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Téoros
Revue de recherche en tourisme

L’accueil touristique en région


Il est possible de bien accueillir les touristes à condition de les
recevoir « chez soi » !
Marc Laplante

Volume 19, Number 3, Fall 2000

Organisations touristiques en mutation

URI: https://id.erudit.org/iderudit/1071743ar
DOI: https://doi.org/10.7202/1071743ar

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Université du Québec à Montréal

ISSN
0712-8657 (print)
1923-2705 (digital)

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Laplante, M. (2000). L’accueil touristique en région : il est possible de bien
accueillir les touristes à condition de les recevoir « chez soi » ! Téoros, 19(3),
44–48. https://doi.org/10.7202/1071743ar

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E S S A

L'accueil touristique en région


IL EST POSSIBLE DE BIEN ACCUEILLIR LES TOURISTES
À CONDITION DE LES RECEVOIR « CHEZ SOI » !

Marc Laplante de gratuit. Service touristique par excel­


lence, l’accueil est vite devenu une acti­
vité technique, un champ d’apprentissage ;
Faire accueil c'est, absolument, faire bon accueil : ouvrir son chez soi, prêter atten­ bref, un « travail » qui exigeait rémuné­
tion, recevoir avec cœur, avec chaleur, accompagner ; il faut beaucoup de mots pour ration et qui, conséquemment, devait être
rendre - en français, du moins - la richesse de l'accueil, mot qui trouve ses origines comptabilisé dans les coûts de production.
dans l'hospitalité rituelle1. Cette hospitalité confortait et réchauffait le voyageur, le En d’autres mots, le touriste payait ce
pèlerin, l'itinérant. L'hôte qui recevait y mettait du cœur, sachant qu 'un jour il serait service tout comme il payait son car, sa
aussi sur la route. chambre ou son entrée au concert.

ACCUEILLIR clients, pour prévoir leurs besoins et leurs Ainsi s’est institutionnalisé l’« art-de-
désirs, pour les sécuriser, pour les combler recevoir-des-visiteurs » pour devenir l’ac­
DES TOURISTES
surtout et leur assurer des déplacements cueil touristique, un genre spécifique
L’arrivée d’un nouveau voyageur en Oc­ et des séjours inoubliables. Après tout, ces d’hospitalité qui, à première vue, apparaît
cident - voyageur qu’on a baptisé « tou­ gens voyageaient maintenant pour le plaisir comme l’antithèse de l’hospitalité rituelle :
riste » au début du XIXe siècle - a intro­ de voyager ; l’accueil proprement touris­ service payé contre activité gratuite, gestes
duit une zone grise dans le faisceau sécu­ tique devait faire en sorte que rien ne appris contre mouvement du cœur, échan­
laire particulier des rapports d’hospitalité. vienne troubler cette passion fort nouvelle ges superficiels et fonctionnels contre
Accueillir des touristes a peut-être été dans l’histoire de l’époque : la quête du moment fort d’une première rencontre
difficile à cause de l’étrangeté du person­ plaisir. entre deux humains, etc.
nage : ce voyageur ne semblait pas « al­
ler quelque part » ; il se déplaçait en Pris en charge par l’industrie du tourisme, Accueillir des touristes au Québec : une
groupe, avec personnel et équipage, et ne l’accueil dont il est question ici n’avait rien politique en gestation
faisait rien des jours durant ; surtout, cet
étranger avait les moyens de louer une
maison, un carrosse, un cuisinier, etc. ;
enfin, tout son temps se passait en excur­
sions, en fêtes et enjeux. Tout se passait
donc comme s’il n’avait pas besoin d’être
accueilli ! Que faire, en tant qu’hôte,
devant ce nouveau voyageur ?

Il faudra près d’un siècle pour que l’on


trouve une certaine réponse à cette ques­
tion. Avec la naissance, entre autres, de
l’agent de voyage, du guide, du Grand
Hôtel, du wagon-lit, les années 1850-1900
inventent aussi « l’hospitalité proprement
touristique ». Celle-ci est faite, notamment,
de l’ensemble des petites attentions, des
aides, des supports à l’information et à
l’animation que l’industrie touristique elle-
même met en place pour satisfaire ses Vue aérienne de Saint-Jean-Port-Joli

