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ANALYSE I

FONCTION D’UNE VARIABLE

LICENCE DE SCIENCES ET TECHNOLOGIE

MENTION MATHEMATIQUES

UE 2.11

2009

Université Henri Poincaré-Nancy I Institut Elie Cartan


AVERTISSEMENT

Ce cours contient le programme d’analyse de l’UE 2.11 De la licence de


Sciences et technologie : mention mathématiques.

Il reprend, en le complétant, le cours d’ANALYSE I de la licence Math.-


Info. de Nicole Bardy, Jean-Marie Didry, Gérard Eguether, et Didier Schmitt
année 2006 à 2009.
Pour des raisons pédagogiques, on a préféré suivre un ordre d’exposition
qui n’est pas strictement linéaire. Les démonstrations contenues dans les
premiers chapitres s’appuient sur certains résultats vus dans le secondaire
ou dans le cours de l’UE 1.11 Calculs et mathématiques, ces résultats étant
démontrés rigoureusement dans les chapitres postérieurs.
Certaines démonstrations sont omises ou laissées en exercices.
On a placé en annexe des résultats qu’il est important de connaı̂tre mais sur
lesquels on n’insistera pas, et en complément quelques résultats intéressants
du point de vue de la “culture mathématique”.

G.EGUETHER

Conventions typographiques

Les termes nouveaux définis dans le texte sont indiqués en caractères gras.

Les résultats importants sont écrits en caractères penchés et matérialisés de deux manières :

par deux traits verticaux dans la marge gauche, pour les théorèmes mis en exergue

par un soulignement, pour les résultats figurant dans le texte

Les démonstrations sont mises en retrait, et rédigées en caractères plus petits que ceux du texte.
Un carré en indique la fin et laisse au lecteur le soin de conclure. 

1
Notations

Les objets mathématiques (nombres, points, fonctions, ensembles etc...), sont représentés par des lettres
majuscules ou minuscules. Les caractères de l’alphabet latin sont utilisés soit en italique, soit en caractères
calligraphiques. Quelques symboles sont utilisés avec des typographies différentes.

a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
C ℓ N Q R Z

Les notations suivantes sont réservées aux ensembles de nombres :

N entiers naturels
Z entiers relatifs
Q rationnels
R réels
C complexes

La lettre ℓ est utilisée pour désigner une limite.



Les lettres i et j sont utilisées pour désigner les nombres complexes i = −1 et j = e2iπ/3 . Lorsque il
n’y a pas de confusion elles peuvent désigner des nombres entiers, notamment des indices. Elles peuvent
être utilisées également comme vecteurs (−

ı ,−

 ) d’une base de R2 .

La lettre e est réservée à la base des logarithmes népériens e = 2, 71828 . . ..


n

La lettre C est utilisée avec des indices pour noter les coefficients binomiaux Cpn notés actuellement p ,
et également pour indiquer qu’une fonction est n fois continûment dérivable : fonction de classe Cn .

On utilise également les lettres de l’alphabet grec, ou, tout du moins, celles qui ne sont pas identiques à
des lettres de l’alphabet latin.

2
alpha α A
bêta β B
gamma γ Γ
delta δ ∆
epsilon ε E
(d)zêta ζ Z
êta η H
thêta θ Θ
iota ι I
kappa κ K
lambda λ Λ
mu µ M
nu ν N
xi (ksi) ξ Ξ
omicron o O
pi π Π
rhô ρ R
sigma σ Σ
tau τ T
upsilon υ Υ
phi ϕ Φ
khi χ X
psi ψ Ψ
oméga ω Ω

P Q
Les symboles et sont réservés en général pour indiquer une somme et un produit.

La lettre π désigne le nombre 3, 14159 . . ..

Pour augmenter le nombre des symboles, on utilise des indices et exposants ainsi que certains autres
signes placés au-dessus ou en dessous des lettres utilisées. Dans ce cours nous avons limité l’utilisation de
ces signes à la liste ci-dessous :


étoile R∗ indique que l’ensemble de nombres est privé de 0.
tilde e fe utilisé par exemple pour les prolongements de fonctions

rond ◦ I désigne l’intérieur d’un ensemble.


vecteur −
→ I pour noter les vecteurs du plan ou de l’espace
barre R pour noter la droite numérique achevée
−→
\ −−→
chapeau b (OA, OB) pour noter un angle
+ +
plus R désigne l’ensemble des nombres positifs
+
plus a+ dans l’expression lim pour désigner la limite à droite en a
x→a+
− −
moins a dans l’expression lim− pour désigner la limite à gauche en a
x→a

point ˙ ȧ pour désigner la classe d’équivalence d’un élément a

3
Table des matières

1 SUITES DE NOMBRES REELS 5


Annexe : Les expressions quantifiées 28

2 COMPORTEMENTS ASYMPTOTIQUES DES FONCTIONS 35

3 FONCTIONS CONTINUES 61
Complément : Bilan sur R et construction de R 77

4 FONCTIONS DERIVABLES 81

5 INTEGRALE D’UNE FONCTION CONTINUE 103

6 COURBES PARAMETREES 133

4
Chapitre 1

SUITES DE NOMBRES REELS

5
1. Rappels sur les nombres réels

Dans ce cours d’analyse, et en analyse en général, on fait un usage abondant des inégalités et des valeurs
absolues. Il faut donc savoir les manipuler sans hésitation dans différents contextes.

1.1. Inégalités

Nous donnons tout d’abord les règles d’utilisation des inégalités dans les différentes opérations sur les
nombres réels.
On se rappellera que pour montrer une inégalité a ≤ b, on a souvent intérêt à montrer que b − a ≥ 0 (de
même pour les inégalités strictes).
En utilisant la remarque précédente et le fait que la somme et le produit de nombres réels positifs sont
des nombres positifs, on obtient facilement les propriétés suivantes (que l’on pourra transcrire pour des
inégalités strictes).

Inégalité et opposés :

a ≤ b équivaut à −b ≤ −a

(Les deux inégalités sont équivalentes à b − a ≥ 0).

Inégalité et inverses :

1 1
0 < a ≤ b implique ≤
b a
1 1 b−a
( − = ≥ 0).
a b ab
addition terme à terme :

(a ≤ b et c ≤ d) implique a + c ≤ b + d

((b + d) − (a + c) = (b − a) + (d − c) ≥ 0).

Mais on ne peut soustraire terme à terme. Par contre

(a ≤ b et c ≤ d) implique a − d ≤ b − c

(En additionnant a ≤ b et − d ≤ −c).

Multiplication par un réel positif :

(a ≤ b et c ≥ 0) implique a · c ≤ b · c

(b · c − a · c = (b − a)c ≥ 0).

Multiplication par un réel négatif :

(a ≤ b et c ≤ 0) implique a · c ≥ b · c

(a · c − b · c = (a − b)c ≥ 0).

7
Multiplication terme à terme :

(0 ≤ a ≤ b et 0 ≤ c ≤ d) implique a · c ≤ b · d

(b · d − a · c = b(d − c) + c(b − a) ≥ 0).

Mais on ne peut diviser terme à terme. Par contre


a b
(0 ≤ a ≤ b et 0 ≤ c ≤ d) implique ≤
d c
(en multipliant 0 ≤ a ≤ b et 0 ≤ 1/d ≤ 1/c ).

Conséquences importantes :

– pour majorer une somme x + y, on majore à la fois x et y

– pour majorer une différence x − y, on majore x et on minore y

– pour majorer un produit x · y de nombres positifs, on majore à la fois x et y


x
– pour majorer un quotient de nombres positifs, on majore x et on minore y
y
– pour minorer une somme x + y, on minore à la fois x et y

– pour minorer une différence x − y, on minore x et on majore y

– pour minorer un produit x · y de nombres positifs, on minore à la fois x et y


x
– pour minorer un quotient de nombres positifs, on minore x et on majore y
y

1.2. Valeur absolue

On donne ci-dessous les différentes définitions possibles de la valeur absolue et les propriétés importantes :

On définit la valeur absolue d’un nombre réel a par



a si a ≥ 0
|a| =
−a si a ≤ 0
On a alors

|a| = | − a| = max(a, −a) = a2

Remarque : max(a, b) désigne le plus grand des deux nombres a et b.

Valeur absolue et produit

|a · b| = |a| · |b|

8
Inégalité triangulaire :

|a + b| ≤ |a| + |b|

et l’égalité a lieu si et seulement si a et b sont de même signe

Si a et b sont positifs, il en est de même de a + b, et

|a + b| = a + b = |a| + |b| .

De même si a et b sont négatifs

|a + b| = −(a + b) = (−a) + (−b) = |a| + |b| .

Si a et b ont le même signe. Il y a donc égalité.

Si a ≤ 0 ≤ b et a + b ≥ 0

|a + b| = a + b = −|a| + |b| ≤ |a| + |b| .

Si a ≤ 0 ≤ b et a + b ≤ 0

|a + b| = −(a + b) = |a| − |b| ≤ |a| + |b| .

En permutant les rôles de a et b on a encore l’inégalité désirée si b ≤ 0 ≤ a. On constate également


que si a ou b n’est pas nul, il ne peut y avoir égalité dans les derniers cas. 

Conséquence :


|a + b| ≥ |a| − |b|

On écrit a = a + b − b. Alors

|a| = |(a + b) − b| ≤ |a + b| + | − b| = |a + b| + |b| ,

d’où
|a| − |b| ≤ |a + b| .
En permutant les rôles de a et b, on a également

|b| − |a| ≤ |a + b| .

D’où ˛ ˛
˛ |a| − |b| ˛ = max(|a| − |b|, |b| − |a|) ≤ |a + b| .
˛ ˛

Les inégalités triangulaires peuvent s’écrire aussi pour les différences puisque a − b = a + (−b), ce qui
donne

|a| − |b| ≤ |a − b| ≤ |a| + |b|

Inégalités et valeurs absolues :

Attention : a ≤ b n’implique pas |a| ≤ |b|. Si par exemple a et b sont négatifs c’est l’inégalité inverse qui
a lieu : |b| ≤ |a|. Donc pour majorer une valeur absolue |a| il ne suffit pas de majorer a. Le signe de a
intervient.

9
A titre d’exemple montrons la propriété suivante :

a ≤ b ≤ c implique |b| ≤ max(|a|, |c|)

Si b ≥ 0, on a alors c ≥ 0 donc
|b| = b ≤ c = |c| ≤ max(|c|, |a|) .

Si b ≤ 0, on a alors a ≤ 0 donc
|b| = −b ≤ −a = |a| ≤ max(|c|, |a|) .
L’inégalité est toujours vraie. 

Pour majorer une valeur absolue on utilise en général la propriété suivante :

|a| ≤ b équivaut à −b ≤ a ≤ b

Si |a| ≤ b, ou bien a ≥ 0, alors


−b ≤ 0 ≤ a = |a| ≤ b ,
ou bien a ≤ 0, alors −a = |a| ≤ b d’où
−b ≤ a ≤ 0 ≤ b .

Inversement, si −b ≤ a ≤ b, on a a ≤ b et −a ≤ b, donc
|a| = max(a, −a) ≤ b .


Pour majorer |a| par un nombre b (positif), il faut majorer a par b et le minorer par −b, ou encore majorer
a et −a par b.

On déduit de ce qui précède différentes manières de traduire des inégalités contenant des valeurs absolues,
que nous utiliserons par la suite :

Il y a équivalence entre les propriétés suivantes :

i) |x − a| ≤ r

ii) −r ≤ x − a ≤ r

iii) a−r ≤x≤a+r

iv) x ∈ [ a − r, a + r ]

Terminons par une propriété qui elle aussi va être utilisée dans la suite du cours :

Tout intervalle ouvert I contenant a, contient un intervalle de la forme ] a − r, a + r [ avec r > 0.

Si I = R, n’importe quel nombre réel r convient.


Si I = ] α, +∞ [ , on peut prendre r = a − α.
Si I = ] −∞, β [ , on peut prendre r = β − a.
Si I = ] α, β [ , on peut prendre pour r le plus petit des deux nombres a − α et β − a. 

10
Remarquons que ce qui précède n’est plus vrai si I est un intervalle fermé, lorsque a est une des bornes de
l’intervalle. Par contre si I est ouvert, il contient un intervalle [ a − s, a + s ] . Il suffit de prendre s = r/2,
si r est le nombre obtenu dans la démonstration précédente.

2. Suites de nombres réels

Rappelons qu’une suite u = (un )n≥n0 d’éléments d’un ensemble F est une application de l’ensemble
E = {n ∈ N | n ≥ n0 }, où n0 est entier, dans F .

Rappelons également que le quantificateur ∀ signifie “quel que soit” et que ∃ signifie “il existe”. Nous
découvrirons au fur et à mesure les règles d’utilisation des quantificateurs dont on trouvera en annexe un
exposé plus détaillé.

2.1. Quelques qualificatifs pour les suites réelles

Une suite u est dite

constante si et seulement si tous ses termes ont la même valeur, c’est-à-dire si et seulement si
(∀n ∈ N) (un = u0 )
ou encore si et seulement si
(∀n ∈ N) (un = un+1 )
croissante si et seulement si pour tout entier naturel n, on a un ≤ un+1 , c’est-à-dire si et seulement si
(∀n ∈ N) (un ≤ un+1 )
strictement croissante si et seulement si
(∀n ∈ N) (un < un+1 )
décroissante si et seulement si
(∀n ∈ N) (un+1 ≤ un )
strictement décroissante si et seulement si
(∀n ∈ N) (un+1 < un )
monotone, si et seulement si elle est croissante ou décroissante.

majorée si et seulement si tous ses termes sont inférieurs à un certain nombre, c’est-à-dire si et seulement
si

(∃M ∈ R) (∀n ∈ N) (un ≤ M )


minorée si et seulement si tous ses termes sont supérieurs à un certain nombre, c’est-à-dire si et seulement
si

(∃m ∈ R) (∀n ∈ N) (un ≥ m)


bornée si et seulement si u est minorée et majorée. On peut vérifier que cela équivaut à

(∃A ∈ R) (∀n ∈ N) (|un | ≤ A)

11
Si l’on a cette dernière propriété, alors, on a, pour tout entier n

un ≤ A et − A ≤ un ,

et donc la suite (un ) est à la fois majorée et minorée, donc est bornée.

Réciproquement si (un ) est bornée, il existe m et M , tels que, pour tout entier n

un ≤ M et un ≥ m ,

on en déduit
un ≤ |M | et un ≥ −|m| ,
alors, si A = max(|m|, |M |), on a, pour tout entier n

|un | ≤ A ,

Remarque : si l’on a, pour tout entier n, |un | ≤ M et |vn | ≤ P , alors |un + vn | ≤ |un | + |vn | ≤ M + P et
|un vn | = |un | |vn | ≤ M P . Il en résulte que les suites (un + vn ) et (un vn ) sont bornées.

En général quand on étudie le comportement d’une suite, ce sont les grandes valeurs de n qui sont
intéressantes, et dans bon nombre de théorèmes, on demandera seulement qu’une propriété P (n) soit
vraie à partir d’une certaine valeur de n. On dira que la propriété P (n) est vraie à partir d’un certain
rang s’il existe un entier naturel q tel que P (n) soit vraie pour tout entier n supérieur à q.

Par exemple, dire qu’une suite est croissante à partir d’un certain rang, c’est dire qu’il existe un
entier naturel q tel que, pour tout entier naturel n ≥ q, on ait un ≤ un+1 , ce qui s’écrit sous forme
quantifiée
(∃q ∈ N) (∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (un ≤ un+1 ))
ou encore, de façon moins précise (il est ici sous entendu que n un entier naturel), mais sans doute plus
lisible, sous la forme
(∃q ∈ N) (∀n ≥ q) (un ≤ un+1 ) .
On donne le nom de suite stationnaire à une suite constante à partir d’un certain rang.

Par ailleurs il est facile de voir le résultat suivant :

Une suite majorée (resp. minorée, resp. bornée) à partir d’un certain rang, est une suite majorée (resp.
minorée, resp. bornée).

Montrons le résultat pour une suite (un ) majorée.

(∃q ∈ N) (∃M ∈ R)(∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (un ≤ M ) .

Alors si l’on prend A = max(u0 , . . . , uq−1 , M ), on a pour tout entier n

un ≤ A ,

ce qui montre que la suite (un ) est majorée. 

12
2.2. Opérations algébriques sur les suites

Soient u et v deux suites réelles, et λ un nombre réel.

On appelle somme de u et de v, et on note u + v, la suite réelle w définie par

(∀n ∈ N) (wn = un + vn ) .

On appelle produit de u par le scalaire λ, et on note λu, la suite réelle w définie par

(∀n ∈ N) (wn = λun ) .

On appelle produit de u et de v, et on note u v, la suite réelle w définie par

(∀n ∈ N) (wn = un vn ) .

Si on suppose de plus que v ne s’annule pas (c’est-à-dire que (∀n ∈ N) (vn 6= 0) ), on appelle suite
1
inverse de la suite v, et on note , la suite réelle w définie par
v
1
(∀n ∈ N) (wn = ).
vn
1 u
On appelle alors suite quotient de u par v, la suite u × , notée .
v v

2.3. Suite extraite

Soient u et v deux suites réelles. On dit que v est extraite de u si et seulement si il existe une fonction
ϕ de N dans N, strictement croissante, telle que, pour tout entier naturel n, on ait vn = uϕ(n) .

Un exemple de suites extraites est donné par la suite des termes de rang pair et la suite des termes
de rang impair définies respectivement par vn = u2n et wn = u2n+1 .

3. Comportement asymptotique d’une suite réelle

3.1. Notion de limite

On rappelle tout d’abord les notions de limites vues en terminale et formulées à l’aide des intervalles,
avant de les traduire sous forme quantifiée.

On dit qu’une suite u admet +∞ pour limite, si et seulement si, tout intervalle [ A, +∞ [ , (A ∈ R),
contient tous les termes de la suite à partir d’un certain rang q.

Une autre façon d’exprimer cette définition est de dire que, quel que soit le nombre réel A, il existe un
entier q (qui dépend de A), tel que, pour tout entier n, si n ≥ q, alors un ≥ A, et ceci s’exprime par la
formule quantifiée :

(∀A ∈ R) (∃q ∈ N) (∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (un ≥ A) ,


ou encore, sous forme simplifiée :

(∀A ∈ R) (∃q ∈ N) (∀n ≥ q)(un ≥ A)) ,

13
On dit qu’une suite u admet −∞ pour limite, si et seulement si, tout intervalle ] −∞, A ] , (A ∈ R),
contient tous les termes de la suite à partir d’un certain rang q, autrement dit si et seulement si

(∀A ∈ R) (∃q ∈ N) (∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (un ≤ A)) .

Il est clair, au vu de ces définitions que u ne peut admettre à la fois +∞ et −∞ pour limite.

Soit ℓ un nombre réel. On dit que u admet ℓ pour limite si et seulement si, tout intervalle ouvert
contenant ℓ contient tous les termes de la suite à partir d’un certain rang q.

On a vu dans les préliminaires que tout intervalle ouvert contenant ℓ, contient nécessairement un inter-
valle ouvert de la forme ] ℓ − ε, ℓ + ε [ . On peut donc se contenter de tels intervalles. Et la définition se
reformule ainsi :

On dit que u admet ℓ pour limite si et seulement si, quel que soit le nombre réel ε strictement positif
que l’on se donne, les termes de la suite sont dans l’intervalle ] ℓ − ε, ℓ + ε [ à partir d’un certain rang q
(qui dépend de ε) autrement dit si et seulement si

(∀ε ∈ R∗+ ) (∃q ∈ N) (∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (|un − ℓ| < ε)) ,

ou encore, sous forme simplifiée :

(∀ε > 0) (∃q ∈ N) (∀n ≥ q) (|un − ℓ| < ε) .

On remarquera qu’il est équivalent de dire que u admet 0 pour limite, ou que |u| = (|un |)n≥0 admet 0
pour limite (ce qui sera souvent utilisé dans la pratique).

On dit que u est convergente si et seulement si il existe un réel ℓ tel que u admette ℓ pour limite. Dans
les autres cas, on dit que u est divergente.

Un premier résultat important est qu’une suite convergente est bornée. En conséquence, une suite conver-
gente ne peut admettre aussi +∞ (ou −∞) pour limite.

Soit une suite u ayant pour limite ℓ. Prenons ε = 1. Il existe q dans N, tel que, pour tout n ≥ q,
on ait
|un − ℓ| < 1 .
Alors, en utilisant l’inégalité triangulaire, pour tout n ≥ q, on a

|un | = |(un − ℓ) + ℓ| ≤ |un − ℓ| + |ℓ| < 1 + |ℓ| .

On en déduit que la suite u est bornée à partir d’un certain rang. Elle est donc bornée. 

Il est aisé de voir qu’une suite convergente n’admet qu’une limite.

Supposons que u possède deux limites ℓ et ℓ′ , telles que ℓ < ℓ′ . Soit ε = (ℓ′ − ℓ)/2 > 0. Il existe q
dans N, tel que, pour tout n ≥ q, le nombre un appartienne à l’intervalle ] ℓ − ε, ℓ + ε [ .
Il existe q ′ dans N, tel que, pour tout n ≥ q ′ , le nombre un appartienne à l’intervalle ] ℓ′ − ε, ℓ′ + ε [ .
Mais
ℓ + ℓ′
ℓ + ε = ℓ′ − ε = ,
2
et les deux intervalles précédents ont une intersection vide. Alors si n ≥ max(q, q ′ ), on obtient une
contradiction. 

Quand elle existe, la limite (finie ou non) de u est notée lim u ou encore lim un .
n→+∞

14
3.2. La droite numérique achevée R

Afin d’unifier les énoncés, introduisons l’ensemble noté R défini par R = R ∪ {±∞}.

On prolonge de façon naturelle l’ordre de R à R en décidant que pour tout nombre réel x, on a
−∞ < x < +∞.
Puis on prolonge, mais partiellement, l’addition et la multiplication de R à R par les règles suivantes, en
posant que ces opérations restent commutatives et que pour tout nombre réel x,
 
+∞ si x > 0 −∞ si x > 0
x + (+∞) = +∞ , x + (−∞) = −∞ , x × (+∞) = , x × (−∞) =
−∞ si x < 0 +∞ si x < 0

et enfin que
(+∞) + (+∞) = +∞ , (−∞) + (−∞) = −∞ ,
(+∞) × (+∞) = +∞ , (−∞) × (−∞) = +∞ , (+∞) × (−∞) = −∞ .
1 1
On prolonge aussi la notion d’inverse en posant : = =0.
+∞ −∞
On remarquera que n’ont pas été définis la somme (+∞) + (−∞) et les produits (+∞) × 0 et (−∞) × 0.
0 ∞
De même ne sont pas définis les quotients et . Ces différentes expressions correspondent à ce que
0 ∞
l’on appelle les formes indéterminées dans le paragraphe suivant.

Enfin on dira qu’une suite u admet une limite dans R pour exprimer qu’elle admet +∞, −∞ ou un
nombre réel ℓ pour limite.

3.3. Limite et opérations algébriques

Soient u et v deux suites réelles admettant respectivement ℓ et ℓ′ pour limites dans R, et λ un nombre
réel non nul. Alors, sous réserve que ℓ + ℓ′ et ℓ × ℓ′ soient définies dans R :
u + v admet ℓ + ℓ′ pour limite
λ u admet λ ℓ pour limite
u v admet ℓ ℓ′ pour limite.

Ce qui précède peut s’exprimer simplement en disant que la limite d’une somme est la somme des limites
sauf si cette somme de limite est de la forme ∞−∞, et que la limite d’un produit est le produit des limites
sauf si ce produit se présente sous la forme 0 × ∞, ce qui donne les deux premières formes indéterminées.
Le théorème ne permet pas de conclure dans ce cas, et il faudra trouver d’autres méthodes pour trouver
la limite ou montrer qu’elle n’existe pas, c’est ce que l’on appelle lever l’indétermination.

Commençons par étudier le cas où les deux limites sont finies.

Cas de la somme : Soit ε > 0. On cherche à majorer la valeur absolue de la différence (un + vn ) − (ℓ + ℓ′ )
par ε. En remarquant que l’on peut écrire

(un + vn ) − (ℓ + ℓ′ ) = (un − ℓ) + (vn − ℓ′ ) ,

et en utilisant l’inégalité triangulaire, on obtient

|(un + vn ) − (ℓ + ℓ′ )| ≤ |un − ℓ| + |vn − ℓ′ | .

15
Exprimons alors que u converge vers ℓ, et v vers ℓ′ . Il existe un entier q dans N, tel que, pour tout
n ≥ q, on ait
ε
|un − ℓ| < .
2
Il existe également q ′ dans N, tel que, pour tout n ≥ q ′ , on ait
ε
|vn − ℓ′ | < .
2
Alors si n ≥ max(q, q ′ ),
ε ε
|(un + vn ) − (ℓ + ℓ′ )| = |(un − ℓ) + (vn − ℓ′ )| ≤ |un − ℓ| + |vn − ℓ′ | < + =ε.
2 2
La quantité |(un + vn ) − (ℓ + ℓ′ )| est donc inférieure à ε à partir d’un certain rang. Cela montre
que la suite u + v converge vers ℓ + ℓ′ .

Cas du produit : Puisque la suite v a une limite finie, elle est bornée. Il existe M > 0 tel que,
pour tout entier n, on ait |vn | ≤ M . Soit alors ε > 0. On cherche à majorer la valeur absolue de
la différence un vn − ℓ ℓ′ par ε. Pour cela on va tout d’abord utiliser l’identité

a b − α β = (a − α)b + (b − β)α .

On obtient
|un vn − ℓ ℓ′ | = |(un − ℓ)vn + (vn − ℓ′ )ℓ| .
On peut alors majorer cette expression en utilisant l’inégalité triangulaire :

|un vn − ℓ ℓ′ | ≤ |(un − ℓ)vn | + |(vn − ℓ′ )ℓ| = |un − ℓ| |vn | + |vn − ℓ′ | |ℓ| ≤ |un − ℓ| M + |vn − ℓ′ | |ℓ| .

Exprimons alors que u converge vers ℓ, et v vers ℓ′ . Il existe un entier q tel que, pour tout entier
n ≥ q, on ait
ε
|un − ℓ| < ,
M + |ℓ|
et il existe un entier q ′ tel que, pour tout entier n ≥ q ′ , on ait
ε
|vn − ℓ′ | < .
M + |ℓ|

Alors, si n ≥ max(q, q ′ ), on a
ε ε
|un vn − ℓ ℓ′ | < M + |ℓ| =ε.
M + |ℓ| M + |ℓ|

La quantité |(un vn ) − (ℓ ℓ′ )| est donc inférieure à ε à partir d’un certain rang. Cela montre que la
suite u v converge vers ℓ ℓ′ .

En particulier, si vn = λ pour tout n, la suite est constante et a pour limite λ, on en déduit que
λu converge vers λ ℓ.

Etudions maintenant la somme de deux suites u et v lorsque u a pour limite ℓ = +∞ et v est


bornée inférieurement, par une constante M . C’est le cas en particulier lorsque v admet aussi +∞
pour limite, car elle est alors bornée inférieurement, et lorsque v possède une limite finie, car elle
est bornée donc bornée inférieurement.
Soit A un nombre réel. Puisque u tend vers +∞, il existe un entier q tel que, pour tout entier
n ≥ q, on ait un ≥ A − M . Alors

un + vn ≥ (A − M ) + M = A .

La suite u + v est minorée par A à partir d’un certain rang. Elle admet donc +∞ pour limite.


On pourra à titre d’exercices étudier les autres cas.

16
Remarque : la suite u converge vers une limite ℓ si et seulement si la suite u − ℓ converge vers 0.

On suppose toujours que u admet pour limite ℓ dans R.


Si ℓ est
  non nulle, il existe un entier naturel q tel que u ne s’annule pas à partir du rang q et la suite
1 1
converge vers .
un n≥q ℓ

Si ℓ = 0 et si les termes de la suite


 u sont strictement positifs (resp. strictement négatifs) à partir
1
d’un certain rang q, la suite admet +∞ (resp. −∞) pour limite.
un n≥q

Si u converge vers ℓ 6= 0, il existe un entier q tel que, pour tout entier n ≥ q, on ait

|ℓ|
|un − ℓ| < .
2
En écrivant un = ℓ + (un − ℓ), et en utilisant l’inégalité triangulaire

|a + b| ≥ | |a| − |b| | ,

on obtient
|ℓ| |ℓ|
|un | ≥ | |ℓ| − |un − ℓ| | ≥ |ℓ| − |un − ℓ| > |ℓ| − = >0.
2 2
Donc un n’est pas nul si n ≥ q . De plus, pour tout n ≥ q,
˛ ˛
˛ 1 1 ˛˛ |un − ℓ| 2
˛ un − ℓ ˛ = |un | |ℓ| < ℓ2 |un − ℓ| .
˛

Soit alors ε > 0. Il existe un entier q ′ tel que, pour tout entier n ≥ q ′ , on ait

ℓ2 ε
|un − ℓ| < .
2
Alors, si n ≥ max(q, q ′ ), on a ˛ ˛
˛ 1 1 ˛˛
˛
˛ un − <ε.
ℓ˛


On pourra traiter le cas où ℓ est infinie et le cas où ℓ = 0 à titre d’exercice.

Remarque : un quotient u/v de deux suites se ramène à l’étude du produit u × (1/v) donc le problème
de la limite d’un quotient se déduit des deux résultats précédents.

17
3.4. Limite et inégalité.

Connaissant une inégalité stricte sur les limites, on peut comparer les suites à partir d’un certain rang en
vertu du résultat suivant :

Soient u et v deux suites réelles admettant les limites respectives ℓ et ℓ′ (dans R). Si l’on a ℓ > ℓ′ ,
alors, à partir d’un certain rang, un > vn .

Dans le cas où ℓ et ℓ′ sont réelles, posons ε = (ℓ − ℓ′ )/2 > 0. Il existe q, tel que, pour n ≥ q, le
nombre un appartienne à l’intervalle ] ℓ − ε, ℓ + ε [ . Il existe q ′ , tel que, pour n ≥ q ′ le nombre vn
appartienne à l’intervalle ] ℓ′ − ε, ℓ′ + ε [ . Mais
ℓ + ℓ′
ℓ − ε = ℓ′ + ε = .
2
Donc, si n ≥ max(q, q ′ ), on a
vn < ℓ′ + ε = ℓ − ε < un .
On pourra traiter les cas où ℓ ou ℓ′ est infinie à titre d’exercice. 

Inversement, on peut passer à la limite dans les inégalités larges :

Soient u et v deux suites réelles admettant les limites respectives ℓ et ℓ′ (dans R). Si à partir d’un
certain rang un ≤ vn , alors on a ℓ ≤ ℓ′ .

Si par l’absurde on supposait que ℓ > ℓ′ , le résultat précédent affirme que un > vn à partir d’un
certain rang, ce qui contredit l’hypothèse que un ≤ vn à partir d’un certain rang. 

On remarquera que l’on déduit des résultats précédents, en prenant u = (0), qu’une suite v convergente
positive a une limite positive (la limite peut être nulle, même si vn > 0 pour tout entier naturel n), et
que, si la suite v admet une limite strictement positive, alors vn > 0 à partir d’un certain rang.

Une autre conséquence, est la suivante : si tous les termes d’une suite u appartiennent à un intervalle
fermé I (c’est-à-dire un intervalle de la forme {a}, [ a, b ] , [ a, +∞ [ , ] −∞, b ] ou R), sa limite ℓ, si elle
existe, appartient aussi à I.

3.5. Existence d’une limite par comparaisons.

Théorème d’encadrement (ou des gendarmes) :


Soient u, v, w trois suites réelles. On suppose que u et w sont convergentes, de même limite ℓ, et, qu’à
partir d’un certain rang, elles encadrent la suite v. Alors v est convergente de limite ℓ.
Soient u, v deux suites réelles. On suppose que u est inférieure (resp. supérieure) à partir d’un certain
rang à v, et que v admet −∞ (resp. +∞) pour limite. Alors u admet −∞ (resp. +∞) pour limite.

Etudions le cas des limites finies.


Il existe un rang q, tel que, pour tout entier n ≥ q, on ait

un ≤ vn ≤ wn .

18
Soit ε > 0. Il existe q1 , tel que, pour n ≥ q1 le nombre un appartienne à l’intervalle ] ℓ − ε, ℓ + ε [ .
Il existe q2 , tel que, pour n ≥ q2 le nombre wn appartienne à l’intervalle ] ℓ − ε, ℓ + ε [ . Alors, si
n ≥ max(q, q1 , q2 )
ℓ − ε < un ≤ vn ≤ wn < ℓ + ε .
Les termes de la suite v sont dans l’intervalle ] ℓ − ε, ℓ + ε [ à partir d’un certain rang. 

