour est formée pour pouvoir assurer le ser-
vice de tchat pendant les heures d’ouverture
de l’office de tourisme, mais aussi pour pouvoir
donner suite aux conversations entamées par
le concierge. En effet, certaines demandes sont
transmises à l’équipe afin que celle-ci, par
exemple, assure l’envoi postal de documenta-
tions. La formation porte aussi sur la com-
munication entre les conseillers en séjour et la
société partenaire pour la transmission d’in-
formations de dernière minute.
Dans les premières semaines d’activité, l’of-
fice de tourisme assure une analyse quotidienne
des conversations réalisées par le concierge.
Un débriefing est réalisé avec l’agence afin de
commenter les réponses apportées, et voici que
ce nous constatons : le concierge est victime de
l’imprécision des certaines informations four-
nies par l’office (dans l’agenda, notamment) ;
la gestion de l’information touristique se révèle
insuffisamment performante, car les informa-
tions de dernière minute ne sont pas enregis-
trées dans le système d’information touristique
départemental – les délais de validation des
données par le comité départemental du tou-
risme peuvent dépasser quarante-huit heures.
Il est décidé de concentrer la mission du par-
tenaire sur les heures de fermeture de l’office de
tourisme et durant les périodes de haute fré-
quentation du site web (en soirée et le week-
end), soit du lundi au samedi (de 18 heures à
22 heures) et le dimanche (de 13 heures à
22 heures). Le partenaire a la possibilité de ne
pas ouvrir le service. Les déclencheurs s’activent
dès que le concierge est en ligne. D’autres
plages d’ouverture sont mises en place ponc-
tuellement, par exemple à l’occasion des
Journées européennes du patrimoine.
Passé l’étonnement d’être en contact avec
une vraie personne, et non un robot, les visi-
teurs font part d’une grande satisfaction quant
aux services apportés. Ils apprécient d’avoir
un contact en soirée – certains visiteurs (locaux)
utilisent régulièrement le service.

Le contrat de fonctionnement prévoit un
coût forfaitaire “à la conversation”, avec frais
supplémentaires par tranches de dix minutes,
au-delà des dix minutes de contact initial. Le
coût moyen du contact s’établit entre 4,5 euros
et 5,5 euros TTC. L’office de tourisme définit
un budget mensuel maximal, qui se révèle rapi-
dement insuffisant. L’activité du concierge est
donc limitée pour en maîtriser les coûts.
CONVERSATIONS. Environ 250 conversations
sont traitées par la conciergerie pendant la
période d’activité. Les conversations durent en
moyenne entre dix et vingt minutes, avec des
échanges approfondis. Le contenu de l’échange
ressemble plus à un accueil en face à face, au
comptoir en office, qu’à un contact télépho-
nique. Il s’agit d’un véritable échange sur toutes
les composantes de la destination
Les demandes sont aussi diverses que celles
qui peuvent être formulées aux conseillers en
séjour dans les bureaux d’accueil. Elles sont
souvent très précises, les réponses attendues
tout autant. On note aussi un lot classique
de demandes farfelues, tout comme dans les
offices de tourisme ! Le pic de fréquentation
a lieu le 14 Juillet, afin de connaître l’horaire
du feu d’artifice.
Voici un résumé des demandes les plus trai-
tées :
– les demandes purement touristiques, d’aide
en amont du séjour. Elles portent surtout sur
la recherche d’hébergement. L’internaute veut
des précisions, soit pour filtrer ses recherches,
soit à propos d’un établissement dont il est en
train de consulter la fiche. Les échanges se font
du tac au tac et se déroulent au fil de l’explo-
ration de la demande. Le concierge est au cœur
du parcours d’achat de l’internaute. La satis-
faction client est évidente. Les demandes por-
tent aussi sur les idées de visites (notamment
les visites guidées) et d’activités (tout particu-
lièrement en famille) ;
– les demandes concernant l’agenda (fêtes et
manifestations, festivals, événements). On est ici
sur des demandes souvent immédiates (du jour
pour le lendemain, bien souvent). Quelques
demandes se font en amont, en particulier pour
SYLVAIN PECHCONTAL ET SABINE DARRIEUTORT
Les demandes sont aussi diverses
que celles qui peuvent être formulées
aux conseillers en séjour dans les
bureaux d’accueil.
les grands événements. Même s’il est difficile
de faire une synthèse qualifiée des demandes, on
note que ces demandes émanent tant du public
local que des touristes en séjour. Les demandes
portent sur la précision d’un prix, d’un lieu de
rendez-vous, d’un contact de réservation. Le
concierge est l’aide de dernière minute, celui
qui rassure ;
– les demandes concernant les restaurants. Elles
se font dans la même optique que les demandes
concernant l’agenda. Le concierge est sollicité
pour aider au choix et filtrer. L’internaute lui
demande souvent un retour d’expérience per-
sonnelle ;
– les demandes d’informations pratiques (trans-
port, parking, etc.). Elles ont lieu avant ou pen-
dant le séjour ;
– les demandes farfelues (à quoi sert la cathé-
drale ?) ; les demandes liées à des souvenirs per-
sonnels (qu’abritait tel bâtiment avant 1945 ?) ;
la drague ! (eh oui ! le concierge du soir s’est
fait draguer, mais cela ne nous regarde pas…).
La fonction “raccourcis” de tawk.to a été
utilisée afin de créer une batterie de réponses
types dans lesquelles le concierge pouvait pio-
cher. Au cours des premières semaines, des
réajustements dans les paramétrages des déclen-
cheurs ont été réalisés, afin de les rendre moins
intrusifs. Chaque visiteur ne recevait plus qu’une
sollicitation au bout de soixante secondes de
navigation. Même si l’application fonctionne
sur smartphone, il est rapidement apparu que
le concierge devait réaliser la mission depuis
un ordinateur, afin de pouvoir gérer les
recherches d’informations parallèlement à la
conduite de la, ou des conversations.
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 105
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
3 • OUVRIR LES PORTES DE LA DESTINATION
PERSPECTIVES. Ce dispositif a fonctionné du
2 mai au 30 septembre 2016 et s’est arrêté du
fait de la fin d’activité de la société partenaire,
son fondateur et gérant ayant été débauché
par l’un de ses clients. C’est en grande partie
sa bonne connaissance de la destination et des
outils touristiques (système d’information tou-
ristique, notamment) qui nous avait convain-
cus. L’office de tourisme n’a pas trouvé d’autre
opérateur privé pour le remplacer.
Toutefois, persuadé du potentiel de ce service
et fort de cette expérience, l’office de tourisme
du Grand Auch va présenter le dispositif à des
offices de tourisme du Gers. Le comité dépar-
temental du tourisme soutient l’office dans
cette démarche, mais ne se positionne pas à
ce jour comme opérateur de la conciergerie ; il
est associé aux réunions de travail program-
mées avec les offices. Le mode de fonctionne-
106 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
ment n’est pas défini, même si la mise en place
d’un roulement (un principe d’astreinte) pour-
rait être envisagée. L’un des principaux enjeux
est de définir l’organisation collective.
Il est envisagé une mutualisation du système
par l’installation du même widget sur les dif-
férents sites web des partenaires. L’ouverture
de la conciergerie serait assurée par des
conseillers en séjour à tour de rôle. Le princi-
pal écueil identifié reste la qualité de l’infor-
mation disponible et partagée.
Sans attendre cette mutualisation, l’office
de tourisme du Grand Auch envisage, pen-
dant les périodes d’ouverture de l’office de
tourisme, la création d’un poste de conseiller
en séjour numérique gérant le tchat et le stan-
dard téléphonique, répondant aux questions
reçues sur les réseaux sociaux, les e-mails, mais
aussi par courrier… ■
 HERVÉ PARGUE

JULES&JULIE,
SHOPPING
CONCIERGE
À PARIS
Jules&Julie propose aux touristes étrangers d’être accom-

pagnés par une personne parlant leur langue pour faire du HERVÉ PARGUE

shopping dans Paris. Pour chaque client, ce service d’assis- Directeur général
Jules&Julie
tance personnelle établit un parcours s’articulant autour d’une < herve@julesandjulie.com >

sélection de boutiques et de la visite du quartier. Dans les

boutiques, l’accompagnateur reste à la disposition du client

pour l’aider à décrypter les étiquettes ou faire office d’inter-

prète auprès des vendeurs.

a genèse du service Jules&Julie les vendeurs. Il n’existe aucune offre structu-

L prend sa source à la confluence

d’un triple constat. Le shopping
fait partie des principales activités
des touristes à Paris, surtout des
visiteurs étrangers (15 millions de personnes
chaque année). L’accueil dans les boutiques
laisse à désirer, notamment du fait de la
rée de type “guide-accompagnateur de shop-
ping”.
Entre la visite des musées, des monuments
et la découverte des quartiers de Paris, les tou-
ristes étrangers ont souvent un programme
assez chargé durant leur séjour. Notre service
s’adresse à ceux qui souhaitent optimiser leur
médiocre maîtrise de la langue anglaise par temps consacré au shopping. C’est notam-

