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Téoros
Revue de recherche en tourisme

Attraits, attractions et produits touristiques


Trois concepts distincts dans le contexte d’un développement
touristique régional
François de Grandpré

Volume 26, numéro 2, été 2007

L’attractivité touristique des territoires

URI : https://id.erudit.org/iderudit/1070941ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1070941ar

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Éditeur(s)
Université du Québec à Montréal

ISSN
0712-8657 (imprimé)
1923-2705 (numérique)

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Citer cet article


de Grandpré, F. (2007). Attraits, attractions et produits touristiques : trois
concepts distincts dans le contexte d’un développement touristique régional.
Téoros, 26(2), 12–18. https://doi.org/10.7202/1070941ar

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Dossier L’attractivité touristique des territoires

Attraits, attractions et
produits touristiques
Trois concepts distincts dans le contexte d’un
développement touristique régional

François de Grandpré

En tourisme, les concepts de « produits » et


d’« attractions » sont largement utilisés,
tant dans la littérature scientifique que dans
le langage courant et la publicité. Curieu-
sement, ces concepts n’ont pas encore de
signification unique, claire et reconnue.
Quant à la notion d’« attraits », elle ne sem-
ble pas avoir fait l’objet d’autant d’attention
et est peu conceptualisée.

Ces concepts, en particulier celui de pro-


duit, sont importants en tourisme. C’est
par exemple l’absence d’un mode de pro-
duction traditionnel d’un produit homogè-
ne qui fait hésiter les économistes à quali-
fier le tourisme d’« industrie » (Smith,
1994). Cette activité économique compte
pourtant parmi les plus importantes de la
planète. La signification que nous donnons
à ces concepts peut avoir des conséquen-
ces sur la façon dont nous percevons l’ac-
tivité touristique et la façon dont nous met-
tons en valeur nos territoires. C’est de ce
dernier point qu’il sera question dans la
conclusion. Auparavant, examinons les
écrits sur le sujet et comment ces
concepts et ces notions peuvent s’articu-
ler à l’intérieur d’une compréhension sys-
témique du tourisme.

Tel qu’indiqué dans l’Encyclopédie du tou-


risme (Jafari, 2000), tout ce qui est acheté
lors d’un voyage peut être appelé un pro-
duit touristique. Plus exactement « un pro-
duit est tout ce qui peut être offert pour
satisfaire un besoin ou un désir » (Kotler et
al., 2000 : 10). Il y a des cas où le concept
de produit s’applique aussi à des services
gratuits, comme certains loisirs (exemple :
une balade à vélo), ou à des biens publics
Laurentides, Parc national du Mont-Tremblant, Laurentides.
(un paysage), donc où le produit ne néces- Photo : Marcel Gignac, Tourisme Québec.
site pas une transaction explicite entre un

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L’attractivité touristique des territoires Dossier

acheteur et un vendeur. Kotler va plus loin


en affirmant qu’une idée peut être considé-
rée comme un produit, au même titre
qu’un bien ou un service. C’est cette flexi-
bilité de la notion de produit qui nous a
amené à nous demander si le produit tou-
ristique ne serait pas justement qu’une
idée, un idéal à atteindre lors d’un séjour
hors de son lieu habituel de vie, un état
d’esprit. N’entendons-nous pas souvent
dire que l’expérience touristique se passe
avant tout dans la tête du touriste ?
Attardons-nous davantage à la notion de
produit touristique et regardons quelle
place occuperaient les notions d’attrac-
tions et d’attraits dans ce contexte.