Le cas des limites infinies est laissé à titre d’exercice.

Comme application du théorème d’encadrement, on remarquera que l’on a le réultat suivant :

le produit d’une suite bornée par une suite qui converge vers 0 est une suite qui converge elle aussi
vers 0.

Si (un ) converge vers 0, et si (vn ) est telle que, pour tout entier n, on ait |vn | ≤ M , alors

0 ≤ |un vn | ≤ M un ,

et le théorème d’necadrement montre que la suite (|un vn |) converge vers 0, donc la suite (un vn )
également. 

3.6. Limite et suites extraites.

Soit ℓ ∈ R. Si la suite u admet ℓ pour limite, toute suite extraite de u admet aussi ℓ pour limite.
Inversement, il suffit que les suites extraites x et y des termes de rang pair et de rang impair admettent
le même nombre ℓ ∈ R pour limite, pour que u admette ℓ pour limite.

Soit ϕ une application strictement croissante de N dans lui-même. On montre tout d’abord par
récurrence que, pour tout entier naturel n, on a ϕ(n) ≥ n.

C’est vrai pour n = 0 , puisque ϕ(0) appartient à N. Supposons la propriété vraie au rang n. On
a alors, puisque ϕ est strictement croissante,

ϕ(n + 1) > ϕ(n) ≥ n .

Mais, puisque ϕ(n + 1) est un entier strictement supérieur à n, il est supérieur ou égal à n + 1, ce
qui montre la propriété au rang n + 1.

Soit ε > 0. Si u converge vers ℓ réel, il existe un entier q tel que, pour tout n ≥ q, on ait

|un − ℓ| < ε .

Mais dans ce cas, ϕ(n) ≥ n ≥ q, et donc, on a également

|uϕ(n) − ℓ| < ε .

Il en résulte que la suite v, définie par vn = uϕ(n) , converge aussi vers ℓ. (Démonstration analogue
pour une limite infinie)

19
Inversement, supposons que les suites extraites x et y définies par xn = u2n et yn = u2n+1
admettent le même nombre ℓ fini pour limite. Soit ε > 0. Il existe q1 , tel que, pour n ≥ q1

|xn − ℓ| < ε ,

Il existe q2 , tel que, pour n ≥ q2


|yn − ℓ| < ε ,
Alors, soit p ≥ q = max(2q1 , 2q2 + 1).
Si p est pair, il est de la forme p = 2n où n est entier. Mais, puisque p = 2n ≥ q ≥ 2q1 , on en
déduit que n ≥ q1 , et donc

|up − ℓ| = |u2n − ℓ| = |xn − ℓ| < ε .

Si p est impair, il est de la forme p = 2n + 1 où n est entier. Mais, puisque p = 2n + 1 ≥ q ≥ 2q2 + 1,
on en déduit que n ≥ q2 , et donc

|up − ℓ| = |u2n+1 − ℓ| = |yn − ℓ| < ε .

Donc, pour tout entier p ≥ q, la quantité |up − ℓ| est majorée par ε. 

(Démonstration analogue pour une limite infinie)

On retiendra que pour montrer qu’une suite u n’a pas de limite, il suffit de trouver deux suites extraites
x et y ayant des limites différentes. C’est le cas de la suite ((−1)n ) par exemple.

3.7. Comportement asymptotique des suites monotones

Une suite réelle croissante (resp. décroissante) à partir d’un certain rang, non majorée (resp. non
minorée) admet +∞ (resp. −∞) pour limite.

Supposons la suite u croissante et non majorée. Soit A un nombre réel. Il existe un entier q tel que
uq > A. Mais la suite étant croissante, on a pour tout n ≥ q, l’inégalité un ≥ uq . On en déduit
que la suite u est minorée par A à partir du rang q. Elle admet donc +∞ pour limite. 

Une suite réelle croissante (resp. décroissante) majorée (resp. minorée) est convergente et majorée
(resp. minorée) par sa limite.

La première partie de cette dernière propriété est considérée comme l’un des axiomes constitutifs de l’en-
semble des nombres réels. On ne cherche donc pas à la démontrer. On établira plus tard son équivalence
avec d’autres énoncés. Elle différencie de manière décisive R de l’ensemble Q des nombres rationnels :
2un + 2
par exemple la suite rationnelle définie par les relations u0 = 0 et ∀n ∈ N, un+1 = est crois-
un + 2
sante, majorée par 2, mais sa limite n’est pas dans Q. En effet, par passage à la limite dans la relation
2ℓ + 2
précédente, la limite ℓ vérifie, ℓ = , et on en déduit que ℓ2 = 2.
ℓ+2

La seconde partie de l’affirmation précédente résulte du théorème de passage à la limite dans les
inégalités. En effet, quels que soient les entiers n et p, si p ≤ n on a xp ≤ xn , et on en déduit que,
pour tout entier p, on a l’inégalité xp ≤ ℓ. 

20
Remarque : dans le résultat précédent, il suffit que la suite soit croissante (resp. décroissante) à partir
d’un certain rang et majorée (resp. minorée), pour qu’elle converge.

3.8. Suites adjacentes.

Deux suites u et v sont dites adjacentes, si et seulement si, à partir d’un certain rang, l’une est crois-
sante, l’autre décroissante, et si la suite v − u admet 0 pour limite.

Deux suites adjacentes sont convergentes, de même limite ℓ, et si, à partir du rang q, la suite u est
croissante, et la suite v décroissante, alors, pour tout entier naturel n ≥ q, on a un ≤ ℓ ≤ vn .

Supposons u croissante, et v décroissante à partir du rang q. La suite v − u est convergente, donc


bornée inférieurement par une constante a. Pour tout entier n,

vn − un ≥ a .

Comme v décroit à partir du rang q, on a vn ≤ vq , pour tout n ≥ q, donc

un ≤ vn − a ≤ vq − a .

La suite u est donc majorée. Il en résulte qu’elle converge vers une limite ℓ, et à partir du rang q,
on a un ≤ ℓ.
De même, comme u est croissante à partir du rang q, on a un ≥ uq pour tout entier n ≥ q, donc

vn ≥ a + un ≥ a + uq ,

et la suite v est minorée. Il en résulte qu’elle converge vers une limite ℓ′ , et à partir du rang q,
on a vn ≥ ℓ′ .
Mais alors v − u converge vers ℓ − ℓ′ = 0. Les deux limites sont donc égales, et à partir du rang q,
on a un ≤ ℓ ≤ vn . 

3.9. Comportement asymptotique des suites puissances et des suites géométriques


∗ p +∞ si p > 0
Soit p ∈ Z . Alors lim (n ) = .
n→+∞ 0 si p < 0

+∞ si a > 1
Soit a ∈ R. Alors lim (an ) = et la suite n’admet pas de limite si a ≤ −1.
n→+∞ 0 si |a| < 1
np an
On retiendra aussi que pour p ∈ N et a > 1, lim n = 0 et lim = 0.
n→+∞ a n→+∞ n!

Démontrons deux des propriétés ci-dessus, les autres seront laissées en exercices.
Posons un = n. La suite u est croissante, puisque un+1 − un = 1 ≥ 0. Elle possède donc une
limite, finie ou non. Si cette limite était une limite finie ℓ, alors, lim(un+1 ) = lim(un ) = ℓ, et donc
lim(un+1 − un ) = 0 ce qui est impossible puisque un+1 − un = 1. C’est donc que la limite de la
suite u vaut +∞.
Si p est un entier positif, on a alors np ≥ n, pour tout entier n positif, et il résulte du théorème
de comparaison, que (np ) possède elle aussi +∞ pour limite.
1
Si p est un entier négatif, on a np = −p . Comme −p est positif, la suite (n−p ) a pour limite +∞,
n
et donc son inverse (np ) a pour limite 0.

21
Posons vn = np /an , avec a > 1. On obtient la relation
„ «p
vn+1 1 1
= 1+ .
vn n a
´p 1 ´
mais 1 + n1
``
a
admet pour limite 1/a < 1. Il en résulte que la suite vn+1 /vn est majorée
strictement par 1 à partir d’un certain rang. La suite v est donc décroissante à partir d’un certain
rang, et comme elle est minorée par zéro, elle converge vers une limite ℓ. Alors par passage à la
limite dans la relation „ «p
1 1
vn+1 = 1 + vn ,
n a

on obtient ℓ = , et donc ℓ = 0. 
a

4. Equivalence asymptotique de deux suites.

On définit une relation d’équivalence notée ∼ dans l’ensemble des suites de nombres réels en disant :
u ∼ v si et seulement si il existe une suite réelle ε admettant 1 pour limite, telle que, à partir d’un
certain rang, on ait un = εn vn .
On dira dans ce cas que la suite u est équivalente à la suite v.

Remarquons que dans cette définition, les premières valeurs de la suite ε n’interviennent pas. La suite ε
peut n’être définie qu’à partir d’un certain rang.

En prenant ε = (1), qui converge vers 1, on a un = εn un , donc u ∼ u ce qui donne la la réflexivité.

Si u ∼ v, il existe une suite ε de limite 1, telle que, à partir d’un certain rang, on ait un = εn vn .
Comme ε admet 1 comme limite, elle n’est pas nulle à partir d’un certain rang et 1/ε est définie
à partir d’un certain rang et converge vers 1. Alors, à partir d’un certain rang
1
vn = un ,
εn
donc v ∼ u et on a la symétrie.

Si u ∼ v et v ∼ w, il existe deux suites ε et η de limite 1 telles que à partir d’un certain rang

un = εn vn et vn = ηn wn .

Alors, à partir d’un certain rang


un = (εn ηn )wn ,
et εη converge vers 1, donc u ∼ w et on a la transitivité. 

Remarquons que si v ne s’annule pas à partir d’un certain rang q, il revient au même de dire que u ∼ v,
un
ou de dire que la suite ε définie à partir du rang q par εn = admet 1 pour limite.
vn
En particulier, si c est un nombre réel non nul, il est équivalent de dire que u ∼ (c) ou de dire que u
converge vers c.
En revanche, une suite u est équivalente à la suite (0) si et seulement si elle est nulle à partir d’un certain
rang.

L’intérêt de la relation d’équivalence réside essentiellement dans les trois résultats suivants :

22
i) si u ∼ v et si v admet ℓ ∈ R pour limite, alors u admet aussi ℓ pour limite.
ii) si u ∼ v, alors, à partir d’un certain rang, un et vn ont même signe ou sont tous deux nuls à partir
d’un certain rang.
iii) si u ∼ v et si v est bornée, alors u est bornée.

On a, à partir d’un certain rang, la relation un = εn vn , où la suite ε admet pour limite 1. Si v
admet une limite dans R, on déduit immédiatement du théorème sur les limites de produits que

lim u = lim ε lim v = lim v .

La suite ε tend vers 1. Donc, à partir d’un certain rang, le nombre εn est strictement positif. Alors
un = εn vn est du même signe que vn , et est nul si vn est nul.

Enfin la suite ε est bornée. Si v est bornée il en sera de même du produit εv. Donc u est bornée à
partir d’un certain rang, donc bornée. 

Ainsi cette relation permet-elle de “remplacer”, dans certaines circonstances, une suite par une suite plus
simple pour mieux comprendre son comportement asymptotique.

Exemple : Soient p + 1 nombres réels a0 , a1 , . . . , ap tels que ap 6= 0. Alors la suite u définie sur N par
p
P
un = ak nk est équivalente à la suite v définie sur N par vn = ap np dont le comportement asymptotique
k=0
est évident.

On met en facteur dans un le terme prépondérant ap np . On obtient


p−1
!
X ak 1
un = vn 1 + .
ap np−k
k=0

Si l’on pose
p−1
X ak 1
εn = 1 + ,
ap np−k
k=0

on constate que cette suite admet 1 pour limite. On a donc bien u ∼ v. 

La grande souplesse d’utilisation de la relation d’équivalence asymptotique tient dans sa compatibilité


avec la multiplication et le passage au quotient.

a) Les propriétés u ∼ v et u′ ∼ v ′ impliquent uu′ ∼ vv ′ .


1 1
b) Si u ∼ v et si u ne s’annule pas à partir d’un certain rang, il en est de même de v et ∼ de
u v
u′ v′
sorte que, si de plus u′ ∼ v ′ , on a ∼ .
u v

Si u ∼ v et u′ ∼ v ′ , il existe deux suites ε et η de limite 1 telles que à partir d’un certain rang

un = εn vn et u′n = ηn vn′ .

Alors, à partir d’un certain rang


un u′n = (εn ηn )vn vn′ ,

23
donc uu′ ∼ vv ′ .

Si u ∼ v, il existe une suite ε de limite 1, telle que, à partir d’un certain rang, on ait un = εn vn .
Comme εn tend vers 1, à partir d’un certain rang, ce nombre n’est pas nul. Si vn n’est pas nul à
partir d’un certain rang, il en est de même de un et
1 1 1
= .
un εn vn
Comme 1/ε converge vers 1, il en résulte que 1/u ∼ 1/v. 

On remarquera cependant que la notion de suites équivalentes ne peut pas être utilisée en toutes circons-
tances. On prendra garde en particulier aux situations suivantes :

u ∼ v et u′ ∼ v ′ n’impliquent pas nécessairement u + u′ ∼ v + v ′


(Prendre par exemple un = n + 1, vn = n, u′n = −n + 1 et vn′ = −n).

si u ∼ v et si f est une fonction d’une variable réelle, on n’a pas nécessairement f (un ) ∼ f (vn )
(Prendre par exemple un = n + 1, vn = n et f : x 7→ ex ).

u ∼ v et si u est croissante, alors v n’est pas nécessairement croissante.


(Prendre par exemple un = 1 − 1/n et vn = 1 + 1/n).

5. Résultats théoriques sur les suites

5.1. Propriété de BOLZANO-WEIERSTRASS

En préliminaire on peut voir que de toute suite réelle, on peut extraire une suite monotone.

Soit u une suite réelle. Appelons indice-pic un entier n tel que, pour tout m > n, on ait um < un .
Il y a alors deux cas possibles.

Premier cas : il existe une infinité d’indices-pics. On peut les ranger dans un ordre croissant
(p0 , p1 , . . . , pn , . . .) . On définit une application ϕ de N dans N en posant, pour tout n ∈ N,
ϕ(n) = pn . Cette application est strictement croissante, car

ϕ(n) = pn < pn+1 = ϕ(n + 1) ,

et puisque pn est un indice-pic, on en déduit que

uϕ(n) > uϕ(n+1) .

La suite (uϕ(n) )n≥0 est donc décroissante.

Deuxième cas : l’ensemble des indices pics est fini. Si r est un majorant strict de cet ensemble
posons, p0 = r. Ce nombre n’est pas un indice-pic. Il existe donc un nombre p1 > p0 tel que
up1 ≥ up0 . De nouveau, puisque p1 n’est pas un indice-pic, il existe un indice p2 > p1 , tel que
up2 ≥ up1 . On voit qu’en poursuivant ce procédé, on construit une suite (pn ), telle que, pour tout
entier naturel n
pn+1 > pn et upn+1 ≥ upn .
On définit une application ϕ strictement croissante de N dans N en posant, pour tout n ∈ N,
ϕ(n) = pn . La suite (uϕ(n) )n≥0 est alors croissante. 

24
On sait que toute suite convergente est bornée. La réciproque est évidemment fausse comme le montre
l’exemple de la suite ((−1)n )n≥0 , mais, de toute suite bornée on peut extraire une suite convergente (pro-
priété de Bolzano-Weierstrass).

On a vu ci-dessus que de toute suite réelle on peut extraire une suite monotone. Si la suite de
départ est bornée, la suite extraite l’est aussi. C’est une suite croissante majorée ou décroissante
minorée. Elle est donc convergente. 

5.2. Suites de Cauchy

Une suite u à valeurs réelles, est appelée suite de Cauchy, si et seulement si, pour tout choix d’un réel
ε > 0, on peut rendre toutes les quantités |un − um | strictement inférieures à ε à partir d’un certain rang,
c’est-à-dire

(∀ε ∈ R∗+ ) (∃q ∈ N) (∀n ∈ N) (∀m ∈ N)(((n ≥ q) et (m ≥ q)) ⇒ (|un − um | < ε)) ,

ce que l’on peut écrire encore

(∀ε ∈ R∗+ ) (∃q ∈ N) (∀n ∈ N) (∀p ∈ N)((n ≥ q) ⇒ (|un+p − un | < ε)) .

Remarquons qu’une suite de Cauchy est bornée.

Soit ε = 1. Il existe un entier naturel q, tel que, quel que soit n ≥ q,

|un − uq | ≤ 1 .

Alors
|un | ≤ |un − uq | + |uq | ≤ 1 + |uq | ,
et la suite u est bornée à partir d’un certain rang, donc bornée. 

Remarquons également qu’une suite convergente est une suite de Cauchy.

Si u converge vers ℓ, soit ε > 0. Il existe un entier q tel que, pour tout entier n ≥ q, on ait
ε
|un − ℓ| < .
2
Alors, si n et m sont supérieurs à q

|un − um | ≤ |un − ℓ| + |um − ℓ| < ε .

L’intérêt de la notion de suite de Cauchy, est que le résultat précédent admet une réciproque :
toute suite de Cauchy de nombres réels converge. Cela permet de démontrer qu’une suite est convergente
sans en connaı̂tre la limite.

25
Soit u = (un )n≥0 une suite de Cauchy. Elle est donc bornée. D’après la propriété de Bolzano-
Weierstrass, on peut en extraire une suite convergente (uϕ(n) )n≥0 . Notons ℓ, la limite de cette
suite extraite. Il reste à montrer que la suite u converge elle aussi vers ℓ.

Soit ε > 0. Puisque u est une suite de Cauchy, il existe un entier q, tel que, quels que soient les
entiers n et m supérieurs à q, on ait
ε
|un − um | < .
2
Puisque (uϕ(n) )n≥0 converge vers ℓ, il existe un entier q ′ , tel que, quel que soit l’entier m ≥ q ′ , on
ait
ε
|uϕ(m) − ℓ| < .
2
Alors si n et m sont supérieurs à max(q, q ′ ), on a également ϕ(m) ≥ m ≥ q, et
ε
|un − uϕ(m) | < .
2
En utilisant l’inégalité triangulaire, on obtient, si n ≥ max(q, q ′ )

|un − ℓ| ≤ |un − uϕ(m) | + |uϕ(m) − ℓ| < ε .

Nous avons dit que la propriété “toute suite croissante majorée converge” était une propriété constitutive
de R. Nous montrons ci-dessous que l’on aurait pu la remplacer par “toute suite de Cauchy converge et
la suite (n) n’est pas majorée”, c’est-à-dire que ces deux propriétés sont équivalentes.

On a déjà démontré l’implication dans un sens. Il nous reste à montrer la réciproque.

On suppose que toute suite de Cauchy converge et que la suite (n) n’est pas majorée. Soit (un )n≥0
une suite croissante majorée, nous allons montrer qu’elle converge.

Supposons, par l’absurde, que ce ne soit pas une suite de Cauchy. Il existe donc un ε > 0, tel que,
pour tout entier N , on puisse trouver, un entier q ≥ 0, et un entier p ≥ N , vérifiant

|up+q − up | ≥ ε ,

ou encore, en utilisant la croissance de la suite,

up+q ≥ ε + up .

Nous allons construire de manière récurrente une suite ϕ strictement croissante de nombres entiers
de telle sorte que, pour tout entier naturel n,

uϕ(n) ≥ u0 + nε .

Posons ϕ(0) = 0. Et supposons construits des nombres ϕ(0), . . . , ϕ(n), tels que

ϕ(0) < ϕ(1) < · · · < ϕ(n) ,

avec, pour tout entier r compris entre 0 et n

uϕ(r) ≥ u0 + rε .

Prenons N = ϕ(n). Il existe un entier q ≥ 0, et un entier p ≥ N , vérifiant

up+q ≥ ε + up .

Posons ϕ(n + 1) = p + q. On a nécessairement q 6= 0 et

ϕ(n + 1) = p + q > p ≥ ϕ(n) .

26
Par ailleurs, p ≥ ϕ(n) et la suite u est croissante, donc

up ≥ uϕ(n) .

Alors,

uϕ(n+1) ≥ ε + up
≥ ε + uϕ(n)
≥ ε + (u0 + nε) .

On en déduit que
uϕ(n+1) ≥ u0 + (n + 1)ε .
Ainsi construit, uϕ(n+1) possède bien les propriétés requises.
Mais, sachant que la suite (n)n≥0 n’est pas majorée, l’inégalité

uϕ(n) ≥ u0 + nε ,

montre que la suite (uϕ(n) )n≥0 n’est pas majorée. Comme c’est une suite extraite de u, on obtient
une contradiction. Il en résulte que toute suite croissante et majorée est une suite de Cauchy, et
donc qu’elle converge. 

6. Suites de nombres complexes

Soit (un ) une suite de nombres complexes. On dira que la suite converge vers ℓ si la suite de nombres réels
(|un − ℓ|) converge vers 0. Si l’on exprime cette condition avec les quantificateurs, on retrouve la même
définition que dans le cas d’une suite réelle, en remplaçant simplement la valeur absolue par le module :

(∀ε ∈ R∗+ ) (∃q ∈ N) (∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (|un − ℓ| < ε)) ,


ou encore, sous forme simplifiée :

(∀ε > 0) (∃q ∈ N) (∀n ≥ q) (|un − ℓ| < ε) .

La suite (un ) converge vers ℓ si et seulement si les suites (Re un ) et (Im un ) convergent respectivement
vers Re ℓ et Im ℓ.

Si (un ) converge vers ℓ, alors (|un − ℓ|) converge vers 0. Mais

| Re un − Re ℓ| = | Re(un − ℓ)| ≤ |un − ℓ| ,

et
| Im un − Im ℓ| = | Im(un − ℓ)| ≤ |un − ℓ| .
Il résulte alors du théorème d’encadrement que (Re un ) converge vers Re ℓ et (Im un ) vers Im ℓ.

Inversement si (Re un ) converge vers Re ℓ et (Im un ) vers Im ℓ, alors


p
|un − ℓ| = (Re un − Re ℓ)2 + (Im un − Im ℓ)2 ,

et donc ([un − ℓ|) converge vers 0. 

Les théorèmes sur les limites de sommes, produits, inverses, quotients sont encore valables pour les suites
de nombres complexes.

27
Annexe : Les expressions quantifiées

Cette annexe est reprise avec quelques compléments du cours d’algèbre, 2o semestre MIAS 95-96 de C.
MORLET).

La syntaxe des expressions quantifiées

Nous avons rencontré dans ce chapitre des expressions dans lesquelles figurent les quantificateurs ∀ (quan-
tificateur universel) et ∃ (quantificateur existentiel). Nous allons essayer de préciser les règles d’écriture
de ces expressions, en partant d’un exemple : soit (un )n≥0 une suite réelle, et ℓ un nombre réel, nous
considérons la formule quantifiée disant que la suite (un )n≥0 converge vers le nombre ℓ :

(∀ε ∈ R∗+ ) (∃q ∈ N) (∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (|un − ℓ| < ε)) . (1)

Objets et signes mathématiques qui interviennent

En dehors des parenthèses qui ne servent qu’à séparer les différentes parties de la formule, (et que l’on
pourra omettre en partie pour alléger l’écriture), les objets et signes mathématiques intervenant dans
cette formule sont de deux sortes :
– ceux qui ont un sens en dehors de la formule : les objets ou les signes universels : R∗+ , N, ⇒, ∈, ∀, ∃,
mais aussi ceux qui sont donnés par le contexte : un , ℓ (il s’agit ici de dire que la suite (un )n≥0 converge
vers le nombre ℓ, donc un et ℓ sont des objets qui ont un sens en dehors de la formule).

– ceux qui, une fois extraits de la formule, n’ont pas de signification en soi. En mathématiques on les dit
“muets”, mais on emploie actuellement plutôt le vocabulaire de l’informatique, en disant que ce sont
des “variables locales”. Il y en a trois dans la formule (1) : ε, q et n.

Les variables qui ont un sens en dehors de la formule ne peuvent changer de nom, tandis que l’on peut
modifier comme on veut les noms des variables locales (tout du moins en ne donnant pas le même nom
à deux variables différentes).

Les formules

(∀α ∈ R∗+ ) (∃q ∈ N) (∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (|un − ℓ| < α)) (2)


(∀ε ∈ R∗+ ) (∃r ∈ N) (∀p ∈ N) ((p ≥ r) ⇒ (|up − ℓ| < ε)) (3)

ont exactement la même signification que (1).

Bien évidemment, la nature d’une variable peut changer suivant l’expression. Par exemple, une suite
(un )n≥0 étant donnée, dans la formule

(∃ℓ ∈ R) (∀ε ∈ R∗+ ) (∃q ∈ N) (∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (|un − ℓ| < ε)) , (4)

28
ℓ est maintenant une variable locale. Cette formule signifie, qu’il existe ℓ tel que la suite (un )n≥0 , converge
vers ℓ, c’est-à-dire que la suite est convergente.

Rôle des quantificateurs

Les quantificateurs servent à introduire les variables locales. En utilisant le langage des informaticiens,
on dirait plutôt qu’ils servent à “déclarer les variables locales”.

Toute variable locale doit être déclarée par l’un des quantificateurs ∀, ∃. Elle doit être déclarée une
fois et une seule, elle doit l’être avant d’être utilisée.

C’est ce qui est fait dans la formule (1) : le nombre ε, apparaı̂t pour la première fois à la suite d’un
∀, l’entier q à la suite d’un ∃, etc... Mais une formule comme la suivante (où (un )n≥0 est une donnée
extérieure à la formule),

(∀ε ∈ R∗+ ) (∃q ∈ N) (∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (|un − up | < ε)) , (5)

est “grammaticalement incorrecte”, car p n’est pas déclarée. Elle n’est ni vraie, ni fausse. C’est une
expression qui n’a pas de sens. De même pour

(∃q ∈ N) (∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (|un − ℓ| < ε)) (∀ε ∈ R∗+ ) , (6)

car on a utilisé ε avant de l’avoir défini.

On prendra garde que dans le langage habituel, le quantificateur “quel que soit” est souvent mis en fin
de phrase. Par exemple, on démontre que f (u) ≤ 2, et on termine la démonstration par “et ceci quel que
soit u”. Il faut avoir conscience qu’une telle attitude est incorrecte, puisque le nombre u a certainement
déjà été écrit au cours de la démonstration, sans avoir été déclaré.

Les sous-entendus

Nous cherchons à donner aux formules le maximum de précision, mais la précision absolue alourdit les
formules, c’est pourquoi dans ces écritures, il reste toujours un certains nombres de sous-entendus. Par
exemple on peut écrire (1) sous la forme

(∀ε > 0) (∃q ∈ N) (∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (|un − ℓ| < ε)) , (7)

en sous-entendant que ε est réel, ou encore

(∀ε > 0) (∃q ∈ N) (∀n ≥ q)(|un − ℓ| < ε) , (8)

en sous-entendant que n est entier.

Les quantificateurs dans le langage non formalisé

Dans les mathématiques que vous avez étudiées jusqu’en Terminale, vous n’avez guère vu apparaı̂tre les
quantificateurs (si ce n’est à titre d’abréviation). On s’est en effet toujours efforcé d’écrire des phrases
françaises plutôt que des expressions formalisées.

29
On reconnaı̂t évidemment “quel que soit”, dans les expressions comme “pour tout x”, “tous les x”, “les x
tels que” , mais aussi, dans une démonstration par exemple, “soit x tel que”, “considérons un x tel que”,
“choisissons x tel que”.

Pour illustrer cette seconde situation, considérons la recherche des solutions réelles de l’équation x = 2 − x.
On peut commencer la résolution
√ en disant :
soit x un réel tel que, x = 2 − x, en élevant au carré, on a encore x2 = 2 − x, et cette dernière équation
a comme solutions 1 et −2. √
On a donc démontré de cette manière que “quel que soit x réel solution de l’équation x = 2 − x, ce
nombre appartient à l’ensemble {1, −2}”.

Il faut voir la conjonction d’un “quel que soit” et d’une tournure négative dans “aucun x”, “il n’existe
pas de x”. √
Par exemple “aucun nombre √ réel n’est solution de l’équation x + 1 = −1” signifie “quel que soit le
nombre réel x, on n’a pas x + 1 = −1”.

On reconnaı̂t “il existe”, dans “il y a”, “on peut trouver”.

Les articles “un”, “une”, “des” peuvent avoir dans une même phrase valeur de quantificateur existentiel
ou universel suivant les cas.

Par exemple dans la phrase : “les hauteurs d’un triangle ont un point commun”, le “un” de “un triangle”
traduit un ∀, alors que le “un” de “un point commun” traduit un ∃. La phrase pouvant s’écrire :
“quel que soit le triangle, il existe un point qui est commun aux hauteurs de ce triangle”.

De même dans des phrases d’apparences voisines, les articles peuvent avoir des significations différentes :
“une suite non stationnaire de nombres entiers ne converge pas” signifie : “quel que soit la suite non
stationnaire de nombres entiers, elle ne converge pas”
alors que
“une suite bornée ne converge pas nécessairement” signifie : “il existe une suite bornée qui ne converge pas”

On se souviendra que, au cours d’une démonstration, la recherche des quantificateurs cachés, est souvent
une façon de mieux comprendre ce que l’on fait.

Le rôle de la place des quantificateurs

Une suite (un )n≥0 étant donnée, considérons la formule suivante

(∃p ∈ N) (∀n ∈ N) (up+n = 0) . (9)

qui signifie que tous les termes de la suite (un )n≥0 sont nuls à partir d’un certain rang.

Si l’on permute les quantificateurs, on obtient la formule suivante

(∀n ∈ N) (∃p ∈ N) (up+n = 0) . (10)

ici l’indice p dépend du nombre n, on trouve donc des termes nuls d’indice aussi grand que l’on veut. La
formule signifie que la suite (un )n≥0 possède une suite extraite identiquement nulle.

L’ordre des quantificateurs a donc une importance dans la signification de ce que l’on écrit.

On voit sur cet exemple que la propriété (9) implique la propriété (10). (Une suite nulle à partir d’un
certain rang possède bien une suite extraite identiquement nulle).

30
Cela illustre le premier principe d’échange :

Si l’on remplace (∃B) (∀A) par (∀A) (∃B), on obtient une propriété moins contraignante. C’est-à-dire,
si P (A, B) désigne une propriété dépendant de A et de B :
si ((∃B) (∀A) (P (A, B))) est vérifiée, alors ((∀A) (∃B) (P (A, B))) l’est aussi.

Enfin, on retiendra que dans toute expression du type (∀A) (∃B), l’élément B dépend de A, ce que l’on
pourra indiquer, lorsque cela sera utile, en notant (∀A) (∃BA ).

En revanche,

on ne change pas la signification d’une expression quantifiée, en permutant deux quantificateurs voisins
identiques.

C’est le second principe d’échange.

Par exemple (∀A) (∀B) et (∀B) (∀A) ont la même signification (ce que l’on écrira souvent (∀A et B) ou
(∀(A, B)) ).

La négation d’une formule

Un peu de calcul propositionnel

A ce stade il nous faut indiquer brièvement les règles de calcul utilisant les connecteurs logiques “et”,
“ou”, “non” , “⇒”,et “ ⇐⇒ ” (on note habituellement les trois premiers ∧, ∨ et ¬ respectivement, mais
nous garderons la notation “en toutes lettres” pour plus de facilité).

Désignons par P et Q deux propriétés.


– la propriété (P et Q) est vraie si et seulement si les propriétés P et Q sont vraies.

– la propriété (P ou Q) est vraie si et seulement si au moins une des deux propriétés P ou Q est vraie.

– la propriété non(P ) est vraie si et seulement si la propriété P est fausse.


La propriété (P ⇒ Q) n’est en fait qu’une abréviation de la propriété (non(P ) ou Q). En effet, elle
exprime que si P est vraie alors Q est vraie, ce qui se produit dans les deux cas suivants : ou Q est vraie,
ou P est fausse. On remarquera que, de ce point de vue les trois propriétés

((10 ≤ 2) ⇒ (0 = 3)) , ((10 ≤ 2) ⇒ (0 ≤ 3)) , ((10 ≥ 2) ⇒ (0 ≤ 3))

sont vraies, alors que

(10 ≥ 2) ⇒ (0 = 3)
est fausse.

On peut remarquer également en raison de la symétrie du “ou” et du fait que Q est logiquement
équivalent à (non(non Q)), que la propriété (P ⇒ Q) est encore logiquement équivalente à la propriété
(non(Q) ⇒ non(P )) qui est la contraposée de (P ⇒ Q).