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 107
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
3 • OUVRIR LES PORTES DE LA DESTINATION
ment le cas de la clientèle “affaires”, qui sou-
vent ne dispose que de très peu de temps pour
caser une séquence shopping pendant un court
séjour à Paris, à l’occasion d’un congrès ou
d’un voyage d’affaires.
En matière de shopping, que ce soit pour
se repérer dans la ville ou pour identifier des
boutiques pertinentes, la barrière linguistique
est majeure. Avec Jules&Julie, les voyageurs
disposent d’un(e) accompagnateur(trice), qui
parle leur langue, qui leur permet de parcou-
rir la capitale de manière agréable, sans se
perdre.
SERVICE DE CONCIERGERIE. Jules&Julie pro-
pose donc un service de conciergerie hors
hébergement consacré au shopping et s’arti-
culant autour de balades dans les quartiers
commerçants de Paris. Le service proposé est
individuel. Nous ne proposons jamais de
regrouper des touristes qui ne se connaissent
pas. En revanche, le service peut tout à fait
d’envisager pour un petit groupe d’ami(e)s
ou une famille. En tout état de cause, un
groupe ne peut excéder quatre personnes.
Nous avons deux types d’offre, une offre
standard et une offre sur mesure. Avec l’offre
standard, le client paie un tarif forfaitaire pour
bénéficier de la prestation “shopping guide”,
avec deux formules : matin (durée de trois
heures et demie) ou après-midi (durée de cinq
heures). Six parcours correspondant à six
quartiers différents sont proposés, pour une
découverte à pied. Le client est invité à pré-
ciser le type d’achat qu’il envisage : chaus-
sures ? pantalons ? robes ou jupes ? lingerie
et sous-vêtements ? chemises ? cosmétique ?
etc. C’est à partir de cette liste de souhaits
que notre équipe de stylistes établit un par-
cours sur mesure. La valeur ajoutée du ser-
vice réside donc non seulement dans l’ac-
compagnement physique, mais également
dans la sélection d’un certain nombre de com-
merces correspondant aux attentes du client.
Ce service est facturé 200 euros pour la mati-
née et 250 euros pour l’après-midi, quel que
soit le nombre de personnes (dans la limite
de quatre personnes).
108 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
L’offre sur mesure (“shopping concierge”)
s’adresse à une clientèle exigeante ayant des
envies spécifiques en matière de : types de pro-
duits recherchés ; lieux de shopping souhaités
(ailleurs que dans les six principaux quartiers
de Paris que nous avons ciblés, voire dans
d’autres zones commerciales en Île-de-France) ;
horaires. Elle se caractérise par une gamme
de prestations additionnelles susceptibles
d’être choisies à la carte par le client : réser-
vation d’un restaurant pour le déjeuner, livrai-
son des achats à l’hôtel… Le prix est établi
sur la base d’un tarif horaire de 70 euros (deux
heures mininum). Le client peut donc deman-
der que lui soit établie une proposition de par-
cours à la carte et fixer lui-même la durée de
l’accompagnement, la liste des lieux qu’il sou-
haite parcourir, la nature spécifique des achats
qu’il souhaite réaliser (ou un type d’achat en
particulier) ; il peut aussi définir ses modalités
de déplacement (à pied, en transport en com-
mun, en taxi ou VTC, à Vélib, etc.).
Le service de Jules&Julie n’est pas un service
de personal shopper apportant une expertise
et des conseils en matière de style vestimen-
taire. Nos accompagnateurs ne disposent d’au-
cune qualification particulière en matière de
mode. Nous souhaitons conserver une totale
indépendance dans la recommandation des
boutiques à partir de critères définis par le
client lui-même. C’est pourquoi notre service
ne sera jamais lié à aucune marque ni à aucune
boutique. Nous entendons faire de ce posi-
tionnement un argument commercial à part
entière.
DÉCOUVERTE D’UN QUARTIER. Paris est tout à
la fois une des plus belles villes au monde et
la capitale mondiale de la mode. Partant de
ce double constat, nous voulons proposer avec
Jules&Julie une expérience inédite alliant
shopping et découverte de la ville, de ses rues,
de ses quartiers et de son patrimoine.
Outre la liste des boutiques sélectionnées
pour le client, l’accompagnateur dispose de
fiches d’information sur chaque point d’inté-
rêt patrimonial identifié sur le parcours (par
exemple, le palais de l’Élysée quand on est

rue du Faubourg-Saint-Honoré, la place des
Vosges une fois au bout de la rue des Francs-
Bourgeois). Sans prétendre nous substituer à
un guide conférencier, nous souhaitons être
en mesure d’apporter un premier niveau de
réponse à la question “Qu’est-ce que c’est ?”
que les visiteurs étrangers ne manquent pas
de poser face à tel monument, tel parc, tels
église, place ou bâtiment qu’ils croisent sur
leur parcours. En tout état de cause, si les
clients ont choisi de faire du shopping à ciel
ouvert dans les rues de Paris plutôt que d’al-
ler dans un centre commercial ou un grand
magasin, c’est qu’ils veulent en profiter aussi
pour découvrir la ville et ses habitants.
DÉROULEMENT. L’accompagnateur dispose
d’une feuille de route élaborée par nos soins.
Celle-ci précise l’itinéraire à suivre rue par rue
avec la sélection de boutiques, les points d’in-
térêt patrimoniaux et, pour l’après-midi, les
endroits où le client est susceptible de faire
une pause pour le thé ou un goûter. Le rôle
de l’accompagnateur consiste donc à suivre
le parcours défini en indiquant au client les
magasins et les points d’intérêt au fur et à
mesure du parcours.
Dans les boutiques, l’accompagnateur reste
à la disposition du client pour l’aider à décryp-
ter les étiquettes et pour faire office d’inter-
HERVÉ PARGUE
prète auprès des vendeurs si le client le solli-
cite. Si le client souhaite être assisté dans les
démarches de détaxe durant ses achats, l’ac-
compagnateur lui vient en aide auprès des
vendeurs.
Le matin, les magasins ouvrant vers
10 heures, il est proposé que l’accompagnant
donne rendez-vous au client à 9 h 30. Le lieu
de rendez-vous peut être le lieu d’héberge-
ment du touriste (l’hôtel, la location…). Le
soir, l’accompagnement se termine vers 19
heures, en fonction de l’horaire de fermeture
des derniers magasins prévus sur la liste.
L’accompagnant raccompagne le client jus-
qu’à son lieu d’hébergement.
EXPÉRIMENTATION. Jules&Julie est en phase
de test jusquà la fin de l’année. L’objectif est
d’éprouver le service sur le plan opérationnel
et, le cas échéant, d’ajuster l’offre et le péri-
mètre de service à partir des retours d’expé-
rience. Ces éléments permettront d’élaborer
une plate-forme pérenne pour le second
semestre 2018. D’ici à 2020, nous souhaitons
progressivement déployer le service en une
dizaine de versions étrangères. Si l’expérience
parisienne est concluante, nous souhaitons
également faire de Jules&Julie une marque
et un service international en déployant le ser-
vice dans d’autres grandes métropoles. ■
© s4svisuals
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 109
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
4 • RENDRE DES SERVICES PRATIQUES

AT THE CORNER
PROPOSE AUX HÔTELS
DE DEVENIR DES CONCIER-
GERIES DE QUARTIER

At The Corner propose aux hôtels d’ouvrir leurs services

PIERRE-JULIEN à des clients extérieurs, qu’ils soient utilisateurs d’Airbnb,

CROVISIER
voyageurs en transit encombrés par leurs bagages, locaux
Fondateur de
At The Corner souhaitant utiliser les services de l’hôtel (petit déjeuner,
< pj.crovisier@atthecorner.fr >
accès à la salle de fitness, location de linge de maison…).

Son ambition : que les hôtels deviennent de véritables

conciergeries de quartier, ouvertes aux touristes comme aux

habitants. Une ambition qui rejoint une tendance actuelle

de l’hôtel à devenir un lieu de vie diurne et nocturne.

e nombre de plates-formes de loge- contraintes liées à l’accueil apparaissent.

L ments entre particuliers a explosé

ces dernières années. On citera
Homeaway, Misterbnb, Roomlala,
Magicstay… et, bien évidemment,
Airbnb. Après la réticence, puis le plaisir d’ac-
cueillir des étrangers dans son logement, les
Comment remettre les clés à mes voyageurs ?
Comment gérer le nettoyage du linge de mai-
son ? Les voyageurs rencontrent eux aussi des
problèmes auxquels ils n’étaient plus habi-
tués. Pourrai-je accéder au logement si je suis
en retard ? Que faire de mes bagages le dernier

110 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

jour de vacances ? Pour faire face à ces nou-
velles contraintes, des conciergeries consa-
crées à la location entre particuliers se sont
développées.
BOULEVERSEMENTS. En quelques années, la
location de logement entre particuliers a véri-
tablement bouleversé le marché de l’héberge-
ment touristique. Rien que sur le site Airbnb,
plus de 300 000 logements sont proposés à la
location en France, dont environ 55 000 à
Paris. Au niveau mondial, plus de 2 millions
d’annonces sont disponibles, et cela dans plus
de 190 pays. Airbnb n’étant pas la seule plate-
forme (même si elle est la plus connue), ces
chiffres ne sont pas véritablement représenta-
tifs de la taille de cette tendance. Il est cepen-
dant important de noter que la plupart de ces
hébergements ne sont pas disponibles toute
l’année. Mais alors, a-t-on une idée de la fré-
quentation de ce nouveau mode d’héberge-
ment ?
Au vu du nombre de plates-formes et de la
jeunesse du mouvement, il est seulement pos-
sible de donner des estimations. Selon l’Insee,
en 2016, la fréquentation des logements pro-
posés par des particuliers représenterait
25,5 millions de nuits en France métropoli-
taine(1). Cela équivaut à 11 % de la fréquen-
tation des hébergements touristiques mar-
chands (hôtels, campings, résidences de
tourisme…). Cette fréquentation serait ainsi
en hausse de 30 % par rapport à 2015. Ce
taux de croissance annuel devrait rester stable
au moins jusqu’en 2025, selon le cabinet
PWC(2).
Pour répondre aux nouvelles probléma-
tiques des adeptes de la location de logements
entre particuliers, des sociétés se sont posi-
tionnées en tant que conciergerie.
Certaines ont choisi de lier des partenariats
avec des commerces de quartier (boutiques,
bars, restaurants) pour qu’ils servent de points
de dépôt/retrait pour les clés ou pour les
bagages. Si elles répondent à la problématique
de remise de clés pour les hôtes ou à celle de
consignes à bagages pour les voyageurs, leurs
services de conciergerie sont donc très limi-
PIERRE-JULIEN CROVISIER
tés. De plus, les horaires d’ouverture des com-
merces restent une contrainte importante pour
leurs utilisateurs.
D’autres sociétés sont allées un peu plus
loin dans l’esprit de la conciergerie. En fai-
sant appel à des auto-entrepreneurs, elles assu-
rent des prestations de remise de clés et de
ménage pour les logements des particuliers
en location. Par contre, ces services nécessi-
tent la prise d’un rendez-vous et aucune pres-
tation supplémentaire n’est proposée aux
voyageurs.
D’autres encore proposent de gérer inté-
gralement les logements en location. Elles
s’occupent de la remise des clés, du ménage
et de la communication en ligne avec les voya-
geurs. Mais, là encore, aucun service n’est
proposé aux voyageurs.
Le marché des services complémentaires à
l’hébergement s’est majoritairement concen-
tré sur les besoins des hôtes. Les voyageurs
quant à eux peuvent se tourner vers des sites
internet afin qu’on les aide à vivre leurs expé-
riences de voyage. Par exemple, ils peuvent
acheter des billets pour les attractions et
monuments grâce au site internet Ceetiz. Ils
peuvent également réserver une table dans un
restaurant grâce à La Fourchette. Cependant,
ces prestations ne peuvent pas véritablement
être considérées comme de la conciergerie.
À l’apparition de la location de logements
entre particuliers, les hôteliers n’ont pas ana-
lysé l’ampleur du changement en cours. Une
véritable évolution des envies des voyageurs (1) INSEE, “Les logements
s’est fait jour : vivre une expérience locale ; touristiques de particuliers
être hébergé dans des lieux non standardisés ; proposés par internet, Insee
rencontrer des personnes sur place ; voyager Analyses, n° 33, février
facilement en famille ou en groupe… 2017.
RÉACTION. Du fait de sa croissance, le mou- https://www.insee.fr/fr/stati
vement a fini par faire réagir les acteurs tra- stiques/2589218
ditionnels. Leur réaction a alors été d’essayer (2)
de ralentir, voire d’arrêter, cette évolution. Les http://www.pwc.fr/fr/espace
syndicats hôteliers et les hébergeurs réunis au -presse/communiques-de-
sein de l’Ahtop (Association pour un héber- presse/2016/septembre/eco
gement et un tourisme professionnels) ont nomie-collaborative-
poussé des propositions de loi auprès du prevision-de-83-milliards-
Parlement ; un certain nombre d’entre elles d-euros-ca.html
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 111
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
4 • RENDRE DES SERVICES PRATIQUES
At The Corner invente les services d’hospitalité de
demain en faisant collaborer l’hôtellerie et la location de logements
entre particuliers. En effet, grâce à son réseau d’hôtels partenaires,
l’entreprise fournit des services d’hospitalité aux hôtes et aux voya-
geurs, adeptes de l’économie collaborative. Actuellement, elle pro-
pose les services suivants : remise de clés vingt-quatre heures sur
vingt-quatre, sept jours sur sept ; consignes à bagages locales ; petits
déjeuners buffets. La réservation des prestations a lieu sur le site
internet [ www.atthecorner.fr ] qui répertorie les établissements par-
tenaires ainsi que les services disponibles. Les prestations se dérou-
lent directement à la réception des hôtels.
En devenant partenaire d’At The Corner, les hôteliers gagnent des reve-
nus additionnels sans changer leurs coûts fixes, augmentent la visibilité
de leur établissement auprès des voyageurs et auprès des locaux et,
enfin, pénètrent le nouveau marché, en forte croissance, de la location
d’hébergements entre particuliers. Les voyageurs et les locaux ont quant
à eux accès à des services professionnels de proximité, et cela sur de
larges plages horaires. À terme, At The Corner souhaite permettre à ses
partenaires hôteliers d’être de véritables conciergeries de quartier. Ils
géreront toujours leurs chambres, mais pourront également s’occuper
des logements en location situés à proximité de leurs établissements.
Créée fin 2015, At The Corner est présent dans plus de 20 villes françaises
(Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Nice…), avec plus de
50 hôtels partenaires. ■ ou encore la fourniture de linge de maison
112 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
ont été votées. Au lieu de ralentir le mouve-
ment, ces nouvelles lois ont permis de péren-
niser le marché. D’un côté, les abus qui étaient
apparus ont diminué ; de l’autre, la recon-
naissance de la location de logements entre
particuliers est actée, puisque cette pratique
est maintenant juridiquement encadrée.
Après le déni et la résistance, de plus en
plus d’hôteliers souhaitent désormais s’adap-
ter. Plusieurs initiatives sont nées. Par
exemple, le groupe français Châteaux &
Hôtels Collection a décidé de proposer ses
chambres sur la plate-forme Airbnb. Le
groupe hôtelier Room Mate a quant à lui
créé une plate-forme de location de logements
entre particuliers, appelée Be Mate. Elle se
différencie en offrant les services présents
dans ses établissements aux utilisateurs de la
plate-forme. Les équipes de réception des
hôtels du groupe sont ainsi transformées en
concierges pour location de logements entre
particuliers.
D’autres entreprises se sont développées
sur cette tendance de rapprochement entre
hôtellerie et location de logements entre par-
ticuliers. Parmi celles-ci, At The Corner a
pour objectif d’inventer les services d’hospi-
talité de demain en faisant collaborer ces deux
mondes. Elle propose aux hôtels d’ouvrir
leurs services d’hospitalité à une clientèle
extérieure pour les services suivants : remise
de clés, consigne à bagages et petit déjeuner.
Au contraire de la plate-forme Bemate évo-
quée ci-dessus, elle vend ses prestations à
tous : utilisateurs d’Airbnb ou d’autres plates-
formes de location de logements entre parti-
culiers ; voyageurs en transit encombrés par
leurs bagages ; locaux souhaitant donner
accès à leur logement ou adeptes de brunch
à petit prix…
At The Corner aide ainsi les hôteliers à
devenir de véritables fournisseurs de services
d’hospitalité. En plus des trois services déjà
disponibles à la réservation, des prestations
telles que l’accès à une salle de fitness inti-
miste, la réservation d’une place de parking