Le produit touristique
Dans la littérature scientifique, le produit
touristique prend une multitude de signifi-
cations. En plus de présenter sa propre
modélisation du produit touristique, Smith
(1994) recense près d’une vingtaine d’au-
teurs (dont Medlik et Middleton, Pearce,
Butler, Gunn, Jefferson et Lickorish, Pont couvert Dénommée, Saint-Bruno-de-Guigues, Abitibi-Témiscamingue.
Photo : Yves Marcoux, Tourisme Québec.
Sasser, Olson et Wyckoff) qui se sont appli-
qués à définir ce concept. Le produit ras-
semble une grande variété d’éléments. Aux que chacun effectue en cours de voyage assemblées purement au hasard. Le pro-
dires de Medlik et Middleton, par exemple seraient des composantes du produit final. ducteur cherchera à mettre en séquence
(rapportés dans Smith, 1994), le produit est En économie, on parle d’un bien compo- des consommations (des expériences) qui
un assortiment d’activités, de services et site (Caccomo et Solonandrasana, 2006). lui permettront de s’approcher de l’idéal
de bénéfices qui constitue l’expérience recherché. Le touriste élaborera cette
touristique dans sa globalité. Par ailleurs, En raison de la complexité du produit, les séquence dans le but d’assouvir ses
c’est aussi l’offre à l’échelle d’une entrepri- producteurs (fournisseurs) de chacune besoins et ses désirs.
se touristique. des composantes ne perçoivent que
vaguement le rôle que leurs biens et ser- Par ailleurs, Caccomo et Solonandrasana
Il n’est pas surprenant alors de trouver une vices jouent dans l’élaboration du produit (2006 : 32) font référence aux travaux de
liste hétéroclite dans l’énumération des final. Par exemple, un repas au restaurant Nelson qui précise que le produit touris-
produits touristiques offerts sur un territoi- peut jouer un rôle important dans un pro- tique constitue un bien d’expérience, c’est-
re. Ainsi, Smith (2003), dans une énuméra- duit de type « tourisme romantique », alors
à-dire, « un bien dont les caractéristiques
tion des produits touristiques caractéris- qu’il peut tout aussi bien n’avoir qu’une
sont apprises par les consommateurs seu-
tiques du Canada, identifie un grand nom- fonction utilitaire (se nourrir) dans d’autres
lement après leur achat ».
bre d’éléments qui vont des particularités cas (tourisme familial et circuit d’autocar
de certaines nations (autochtones, québé- par exemple). Le seul à connaître le rôle de
Le touriste est l’artisan du produit qu’il
coise, acadienne), en passant par des ce repas dans l’élaboration du produit est
l’artisan du voyage, soit le touriste consommera (Smith, 1994). Le touriste a
lieux, des équipements récréotouristiques,
des événements, des structures d’accueil, lui-même. Les mesures de flux et de effectivement la liberté de choisir les
des activités, des équipements culturels, et dépenses sont donc insuffisantes pour structures d’accueil, le mode de
la liste continue. bien saisir le phénomène. transport, les activités et la destination.
Les voyagistes et les agences de voyages
Il est assez largement reconnu aujourd’hui Le touriste aura, consciemment ou non, peuvent participer à l’élaboration de ce
que le produit touristique peut être l’en- une façon prédominante de qualifier le produit, mais ce dernier sera beaucoup
semble des activités réalisées par le touris- voyage qu’il compte entreprendre et c’est plus qu’un billet d’avion, un hôtel et la
te à partir du moment où celui-ci quitte son cette manière de le nommer, de le penser location d’une automobile. Même les for-
espace habituel de vie et ce, jusqu’à ce ou de le sentir qui sera le produit touris- faits « tout compris » comptent une part
qu’il y retourne. Pour plusieurs, le produit tique1. Ce produit touristique, en particulier d’imprévus où le touriste sera appelé à
touristique correspond ainsi à l’ensemble le produit anticipé avant le départ, ne peut faire certains choix qui le conduiront à
du périple. Les diverses consommations pas être qu’une somme de composantes vivre une expérience unique.

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Dossier L’attractivité touristique des territoires