31
Quant à la propriété (P ⇐⇒ Q), c’est en fait une abréviation de ((P ⇒ Q) et (Q ⇒ P )). Cette propriété
est vraie si et seulement si P et Q sont vraies simultanément ou fausses simultanément.

Etudions maintenant les effets d’une négation. Tout d’abord il est clair que non(non(P )) est logiquement
équivalente à P .

Dire que la propriété (non(P et Q)) est vraie, c’est dire que les propriétés P et Q ne sont pas vraies en
même temps, c’est donc dire encore qu’une des propriétés P ou Q est fausse. Les propriétés (non(P et Q))
et (non(P ) ou non(Q)) sont donc logiquement équivalentes, et de manière symétrique, les propriétés
(non(P ou Q)) et (non(P ) et non(Q)) sont également logiquement équivalentes.

En particulier,

les propriétés (non(P ⇒ Q)), et (P et non(Q)) sont logiquement équivalentes.

(Puisque la première s’écrit (non(non(P ) ou Q))) .

Remarque : les connecteurs “et” et “non”, suffisent à définir tous les autres puisque, en utilisant les règles
ci-dessus, les propriétés (P ou Q) et (non(non(P ) et non(Q))) sont logiquement équivalentes.

La négation d’une formule quantifiée

Il est clair que pour nier “(∃A) tel que la propriété P (A) soit vraie”, on va écrire “(∀A) la propriété P (A)
est fausse”. De même pour nier “(∀A) la propriété P (A) est vraie”, on va écrire “(∃A) tel que la propriété
P (A) soit fausse”.
Cela permet de nier facilement une formule quantifiée, en remplaçant ∀ par ∃ et ∃ par ∀ partout où l’on
en trouve, et en niant la formule finale.

Par exemple, si l’on veut nier la propriété (10)

(∀n ∈ N) (∃p ∈ N) (up+n = 0) ,

on obtiendra
(∃n ∈ N) (∀p ∈ N) (up+n 6= 0) . (11)
(On ne peut pas extraire une suite identiquement nulle de la suite (un )n≥0 , c’est-à-dire, l’ensemble des
termes nuls de la suite est fini).

Si l’on veut nier la formule (1)

(∀ε ∈ R∗+ ) (∃q ∈ N) (∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (|un − ℓ| < ε)) .


on obtient
(∃ε ∈ R∗+ ) (∀q ∈ N) (∃n ∈ N) ((n ≥ q) et (|un − ℓ| ≥ ε)) . (12)
ce qui signifie que la suite (un )n≥0 ne converge pas vers le nombre ℓ.

On remarquera d’ailleurs qu’il est plus facile de nier (8) qui à la même signification que (1) avec des
sous-entendus. La négation de

(∀ε > 0) (∃q ∈ N) (∀n ≥ q)(|un − ℓ| < ε) ,


donne

32
(∃ε ∈ R∗+ ) (∀q ∈ N) (∃n ≥ q)(|un − ℓ| ≥ ε) , (13)
Remarquons enfin que, lorsque l’on a du mal à trouver la signification d’une formule quantifiée on a
souvent intérêt à chercher celle de sa négation.

La non-unicité d’une formule quantifiée traduisant une propriété

Nous avons déjà vu plusieurs formules quantifiées traduisant la même propriété, lorsque l’on fait des sous-
entendus. Il faut remarquer, que dans certains cas l’on peut modifier certains paramètres de la formule
sans en changer la signification.

Reprenons notre formule (1). Si l’on remplace l’inégalité stricte par une inégalité large, on obtient

(∀ε ∈ R∗+ ) (∃q ∈ N) (∀n ∈ N) ((n ≥ q) ⇒ (|un − ℓ| ≤ ε)) . (14)

qui a la même signification que (1). Il est clair en effet que (1) implique (14). Mais réciproquement si (14)
est vérifiée, en l’appliquant à ε/2 en en déduit que (1) est également vérifiée, puisque ε/2 < ε.

On pourrait aussi remplacer n ≥ q par n > q, demander à ce que ε appartienne à ] 0, 1 ] au lieu de R∗+
etc... Par contre si l’on remplace la condition ε ∈ R∗+ par ε ≥ 0, on obtient une condition bien plus forte,
puisqu’elle impose en particulier, en prenant ε = 0, que, si n ≥ q, on ait un = ℓ, c’est-à-dire que la suite
soit stationnaire.

De même la propriété (9)


(∃p ∈ N) (∀n ∈ N) (up+n = 0) ,
peut se formuler de la manière suivante :

(∃p ∈ N) (∀m ∈ N) ((m ≥ p) ⇒ (um = 0)) . (15)

Il s’agit ici d’un simple changement d’indice, en posant m = p + n.

33
Chapitre 2

COMPORTEMENTS
ASYMPTOTIQUES DES
FONCTIONS

35
1. Comportement asymptotique à l’infini des fonctions numériques
d’une variable réelle

Nous nous limiterons à l’étude du comportement asymptotique en +∞. Un bon exercice consiste à re-
prendre tout ce qui suit en −∞.

1.1. Limite d’une fonction en +∞

Les fonctions à valeurs dans R, dont on désire étudier le comportement à +∞ sont, bien sûr, définies au
voisinage de +∞ , c’est-à-dire sur une partie D de R contenant un intervalle du type [ a, +∞ [ .

Comme pour les suites, les définitions données en terminale avec des intervalles peuvent se traduire sous
forme de formules quantifiées.

On dit que f admet +∞ (respectivement −∞) pour limite en +∞ si et seulement si

(∀A ∈ R) (∃B ∈ R) (∀x ∈ D) ((x ≥ B) ⇒ (f (x) ≥ A))

(respectivement
(∀A ∈ R) (∃B ∈ R) (∀x ∈ D) ((x ≥ B) ⇒ (f (x) ≤ A)) ).
Soit ℓ ∈ R. On dit que f admet ℓ pour limite en +∞ si et seulement si

(∀ε ∈ R∗+ ) (∃B ∈ R) (∀x ∈ D) ((x ≥ B) ⇒ (|f (x) − ℓ| < ε)) ,

ce que l’on écrit volontiers, de façon un peu moins rigoureuse mais plus lisible, sous la forme :

(∀ε > 0) (∃B ∈ R) (∀x ≥ B)(|f (x) − ℓ| < ε) .

Cette limite est unique et l’on écrira lim f (x) = ℓ.


x→+∞

On conçoit bien que ces définitions ne font que généraliser, à la variable réelle, les concepts qui ont été mis
en place au paragraphe précédent, dans le cadre des suites, c’est-à-dire des fonctions d’une variable entière.

L’expression “à partir d’un certain rang” propre à l’étude du comportement des suites, se change, dans le
cadre des fonctions étudiées en +∞, en l’expression “au voisinage de +∞” qui signifie que la propriété qui
précède cette expression est vérifiée sur un intervalle du type [ x0 , +∞ [ . A ceci près, reste donc valable
la quasi totalité des résultats énoncés au premier paragraphe, en particulier ceux concernant limites et
opérations algébriques.

Signalons cependant que, si une suite bornée à partir d’un certain rang est en fait bornée, il n’en est
pas de même pour une fonction (par exemple, la fonction f définie sur D = ] 0, +∞ [ par f (x) = 1/x
est bornée au voisinage de +∞ mais non sur D ) de sorte que l’énoncé sur le caractère borné des suites
convergentes devient :
si la fonction f admet une limite finie ℓ en +∞, elle est bornée au voisinage de +∞, c’est-à-dire

(∃M ∈ R) (∃A ∈ R) (∀x ∈ D)((x ≥ A) ⇒ (|f (x)| ≤ M )) .

Rappelons également qu’une fonction f définie sur une partie D de R est dite croissante (respectivement
strictement croissante), si, quels que soient x et y dans D, l’inégalité x < y implique f (x) ≤ f (y)
(resp. f (x) < f (y)) et décroissante (respectivement strictement décroissante), si, quels que soient x
et y dans D, l’inégalité x < y implique f (x) ≥ f (y) (resp. f (x) > f (y)).

37
1.2. Comportement en +∞ des fonctions monotones

Si la fonction f est croissante et non majorée au voisinage de +∞, elle admet +∞ pour limite en +∞.
Si f est croissante et majorée au voisinage de +∞, elle admet une limite finie ℓ en +∞.

Démontrons la deuxième propriété, la première étant laissée en exercice.


Supposons que f soit croissante et majorée au voisinage de +∞. Il existe deux réels A et M tels
que, pour tout x ≥ A, on ait f (x) ≤ M . Considérons la suite u définie, si n ≥ A, par un = f (n).
Puisque n ≤ n + 1, on déduit de la croissance de f que f (n) ≤ f (n + 1), et la suite u est croissante.
Elle est aussi majorée par M . On sait que, dans ce cas, la suite u converge et que sa limite ℓ est
un majorant de u. Soit alors ε > 0. Il existe un entier p > A, tel que, pour tout n ≥ p, on ait

0 ≤ ℓ − f (n) = |f (n) − ℓ| < ε .

Si x ≥ p, soit n un entier plus grand que x, on a donc

p≤x≤n,

et puisque f est croissante


f (p) ≤ f (x) ≤ f (n) .
Alors
0 ≤ ℓ − f (n) ≤ ℓ − f (x) ≤ ℓ − f (p) < ε .
On en déduit que, si x ≥ p,
ℓ − f (x) = |f (x) − ℓ| < ε ,
ce qui montre que f admet pour limite ℓ en +∞. 

1.3. Comportement en +∞ des fonctions usuelles

lim ln x = +∞ et lim exp x = +∞


x→+∞ x→+∞

+∞ si α > 0
lim xα = .
x→+∞ 0 si α < 0

x +∞ si a > 1
lim a =
x→+∞ 0 si 0 < a < 1
ln x xα
On retiendra aussi que pour α > 0 et a > 1, lim = 0 et lim = 0.
x→+∞ xα x→+∞ ax

La relation d’équivalence asymptotique en +∞ se définit de la même manière que pour les suites : soient
f et g deux fonctions définies sur un intervalle [ a, +∞ [ . On dira que f est équivalente à g en +∞,
ou au voisinage de +∞, et l’on notera f ∼ g ou, par abus de notation, f (x) ∼ g(x), s’il existe une
+∞ +∞
fonction ε définie sur [ a, +∞ [ admettant 1 pour limite en +∞, et un nombre réel A > a tels que, pour
tout x de [ A, +∞ [ on ait
f (x) = ε(x) g(x) .
Les propriétés sont les mêmes que pour les suites.

On retiendra que toute fonction polynôme non identiquement nulle est équivalente en +∞ à son monôme
de plus haut degré.

38
2. Comportement asymptotique en un point a de R des fonctions
numériques d’une variable réelle

Les fonctions dont on désire ici étudier le comportement en un point a de R sont supposées définies près
de a, c’est-à-dire sur une partie D de R contenant un ensemble du type ] a − r, a [ ∪ ] a, a + r [ où r est
un nombre réel strictement positif.

2.1. Limite d’une fonction en un point a

Ceci étant, on passe de la notion de limite en +∞ vue au paragraphe précédent, à celle de limite en a de
la façon suivante : on dit que

f admet +∞ pour limite en a, si et seulement si


(∀A ∈ R) (∃α > 0) (∀x ∈ D) ((0 < |x − a| < α) ⇒ (f (x) ≥ A))
f admet −∞ pour limite en a, si et seulement si
(∀A ∈ R) (∃α > 0) (∀x ∈ D) ((0 < |x − a| < α) ⇒ (f (x) ≤ A))
f admet ℓ pour limite en a, si et seulement si
(∀ε > 0) (∃α > 0) (∀x ∈ D) ((0 < |x − a| < α) ⇒ (|f (x) − ℓ| < ε) .
On dit que f admet une limite dans R en a si l’on est dans l’un des trois cas précédents. Cette limite est
alors unique et se note x7lim
→a
f (x).
x6=a

On remarquera que même si D contient a, on ne prend en compte, dans cette définition, que les valeurs
de f pour x 6= a. Cette notion de limite est encore appelée limite épointée en a.

On définit aussi, pourvu que D contienne un intervalle du type ] a, a + r [ (resp. ] a − r, a [ ) les notions
de limite à droite et à gauche en a, en remplaçant simplement dans les définitions précédentes la condi-
tion 0 < |x − a| < α par la condition a < x < a + α pour la notion de limite à droite et a − α < x < a
pour la notion de limite à gauche. Ces limites, lorsqu’elles existent, sont notées,

pour la limite à droite : x7lim


→a
f (x) ou lim+ f (x) ,
x>a
x7→a
pour la limite à gauche : x7lim
→a
f (x) ou lim− f (x).
x<a
x7→a

Il est immédiat de vérifier que si D contient un ensemble du type ] a − r, a [ ∪ ] a, a + r [ , la fonction f


admet ℓ ∈ R pour limite si et seulement elle admet ℓ pour limite à gauche et à droite en a.

On imagine sans peine que tous les résultats vus aux paragraphes précédents concernant limites et
opérations algébriques, limites et ordre se transfèrent à l’étude du comportement asymptotique d’une
fonction en un point a à distance finie.

En ce qui concerne la relation d’équivalence asymptotique en a, que l’on notera f ∼ g, ou par abus de
a
notation f (x) ∼ g(x), on retiendra comme exemple important qu’une fonction polynôme non identique-
a
ment nulle, est équivalente en zéro à son monôme de plus bas degré.

On se rappellera que, quel que soit α > 0,

lim xα ln x = 0
x→0+

39
2.2. Limites et fonctions composées

Soit a dans R.
Soit f une fonction définie près de a sur un domaine D, admettant en a une limite ℓ ∈ R.
Soit g une fonction définie près de ℓ sur un domaine ∆ contenant f (D), admettant en ℓ une limite
L ∈ R.
On suppose de plus que si ℓ ∈ f (D), on a g(ℓ) = L.
Alors g ◦ f admet L pour limite en a.

Nous démontrons ce résultat lorsque a, ℓ et L sont finis.

Soit ε > 0. Puisque g admet pour limite L en ℓ, il existe α > 0, tel que, pour tout t de ∆ vérifiant
0 < |t − ℓ| < α, on ait
|g(t) − L| < ε .
Mais f admet pour limite ℓ en a, donc il existe β > 0 tel que pour tout x de D, vérifiant
0 < |x − a| < β, on ait
|f (x) − ℓ| < α .
Alors on en déduit que, si f (x) 6= ℓ

|g(f (x)) − L| < ε ,

ce qui reste vrai si f (x) = ℓ, puisqu’alors |g(f (x)) − L| = 0. 

2.3. Limites et fonctions monotones

Soit I un intervalle d’extrémités a et b (a < b) finies ou non. Une fonction croissante sur I admet
– une limite finie à gauche et une limite finie à droite (qui peuvent être différentes), en tout point

de I ;
– une limite à droite en a : cette limite est finie si f est minorée sur I (en particulier si a appartient
à I) et vaut +∞ sinon ;
– une limite à gauche en b : cette limite est finie si f est majorée sur I (en particulier si b appartient
à I) et vaut −∞ sinon.

Soit x0 un point de I \ {a}. Nous montrons l’existence d’une limite à gauche en x0 .

Soit u la suite définie pour n ∈ N∗ par un = x0 − 1/n. Cette suite est strictement croissante et
admet pour limite x0 . Puisque x0 > a, la suite prend ses valeurs dans l’intervalle I à partir d’un
certain rang N , et l’on a, pour tout entier n ≥ N , les inégalités

un ≤ un+1 ≤ x0 .

Alors, puisque f est croissante, on en déduit que

f (un ) ≤ f (un+1 ) ≤ f (x0 ) ,

et la suite (f (un ))n≥N est croissante et majorée. Elle converge donc vers une limite ℓ qui la majore.

On va montrer que la fonction f admet ℓ pour limite à gauche en x0 . Soit ε > 0. Puisque la suite
(f (un )) converge vers ℓ, il existe un entier q ≥ N , tel que,

ℓ − ε < f (uq ) ≤ ℓ .

40
Soit alors un nombre x tel que uq < x < x0 . Puisque u converge vers x0 , il existe un entier p tel
que x < up < x0 . Alors, en utilisant la croissance de f , on obtient

f (uq ) ≤ f (x) ≤ f (up ) .

Mais on sait que f (uq ) > ℓ − ε et f (up ) ≤ ℓ. On en déduit que pour tout nombre x de l’intervalle
] x0 − 1/q, x0 [ , on a donc
ℓ − ε < f (x) ≤ ℓ ,
et f admet ℓ comme limite en x0 .

Si x0 = b est fini mais n’est pas dans I, et si f est majorée, la démonstration précédente reste
valable, en remplaçant f (x0 ) par un majorant M de f . On adapte facilement la démonstration
au cas où x0 = +∞ et où f est majorée, ce qui donne encore une limite finie, et au cas où x0
n’appartient pas à I et où f n’est pas majorée, ce qui donnera une limite infinie

On aura également des démonstrations analogues pour les limites à droite. 

Remarque : si f est décroissante, −f est croissante, et les résultats précédents se traduisent facilement
pour des fonctions décroissantes.

2.4. Caractérisation séquentielle de la limite

On peut caractériser l’existence d’une limite à l’aide des suites.

Soit une fonction f définie sur un ensemble D de R contenant un ensemble du type


] a − r, a [ ∪ ] a, a + r [ où r est un nombre réel strictement positif, et ℓ dans R. Les propriétés suivantes
sont équivalentes :
A : la fonction f admet ℓ pour limite en a,
B : pour toute suite u à valeurs dans D − {a} admettant a pour limite, la suite (f (un )) admet ℓ pour
limite.

Effectuons la démonstration dans le cas d’une limite finie. Nous avons à démontrer l’équivalence
de deux propriétés.
Démontrons tout d’abord que A implique B. On suppose donc que f admet ℓ pour limite en a.
Soit ε > 0. Il existe α > 0, tel que, si x est un point de D vérifiant 0 < |x − a| < α, alors

|f (x) − ℓ| < ε .

Si u prend ses valeurs dans D − {a} et admet a pour limite, il existe un entier p, tel que, pour
tout n ≥ p,
0 < |un − a| < α .
On déduit alors des inégalités précédentes que, si n ≥ p,

|f (un ) − ℓ| < ε ,

ce qui montre que la suite (f (un )) tend vers ℓ.

Démontrons maintenant que B implique A, en raisonnant par l’absurde.


On suppose que f n’admet pas ℓ pour limite. Ecrivons la formule quantifiée donnant cette propriété

(∃ε > 0) (∀α > 0) (∃x ∈ D) ((0 < |x − a| < α) et (|f (x) − ℓ| ≥ ε)) .

41
Pour un tel ε, et pour tout n ∈ N∗ , notons un une valeur de x correspondant à la valeur α = 1/n
dans la formule quantifiée précédente. On a donc d’une part
1
0 < |un − a| < ,
n
et il résulte du théorème d’encadrement que la suite u, qui prend ses valeurs dans D − {a}, admet
a pour limite, mais d’autre part
|f (un ) − ℓ| ≥ ε ,
et la suite (f (un ) − ℓ) ne peut admettre zéro pour limite, donc la suite (f (un )) ne peut admettre
ℓ pour limite ce qui contredit la propriété B. 

On pourra vérifier que ce qui précéde s’applique également lorsque a est infini.

Remarque : le résultat précédent donne une condition suffisante pour montrer qu’une fonction n’admet
pas de limite en a : si l’on trouve deux suites u et v prenant leurs valeurs dans l’ensemble D − {a} et
admettant a pour limite, telles que les suites (f (un )) et (f (vn )) admettent des limites ℓ et ℓ′ distinctes,
alors f n’admet pas de limite en a. On montre ainsi, par exemple, que la fonction x 7→ sin(1/x), n’admet
pas de limite en 0, en considérant les deux suites u et v définies par
1 1
un = et vn = π .
nπ 2 + 2nπ

Elles ont bien pour limite 0, mais, pour tout n ∈ N∗ , on a f (un ) = 0 et f (vn ) = 1.

Cette caractérisation séquentielle permet de donner pour les fonctions un critère permettant de démontrer
qu’une limite existe, sans en connaı̂tre sa valeur a priori :

Critère de Cauchy.
a) en un point fini a : soit une fonction f définie sur un ensemble D de R contenant un ensemble
du type ] a − r, a [ ∪ ] a, a + r [ où r est un nombre réel strictement positif, alors f admet une limite
finie en a si et seulement si, pour tout ε > 0, il existe α > 0 tel que, quels que soient x et x’ dans
] a − α, a [ ∪ ] a, a + α [ on ait
|f (x) − f (x′ )| < ε .
b) à l’infini : soit une fonction f définie sur un ensemble D de R contenant un ensemble du type
] a, +∞ [ , alors f admet une limite finie en +∞ si et seulement si, pour tout ε > 0, il existe A tel que,
quels que soient x et x’ dans D vérifiant A < x < x′ , on ait

|f (x) − f (x′ )| < ε .

(On peut écrire un critère analogue à −∞).

Démontrons le a), le b) étant laissé en exercice.

Supposons que f admette une limite ℓ en a. Alors pour tout ε > 0, il existe α > 0 tel que, si
ε
0 < |x − a| < α, on ait |f (x) − ℓ| < . Alors, si x et x′ sont dans ] a − α, a [ ∪ ] a, a + α [ , on a
2
0 < |x − a| < α et 0 < |x′ − a| < α ,

donc
ε ε
|f (x) − ℓ| < et |f (x′ ) − ℓ| < ,
2 2
et finalement
ε ε
|f (x) − f (x′ )| ≤ |f (x) − ℓ| + |f (x′ ) − ℓ| < + =ε.
2 2

42
Réciproquement, supposons que f vérifie le critère de Cauchy. Donc pour tout ε > 0, il existe
α > 0 tel que, quels que soient x et x’ dans ] a − α, a [ ∪ ] a, a + α [ on ait

|f (x) − f (x′ )| < ε .

Soit (un ) une suite de points de D − {a} qui converge vers a. Il existe N , tel que n ≥ N implique

0 < |un − a| < α .

Donc, quels que soient n et m vérifiant N ≤ n < m, on a

|f (un ) − f (um )| < ε .

Il en résulte que la suite (f (un )) est une suite de Cauchy. Elle est donc convergente. Soit ℓ sa
limite. Il s’agit de voir que cette limite ne dépend pas de la suite (un ) choisie.
Soit (vn ) une autre suite de points de D − {a} qui converge vers a, alors (f (vn )) converge vers une
limite ℓ′ . Soit alors wn la suite telle que, pour tout entier n ≥ 0, on ait w2n = un et w2n+1 = vn .
Alors la suite (wn ) converge aussi vers a, et donc (f (wn )) posède une limite. Mais (f (un )) et
(f (vn )) sont deux suites extraites de (f (wn )) et ont la même limite. Il en résulte que ℓ = ℓ′ . Donc,
il existe un nombre ℓ, tel que, pour toute suite (vn ) de points de D − {a} qui converge vers a, la
suite (f (vn )) converge vers ℓ. D’après la caractérisation séquentielle de la limite, cela signifie que
f admet pour limite ℓ.

43
TABLEAU DES LIMITES D’UNE FONCTION f

x → a− x → a+ x→a x → −∞ x → +∞

∀ε > 0 ∀ε > 0 ∀ε > 0 ∀ε > 0 ∀ε > 0


f (x) → ℓ ∃α > 0 ∃α > 0 ∃α > 0 ∃B ∈ R ∃B ∈ R
∀x, 0 < a − x < α ∀x, 0 < x − a < α ∀x, 0 < |x − a| < α ∀x, x < B ∀x, x > B
|f (x) − ℓ| < ε |f (x) − ℓ| < ε |f (x) − ℓ| < ε |f (x) − ℓ| < ε |f (x) − ℓ| < ε

∀A ∈ R ∀A ∈ R ∀A ∈ R ∀A ∈ R ∀A ∈ R
f (x) → −∞ ∃α > 0 ∃α > 0 ∃α > 0 ∃B ∈ R ∃B ∈ R
∀x, 0 < a − x < α ∀x, 0 < x − a < α ∀x, 0 < |x − a| < α ∀x, x < B ∀x, x > B
f (x) < A f (x) < A f (x) < A f (x) < A f (x) < A

∀A ∈ R ∀A ∈ R ∀A ∈ R ∀A ∈ R ∀A ∈ R
f (x) → +∞ ∃α > 0 ∃α > 0 ∃α > 0 ∃B ∈ R ∃B ∈ R
∀x, 0 < a − x < α ∀x, 0 < x − a < α ∀x, 0 < |x − a| < α ∀x, x < B ∀x, x > B
f (x) > A f (x) > A f (x) > A f (x) > A f (x) > A

Remarque : “∀x” signifie “∀x ∈ D”, où D est le domaine de définition de f


3. Développement limité d’une fonction en un point a de R

3.1. Définition d’un développement limité en un point

Dans cette partie, nous considérons une application numérique f définie près de a, c’est-à-dire sur une
partie D de R contenant un ensemble du type ] a − r, a [ ∪ ] a, a + r [ où r est un nombre réel strictement
positif. (On peut aussi se limiter à un seul des deux intervalles ] a − r, a [ ou ] a, a + r [ ). L’ensemble D
ne contient pas nécessairement a.

Soit n un entier naturel. On dit que f admet un développement limité d’ordre n en a ou au


voisinage de a (en abrégé d.l. n en a), si et seulement si, il existe n + 1 réels a0 , a1 , . . . , an , et une
fonction numérique ε, définie sur D, de limite nulle en a, tels que, pour tout x de D,
n
X
f (x) = ak (x − a)k + (x − a)n ε(x) .
k=0

P
n
La fonction polynôme qui à tout x associe ak (x − a)k sera appelée la partie régulière de f , notée
k=0
Regn f . Quant à la fonction qui à x associe (x − a)n ε(x), nous dirons, puisque lim ε(x) = 0 qu’elle est
x→a
négligeable devant la fonction qui à x associe (x − a)n et nous utiliserons la notation de LANDAU
◦a ((x − a)n ), ou plus simplement, lorsqu’il n’y a pas de confusion ◦((x − a)n ), pour la désigner. De sorte
que nous écrirons
X n
f (x) = ak (x − a)k + ◦a ((x − a)n ) .
k=0

Nous avons immédiatement les propriétés suivantes :

1. Si f admet un d.l. n en a, f possède une limite en a qui vaut a0 , et lorsque a appartient à D,


a0 = f (a).

2. Si f possède un d.l. n en a, il est unique.

3. Si f possède un d.l. n en a, elle possède, pour tout entier p compris entre 1 et n un d.l. p en a, et
Regp f est obtenu en ne gardant que les termes de Regn f de degré plus petits que p.

4. Si f est la fonction polynomiale de degré n


n
X
f (x) = ak (x − a)k ,
k=0

elle admet un d.l. n en a, et Regn f = f .

5. Si a = 0, et si la fonction f possède une parité, alors Regn f possède la même parité.

6. La fonction f admet un d.l. n en a si et seulement si la fonction g définie près de 0 par g(h) = f (a+h)
admet un d.l. n en 0, et Regn g(h) = Regn f (a + h).

1. En passant à la limite, l’égalité


n
X
f (x) = ak (x − a)k + ◦a ((x − a)n ) ,
k=0

45
donne
lim = a0 ,
x→a
x6=a

Par ailleurs si a appartient à D, la même égalité donne f (a) = a0 .

2. Si f admet un d.l. n en a, les coefficients a0 , a1 , . . . , an de la définition sont déterminés de


manière unique, puisque l’on a nécessairement, pour tout k de 0 à n
k−1
X
f (x) − ai (x − a)i
i=0
ak = x→a
lim .
x6=a
(x − a)k

3. On peut écrire
0 1
n p n
X k n
X k p
X k−p
f (x) = ak (x − a) + ε(x)(x − a) = ak (x − a) + (x − a) @ (x − a) + ε(x)A ,
k=0 k=0 k=p+1

n
X
et puisque la fonction qui à x associe (x − a)k−p + ε(x) admet 0 comme limite en a, on a
k=p+1
donc
p
X
f (x) = ak (x − a)k + ◦a ((x − a)p ) .
k=0

4. Le résultat est évident en prenant ε = 0.

5. Si f est paire
n
X
f (x) = ak xk + ◦(xn ) ,
k=0

mais aussi
n
X
f (x) = f (−x) = ak (−1)k xk + ◦(xn ) ,
k=0

et par unicité du d.l. , on a pour tout entier k compris entre 0 et n

ak = (−1)k ak ,

donc si k est impair, on obtient ak = −ak c’est-à-dire ak = 0. Les coefficients impairs de Regn f
sont nuls, donc ce polynôme est pair. Si f est impaire, c’est-à-dire si f (−x) = −f (x), le même
raisonnement montre que les coefficients pairs sont nuls.

6. Si l’on pose x − a = h, alors


n
X n
X
f (x) = ak (x − a)k + ε(x)(x − a)n = ak hk + ε(a + h)hn = f (a + h) = g(h) ,
k=0 k=0

donc
g(h) = Regn f (a + h) + ◦(hn ) .


La dernière propriété montre que l’on peut toujours ramener la recherche d’un d.l. n en a à celle d’un
d.l. n en 0, et par ailleurs les d.l. usuels (voir partie 3.7.) sont tous en zéro, ce qui justifie que l’on se
limitera dans la suite, à faire les démonstrations dans le cas a = 0.

En pratique, pour obtenir un d.l. n en a, on posera x = a + h, et l’on cherchera le d.l. n en zéro de


h 7→ f (a+h). Heureusement, pour la plupart des fonctions classiques, on a une formule simple permettant
de ramener f (a + h) à des fonctions usuelles de la variable h. En voici quelques exemples :

46
ea+h = ea eh
 
h
ln(a + h) = ln a + ln 1 +
a
r
√ √ h
a+h= a 1+
a

sin(a + h) = sin a cos h + cos a sin h

Lorsque ce n’est pas le cas il sera parfois possible de passer par l’intermédiaire de la dérivée (pour
arctan(a + h) par exemple), ou d’utiliser la formule de Taylor-Young que l’on verra plus loin.

3.2. Opérations algébriques et développements limités

Si l’on dispose de deux fonctions f et g possédant des d.l. n en a, et si l’on effectue une opération sur
ces fonctions, les propositions qui suivent nous disent comment obtenir la partie régulière d’ordre n du
résultat en fonction des parties régulières d’ordre n de f et g. La méthode est générale :
– on effectue la même opération sur les parties régulières que sur les fonctions,
– on ne garde dans le résultat que les termes de degré plus petit que n. (On dira que l’on a tronqué le
résultat à l’ordre n).

Rappelons que, pour un polynôme P , nous notons Troncn (P ), ce qu’il reste de P lorsque l’on oublie les
termes de degré strictement supérieur à n.

Soient f et g deux fonctions définies près de a admettant chacune un d.l. n en a, et λ un nombre réel.
Alors :
• f + g admet un d.l. n en a et Regn (f + g) = Regn f + Regn g.
• λf admet un d.l. n en a et Regn (λf ) = λ Regn f
• f × g admet un d.l. n en a et Regn (f × g) = Troncn (Regn f × Regn g).

On se limite à a = 0. On a donc pour tout x d’un intervalle ] −r, 0 [ ∪ ] 0, r [ ,

f (x) = Regn f (x) + xn ε(x) et g(x) = Regn g(x) + xn η(x) ,

où ε et η sont deux fonctions ayant une limite nulle en 0. Alors, en additionnant ces égalités terme
à terme, on obtient

(f + g)(x) = (Regn f + Regn g)(x) + xn (ε + η)(x) .

La fonction ε + η a une limite nulle en 0, et Regn f + Regn g est une fonction polynôme de degré
au plus n. Il résulte de l’unicité des coefficients du d.l. n en 0 que

Regn (f + g) = Regn f + Regn g .

Si l’on multiplie par λ, on obtient immédiatement

λf (x) = λ Regn f (x) + xn λε(x),

et la fonction λε a une limite nulle en 0. Par unicité, on en déduit

Regn (λf ) = λ Regn f .

47
On a également

(f × g)(x) = Regn f (x) × Regn g(x) + xn (ε(x) Regn g(x) + η(x) Regn f (x) + xn ε(x)η(x)) .

La fonction polynôme Regn f × Regn g est de degré au plus 2n. La différence

Regn f × Regn g − Troncn (Regn f × Regn g)

contient des monômes de degrés compris entre n + 1 et 2n. On peut donc écrire

Regn f (x) × Regn g(x) = Troncn (Regn f (x) × Regn g(x)) + xn+1 P (x) ,

où P est une fonction polynôme. Alors

(f ×g)(x) = Troncn (Regn f ×Regn g)(x)+xn(xP (x)+ε(x) Regn g(x)+η(x) Regn f (x)+xn ε(x)η(x)) .