de qualité seront proposées prochainement.
Les hôtels deviennent petit à petit de véri-
tables conciergeries pour les voyageurs et
pour les locaux.
LIEUX DE VIE. Une chose est sûre : l’hôtel de
demain ne ressemblera pas à celui que l’on
connaît aujourd’hui. Dans le même esprit
qu’At The Corner, le groupe Accorhotels a
lancé récemment une application nommée
Accorlocal. Grâce à celle-ci, les locaux peu-
vent accéder aux services des commerces de
quartier vingt-quatre heures sur vingt-quatre,
sept jours sur sept. Besoin d’acheter un bou-
quet de fleurs ? Réservez-le en ligne, faites-
le déposer à l’hôtel proche de chez vous et
récupérez-le quand vous le souhaitez.
Cordonnerie, pressing… plusieurs services
seront disponibles.
L’hôtel de demain réinventera également
ses espaces communs en insistant sur l’im-
© kyrien
PIERRE-JULIEN CROVISIER
portance de créer des lieux de vie. En plus de
la rénovation d’hôtels déjà existants, de nou-
velles marques fondées sur ces idées sont appa-
rues. La marque Mama Shelter en est un bon
exemple. Ses établissements sont constitués
de chambres, mais également de restaurants
et de bars chaleureux. Ils réunissent ainsi des
voyageurs et des locaux, transformant ces éta-
blissements en lieux de vie.
■■
Il est donc facile d’imaginer que demain,
nous (en tant que locaux et voyageurs) fran-
chirons très régulièrement les portes des hôtels
afin de profiter de leurs espaces communs et
de leurs services de conciergerie. Et pourquoi
pas un jour aller acheter du pain et des vien-
noiseries dans des établissements hôteliers
comme s’ils étaient des boulangeries ? La
rumeur court qu’Accorhotels y aurait déjà
pensé. ■
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 113
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
4 • RENDRE DES SERVICES PRATIQUES

BNBSITTER,
SERVICE
D’ASSISTANCE
AU PROPRIÉTAIRE

Bnbsitter est un service d’assistance à la location saison-

Interview de
PIERO CIPRIANO nière. Il assiste le propriétaire du logement en fournissant

Cofondateur et des services d’accueil, de ménage, de location de linge…

directeur général
Bnbsitter C’est à leur corps défendant que les fondateurs de Bnbsitter
< piero@bnbsitter.com >
parlent de services de conciergerie, considérant que les ser-

vices qu’ils fournissent sont des services de réception et de

femme/valet de chambre. Mais ils ont dû céder à la tendance

actuelle, qui est de qualifier de “services de conciergerie”

tous les services d’assistance au particulier.

BNBSITTER A INVENTÉ UN NOU- POUVEZ-VOUS NOUS EXPLIQUER

VEAU MÉTIER, CELUI D’ASSIS-
TANT DE LA LOCATION SAISON-
NIÈRE (ACCUEIL, MÉNAGE,
LOCATION DE LINGE…), DONT
VOUS PARLEZ COMME D’UN
SERVICE DE CONCIERGERIE.
POURQUOI ?
En effet, notre site nous présente comme
“le numéro 1 de la conciergerie Airbnb” ;
notre dossier de presse parle de nous comme
étant le “premier service de conciergerie à la
carte”.