Bref, le produit touristique est confectionné Ce lien entre un objet, un touriste et une Les attraits
par le touriste lui-même ; il se compose d’un promotion ne se fait pas au hasard. Il y a L’attrait, quant à lui, réfère à une notion plus
assemblage d’éléments disparates, dont nécessairement un promoteur. Dans la large que l’attraction. L’attrait n’existe pas
certains ne peuvent être prévus à l’avance, majorité des cas, ce promoteur est un spécifiquement pour le touriste. Par exem-
et le touriste n’aura une idée complète et entrepreneur touristique. Ainsi, pour nous, ple, un paysage ou une production culturel-
juste du produit qu’une fois qu’il aura fini de l’attraction est d’abord et avant tout une le locale sont des éléments qui peuvent
le consommer. entreprise qui contribue à l’offre touristique. rendre une ville ou une région attrayante
Avec le transport et les structures d’ac- sans pour autant que ces attraits existent à
cueil, les attractions forment le système de des fins spécifiquement touristiques. Marc
Les attractions touristiques l’offre touristique (voir plus loin le Modèle Laplante (1983) a déjà suggéré qu’il serait
Le terme attraction en tourisme semble à touristique régional – MTR à ce sujet). peut-être souhaitable de distinguer entre ce
peine mieux cerné que le terme produit et qui existe spécifiquement pour le touriste
les deux sont parfois employés indistincte- (une attraction5) et ce qui existe indépen-
ment. On s’entend généralement pour dire Produits touristiques vs attractions damment de ce dernier (un attrait). Nous
que l’attraction est ce qui attire le touriste. touristiques croyons effectivement que cette distinction
Il y a donc une différence importante entre est nécessaire.
Pour Lew (1987), une attraction touristique un produit et une attraction touristique.
est composée de tous les éléments locali- Caccomo et Solonandrasana (2006) nous Les attraits sont les ressources naturelles et
sés ailleurs qui attirent le voyageur hors de aident à y voir plus clair en distinguant entre culturelles, présentes sur le territoire, qui ont
son lieu de résidence2. Dans un article inti- le bien découverte et le bien d’évasion. le potentiel 6 de contribuer au produit touris-
tulé « A Framework of Tourist Attraction tique. Ces attraits peuvent servir de toile de
Research », celui-ci recense et classifie plus Dans le bien découverte, le touriste est fond lors d’un voyage (paysages, coutumes
d’une cinquantaine d’études et de modèles spectateur. Le meilleur exemple de ce type locales, etc.) ou avoir été mis en valeur par
qui traitent des attractions. des entrepreneurs pour les rendre accessi-
de bien est le musée. Le touriste se déplace
bles aux touristes. À ce moment-là, les
à l’intérieur du musée et regarde, en specta-
Partant de la définition du paragraphe précé- attraits servent de base aux attractions.
teur, ce qui y a été mis à son intention.
dent, l’article regroupe des études très dispa- Quand l’expérience de la visite d’un musée
rates dans lesquelles les attractions peuvent est placée sur des axes de temps (en X) et Alors que les ressources et le patrimoine
inclurent des paysages, des activités et des semblent pouvoir être utilisés comme syno-
de satisfaction (en Y), on observe une haus-
expériences. Il précise qu’il est parfois diffici- nymes pour décrire ce qu’est un attrait, les
se rapide du niveau de satisfaction dès que
le de distinguer entre ce qui est une attraction économistes apportent quelques nuances.
le touriste entre dans l’établissement. Une
et ce qui n’en est pas une. La catégorisation « Le patrimoine désigne un groupe de biens
fois la visite terminée, ou à partir du moment
qu’il tente de faire de tous ces objets est pris dans une relation de transmission. Il est
où le visiteur sent qu’il en a assez vu (géné-
louable et nécessaire, mais elle aboutit en ce qui vient des pères et porte implicite-
ralement après quelques heures), celui-ci
une nomenclature peu opérationnelle, car les ment l’obligation de transmettre aux
quitte le musée et le niveau de satisfaction
objets sont trop disparates. C’est aussi l’avis enfants » (Barthélemy et al., 2006 : 109).
redescend. Pour retrouver un niveau de
de Leiper (1990), qui, dans un article subsé-
satisfaction élevé, le touriste devra passer
quent, critique la catégorisation proposée par L’intérêt de référer au patrimoine plutôt
Lew. Il mentionne aussi que le terme attrac- au prochain « bien découverte ».
qu’aux ressources pour définir l’attrait est
tion est largement utilisé dans la littérature, cette idée de transmission aux générations
mais que le traitement qui en est fait manque Sur ces mêmes axes de temps et de satis- futures. C’est tout à fait dans l’esprit du
de cohésion et de rigueur. Nous croyons per- faction, le bien d’évasion se comporte dif- développement durable et c’est moins por-
sonnellement que les attractions, telles que féremment. Le haut niveau de satisfaction teur de connotations négatives qu’une réfé-
répertoriées par Lew, cachent en réalité les peut perdurer très longtemps. Prenons rence directe aux ressources. Ces der-
trois concepts décrits dans le présent article, l’exemple du tourisme balnéaire. À partir du nières sont en effet plus facilement asso-
soit le produit, l’attraction et l’attrait. moment où le visiteur atteint sa destina- ciées à une exploitation sans retenue du
tion 3, le niveau de satisfaction monte rapi- patrimoine collectif.
Selon certains classiques (principalement dement et ne redescend qu’au moment où
MacCannell, 1979 et Leiper, 1990), une at- le touriste réintègre son « monde ordi- Mais il y a aussi des inconvénients à utiliser
traction serait tout élément, tangible ou intan- naire 4 ». Dans le cas du bien découverte, la le terme patrimoine. La mise en place d’un
gible, qui, à partir d’une mise en valeur satisfaction est en lien avec un équipement développement durable de la ressource est
appropriée de ressources naturelles ou cultu- (dans notre exemple il s’agit d’un musée), davantage une aventure systémique que
relles, aurait la capacité d’attirer un touriste. alors que dans le cas du bien d’évasion, la l’attribut d’une ressource. De plus, « le
En général on s’entend pour dire que l’at- satisfaction est en lien avec un état d’esprit terme de patrimoine ne va cesser de ren-
traction est composée de trois éléments : un (dans notre exemple, vivre l’expérience du voyer à l’expression de deux logiques radi-
objet (un noyau ou un événement), un mar- tourisme balnéaire). Cette distinction cor- calement opposées : celle d’intérêts indivi-
queur (un acte de promotion ou de mise en respond à celle que nous faisons entre une duels marchands et celle de collectifs qui
valeur dudit objet) et un touriste (susceptible attraction (bien découverte) et un produit cherchent à se définir à travers un patri-
d’être attiré par l’objet en question). touristique (bien d’évasion). moine commun » (idem : 110).