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Francopholies de Montréal

Aujourd’hui, l’« art-de-recevoir-des-tou- Sur plus de trente pages, ce document de cours sera tout au plus une stratégie pour
ristes » se limite souvent encore à une tâche travail ne cherche qu’une chose : définir assurer un premier contact techniquement
minimale de communication. Parler d’art des normes pour accréditer des bureaux correct entre les touristes et ceux qui les
à ce propos est peut-être un abus de lan­ d’accueil et d’information touristiques, reçoivent. Mais, comme j’essaierai de le
gage ! Actuellement au Québec, par exem­ pour organiser ou réorganiser ces bureaux montrer maintenant, il y a tellement à faire
ple, on peaufine un projet de politique en réseaux, après les avoir évalués, classés avant de prétendre que nous avons vrai­
d’accueil touristique. Voici un extrait si­ et outillés. Dans un tel contexte, on déborde ment une politique d’accueil touristique
gnificatif d’un document de consultation à peine des questions techniques et pra­ et que nous savons recevoir des touristes
qui circule : « Ce projet s’inscrit princi­ tiques. Nulle part dans le document s’ar- au Québec.
palement dans le suivi de la politique de rête-t-on à la notion d’accueil en général
développement touristique où l’accueil et ni, bien sûr, à celle d’accueil touristique
l’information demeurent des facettes stra­ en particulier Jamais celle-ci n’est asso­ COMPRENDRE
tégiques dans la poursuite du virage client ciée à l’« art-de-recevoir-des-touristes ». LE PROCESSUS D’ACCUEIL
préconisé comme orientation au sein de On croirait que ces notions n’existent pas.
Je ne peux pas reconstituer, dans cet ar­
l’industrie touristique » (Groupe DBSF, La régionalisation, par exemple, n’est que
ticle, la totalité des interventions qui com­
1999 : 2). la distribution spatiale des bureaux, des
posent l’« art-de-recevoir-des-touristes » ;
documents et des personnels. On ne men­
j’ai produit déjà un essai à ce propos
Ce court texte nous apprend beaucoup de tionne jamais, non plus, qu’une brochure
(Laplante, 1996 : 144-164) et je m’en
choses : l’accueil semble intimement ju­ ou un cours de formation de guides-accom­
inspirerai pour les paragraphes qui suivent.
melé à l’information ; il y a eu au Québec, pagnateurs conçu pour accueillir des tou­
récemment, un virage client (ambula­ ristes en Gaspésie doit différer substantiel­
lement d’une brochure ou d’un cours de
Comme l’amitié, l’accueil a un commen­
toire !) dans le champ du tourisme, ce qui cement, mais il est difficile de dire, a priori,
suggère qu’auparavant le client avait une formation de guides-accompagnateurs
où il finit. Je voudrais donc souligner
importance moindre... ou n’était pas une conçu pour accueillir des touristes à
d’abord qu’il s’agit d’un processus ou
facette stratégique ; la nouvelle attention Montréal.
d’une opération qui, comme toute commu­
portée aux clients-touristes n’a d’intérêt Disons finalement que la politique d’ac­ nication, évolue dans le temps ; que ce
que pour l’industrie. cueil qui résultera de la consultation en processus a un commencement qui, en

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tourisme, est très mal compris et que l’in­
formation, sujet quasiment unique du
projet québécois de politique d’accueil
touristique, n’est qu’un élément d’un
ensemble très vaste et très complexe d’in­
terventions d’accueil2.