114 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

Pour tout vous dire, nous utilisons le terme
de conciergerie à notre corps défendant,
essentiellement pour répondre aux demandes
des clients qui entrent sur les moteurs de
recherche les mots “concierge” ou “concier-
gerie”.
Mais, pour nous, la conciergerie renvoie
soit au monde du luxe et de l’hôtellerie haut
de gamme, soit au métier de concierge d’im-
meuble, à connotation malheureusement plu-
tôt négative. Dans un cas comme dans l’autre,
cela décrit assez mal ce que nous proposons.
Lorsque nous avons créé notre entreprise,
nous avions conscience d’être des précurseurs
et de développer un métier nouveau, pour
lequel nous avons inventé une expression :
le “bnbsitting”. Un bnb sitter n’est pas vrai-
ment un concierge. Son domaine d’activité
correspond plutôt à deux métiers qu’on
trouve dans l’hôtellerie :
– le réceptionniste. Il accueille les voyageurs,
leur donne les clés du logement et leur en
explique le “mode d’emploi” ;
– le valet/femme de chambre. Il prépare l’ap-
partement (ménage) en prêtant attention aux
petits détails.
Naturellement, nous préférons donc par-
ler de bnbsitter ou de sitter. Les propriétaires
qui font appel à nous se mettent d’ailleurs
progressivement à utiliser ces expressions.
Quant aux sitters, ce sont des auto-entre-
preneurs qui gèrent leurs missions comme ils
l’entendent, en fonction de leurs disponibi-
lités.
JUSTEMENT, POUVEZ-VOUS
EXPLIQUER LE LIEN QUE VOUS
AVEZ AVEC AIRBNB ET AVEC LES
AUTRES PLATES-FORMES ? secondaires à louer. Il y est plus difficile de
Notre idée de départ est née d’une expé-
rience personnelle. Arrivés à Rio de Janeiro
où nous avions réservé un hébergement sur
une plate-forme en ligne, nous avons dû
attendre plusieurs heures que notre hôte
arrive sur place pour nous remettre les clés,
car il venait de l’autre bout de la ville. De
cette mésaventure est née l’idée de proposer
PIERO CIPRIANO
un service de conciergerie aux propriétaires
qui souhaitent déléguer l’accueil des guests
dans leur appartement, en cas d’absence par
exemple. Notre ambition est simple et
consiste à rendre plus facile la vie de ceux
qui louent leur logement sur des plates-formes
collaboratives. Nous sommes donc nés dans
le sillage d’Airbnb, plate-forme leader de loca-
tion entre particuliers, à un moment où cette
nouvelle forme d’hébergement se développe
très fortement et propose une véritable offre
alternative aux formes traditionnelles d’hé-
bergement comme l’hôtellerie. Nous n’avons
pas de partenariat formel avec Airbnb, même
si nous avons pu mener des opérations ponc-
tuelles avec la plate-forme, par exemple lors
de l’Airbnb Open 2015 qui s’est tenu à Paris.
Airbnb a un poids énorme dans les villes
touristiques, comme Paris, Milan ou Rome,
par exemple, où la plate-forme concentre
probablement quelque 80 % du marché de
la location de vacances. C’est pourquoi nous
nous sommes d’abord développés dans ces
villes, en démarrant à Paris en 2013. La
deuxième ville où nous avons été présents est
Chamonix (fin 2014, après un an d’exis-
tence). Aujourd’hui, Bnbsitter propose ses
services dans 22 villes en France, Italie,
Belgique et Suisse. Nous proposons nos ser-
vices à la carte aux hôtes qui sont sur la plate-
forme Airbnb, mais également sur d’autres
plates-formes, comme Homeexchange ou
Guesttoguest (échange de maisons), Booking,
Abritel, ou encore Leboncoin. Si nous
sommes leader dans les villes touristiques,
nous avons pour l’instant plus de mal à être
présents sur le littoral ou dans le monde rural,
où il y a pourtant de nombreuses résidences
réussir à offrir ce service d’assistance, sim-
plement pour une question de densité cri-
tique entre offre et demande. Mais le mar-
ché est immense et nous souhaitons nous
développer partout.
Avec actuellement 500 sitters, nous arri-
vons à gérer 6 000 appartements. Nous
sommes aujourd’hui la plus grosse plate-
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 115
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
4 • RENDRE DES SERVICES PRATIQUES
forme pour ce type de services. En 2016,
25 000 prestations ont été réservées sur le
site Bnbsitter, ce qui correspond à
100 000 voyageurs accueillis par nos sitters.
La croissance reste très forte : sur le premier
trimestre 2017, elle est de + 100 % par rap-
port à la même période en 2016.
QUELS SONT VOS PRINCIPAUX
ATOUTS ET COMMENT FORMEZ-
VOUS LES SITTERS ? prend sa photo, le nombre de prestations
Notre force principale est notre équipe.
Bnbsitter compte aujourd’hui 22 salariés.
Neuf personnes travaillent au service client
(dont la sélection et l’information des sitters) ;
neuf autres développent et perfectionnent la
technologie de la plate-forme (c’est essentiel
pour gérer de tels volumes et avoir une qua-
lité de design utilisateur très performante) ;
les salariés restants travaillent au sein d’un
petit pôle marketing et communication et d’un
pôle administratif.
La sélection des sitters, dont deux personnes
s’occupent à temps plein, est au cœur de notre
système. Les candidats sitters se connectent
sur le site pour engager le processus de recru-
tement, dont la première phase se fait entière-
ment en ligne. Un premier tri est fait sur deux
conditions indispensables : parler anglais et
disposer d’un smartphone. Le candidat
visionne deux vidéos présentant le service
Bnbsitter et ce qu’on attend d’un bnbsitter,
puis remplit un formulaire de questions-
réponses (il faut avoir 80 % de bonnes
réponses au minimum). Une fois les documents
administratifs rassemblés (pièce d’identité, sta-
tut auto-entrepreneur et attestation responsa-
bilité civile professionnelle), les candidats sont
reçus par une personne qui leur explique en
détail le fonctionnement de la plate-forme
(création du compte sitter, gestion du calen-
drier des disponibilités, de la facturation
client…). Bnbsitter réalise un suivi attentif des
prestations : via des points téléphoniques avec
le sitter (pour les trois premières prestations,
notamment), puis via une veille des avis laissés
par les hôtes sur la plate-forme.
116 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
ON NE PEUT DONC PAS VÉRITA-
BLEMENT PARLER DE FORMA-
TION AU MÉTIER DE CONCIERGE.
En effet, il s’agit surtout de faire com-
prendre au sitter le mode d’emploi de la plate-
forme et de le familiariser avec toutes les fonc-
tionnalités de cette dernière. La plate-forme
permet la communication directe entre sit-
ters et propriétaires. Ceux-ci sélectionnent
leur sitter sur la base de son profil qui com-
effectuées (de moins de 20 pour les débu-
tants, à plus de 500 pour les plus aguerris), les
langues parlées et la note, constituée par les
avis laissés par les propriétaires qui jugent la
qualité de la prestation. Ces derniers peuvent
envoyer au sitter des informations précises
sur le logement, des fiches détaillées sur la
manière de préparer l’arrivée des voyageurs…
Il n’y a de ce fait aucune standardisation des
services, ce qui permet de garder l’unicité de
chaque lieu, qui reste à l’image de son pro-
priétaire. Nous avons créé un intermédiaire
nouveau, le sitter, qui peut s’effacer devant
le propriétaire si celui-ci est très “encadrant”,
ou au contraire jouir d’une grande liberté et
faire jouer alors sa personnalité et son savoir-
accueillir. Il n’y a donc pas à proprement par-
ler de formation, qui sous-entendrait qu’il y
a un savoir-faire spécifique à maîtriser au
préalable. Chaque sitter réagit sur le terrain,
en interaction permanente avec les voyageurs
qu’il reçoit. Contrairement à l’hôtellerie clas-
sique où les compétences transmises et les
modes de faire auxquels les personnels sont
formés sont quasi immuables, chez nous le
produit s’adapte en temps réel grâce au feed-
back immédiat des voyageurs.
LE PROPRIÉTAIRE N’A DONC
PLUS AUCUN CONTACT AVEC LES
PERSONNES ACCUEILLIES DANS
SON LOGEMENT ?
En effet, il n’a aucun lien avec le voyageur
final. Il n’y a pas non plus de contact physique
entre le propriétaire et le sitter qui reçoit à sa
place les guests, à qui il confie les clés de son

appartement. Comme le système repose sur la
confiance, nous avons beaucoup travaillé sur
ce point, afin qu’en permanence le proprié-
taire soit rassuré. Il a la possibilité de joindre
le service client par téléphone, de contacter le
sitter à tout moment par e-mail ou SMS. Le
sitter lui envoie des photos une fois l’apparte-
ment libéré et nettoyé, l’informe en temps réel
de la remise ou de la récupération des clés…
Et nous avons bien sûr mis en place un sys-
tème d’assurances complémentaires.
QUI SONT VOS SITTERS ? Ce service Plus, que nous avons mis en
Ils ont entre 25 et 45 ans, avec un équilibre
exact entre les hommes et les femmes. Ce ne
sont donc pas des étudiants dans la plupart
des cas, mais plutôt des personnes qui ont
terminé leurs études et cherchent une pre-
mière expérience professionnelle ou des per-
sonnes en reconversion. Certains sont
concierges à plein temps. Une partie d’entre
eux le faisaient déjà de manière informelle,
de façon plus ou moins régulière pour des
voisins ou des amis. Bnbsitter vient simpli-
fier et sécuriser leur activité, à la fois pour la
partie administrative, la communication avec
les voyageurs et avec le propriétaire… Leur
activité peut alors devenir plus régulière et
maîtrisée. Leurs revenus via la plate-forme
sont en moyenne de 2 000 euros par mois
(en honoraires d’auto-entrepreneur).
POUR RÉSUMER, VOUS VOUS
ADRESSEZ ESSENTIELLEMENT
AUX PROPRIÉTAIRES QUI CHER-
CHENT À OPTIMISER LEUR LOCA-
TION. POUVEZ-VOUS PRÉCISER
QUELS SONT LES DIFFÉRENTS
NIVEAUX DE PRESTATIONS ? optimiser leur location et maximiser leurs
Nous considérons que l’hospitalité est un
devoir du propriétaire, pas une prestation à
payer par le voyageur. L’accueil est un acte
gratuit de bienveillance. Notre modèle reste
fidèle à cette philosophie de départ. Par
exemple, quand le guest est en retard, nous
prévoyons une petite majoration qui est fac-
turée au propriétaire.
PIERO CIPRIANO
Nous proposons trois niveaux de service
pour nos clients, avec une tarification sim-
plifiée et abordable. Le service de base, à par-
tir de 20 euros, concerne l’accueil et le départ
des voyageurs (coordination avec les voya-
geurs, remise des clés et présentation du loge-
ment, check-out). Le service ménage et linge
est proposé avec deux niveaux de prestation :
Basic (20 euros) et Plus (40 euros) pour une
qualité hôtelière (location de linge avec un
pack de bienvenue, ménage effectué par un
agent professionnel…).
place fin 2016, a très vite trouvé son mar-
ché, pour deux raisons. Tout d’abord, offrir
des services haut de gamme est une réponse
au besoin de différenciation des annonces,
dont l’offre devient pléthorique sur les plates-
formes. Ensuite, Airbnb est en quelques
années devenu mainstream : le même voya-
geur, selon les circonstances de son séjour,
réserve une chambre d’hôtel ou un logement
chez l’habitant, mais il s’attend à trouver le
même type de prestations “hôtelières” par-
tout. Enfin, on observe que l’époque des pion-
niers de la consommation collaborative est
révolue : les propriétaires qui prenaient plai-
sir à gérer leur annonce, à échanger avec des
voyageurs du monde entier… sont un peu
fatigués quelques années plus tard. Sans
compter qu’il y a parmi eux des personnes
qui sont dans une logique d’investissement
immobilier, d’autres qui louent systémati-
quement dès qu’ils partent en week-end ou
en vacances…
Conscient de cette nouvelle donne,
Bnbsitter apporte depuis février 2017 une
solution aux propriétaires qui souhaitent
revenus en externalisant la gestion complète
de leur annonce Airbnb : c’est notre troisième
niveau de prestation. Nous travaillons notam-
ment sur le pricing de l’annonce de location
– nous avons d’ailleurs développé notre
propre algorithme pour ce faire. Nous aidons
le propriétaire dans la rédaction et la mise
en ligne de l’annonce, l’ensemble de la com-
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 117
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
4 • RENDRE DES SERVICES PRATIQUES
munication avec les voyageurs, l’accueil, le
ménage et le linge pour chaque séjour. Pour
cette prestation complète, Bnbsitter prélève
15 % du revenu généré par la location, ce
qui fait de nous les moins chers du marché.
À CE PROPOS, QUI SONT VOS
CONCURRENTS ? D‘ALLER PLUS LOIN SUR LES
Nous avons été les premiers et nous
sommes leaders sur le marché. Parmi les
clones de Bnbsitter, on peut citer Bnbcare,
Bnblord, Welkeys… ou Bnbees, qui a déjà
arrêté. Gérer un service de conciergerie pour
plusieurs centaines de logements n’est pas
chose aisée. Le défi est de réussir à proposer
le même niveau de service avec un taux de
qualité élevé pour tous les logements (ce taux
est de 98 % chez Bnbsitter). Certaines agences
traditionnelles ont développé des offres de
service de gestion complète (annonce sur la
plate-forme, suivi de la communication avec
les voyageurs, prise des réservations…), mais
elles prennent un pourcentage bien supérieur
(30 % sur les revenus de la location, en
moyenne) et exigent un engagement du pro-
priétaire sur six mois au minimum, alors que
nous proposons ce service à partir d’un enga-
gement sur quinze jours. Sur certaines niches
(très haut de gamme notamment), les agences
gardent encore un certain pouvoir mais, sur
118 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
le marché grand public, nous avons une lon-
gueur d’avance. Notre modèle agile, avec des
sitters en prise directe avec les clients, nous
permet de nous adapter très vite à un mar-
ché aujourd’hui toujours dynamique.
AVEZ-VOUS L’INTENTION
SERVICES DE CONCIERGERIE
PROPOSÉS AUX VOYAGEURS ?
Notre modèle est d’abord tourné vers les
propriétaires. Mais nous avons commencé à
proposer trois types de services payés direc-
tement par les guests, en partenariat exclu-
sif avec trois entreprises fournisseurs : un ser-
vice de chauffeur (Snapcar), le gardiennage
de bagages (Eelway) et la mise à disposition
d‘un boîtier de connexion wi-fi pendant tout
le séjour (Bienvenuewifi). Nous testons ces
offres depuis fin 2016, à Paris uniquement.
Quelques jours avant son arrivée, le voya-
geur reçoit un e-mail lui proposant de réser-
ver ces services, qui vont dans le sens d’une
réassurance. Bnbsitter joue alors pleinement
son rôle de concierge, qui a le souci d’éviter
tout stress inutile au voyageur une fois arrivé
à destination, afin qu’il profite au mieux de
son séjour.
PROPOS RECUEILLIS PAR HERMINE DE SAINT ALBIN
© Successo images
 ALEXANDRA ORIGET DU CLUZEAU