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L’attractivité touristique des territoires Dossier

Dans le but d’éviter toute ambiguïté, nous périences. Les attraits forment le cadre dans L’offre (O) 8
avons opté pour l’utilisation du terme plus lequel prennent place l’offre et la matière pre- O1 : Hôtel en bord de mer
neutre de « ressources », tout en gardant à mière des attractions. Le cadre donnera de O2 : Restaurants de fruit de mer
l’esprit toutefois que ces ressources doivent l’authenticité au produit, dans la mesure où le O3 : Activités organisées sur la plage
faire l’objet d’une exploitation responsable produit n’aura pas été parachuté à cet endroit Oj : …
et lucide. Ainsi, nous employons les expres- par pur hasard.
sions « ressources naturelles » et « ressour- Les attraits (A)
ces culturelles » pour définir ce qu’est un A1 : La mer
Si nous voulions mettre ces composantes
attrait 7. A2 : Un climat tropical
sous forme d’équation, nous pourrions dire
A3 : Une culture locale tournée vers la mer
que le produit (P) est fonction des compo-
Ak : …
Produits, attractions et attraits santes de l’offre (O) et des attraits (A) :
P = P((O1,O2, O3,…,Oi) ; (A1, A2, A3, …,
En mathématique, le produit est la résultan- Le nombre (i) et la qualité des expériences
te de la multiplication de plusieurs nombres. Ak)). vécues lors du voyage ainsi que le nombre
Dans le modèle que nous proposons, le pro- (k) et la qualité des attraits contribueront à
duit serait la résultante de la juxtaposition de Voici un exemple relatif au tourisme balnéaire : la cohérence du produit touristique imagi-
chacune des expériences vécues lors d’un né au départ par le touriste. L’équation
déplacement, amplifiée par le décor nature Le produit (P) pourrait aussi compter des éléments né-
et culture dans lequel se déroulent ces ex- P. Le tourisme balnéaire gatifs (-Ox ou -Ay) qui contribueraient à ré-

Figure 1

Adaptation du modèle touristique régional

Source : auteur, à paraître.