Mais l’application

x 7→ xP (x) + ε(x) Regn g(x) + η(x) Regn f (x) + xn ε(x)η(x)

admet 0 pour limite en 0, et Troncn (Regn f × Regn g) est une fonction polynôme de degré au plus
n. Par unicité on en déduit alors

Regn (f × g) = Troncn (Regn f × Regn g) .

Remarque : Dans les calculs précédents, la règle veut que, pour obtenir un d.l. n du le produit f g, il faille
partir des d.l. n des deux facteurs f et g. Cependant, on remarquera que si f (x) = xp et si g admet pour
d.l. n en 0, g(x) = b0 + b1 x + · · · + bn xn + xn η(x), on obtient

(f g)(x) = b0 xp + b1 xp+1 + · · · + bn xp+n + xp+n η(x) .

et le d.l. de f g est dans ce cas obtenu à l’ordre p + n. Il en résulte que lorsque le terme constant de f
ou de g est nul, l’ordre du d.l. du produit peut être plus grand que l’ordre des facteurs. On aura donc
intérêt (mais ce n’est pas obligatoire) à mettre en facteur dans f et g la puissance xk de plus bas degré
avant d’effectuer le produit.

Exemple : si f (x) = x2 + 2x3 + ◦(x3 ) et g(x) = 2x − x2 + ◦(x2 ), on obtient en factorisant

f (x)g(x) = [x2 (1 + 2x + ◦(x))][x(2 − x + ◦(x)] ,

d’où
f (x)g(x) = x3 (1 + 2x + ◦(x))(2 − x + ◦(x)) .
Mais on peut effectuer le produit (1 + 2x + ◦(x))(2 − x + ◦(x)) qui donne un d.l. d’ordre 1

(1 + 2x + ◦(x))(2 − x + ◦(x)) = 2 + 3x + ◦(x) ,

d’où
(f g)(x) = 2x3 + 3x4 + ◦(x4 ) .

48
3.3. Composition des fonctions et développements limités

Soit f une fonction définie près de a sur un domaine I à valeurs dans J et admettant en a un d.l. n
n
X
f (x) = ak (x − a)k + ◦a ((x − a)n ) .
k=0

Soit g une fonction définie sur le domaine J contenant un intervalle non vide de la forme
] a0 − r, a0 + r [ , admettent en a0 un d.l. d’ordre n.
Alors la composée g ◦ f admet un d.l. n en a, et Regn (g ◦ f ) = Troncn (Regn g ◦ Regn f ).

Lorsque n = 0, le problème revient à montrer que si f admet comme limite a0 en a et si g admet


une limite finie b0 en a0 , alors g ◦f admet b0 pour limite en a, ce qui résulte du paragraphe “limites
et fonctions composées”.

Supposons a = 0 et n ≥ 1. Puisque f admet un d.l. n en 0, on a pour tout x de I

f (x) = a0 + a1 x + · · · + an xn + xn ε(x) ,

où ε admet une limite nulle en 0. Donc f (x) − a0 = xδ(x) où δ admet a1 pour limite en 0.
Par ailleurs, pour tout t de J,
n
X
g(t) = bk (t − a0 )k + (t − a0 )n η(t) ,
k=0

où η admet une limite nulle en a0 . Donc, si x est dans I,


n
X n
X
g ◦ f (x) = bk (f (x) − a0 )k + (f (x) − a0 )n η(f (x)) = bk (f (x) − a0 )k + xn δ(x)n η(f (x)) .
k=0 k=0

n
On constate que δ × (η ◦ f ) admet une limite nulle en 0, donc que la fonction qui à x associe
xn δ(x)n η(x) est négligeable devant xn et admet un d.l. n en 0 de partie régulière nulle.
On peut alors appliquer les opérations algébriques sur les d.l. : puisque (f − a0 )k est un produit
de k fonctions possèdant un d.l. n en 0, il en est de même de g ◦ f et
n
X n
X n
X
Regn (g◦f ) = bk Regn ((f −a0 )k ) = bk Troncn [(Regn (f −a0 ))k ] = bk Troncn [(Regn f −a0 )k ] .
k=0 k=0 k=0

Mais l’opération de troncature est linéaire, donc


n
!
X k
Regn (g ◦ f ) = Troncn bk (Regn f − a0 ) = Troncn (Regn g ◦ Regn f ) .
k=0

Remarque : la recherche du d.l. n de la composée g ◦f de deux fonctions est une des difficultés du calcul de
d.l. . En effet, même si l’on cherche le d.l. n en 0 de g ◦ f la limite a0 de f en zéro n’est pas nécessairement
nulle, et l’on a en fait besoin du d.l. n de g en a0 . Il ne faudra pas oublier ce problème dans les calculs
de d.l. de composées. En particulier dans ce type de calcul, on commence toujours par écrire le d.l. de f ,
puisque c’est son terme constant a0 qui donnera le point où il faut écrire le d.l. de g.

49
3.4. Quotient et développements limités.

Une deuxième difficulté des d.l. est la recherche du d.l. d’un quotient de fonctions. Nous allons détailler
ce problème dans ce paragraphe, et donner deux méthodes pour obtenir ces d.l. .

Quotient pour lequel le dénominateur a une limite non nulle en a.

Soit g une fonction définie près de a, dont la limite en a n’est pas nulle, et admettant un d.l. n en a.
alors 1/g admet un d.l. n en a.

On prend a = 0. On a donc b0 = lim g(x) 6= 0. On peut alors écrire


x→0

1 1 1
= „ « ,
g(x) b0 g(x)
1− 1−
b0

et si l’on pose
g(x) 1
u(x) = 1 − et v(x) = ,
b0 1−x
on a alors
1 v◦u
= .
g b0
La fonction u possède un d.l. n en zéro, (opérations algébriques sur les d.l. ) et admet une limite
nulle en 0.

Il reste à étudier la fonction v, mais en utilisant (si x 6= 1) la somme des termes d’une suite
géométrique
1 − xn+1
1 + x + · · · + xn = .
1−x
on obtient
1 xn+1
= 1 + x + · · · + xn + = 1 + x + · · · + xn + ◦(xn ) ,
1−x 1−x
et v possède un d.l. n en 0. On peut donc effectuer la composition des deux d.l. , et l’on obtient
bien un d.l. n en zéro de 1/g. 

En écrivant f /g = f × (1/g), on en déduit alors le résultat pour le quotient de deux fonctions :

Soient f et g deux fonctions définies près de a et admettant chacune un d.l. n en a. On suppose de


plus que la limite en a de g n’est pas nulle. Alors f /g possède un d.l. n en a.

La démonstration ci-dessus donne une première méthode pour calculer le d.l. de f /g. En voici une
deuxième, basée sur le division des polynômes suivant les puissances croissantes. Donnons tout d’abord
le résultat suivant sur les polynômes :

Soient U et V deux polynômes, et n dans N. On suppose V (0) 6= 0. Il existe un couple de polynômes


(Qn , Rn ) et un seul tel que, Qn soit de degré au plus n − 1 et vérifiant la relation

U = V Qn + X n Rn .

50
Cette propriété se démontre par récurrence sur n.
Si n = 0, le seul polynôme dont le degré est inférieur à −1 est le polynôme Q0 = 0, et alors
R0 = U . La propriété est donc vraie au rang 0.

Supposons qu’elle soit vraie pour un rang n. On a donc

U = V Qn + X n Rn .

avec deg Qn ≤ n − 1, les polynômes étant déterminés avec unicité. Cherchons à déterminer Qn+1
et Rn+1 , tels que
U = V Qn+1 + X n+1 Rn+1 ,
avec deg Qn+1 ≤ n. Par soustraction on obtient

V (Qn+1 − Qn ) + X n (XRn+1 − Rn ) = 0 ,

soit
V (Qn+1 − Qn ) = X n (Rn − XRn+1 ) .
Ce polynôme est divisible par X n , et comme V (0) n’est pas nul, et que Qn+1 − Qn est de degré
au plus n, on doit donc avoir
Qn+1 − Qn = λn X n ,
où λn est un nombre réel. Alors en simplifiant par X n

λn V = Rn − XRn+1 ,

et en particulier
λn V (0) = Rn (0) .
Il en résulte que
Rn (0) n
Qn+1 = Qn + X ,
V (0)
et
Rn (0)
XRn+1 = Rn − V .
V (0)
Mais comme le polynôme du membre de droite est nul en zéro, il est divisible par X et Rn+1 doit
être le quotient de la division de ce polynôme par X. Les polynômes Qn+1 et Rn+1 sont déterminés
de manière unique, et vérifient les relations désirées. On a donc la propriété au rang n + 1.
Il en résulte qu’elle sera vraie quel que soit n ≥ 0. 

On voit dans la démonstration précédente que la recherche de Rn+1 à partir de Rn consiste essentielle-
ment à faire disparaı̂tre le terme de plus bas degré de Rn en lui enlevant le produit du diviseur V par
un nombre convenable. C’est le principe inverse de celui de la division euclidienne dans laquelle ce sont
les termes de plus haut degré qui disparaissent. On pourra présenter la division comme pour la division
euclidienne mais en écrivant cette fois les polynômes suivant les puissances croissantes (d’où le nom de la
division).

Le polynôme Qn+1 est appelé quotient de la division suivant les puissances croissantes à l’ordre
n de U par V .

On peut alors obtenir le d.l. de f /g :

Soient f et g deux fonctions définies près de a et admettant chacune un d.l. n en a. On suppose de


plus que la limite en a de g n’est pas nulle. Alors f /g possède un d.l. n en a, et Regn (f /g) est le
quotient de la division suivant les puissances croissantes à l’ordre n de Regn f par Regn g.

51
On prend a = 0. On a au voisinage de 0

f (x) = Regn f (x) + xn ε(x) et g(x) = Regn g(x) + xn η(x) .

où ε et η admettent une limite nulle en 0.


Si Qn+1 est le quotient de la division suivant les puissances croissantes de Regn f par Regn g à
l’ordre n, on a aussi
Regn f = (Regn g) Qn+1 + X n+1 Rn+1 (X) .
Alors, au voisinage de 0,

f (x) = Regn f (x) + xn ε(x) = Regn g(x) Qn+1 (x) + xn+1 Rn+1 (x) + xn ε(x) ,

et donc
f (x) Regn g(x) Qn+1 (x) + xn+1 Rn+1 (x) + xn ε(x)
− Qn+1 (x) = − Qn+1 (x) ,
g(x) Regn g(x) + xn η(x)
ce qui donne après simplification
f (x)
− Qn+1 (x) = xn α(x) ,
g(x)
où l’on a posé
ε(x) + xRn+1 (x) − Qn+1 (x)η(x)
α(x) = .
g(x)
Comme α admet une limite nulle en 0, on obtient bien que Regn (f /g) = Qn+1 . 

La division suivant les puissances croissantes donne donc un moyen très simple d’obtenir le d.l. d’un
quotient, surtout lorsque les termes du dénominateur sont nombreux. Dans le calcul on tronquera les
restes à l’ordre n désiré. Bien sûr, on peut aussi utiliser cette méthode pour le calcul du d.l. de 1/g.

Exemple : On suppose que, en 0, f (x) = 1 − x + ◦(x2 ) et g(x) = 1 + x − x2 + ◦(x2 ). Cherchons le d.l. 2


en 0 de f /g.

1 −x 1 +x −x2
−1 −x +x2 1 −2x +3x2
−2x +x2
2x +2x2
3x2
−3x2
0

On a donc
f (x)
= 1 − 2x + 3x2 + ◦(x2 ) .
g(x)

Quotient pour lequel le dénominateur a une limite nulle en a.

On prend a = 0. Plaçons nous dans le cas, où f et g ont des d.l. n, et où g a une limite nulle en zéro. On
a donc les deux d.l. n suivants :

f (x) = ap xp + · · · + an xn + ◦(xn ) et g(x) = bq xq + · · · + bn xn + ◦(xn ) ,

avec ap et bq non nuls. Donc pour le quotient


f (x) ap xp + · · · + an xn + ◦(xn )
= ,
g(x) bq xq + · · · + bn xn + ◦(xn )

52
et après simplification par xq ,

f (x) ap xp−q + · · · + an xn−q + ◦(xn−q )


= .
g(x) bq + · · · + bn xn−q + ◦(xn−q )

On remarque tout d’abord, que, si p < q l’expression ci-dessus a une limite infinie en 0, et donc que f /g
n’a pas de d.l. en 0 dans ce cas. On suppose désormais que p ≥ q. Alors, si l’on pose
f (x) g(x)
f1 (x) = = ap xp−q + · · · + an xn−q + ◦(xn−q ) et g1 (x) = = bq + · · · + bn xn−q + ◦(xn−q ) ,
xq xq
on a f /g = f1 /g1 . Comme bq n’est pas nul, on est donc ramené à la première situation, et f /g admet un
d.l. en 0 d’ordre n − q. On a donc perdu un ordre q dans le calcul.

En fait le problème se pose souvent dans l’autre sens : si l’on veut un d.l. en 0 à l’ordre n de f /g, il faut
augmenter l’ordre de départ d’un ordre q.

On retiendra donc la règle suivante :

Si le premier terme non nul d’un d.l. en a de g est de degré q, on obtiendra un d.l. en a d’ordre n de
la fonction f /g (s’il existe), en partant des d.l. en a de f et de g à l’ordre n + q.

Dans ce type de calcul il est donc important de commencer par regarder le dénominateur g de la fraction
f /g, pour savoir quel est le premier terme non nul.

3.5. Quelques remarques sur les opérations sur les développements limités.

Remarque 1 : On peut retenir une règles simple qui évite beaucoup d’erreurs dans les calculs de d.l. :

dans toutes les opérations effectuées sur les fonctions, les d.l. des fonctions f et g seront pris au même
ordre.

Si l’on a le d.l. de f à l’ordre 3 et celui de g à l’ordre 2, on ne pourra pas obtenir mieux que le d.l. de
f + g à l’ordre 2.

On pourra utiliser cette règle, y compris dans le cas du produit.

Remarque 2 : Un d.l. n est une égalité à condition d’écrire le reste :

f (x) = a0 + · · · + an xn + ◦(xn ) ,

et l’on peut dans tout calcul remplacer f (x) par a0 + · · · + an xn + ◦(xn ), lorsque x est près de 0.
Par ailleurs c’est le n de ◦(xn ) qui indique que l’ordre du d.l. est n. Il est donc important de conserver le
reste dans les calculs, surtout s’il y a plusieurs opérations en chaine. Il permet de contrôler l’ordre d’un
résultat intermédiaire, ce qui est important en particulier pour les quotients.

Remarque 3 : La notation de Landau ◦a (f (x)) pour désigner le produit de f (x) par ε(x) où ε est une
fonction de limite nulle en a, permet de ne pas numéroter les restes différents en cours de calcul dans les
d.l. , mais les opérations sur ces “ ◦a ” ne suivent pas les règles algèbriques classiques. Par exemple

◦a (f (x)) + ◦a (f (x)) = ◦a (f (x)) .

53
Si λ est un nombre réel
λ ◦a (f (x)) = ◦a (f (x)) ,
et de manière générale si g est bornée

g(x) ◦a (f (x)) = ◦a (f (x)) .

De toute manière
g(x) ◦a (f (x)) = ◦a (f (x)g(x)) .
Il faut donc faire attention en les manipulant.

3.6. Primitivation et développements limités.

Soit f définie sur un intervalle I contenant a, admettant des primitives sur I. Supposons que f admette
un d.l. n en a s’écrivant
n
X
f (x) = ak (x − a)k + ◦((x − a)n ) .
k=0

Alors toute primitive F de f admet un d.l. n + 1 en a, donné par


n
X ak
F (x) = F (a) + (x − a)k+1 + ◦((x − a)n+1 ) .
k+1
k=0

(Intégration terme à terme).

On prend a = 0. On a donc sur I


n
X
f (t) = ak tk + tn ε(t) ,
k=0

où ε admet 0 pour limite en 0. Soit η > 0. Il existe un intervalle J = ] −α, α [ , tel que, pour tout
t de I ∩ J, on ait
|ε(t)| ≤ η .

Soient F une primitive de f sur I, et G définie sur I par


n
X ak k+1
G(t) = F (t) − F (0) − t .
k+1
k=0

La fonction G est dérivable sur I, elle est nulle en zéro, et


n
X
G′ (t) = f (t) − ak tk = tn ε(t) .
k=0

Alors, si x ∈ I ∩ J, et si t est compris entre 0 et x, on a

|G′ (t)| = |t|n |ε(t)| ≤ η |x|n = M ,

soit
−M ≤ G′ (t) ≤ M .
Si x > 0, d’après les inégalités de la moyenne, on a
Zx
1 G(x)
−M ≤ G′ (t) dt = ≤M ,
x x
0

54
et si x < 0,
Z0
1 −G(x)
−M ≤ G′ (t) dt = ≤M .
−x −x
x
Donc dans tous les cas
G(x)
−M ≤ ≤M ,
x
soit
|G(x)| ≤ M |x] ,
et finalement
|G(x)| ≤ η|x|n+1 ,
et donc, pour tout x de I ∩ J − {0} ,
|G(x)|
≤η.
|x|n+1
Cela montre que G(x)/xn+1 admet pour limite 0 en 0, donc que G(x) = ◦(xn+1 ). 

Comme conséquence de ce résultat, nous obtenons l’énoncé ci-dessous, qui donne une condition suffisante
d’existence d’un d.l. n en a.

Formule de TAYLOR-YOUNG
Soient n ∈ N∗ et f une fonction définie sur un intervalle I contenant a. Si f admet des dérivées jusqu’à
l’ordre n sur I, la fonction f admet un d.l. n en a donné par
n
X f (k) (a)
f (x) = (x − a)k + ◦((x − a)n ) .
k!
k=0

Faisons la démonstration dans le cas où a = 0. On procède par récurrence. L’hypothèse de


récurrence est la suivante :
Hn : pour toute fonction f définie sur un intervalle I contenant 0, si f admet des dérivées jusqu’à
l’ordre n sur I, la fonction f admet un d.l. n en 0 donné par
n
X f (k) (0) k
f (x) = x + ◦(xn ) .
k=0
k!

f (x) − f (0)
Vérifions la propriété à l’ordre 1. Si f est une fois dérivable sur I, alors le rapport
x
admet une limite finie en 0, qui vaut f ′ (0). Soit ε définie sur I par

f (x) − f (0)
8
>
< − f ′ (0) si x 6= 0
ε(x) = x
>
:
0 si x = 0 .
Cette fonction admet 0 pour limite en 0, et l’on vérifie que, pour tout x de I,

f (x) = f (0) + xf ′ (0) + xε(x) = f (0) + xf ′ (0) + ◦(x) ,

ce qui donne bien la propriété H1 .

Supposons que la propriété Hn soit vraie. Soit f définie sur un intervalle I contenant 0, et admet-
tant des dérivées jusqu’à l’ordre n + 1 sur I. Alors g = f ′ est définie sur I et admet des dérivées
jusqu’à l’ordre n sur I. On peut appliquer à g l’hypothèse de récurrence : la fonction g admet un
d.l. n en 0, et
n
X g (k) (0) k
g(x) = x + ◦(xn ) .
k=0
k!

55
Utilisons maintenant la primitivation de ce d.l. . La fonction f possède un d.l. n + 1 en 0 donné
par
n
X g (k) (0) 1
f (x) = f (0) + xk+1 + ◦(xn+1 ) .
k=0
k! k + 1
En remarquant que g (k) = (f ′ )(k) = f (k+1) et que (k + 1)k! = (k + 1)!, on obtient finalement
n
X f (k+1) (0) k+1
f (x) = f (0) + x + ◦(xn+1 ) .
(k + 1)!
k=0

Mais
n n+1
X f (k) (0) k n+1
X f (k+1) (0) k+1 X f (k) (0) k
f (0) + x = f (0) + x = x .
k=0
(k + 1)! k=1
k! k=0
k!
On a donc finalement
n+1
X f (k) (0) k
f (x) = x + ◦(xn+1 ) .
k=0
k!
ce qui donne la relation à l’ordre n + 1.
La propriété Hn+1 est donc vraie. Il en résulte que Hn est vraie pour tout entier n ≥ 1. 

3.7. Développements limités en 0 des fonctions usuelles


n
X m(m−1)···(m−k+1) m(m−1) 2 m(m−1)···(m−n+1) n
(1 + x)m = k! xk + ◦(xn ) = 1 + mx + 2! x + ···+ n! x + ◦(xn )
k=0

n
X
1
= xk + ◦(xn ) = 1 + x + · · · + xn + ◦(xn )
1−x
k=0

n
X
1
= (−1)k xk + ◦(xn ) = 1 − x + · · · + (−1)n xn + ◦(xn )
1+x
k=0

n
X xk x2 xn
ln(1 + x) = (−1)k+1 + ◦(xn ) =x− + · · · + (−1)n+1 + ◦(xn )
k 2 n
k=1

n
X x2k+1 x3 x2n+1
arctan x = (−1)k + ◦(x2n+1 ) =x− + · · · + (−1)n + ◦(x2n+1 )
2k + 1 3 2n + 1
k=0

n
X xk x2 xn
ex = + ◦(xn ) =1+x+ + ··· + + ◦(xn )
k! 2! n!
k=0

n
X x2k+1 x3 x2n+1
sin x = (−1)k + ◦(x2n+1 ) =x− + · · · + (−1)n + ◦(x2n+1 )
(2k + 1)! 3! (2n + 1)!
k=0

n
X x2k+1 x3 x2n+1
sh x = + ◦(x2n+1 ) =x+ + ··· + + ◦(x2n+1 )
(2k + 1)! 3! (2n + 1)!
k=0

n
X x2k x2 x2n
cos x = (−1)k + ◦(x2n ) =1− + · · · + (−1)n + ◦(x2n )
(2k)! 2! (2n)!
k=0

n
X x2k x2 x2n
ch x = + ◦(x2n ) =1+ + ··· + + ◦(x2n )
(2k)! 2! (2n)!
k=0

56
Toutes les fonctions données dans le formulaire précédent ont des dérivées de tous ordres. On
obtient facilement les d.l. en utilisant la formule du paragraphe précédent.

Si f (x) = (1 + x)m , où m est un réel quelconque, on démontre par récurrence sur k, que

f (k) (x) = m(m − 1) · · · (m − k + 1)(1 + x)m−k ,

donc f (k) (0) = m(m − 1) · · · (m − k + 1).

1
On a vu dans 3.4. que pour f (x) = , le résultat provenait de la formule donnant la somme
1−x
des termes d’une suite géométrique.

1 xn+1
= 1 + x + · · · + xn + = 1 + x + · · · + xn + ◦(xn ) .
1−x 1−x
1
Le d.l. n en 0 de la fonction x 7→ se retrouve alors facilement à partir d’une des deux
1+x
formules précédentes. En primitivant on obtient celui de x 7→ ln(1 + x).

En remplaçant x par x2 dans le d.l. n en 0 précédent, on obtient


n
1 X
2
= (−1)k x2k + ◦(x2n ) ,
1+x
k=0

et en primitivant on obtient le d.l. 2n + 1 en 0 de la fonction arctan.


Si f (x) = ex , on a f (k) (x) = ex donc f (k) (0) = 1. 

A titre d’exercice on pourra chercher les d.l. des fonctions sinus et cosinus.

Remarques :
1. Le développement de (1 + x)m est vrai pour tout réel m, mais si m est un entier positif, on retrouve
la formule du binôme de Newton.

2. Pour les fonctions de la liste précédente qui ont une parité, la partie régulière a la même parité. On
a par exemple pour la fonction sinus :
x3 x2n+1
sin x = x − + · · · + (−1)n + ◦(x2n+1 ) ,
3! (2n + 1)!
mais aussi
x3 x2n+1
sin x = x − + · · · + (−1)n + ◦(x2n+2 ) .
3! (2n + 1)!
On obtient la même partie régulière pour les ordres 2n + 1 et 2n + 2.

On remarquera que, pour obtenir le d.l. 4 en 0 de sin x, il faudra prendre n = 1 dans la formule
précédente, et non n = 4. En effet, c’est 2n + 2 qui doit être égal à 4.

3. Les fonctions tangente et tangente hyperbolique n’ont pas de d.l. simples en zéro. On retiendra les
premiers termes :
x3 2x5
tan x = x + + + ◦(x6 ) ,
3 15
x3 2x5
th x = x − + + ◦(x6 ) ,
3 15
que l’on peut obtenir, soit par la formule de Taylor, soit en effectuant le quotient du d.l. de sin x
(resp. sh x), par celui de cos x (resp. ch x).

57
4. Les d.l. en zéro des fonctions arcsin et argsh s’obtiennent facilement à partir de ceux de leur dérivée.

3.8. Application des développements limités à la détermination des limites

0
Essentiellement, les d.l. servent à lever les indéterminations du type , en cherchant, quand c’est possible,
0
un équivalent du numérateur et du dénominateur. Ceci se fait en observant que si f admet un d.l. n en
a de partie régulière non nulle, on a
f (x) ∼ ak (x − a)k ,
a

où k est le plus petit indice tel que ak 6= 0, dans la liste des coefficients qui apparaissent dans Regn f . En
particulier, si f est suffisamment dérivable sur un intervalle I contenant a, et si k est le plus petit indice
tel que f (k) (a) 6= 0, on a
f (k) (a)
f (x) ∼ (x − a)k .
a k!
On remarquera en particulier que toutes les fonctions du formulaire précédent qui s’annulent en 0 sont
équivalentes à la fonction x 7→ x en zéro.

Un autre point de vu est de remarquer que la recherche d’une limite finie en a revient à celle d’un
développement limité d’ordre 0 en a. On peut alors appliquer les règles de calcul sur les d.l. .

Les d.l. servent également à l’étude locale d’une fonction f définie au voisinage d’un point x0 . En effet,
si f possède un d.l. en x0 de la forme

f (x) = a0 + a1 (x − x0 ) + ap (x − x0 )p + ◦((x − x0 )p ) ,

où a0 = f (x0 ), ap est non nul, et p ≥ 2, on en déduit facilement l’équation de la tangente à la courbe
représentative de f au point M de coordonnées (x0 , a0 ). Elle s’écrit

y = a0 + a1 (x − x0 ) ,

puisque
f (x) − f (x0 )
a0 = f (x0 ) et a1 = x7lim = f ′ (x0 ) .
→x 0
x6=x0
x − x0
La position de la courbe par rapport à sa tangente est donnée par le signe de la différence

δ(x) = f (x) − (a0 + a1 (x − x0 )) = ap (x − x0 )p + ◦((x − x0 )p ) .

mais, au point x0 , on a δ(x) ∼ ap (x − x0 )p . La position est donc donnée par le signe de ap (x − x0 )p : si le


signe est positif, la courbe est au-dessus de sa tangente. Elle est en dessous sinon. En particulier si p est
impair, la position de la courbe par rapport à la tangente change lorsque l’on franchit x0 , et la courbe
admet un point d’inflexion en x0 .

On peut enfin utiliser les d.l. pour la recherche d’une asymptote d’une courbe. Rappelons que la courbe
représentative d’une fonction f définie au voisinage de +∞ admet une asymptote d’équation y = ax + b,
si et seulement si la fonction ε : x 7→ f (x) − ax − b admet une limite nulle en +∞. Les nombres a et b
sont alors définis de manière unique par

f (x)
a = lim et b = lim (f (x) − ax) ,
x→+∞ x x→+∞

et l’on a, au voisinage de +∞,


f (x) = ax + b + ε(x) .

58
En posant h = 1/x, cette égalité peut encore s’écrire
 
1
hf = a + bh + ◦(h) .
h

Donc, si l’on dispose d’un d.l. en 0 de la forme


 
1
hf = a + bh + chp + ◦(hp ) ,
h

avec c non nul et p ≥ 2, on en déduira


 
c 1
f (x) = ax + b + +◦ ,
xp−1 xp−1
c
ce qui permettra d’obtenir directement l’équation de l’asymptote. Le signe de , donne alors la po-
xp−1
sition de la courbe par rapport à l’asymptote. (Ce qui précède peut également s’étudier au voisinage de
−∞).

59
Chapitre 3

FONCTIONS CONTINUES

61
1. Propriété de la borne supérieure

1.1. Borne supérieure d’un ensemble

On appelle borne supérieure d’un ensemble A non vide un nombre réel S vérifiant les propriétés sui-
vantes :

(i) (∀x ∈ A) (x ≤ S),

(ii) (∀ε > 0) (∃x ∈ A) (S − ε < x).

La propriété (i) signifie que S est un majorant de A, et la propriété (ii)que tout nombre strictement plus
petit que S n’est pas un majorant de A. Donc S est le plus petit des majorants de A.

Tout d’abord, on remarque que si A possède une borne supérieure, elle est unique. On la notera sup A.

Supposons par l’absurde que l’on ait deux bornes supérieures distinctes S1 et S2 de A : par exemple
S1 < S2 . Alors, d’après (i), pour tout x de A, on a x ≤ S1 . Si l’on pose ε = S2 − S1 > 0, d’après
(ii), il existe x dans A tel que
S1 = S2 − ε < x .
On a donc une contradiction. 

Pour montrer qu’un nombre est la borne supérieure on emploie souvent une définition équivalente utili-
sant les suites :

Le nombre S est la borne supérieure de A si et seulement si

(i) (∀x ∈ A) (x ≤ S),

(ii’) Il existe une suite (xn ) d’éléments de A qui converge vers S.

Si S est la borne supérieure de A, en prenant ε = 1/n, on trouve xn dans A tel que


1
S− < xn ≤ S .
n
Et le théorème d’encadrement montre immédiatement que la suite (xn ) converge vers S.

Réciproquement si l’on a (i) et (ii’), comme (xn ) converge vers S, quel que soit ε > 0, il existe n
tel
|xn − S| < ε ,
et puisque xn ≤ S, on en déduit
S − xn < ε ,
donc
S − ε < xn ,
et S est la borne supérieure. 

63
Définissons également le maximum d’un ensemble A non vide, noté max A, comme le plus grand élément
de A (s’il existe), c’est-à-dire l’élément M vérifiant

(i) (∀x ∈ A) (x ≤ M ),

(ii”) M ∈ A.

Il vérifie alors de manière évidente les propriétés de la borne supérieure.

Si un ensemble admet un maximum c’est donc sa borne supérieure, mais un ensemble peut admettre une
borne supérieure et pas de maximum.

On peut bien sûr définir également la borne inférieure d’un ensemble A non vide, elle aussi unique, et
notée inf A, comme le nombre vérifiant les propriétés :

(i) (∀x ∈ A) (x ≥ S),

(ii) (∀ε > 0) (∃x ∈ A) (S + ε > x).

et le minimum, noté min A d’un ensemble non vide A comme le plus petit élément de A.

1.2. Propriété de la borne supérieure

Nous avons rencontré dans le chapitre 1 l’axiome constitutif de l’ensemble R des nombres réels suivants :

toute suite croissante majorée de nombres réels admet une limite dans R.

Nous aurons besoin d’une formulation équivalente de cette propriété, ne faisant pas intervenir la notion
de suite. Celle-ci est connue sous le nom de propriété de la borne supérieure :

toute partie A de R, non vide et majorée admet une borne supérieure.

Nous montrons ci-dessous l’équivalence de ces deux propriétés.

Montrons tout d’abord que si toute suite croissante majorée converge alors on a la propriété de la
borne supérieure.

En fait nous montrons que si deux suites adjacentes convergent vers la même limite alors on a
la propriété de la borne supérieure. On utilisera dans la démonstration le fait que la suite (1/2n )
converge vers 0, qui est une conséquence du fait que la suite (n) n’est pas bornée.

Soit A un sous-ensemble de R non vide majoré. Notons a0 un de ses éléments et M0 un de


ses majorants, et construisons de manière récurrente deux suites (an )n≥0 et (Mn )n≥0 telles que la
première soit une suite croissante d’éléments de A et la seconde une suite décroissante de majorants
de A, vérifiant de plus, pour tout entier n ≥ 0
M0 − a0
0 ≤ Mn − an ≤ .
2n

64
Supposons les suites construites jusqu’au rang n et construisons les au rang n + 1. Pour cela
regardons λn = (Mn + an )/2. C’est un nombre compris entre an et Mn . Deux cas sont possibles :
1) λn est un majorant de A. Dans ce cas, on pose

Mn+1 = λn et an+1 = an .