DES SERVICES
D’ACCUEIL PREMIUM
POUR
HOMEEXCHANGE
Homeexchange (Trocmaison, en France), leader historique

de l’échange de maisons, vient de passer entre les mains du ALEXANDRA

ORIGET DU CLUZEAU
français Guesttoguest. À la recherche de solutions pour Directrice des relations
publiques internationales
répondre à une assistance personnelle et physique sur place, Homeexchange

il pense faire appel aux services de Bnbsitter. Pour < alexandra@

homeexchange.com >
Homeexchange, ce service de conciergerie est une exten-

sion de l’hospitalité pour l’hôte qui, en quelque sorte, délègue

le rituel de l’accueil à un tiers de confiance.

e secteur de l’échange de maisons engagé de l’économie du partage : l’assureur

L pour les vacances vient de vivre une

étape importante de son dévelop-
pement. La start-up française
Guesttoguest, dirigée par Charles-
Édouard Girard et Emmanuel Arnaud, vient
de racheter, début 2017, l’historique opérateur
américain Homeexchange (Trocmaison, en
mutualiste Maif. Les deux marques,
Guesttoguest et Homeexchange, vont pour-
suivre leur développement propre, mais le nou-
vel ensemble est appelé à couvrir un bien plus
large spectre de l’échange de maisons, avec un
nombre accru de candidats à l’échange, issu de
tous les pays du monde. La complémentarité
France), via un financement assuré par un acteur de ces marques et leurs synergies sont évidentes.

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 119
 LA RÉVOLUTION DES SERVICES DE CONCIERGERIE
4 • RENDRE DES SERVICES PRATIQUES
En effet, Guesttoguest propose à un large
public un accès gratuit à ses plus de
300 000 propositions d’échanges dans
187 pays, avec une vente de services à la carte
associée : des contrats d’assurances innovants
à différents niveaux ; un label de confiance
assurant que l’identité et l’adresse de l’hôte ont
été vérifiées par l’opérateur ; une caution qui
permet de couvrir tout dommage occasionné
pendant le séjour ou tout ménage non effec-
tué à l’issue du séjour. Son système de
Guestpoints permet à l’hôte d’engranger des
points à chaque nuitée que des invités passent
chez lui, lesquels points sont réutilisables dans
tout autre logement du réseau, en fonction du
nombre de points affectés au logement choisi ;
Guesttoguest propose aussi gratuitement une
application (Happyguest), qui est une version
numérique du livret d’accueil récapitulant les
spécificités du logement.
De son côté, Homeexchange (dont la
marque française est Trocmaison) fonctionne
sur la base d’une cotisation annuelle. On y
accède comme à un club (une communauté
soudée et active), en mode classique (130 euros
par an pour un nombre illimité d’échanges)
ou en mode Premium (500 euros par an pour
l’abonnement Homeexchange Gold qui donne
droit, sept jours sur sept et dans tous les pays,
à l’assistance téléphonique et numérique d’un
expert).
Parmi les 67 000 membres dans 150 pays
de Homeexchange, certains sont des adeptes
de la formule et de la marque depuis vingt ans.
Pionnier de l’économie collaborative, le cali-
fornien Ed Kushins avait, avant même l’ère
numérique, pressenti le potentiel de ce concept
qu’il a popularisé en Amérique du Nord, puis
en Europe et en Australie à partir des années
2000. Convivial, le concept bénéficie d’un fort
ancrage local – le site est traduit en 15 langues,
l’assistance aux membres assurée par des repré-
sentants sur place, les modes de paiement
s’adaptent aux différents pays. Des filtres de
plus en plus fins permettent l’émergence d’une
offre personnalisée : accessibilité aux personnes
à mobilité réduite, maison “allergy free”, pré-
120 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
sence d’équipements pour bébés… Les critères
de sélection se multiplient afin de connecter
les voyageurs par affinités et de répondre aux
besoins particuliers. Parmi ceux-ci, une
demande de flexibilité accrue, pour laquelle
Homeexchange a lancé en 2016 le programme
Passport, qui permet désormais d’obtenir un
“ballon” en accueillant chez soi un membre
du réseau dans le cadre d'une hospitalité non
réciproque, et de l’utiliser ensuite dans une
destination de son choix.
Avant son rapprochement avec
Guesttoguest, Homeexchange était déjà à la
recherche de solutions pour répondre à une
demande précise : une assistance personnelle et
physique sur place, rendue d’autant plus sou-
haitable si l’invité (on dit de plus en plus, “le
guest”) vient d’un pays lointain et est peu fami-
lier des pratiques quotidiennes de son lieu de
séjour (spécificités du logement, habitudes du
voisinage, bonnes adresses et ressources
locales). Pour l’hôte, surtout s’il met à dispo-
sition sa résidence secondaire, il s’agit de sim-
plifier la remise des clés mais, au-delà, la
demande de service peut concerner l’entretien
(si plusieurs invités se succèdent pendant l’ab-
sence de l’hôte), le recours en cas de difficulté
ou simplement les demandes d’informations
pratiques.
Pour apporter un début de réponse à ces
problématiques, GuesttoGuest teste actuelle-
ment à Paris un service de remise des clés à
trois niveaux. Pour un dépôt des clés dans ses
bureaux et une restitution pendant les heures
d’ouverture, la plate-forme parisienne ne
demande aucune rémunération. Pour la mise
à disposition d’un casier sécurisé disponible
24 heures sur 24, la prestation s’élève à 5
euros. Enfin, pour un service d’enlèvement des
clés à domicile et sur rendez-vous, il en coû-
tera 20 euros à l’hôte parisien.
PARTENARIAT AVEC BNBSITTER. Le principal
partenaire pressenti pour répondre à cette
demande de conciergerie de la part de
Homeexchange est Bnbsitter, opérateur che-
vronné en la matière depuis 2013. L’expérience
fondatrice qu’ont vécue les créateurs de

Bnbsitter (Piero Cipriano et Biagio Tumino)
a été l’attente pendant trois heures à Rio de
Janeiro, après un long voyage, pour se voir
remettre les clés de l’appartement qu’ils avaient
loué chez l’habitant : l’idée d’un service de
conciergerie adapté à cette situation précise a
émergé chez eux ce jour-là. De fait, si les
métiers de la conciergerie sont anciens dans
l’hôtellerie, ils sont en train d’évoluer consi-
dérablement. Bnbsitter, par exemple, l’applique
à présent à des hébergements touristiques
comme la location chez l’habitant, le camping
et, depuis peu, l’échange de maisons.
Les services payants proposés par Bnbsitter
sont à deux échelons :
– un service standard, à l’arrivée des guests :
accueil, remise des clés, “tour du propriétaire”,
conseils divers. Le même service est proposé
au départ du guest, après vérification de l’état
du logement et feed-back à son occupant per-
manent ;
– un service plus sophistiqué, pouvant com-
prendre le ménage, le lavage et rangement du
linge. À terme, Bnbsitter envisage de propo-
ser aussi la location de linge.
Les sitters de Bnbsitter (personnels) sont
souvent de jeunes auto-entrepreneurs maîtri-
sant au moins l’anglais ; ils tranchent avec les
profils traditionnels du personnel d’entretien
dans les hôtels et ils “dédramatisent” ainsi la
fonction ménage. À ce jour, Bnbsitter est pré-
sent dans quatre pays : en France, notamment
à Paris et dans plusieurs stations des Alpes et
de la Côte d’Azur ; en Belgique (Bruxelles) ;
en Italie (Florence et Milan) ; en Suisse
(Genève).
HOSPITALITÉ RENFORCÉE. Mais qui paie pour
ces services de conciergerie dans un héberge-
ment locatif ? Sur ce point, Piero Cipriano est
formel : comme dans l’hôtellerie, ce coût
incombe au prestataire (celui qui met en loca-
tion) qui souhaite proposer un meilleur ser-
vice pour se démarquer d’une concurrence
grandissante. Pour sa part, le guest ne doit
payer que pour des prestations formellement
demandées par lui (ménage, remplacement
d’objet détérioré).
ALEXANDRA ORIGET DU CLUZEAU
Dans le cas d’échange de maisons, il semble
aussi que cette dépense de conciergerie
incombe au résident permanent plutôt qu’à
son guest, non seulement pour valoriser son
offre d’échange, mais aussi pour amplifier
l’hospitalité qu’il propose, hospitalité qui est au
cœur de la pratique de l’échange de maisons.
L’arrivée “en terre inconnue” est souvent une
expérience stressante, intervenant après un
voyage plus ou moins long et pénible ; l’idée est
de manifester au guest des signes de bienve-
nue et de lui faciliter son séjour, dès la pre-
mière minute d’arrivée. La conciergerie est
alors une extension de l’hospitalité pour l’hôte
qui, en quelque sorte, délègue le rituel de l’ac-
cueil à un tiers de confiance. C’est aussi pour
lui une sécurité qui lui épargne les soucis liés
à une arrivée retardée ou à une fuite d’eau
inopinée pendant le séjour.
À l’avenir, des systèmes de serrures à code
pourraient rendre inutile la remise des clés par
un tiers, à l’arrivée comme au départ. Pour
autant, rien ne vaut un contact personnel et
bienveillant pour rassurer le guest et le mettre
en confiance avec son nouvel habitat. On peut
se demander si les formes variées et adaptées
de conciergerie, physiques et numériques, ne
vont pas contribuer à démystifier les craintes
liées à l’échange de maisons. Les logements
proposés à l’échange garderont tout de leur
caractère particulier, mais le service dont on
y bénéficiera, si on le souhaite, sera profes-
sionnel et répondra donc à des standards inter-
nationaux.
En Europe, l’échange de maisons a fait de
nombreux adeptes chez les “early adopters”,
dans les années 1990. Il est probable que la
génération suivante, celle des “millennials”,
sera plus rodée au partage et à une extension
du nombre d’objets ou services partagés. Avec
ou sans un service professionnalisé de concier-
gerie, ils pourront vivre le séjour en héberge-
ment échangé comme une option de vacances
privilégiée, imbattable sur le plan économique,
mais aussi comme une expérience à forte
valeur ajoutée sur le plan du confort et de l’au-
thenticité. ■
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 121
 MARKETING DE DESTINATION

DES SLOGANS TOURIS-

TIQUES INTERCHANGEABLES
Analyse du positionnement
de 160 pays
CHARLES-ÉDOUARD HOULLIER-GUIBERT

Maître de conférences en stratégie et territoire, université de Rouen

< ch.ed.houllier.guibert@univ-rouen.fr >

L’analyse du slogan touristique de 160 pays dans le monde

montre que la plupart des destinations touristiques utili-

sent des propositions banales, simples et passe-partout,

si bien qu’elles sont quasi interchangeables d’un pays à

l’autre. En cause, la volonté des destinations d’afficher un

positionnement le plus large possible. Seuls une douzaine

de pays osent un positionnement original, unique. La des-

tination France, avec son “Rendez-vous en France”, joue

quant à elle la carte de la globalité du territoire, offrant la

vision d’une offre touristique complète.