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Dossier L’attractivité touristique des territoires

duire la qualité du produit. Dans notre exem- base), ces éléments extérieurs ne sont sibilités qui s’offrent à lui (palette de
ple de tourisme balnéaire, la pollution, la vio- généralement pas directement percepti- choix de destinations potentielles,
lence dans les rues, des hôtels hors de prix bles par le voyageur. Ils n’en influencent temps et argent disponibles, pression
qui n’attirent pas les jeunes (associés à l’i- pas moins la qualité du produit que ce der- sociale, etc.).
mage du tourisme balnéaire), etc. contri- nier consommera. Les facteurs extérieurs
bueraient à réduire la cohérence et la quali- comptent quatre groupes : les facteurs de Ces produits peuvent prendre trois for-
té du produit. base, qui sont les fondements de l’identité mes : une expérience thématique, une
d’un territoire ; les facteurs stratégiques, destination ou une activité. Dans les trois
Il serait réducteur de la complexité du sous le contrôle des acteurs locaux et cas, il s’agit de vivre une série d’expé-
phénomène touristique de dire que l’é- régionaux ; les facteurs entrepreneuriaux riences qui contribueront à façonner le
quation P = P((O1,O2,O3,…,Ok) ; (A1, A2, liés au bon fonctionnement des entrepri- produit. Considérant la multitude d’ex-
A3, …, Al)) suffit à résumer l’activité tou- ses ; et les facteurs contextuels qui évo- périences potentielles lors d’un voyage,
ristique. Dans mes travaux de thèse, je luent indépendamment de la volonté des
chaque déplacement est unique. Il y a
propose un modèle pour expliquer le acteurs.
fonctionnement du tourisme en région (de donc autant de produits qu’il y a de
Grandpré, 2005). Ce modèle (le MTR) voyages. Heureusement, il est possible
Comme la figure 1 l’illustre (flèches), le pro-
donne aux produits touristiques, aux de regrouper ces produits à l’intérieur de
duit touristique, les attractions et les attraits
attractions et aux attraits des fonctions grandes catégories. Le tableau 1 pré-
ont chacun un rôle particulier à jouer dans
spécifiques et complémentaires de la sente des exemples de produits.
la dynamique touristique régionale. À titre
mise en tourisme régionale. d’exemple, un voyage de ski est un pro-
duit, une montagne un attrait et un centre Dans le contexte du MTR, l’attraction
de ski une attraction. est, quant à elle, une des trois compo-
Le modèle touristique régional (MTR) santes de l’offre. C’est une entreprise
Le but du présent article n’est pas de pré- Sur cette base, nous pourrions donc défi- qui met en valeur un attrait à des fins
senter ce modèle9, mais seulement d’illus- nir le concept de produit de la manière touristiques. L’attrait naturel (plan d’eau,
trer la place qu’occupent les produits, les suivante : le produit touristique est d’a- montagne, climat, etc.) ou culturel (fait
attractions et les attraits dans un contexte bord et avant tout la représentation men- historique, production culturelle, art,
touristique régional. tale qu’un individu se fait du voyage qu’il etc.) est ainsi organisé, transformé et
désire entreprendre. Celle-ci est formée publicisé dans le but explicite d’intéres-
Au centre du modèle se trouve le système d’expériences culturelles et de loisirs qu’il ser des touristes. Des exemples d’at-
de la demande. À sa plus simple expres- cherchera à vivre lors de son voyage. tractions sont : les parcs à thèmes, les
sion, ce système est la résultante de l’inte- Cette pulsion lui vient d’un besoin à satis- institutions muséales, les festivals, les
raction entre les trois éléments suivants : le faire et s’actualisera sous l’influence de casinos, les terrains de golf13, les croi-
besoin qu’éprouve une personne de quitter l’information dont il dispose, de la promo- sières d’observation des baleines, des
son lieu habituel de vie pour un certain tion dont il est la cible, ainsi que des pos- visites guidées, etc.
temps (push) ; la promotion / information à
sa disposition (pull) ; et les produits touris- Tableau 1
tiques qui sont à sa portée. Derrière ce sys-
tème de la demande se cache tout l’arse- Exemples de produits touristiques
nal des outils marketing (notoriété, image,
Thématique Découverte d’une destination
processus de prise de décision, marchéa-
Agrotourisme
ge, intermédiaires du voyage, etc.). Région
Écotourisme
(circuit, continent, pays, État / province,
Tourisme autochtone
Vient ensuite le système de l’offre qui, à sa ville, parc)
Tourisme blanc
plus simple expression encore une fois10, Tourisme bleu Entreprise
se résume à trois composantes : le Tourisme culinaire (centre de villégiature, hôtel, auberge,
transport, les structures d’accueil et les Tourisme culturel centre commercial, musée, etc.)
attractions. Il s’agit d’entreprises qui off- Tourisme d’affaire / congrès
Activités
rent directement des services aux touris- Tourisme d’apprentissage
Événements spéciaux
tes. Le système de l’offre est la partie la Tourisme d’aventure / Grande aventure
Camping12
Tourisme familial
plus apparente pour les voyageurs, c’est Congrès
Tourisme de santé
aussi l’endroit où les dépenses sont réali- Magasinage
Tourisme gai
sées (mais pas exclusivement 11). Tourisme religieux Plaisance
Tourisme social Sport
Enfin, en périphérie du système, les fac- Tourisme urbain (chasse, golf, glisse, motoneige, vélo,
teurs extérieurs sont formés de l’ensemble Tourisme vert pêche, etc.)
des éléments susceptibles d’aider ou de Etc. Etc.
nuire au positionnement touristique d’une Source : auteur.
région. Hormis les attraits (facteurs de