On a alors
an+1 = an ≤ λn = Mn+1 ≤ Mn .
Par ailleurs
Mn − an M0 − a0
Mn+1 − an+1 = ≤ .
2 2n+1
2) λn n’est pas un majorant de A. Il existe un élément an+1 de A tel que

an+1 > λn ,

et l’on pose
Mn+1 = Mn .
Donc, puisque Mn+1 est un majorant de A, et que an+1 appartient à A,

an < λn < an+1 ≤ Mn+1 = Mn .

Par ailleurs
Mn − an M0 − a0
Mn+1 − an+1 < ≤ .
2 2n+1
On construit bien ainsi deux suites répondant à la question. Ces suites sont adjacentes. Elles
convergent donc vers la même limite β. On a pour tout x de A, et pour tout entier n

x ≤ Mn ,

donc par passage à la limite


x≤β ,
et β est un majorant de A. Mais par ailleurs β est limite d’une suite an d’éléments de A. Par
conséquent β est la borne supérieure de A.

Montrons que la propriété de la borne supérieure implique la convergence des suites croissantes
majorées.

Soit (un )n≥0 une suite croissante majorée. L’ensemble A = {un | n ≥ 0} est majoré donc possède
une borne supérieure ℓ.
Soit ε > 0 il existe N , tel que
ℓ − ε ≤ uN .
Alors, si n ≥ N , comme la suite est croissante

ℓ − ε ≤ uN ≤ un .

Par ailleurs, comme ℓ est un majorant de la suite, on a pour tout entier n

un ≤ ℓ .

Il en résulte que, si n ≥ N
ℓ − ε ≤ un ≤ ℓ,
donc
|un − ℓ| ≤ ε .
On en déduit que la suite (un )n≥0 converge vers ℓ. 

65
De même que la convergence des suites croissantes majorées implique que toute suite décroissante minorée
converge, la propriété de la borne supérieure implique que tout ensemble non vide minoré possède une
borne inférieure.

1.3. Application à la classification des intervalles de R

Vous avez déjà utilisé couramment la notion d’intervalle de R. Nous donnons ici sa définition “officielle” :

Une partie I de R est appelée intervalle si et seulement si

(∀x ∈ I) (∀y ∈ I) (∀t ∈ R) ((x ≤ t ≤ y) ⇒ (t ∈ I)) .

Soient alors a et b deux nombres réels tels que a < b. On vérifie aisément que les ensembles suivants sont
des intervalles de R :

{x ∈ R, a ≤ x ≤ b} encore noté [ a, b ] et appelé segment de R,

{x ∈ R, a < x ≤ b} encore noté ] a, b ] ,

{x ∈ R, a ≤ x < b} encore noté [ a, b [ ,

{x ∈ R, a < x < b} encore noté ] a, b [ ,

{x ∈ R, x ≤ b} encore noté ] −∞, b ] ,

{x ∈ R, x < b} encore noté ] −∞, b [ ,

{x ∈ R, a ≤ x} encore noté [ a, +∞ [ ,

{x ∈ R, a < x} encore noté ] a, +∞ [ ,


ainsi que d’ailleurs ∅, {a} et R.

On démontre, en utilisant la propriété de la borne supérieure (et de la borne inférieure) que tout intervalle
de R est nécessairement de l’un des onze types ci-dessus.

Les singletons {a} et l’ensemble vide vérifient de manière évidente les propriétés de définition d’un
intervalle. Si l’intervalle I contient au moins deux points, il y a trois cas possibles :
– l’intervalle I, n’est pas majoré
– l’intervalle I, est majoré et contient sa borne supérieure
– l’intervalle I, est majoré et ne contient pas sa borne supérieure.
Pour chacun de ces cas, il y a également trois possibilités :
– l’intervalle I, n’est pas minoré
– l’intervalle I, est minoré et contient sa borne inférieure
– l’intervalle I, est minoré et ne contient pas sa borne inférieure.
Cela donne donc neuf possibilités, chacune correspondant à un des neuf autres types d’ensembles
écrits ci-dessus.

A titre d’exemple, montrons qu’un intervalle borné qui contient sa borne inférieure a et ne contient
pas sa borne supérieure b est [ a, b [ . Comme il s’agit de montrer l’égalité de deux ensembles, on
montre une double inclusion.

66
(i) I ⊂ [ a, b [
Pour tout x de I, on a par définition des bornes inférieure et supérieure, a ≤ x ≤ b, et puisque, a
est dans I, et que b n’y est pas, on a en fait a ≤ x < b. Ce qui donne l’inclusion voulue.

(ii) [ a, b [ ⊂ I
Soit x dans [ a, b [ . Posons ε = b − x > 0. Comme b est la borne supérieure de I, il existe y dans
I tel que x = b − ε < y ≤ b. Mais par définition des intervalles, puisque a, et y sont dans I et que
a ≤ x ≤ y, on en déduit que x est dans I. 

1.4. Partie entière d’un nombre réel

Nous avons déjà vu au chapitre 2 que N est une partie de R non majorée. Rappelons l’argument : si N
était une partie majorée de R, la suite u définie sur N par un = n, en tant que suite réelle croissante
majorée, serait convergente et puisque pour tout n ∈ N, un+1 = un + 1, sa limite ℓ devrait satisfaire à
ℓ = ℓ + 1 d’où 0 = 1 !

De même démontre-t-on que Z est une partie non minorée de R (introduire la suite u définie sur N par
un = −n).

Soit alors x un nombre réel. D’après ce qui précéde, x ne majore pas N et ne minore pas Z. Il existe donc
deux entiers n et m tels que n < x < m. Ce qui prouve que la partie A de Z, formée de tous les entiers
k tels que k ≤ x, est une partie non vide et majorée de Z. Elle admet donc un plus grand élément que
nous noterons [x] et appellerons partie entière de x. L’entier [x] (que l’on note aussi E(x)), est le seul
entier tel que
[x] ≤ x < [x] + 1 .
Remarquons que cela signifie aussi que

x − 1 < [x] ≤ x .

2. Continuité en un point, sur un intervalle

Dans tout ce qui suit, les intervalles que nous considérons sont supposés non vides et non réduits à un
point.

2.1. Définition de la continuité

Soient I un intervalle de R, f une application de I dans R et a un point de I. La fonction f est dite


continue en a si et seulement si

(∀ε > 0) (∃α > 0) (∀x ∈ I) ((|x − a| < α) ⇒ (|f (x) − f (a)| < ε)) .

Dire que f est continue en a revient donc à dire que f admet le candidat naturel f (a) pour limite en a
ou encore si a appartient à l’intérieur de I, que x7lim
→a
f (x) = x7lim
→a
f (x) = f (a).
x<a x>a

Si on a x7lim
→a
f (x) = f (a), on dit que f est continue à gauche en a, et si l’on a x7lim
→a
f (x) = f (a), on dit
x<a x>a
qu’elle est continue à droite en a. En particulier si a n’est pas une des bornes de I, la fonction f est

67
continue en a si et seulement si elle est à la fois continue à droite et à gauche en a.

La fonction f est dite continue sur I si et seulement si elle est continue en tout point a de I.

Soient I un intervalle de R, a un point de I et f une fonction numérique définie sur I privé de a. Si f


admet une limite finie L en a alors la fonction fe définie sur I par
(
f (x) si x 6= a
e
f (x) = .
L si x = a

est continue en a. Cette fonction fe est appelée prolongement par continuité de f en a.

2.2. Caractérisation séquentielle de la continuité en un point

Soient I un intervalle de R, f une application de I dans R et a un point de I. La fonction f est


continue en a si et seulement si pour toute suite (un )n≥0 de points de I qui converge vers a, la suite
(f (un ))n≥0 converge vers f (a).

La démonstration est la même que pour la caractérisation séquentielle d’une limite. La seule
différence est que, ici, certains termes de la suite (un ) peuvent être égaux à a. 

Remarque : ce résultat donne une condition suffisante pour qu’une fonction ne soit pas continue en un
point a de I. Il suffit de trouver une suite (un ) de I qui converge vers a et telle que (f (un )) ne converge
pas vers f (a).

2.3. Opérations algébriques et continuité

Soient I un intervalle de R, f et g deux applications de I dans R, a un point de I et λ ∈ R. Si f et


g sont continues en a alors f + g, λf et f g sont continues en a et si de plus f ne s’annule pas sur I
alors 1/f est continue en a.

Soit (un ) une suite de points de I qui converge vers a. Comme f et g sont continues en a,
d’après la caractérisation séquentielle de la continuité en un point, les suites (f (un )) et (g(un ))
convergent respectivement vers f (a) et g(a). Par conséquent, les suites ((f + g)(un )), (λf (un )) et
(f g)(un )) convergent respectivement vers (f + g)(a), λf (a) et (f g)(a). En utilisant de nouveau la
caractérisation séquentielle de la continuité en un point, nous pouvons conclure que f + g, λf et
f g sont continues en a. 

2.4. Propagation des inégalités strictes par continuité

Soient I un intervalle de R, f une application de I dans R et a un point de I. Si f est continue en a,


et si f (a) > 0, il existe un réel α > 0 tel que, pour tout x de ] a − α, a + α [ ∩ I, on ait f (x) > 0.

68
En appliquant la définition de la continuité en a avec ε = f (a)/2, il existe α > 0 tel que, pour tout
x de ] a − α, a + α [ ∩ I, on ait

f (a) f (a)
− < f (x) − f (a) < .
2 2
On en déduit que, pour de tels x,
f (a)
f (x) > >0.
2


2.5. Composition de fonctions et continuité

Soient I et J deux intervalles de R, f une application de I dans R telle que f (I) ⊂ J, g une application
de J dans R et a un point de I. Si f est continue en a et g est continue en f (a) alors g ◦ f est continue
en a.

Soit (un ) une suite de points de I qui converge vers a. Comme f est continue en a, d’après
la caractérisation séquentielle de la continuité en un point, la suite (f (un )) converge vers f (a).
Comme g est continue en f (a) la suite (g(f (un ))) converge vers g(f (a)). En utilisant de nouveau
la caractérisation séquentielle de la continuité en un point, nous pouvons conclure que g ◦ f est
continue en a. 

3. Propriétés des fonctions continues sur un intervalle

3.1. Image d’un intervalle par une application continue

Soient I un intervalle de R, et f une application de I dans R continue sur I. S’il existe deux éléments
a, b de I tels que a < b et f (a)f (b) ≤ 0, alors il existe c ∈ [ a, b ] tel que f (c) = 0.

Supposons sans perdre de généralité que f (a) ≤ 0 et f (b) ≥ 0. Nous construisons de manière
récurrente deux suites (an )n≥0 et (bn )n≥0 telles que la première soit une suite croissante et la
seconde une suite décroissante, vérifiant de plus pour tout entier n ≥ 0
b0 − a 0
0 ≤ bn − a n ≤ ,
2n
f (an ) ≤ 0, f (bn ) ≥ 0 .
On pose a0 = a et b0 = b. Les inégalités précédentes sont ainsi vérifiées de façon évidente pour
n = 0.

Supposons les deux suites construites jusqu’au rang n et construisons les au rang n + 1. Pour cela
regardons λn = (an + bn )/2. Si f (λn ) ≤ 0 alors on pose

an+1 = λn et bn+1 = bn ,
sinon, on pose
an+1 = an et bn+1 = λn .
Dans les deux cas nous avons
an ≤ an+1 ≤ bn+1 ≤ bn ,

69
et par construction
b0 − a 0
f (an+1 ) ≤ 0, f (bn+1 ) ≥ 0, 0 ≤ bn+1 − an+1 ≤ .
2n+1
On construit bien ainsi deux suites ayant les propriétés annoncées. Par conséquent elles sont
adjacentes et elles convergent vers une même limite c ∈ [ a, b ] . Comme f est continue sur [ a, b ] ,
les suites (f (an )) et (f (bn )) convergent vers f (c). Elles vérifient de plus pour tout n ≥ 0
f (an ) ≤ 0 et f (bn ) ≥ 0 .
Nous obtenons donc à la limite que f (c) ≤ 0 et f (c) ≥ 0, ce qui implique f (c) = 0. 

Nous en déduisons le résultat suivant :

Théorème des valeurs intermédiaires


Soient I un intervalle de R, f une application de I dans R continue sur I et a, b deux éléments de I
tels que a < b. Alors, pour toute valeur γ comprise entre f (a) et f (b) il existe c dans [ a, b ] tel que
f (c) = γ.

Supposons encore une fois sans perdre de généralité que f (a) ≤ f (b).
Soit γ ∈ [ f (a), f (b) ] . Nous définissons l’application g de I dans R par g(x) = f (x) − γ pour
tout x ∈ I. Cette application est continue sur I et nous avons g(a)g(b) ≤ 0. D’après le résultat
précédent, il existe donc c ∈ [ a, b ] tel que g(c) = 0 c’est-à-dire il existe c ∈ [ a, b ] tel que f (c) = γ.


Remarquons que si U est un intervalle inclus dans I, et si α et β appartiennent à f (U ), c’est-à-dire sont


de la forme f (a) et f (b) où a et b appartiennent à U , alors tout élément γ compris entre α et β possède
un antécédent c compris entre a et b donc dans U , et γ = f (c) appartient à f (U ). Cela signifie que f (U )
est un intervalle. En conséquence l’image d’un intervalle par une fonction continue est un intervalle.

3.2. Image d’un segment par une application continue

Soient a et b deux réels tels que a < b et f une application de [ a, b ] dans R continue sur [ a, b ] .
Alors f est bornée sur [ a, b ] et il existe deux réels m et M tels que f ( [ a, b ] ) = [ m, M ] (ou {m}
si m = M ). Il en résulte que f présente sur [ a, b ] un minimum (absolu) et un maximum (absolu).

D’après le théorème des valeurs intermédiaires, f ( [ a, b ] ) est un intervalle J.

Soit (yn )n≥0 une suite de points de J qui converge vers β ∈ R où β est soit la borne supérieure
de J si J est majoré, soit +∞ si J n’est pas majoré. Pour tout n ∈ N, il existe xn ∈ [ a, b ] tel
que f (xn ) = yn . Nous définissons ainsi une suite (xn )n≥0 qui est bornée. D’après la propriété de
Bolzano-Weierstrass, nous pouvons en extraire une suite (xϕ(n) )n≥0 qui converge vers une limite
notée ℓ. Puisque pour tout n ≥ 0 nous avons xϕ(n) ∈ [ a, b ] , nous avons aussi ℓ ∈ [ a, b ] . Ainsi f
est continue en ℓ. Par conséquent la suite (f (xϕ(n) ))n≥0 converge vers f (ℓ), autrement dit la suite
(yϕ(n) )n≥0 converge vers f (ℓ). Or la suite (yϕ(n) )n≥0 converge vers β. Par unicité de la limite dans
R, nous avons donc β = f (ℓ). Il en résulte que β est fini et appartient à f ( [ a, b ] ).

On raisonne de même pour le minimum. 

70
3.3. Image d’un intervalle par une application continue strictement monotone

Soient a et b deux éléments de R tels que a < b, I un intervalle d’origine a et d’extrémité b et f une
application de I dans R continue et strictement croissante sur I. Alors f admet dans R une limite
en a et b et f (I) est l’intervalle J d’origine lim f (x) et d’extrémité lim f (x), les bornes de J étant
x→a x→b
respectivement de même nature (ouverte ou fermée) que celles de I.
Par exemple, si f est définie et croissante sur [ a, b ] , on a f ( [ a, b ] ) = [ f (a), f (b) ] et si f est
décroissante, f ( [ a, b ] ) = [ f (b), f (a) ]
lim f (x), lim f (x) [ .
de même, si f est définie et croissante sur ] a, +∞ [ on a f ( ] a, +∞ [ ) = ] x→a
x>a
x→+∞

Montrons, à titre d’exemple que si a et b sont finis, et si f est croissante sur [ a, b [ , alors
f ( [ a, b [ ) = [ f (a), lim f (x) [ . On sait que f ( [ a, b [ ) est un intervalle d’extrémités u et v (u ≤ v).
x→b
x<b

Puisque, si a ≤ x, on a f (a) ≤ f (x), on en déduit que f (a) est le minimum de f ( [ a, b [ ), et donc


que u = f (a) appartient à f ( [ a, b [ ).

D’autre part f (x) possède une limite lorsque x tend vers b. Si cette limite est une valeur finie ℓ.
Alors elle majore f (x) pour tout x de [ a, b [ . Soit alors ε > 0, il existe α tel que a − α < x < a
implique ℓ − f (x) ≤ ε, c’est-à-dire ℓ − ε ≤ f (x), ce qui montre que ℓ est la borne supérieure
de f ( [ a, b [ ). Donc v = ℓ. Si ℓ appartenait à f ( [ a, b [ ), il existerait x0 dans f ( [ a, b [ ) tel que
f (x0 ) = ℓ. Alors, si x0 < x < ℓ, on aurait

ℓ = f (x0 ) < f (x) ≤ ℓ ,

d’où une contradiction. Donc f ( [ a, b [ ) = [ f (a), lim f (x) [ .


x→b
x<b

Si ℓ est infinie, alors il existe dans f ( [ a, b [ ) des valeurs aussi grandes que l’on veut et cet intervalle
n’est pas majoré, donc v = +∞, et l’on a encore f ( [ a, b [ ) = [ f (a), lim f (x) [ . 
x→b
x<b

Remarque : si f est simplement croissante, on peut avoir f ( [ a, b [ ) = [ f (a), lim f (x) ] .


x→b
x<b

Ces propriétés sont utilisées pour étudier le signe et les zéros d’une fonction. On remarquera en particu-
lier, que, si l’on combine le théorème des valeurs intermédiaires et la monotonie stricte sur un intervalle
[ a, b ] , le fait que f (a)f (b) ≤ 0 implique qu’il existe une valeur c unique dans [ a, b ] telle que f (c) = 0.

3.4. Inversibilité des fonctions continues strictement monotones

Soient I un intervalle de R non vide et non réduit à un point, f une application continue et strictement
monotone de I dans R. Notons J l’intervalle image de I par f . Alors f réalise une bijection de I sur
J et l’application réciproque f −1 de J sur I est également strictement monotone et continue sur J et
de même sens de variation que f .

Nous ferons la démonstration de ce résultat dans le cas où f est strictement croissante sur I.
Dans le cas où f est strictement décroissante, il suffira de considérer l’application g définie par
g(x) = −f (x), pour tout x ∈ I.

Puisque f est continue, l’ensemble J = f (I) est un intervalle. L’application f de I sur J est
évidemment surjective. De plus, comme f est strictement croissante sur I, elle est injective. En
effet, si x > x′ on a f (x) > f (x′ ), et donc, si x et x′ sont distincts, il en est de même de f (x) et

71
de f (x′ ).

L’application f étant bijective, son application réciproque f −1 existe. Montrons par l’absurde
qu’elle est strictement croissante. Si l’on suppose que f −1 n’est pas strictement croissante, il existe
donc y et y ′ dans J tels que y > y ′ et f −1 (y) ≤ f −1 (y ′ ). Mais comme f est croissante, on aurait
f (f −1 (y)) ≤ f (f −1 (y ′ )), soit y ≤ y ′ d’où une contradiction.

Montrons la continuité de f −1 sur J. Soit y0 un point de J autre que sa borne inférieure. Comme
f −1 est strictement croissante, elle admet une limite à gauche ℓ en y0 , et pour tout point y de J
tel que y < y0 , on a
f −1 (y) ≤ ℓ ≤ f −1 (y0 ) .
Supposons que l’on ait ℓ < f −1 (y0 ) et soit x tel que ℓ < x < f −1 (y0 ). Puisque I est un intervalle
contenant f −1 (y) et f −1 (y0 ), le nombre x est dans I et comme f est strictement croissante, on a
f (x) < y0 . Mais f (x) est dans J. Donc d’après ce qui précède

f −1 (f (x)) ≤ ℓ ≤ f −1 (y0 ) ,

d’où x ≤ ℓ. On obtient une contradiction. Il en résulte que ℓ = f −1 (y0 ) ce qui montre que f −1 est
continue à gauche en y0 .

Un argument analogue, montre que f −1 est continue à droite en tout point y0 qui n’est pas la
borne supérieure de J. Il en résulte que f −1 est continue sur J. 

Remarque : Les graphes des fonctions f et f −1 dans des axes orthonormés, sont symétriques par rapport
à la première bissectrice. En effet, si l’on a y = f (x), soit x = f −1 (y), le point M (x, f (x)) = M (f −1 (y), y)
de la courbe représentative de f est symétrique du point M ′ (y, f −1 (y)), de la courbe représentative de
f −1 par rapport à la droite d’équation y = x.

On remarquera également que si l’intervalle I admet l’origine pour milieu et si f est impaire, alors f (I)
est également un intervalle admettant l’origine pour milieu, et f −1 est impaire. En effet si y = f (x)
appartient à f (I), il en est de même de −y = f (−x), et l’on a f −1 (−y) = −x = −f −1 (y).

3.5. Application
Le théorème précédent s’applique en particulier dans les cas suivants :

a) Sur l’intervalle I = [ −π/2, π/2 ] , la fonction f : x 7→ sin x est continue strictement croissante et
impaire. C’est donc une bijection de [ −π/2, π/2 ] sur f (I) = [ −1, 1 ] . Elle possède une application
réciproque continue strictement croissante et impaire qui est une bijection de [ −1, 1 ] sur [ −π/2, π/2 ] .
On note f −1 (x) = arcsin x.

b) Sur l’intervalle I = [ 0, π ] , la fonctionf : x 7→ cos x est continue et strictement décroissante. C’est


donc une bijection de [ 0, π ] sur f (I) = [ −1, 1 ] . Elle possède une application réciproque continue et
strictement décroissante qui est une bijection de [ −1, 1 ] sur [ 0, π ] . On note f −1 (x) = arccos x. La
courbe représentative de cette fonction est symétrique par rapport au point de coordonnées (0, π/2),
c’est-à-dire arccos x + arccos(−x) = π.

On vérifie aussi que, pour tout x de [ −1, 1 ] , on a arcsin x + arccos x = π/2 . En effet si x appartient à
l’intervalle [ −1, 1 ] , on a
cos(π/2 − arcsin x) = sin arcsin x = x ,
et π/2 − arcsin x appartient à [ 0, π ] , puisque arcsin x appartient à [ −π/2, π/2 ] . Donc

π/2 − arcsin x = arccos x .

72
c) Sur l’intervalle I = ] −π/2, π/2 [ , la fonction f : x 7→ tan x est continue strictement croissante
et impaire. C’est donc une bijection de ] −π/2, π/2 [ sur f (I) = R . Elle possède une application
réciproque continue strictement croissante et impaire qui est une bijection de R sur ] −π/2, π/2 [ . On
note f −1 (x) = arctan x.

On vérifie aussi que pour tout x > 0, on a arctan x + arctan 1/x = π/2. En effet pour tout x > 0, on a
1 1
tan(π/2 − arctan x) = = ,
tan arctan x x
et π/2 − arctan x appartient à [ 0, π/2 [ , puisque arctan x appartient à [ 0, π/2 [ . Donc

π/2 − arctan x = arctan 1/x .


6
a) arcsin x π b) arccos x

6
π/2 π/2

−1 - -
1 −1 1

−π/2

c) arctan x

6
π/2

−π/2

d) Sur I = R, la fonction f : x 7→ sh x est une application continue strictement croissante et impaire


C’est donc une bijection de R sur f (I) = R . Elle possède une application réciproque continue stricte-
ment croissante et impaire qui est une bijection de R sur R . On note f −1 (x) = argsh x. (Il √est facile de
démontrer en résolvant l’équation x = sh y, que, pour tout x réel on a y = argsh x = ln(x + x2 + 1)).

e) Sur I = [ 0, +∞ [ , la fonction f : x 7→ ch x est une application continue strictement croissante. C’est


donc une bijection de [ 0, +∞ [ sur f (I) = [ 1, +∞ [ . Elle possède une application réciproque continue
et strictement croissante qui est une bijection de [ 1, +∞ [ sur [ 0, +∞ [ . On note f −1 (x) = argch x.
(Il est √
facile de démontrer en résolvant l’équation x = ch y, que, pour tout x > 1, on a y = argch x =
ln(x + x2 − 1)).

73
d) argsh x e) argch x
6 6

- -
1

4. Bilan sur la continuité des fonctions usuelles

Les fonctions usuelles suivantes sont continues sur tout intervalle où elles sont définies : les fonctions
polynômes, les fonctions rationnelles, la fonction valeur absolue, les fonctions logarithmes, les fonctions
exponentielles, les fonctions puissances, les fonctions hyperboliques directes et réciproques, les fonctions
trigonométriques directes et réciproques. Cela se justifie pour les deux premières par le fait que x 7→ x
est continue et l’utilisation des opérations algébriques sur les fonctions continues. Pour la valeur absolue
c’est une conséquence de l’inégalité triangulaire ||x| − |a|| ≤ |x − a|. Pour les autres, cela relève de leur
construction même.

Comme exemple de fonction non continue sur R, on peut citer la fonction partie entière :

si n est entier, on a [x] = n si n ≤ x < n + 1. On en déduit que

lim [x] = lim+ n = n = [n] ,


x→n+ x→n

et la fonction est continue à droite en n.


On a également [x] = n − 1 si n − 1 ≤ x < n. On en déduit que

lim [x] = lim− (n − 1) = n − 1 6= [n] ,


x→n− x→n

et la fonction n’est pas continue à gauche en n.


La fonction n’est donc pas continue en n.
Par contre sur un intervalle ] n, n + 1 [ , on a [x] = n et la fonction est constante, donc continue en tout
point a de cet intervalle.

En résumé la fonction partie entière est continue en tout point non entier, et discontinue en tout point
entier, où elle est uniquement continue à droite.

5. Uniforme continuité

Soit f une fonction numérique définie sur un intervalle I et continue sur I. Alors pour tout x dans I,
quel que soit le nombre réel ε > 0 que l’on se donne, il existe donc un nombre réel α > 0 tel que pour
tout y de I vérifiant |x − y| < α, on ait |f (y) − f (x)| < ε.

74
Le réel α dépend a priori de x (et de ε bien sûr) et en général il n’est pas possible de trouver un réel α ne
dépendant que de ε et qui conviendraient pour tout choix de x dans I. Lorsque tel est le cas cependant,
on dit que f est uniformément continue sur I.

Autrement dit, f est uniformément continue sur I si et seulement si

(∀ε > 0) (∃α > 0) (∀(x, y) ∈ I 2 ) (|x − y| < α ⇒ |f (x) − f (y)| < ε) .

L’uniforme continuité traduit donc le fait que si x et y sont pris suffisamment proches (en un sens qui ne
dépend pas de x et de y), leurs images ne sauraient être trop éloignées l’une de l’autre.


On vérifiera par exemple
√ √ p fonction x →
que la x satisfait bien à cette propriété sur [ 0, +∞ [ car
(∀(x, y) ∈ (R+ )2 ), | x − y| ≤ |x − y|.

Une fonction uniformément continue sur un intervalle est bien sûr continue sur cet intervalle.

La réciproque est fausse. Par exemple la fonction x → x2 est continue sur R sans y être uniformément
continue.

Cependant, nous avons le résultat suivant :

Théorème de HEINE
Toute fonction continue sur un segment [ a, b ] est uniformément continue sur [ a, b ] .

Nous montrons ce résultat par l’absurde. Pour cela nous supposons que f n’est pas uniformément
continue sur [ a, b ] . Il existe donc ε > 0, tel que, pour tout n > 0, on puisse trouver xn ∈ [ a, b ]
et x′n ∈ [ a, b ] vérifiant
1
|x′n − xn | ≤ et |f (x′n ) − f (xn )| ≥ ε.
n+1
Nous construisons ainsi deux suites (xn )n≥0 et (x′n )n≥0 qui sont bornées. D’après la propriété de
Bolzano-Weierstrass, nous pouvons extraire de la suite (xn )n≥0 , une suite (xϕ(n) )n≥0 qui converge
1
vers une limite, notée ℓ et ℓ ∈ [ a, b ] . Comme nous avons, pour tout n ∈ N, |xϕ(n) −x′ϕ(n) | ≤ ϕ(n)+1 ,

la suite extraite (xϕ(n) )n≥0 converge aussi vers la même limite ℓ.

Puisque f est continue en ℓ, les suites (f (xϕ(n) ))n≥0 et (f (x′ϕ(n) ))n≥0 convergent toutes les deux
vers f (ℓ). Il existe donc q dans N et q ′ dans N tels que
ε ε
∀n ≥ q, |f (xϕ(n) ) − f (ℓ)| < , et ∀n ≥ q ′ , |f (x′ϕ(n) ) − f (ℓ)| < .
2 2
Si n ≥ max(q, q ′ ), nous avons alors

|f (xϕ(n) ) − f (x′ϕ(n) )| ≤ |f (xϕ(n) ) − f (ℓ)| + |f (x′ϕ(n) ) − f (ℓ)| < ε ,

ce qui est contradictoire. 

Ce résultat permettra plus tard de prouver l’intégrabilité des fonctions continues sur un segment.

75
Comme exemple de fonctions uniformément continues sur un intervalle I, on peut donner la propriété
suivante :

Si f est définie sur I et s’il existe un nombre réel k positif, tel que

(∀(x, y) ∈ I 2 ) (|f (x) − f (y)| ≤ k |x − y|) ,

alors f est uniformément continue sur I.

Si l’on se donne ε > 0, et si k 6= 0, il suffit de prendre α = ε/k pour que soit satisfaite la propriété
de définition de la continuité uniforme. Si k = 0, la fonction est constante et on peut prendre
n’importe quel α 

Par exemple les fonctions x 7→ x et x 7→ |x| sont uniformément continue sur R (k = 1).

Lorsque le rapport k appartient à l’intervalle [ 0, 1 [ , on obtient les fonctions contractantes :

On dit que f est contractante sur I, si et seulement si il existe un nombre réel k ∈ [ 0, 1 [ , tel que

(∀(x, y) ∈ I 2 ) (|f (x) − f (y)| ≤ k |x − y|) .

Le nombre k est un rapport de contraction de f .

On verra dans le chapitre suivant comment on peut montrer qu’une fonction est contractante et l’utilité
de ces fonctions.

76
Complément : Bilan sur R et
construction de R

Dans les chapitres 1 et 2 nous avons mis en évidence, quatre propriétés équivalentes qui caractérisent R
(i) Toute suite croissante et majorée converge
(ii) Toute suite de Cauchy converge, et la suite (n)n∈N n’est pas majorée
(iii) Toute partie non vide majorée de R possède une borne supérieure
(iv) Deux suites adjacentes quelconques convergent vers la même limite, et la suite (n)n∈N n’est pas
majorée.

Remarque : de manière plus générale, si on dispose d’un ensemble K muni d’opérations et d’une rela-
tion d’ordre faisant de K un corps commutatif totalement ordonné (c’est-à-dire que les opérations et la
relation d’ordre ont les mêmes propriétés que pour celles de R) alors on peut encore définir une notion
de convergence qui fait que les quatre propriétés précédentes sont équivalentes. (La suite (n)n∈N étant
remplacée par la suite (n1K )n∈N , où 1K est l’élément neutre de K pour la multiplication). L’exemple de
Q montre qu’elles peuvent ne pas être satisfaites.

Construction de R à partir de Q

Nous avons implicitement admis qu’il existe un ensemble de nombres réels. Il est en réalité possible de
construire un tel ensemble en partant du corps totalement ordonné Q des nombres rationnels. Une telle
construction a été mise en évidence pour la première fois par le mathématicien Richard Julius Wilhelm
DEDEKIND. En voici, à quelques modifications mineures près, les grandes lignes, l’idée directrice étant
de penser un nombre réel comme étant l’ensemble des nombres rationnels qui le minorent strictement.

De façon plus précise, on appelle nombre réel toute section commençante ouverte, non vide et majorée
de Q, c’est-à-dire toute partie non vide X de Q telle que

(i) (∀r ∈ X) (∀r′ ∈ Q) (r′ < r ⇒ r′ ∈ X)

(ii) (∀r ∈ X) (∃r′ ∈ X) (r < r′ )

(iii) (∃m ∈ Q) (∀r ∈ X) (r < m).

On note R l’ensemble des réels.

On vérifie immédiatement que pour tout a ∈ Q, l’ensemble e a = {r ∈ Q | r < a} est un nombre réel. De
sorte que l’injection naturelle ϕ de Q dans R définie par ϕ(a) = e
a permet d’identifier Q à une partie de
R.

77
On constate ensuite que la relation définie sur R par X ≤ Y si et seulement si X ⊂ Y est une [relation
d’ordre total sur R et on vérifie que si K est une partie non vide majorée de R, l’ensemble X est
X∈K
un nombre réel et que c’est le plus petit des majorants de K. Ainsi la propriété de la borne supérieure
est-elle satisfaite dans R.