Donner des renseignements est, certes, l’un


des tout premiers gestes de l’accueil tou­
ristique puisque, par définition, le touriste
est un étranger. Ses statuts d’étranger, de
personne en vacances, à la recherche de
changements ou d’expériences nouvelles,
font de lui un grand consommateur d’in­
formation. Il a peut-être emmagasiné
beaucoup de connaissances avant de partir
de chez lui, mais ici, en train de
« tourister », il aura des besoins variés et
fréquents d’information pour trouver ra­
pidement ses routes, ses adresses, pour
constamment choisir parmi tout ce qu’on
lui offre, etc. Dans un premier temps, il sera Vue aérienne de Percé
surtout à la quête d’information ; par la
suite, il devra commencer aussi à en donner
s’il veut en recevoir et, surtout, s’il veut Québec. Le touriste répond donc à une ou pouvant avoir divers types de relations
dépasser un certain niveau élémentaire invitation en venant nous visiter3. En plus avec des touristes à les accueillir comme
d’échanges verbaux. Nous sommes donc des exigences de la politesse, l’hôte a une s’ils les recevaient chez eux, à la maison.
dans un processus de communication. obligation d’accueil touristique, puisqu’il
a envoyé les invitations accompagnées, Recevoir chez soi c’est, forcément, bien
Quant aux hôtes, ils émettent à l’intention toujours, d’une carte d’identité bien garnie, recevoir. Pour les besoins de l’hospitalité
des touristes une grande variété de mes­ pleine de promesses d’aventures, de dé­ traditionnelle, l’hôte recevait ainsi et son
sages dont plusieurs débordent largement couvertes, de moments inoubliables, de geste s’inspirait de valeurs universelles
la stricte diffusion d’information factuelle bonheur. Faut-il préciser alors que cet parmi lesquelles se trouvaient l’échange
ou pratique. Quand ils créent, par exem­ accueil touristique doit s’apparenter au bon et la réciprocité : l’hôte accueillait bien en
ple à Québec, un Centre d’interprétation accueil typique de l’hospitalité rituelle ? pensant qu’un jour, peut-être, il aurait
des Champs de batailles, les hôtes envoient Le touriste peut être désagréable, hautain, besoin d’être bien reçu quelque part. Trans­
des messages complexes aux touristes ; il méprisant, revendicateur, etc., mais il reste posée dans le champ du tourisme, cette
en est de même, à Montréal, quand ils un invité ; il faut tout mettre en œuvre pour valeur de réciprocité favoriserait un bon
organisent un Festival international de jazz. l’accueillir correctement, c’est-à-dire, pour accueil des touristes parce que chaque hôte
La société québécoise s’exprime et s’ouvre « l’accompagner » tout au long de son aurait en tête l’idée qu’il sera touriste un
aux touristes en les invitant à visiter le séjour. Nous sommes loin du premier geste jour, c’est-à-dire un étranger dans un lieu
Centre d’interprétation ou à participer au d’accueil qui consistait à lui dire bonjour inconnu ou mal connu.
Festival. Je n’hésite donc pas à traiter de et du deuxième, celui de lui donner un peu
tels lieux et de tels événements comme des d’information au moment du premier Je ne m’attarderai pas au fait que recevoir
composantes de la politique d’accueil contact. ainsi, c’est faire entrer un étranger « dans
touristique. son intimité », c’est lui donner accès à
l’intérieur de son cadre de vie. Cette ques­
Donner des renseignements dans des BIEN ACCUEILLIR tion mérite toutefois d’être approfondie car,
bureaux d’accueil touristique situés aux LES TOURISTES ; de plus en plus, l’aventure touristique
entrées du pays, sur ses grandes routes ou consiste justement à aller au-delà des
LES RECEVOIR COMME S’ILS
dans ses principaux pôles d’attraction est façades, des places publiques et des lieux
VENAIENT CHEZ NOUS !
un geste d’accueil. Est-il le tout premier ouverts au public4. Sous le prétexte - à tort
geste ? Est-ce par simple politesse qu’il Pour bonifier l’accueil touristique et le ou à raison - de trouver le « vrai » monde,
faut répondre aux demandes d’information rapprocher de l’hospitalité rituelle qui reste la « vraie » vie, le touriste se fait fureteur,
des touristes ? le modèle des relations humaines entre un amateur d’interstices, explorateur de con­
hôte qui a un toit et un étranger de passage, fins qui ne sont pas seulement spatiaux (les
La réponse est négative, mais, pour bien pour déborder donc de l’hospitalité de bouts du monde), mais sociaux (l’intimité
de gens, elle n’est pas évidente. L’arrivée service (même si ce service est de toute des cultes religieux, la familiarité des
d’un touriste à nos frontières est le première qualité), je crois avoir trouvé une rapports entre des gens rassemblés pour
deuxième acte d’un processus d’échange piste de réflexion et d’action : sensibili­ des jeux et des fêtes, l’entrée réelle dans
dont le premier était l’invitation à venir au ser et entraîner un maximum de gens ayant l’intimité de la vie quotidienne d’une

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famille, etc.). Accueillir un touriste comme LE CHEZ NOUS A première vue, ce raisonnement est ac­
si on le recevait chez soi demande donc TOURISTIQUE IDÉAL... ceptable. Mais il place tout le poids de
de tracer, au préalable, les limites de l’in­ l’accueil sur les agents du niveau local
timité à l’intérieur desquelles il sera tou­ Reste à préciser une énorme question : y (ville ou quartier d’une ville, village ou
jours le bienvenu. a-t-il un territoire plus favorable que les groupe de villages, etc.). Ce poids est
autres pour amener les hôtes à interagir lourd : localement, les acteurs se connais­
dans un « système d’intervention touris­ sent un peu plus entre eux, mais cela n’as­
RECEVOIR LES TOURISTES tique » ? Si l’on se place de nouveau du sure pas une meilleure collaboration ; en
CHEZ NOUS ? OÙ ÇA ? point de vue du touriste, je pense qu’il outre, dans la région, il peut manquer
aspirera d’autant plus à entrer dans l’in­ d’attractions, d’événements, de lieux, de
Sans trop prolonger cet essai, il convient timité de ses hôtes qu’il sera proche d’eux paysages, etc. pour composer un bon pro­
de discuter ici d’un aspect important de la physiquement. C’est donc d’abord au gramme d’activités ; enfin - par définition
question : pour bien recevoir chez soi, il niveau local qu’il faudrait développer cette ou presque - le touriste est un grand no­
faut connaître son espace, en être fier et capacité d’agir, en tant qu’hôtes, comme made et le meilleur accueil local ne l’em­
accepter de l’ouvrir (plus ou moins selon un collectif d’accueil. pêchera pas de repartir. Bien accueillir
les cas) aux autres, notamment à des étran­
gers. Combien de gens disent ne pas vou­
loir recevoir chez eux parce qu’ils n’ont
pas les meubles, les ustensiles, les déco­
rations, les espaces appropriés ?