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L’attractivité touristique des territoires Dossier

des biens publics, les désirs parfois


excentriques des touristes, les phénomè-
nes de mode, les défis d’adapter l’offre à
la demande, sont autant d’enjeux que
soulèvent les concepts décrits dans le
présent article.

Ce qui peut paraître paradoxal, c’est


qu’une approche par produit signifie qu’il
faille d’abord penser la demande avant
de penser l’offre. En effet, le produit est
d’abord et avant tout dans la tête du tou-
riste et non sur le terrain. Au Québec, les
associations touristiques régionales
(ATR), les offices de tourisme, les cham-
bres de commerce et tout autre organis-
me de promotion et de développement
touristique local et régional sont limités
dans leur capacité à mettre en place une
véritable stratégie de positionnement par
produit à cause justement de cette per-
spective (celle de l’offre15) qui vient de
Maison en bois rond, Laurentides. leur mission et de leur mandat.
Photo : Marcel Gignac, Tourisme Québec.

L’autre difficulté vient de la délimitation


Enfin, l’attrait est une ressource naturelle Toujours dans le contexte du MTR, il est
du territoire que les organismes de pro-
ou une ressource culturelle qui a le poten- possible qu’une des composantes du
système de l’offre (structure d’accueil et motion et de développement touristiques
tiel de rendre un territoire attrayant pour
transport) soit à la fois attraction et pro- ont la charge de mettre en valeur. Le tou-
un touriste. Cette ressource, ou partie de
duit. Nous pensons par exemple à riste ne fait pas de distinction entre une
la ressource, peut avoir été transformée
l’Orient Express, au château Frontenac, région administrative et une autre au
en attraction à l’intention du touriste ou
aux restaurants très hauts cotés dans moment où il élabore son produit. Il n’hé-
non. Des exemples seraient des monta-
les guides touristiques et à tout autre sitera pas à franchir la frontière qui sépa-
gnes, des paysages, le climat, des coutu-
équipement d’accueil et de transport re ces régions s’il sent que c’est au
mes locales et même l’attitude des rési-
qui offrent des expériences exception- bénéfice du produit qu’il est en train de
dants d’un territoire. Ainsi, la « joie de
nelles aux voyageurs, des expériences construire. Certaines régions l’ont com-
vivre » des Québécois peut être considé- pris et n’hésitent pas à faire fi de ces
qui valent le voyage.
rée comme un attrait et éventuellement fausses frontières (fausses du point de
devenir un produit 14. vue touristique). La municipalité de Saint-
Conclusion Donat par exemple, située dans
La démarcation entre produits, attractions Lanaudière, perçoit bien que son offre
et attraits dans le contexte du MTR est Les concepts de produits, d’attractions
et d’attraits peuvent difficilement être correspond davantage à l’image que le
claire. Ce qui n’empêche pas qu’un objet touriste se fait des Laurentides. Elle n’hé-
expliqués en dehors du contexte dans
puisse être les deux, voire les trois à la site donc pas à s’identifier à cette région
lequel ils sont utilisés. Que ce soit dans
fois. L’attraction est presque toujours un voisine dans certaines promotions touris-
un contexte de marketing, de planifica-
attrait au départ, mais un attrait n’est pas tiques. Le Québec maritime est un autre
tion, industriel, de géographie, d’écono-
nécessairement une attraction. Un attrait exemple. Les territoires membres pro-
mie ou, comme c’est le cas ici, touris-
peut être un produit. Les attraits suivants tique, ces notions peuvent prendre des viennent de plusieurs régions touris-
sont des produits dans la mesure où un significations différentes. Nous tiques ; ce qui les unit c’est la volonté de
touriste, quelque part, imagine une appuyant sur le MTR et quelques ouvra- certains touristes de vivre une expérience