122 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

u sein du processus de fabrica-
A tion d’image de marque de
niveau national, le destination
branding est la voie la plus cou-
ramment utilisée(1). Il s’agit de
déployer la promotion du territoire via le sec-
teur touristique – le territoire étant une desti-
nation que les visiteurs sont invités à décou-
vrir via le tourisme d’agrément. Le destination
branding est une forme de place branding qui,
plutôt que promouvoir le territoire dans sa
globalité, cible au plus juste le visiteur d’un
territoire. Alors que nation branding vise à
renforcer l’attractivité d’un pays vis-à-vis des
touristes, des investisseurs et de la main-
d’œuvre qualifiée tout en améliorant son
influence culturelle (soft power) et politique,
le destination branding limite son action aux
touristes.
Destination branding et nation branding
visent à mettre en avant une “identité compé-
titive”(2) en cherchant à influencer l’image d’un
territoire, tout en sachant que les visiteurs ont
une image plus complète du territoire que les
personnes qui ne s’y sont jamais rendues.
Clare A. Gunn(3) distingue trois types d’images
dans l’esprit des individus :
– l’image organique, qui est issue de l’exposi-
tion à des informations non touristiques (jour-
nalisme, actualités, bouche à oreille, films…).
C’est la plus difficile à faire évoluer ;
– l’image induite, qui résulte des stratégies de
promotion territoriale. Elle n’a qu’une faible
influence, mais il faut souligner que ses limites
avec les images organiques sont floues (cf. les
publireportages, par exemple) ;
– l’image complexe, qui est issue de l’expé-
rience touristique. Elle est plus réaliste et diver-
sifiée car elle découle de ce qu’un visiteur a
vécu lors de son séjour – c’est ce Raymond
Ledrut appelle “l’expérience urbaine(4)”.
MARKETING TERRITORIAL. Pour mettre en
place un nation branding, les gouvernements
font appel à des agences de communication,
lesquelles délivrent les méthodes nouvelles d’un
marketing territorial qui se veut mobilisateur
de diverses parties prenantes. La Corée du Sud
CHARLES-ÉDOUARD HOULLIER-GUIBERT
et l’Espagne sont des exemples de bonnes pra-
tiques dans ce domaine ; d’autres pays aussi
divers que la Roumanie, l’Écosse, le Rwanda,
le Monténégro, l’Inde, les États-Unis et le
Canada s’y sont également essayés.
La démarche de destination branding est très
courante. La plupart des pays du monde dis-
posent d’un slogan, partie visible d’un iceberg
de marketing territorial plus ou moins impor-
tant, selon les missions octroyées aux agences
et autres cabinets de conseils qui travaillent
avec les pouvoirs publics. Ce slogan contribue
à l’image induite en tant que première
approche. En 2016, le site Family Break Finder
a effectué un recensement des slogans natio-
naux en matière de promotion touristique(5).
Une première analyse des 160 slogans touris-
tiques identifiés permet de remarquer que les
formules choisies sont épurées et simples.
Certains pays ont le même slogan (“Simply
beautiful”, pour Sainte-Lucie et le Laos) ou
des slogans très proches, ce qui illustre un
manque d’audace dans leur positionnement
marketing.
Rappelons que le positionnement marketing
d’une destination correspond à la façon dont
celle-ci souhaite se distinguer des autres de
manière optimale, en mettant en avant ses
atouts, tant réels que perçus comme les plus
différenciateurs. Retenir un positionnement
similaire à celui d’une autre destination cor-
respond à une aberration stratégique(6). Pour
autant, une stratégie de différenciation est sou-
vent délicate à mettre en place pour les terri-
toires. Nous allons l’observer en comparant les
slogans des destinations nationales recensés
en 2016 par Family Break Finder (cf. tableau
en fin d’article).
PEU D’AUDACE. Découverte, affect et senti-
ment, rêve et onirisme, vie et épanouissement
personnel… Les registres sur lesquels jouent
les slogans ont peu d’audace ; ils sont passe-
partout, conventionnels. Si la plupart des des-
tinations jouent sur un seul registre, certaines
en conjuguent deux, comme par exemple,
l’Albanie (“Go your own way”) ou l’Autriche
(“Arrive and revive”) qui jouent à la fois sur le
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 123
 MARKETING DE DESTINATION

la Barbade (“brilliant”) et le Vietnam (“time-

Thèmes Nombre de slogans less charm”) ne l’utilisent pas.
Rêve. Enfin, le positionnement autour du
Découverte 34 rêve et, plus largement, de l’onirisme tient une
Affect et sentiment 26 place importante dans la communication des
Rêve et onirisme 23 destinations, avec 23 slogans autour de l’ima-
Vie, épanouissement personnel 20 gination (Pologne, Corée du Sud), avec le terme
Beauté 15 “wonder” (Indonésie, Kazakhstan, Zimbabwe,
Précision de la localisation 15 Sri Lanka) ou le terme “inspire” (Afrique du
Hospitalité et population 12 Sud, Allemagne, Islande). Le slogan “Incredible
Patrimoine 12 !ndia” vise la globalité par rapport à celui du
Authenticité 8 Qatar (“Where dreams come to life”) et à celui
Nature 6 des Maldives (“The sunny side of life”) mais cet
Royauté 5 onirisme est dans l’ensemble des cas très
Démocratisation 2 attendu.
Calme et lenteur 2 RASSURANCE. Certains pays essaient de tis-
Globalité, totalité de la destination 15 ser une relation avec leur slogan et jouent sou-
Positionnement “alternatif” 12 vent la carte du sentiment, de la sécurité affec-
tive. Les positionnements de localisation
Source : Charles-Édouard Houllier-Guibert, à partir d’une liste établie par le site ajoutent de l’affect ou de l’authenticité mais,
Family Break Finder. pour l’ensemble de ces formules, la rassurance
est la valeur visée.
Affect et sentiment. Le positionnement
“affect et sentiment” joue sur le lien avec le
positionnement “découverte” et sur celui “vie, touriste. L’utilisation du “you” ou “your” et,
épanouissement personnel”. plus rarement, du “I ” concerne trente pays
Découverte. Des pays aussi différents et éloi- qui s’adressent à un interlocuteur : “For the
gnés que Myanmar, le Canada, Haïti, la best moments of your life” (Géorgie), “Ours.
Zambie ou la Bulgarie ont des slogans invi- Yours. Barhain”, “Your Singapore”,
tant à la “découverte”. La Papouasie-Nouvelle- “Venezuela is your destination’ ou encore “I
Guinée enrichit ce positionnement en mettant wish I was in Finland”. “Feel the friendship”
en avant sa diversité (“A million different jour- du Tadjikistan est assis sur l’idée plus déve-
neys”). Sur les 41 slogans qui disposent d’un loppée de la rencontre comme promesse mar-
verbe, près d’un tiers évoquent la découverte, keting.
en tant qu’action que le touriste doit impulser Au cours des dernières années, la Slovénie
(“to discover” pour l’Arabie Saoudite ou les s’est extraite de l’image négative des pays bal-
Émirats arabes unis, “to explore” pour le Sierra kans et a su bénéficier de l’image de produits
Leone, “to visit” pour l’Arménie). exportés comme les appareils Gorenje, les skis
Beauté. La “beauté” est mise en avant par Elan et la bière Lasko Pivo(7). Cette améliora-
quinze pays, dans un slogan s’appuyant souvent tion de l’image permet au Destination bran-
sur ce mot, voire ne reposant que ding slovène de jouer sur le fait d’être le seul
sur lui : “Beautiful Bangladesh”, pays regroupant les quatre lettres du mot
“Beautiful Samoa”, “Beautiful “love” (I feel Slovenia). Lors de l’Exposition
Burundi”, ou encore “It’s beauti- universelle de Milan, plusieurs milliers d’au-
ful, it’s Pakistan” ou “Beauty has tocollants avec ce slogan (enfermé dans un
an address” (Sultanat d’Oman). cœur vert) ont été distribués. Pour être admis
Seuls le Rwanda (“remarkable”), à visiter le pavillon slovène, il fallait accepter