Appliquée au tourisme, l’idée d’accueillir


des touristes comme si on les recevait chez
soi s’entend collectivement : l’ensemble
des gens concernés, à divers titres, par
l’accueil des touristes sont les hôtes, les
gens qui reçoivent. Où reçoivent-ils ? Chez
eux !

Par exemple, pour un touriste européen qui


vient passer ses vacances au Québec, ses
hôtes seront, au point de départ, tous les
acteurs du système d’intervention touris­
tique québécois ; quand ce touriste arrive
dans une ville particulière, ses hôtes se­
ront tous les acteurs du système d’inter­
vention touristique de cette ville ; quand
il visite une région, ses hôtes seront tous
les acteurs touristiques de cette région, et
ainsi de suite.

On aura compris que cette approche de­


mande que les hôtes agissent toujours de
concert sur un territoire donné (ville, ré­
gion, pays). On se rappelle aussitôt les
nombreux appels à la concertation qui
n’ont pas été entendus à ce jour ; pourquoi
revenir alors sur cette exigence qui sem­
ble utopique ? Parce que c’est la seule
façon d’agir comme un hôte qui connaît
bien sa maison et son contenu et qui est
capable, conséquemment, de la faire vi­
siter en donnant au touriste le sentiment
qu’il est entré ainsi dans l’intimité de la
vie de ses hôtes et qu’il a vécu une expé­
rience vraie et originale. C’est, à n’en pas
douter aujourd’hui, l’expérience touristi­
que la plus profonde, celle qui permet
d’échapper pour un moment à la culture
de masse de plus en plus homogénéisée par
la mondialisation. Vue aérienne de Sainte-Anne-de-la-Pérade

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localement un touriste ne veut pas dire touristique devraient opérer. Les acteurs déjà traitées par ce projet sur une vingtaine
essayer de se l’attacher ! Au contraire, le de ces collectifs d’accueil pourraient s’en­ annoncées) et je me retrouve. Chaque tome
sachant nomade, il faut constamment tendre d’abord sur le fond de leur action est une histoire différente et, en peu de
garder à l’esprit qu’il vient d’ailleurs et collective : QUE FAUT-IL PRÉSENTER, temps, on se convainc qu’il y a des régions
qu’il poursuivra sa route. METTRE EN VALEUR, METTRE EN culturelles au Québec. Le monde du tou­
EXPOSITION, ANIMER, ETC. ? Il leur risme peut donc s’inspirer, s’il le veut, de
Finalement, le niveau local n’est peut-être serait ensuite un peu plus facile de déci­ ces travaux historiques de très grande
pas le territoire par excellence pour favo­ der des attractions, de leur hiérarchie et de envergure ; ceci l’aidera d’abord à revoir
riser le développement de collectifs d’ac­ leur sacralisation ; enfin, les collectifs ses propres découpages régionaux qui
cueil touristique. Reprenons l’exercice : d’accueil pourraient créer vraiment des n’ont jamais été fondés ni justifiés ; sur­
nous cherchons à créer des collectifs d’ac­ productions touristiques originales comme tout, des collectifs d’accueil touristique
cueil pour mieux révéler aux touristes ce des circuits, des itinéraires, des visites pourront commencer à se constituer sur des
que nous sommes, la maison que nous guidées, des lieux d’interprétation. bases solides pour agir ensuite non seu­
habitons, le contenu de cette maison, avec lement comme des acteurs du développe­
son histoire, ses souvenirs, etc. En d’autres Ainsi conçu, le périple d’un touriste dans ment touristique, mais encore comme des
mots, les collectifs d’accueil existeront une région, tout en étant fait d’expérien­ agents collectifs du développement régio­
pour permettre et orienter « les percées ces diverses, restera un voyage « accom­ nal.
dans la culture du territoire » que les tou­ pagné », au sens premier de l’expression :
ristes désirent faire. Si tel est le défi, la faire bon accueil. Le touriste sentira tou­ Marc Laplante, sociologue, est professeur à la
première tâche est d’examiner les rapports jours la présence de ses hôtes et, plus retraite de l’UQAM et membre du comité de
entre culture et territoire. encore, la volonté de ceux-ci de le rece­ rédaction de Téoros.