séquence de consommations qui lui fera ges spécifiques à ce sujet, nous avons de bord de mer particulière. De la même
vivre l’expérience de l’attrait : les paysa- tenté dans cet article de réduire un peu manière, les « routes touristiques » et les
ges de la Provence, le climat des Antilles, la confusion qui semble régner autour sentiers au Québec sont généralement
l’ambiance de Charlevoix, les plaines de ces termes. plus intéressants s’ils ne se confinent pas
d’Abraham, le débarquement en à une seule région. Nous croyons que
Normandie. Si la destination est suffisam- La définition des concepts, tels qu’ils des produits touristiques restent inexplo-
ment développée, le touriste trouvera sur sont présentés ici, n’est pas sans impli- rés ou sous-développés, au Québec, à
place des attractions qui l’aideront à vivre cations pour l’industrie touristique. La cause justement du découpage (de
l’expérience convoitée. dimension intangible du tourisme, le rôle Grandpré, 2000).

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Dossier L’attractivité touristique des territoires

Il est vrai que les organismes de déve- 7 L’équivalent anglais du mot « attrait » n’est Bibliographie
loppement local et régional sont liés à pas évident. Il est traduit par attraction ou Barthélemy, Denis, Martino Neiddu, et Frank-
leur mission de mettre en valeur un terri- appeal dans le dictionnaire anglais-fran- Dominique Vivien (2006), « Refondation cri-
toire prédéterminé. Peut-être qu’en tou- çais / français-anglais Harrap’s Shorter
tique de la notion de patrimoine », La Pensée,
risme serait-il plus rentable pour eux, et (1998). Compte tenu du sens et du
no 347, juillet-septembre.
pour le Québec en général, de chercher contexte dans lesquels nous l’utilisons,
des alliances en dehors de leur nous proposons plutôt l’emploi du terme Caccomo, Jean-Louis, et Bernardin Solo-
territoire ? À moins que la solution ne attributes. nandrasana (2006) [2e éd.], L’innovation
soit ailleurs. Peut-être serait-il intéres- dans l’industrie touristique – Enjeux et stra-
sant pour le Québec de songer à fonder 8 L’offre est constituée de trois catégories tégies, L’Harmattan, Paris.
des ATP (associations touristiques de d’éléments : le transport, les structures
d’accueil et les attractions. de Grandpré, François (2000), « Le découpage
produits) ?
des régions touristiques du Québec – Élé-
9 Le modèle qui est présenté à la figure 1 ments d’analyse et pistes de recherches »,
François de Grandpré est professeur au est expliqué en détail dans un article sou- Téoros, vol. 19, no 3, p. 40-43.
mis à la revue Tourisme & Territoires /
département d’études en loisir, culture et de Grandpré, François (2005), Proposition d’une
Territories & Tourism (de Grandpré, à
tourisme à l'Université du Québec à paraître). modélisation du système touristique régional
(MTR) et application au Québec, thèse de
Trois-Rivières.
10 Les modèles sont généralement des sim- doctorat, Université Paul-Cézanne-Aix-
plifications de la réalité. Marseille.
Notes
11 Il y a des exceptions : les intermédiaires de Grandpré, François (à paraître), « Modélisation
1 On peut penser un voyage qui compterait du tourisme régional », Tourisme et Territoires /
du voyage et les institutions financières
deux ou trois produits. Le cas par exemple
par exemple. Territories & Tourism, [tourter.com].
d’un touriste en voyage d’affaires qui pré-
voit aussi faire un voyage d’agrément. 12 La liste peut paraître compter des élé- Jafari, Jafar (1988), « Le système du touriste :
Dans ce cas, cette même personne aura ments non mutuellement exclusifs, Modèles socio-culturels en vue d’applica-
deux identités différentes lors du même comme ici pour le camping qui est à la tions théoriques et pratiques », Loisir &
voyage, mais sans doute pas en même fois une activité et un mode d’héberge- Société / Society & Leisure, vol. 11, no 1,
temps. ment. En fait, il faut questionner le voya- p. 59-80.