124 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7

de recevoir sur son cœur l’autocollant le temps
de la visite – nombreux sont ceux qui l’ont
gardé toute la journée. Avec cette formule, la
Slovénie vise plutôt un nation branding plus
général. Seul le Liban utilise également le mot
“love”, dans l’allitération “Live Love
Lebanon”.
Le mot “heart” est davantage choisi (Chypre,
Bosnie-Hergovine, Guatemala, Taïwan et Saint-
Kitts-et-Nevis). Il sert beaucoup à localiser la
destination (cœur de l’Asie, cœur du Sud-Est de
l’Europe, cœur du monde maya).
Localisation. Ce qui nous amène à recenser
les quinze pays qui choisissent un slogan les
localisant dans le monde. Outre les destina-
tions nommées précédemment, on peut citer
Malte en Méditerranée, Trinité-et-Tobago dans
les Caraïbes, la Guyana en Amérique du Sud,
le Malawi, la Gambie, le Cameroun et la
Tanzanie en Afrique. Le Sri Lanka est “Wonder
of Asia” et la Malaisie est “Truly Asia” tan-
dis que les Tonga sont “The true South
Pacific”. Enfin, deux pays jouent sur leur insu-
larité (Madagascar et la Dominique). On peut
s’étonner du choix de quatre pays à préciser
leur appartenance à l’Afrique quand on sait
que ce continent a un effet de marque très fort :
selon Anholt, l’image de l’Afrique est domi-
née par des perceptions de famine et de
désastre, avec une absence d’images différen-
ciées pour les quelque cinquante pays africains
qui ont pourtant chacun leur propre identité(8).
Dans un discours électoral, la candidate à la
vice-présidence américaine Sarah Palin avait
d’ailleurs mentionné que l’Afrique était un
pays… Tandis que plusieurs pays africains
cherchent actuellement à créer l’extension web
“.africa”, on peut dès lors noter la puissance de
la représentation sociale de l’Afrique et un pos-
sible effet de continent branding.
Le Portugal (“Europe’s West Coast”) et
l’Andorre (“The Pyrenean country”) sont les
deux seuls à se contenter d’un positionnement
strictement géographique, les autres y ajou-
tant de l’authenticité, de l’hospitalité, de l’af-
fect ou du rêve, à l’exemple du Tchad : “Oasis
of the Sahel”. Le Guatemala et le Pérou souli-
CHARLES-ÉDOUARD HOULLIER-GUIBERT
gnent non pas un espace mais
une civilisation (Mayas et Incas).
Enfin, le slogan de la Roumanie
met en avant sa situation dans
les Carpates.
Les pays que nous venons de
citer se situent dans le monde
avec des termes exotiques
(Caraïbes, Pyrénées, Afrique,
Méditerranée, Asie…). D’autres
conservent simplement le nom
du pays dans le slogan, ce qui est
avantageux quand le pays est peu
connu. Cinquante-six d’entre eux, soit un tiers
de l’ensemble, placent leur toponyme dans le
slogan (“I feel like Tunisia” ; “China like never
before” ; “Panama Surprises” ; “Pure
Grenada”). Djibouti ose un jeu de mots avec
“Djibeauty”, tout comme le Maroc avec
“Much mor” qui fait référence au nom anglais
du pays : Morocco.
Le manque d’efforts sur les formules est par-
fois compensé par l’approche visuelle. Ainsi,
le slogan chinois appuie son positionnement
“patrimoine” avec la silhouette de la Tour de
Canton qui incarne la modernité de ses villes
nouvelles , et le temple du Ciel, symbole du
Pékin traditionnel. On notera l’absence de deux
symboles plus puissants que sont la Muraille de
Chine et la tour Perle de l’Orient de Shanghai.
BANALITÉ. Les slogans de certains pays jouent
sur des thèmes moins utilisés, mais néanmoins
assez banals, tels que l’hospitalité, l’authenti-
cité, le patrimoine, la nature, la royauté.
Hospitalité. Douze pays évoquent de diffé-
rentes manières l’hospitalité. Seule la Biélorussie
utilise ce mot (“Hospitality beyond borders”),
les autres s’autorisant de la singularité : “Be
our guest” pour la Turquie, “You are invited”
pour l’Iran, “Bolivia awaits you”, tandis que
le Nigeria propose une formule qui fait réfé-
rence à l’univers électoral autant qu’à celui du
destination branding, ce qui le situe par défaut
dans le champ de l’hospitalité avec “Good
People, Great Nation”.
Le slogan britannique est intéressant car il
comprend une dimension affective cherchant
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 125
 MARKETING DE DESTINATION
à tisser du lien : “Home of amazing moment”,
traduit en français par “Terre d’instants inou-
bliables”. Surtout, sa signature est résumée en
#OMGB, ce qui renvoie à l’expression “Oh
my God” via un sigle très utilisé dans les tex-
tos et tweets, en plus d’évoquer la maison
(home) et la Grande-Bretagne. L’utilisation du
hashtag est aussi dans le slogan espagnol :
#spainindetail, ces deux grandes destinations
touristiques marquant un temps d’avance dans
leur approche marketing en renvoyant à des
démarches relationnelles via le numérique et
pas seulement promotionnelles.
Patrimoine. On aurait pu penser que la caté-
gorie “patrimoine” serait plus importante,
mais son évocation ne concerne qu’une dizaine
de pays. Les mots “heritage” ou “history” ne
sont repris par aucun pays, le terme “time”
paraissant plus subtil (Tuvalu, Macédoine,
Grèce, Vietnam), de même que des expressions
comme “Land of stories” (République tchèque)
ou “Land of origins” (Éthiopie). Avec “Where
it all begins” pour l’Égypte et “Come to where
it all started” pour le Mozambique, ces trois
nations africaines essaient chacune de s’ap-
proprier l’USP (unique selling proposition) du
berceau de l’Humanité.
Le positionnement lié à l’authenticité est par-
fois mêlé à d’autres positionnements : c’est le
cas de slogans comme “Epic Estonia” ou “Pure
126 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
Grenada”, qui évoquent aussi l’histoire et la
nature.
Nature. Le positionnement “nature” est, lui
aussi, relativement peu choisi. La Norvège, la
Suisse, l’Ouzbékistan, la Dominique et
l’Uruguay sont les seuls pays à utiliser ce mot
et à clairement situer la destination comme
naturelle.
Royauté. Le positionnement “royauté” est
utilisé par le Liechtenstein, le Lesotho, le
Swaziland, le Brunei et le Cambodge. Le grand-
duché du Luxembourg ou la principauté de
Monaco ne se présentent pas sous ce profil, ce
dernier privilégiant une formule différenciante
(“Easy going Monaco”), comme pour rappe-
ler une forme de démocratisation de cette des-
tination de luxe, ce que fait aussi un autre petit
État, la République de Saint-Marin, avec son
slogan “San Marino for all”. Ces deux desti-
nations cherchent à contrer leur image élitiste.
Calme. Enfin, dans la même taille de niche,
deux pays se positionnent sur le “calme” : la
Lettonie, avec “Best enjoyed slowly” ; et le
Cap-Vert, avec “No stress”. Cet archipel ren-
force son côté paradisiaque, destination de
repos, ce qu’à l’inverse un pays comme
Antigua-et-Barbuda rejette désormais en choi-
sissant la formule “The beach is just the begin-
ning”.
GLOBALITÉ. Les pays qui ont des position-
nements fondés sur la globalité sont, pour l’es-
sentiel, de grandes puissances économiques :
l’Australie, les États-Unis, l’Italie, la France,
la Belgique, le Brésil, la Nouvelle-Zélande…
Ils utilisent des formules évoquant l’idée de
totalité.
D’autres pays comme l’Ukraine (“It’s all
about you”), les Bahamas (“Life is grand”),
le Costa Rica (“Essential Costa Rica”), le
Venezuela (“Venezuela is your destination”)
et la République dominicaine (“Dominican
Republic has it all”) ont également des
approches larges. Malgré l’absence de choix
spécifiques susceptibles de les différencier entre
eux, ces slogans sont audacieux : une vision
d’offre touristique complète est proposée, évi-
tant l’enfermement dans les thèmes habituels

d’escapade et autres rêveries de voyage. Ces
positionnements larges peuvent se décliner
dans d’autres secteurs que le tourisme, visant
une marque globale plus que touristique. Ce
type de destination branding a le potentiel pour
devenir un nation branding. Notons que deux
pays à connotation globale ont un slogan uni-
quement dans leur propre langue : le Nicaragua
(“Ùnica, original !”) et la France (“Rendez-
vous en France”). C’est là l’affirmation sup-
plémentaire d’une prise de distance avec la
banalité en imposant au monde entier une
langue autre que l’anglais.
ALTERNATIF. Enfin, une dizaine de pays osent
un positionnement que nous pouvons quali-
fier d’alternatif. C’est le cas notamment de la
Mongolie (“Go nomadic”), du Belize (“A
curious place”) ou d’Israël (“Land of crea-
tion”). Les Pays-Bas se présentent comme “The
original cool” tandis que les Philippines affir-
ment : “It’s more fun in the Philippines”. Ce
type de slogan décalé se rapproche du “No
stress” cap-verdien ou du “Much mor” maro-
cain. Le Salvador est dans une situation parti-
culière avec le slogan “The 45 minute coun-
try” (les chaînes de montagnes et les plages
sont à moins de 45 minutes les unes des autres
en automobile). Mais le pays reste sobre dans
sa communication, car il met en avant un
deuxième slogan bien plus banal : “El Salvador
Impressive!”. On voit bien là la difficulté du
destination branding à oser de manière forte.
En 2007, la Colombie avait osé un slogan
très audacieux pour contrer son image liée à
la drogue et aux guérillas de quartier (“The
only risk is wanting to stay”). L’actuel slogan
(“Colombia is magical realism) est bien plus
banal.
■ ■
Si l’on en croit l’analyse des promesses expri-
mées dans les slogans, la sphère touristique
semble condamnée à faire des propositions
simples et passe-partout – l’objectif de diffé-
renciation semble impossible à atteindre,
chaque destination privilégiant la rassurance.
Les mots “beautiful”, “experience”, “heart”,
“life” ou “live”, “discover”, “land”, “feel”,
CHARLES-ÉDOUARD HOULLIER-GUIBERT
“wonder” et “world” sont les plus utilisés. Les
destinations peuvent échanger leurs slogans
sans que les touristes ne s’en rendent compte ;
les proximités sont trop fortes pour envisager
de sérieuses pistes de différenciation. Sont pri-
vilégiées des formules convenues que chacun se
plaira à trouver simples, qui rassurent et n’ex-
cluent personne. En termes stratégiques, c’est
tout simplement aberrant.
Nous en concluons que le slogan touristique
au niveau d'une nation est un outil rendu obli-
gatoire, mais d’une porté stratégique faible.
La théorie appliquée au marketing ne fonc-
tionne pas avec le destination branding qui
évite la plupart du temps la différenciation.
Très peu de pays osent une démarcation impor-
tante, synonyme de ciblage du marché, donc de
rétrécissement des clientèles visées. Toutes les
destinations se veulent accueillantes pour tous,
au risque de ne pas se démarquer de leurs
concurrentes. ■
NOTES
(1) Charles-Édouard HOULLIER-GUIBERT, “De la communication
publique vers le marketing des territoires : approche
microsociologique de la fabrication de l’image de marque”,
Gestion et management public, vol. 1, n° 2, 2012.
(2) Simon ANHOLT, Competitive Identity. The New Brand
Management for Nations, Cities and Regions, Palgrave
Macmillan, 2007.
(3) Clare A. GUNN, Tourism Planning, Crane Russak, 1979.
(4) Raymond LEDRUT, Les Images de la ville, éd. Anthropos, 1973.
(5) https://www.familybreakfinder.co.uk/holidays/map-every-
countrys-tourism-slogan/
(6) Nicolas BABEY et David GIAUQUE, “Gouvernance et marketing
territorial”, Communication au colloque Développement urbain
durable, gestion des ressources et gouvernance, Lausanne, 21,
22 et 23 septembre 2005.
(7) Simon ANHOLT, op. cit. [note2], 2007.
(8) Idem.
M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 127
 MARKETING DE DESTINATION

DESTINATION SLOGAN POSITIONNEMENT NOM DU PAYS PRONOM VERBE

PERSONNEL

Afrique du Sud Inspiring new ways Découverte + rêve – – –

Albanie Go your own way Découverte + vie – O O
Algérie Tourism for everybody Global – – –
Allemagne Simply inspiring Rêve – – –
Andorre The Pyrenean country Localisation Non mais – –
Antigua-et-Barbuda The beach is just the beginning Découverte – – –
Arabie Saoudite Experience to discover Découverte O – O
Argentine Beats to your rythm Affect – O –
Arménie Visit Armenia, it is beautiful Découverte + beauté O – O
Australie There's nothing like Australia Global O – –
Autriche Arrive and revive Découverte + vie – – O
Bahamas Life is grand Global + vie – – O
Bahreïn Ours. Yours. Barhain Affect O O –
Bangladesh Beautiful Bangladesh Beauté O – –
Barbade Brilliant Barbados Beauté O – –
Belgique The place to be Global – – –
Belize A curious place Découverte + alternatif – – –
Bhoutan Happiness is a place Affect – – –
Biélorussie Hospitality beyond borders Hospitalité O – –
Birmanie Let the journey begin Découverte – – –
Bolivie Bolivia awaits you Hospitalité O O O
Bosnie-Herzégovine The heart of South-East Europe Affect + localisation Non mais O –
Botswana Our pride, your destination Hospitalité + découverte – O –
Brésil Brasil - Sensational! Global O – –
Brunei A kingdom of unexpected treasure Royauté + patrimoine – – –
Bulgarie A discover to share Découverte + vie – – O
Burundi Beautiful Burundi Beauté O – –
Cambodge Kingdom of wonder Royauté + rêve – – –
Cameroun All of Africa in one country Découverte + localisation Non mais – –
Canada Keep exploring Découverte – – –
Cap-Vert No stress Calme – – –
Chili All are welcome Hospitalité – – –
Chine China like never before Affect + patrimoine O – O
Chypre Cyprus in your heart Affect O O –
Colombie Colombia is magical realism Rêve O – O
Corée du Sud Imagine your Korea Rêve O O –
Costa Rica Essential Costa Rica Global O – –
Croatie Full of life Vie – – –
Cuba Auténtica Cuba Authenticité O – –
Danemark Happiest place on earth! Affect + vie – – –
Djibouti Djibeauty Beauté Non mais – –
Dominique The nature island Nature Non mais– – –
Égypte Where it all begins Patrimoine – – –
Émirats arabes unis Discover all that's possible Découverte O – O