On définit ensuite une addition sur R en observant que si X et X ′ sont deux nombres réels, l’ensemble
X + X ′ = {r + r′ | r ∈ X, r′ ∈ X ′ } est un nombre réel, que l’on appellera somme de X et de X ′ . On
vérifie alors que cette addition sur R est commutative, associative, qu’elle admet e 0 pour élément neutre
et que si l’on désigne par −X l’ensemble des opposés de tous les rationnels strictement supérieurs à au
moins un rationnel majorant X, −X est un nombre réel tel que X + (−X) = e 0. Finalement (R, +) est
bien un groupe commutatif. On vérifie de plus que l’addition de R prolonge bien celle de Q en ce sens
a + eb = a]
que si (a, b) ∈ Q2 , e + b et aussi qu’elle est compatible avec la relation d’ordre sur R :

∀(X, X ′ , Y ) ∈ R3 , X ≤ Y ⇒ X + X ′ ≤ Y + X ′ .

On met ensuite une multiplication sur R+ (R+ = {X ∈ R | e 0 ≤ X}), en observant que si X et X ′ sont
des réels strictements positifs, X × X = {r × r | r ∈ X, r ∈ X ′ , (r, r′ ) ∈ (Q∗+ )2 } ∪ e
′ ′ ′
0 ∪ {0} est un nombre
réel que l’on appelera produit de X par X ′ ,et en posant

X ×e
0=e
0×X =e
0.

On vérifie alors que cette multiplication sur R+ est commutative, associative, qu’elle admet e1 pour élément
neutre et que si, pour X ∈ R∗+ , l’on désigne par X −1 la réunion de e
0, de {0} et de l’ensemble des inverses
de tous les rationnels strictement positifs et strictement supérieurs à un rationnel majorant X, X −1 est
un nombre réel strictement positif tel que X × X ′ = e 1. Finalement, (R∗+ , ×) est un groupe commutatif.
On prolonge enfin cette multiplication à R tout entier en décidant que

si X ≥ e
0 et X ′ ≤ e
0, X × X ′ = −(X × (−X ′ )).

si X ≤ e
0 et X ′ ≥ e
0, X × X ′ = −((−X) × X ′ ).

si X ≤ e
0 et X ′ ≤ e
0, X × X ′ = ((−X) × (−X ′ )).

On vérifie que cette multiplication confère à (R∗ , ×) une structure de groupe commutatif, qu’elle est
distributive par rapport à l’addition, qu’elle prolonge bien celle de Q en ce sens que si (a, b) ∈ Q2 ,
a × eb = a]
e × b et aussi qu’elle est compatible avec la relation d’ordre sur R :

∀(X, X ′ ) ∈ R2 , ((e
0 ≤ X et e
0 ≤ X ′ ) ⇒ (e
0 ≤ X × X ′ )) .

En résumé, l’ensemble R ainsi construit avec sa relation d’ordre et ses lois d’addition et de multiplication
a bien une structure de corps commutatif totalement ordonné vérifiant la propriété de borne supérieure.

L’esprit rassuré par l’existence d’un tel objet, on peut désormais tout oublier de sa construction et se
contenter de raisonner à l’aide des propriétés fondamentales énoncées en début de chapitre !

Résumons les : R est un corps commutatif totalement ordonné tel que toute suite à valeurs dans ce corps,
croissante et majorée soit convergente. Nous avons vu que cette dernière propriété était équivalente à la
propriété de la borne supérieure. On peut encore montrer (voir chapitre 1), qu’elle est équivalente à la
propriété suivante : “N est une partie non majorée de ce corps et toute suite de Cauchy de ce corps est
convergente”.

Sous ce dernier point de vue, on dira que R est un corps commutatif totalement ordonné, archimédien et
complet.

78
Valeurs décimales approchées à 10−n près d’un nombre réel

Soient x ∈ R et n ∈ N. On appelle valeur décimale approchée par défaut (resp. par excès) à
[10n x] 1
10−n près de x le nombre xn défini par xn = n
(resp. le nombre yn défini par yn = xn + n ).
10 10

On vérifie aisément que pour tout n ∈ N, on a xn ≤ x < yn et que les suites (xn )n≥0 et (xn )n≥0 sont
adjacentes. Elles sont donc convergentes et de limite égale à x.

Densité de Q dans R

Ce qui précède montre que tout nombre réel x est limite d’une suite de nombres rationnels (en effet
xn ∈ Q). Ainsi, aussi près que l’on veut d’un réel x, il existe un rationnel r. Nous traduisons cette pro-
priété en disant que Q est partout dense dans R.

79
Chapitre 4

FONCTIONS DERIVABLES

81

Dans tout ce qui suit, I désigne un intervalle de R, non vide et non réduit à un point. La notation I
désigne l’intérieur de I qui est le plus grand intervalle ouvert inclus dans I c’est-à-dire l’intervalle I
privé de ses bornes.

1. Dérivabilité en un point, sur un intervalle

1.1. Définition de la dérivabilité

Soient f une fonction de I dans R et a un point de I. On dit que la fonction f est dérivable en a si
et seulement si la fonction ϕ définie sur I \ {a} par ϕa (x) = f (x)−f
x−a
(a)
admet une limite finie en a. Cette

limite est alors appelée nombre dérivé de f en a et notée f (a).

f (x) − f (a)
La quantité est traditionnellement appelée taux de variation de f entre a et x.
x−a

On dira que f est dérivable à droite en a (resp. à gauche en a) si et seulement si ϕ admet une limite
à droite (resp. à gauche) en a. Cette limite est alors appelée nombre dérivé à droite (resp. à gauche) de
f en a et notée fd′ (a) (resp. fg′ (a)).


Ainsi donc, f est dérivable en a ∈ I si et seulement si f est dérivable à droite et à gauche en a avec
fd′ (a) = fg′ (a).

Nous dirons que f est dérivable sur I si et seulement si f est dérivable en tout point de I et la fonction
qui à tout point a de I associe le nombre dérivé de f en a sera appelé fonction dérivée de f , notée f ′ .

1.2. Interprétation géométrique de la dérivabilité


6
Le plan étant rapporté à un repère (O, −
→ı ,−
→ ), notons Cf la
courbe représentative de f dans ce repère et pour tout élément
x de I, Mx le point de Cf d’abscisse x et d’ordonnée f (x). Mx

Soit maintenant x un élément de I distinct de a. Alors Mx est


distinct de Ma et on observe que ϕa (x) n’est autre que le coef-
ficient directeur de la droite (Ma , Mx ). Ma

Si f est dérivable en a, le fait que lim ϕa (x) = f ′ (a) montre


x→a
que la famille de sécantes (Ma , Mx ) admet une position li-
mite lorsque x tend vers a, autrement dit que Cf admet une -
tangente géométrique en Ma , à savoir la droite d’équation O a x
y = f (a) + f ′ (a)(x − a).
Nous dirons aussi que Cf admet f ′ (a) pour pente en Ma .

Lorsque f n’est pas dérivable en a, mais que lim ϕa (x) = +∞ (ou −∞), la même interprétation géométrique
x→a
montre que Cf admet la droite d’équation x = a pour tangente en Ma .

De même lorsque f est dérivable à droite (resp. à gauche) en a, peut-on dire que Cf possède en Ma une
demi-tangente à droite (resp. à gauche), d’équation y = f (a)+fd′ (a)(x−a) (resp. y = f (a)+fg′ (a)(x−a)).

83
1.3. Dérivabilité et développement limité à l’ordre 1

Soit f une fonction numérique définie sur un intervalle I. Alors f est dérivable en a ∈ I si et seulement
si elle admet un développement limité à l’ordre un en a. Celui-ci est alors donné par

f (x) = f (a) + f ′ (a)(x − a) + ◦(x − a) .

Supposons tout d’abord f dérivable en a. Nous avons pour tout x ∈ I \ {a}

f (x) − f (a) − f ′ (a)(x − a) = (ϕa (x) − f ′ (a))(x − a) .

lim ϕ(x) = f ′ (a) nous en déduisons que f (x) − f (a) − f ′ (a)(x − a) = ◦(x − a), ce qui est
Comme x→a
x6=a
encore vrai si x = a. La fonction f admet donc un d.l. 1 en a.

Réciproquement, supposons que f admette un d.l. 1 en a. Par définition il existe deux nombres
réels a0 et a1 uniques tels que, pour tout x de I,

f (x) = a0 + a1 (x − a) + ◦(x − a) .

On a alors f (a) = a0 , puis


f (x) − f (a)
lim = a1 .
x→a
x6=a
x−a
La fonction f est donc dérivable en a et f ′ (a) = a1 . 

La dérivabilité de f en a implique donc la continuité de f en a. La réciproque est fausse comme le montre


l’exemple de la fonction f définie sur R par f (x) = |x| avec a = 0.

Autre conséquence : si f est dérivable en a et si f ′ (a) 6= 0, on a f (x) − f (a) ∼ f ′ (a)(x − a).


a

2. Calcul de dérivées

2.1. Dérivabilité et opérations algébriques

Soient f et g deux fonctions de I dans R, λ un nombre réel et a un élément de I. Supposons f et g


dérivables en a. Alors,
f + g est dérivable en a et (f + g)′ (a) = f ′ (a) + g ′ (a)
λf est dérivable en a et (λf )′ (a) = λf ′ (a)
f × g est dérivable en a et (f × g)′ (a) = f ′ (a)g(a) + f (a)g ′ (a).

84
1
Supposons de plus que g ne s’annule pas sur I. Alors la fonction définie sur I est dérivable en a et
 ′ g
1 g ′ (a)
(a) = − .
g (g(a))2  ′
f f f ′ (a)g(a) − f (a)g ′ (a)
En conséquence, est dérivable en a et (a) = .
g g (g(a))2

Tous ces résultats proviennent des formules sur les développements limités, compte tenu de l’équivalence
entre la dérivabilité en a, et l’existence d’un développement limité d’ordre 1 en a. 

2.2. Dérivabilité et composition

Soient f une fonction de I dans R, J un intervalle tel que f (I) ⊂ J, g une fonction de J dans R et
a un point de I. Supposons f dérivable en a et g dérivable en f (a). Alors g ◦ f est dérivable en a et
(g ◦ f )′ (a) = g ′ (f (a)) × f ′ (a).

Posons b = f (a). Comme f est dérivable en a et g en b, on

f (x) = f (a) + (x − a)f ′ (a) + ◦((x − a)) et g(y) = g(b) + (y − b)g ′ (b) + ◦((y − b) .

Alors par composition des d.l. ,

g ◦ f (x) = g(b) + f ′ (a)g ′ (b)(x − a) + ◦((x − a)) .

On en déduit que g ◦ f est dérivable en a et que

(g ◦ f )′ (a) = f ′ (a)g ′ (b) = g ′ (f (a))f ′ (a) .

2.3. Dérivabilité et fonction réciproque

Soit f une fonction de I dans R, continue sur I et strictement monotone sur I. Rappelons qu’alors f
réalise une bijection de I sur J = f (I), et que f −1 est continue sur J.
Soit b ∈ J. Alors f −1 (b) ∈ I et pour que f −1 soit dérivable en b, il suffit que f le soit en f −1 (b) et
′ 1
que f ′ (f −1 (b)) 6= 0. On a alors f −1 (b) = ′ −1 .
f (f (b))

Soit y ∈ J, y 6= b. Nous posons b = f (a) et y = f (x). Nous avons

f −1 (y) − f −1 (b) x−a 1


= = f (x)−f (a)
.
y−b f (x) − f (a)
x−a

Notons que tous les quotients ci-dessus sont bien définis puisque les fonctions f et f −1 sont stric-
tement monotones.

Comme nous avons supposé que f est dérivable en a et que f ′ (a) 6= 0, nous avons
1 1
lim f (x)−f (a)
= .
x→a
x6=a
f ′ (a)
x−a

85
Or, lorsque y tend vers b, x = f −1 (y) tend vers a car la fonction f −1 est continue au point b.
Par conséquent

f −1 (y) − f −1 (b) 1 1 1
lim = x→a
lim f (x)−f (a)
= = ′ −1 .
y→b y−b x6=a
f ′ (a) f (f (b))
y6=b x−a

2.4. Dérivées des fonctions réciproques circulaires

1) Posons I = ] −π/2, π/2 [ , J = ] −1, 1 [ , f (x) = sin x et donc f −1 (x) = arcsin x. Nous avons f ′ (x) = cos x,
′ 1 1
donc f −1 (x) = =√ .
cos (arcsin x) 1 − x2
Donc

1
∀x ∈ ] −1, 1 [ , (arcsin)′ (x) = √ .
1 − x2

2) Posons I = ] 0, π [ , J = ] −1, 1 [ , f (x) = cos x et donc f −1 (x) = arccos x. Nous avons f ′ (x) = − sin x,
′ −1 −1
donc f −1 (x) = =√ .
sin (arccos x) 1 − x2
Donc

−1
∀x ∈ ] −1, 1 [ , (arccos)′ (x) = √ .
1 − x2

3) Posons I = ] −π/2, π/2 [ , J = R, f (x) = tan x et donc f −1 (x) = arctan x. Nous avons f ′ (x) = 1 + tan2 x,
′ 1 1
donc f −1 (x) = 2 = .
1 + tan (arctan x) 1 + x2

Donc

1
∀x ∈ R , (arctan)′ (x) = .
1 + x2

4) Posons I = ] 0, +∞ [ , J = ] 1, +∞ [ , f (x) = ch x et donc f −1 (x) = argch x. Nous avons f ′ (x) = sh x,


′ 1 1
donc f −1 (x) = =√ .
sh (argch x) 2
x −1
Donc

1
∀x ∈ ] 1, +∞ [ , (argch)′ (x) = √ .
x2 − 1

5) Posons I = R, J = R, f (x) = sh x et donc f −1 (x) = argsh x. Nous avons f ′ (x) = ch x, donc


′ 1 1
f −1 (x) = = √ .
ch (argsh x) 2
x +1
Donc

86
1
∀x ∈ R, (argsh)′ (x) = √ .
2
x +1

2.5. Bilan sur la dérivabilité des fonctions usuelles


Les fonctions polynômes, les fonctions rationnelles, les fonctions logarithmes, les fonctions exponentielles,
les fonctions puissances, les fonctions hyperboliques directes et réciproques, les fonctions trigonométriques
directes et réciproques sont dérivables sur tout intervalle ouvert inclus dans leur domaine de définition.

Résumons les principaux résultats dans le tableau suivant :

Dérivée des fonctions usuelles

Cte 0

xa axa−1 (a ∈ R)

ex ex

1
ln |x|
x

sin x cos x

cos x − sin x

1
tan x 1 + tan2 x =
cos2 x
1
cotan x −(1 + cotan2 x) = −
sin2 x

sh x ch x

ch x sh x

1
th x 1 − th2 x =
ch2 x
1
arctan x
1 + x2
1
arcsin x √
1 − x2
1
arccos x −√
1 − x2
1
argsh x √
1 + x2
1
argch x √
x2 − 1

87
3. Dérivées successives

Soient I un intervalle ouvert non vide de R et f une fonction de I dans R dérivable sur I.

Si la dérivée f ′ de f est dérivable sur I, on note alors f ′′ sa dérivée et on l’appelle dérivée seconde de f .

Si la dérivée seconde f ′′ de f est dérivable sur I, on note alors f ′′′ ou f (3) sa dérivée et on l’appelle
dérivée troisième de f .

et ainsi de suite :
Supposons que f ait une dérivée (k − 1)-ième f (k−1) , où k est un entier, k ≥ 2. Si la fonction f (k−1) est
dérivable on pose  ′
f (k) = f (k−1) ,

et on appelle cette fonction dérivée k-ième de f .


En posant par convention f (0) = f , la formule précédente vaut aussi si k = 1.

On vérifie facilement le résultat suivant :

Soient p et q deux entiers positifs ou nuls et soit f une fonction p + q fois dérivable. Alors nous avons
 (q)  (p)
f (p+q) = f (p) = f (q) .

La fonction f est dite n fois continûment dérivable sur I ou de classe Cn sur I si et seulement si
f est n fois dérivable sur I avec f (n) continue sur I.

La fonction f est dite de classe C∞ sur I si et seulement si f est de classe Cn sur I pour tout n ∈ N.

On observera que les fonctions polynômes, les fonctions rationnelles, les fonctions logarithmes, les fonc-
tions exponentielles, les fonctions puissances, les fonctions hyperboliques directes et réciproques, les fonc-
tions trigonométriques directes et réciproques sont toutes de classe C∞ sur tout intervalle ouvert inclus
dans leur domaine de définition.

En ce qui concerne les opérations algébriques, et la composition, on établit facilement par récurrence les
résultats suivants :

Si f et g sont n fois dérivables sur I et si λ ∈ R, alors f + g, λf et f g sont n fois dérivables sur I et

(f + g)(n) = f (n) + g (n)

(λf )(n) = λf (n)


n  
X n (k) (n−k)
(f g)(n) = f g Formule de LEIBNIZ .
k
k=0

88
Les formules se démontrent par récurrence. Donnons simplement la démonstration de la formule
de Leibniz. Elle est évidente au rang 0. Supposons qu’elle soit vraie au rang n. Alors Si f et g sont
n + 1 fois dérivables, elles le sont n−fois, donc f g est n fois dérivable et
n
!
(n)
X n (k) (n−k)
(f g) = f g .
k
k=0

Les fonctions f (k) et g (n−k) sont alors dérivables pour 0 ≤ k ≤ n et f g est n + 1 fois dérivable.
Alors, en dérivant, on obtient
n
! n
! n
!
(n+1)
X n (k+1) (n−k) (k) (n−k+1)
X n (k+1) (n−k) X n (k) (n−k+1)
(f g) = (f g +f g )= f g + f g .
k k k
k=0 k=0 k=0


Mais, en faisant un changement de variable k = k + 1,
n
! n+1
!
X n (k+1) (n−k) X n ′ ′
f g = f (k ) g (n−k +1) ,
k ′
k ′ −1
k=0 k =1

donc
n
! n+1
! n
!
(n+1)
X n (k+1) (n−k) X n (k) (n−k+1)
X n (k) (n−k+1)
(f g) = f g = f g + f g .
k k−1 k
k=0 k=1 k=0

En utilisant alors la relation ! ! !


n n n+1
+ = ,
k−1 k k
on en déduit que f g est n + 1 fois dérivable et que
n+1
!
(n+1)
X n + 1 (k) (n+1−k)
(f g) = f g ,
k=0
k

ce qui est la formule au rang n + 1. 

Si f est n fois dérivable sur I à valeurs dans un intervalle J, et si g est n fois dérivable sur J à valeurs
dans R, alors g ◦ f est n fois dérivable sur I.

Il existe une formule explicite (formule de di Bruno) donnant la dérivée n−ième de g ◦ f . Nous
nous contenterons de montrer par récurrence le résultat suivant :
si n ≥ 1, et si f et g sont n fois dérivables, alors g ◦ f est n fois dérivable et la dérivée (g ◦ f )(n)
peut s’écrire comme une somme de termes de la forme f (i1 ) · · · f (ip ) g (k) ◦ f , où les nombres k, i1 ,
. . . ip sont compris entre 1 et n.

C’est vrai si n = 1 puisque (g ◦ f )′ = f ′ g ′ ◦ f . Si l’on suppose le résultat vrai au rang n, soit f et


g n + 1 fois dérivables. Alors g ◦ f est n fois dérivable et la dérivée (g ◦ f )(n) peut s’écrire comme
une somme de termes de la forme f (i1 ) · · · f (ip ) g (k) ◦ f , où les nombres k, i1 , . . . ip sont compris
entre 1 et n. Mais toutes les fonctions intervenant dans cette formule sont dérivables, et la dérivée
(g ◦f )(n+1) peut s’écrire comme une somme des dérivées de termes de la forme f (i1 ) · · · f (ip ) g (k) ◦f ,
où les nombres k, i1 , . . . ip sont compris entre 1 et n. En dérivant on obtient
p
X
(f (i1 ) · · · f (ip ) g (k) ◦ f )′ = f (i1 ) · · · f (ip ) f ′ g (k+1) ◦ f + f (i1 ) · · · f (ij +1) · · · f (ip ) g (k) ◦ f ,
j=1

et tous les coefficients k + 1, ij et ij + 1 sont compris entre 1 et n + 1. On obtient le résultat au


rang n + 1. 

89
Pour ce qui est de la fonction réciproque :

Si f est n fois dérivable sur I (n ∈ N∗ ), et telle que f ′ soit de signe constant et ne s’annule pas sur I,
elle réalise une bijection de I sur J = f (I) et f −1 est n fois dérivable sur J.

Supposons par exemple f ′ > 0 sur I. Alors f est strictement croissante et continue sur I, donc
réalise une bijection de I sur J = f (I). Alors f −1 est dérivable sur I, et
1
(f −1 )′ = .
f ′ ◦ f −1
Donc le résultat est vrai si n = 1. Il suffit d’écrire (f −1 )′ = ϕ ◦ f ′ ◦ f −1 , où ϕ désigne l’application
de ] 0, +∞ [ dans ] 0, +∞ [ définie par ϕ(x) = 1/x, et de remarquer que ϕ est de classe C∞ sur
] 0, +∞ [ pour montrer que, si le résultat est vrai pour un n ∈ N∗ , il est vrai à l’ordre n + 1. Le
théorème de composition ci-dessus permet en effet d’affirmer que la dérivée première de f −1 , à
savoir ϕ ◦ f ′ ◦ f −1 , est n fois dérivable sur J, c’est-à-dire que f −1 est n + 1 fois dérivable sur J.

Remarque : on peut montrer que l’hypothèse : f ′ ne s’annule pas sur I, implique que f est de signe
constant sur I.

4. Théorème de ROLLE, théorème des accroissements finis

Soient I un intervalle ouvert de R, f une fonction définie sur I à valeurs dans R et soit c un point de I.
On dira que f présente un maximum local (resp. minimum local) au point c, s’il existe η > 0 tel que,
pour x ∈ I ∩ ] c − η, c + η [ on ait f (x) ≤ f (c) (resp. f (x) ≥ f (c)).

Soient I un intervalle ouvert de R, f une fonction définie sur I à valeurs dans R et soit c un point de
I. On suppose que f est dérivable au point c et que f présente au point c un maximum local (ou un
minimum local). Alors f ′ (c) = 0

 -

-
a c b
O

La réciproque de cette proposition est fausse. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer f (x) = x3 . Nous
avons f ′ (0) = 0 pour autant f ne présente ni maximum local, ni minimum local en x = 0.

90
Supposons qu’il s’agisse d’un maximum local. Il existe donc η > 0 tel que pour tout x ∈ I,
|x − c| < η nous ayons

f (x) − f (c) f (x) − f (c)


≥ 0 si x < c et ≤ 0 si x > c .
x−c x−c
En faisant tendre maintenant x vers c avec x < c dans la première inégalité et x vers c avec
x > c dans la seconde nous obtenons que fg′ (c) ≥ 0 et fd′ (c) ≤ 0. Par conséquent f ′ (c) = 0 car
fg′ (c) = fd′ (c) = f ′ (c). 

Théorème de ROLLE
Soient a et b deux nombres réels tel que a < b et f une application de [ a, b ] dans R, continue sur
[ a, b ] et dérivable sur ] a, b [ .
Si f (a) = f (b) alors il existe c ∈ ] a, b [ tel que f ′ (c) = 0.
(Voir figure 1, ci-dessous)

Comme f est continue l’image par f du segment [ a, b ] est un segment [ m, M ] .

Si m = M alors pour tout x ∈ [ a, b ] f (x) = m et donc tout point c ∈ ] a, b [ convient.

Si m 6= M alors l’une au moins de ces deux quantités n’est pas égale à f (a) = f (b). Nous
supposerons par exemple que M 6= f (a). Comme f est continue sur [ a, b ] , il existe c ∈ [ a, b ]
tel que f (c) = M . Plus précisement, c ∈ ] a, b [ car M 6= f (a) et M 6= f (b). Ainsi l’application f
présente un maximum au point c et d’après la proposition précédente, nous avons f ′ (c) = 0. 

6 6
 - i
q

- -
a c b a c b
O O
figure 1 figure 2

Théorème des accroissements finis


Soient a et b deux nombres réels tel que a < b et f une application de [ a, b ] dans R, continue sur
[ a, b ] et dérivable sur ] a, b [ .
Il existe c ∈ ] a, b [ tel que f (b) − f (a) = (b − a)f ′ (c).
(Voir figure 2, ci-dessus)

Il suffit d’appliquer le théorème de Rolle à l’application g définie, pour tout x ∈ [ a, b ] par


„ «
f (b) − f (a)
g(x) = f (x) − f (a) − (x − a) .
b−a

91
5. Applications du théorème des accroissements finis

5.1. Inégalité des accroissements finis


Soit f une fonction de I dans R, continue sur I, dérivable sur I. Supposons qu’il existe un nombre réel

M tel que pour tout t ∈I, |f ′ (t)| ≤ M . Alors pour tous x et y éléments de I, |f (x) − f (y)| ≤ M |x − y|.

Soient x et y deux éléments de I tels que x < y. La fonction f est continue sur [ x, y ] , dérivable
sur ] x, y [ . D’après le théorème des accroissements finis, il existe c ∈ ] x, y [ tel que

f (x) − f (y) = (x − y)f ′ (c) .



Or c ∈I, donc nous avons |f ′ (c)| ≤ M . Nous en déduisons ainsi que

|f (x) − f (y)| ≤ M |x − y| .

Condition suffisante de dérivabilité en une borne d’un intervalle : théorème de prolonge-


ment de la dérivabilité


Soit f une fonction de I dans R, continue sur I, dérivable sur I. Supposons que I admette un plus
petit (resp. plus grand) élément a. Dans ces conditions
si f ′ admet une limite à droite (resp. à gauche) ℓ finie en a, f est dérivable à droite (resp. à
gauche) en a avec fd′ (a) = ℓ (resp. fg′ (a) = ℓ).
si x7lim
→a
f ′ (x) = +∞ ou −∞ (resp. si x7lim
→a
f ′ (x) = +∞ ou −∞), f n’est pas dérivable à droite
x>a x<a
(resp. à gauche) en a.

Supposons par exemple que f soit continue sur [ a, b ] , dérivable sur ] a, b [ , et que f ′ admette
une limite finie à droite ℓ en a. Soit x dans ] a, b [ . D’après le théorème des accroissements finis,
il existe cx dans ] a, x [ , tel que
f (x) − f (a)
= f ′ (cx ) .
x−a
Soit alors ε > 0. Il existe α > 0, tel que, si a < x < a + α, on ait |f ′ (x) − ℓ | < ε. Alors, on a
également a < cx < a + α, et donc
˛ ˛
˛ f (x) − f (a)
˛ = |f ′ (cx ) − ℓ | < ε ,
˛
˛ − ℓ
˛ x−a ˛

ce qui montre que f (x)−f


x−a
(a)
tend vers ℓ, lorsque x tend vers a par valeurs supérieures. Donc f est
dérivable à droite en a, et fd′ (a) = ℓ.

f (x)−f (a)
De manière analogue, si ℓ est infinie, on montre encore que x−a
tend vers ℓ, et cette fois f
n’est pas dérivable à droite en a. 

92
Caractérisation des fonctions constantes sur un intervalle

Soit f une fonction définie sur un intervalle I, à valeurs dans R. Alors f est constante sur I si et
seulement si f est dérivable sur I avec f ′ = 0.

En conséquence, si f et g sont deux fonctions dérivables sur I telles que f ′ = g ′ , il existe un réel k tel
que pour tout t ∈ I, g(t) = f (t) + k.

Si f est constante sur I elle est dérivable sur I et f ′ = 0.

Réciproquement, supposons f dérivable sur I avec f ′ = 0. Soient x et y deux points de I tels que
x < y. D’après le théorème des accroissements finis, il existe c ∈ ] x, y [ tel que

f (x) − f (y) = (x − y)f ′ (c) .

Or f ′ (c) = 0, par conséquent f (x) = f (y). 

5.2. Condition nécessaire et suffisante de monotonie sur un intervalle

Soit f une fonction de I dans R. Rappelons que f est dite croissante sur I si et seulement si :

∀(x, y) ∈ I 2 , (x < y ⇒ f (x) ≤ f (y)) .

et que la fonction f est dite strictement croissante sur I si et seulement si :

∀(x, y) ∈ I 2 , (x < y ⇒ f (x) < f (y)) .

De manière analogue on définit la notion de fonction décroissante (resp. strictement décroissante) sur I.


Supposons f continue sur I et dérivable sur I. Alors :

f est croissante (resp. décroissante) sur I si et seulement si f ′ ≥ 0 (resp. f ′ ≤ 0) sur I.
f est strictement croissante (resp. strictement décroissante) sur I si et seulement si f ′ ≥ 0 (resp.
◦ ◦
f ′ ≤ 0) sur I et s’il n’existe pas de points c et d de I tels que c < d et f ′ = 0 sur [ c, d ] (ce qui sera
en particulier réalisé si f ′ ne s’annule qu’en un nombre fini de points).


f (x)−f (a)
Supposons f croissante et soit a ∈I. Alors pour tout x ∈ I, x 6= a, nous avons x−a
≥ 0. Nous
faisons maintenant tendre x vers a et nous obtenons ainsi que f ′ (a) ≥ 0.

Réciproquement supposons que f ′ ≥ 0 sur I. Soient x et y deux points de I tels que x < y. D’après
le théorème des accroissements finis, il existe c ∈ ] x, y [ tel que f (x) − f (y) = (x − y)f ′ (c). Or
f ′ (c) ≥ 0 et x − y > 0. Nous avons donc f (x) − f (y) ≥ 0.


De plus supposer qu’il n’existe pas de points c et d de I tels que c < d et f ′ = 0 sur [ c, d ] est

équivalent d’après la proposition précédente à supposer qu’il n’existe pas de points c et d de I tels
que c < d et f constante sur [ c, d ] . 

93
6. Formules de Taylor

6.1. Formule de Taylor-Lagrange


Il s’agit d’une généralisation de la formule des accroissements finis

Soient n ∈ N, I un intervalle de R, f une fonction de I dans R, a un point de I. Supposons que


la fonction f soit n + 1 fois dérivable sur I. Alors pour tout x ∈ I \ {a}, il existe un nombre réel c
strictement compris entre a et x tel que
n
!
X (x − a)k (k) (x − a)n+1 (n+1)
f (x) = f (a) + f (c) .
k! (n + 1)!
k=0

Cette formule permet de minorer (resp. majorer) f sur I par une fonction polynômiale dès lors que f (n+1)
est minorée (resp majorée) sur I.
Soit x ∈ I tel que x > a et posons pour tout t ∈ I,
n
X (x − t)k (k)
g(t) = f (x) − f (t)
k=0
k!

et „ «n+1
x−t
h(t) = g(t) − g(a) .
x−a
La fonction h est continue sur [ a, x ] , dérivable sur ] a, x [ et h(a) = h(x) = 0. D’après le théorème
de Rolle, il existe c ∈ ] a, x [ tel que h′ (c) = 0.

Or un simple calcul nous montre que pour tout t ∈ I


(x − t)n (x − a)n+1 (n+1)
» –
h′ (t) = (n + 1) g(a) − f (t) .
(x − a)n+1 (n + 1)!
Donc il existe c ∈ ] a, x [ tel que

(x − a)n+1 (n+1)
g(a) = f (c) .
(n + 1)!


6.2. Formule de Taylor-Young

Soient n ∈ N∗ , I un intervalle de R, f une fonction de I dans R, a un point de I. Nous avons démontré


dans le chapitre 2, en nous appuyant essentiellement sur l’inégalité des accroissements finis, que si f est
n fois dérivable sur l’intervalle I, il existe une fonction ε de I dans R de limite nulle en 0 telle que
n
X (x − a)k (k)
∀x ∈ I, f (x) = f (a) + (x − a)n ε(x) ,
k!
k=0

ce que l’on écrit aussi sous la forme


n
X (x − a)k
f (x) = f (k) (a) + ◦((x − a)n ) .
k!
k=0

94
Il est possible de démontrer que la conclusion tient encore si l’on suppose seulement que f est (n − 1)
fois dérivable sur I et que f (n−1) est dérivable en a.

Les deux formules mettent en évidence le polynôme


n
X (x − a)k
Tn (x) = f (k) (a) ,
k!
k=0

qui est appelé polynôme de TAYLOR à l’ordre n en a de f .