Les très grandes villes sont des univers


riches et complexes et leurs habitants
peuvent produire une culture propre. Mis
voir chez eux et de lui offrir un tour du
propriétaire... F
POST-SCRIPTUM
à part ces territoires très urbanisés, je ne
vois que le niveau régional comme terri­ Existe-t-il des régions culturelles au
toire capable de porter des cultures plus Québec ? Des particularités culturelles
ou moins différentes de la culture natio­ suffisamment distinctes les unes des autres NOTES
nale. On pourrait alors découper un terri­ pour former des cultures régionales ? On 1 Le Robert (1975), Dictionnaire alphabéti­
toire comme celui du Québec en « régions débat ces questions depuis quelques gé­ que et analogique de la languefrançaise, So­
culturelles ». La traversée touristique du nérations. Entre-temps, le Québec est ciété du nouveau Littré, Paris, vol. 1, p. 35.
Québec serait alors un parcours allant constamment découpé et re-découpé en 2 Or, l’information est probablement le con­
d’une culture régionale à une autre, sans territoires pour les fins de diverses admi­ tenu le plus facilement gérable ; je serais heu­
trop de répétitions, et le touriste, par tou­ nistrations (politiques, religieuses, etc.). reux qu’on parvienne à normaliser ce champ
ches successives, se bâtirait une vue d’en­ d’action, mais il ne servira à rien de gérer
semble en voyageant chez nous. Douter encore de l’existence de nos cul­ parfaitement ce secteur si l’on ne l’inscrit pas
tures régionales n’est qu’une expression dans une large vision de l’accueil touristi­
que.
Le concept de culture régionale réfère à d’un doute plus grand qui persiste quant
l’histoire inscrite dans un milieu physique : à notre culture québécoise globale, quant 3 II y a encore des pays qui n’invitent pas les
un territoire donné, fréquenté et utilisé par à notre identité ; nos rapports à notre his­ touristes (Corée du Nord, par exemple). Dans
toire sont faibles, pauvres, pleins de trous tous les pays, il y a des zones, des territoi­
des groupes humains sur une longue pé­
res fermés aux touristes (pour des fins mi­
riode, a accumulé des strates culturelles ; et d’erreurs grossières ; la conscience de
litaires, etc.) et des lieux interdits (comme
les générations ont déposé, couche par­ nos valeurs propres est peu éveillée ; nous des lieux de culte fermés aux non prati­
dessus couche, des sédiments. Dans l’his­ nous acceptons trop souvent encore dans quants).
toire de ce territoire, dans la mentalité et le miroir que nous tendent les autres, ceux
4 Ce sujet difficile et mal connu a été traité une
les styles de vie de ses habitants qui nous ont colonisés et dominés, ceux
première fois avec intelligence par Marie-
d’aujourd’hui, dans les souvenirs archi­ qui n’ont aucun intérêt à voir les Québé­ Françoise Lanfant aux fins des cours sur les
vés, dans la mémoire collective, notam­ cois s’affirmer fortement. Parmi ceux-ci, dimensions internationales du tourisme
ment, on pourrait retrouver des traces, des on trouverait sans chercher longtemps des qu’elle a donnés à l’UQAM à l’automne
témoins, des manifestations de certaines grands décideurs du tourisme, plus inté­ 1986.
manières d’être, de penser et de faire ; bref, ressés à installer ici les équipements, les
des composantes d’une culture enracinée services et les personnels qu’ils installent
là. Si les habitants actuels d’un territoire partout ailleurs qu’à laisser germer et naître
BIBLIOGRAPHIE
ont conscience du passé, le reconnaissent nos manières propres de dire et de faire les
et le valorisent, la culture propre à cette choses. Groupe DBSF (1999), Introduction, Document
région reste une culture vivante qui peut de consultation, pour Tourisme Québec, novem­
bre, p. 2.
être ouverte à des étrangers-touristes. Personnellement, je m’enferme avec les
gros volumes d’histoire régionale que Laplante, Marc (1996), L’expérience touristique
C’est dans les limites de telles régions continue à produire l’INRS-Culture et contemporaine. Fondements sociaux et cultu­
culturelles que les collectifs d’accueil Société (plus d’une douzaine de régions rels, Québec, Presses de l’Université du Québec.

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