2 « A tourist attraction consists of all those geur pour savoir si son but premier est de
Jafari, Jafar (2000), Encyclopedia of Tourism,
elements of ‘non-home’ places that draw faire du camping ou autre chose. Faire du
Routledge, Grande-Bretagne.
discretionary travelers away from their plein air, découvrir une région à bas prix
homes. » (Lew, 1987, p. 54) peuvent conduire à faire du camping ; le Kotler, P., P. Filiatrault, et R.E. Turner (2000)
camping devient alors un moyen et non [2e éd.], Le management du marketing,
3 On peut argumenter que cette satisfaction une fin. Gaëtan Morin Éditeur.
peut commencer avant l’arrivée à la desti-
nation (anticipation) et se poursuivre après 13 Des équipements, comme certains ter- Laplante, Marc (1983), « Les attractions touris-
le retour (souvenirs). rains de golf, ne reçoivent parfois qu’une tiques : un système à décoder », Téoros,
infime partie de touristes. La clientèle vol. 2, no 2, p. 14-19.
4 En référence au système du touriste de
peut se limiter à une clientèle de proximi-
Jafar Jafari (1988). Leiper, Neil (1990), « Tourist Attraction Systems »,
té. Il est difficile de fixer la proportion de
Annals of Tourism Research, vol. 17,
5 « Attraction », « attraction touristique » et touristes qu’un équipement doit recevoir
p. 390-407.
« attrait touristique » seraient synonymes. pour être qualifié de « touristique ». Dans
Le mot « attrait » utilisé seul référerait aux le cas des festivals, le chiffre de 15 % est Lew, Alan E. (1987), « A Framework of Tourist
ressources naturelles et culturelles qui ne généralement utilisé pour distinguer Attraction Research », Annals of Tourism
sont pas nécessairement en lien avec le entre un festival qui est touristique et un Research, vol. 14, no 4, p. 553-575.
tourisme. On peut aussi dire « attrait natu- autre qui ne l’est pas.
MacCannell, Dean (1979), The Tourist – A New
rel » et « attrait culturel ».
14 Et ce, même si le Québécois n’était pas Theory of the Leisure Class, New York,
6 Pour être une ressource touristique, l’at- plus accueillant qu’un autre peuple. Schocken Books.
trait doit servir directement ou indirecte- L’important pour « devenir un produit »
ment dans l’élaboration du produit touris- Smith, S.L.J. (1994) « The Tourism Product »,
est que le touriste pense qu’il s’agit d’un
tique, sinon ce n’est pas une ressource. À Annals of Tourism Research, no 21,
produit et qu’il veuille en faire l’expérien-
l’étape de la planification régionale, l’attrait p. 582-595.
ce lors d’un voyage.
doit avoir le potentiel de servir un touriste Smith, S.L.J. (2003). « A Vision for the Canadian
dans l’élaboration ou la consommation de 15 A fortiori quand l’organisme représente Tourism Industry », Tourism Management,
son produit pour être considérée une res- ses membres davantage que son terri- vol. 24, no 2, p. 123-133.
source. toire.

18 Téoros Été 2007

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