Lorsque f est une fonction polynôme de degré n, la formule de TAYLOR-LAGRANGE nous montre que,
quel que soit a, la fonction f coı̈ncide avec son n−ième polynôme de TAYLOR en a. Lorsque f n’est pas
polynomiale, et en la supposant pour simplifier C∞ , elle ne coı̈ncide avec aucun de ses polynômes de TAY-
LOR (sinon elle serait polynomiale !), mais on peut se demander si, sur un segment donné [ a − r, a + r ] ,
la suite de ses polynômes de TAYLOR ne fournit pas une suite d’approximations polynomiales de f de
plus en plus “performantes”. La réponse est “pas nécessairement” , comme le montrent les deux exemples
suivants de fonctions toutes deux C∞ , dont les polynômes de TAYLOR ont un comportement totalement
différent.

Exemple 1 :

Soit f définie sur R par f (x) = sin x que nous regardons sur [ −2π, 2π ] . C’est une fonction C∞ dont
toutes les dérivées sont majorées, en valeur absolue, par 1. De plus, en raison de la parité de f , les
polynômes T2n+1 et T2n+2 sont égaux. Il résulte alors de la formule de TAYLOR-LAGRANGE en 0, que,
pour tout x réel, il existe c compris entre 0 et x, tel que

x2n+2
f (x) = T2n+1 (x) + f (2n+2) (c) ,
(2n + 2)!

et on en déduit donc la majoration

|x|2n+2
|f (x) − T2n+1 (x)| ≤ .
(2n + 2)!

Comme le membre de droite admet pour limite zéro, il en résulte que, lorsque x est fixé, la suite
(T2n+1 (x))n≥0 converge vers f (x). En fait, si r ∈ ] 0, +∞ [ , on a, pour tout x ∈ [ −r, r ] ,

r2n+2
|f (x) − T2n+1 (x)| ≤ ,
(2n + 2)!

et, quand n augmente, les polynômes T2n+1 , se “collent” contre la fonction f sur tout l’intervalle [ r, −r ] ,
comme on le voit sur le dessin suivant. Ce type de comportement traduit une propriété de convergence
uniforme qui sera vue en deuxième niveau. C’est la formule de TAYLOR-LAGRANGE qui nous a permis
d’estimer globalement l’écart sur [ −2π, 2π ] entre f et ses polynômes de TAYLOR.

95
T5 T1
6

2π -
f −2π
T11

T3 T7

Exemple 2 :

Soit maintenant h définie sur R par


 2
e−1/x si x 6= 0
h(x) =
0 si x = 0

que nous regardons sur l’intervalle [ −2, 2 ] . On démontre que cette fonction est C∞ et que toutes ses
dérivées sont nulles en 0. Les polynômes de TAYLOR en 0 de la fonction h sont donc tous nuls, et la
suite (Tn (x))n≥0 ne peut donc pas converger vers h(x) si x 6= 0.
En revanche, la formule de TAYLOR-YOUNG assure que, pour n fixé, il existe une fonction εn , admettant
0 comme limite en 0, et un voisinage In de zéro tels que, pour tout x ∈ In ,

h(x) = xn εn (x) .

Autrement dit, sur un certain intervalle, qui existe, mais que l’on ne connaı̂t pas explicitement, la fonc-
tion h sera graphiquement indiscernable de la fonction nulle. La formule de TAYLOR-YOUNG permet
d’obtenir le comportement local de la fonction h au voisinage de 0.

−2 2

96
Pour terminer, donnons une application de la formule de TAYLOR-YOUNG dans l’étude des extrema
d’une fonction.

Soient f une fonction deux fois dérivable sur un intervalle I de R, et a un point de I, tel que f ′ (a) = 0.
Alors
si f ′′ (a) > 0, la fonction f possède un minimum local en a,
si f ′′ (a) < 0, la fonction f possède un maximum local en a.

En écrivant la formule de TAYLOR-YOUNG à l’ordre 2 en a, et puisque f ′ (a) = 0, on obtient

(x − a)2 ′′
f (x) = f (a) + f (a) + (x − a)2 ε(x) ,
2
où ε est une fonction de I dans R de limite nulle en a. Alors si f ′′ (a) n’est pas nul

(x − a)2 ′′
f (x) − f (a) ∼ f (a) ,
a 2
et, dans un voisinage de a, la différence f (x) − f (a) possède le même signe que f ′′ (a).

Alors si f ′′ (a) > 0, on a, dans un voisinage de a, l’inégalité f (x) > f (a), et f possède un minimum
local en a, et si f ′′ (a) < 0, on a, dans un voisinage de a, l’inégalité f (x) < f (a), et f possède un
maximum local en a. 

7. Suites du type un+1 = f (un)

7.1. Définitions

Donnons tout d’abord quelques définitions pour fixer le cadre du problème.

Soit I un intervalle de R non vide et non réduit à un point, et f une application de I dans R telle que
f (I) ⊂ I. On dit dans ce cas que I est stable par f .

Si I est stable par f , il se peut qu’il existe un point a de I tel que f (a) = a. Un tel point est appelé
point fixe de f dans I.

Si I est stable par f , et si α est un point de I, on peut définir une suite u = (un )n≥0 de points de I par
les relations
(i) u0 = α
(ii) ∀n ∈ N, un+1 = f (un )
Essentiellement, on veut savoir si cette suite est convergente ou non, et, si oui, quelle est sa limite.

On peut déjà faire la remarque suivante :

si l’on ajoute les hypothèses que f est continue, et que I est un intervalle fermé, alors si la suite u
converge sa limite est un point fixe de f dans I.

En effet, si (un ) converge vers ℓ, puisque I est fermé, le nombre ℓ appartient à I, et puisque f est
continue, (f (un )) converge vers f (ℓ). Alors par unicité de la limite f (ℓ) = ℓ. 

97
7.2. Influence de la monotonie de f .

Si f est croissante sur I, la suite u est monotone. Plus précisément :

(i) si u1 ≥ u0 u est croisssante


(ii) si u1 ≤ u0 u est décroisssante

Cela résulte immédiatement du fait que, si f est croissante, les quantités f (un+1 ) − f (un ) et
un+1 − un ont, pour tout entier n naturel, le même signe qui est celui de u1 − u0 . 

-
u0 u1 u2 u3 ℓ

Si f est décroissante sur I, la fonction f ◦ f est croissante sur I, donc les suites extraites x et y de u
définies par xn = u2n et yn = u2n+1 sont monotones. Les suites varient en sens contraire et leur sens
de variation dépend du signe de u2 − u0 :
(i) si u2 ≥ u0 la suite x est croissante et y est décroissante.
(ii) si u2 ≤ u0 la suite x est décroissante et y est croissante.

Si g = f ◦ f , on a alors xn+1 = g(xn ) et yn+1 = g(yn ) Donc le sens de variation de x dépend du


signe de x1 − x0 = u2 − u0 , et de celui de y de y1 − y0 = u3 − u1 . Mais, puisque f est décroissante,
u3 − u1 = f (u2 ) − f (u0 ) a le signe opposé de celui de u2 − u0 . 

Pour conclure dans le cas où f est décroissante, on utilise alors le fait que u converge si et seulement si
x et y sont convergentes et de même limite.

98
6

-
u0 u2 ℓ u3 u1

7.3. Théorème du point fixe

Nous allons nous placer dans le cadre des fonctions contractantes.

Rappelons qu’une fonction f est contractante de rapport k sur I, si et seulement si il existe un nombre
réel k ∈ [ 0, 1 [ , tel que
(∀(x, y) ∈ I 2 ) (|f (x) − f (y)| ≤ k |x − y|) .
Nous avons vu qu’une telle fonction est alors uniformément continue, donc continue, sur I.
On en déduit facilement par récurrence que si l’on désigne par f n la composée f ◦ f ◦ · · · ◦ f de n fonctions
f , cette fonction est contractante de rapport k n .

Nous pouvons alors obtenir le résultat suivant :

Théorème du point fixe


Supposons I fermé, f contractante sur I et I stable par f . Alors f admet un point fixe a ∈ I et un
seul, et, quelle que soit la condition initiale α, la suite u définie par u0 = α, et la relation de récurrence
un+1 = f (un ), converge vers ce point fixe. De plus, on a, les trois inégalités suivantes :
(i) (∀n ∈ N) (|un − a| ≤ k n |u0 − a|)
 
kn
(ii) (∀n ∈ N) |un − a| ≤ |u1 − u0 |
 1−k 
∗ k
(iii) (∀n ∈ N ) |un − a| ≤ |un − un−1 | .
1−k

Remarquons pour commencer que, quels que soient les entiers k et n tels que 0 ≤ k ≤ n, on peut
écrire un = f k (un−k ) (avec la convention : f 0 = IdI ).

Soient a et b deux points fixes de f . Alors


|a − b| = |f (a) − f (b)| ≤ k|a − b| ,
et ceci n’est possible que si |a − b| est nul. Donc f possède au plus un point fixe.

99
Pour montrer que la suite u a une limite, nous allons montrer que c’est une suite de Cauchy. Pour
cela majorons |un+p − un |. On part de l’égalité

un+p − un = (un+p − un+p−1 ) + (un+p−1 − un+p−2 ) + · · · + (un+1 − un ) ,

que l’on peut encore écrire, si r est un entier tel que 1 ≤ r ≤ n + 1

un+p − un = (f n+p−r (ur ) − f n+p−r (ur−1 )) + (f n+p−r−1 (ur ) − f n+p−r−1 (ur−1 )) + · · ·


· · · + (f n−r+1 (ur ) − f n−r+1 (ur−1 )) .

En utilisant l’inégalité triangulaire, on en déduit

|un+p − un | ≤ |f n+p−r (ur ) − f n+p−r (ur−1 )| + |f n+p−r−1 (ur ) − f n+p−r−1 (ur−1 )| + · · ·


· · · + |f n−r+1 (ur ) − f n−r+1 (ur−1 )| ,

puis en utilisant le fait que f s est contractante de rapport ks ,

|un+p − un | ≤ kn+p−r |ur − ur−1 | + kn+p−r−1 |ur − ur−1 | + · · · + kn−r+1 |ur − ur−1 | .

Mais on reconnaı̂t dans le membre de droite la somme des termes d’une suite géométrique :
1 − kp
kn+p−r + kn+p−r−1 + · · · + kn−r+1 = kn−r+1 (kp−1 + kp−2 + · · · + 1) = kn−r+1 ,
1−k
kn−r+1
qui se majore, puisque 0 ≤ k < 1, par .
1−k
On en déduit donc l’inégalité
kn−r+1
(E ) |un+p − un | ≤ |ur − ur−1 | .
1−k
On prend tout d’abord r = 1. L’inégalité (E ) donne alors
kn
|un+p − un | ≤ |u1 − u0 | .
1−k
Si l’on pose,
kn
vn = |u1 − u0 |
1−k
on définit une suite v admettant comme limite 0, puisque 0 ≤ k < 1. Soit alors ε > 0. Il existe un
entier naturel q, tel que, si n ≥ q, on ait vn < ε. On en déduit que, pour tout p ∈ N et tout n ≥ q,

|un+p − un | < ε .

La suite u est bien une suite de Cauchy. Elle converge donc. Notons a sa limite. C’est un point
fixe de f , puisque f est continue, et c’est le seul.

L’inégalité (i) s’obtient en utilisant le fait que f n est contractante de rapport kn et que a est un
point fixe de f n . En effet

|un − a| = |f n (u0 ) − f n (a)| ≤ kn |u0 − a| .

Pour l’inégalité (ii), on utilise de nouveau l’inégalité (E ) dans le cas où r = 1.


kn
|un+p − un | ≤ |u1 − u0 | .
1−k
Si n est fixé, la suite (un+p − un )p≥0 converge vers a − un , et donc, par passage à la limite dans
les inégalités
kn
|a − un | ≤ |u1 − u0 | .
1−k
Pour l’inégalité (iii), on utilise l’inégalité (E ) avec r = n
k
|un+p − un | ≤ |un − un−1 | ,
1−k
et l’on termine comme dans (ii). 

100
Le théorème précédent donne une méthode (appelée méthode des approximations successives) qui
permet de calculer de manière approchée la solution a d’une équation du type f (x) = x, où f est contrac-
tante sur un intervalle fermé stable I. Les inégalités données permettent de contrôler l’erreur commise en
remplaçant la solution a par le terme un .

La deuxième inégalité permet de déterminer a priori un rang qu’il suffira de calculer pour obtenir une
erreur inférieure à une valeur ε donnée. Il suffit de déterminer n pour que
kn
|u1 − u0 | < ε .
1−k
La première inégalité est moins utile à cet égard, sauf si l’intervalle I est un segment [ λ, µ ] puisque l’on
peut alors majorer |u0 − a| que l’on ne connaı̂t pas, par µ − λ. De toute façon, on peut obtenir une valeur
de n nettement plus grande que ce qui est nécessaire, et sur le plan des calculs numériques, la troisième
inégalité sera plus intéressante de ce point de vue, puisque, chaque fois que l’on aura calculé un terme un
k
de la suite, il suffira de comparer |un − un−1 | à ε, et d’arrêter le calcul lorsque l’on aura,
1−k
k
|un − un−1 | < ε .
1−k

Cette technique suppose donc que l’on sache trouver un rapport de contraction k. Un moyen très simple
pour déterminer si une fonction f , dérivable sur I, est contractante est donné par le résultat suivant :

Soit f une fonction dérivable sur I. Elle est contractante si et seulement si il existe un nombre réel
k ∈ [ 0, 1 [ , tel que,
(∀t ∈ I) (|f ′ (t)| ≤ k) .

Si f est contractante sur I, soit t dans I. Alors si h est non nul, et si t + h appartient à I,

|f (t + h) − f (t)| ≤ k|h| ,

d’où ˛ ˛
˛ f (t + h) − f (t) ˛
˛ ˛≤k .
˛ h ˛
Lorsque h tend vers zéro, on obtient par conservation des inégalités

|f ′ (t)| ≤ k .

Inversement, supposons que cette dernière inégalité ait lieu pour tout t de I, il résulte de l’inégalité
des accroissements finis que, quels que soient x et y dans I,

|f (x) − f (y)| ≤ k |x − y| .

101
Chapitre 5

INTEGRALE D’UNE FONCTION


CONTINUE

103
On expose dans ce chapitre la construction de l’intégrale d’une fonction à valeurs réelles due à Riemann
qui permet de donner un sens précis à la notion d’aire d’un domaine D limité par la courbe représentative
d’une fonction f définie sur un intervalle [ a, b ] . L’idée de base est que l’on sait calculer l’aire d’un rec-
tangle, et que l’on va approcher le domaine D par des rectangles. On comprend que lorsque la fonction
f est assez régulière, plus le nombre de rectangles est grand, plus on s’approchera de l’aire cherchée. On
commence donc par étudier les fonctions dont la courbe représentative donne des rectangles. On définira
ensuite les fonctions intégrables au sens de Riemann, et on montrera que les fonctions continues vérifient
cette propriété. Nous nous limiterons ensuite à l’intégrale de ces fonctions continues.

1. Les fonctions en escalier

1.1. Quelques définitions

On appelle subdivision de l’intervalle [ a, b ] , un ensemble fini de points X = {x0 , x1 , . . . , xn } tels que

a = x0 < x1 < · · · < xn = b .

Le pas de la subdivision, sera le plus grand des nombres xk − xk−1 , lorsque k est compris entre 1 et n.

Une subdivision X ′ est dite plus fine que X , si l’ensemble X ′ contient X . (plus fine = plus de points).

La pas de la subdivision X ′ est donc plus petit que celui de X .

Obtenir une subdivision plus fine que X = {x0 , x1 , . . . , xn }, revient à subdiviser les intervalles [ xi , xi+1 ] .

Exemple :

a = x′0 x′1 x′2 x′3 x′4 x′5 x′6 x′7 x′8 = b


-
a = x0 x1 x2 x3 x4 = b

On appelle fonction en escalier une application définie sur un ségment [ a, b ] à valeurs réelles, pour
laquelle il existe une subdivision {x0 , x1 , . . . , xn } et un ensemble de nombres {λ1 , . . . , λn } tels que, pour
k variant de 1 à n, la fonction soit constante sur l’intervalle ] xk−1 , xk [ et y prenne la valeur λk . (Aux
points xk la fonction peut prendre d’autres valeurs éventuellement).

On dira que la subdivision X = {x0 , x1 , . . . , xn } est adaptée à la fonction en escalier f si f est constante
sur chacun des intervalles ] xk−1 , xk [ . Toute subdivision plus fine que X est encore adaptée à f .

On notera E( [ a, b ] ) l’ensemble des fonctions en escalier définies sur [ a, b ] .

105
-

 -

 -

 -

 - -

1.2. Quelques propriétés des fonctions en escalier

– Une fonction en escalier est bornée, puisqu’elle ne prend qu’un nombre fini de valeurs.

– Si f est une fonction en escalier sur [ a, b ] , et si λ est un nombre réel, alors λf est une fonction en
escalier sur [ a, b ] , et une subdivision adaptée à f est aussi adaptée à λf . En effet, si f est constante
sur ] xk−1 , xk [ , il en est de même de λf .

– Si f et g sont des fonctions en escalier sur [ a, b ] , il en est de même de f + g. En effet, si X et X ′ sont


des subdivisions adaptées à f et g respectivement, la subdivision X ∪ X ′ = {x0 , · · · , xn } est adaptée à
la fois à f et à g, et sur chacun des intervalles ] xk−1 , xk [ , les fonctions f et g sont constantes, donc
f + g également et X ∪ X ′ est une subdivision adaptée à f + g.

En particulier E( [ a, b ] ) est un espace vectoriel sur R.

1.3. Intégrale d’une fonction en escalier

Soit f une fonction en escalier définie sur [ a, b ] . Si X = {x0 , x1 , . . . , xn } est une subdivision de [ a, b ]
adaptée à f , et si, pour k compris entre 1 et n, on appelle λk la valeur prise par la fonction f sur
l’intervalle ] xk−1 , xk [ , on peut considérer la somme
n
X
σ= λk (xk − xk−1 ) .
k=1

Remarquons que le nombre |λk |(xk − xk−1 ) est l’aire géométrique du rectangle de hauteur |λk | et de base
xk −xk−1 . Le nombre σ représente donc l’aire algébrique du domaine délimité par la courbe représentative
de f qui est formé d’une réunion finie de rectangles. Les aires des rectangles situés en dessous de l’axe
des x sont comptées négativement.

Cette somme ne dépend pas de la subdivision adaptée à f choisie. Prendre une subdivision plus fine
revient à décomposer les rectangles précédents en rectangles plus petits, et la somme reste inchangée.
Cette somme ne dépend que de f , et sera notée

Zb
I(f ) = f (x) dx ,
a

106
on l’appelle l’intégrale de f sur [ a, b ] .

Remarque : la lettre x figurant dans l’intégrale ci-dessus est ce que l’on appelle une variable muette.
Elle peut être remplacée par une autre lettre, non encore utilisée. Par exemple
Zb Zb
I(f ) = f (t) dt ou I(f ) = f (u) du .
a a

Mais on ne pourra pas remplacer x par a ou b par exemple.

Dans la suite du texte nous utiliserons la notation I lorsque l’intégrale est prise sur [ a, b ] . Nous revien-
drons à la notation intégrale lorsqu’il y aura plusieurs intervalles.

6
λ4

λ1
+
λ2
+
+
-
a x1 x2 x3 x4 − b
λ5

λ3

Quelques remarques :

1) Modifier la valeur de f en un nombre fini de points ne modifie pas la valeur de la somme. En particulier
si f (x) = 0 sauf pour un nombre fini de valeurs de x, alors I(f ) = 0.

2) Si f est la fonction caractéristique d’un intervalle de bornes c et d (c < d),

I(f ) = d − c .

3) Si f est constante sur [ a, b ] et vaut λ, alors

I(f ) = λ(b − a) .

4) Si f est positive, alors I(f ) est positive, car tous les termes de la somme sont positifs

5) Si a ≤ c ≤ b, en introduisant le point c dans la subdivision, on a la relation de Chasles

Zb Zc Zb
f (x)dx = f (x)dx + f (x)dx .
a a c

Za
(Avec la convention f (x)dx = 0).
a

107
Linéarité de I

Si f et g sont deux fonctions en escalier définies sur [ a, b ] , et si µ est un nombre réel, alors on a

I(f + g) = I(f ) + I(g) et I(µf ) = µI(f ) .


L’application I est donc linéaire sur E( [ a, b ] ).

On a vu que f +g est une fonction en escalier, et que l’on peut prendre une subdivision X = {x0 , x1 , . . . , xn }
adaptée à la fois à f et à g qui sera alors une subdivision adaptée à f + g.

Si, sur l’intervalle ] xk−1 , xk [ , on a f (x) = λk et g(x) = µk , alors, (f + g)(x) = λk + µk et par


définition
Xn
I(f + g) = (λk + µk )(xk − xk−1 ) .
k=1

On obtient alors
n
X n
X
I(f + g) = λk (xk − xk−1 ) + µk (xk − xk−1 ) ,
k=1 k=1

c’est-à-dire
I(f + g) = I(f ) + I(g) .

De même µf est une fonction en escalier, et vaut µ λk sur ] xk−1 , xk [ , d’où


n
X n
X
I(µf ) = (µ λk )(xk − xk−1 ) = µ λk (xk − xk−1 ) = µI(f ) .
k=1 k=1

Conséquence : si f ≤ g, alors I(f ) ≤ I(g), car

I(g) − I(f ) = I(g − f ) ≥ 0 .

2. Fonctions intégrables au sens de Riemann

Toutes les fonctions envisagées désormais sont des fonctions à valeurs réelles définies sur un ségment
[ a, b ] et bornées sur cet intervalle.

Pour une fonction bornée, il existe donc un nombre M , tel que, pour tout x de [ a, b ] , on ait

−M ≤ f (x) ≤ M .

Notons
I+ (f ) = {I(G) | G ∈ E( [ a, b ] ) , G ≥ f } .
Cet ensemble n’est pas vide car il contient I(M ) = M (b − a). D’autre part, si G est une fonction en
escalier telle que G ≥ f , on a aussi G ≥ −M , et donc

I(G) ≥ −M (b − a) .

108
L’ensemble I+ (f ) est donc minoré. Il possède une borne inférieure. On note I+ (f ) cette borne inférieure,
qui est appelée intégrale supérieure de f .

De même, si l’on pose


I− (f ) = {I(g) | g ∈ E( [ a, b ] ) , g ≤ f } ,
le même raisonnement montre que cet ensemble n’est pas vide et est majoré (par M (b − a)). Sa borne
supérieure existe. On note I− (f ) cette borne supérieure, qui est appelée intégrale inférieure de f . Donc

I+ (f ) = inf I(G) et I− (f ) = sup I(g) .


G∈E( [ a, b ] ) g∈E( [ a, b ] )
G≥f g≤f

Remarquons en particulier, que si g ≤ f ≤ G, et si g et G sont en escalier, alors I(g) ≤ I(G), donc I(G)
majore I− (f ), et il en résulte que
I− (f ) ≤ I(G) .
Mais cela signifie que I− (f ) minore I+ (f ), donc

I− (f ) ≤ I+ (f ) .

Enfin, si f est une fonction en escalier, I(f ) appartient à I− (f ) et est un majorant de cet ensemble, il
appartient aussi à I+ (f ) et est un minorant de cet ensemble, donc

I(f ) = I+ (f ) = I− (f ) .

On dira qu’une fonction f est intégrable au sens de Riemann ou Riemann-intégrable, si l’on a


I+ (f ) = I− (f ). On notera alors
Zb
I(f ) = f (x)dx ,
a

la valeur commune.

En particulier, d’après ce qui précède, une fonction en escalier est Riemann-intégrable.

2.1. Critères d’intégrabilité

En revenant à la définition de la borne inférieure et de la borne supérieure, on peut donner divers critères
équivalents pour montrer l’intégrabilité.

Une fonction bornée f est Riemann-intégrable, si et seulement si, pour tout ε > 0, on peut trouver,
des fonctions en escalier fε et Fε , telles que fε ≤ f ≤ Fε et

Zb
(Fε (x) − fε (x)) dx ≤ ε .
a

109
6

-
a b

Sur le dessin précédent l’intégrale I(Fε −fε ) est l’aire des rectangles limités par les courbes représentatives
des fonctions en escalier Fε et fε . Cette aire est inférieure à ε.

Donnons nous ε > 0. Par définition de la borne inférieure, il existe Fε en escalier majorant f telle
que
ε
I+ (f ) ≤ I(Fε ) ≤ I+ (f ) + .
2
Par définition de la borne supérieure, il existe fε en escalier minorant f telle que
ε
I− (f ) − ≤ I(fε ) ≤ I− (f ).
2
On en déduit
ε “ ε”
0 ≤ I(Fε ) − I(fε ) ≤ I+ (f ) + − I− (f ) − .
2 2
Donc, si f est Riemann-intégrable,

I(Fε − fε ) = I(Fε ) − I(fε ) ≤ ε .

Réciproquement, si l’on peut trouver, pour tout ε > 0 des fonctions en escalier fε et Fε , telles que
fε ≤ f ≤ Fε et
Zb
(Fε (x) − fε (x)) dx ≤ ε ,
a

on a en particulier, quel que soit ε

I(fε ) ≤ I− (f ) ≤ I+ (f ) ≤ I(Fε ) ,

donc
0 ≤ I+ (f ) − I− (f ) ≤ I(Fε − fε ) ≤ ε .
On en déduit que I+ (f ) − I− (f ) = 0, donc que f est Riemann-intégrable. 

110
On peut donner une version de ce critère en terme de suites :

Une fonction bornée f est Riemann-intégrable, si et seulement si, on peut trouver, deux suites (fn )n≥0
et (Fn )n≥0 de fonctions en escalier, telles que, pour tout entier n on ait fn ≤ f ≤ Fn et vérifiant

Zb
lim (Fn (x) − fn (x)) dx = 0 .
n→+∞
a

Dans ce cas
Zb Zb Zb
f (x) dx = lim Fn (x) dx = lim fn (x) dx .
n→+∞ n→+∞
a a a

Si f est Riemann-intégrable, prenons ε = 1/n. Donc, on peut trouver, des fonctions en escalier fn
et Fn , telles que fn ≤ f ≤ Fn et

Zb
1
0≤ (Fn (x) − fn (x)) dx ≤ .
n
a

Le théorème d’encadrement permet de conclure que

Zb
lim (Fn (x) − fn (x)) dx = 0 .
n→+∞
a

Réciproquement, si l’on a obtenu deux telles suites, et si l’on se donne ε > 0, en prenant n ≥ 1/ε,
on obtient deux fonctions satisfaisant les hypothèses du critère précédent.

Enfin
0 ≤ I(f ) − I(fn ) ≤ I(Fn ) − I(fn ) et 0 ≤ I(Fn ) − I(f ) ≤ I(Fn ) − I(fn ) .
On déduit du théorème d’encadrement que

Zb Zb
I(f ) = lim Fn (x) dx = lim fn (x) dx .
n→+∞ n→+∞
a a

Linéarité de l’intégrale de Riemann

L’ensemble des fonctions numériques définies sur [ a, b ] et intégrables au sens de Riemann est un
espace vectoriel et l’application qui à une fonction associe son intégrale est linéaire.

Soit f et g intégrables au sens de Riemann. Il existe alors quatre suites de fonctions en escaliers
(fn ), (Fn ), (gn ), (Fn ) telles que, pour tout entier n

fn ≤ f ≤ Fn et gn ≤ g ≤ Gn ,

et
lim I(Fn − fn ) = lim I(Gn − gn ) = 0 .
n→+∞ n→+∞

111
Alors
fn + gn ≤ f + g ≤ Fn + Gn ,
Les fonctions fn + gn et Fn + Gn sont en escalier, et

lim I((Fn + Gn ) − (fn − gn )) = lim I(Fn − fn ) + lim I(Gn − gn ) = 0 .


n→+∞ n→+∞ n→+∞

Il en résulte que f + g est Riemann-intégrable, et que

I(f + g) = lim I(fn + gn ) = lim I(fn ) + lim I(gn ) = I(f ) + I(g) .


n→+∞ n→+∞ n→+∞

Si λ est un nombre réel positif, on a

λfn ≤ λf ≤ λFn ,

et
lim I((λFn ) − (λfn )) = lim λ(I(Fn − fn )) = 0 ,
n→+∞ n→+∞

donc λf est Riemann-intégrable et

lim I(λfn ) = λ lim I(fn ) = λI(f ) .


n→+∞ n→+∞

Si λ est un nombre réel négatif, on a

λFn ≤ λf ≤ λfn ,

et la conclusion subsiste encore. 

2.2. Positivité et croissance de l’intégrale de Riemann

Si f est Riemann-intégrable et positive, alors I(f ) ≥ 0.

En effet I(0) = 0 appartient alors à I− (f ), donc I− (f ) = I(f ) est positif. 

Remarque : une fonction qui est nulle sauf en un nombre fini de points est telle que sont intégrale soit nulle.

On en déduit la croissance de I :

Si f et g sont deux fonctions Riemann-intégrables sur [ a, b ] , alors si f ≤ g, on a I(f ) ≤ I(g).

On a en effet g − f ≥ 0, donc I(g − f ) ≥ 0, mais

I(g − f ) = I(g) − I(f ) ,

donc
I(f ) ≤ I(g) .


112
2.3. Restriction d’une fonction Riemann-intégrable.

Soit f définie sur [ a, b ] et Riemann-intégrable. Soit [ c, d ] un intervalle inclus dans [ a, b ] . Alors la


restriction de f à [ c, d ] est Riemann-intégrable.
Si de plus f est positive, alors
Zd Zb
f (x)dx ≤ f (x)dx .
c a

Si l’on a fn ≤ f ≤ Fn où fn et Fn sont en escalier et où I(Fn − fn ) tend vers zéro, alors,

(fn )/I ≤ f/I ≤ (Fn )/I ,

et les restrictions à I de fn et Fn sont en escalier sur I.

D’autre part la fonction Fn − fn étant en escalier et positive, on a

Zd Zb
0≤ (Fn − fn )(x)dx ≤ (Fn − fn )(x)dx .
c a

(En prenant une subdivision de [ a, b ] contenant c et d, la somme définissant l’intégrale de droite,


contient celle définissant l’intégrale de gauche, plus des termes positifs). Il résulte du théorème
d’encadrement que
Zd
lim (Fn − fn )(x)dx = 0 .
n→+∞
c

donc la restriction de f à [ c, d ] est Riemann-intégrable.

Si f est positive, on peut choisir fn positive, alors

Zd Zb
0≤ fn (x)dx ≤ fn (x)dx ,
c a

et par passage à la limite


Zd Zb
0≤ f (x)dx ≤ f (x)dx .
c a

2.4. Relation de Chasles

Soit f une fonction numérique définie sur [ a, b ] , et a ≤ c ≤ b. La fonction f est Riemann-intégrable


si et seulement si ses restrictions f/ [ a, c ] et f/ [ c, b ] , sont Riemann-intégrables, et alors

Zb Zc Zb
f (x)dx = f (x)dx + f (x)dx .
a a c

113
Za
(Avec la convention f (x)dx = 0).
a

Si f est Riemann-intégrable il résulte du paragraphe précédent que ses restrictions à [ a, c ] et


[ c, b ] le sont aussi.

Montrons la réciproque. On choisit quatre suites de fonctions en escaliers (fn ), (Fn ), (gn ), (Fn )
telles que, pour tout entier n et pour tout x de [ a, c ] ,

fn (x) ≤ f (x) ≤ Fn (x) ,

et pour tout x de [ c, b ] ,
gn (x) ≤ f (x) ≤ Gn (x) .
et
Zc Zb
lim (Fn − fn )(x)dx = lim (Gn − gn )(x) = 0 .
n→+∞ n→+∞
a c

Alors on définit deux fonctions en escalier Φ et ϕ en posant


 
Fn (x) si a ≤ x ≤ c fn (x) si a ≤ x ≤ c
Φn (x) = et ϕn (x) = .
Gn (x) si c < x ≤ b gn (x) si c < x ≤ b

On a, sur [ a, b ]
ϕn ≤ f ≤ Φn ,
et, en appliquant la relation de Chasles à la fonction en escalier Φn − ϕn ,

Zb Zc Zb
(Φn − ϕn )(x)dx = (Fn − fn )(x)dx + (Gn − gn )(x)dx ,
a a c

et il résulte du théorème sur les limites d’une somme que cette expression converge vers 0. On en
déduit que f est Riemann-intégrable. De plus, en utilisant la relation de Chasles pour les fonctions
en escalier
Zb Zc Zb
Φn (x)dx = Fn (x)dx + Gn (x)dx ,
a a c

et par passage à la limite


Zb Zc Zb
f (x)dx = f (x)dx + f (x)dx .
a a c

3. Intégration des fonctions continues

Toute fonction numérique continue sur [ a, b ] est intégrable au sens de Riemann sur [ a, b ] .