128 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
 CHARLES-ÉDOUARD HOULLIER-GUIBERT

DESTINATION SLOGAN POSITIONNEMENT NOM DU PAYS PRONOM VERBE

PERSONNEL

Équateur All you need is Ecuador Vie O O O

Espagne #spainindetail Technologie + découverte – –
Estonie Epic Estonia Authenticité + patrimoine O – –
États-Unis All within your reach Global – O –
Éthiopie Land of origins Patrimoine – – –
Fidji Where happiness finds you Affect – O O
Finlande I wish I was in Finland Rêve O O O
France Rendez-vous en France Global + langue locale O O O
Gambie Smiling coast of Africa Localisation + hospitalité Non mais – –
Géorgie For the best moments of your life Affect + vie – O –
Grande-Bretagne Home of amazing moments Affect + hospitalité – – –
Grèce All time classic Patrimoine – – –
Grenade Pure Grenada Authenticité + nature O – –
Guatemala Heart of the Mayan world Affect + localis./civilisation Non mais – –
Guyana South America undiscovered Localisation + rêve Non mais – –
Haïti Experience it! Découverte – – –
Honduras Everything is here Global – – –
Hongrie Think Hungary more than expected Découverte – – O
Inde Incredible !ndia Rêve O – –
Indonésie Wonderful Indonesia Rêve O – –
Iran You are invited Hospitalité – O –
Irak The other Iraq Découverte (contexte guerre) O – –
Irlande Jump into Ireland Découverte + dynamisme O – O
Islande Inspired by Iceland Rêve O – O
Israël Land of creation Alternatif – – –
Italie Made in Italy Global O – –
Jamaïque Get all right Affect – – –
Japon Endless discovery Découverte – – –
Jordanie Yes, it's Jordan Global O – –
Kazakhstan The land of wonders Rêve – – –
Kenya Magical Kenya Rêve O – –
Kirghizistan Oasis on the great silk road Rêve + découverte – – –
Kiribati For travellers Découverte – – –
Laos Simply beautiful Beauté – – –
Lesotho The kingdom in the sky Royauté – – –
Lettonie Best enjoyed slowly Affect + calme – – –
Liban Live Love Lebanon Affect + vie O – O
Liechtenstein Experience princely moments Royauté – – –
Lituanie Real is beautiful Beauté – – –
Luxembourg Live your unexpected Luxembourg Découverte + vie – O O
Macédoine Macedonia timeless Patrimoine O – –
Madagascar A genuine island, a world apart Alternatif Non mais – –
Malaisie Truly Asia Localisation + authenticité Non mais – –
Malawi The warm heart of Africa Localisation + affect Non mais – –

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 129
 MARKETING DE DESTINATION

DESTINATION SLOGAN POSITIONNEMENT NOM DU PAYS PRONOM VERBE

PERSONNEL

Maldives The sunny side of life Rêve + vie – – –

Malte Truly Mediterranean Localisation + authenticité Non mais – –
Maroc Much mor Alternatif Non mais – –
Maurice it's pleasure Hospitalité – – –
Mexique Live it to believe it Affect + rêve – – –
Micronésie Experience the warmth Affect + vie – – –
Moldavie Discover the routes of life Découverte + vie – O O
Monaco Easy going Monaco Démocratisation O – O
Mongolie Go Nomadic Alternatif – – O
Monténégro Wild beauty Beauté – – –
Mozambique Come to where it all started Patrimoine – – O
Namibie Endless horizons Découverte + rêve – – –
Népal Once is not enough Alternatif – – –
Nicaragua Unica, original! Global + langue locale – – –
Nigeria Good people, great nation Hospitalité – – –
Norvège Powered by nature Nature – – –
Nouvelle-Zélande 100% pure Global et authenticité – – –
Oman Beauty has an adress Beauté – – –
Ouganda You're welcome Hospitalité – O O
Ouzbékistan Naturally irresistible Nature – – –
Pakistan It's beautiful - it's Pakistan Beauté O – –
Palaos Pristime paradise Palau Rêve O – –
Panama Panama surprises Découverte O – –
Papouasie-Nouv.-Guinée A million different journeys Découverte – – –
Paraguay You have to feel it Affect O O O
Pays-Bas The original cool Alternatif – – –
Pérou Land of the Incas Patrimoine Non mais – –
Philippines It's more fun in the Philippines Alternatif O – –
Pologne Move your imagination Rêve – O O
Portugal Europe’s West Coast Localisation Non mais – –
Qatar Where dreams come to life Rêve + vie O – O
République dominicaine Dominican Republic has it all Global O – O
République tchèque Land of stories Patrimoine + vie – – O
Roumanie Explore the Carpathian garden Découverte Non mais O O
Russie Reveal your own Russia Vie + découverte O O O
Rwanda Remarkable Rwanda Beauté + découverte O – –
Saint-Kitts-et-Nevis Follow your heart Affect – O O
Sainte-Lucie Simply beautiful Beauté – – –
Saint-Marin San Marino for all Démocratisation O – –
Saint-Vincent-et-les-Gren. Discover SVG Découverte O – O
Salomon Seek the unexplored Découverte – – O
Salvador The 45 minute country Alternatif – – –
Samoa Beautiful Samoa Beauté O – –
Serbie My Serbia Affect O O –

130 E S PA C E S 3 3 6 • M A I - J U I N 2 0 1 7
 CHARLES-ÉDOUARD HOULLIER-GUIBERT

DESTINATION SLOGAN POSITIONNEMENT NOM DU PAYS PRONOM VERBE

PERSONNEL

Seychelles Another world Alternatif – – –

Sierra Leone The freedom to explore Découverte + vie – – O
Singapour Your Singapore Affect O O –
Slovaquie Travel in Slovakia - Good Idea Vie O – –
Slovénie I feel sLOVEnia Affect O O O
Sri Lanka Wonder of Asia Rêve + localisation Non mais – –
Suède Welcome to Sweden Hospitalité O – –
Suisse Get natural Nature – – –
Suriname A colorful experience… exotic Alternatif – – –
beyond words
Swaziland A royal experience Royauté + découverte – – –
Syrie Always beautiful Beauté – – –
Tadjikistan Feel the friendship Affect + vie – – O
Taïwan The heart of Asia Affect + localisation – – –
Tanzanie The soul of Africa Localisation + affect Non mais – –
Tchad Oasis of the Sahel Rêve Non mais – –
Thaïlande Amazing Thailand. It begins with Rêve + vie O – –
the people
Timor oriental Being first has its rewards Alternatif – – O
Tonga The true South Pacific Localisation + authenticité Non mais – –
Trinité-et-Tobago The true Caribbean Localisation + authenticité Non mais – –
Tunisie I feel like Tunisia Affect O O –
Turquie Be our guest Hospitalité – O O
Tuvalu Timeless Tuvalu Patrimoine O – –
Ukraine It's all about you Global + vie – O –
Uruguay Uruguay natural Nature O – –
Venezuela Venezuela is your destination Global O O O
Vietnam Timeless charm Beauté + patrimoine – – –
Zambie Let's explore Découverte – – O
Zimbabwe A world of wonders Rêve – – –

Source : Charles-Édouard Houllier-Guibert, à partir d’une liste

établie par le site Family Break Finder.

M A I - J U I N 2 0 1 7 • E S PA C E S 3 3 6 131
ÉDITEUR
SARL ETE au capital de 6 800 €
RCS BASTIA 344 657 390 WWW.REVUE-ESPACES.COM
Résidence Caroline III - av. Christophe Colomb
20260 Calvi

GÉRANTE, DIRECTRICE DE LA PUBLICATION

Claudine Chaspoul
Prolongez votre
VENTES, ABONNEMENTS

Tél. 01 43 27 55 90 • Fax 09 72 16 33 33
lecture et complétez
< info@revue-espaces.com >

DIRECTRICE DE LA RÉDACTION
votre information
Claudine Chaspoul
< claudine@revue-espaces.com>

LECTRICE-CORRECTRICE : Danièle Bouilly Espaces met à votre disposition un

ILLUSTRATIONS COUVERTURE centre de ressources documentaires :
© boscorelli // © kyrien
ARCHIVES WEB [fichiers PDF des plus de
COMITÉ DE RÉDACTION

François Benhamou - Philippe Caparros - 4 000 articles publiés dans la revue

Mathieu Daubon - Claudine Desvignes -
Stéphanie Gourdon – Sébastien Jacquot - Espaces, les cahiers Espaces,
Christian Juyaux - Thomas Lamand - Max
Leguevaques - Noël Le Scouarnec - Claude Mondes du tourisme et Nature &
Origet du Cluzeau - Jean-Luc Pecqueux - Jean
Loup Pivin - Laurent Queige - Manon Renonciat Récréation] ; VEILLE DOCUMENTAIRE [réfé-
- Hélène Sallet-Lavorel - Hermine de Saint Albin
rencement des publications du sec-
TARIFS
Abonnements (6 numéros par an) : teur du tourisme – 2 000 ouvrages
ordinaire, 495 € ; étranger, Dom-Tom, 510 €
Prix au numéro : France, 85 € ; Dom-Tom, 88 € présentés]. Suivez l’actualité du tou-
IMPRIMEUR : Jouve - 1, rue du Docteur Sauvé risme sur notre compte Twitter :
53100 Mayenne
@revue_espaces.
ISSN 0336-1446 - DÉPÔT LÉGAL : juin 2017
COMMISSION PARITAIRE : n° 0919 T 85425
La loi du 11 mars 1957 n’autorisant que “les copies
ou reproductions strictement réservées à l’usage privé
du copiste, et non destinées à une utilisation collecti-
ve”, toute représentation ou reproduction faite sans le
consentement de l’éditeur est illicite et constitue une
contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et sui-
vants du code pénal. SARL ETE © tous droits de
reproduction, de traduction, d’adaptation réservés
pour tous pays © Éditions ETE
Les articles sont publiés sous la responsabili-
té de leurs auteurs. Les titres et chapeaux
sont de la rédaction.