La fonction f étant continue sur le segment [ a, b ] elle est bornée et uniformément continue sur
cet intervalle. Soit n un entier strictement positif. il existe α > 0 tel que |x − y| < α, implique
1
|f (x) − f (y)| < .
n

114
Choisisons p entier tel que p > (b − a)/α, et posons, si 0 ≤ k ≤ p,
b−a
xk = a + k .
p
On obtient ainsi une subdivision {x0 , x1 , . . . , xp } de [ a, b ] , telle que
b−a
xk − xk−1 = .
p
Par ailleurs, sur [ xk−1 , xk ] la fonction continue f atteint sa borne supérieure en un point ξk et
sa borne inférieure en un point ζk .

On définit deux fonctions en escalier fn et Fn en posant, si x appartient à [ xk−1 , xk [


Fn (x) = f (ξk ) et fn (x) = f (ζk ) ,
et
Fn (b) = fn (b) = f (b) .
On a alors
fn ≤ f ≤ Fn .
Comme ξk et ζk appartiennent à l’intervalle [ xk−1 , xk ] , on a
b−a
|ξk − ζk | ≤ <α,
p
et donc
1
0 ≤ f (ξk ) − f (ζk ) ≤ .
n
Alors
p p
X b−a X 1 b−a b−a
0 ≤ I(Fn − fn ) = (f (ξk ) − f (ζk )) ≤ = .
k=1
p k=1
n p n
Cette suite converge donc vers zéro, et il en résulte que f est Riemann-intégrable. 

Bien qu’il soit possible d’énoncer beaucoup des résultats suivants dans le cadre des fonctions Riemann-
intégrables, nous nous contenterons de les donner pour des fonctions continues, ce qui simplifie notable-
ment les démonstrations.

Si f est continue, il en est de même de |f |, et

|I(f )| ≤ I(|f |) .

Puisque
−|f | ≤ f ≤ |f | ,
on en déduit
−I(|f |) = I(−|f |) ≤ I(f ) ≤ I(|f |) ,
ou encore, puique I(|f |) est positif
|I(f )| ≤ I(|f |) .


Inégalité de la moyenne : si f est continue

|I(f )| ≤ (b − a) sup |f (x)| .


a≤x≤b

115
Si M désigne un majorant de |f |, on a
|f | ≤ M ,
donc
|I(f )| ≤ I(|f |) ≤ I(M ) = M (b − a) .


4. Intégrale indéfinie

4.1. Une notation universelle

Si f est une fonction continue sur [ a, b ] , et si c et d sont dans [ a, b ] , on pose, si c > d,

Zd Zc
f (x)dx = − f (x)dx .
c d

Avec cette convention, on voit facilement que l’on a, quels que soient u, v, w dans [ a, b ] la relation de
Chasles :
Zw Zv Zw
f (x)dx = f (x)dx + f (x)dx ,
u u v
ou encore
Zw Zv Zw
f (x)dx − f (x)dx = f (x)dx .
u u v

On peut également généraliser l’inégalité de la moyenne de la manière suivante :


si M est un majorant de |f |, et si c et d sont inclus dans [ a, b ]
d
Z

f (t) dt ≤ M |d − c| .


c

En effet, si c > d, on a
d c
Z Z

f (t) dt| = f (t) dt| ≤ M (c − d) = M |d − c| ,


c d

et si c < d, d
Z

f (t) dt ≤ (d − c) = M |d − c| .


c

4.2. Définition de l’intégrale indéfinie

Soit f une fonction continue sur [ a, b ] . Si c appartient à [ a, b ] , on définit une fonction F sur [ a, b ] en
posant
Zx
F (x) = f (t) dt .
c

116
Cette intégrale est appelée intégrale indéfinie de f . On a alors le théorème fondamental du calcul
intégral :

Soit f est une fonction continue sur [ a, b ] , alors la fonction F définie sur [ a, b ] en posant
Zx
F (x) = f (t) dt ,
c

est dérivable sur [ a, b ] et, pour tout x0 de [ a, b ] , on a

F ′ (x0 ) = f (x0 ) .

Soit x0 dans [ a, b ] . On va montrer que la différence

F (x) − F (x0 )
δ(x) = − f (x0 ) ,
x − x0
tend vers 0, lorsque x tend vers x0 , ce qui signifiera que F est dérivable en x0 et que F ′ (x0 ) = f (x0 ).

Pour cela évaluons


(x − x0 )δ(x) = F (x) − F (x0 ) − (x − x0 )f (x0 ) .
Tout d’abord, par la relation de Chasles,
Zx
F (x) − F (x0 ) = f (t) dt ,
x0

mais aussi
Zx
(x − x0 )f (x0 ) = f (x0 ) dt ,
x0

donc
Zx
F (x) − F (x0 ) − (x − x0 )f (x0 ) = (f (t) − f (x0 )) dt .
x0

Si f est continue en x0 , quel que soit ε > 0, il existe α > 0, tel que, si |x − x0 | < α, et si x
appartient à [ a, b ] on ait
|f (x) − f (x0 )| < ε .
Alors si t est compris entre x et x0 , on a |t − x0 | < α et

|f (t) − f (x0 )| < ε .

Il résulte de l’inégalité de la moyenne que


˛ x ˛
˛Z ˛
˛ ˛
˛ (f (t) − f (x0 )) dt ˛ ≤ ε|x − x0 | .
˛ ˛
˛ ˛
x0

Donc, en divisant par |x − x0 |,


|δ(x)| < ε .
En résumé, quel que soit ε > 0, il existe α > 0, tel que, si |x − x0 | < α, et si x appartient à [ a, b ]
on ait
|δ(x)| < ε .
Cela signifie que δ(x) tend vers 0 lorsque x tend vers x0 d’où le résultat voulu. 

117
Conséquences :

1) toute fonction f continue sur [ a, b ] , possède une primitive dans cet intervalle.

2) Formule de Newton-Leibniz : pour toute primitive G de f dans [ a, b ] , on a

Zb
f (t) dt = G(b) − G(a) .
a

3) si f est de classe C1 , il résulte alors de ce qui précède que

Zb
f ′ (t) dt = f (b) − f (a) .
a

La fonction F construite précédemment est bien une primitive de f . Si G est une autre primitive,
la fonction G − F est constante sur [ a, b ] . Donc, il existe une constante k telle que G = F + k et

Zb
G(b) − G(a) = F (b) − F (a) = f (x)dx .
a

On notera de manière générale


h ib
G(b) − G(a) = G(x) .
a

xZ2 +1
p
+
Exemple : Trouver la dérivée de la fonction G définie sur R par G(x) = 1 + t3 dt .
√ 2x
Si f (x) = 1 + t3 , on note F une primitive de f sur R+ . Alors G(x) = F (x2 + 1) − F (2x) , et en dérivant
p p
G′ (x) = 2xF ′ (x2 + 1) − 2F ′ (2x) = 2x 1 + (x2 + 1)3 − 2 1 + 8x3 .

5. Intégrale d’une fonction continue positive

Soit f une fonction positive continue sur [ a, b ] . Si

Zb
f (x) dx = 0 ,
a

alors f est la fonction constante nulle.

118
Considérons la fonctions F définie par
Zx
F (x) = f (t) dt .
a


C’est une fonction dérivable, et F = f ≥ 0. Donc F est croissante. Mais F (a) = F (b) = 0. Donc
la fonction F est constante. Alors F ′ = f = 0. 

6. Sommes de Riemann

Soit f une fonction continue sur [ a, b ] . Alors, quel que soit ε > 0, on peut trouver un nombre
α > 0, pour lequel on a la propriété suivante : pour toute subdivision X = {x0 , . . . , xn } de [ a, b ] de
pas strictement inférieur à α, et tout ensemble {ξ1 , . . . ξn } de nombres tels que, si 1 ≤ i ≤ n, on a
ξi ∈ [ xi−1 , xi ] , alors b
Z n
X
f (x) dx − f (ξk )(x k − x )
k−1 < ε .

k=1
a

n
X
La somme f (ξk )(xk − xk−1 ) est appelée somme de Riemann.
k=1

D’une manière plus concise, mais incorrecte, on dit que les sommes de Riemann tendent vers I(f ), lorsque
le pas de la subdivision tend vers 0.

En écrivant
n
X n
X Zxk
f (ξk )(xk − xk−1 ) = f (ξk ) dx ,
k=1 k=1x
k−1

et
Zb n
X Zxk
f (x) dx = f (x) dx ,
a k=1x
k−1

on a donc ˛ ˛˛ ˛
Zxk
˛ b ˛
n
˛ ˛ n
˛Z X ˛ ˛X ˛
˛
˛ f (x) dx − f (ξ k )(x k − x k−1 ) ˛ = ˛ (f (x) − f (ξ k )) dx ˛ ,
˛
˛ ˛ ˛ ˛
˛
a k=1 ˛ ˛k=1 xk−1 ˛
et donc,
˛ ˛
˛ b
˛Z n
˛
˛ ˛ x
n ˛ Zk
˛ n Zxk
˛ X ˛ X ˛ X
˛ f (x) dx − f (ξk )(xk − xk−1 )˛ ≤
˛ ˛
˛ (f (x) − f (ξk )) dx˛ ≤
˛
|f (x) − f (ξk )| dx .
˛
˛ k=1 ˛ k=1 ˛˛ ˛
˛ k=1
a xk−1 xk−1

Par ailleurs, pour tout k compris entre 1 et n, et tout x de [ xk−1 , xk ] , on a

|x − ξk | ≤ |xk − xk−1 | < α .

Comme f est continue sur [ a, b ] , elle est uniformément continue. Donc, pour tout ε > 0, il existe
α > 0, tel que |x − y| < α implique
ε
|f (x) − f (y)| ≤ .
b−a

119
Alors, dans ces conditions

Zxk
˛ b ˛
˛Z n ˛ n
˛
˛ f (x) dx −
X ˛ X ε
f (ξk )(xk − xk−1 )˛ <
˛ dx = ε .
˛
˛ k=1 ˛ k=1 b − a
a xk−1

On en déduit immédiatement, en prenant la subdivision telle que xk = a + k(b − a)/n, et ξk = xk ou


ξk = xk−1 , le résultat suivant :

n−1   !
1 X b−a
Soit f une fonction continue sur [ a, b ] . Alors les suites f a+k et
n n
k=0 n≥1
n  ! Zb
1 X b−a 1
f a+k convergent vers f (x)dx . Cette limite est la valeur moyenne
n n b−a
k=1 n≥1 a
de la fonction f sur [ a, b ] .

On applique en général ces formules dans le cas où [ a, b ] = [ 0, 1 ] ce qui donne dans ce cas

n−1   n   Z 1
1 X k 1 X k
lim f = lim f = f (x) dx .
n→+∞ n n n→+∞ n n
k=0 k=1 0

7. Inégalités de Schwarz et de Minkowski

Soit f et g deux fonctions continues sur [ a, b ] . Alors on a l’inégalité de Cauchy-Schwarz


b  b 1/2  b 1/2
Z Z Z

f (x)g(x) dx ≤  f (x)2 dx  g(x)2 dx .


a a a

Et l’égalité a lieu si et seulement si les fonctions f et g sont colinéaires.

Considérons l’expression
P (λ) = I((λf + g)2 ) .
C’est l’intégrale d’une fonction positive. Donc P (λ) ≥ 0.

En développant, et en utilisant la linéarité de I

P (λ) = λ2 I(f 2 ) + 2λI(f g) + I(g 2 ) .

Si I(f 2 ) 6= 0, le polynôme P (λ) est un trinôme du second degré toujours positif. Donc sont
discriminant est négatif, et
I(f g)2 − I(f 2 )I(g 2 ) ≥ 0 ,
on en déduit que
|I(f g)| ≤ I(f 2 )1/2 I(g 2 )1/2 ,
ce qui donne l’inégalité voulue.

120
Si I(f 2 ) = 0, alors, quel que soit λ,

2λI(f g) + I(g 2 ) ≥ 0 ,

ce qui implique I(f g) = 0, dans ce cas on a égalité.

Si les fonctions f et g sont colinéaires, et si f n’est pas nulle, il existe λ tel que λf + g = 0.
Dans ca cas I((λf + g)2 ) = 0. La trinôme et toujours positif mais s’annule, ce qui signifie que son
discriminant est nul. On a alors égalité dans l’inégalité de Schwarz.

Réciproquement, si l’on a égalité, distinguons deux cas :


1) Si I(f 2 ) n’est pas nulle, l’égalité
˛ b ˛ 0 b 11/2 0 b 11/2
˛Z ˛ Z Z
˛ f (x)g(x) dx ˛ = @ f (x)2 dxA @ g(x)2 dxA
˛ ˛
˛ ˛ ,
˛ ˛
a a a

signifie que le trinôme


P (λ) = I((λf + g)2 ) ,
possède un discriminant nul, donc une racine double λ0 . Alors

I((λ0 f + g)2 ) = 0 ,

et comme la fonction (λ0 f + g)2 est continue, on en déduit qu’elle est nulle donc que g = −λ0 f ,
ce qui montre que f et g sont colinéaires.

2) Si I(f 2 ) = 0, alors f 2 est nulle donc f aussi. Là encore f et g sont colinéaires. 

De cette inégalité on déduit l’inégalité de Minkowski :

Soit f et g deux fonctions continues sur [ a, b ] . Alors


 1/2  1/2  1/2
Zb Zb Zb
 (f (x) + g(x))2 dx  ≤ f (x)2 dx + g(x)2 dx .
a a a

En prenant λ = 1 dans la démonstration précédente,

I((f + g)2 ) = I(f 2 ) + 2I(f g) + I(g 2 ) .

Mais d’après l’inégalité de Schwarz

I(f g) ≤ I(f 2 )1/2 I(g 2 )1/2 .

Donc
I((f + g)2 ) ≤ I(f 2 ) + 2I(f 2 )1/2 I(g 2 )1/2 + I(g 2 ) = (I(f 2 )1/2 + I(g 2 )1/2 )2 .
ce qui donne l’inégalité voulue. 

121
8. Changement de variable pour les fonctions continues

Soit ϕ une fonction de [ α, β ] dans R de classe C1 .


Soit f une fonction continue sur [ a, b ] = ϕ( [ α, β ] ).
Alors
ϕ(β)
Z Zβ
f (x) dx = f ◦ ϕ(t) ϕ′ (t) dt .
ϕ(α) α

Remarquons que ϕ( [ α, β ] ) est un ségment, puisque ϕ est continue sur un ségment.

Soit F définie sur [ a, b ] par Z x


F (x) = f (t) dt .
a

On a donc F ′ = f . Par ailleurs, comme f ◦ ϕ ϕ′ = F ′ ◦ ϕ ϕ′ est la dérivée de F ◦ ϕ, on a


f ◦ ϕ(t) ϕ′ (t) dt = F ◦ ϕ(β) − F ◦ ϕ(α) .
α

Mais
ϕ(β)
Z
f (x) dx = F (ϕ(β)) − F (ϕ(α)) .
ϕ(α)

On a donc égalité. 

Exemple : pour toute f fonction continue sur [ 0, 1 ] ,



f (sin t) cos t dt = 0 .
0

En effet, en appliquant la formule, avec ϕ(t) = sin t, on obtient

Zπ Z π
sin

f (sin t) cos t dt = f (x) dx = 0 .


0 sin 0

Zb
En pratique : pour calculer une intégrale f (x)dx en utilisant le changement de variable x = ϕ(t) où ϕ
a
est une bijection de classe C1 , il faut effectuer les trois changements suivants :
1) remplacer x par ϕ(t)
2) remplacer dx par ϕ′ (t) dt
3) remplacer a et b par ϕ−1 (a) et ϕ−1 (b) respectivement, ce qui revient à dire que lorsque x = a alors
t = ϕ−1 (a), et lorsque x = b alors t = ϕ−1 (b) ;
Z1
dx
Exemple : Calculer I = , avec le changement de variable x = tan t.
(1 + x2 )2
0

122
On a dx = (1 + tan2 t)dt. Lorsque x = 0, alors t = arctan 0 = 0 et lorsque x = 1, alors t = arctan 1 = π/4.
Donc

Zπ/4 Zπ/4 Zπ/4 Zπ/4  π/4


1 dt 1 + cos 2t t sin 2t π 1
I= (1+tan2 t) dt = = 2
cos t dt = dt = + = + .
(1 + tan2 t)2 1 + tan2 t 2 2 4 0 8 4
0 0 0 0

Applications :

Soit f une fonction continue sur [ −a, a ] .


Si f est impaire
Za
f (x) dx = 0 .
−a

Si f est paire
Za Za
f (x) dx = 2 f (x) dx .
−a 0

Z0
Calculons f (x) dx en effectuant le changement de variable ϕ(t) = −t qui est une bijection de
−a
classe C1 de [ 0, a ] sur [ −a, 0 ] . On a ϕ′ (t) = −1, donc

Z0 Z0 Za
f (t) dt = f (−x)(−1) dx = f (−x) dx .
−a a 0

Si f est impaire f (−x) = −f (x), donc

Z0 Za
f (t) dt = − f (x) dx .
−a 0

Alors
Za Z0 Za
f (x) dx = f (t) dt + f (x) dx = 0 .
−a −a 0

Si f est paire f (−x) = f (x), donc

Z0 Za
f (t) dt = f (x) dx .
−a 0

Alors
Za Z0 Za Za
f (x) dx = f (t) dt + f (x) dx = 2 f (x) dx .
−a −a 0 0

123
Soit f une fonction continue périodique de période T , définie sur R. Alors la fonction F définie sur R
par
α+T
Z
F (α) = f (x) dx ,
α

est constante. De plus, pour tout entier n,

ZnT ZT
f (x) dx = n f (x) dx .
0 0

Si l’on écrit
α+T
Z Zα
F (α) = f (x) dx − f (x) dx ,
0 0

on obtient en dérivant
F ′ (α) = f (α + T ) − f (α) = 0 .
Donc F est une fonction constante.

Alors, si n > 0,
ZnT (k+1)T
n−1
X Z
f (x) dx = f (x) dx .
0 k=0 kT

Mais
(k+1)T
Z ZT
f (x) dx = f (x) dx ,
kT 0

donc
ZnT ZT
f (x) dx = n f (x) dx .
0 0

Si n < 0, posons n′ = −n

ZnT Z0 ′ k(−T
Z )
nX −1
f (x) dx = − f (x) dx = − f (x) dx .
k=0
0 −n′ T (k+1)(−T )

Mais
k(−T
Z ) (k+1)(−T
Z )+T ZT
f (x) dx = f (x) dx = f (x) ,
(k+1)(−T ) (k+1)(−T ) 0

et
ZnT ZT
f (x) dx = −n′ f (x) ,
0 0

ce qui redonne la formule voulue. 

124
9. Intégration par parties

Soit u et v deux fonctions de classe C1 définies sur [ a, b ] . Alors

Zb h ib Zb

u (x)v(x) dx = u(x)v(x) − u(x)v ′ (x) dx .
a
a a

En partant de la relation
(uv)′ (x) = u′ (x)v(x) + v ′ (x)u(x) ,
on obtient en intégrant

Zb Zb Zb
′ ′
(uv) (x) dx = u (x)v(x) dx + v ′ (x)u(x) dx ,
a a a

mais le premier membre vaut


h ib
u(b)v(b) − u(a)v(a) = u(x)v(x) ,
a

d’où le résultat. 

Z1
Exemple : Calculer I = ln(1 + x2 ) dx .
0
2x
Si l’on pose u (x) = 1 et v(x) = ln(1 + x2 ), on a u(x) = x et v ′ (x) =

, d’où
1 + x2

h i1 Z1
2 x2
I = x ln(1 + x ) − 2 dx
0 1 + x2
0
Z1  
1
= ln 2 − 2 1− dx
1 + x2
0
h i1
= ln 2 − 2 x − arctan x
0
= ln 2 − 2 + 2 arctan 1
π
= ln 2 − 2 + .
2

125
10. Première formule de la moyenne

Soit f et g deux fonctions continues sur [ a, b ] telles que g soit positive. Alors, il existe c dans [ a, b ]
tel que
Zb Zb
f (x)g(x) dx = f (c) g(x) dx .
a a

Comme f est continue, on a f ( [ a, b ] ) = [ m, M ] , avec

m = inf f (x) et M = sup f (x) .


a≤x≤b a≤x≤b

On a donc, pour tout x de [ a, b ]


m ≤ f (x) ≤ M .
Notons également
Zb Zb
I= f (x)g(x) dx et J= g(x) dx .
a a

Comme g(x) est positif, on en déduit, pour tout x de [ a, b ] ,

mg(x) ≤ f (x)g(x) ≤ M g(x) ,

et en intégrant
mJ ≤ I ≤ M J .
Si J = 0, alors I = 0 et on a l’égalité désirée avec n’importe quelle valeur de c.

Si J 6= 0, alors le nombre I/J appartient à l’intervalle [ m, M ] , et il existe c dans cet intervalle,


tel que f (c) = I/J, ce qui donne le résultat voulu. 

11. Intégration des fonctions à valeurs complexes

11.1. Extension d’une propriété des fonctions à valeurs réelles au cas complexe

On considère une fonction f définie sur [ a, b ] et à valeurs complexes. On peut donc écrire

f = Re f + i Im f ,

où Re f et Im f sont respectivement les parties réelles et imaginaires de f .

Si (P ) désigne une propriété vérifiée par les fonctions à valeurs réelles, il est facile d’étendre la propriété
aux fonctions à valeurs complexes, en disant que f vérifie (P ) si et seulement si Re f et Im f vérifient (P ).

Par exemple :

1) La fonction f possède une limite finie en un point c si et seulement si Re f et Im f possèdent une limite
en c, et l’on pose
lim f (x) = lim Re f (x) + i lim Im f (x) .
x→c x→c x→c

On vérifie facilement que les propriétés des limites de sommes de produits et de quotients sont encore
vraies.

126
(Il est d’ailleurs possible de définir directement les limites avec des epsilons comme dans le cas des fonc-
tions à valeurs réelles en remplaçant la valeur absolue par le module).

2) La fonction f est continue en un point c si et seulement si Re f et Im f sont continues en c.

3) La fonction f est dérivable en un point c si et seulement si Re f et Im f sont dérivables en c, et l’on


pose
f ′ (c) = (Re f )′ (c) + i(Im f )′ (c) .
(On peut d’ailleurs définir f ′ (c) comme limite en c du taux de variation f (x)−f
x−c
(c)
).
Les formules de dérivation de somme de produit et de quotients sont encore vraies.

4) La fonction f est bornée sur [ a, b ] , si les fonctions Re f et Im f sont bornées.

En raison de l’égalité p
|f | = (Re f )2 + (Im f )2 ,
la fonction |f | est alors bornée, et du fait des inégalités

| Re f | ≤ |f | et | Im f | ≤ |f | ,

si |f | est bornée, les fonctions Re f et Im f le sont aussi. On peut donc dire que f est bornée si et seule-
ment si |f | est bornée.

On peut donc définir de la même manière les fonctions Riemann-intégrables à valeurs complexes :

Si f est une fonction définie sur [ a, b ] à valeurs complexes et bornée, on dira que f est Riemann-
intégrable, si Re f et Im f le sont, et on posera

Zb Zb Zb
I(f ) = f (x) dx = Re f (x) dx + i Im f (x) dx .
a a a

On va passer en revue les propriétés obtenues pour les fonctions continues à valeurs réelles et voir celles
qui sont encore vraies dans le cas des fonctions continues à valeurs complexes.

11.2. Propriétés de l’intégrale des fonctions à valeurs complexes

1) On voit facilement que si f et g sont continues et si λ est un nombre complexe, alors f + g et λf sont
continues, et

Zb Zb Zb Zb Zb
(f + g)(x) dx = f (x) dx + g(x) dx et (λf )(x) dx = λ f (x) dx .
a a a a a

En effet
Re(f + g) = Re f + Re g et Im(f + g) = Im f + Im g ,
et ces deux fonctions sont réelles et Riemann-intégrables, donc f + g est Riemann-intégrable et

I(f + g) = I(Re(f + g)) + iI(Im(f + g))


= I(Re f + Re g) + iI(Im f + Im g)
= I(Re f ) + I(Re g) + i (I(Im f ) + I(Im g))
= I(Re f ) + i I(Im f ) + I(Re g) + i I(Im g)
= I(f ) + I(g) .

127
De même si λ = α + iβ, avec α et β réels,

Re(λf ) = α Re f − β Im f et Im(λf ) = β Re f + α Im f .

Ces deux fonctions sont combinaisons linéaires de fonctions réelles continues donc le sont aussi, et

I(λf ) = I(α Re f − β Im f ) + i I(β Re f + α Im f )


= α I(Re f ) − β I(Im f ) + iβ I(Re f ) + iα I(Im f )
= (α + iβ) (I(Re f ) + i I(Im f ))
= λ I(f ) .

De manière générale, toutes les propriétés faisant appel à la linéarité de l’intégrale restent vraies. Il suffit
d’appliquer les propriétés pour les fonctions réelles aux parties réelles et imaginaires :
– La relation de Chasles
– La formule de changement de variable
– La formule d’intégration par parties
– Les limites des sommes de Riemann
– La continuité de l’intégrale indéfinie
– La formule de Newton-Leibniz et l’existence de primitives de f .

2) On a la majoration du module d’une intégrale par l’intégrale du module de la fonction :

Si f est continue à valeurs complexes, alors


b
Z Zb

f (x) dx ≤ |f (x)| dx .


a a

Soit A = Re f et B = Im f , et posons
qp qp
F (x) = A2 + B 2 − |A| et G(x) = A2 + B 2 + |A| .

Si l’on applique l’inégalité de Schwarz, on a


0 b 12 0 b 10 b 1
Z Z Z
2 2
@ F (x)G(x) dxA ≤ @ F (x) dxA @ G(x) dxA .
a a a

Mais
qp qp q p p √
FG = 2 2
A + B − |A| A + B + |A| = ( A2 + B 2 − |A|)( A2 + B 2 + |A|) = B 2 = |B| .
2 2

D’autre part
Zb Zb p Zb
2
F (x) dx = A(x)2 + B(x)2 dx − |A(x)| dx ,
a a a
et
Zb Zb p Zb
2
G(x) dx = A(x)2 + B(x)2 dx + |A(x)| dx ,
a a a

128
alors
0 b 10 b 1 0 b 12 0 b 12
Z Z Z p Z
@ F (x)2 dxA @ G(x)2 dxA = @ A(x)2 + B(x)2 dxA − @ |A(x)| dxA .
a a a a

L’inégalité de Schwarz donne alors


0 b 12 0 b 12 0 b 12
Z Z p Z
@ |B(x)| dxA ≤ @ A(x)2 + B(x)2 dxA − @ |A(x)| dxA .
a a a

donc
0 b 12 0 b 12 0 b 12 0 b 12
Z Z Z p Z
@ |A(x)| dxA + @ |B(x)| dxA ≤ @ A(x)2 + B(x)2 dxA = @ |f (x)| dxA .
a a a a

D’autre part
˛ b ˛2 ˛ b ˛2 ˛ b ˛2 0 b 12 0 b 12
˛Z ˛ ˛Z ˛ ˛Z Zb ˛ Z Z
˛ ˛ ˛ ˛ ˛ ˛
˛ f (x) dx ˛ = ˛ (A(x) + iB(x)) dx ˛ = ˛ A(x) dx + i B(x)) dx ˛˛ = @ A(x) dx A +@ B(x) dx A .
˛ ˛ ˛ ˛ ˛
˛ ˛ ˛ ˛ ˛ ˛
a a a a a a

Mais, puisque A et B sont réelles


˛ b ˛ ˛ b ˛
˛Z ˛ Zb ˛Z ˛ Zb
˛ ˛ ˛ ˛
˛ A(x) dx ˛ ≤ |A(x)| dx et ˛ B(x) dx ˛ ≤ |B(x)| dx,
˛ ˛ ˛ ˛
˛ ˛ ˛ ˛
a a a a

donc
0 b 12 0 b 12 0 b 12 0 b 12
Z Z Z Z
@ A(x) dx A ≤ @ |A(x)| dxA et @ B(x) dx A ≤ @ |B(x)| dxA .
a a a a

Alors
˛ b ˛2 0 b 12 0 b 12 0 b 12 0 b 12 0 b 12
˛Z ˛ Z Z Z Z Z
˛ ˛
˛ f (x) dx ˛ = @ A(x) dx A +@ B(x) dx A ≤ @ |A(x)| dx A +@ |B(x)| dx A ≤ @ |f (x)| dxA .
˛ ˛
˛ ˛
a a a a a a

3) L’inégalité de la moyenne se déduit de nouveau de la précédente :

Si f est continue, et si M majore |f |, on a


b
Z

f (x) dx ≤ M (b − a) .


a

4) On a toujours l’inégalité de Schwarz :

Si f et g sont continues
b  b 1/2  b 1/2
Z Z Z

f (x)g(x) dx ≤  |f (x)|2 dx   |g(x)|2 dx  .


a a a

129
On a
|I(f g)| ≤ I(|f g|) .
Il suffit d’appliquer la formule de Schwarz dans le cas réel à |f | et |g|. 

5) On a également l’inégalité de Minkowski :

Si f et g sont deux fonctions continues sur [ a, b ] , on a


 1/2  1/2  1/2
Zb Zb Zb
 |f (x) + g(x)|2 dx  ≤ |f (x)|2 dx  + |g(x)|2 dx  .
a a a

On a

|f + g|2 = (f + g)(f¯ + iḡ) = |f |2 + (f ḡ + g f¯) + |g|2 = |f |2 + 2 Re(f ḡ) + |g|2 .

Mais
Re(f ḡ) ≤ |f ḡ| = |f | |g| ,
donc, en appliquant l’inégalité de Schwarz

I(Re(f ḡ)) ≤ I(|f | |g|) ≤ (I(|f |2 ))1/2 (I(|g|2 ))1/2 ,

Alors

I(|f + g|2 ) = I(|f |2 ) + 2I(Re(f ḡ)) + I(|g|2 ) ≤ I(|f |2 ) + 2(I(|f |2 ))1/2 (I(|g|2 ))1/2 + I(|g|2 ) ,

mais le membre de droite n’est autre que [(I(|f |2 ))1/2 + (I(|g|2 ))1/2 ]2 , donc

I(|f + g|2 ) ≤ [(I(|f |2 ))1/2 + (I(|g|2 ))1/2 ]2 .

Ce qui donne l’inégalité voulue en prenant la racine carrée des deux membres. 

6) La formule de la moyenne ne peut plus être utilisée car sa démonstration fait appel au théorème des
valeurs intermédiaires qui n’est plus vrai dans le cas complexe. Cependant on peut donner une inégalité
remplaçant cette formule de la moyenne, qui elle est valable pour des fonctions complexes.

Soit f et g deux fonctions continues sur [ a, b ] telle que g soit positive. Alors,
b
Z Zb

f (x)g(x) dx ≤ sup |f (x)| g(x) dx .
a≤x≤b

a a

Comme f est continue, elle est bornée. On pose,

M = sup |f (x)| .
a≤x≤b

Alors, puisque g est positive,


|f (x)g(x)| ≤ M g(x) ,
et donc ˛ b ˛
˛Z ˛ Zb Zb
˛ ˛
˛ f (x)g(x) dx ˛ ≤ |f (x)g(x)| dx ≤ M g(x) dx .
˛ ˛
˛ ˛
a a a


130
11.3. Dérivées et primitives de fonctions usuelles

Si λ est un nombre complexe non nul, et n un entier la fonction f définie par

f (x) = (x − λ)n ,

est dérivable et admet comme dérivée

f ′ (x) = n(x − λ)n−1 .

On a
n−1
f (x + h) − f (x) (x + h − λ)n − (x − λ)n X
= = (x + h − λ)k (x − λ)n−1−k ,
h h
k=0

et donc
n−1 n−1
f (x + h) − f (x) X X
lim = (x − λ)k (x − λ)n−1−k = (x − λ)n−1 = n(x − λ)n−1 .
h→0 h
k=0 k=0

Donc
f ′ (x) = n(x − λ)n−1 .


Il en résulte que si n 6= −1, Z


(x − λ)n+1
(x − λ)n dx = .
n+1
Pour n = −1, on aurait envie de dire qu’une primitive de 1/(x − λ) est ln(x − λ), mais il faudrait donner
un sens au logarithme d’un nombre complexe, ce qui ne peut pas se faire simplement. On peut obtenir
une primitive en séparant les parties réelles et imaginaires. On écrit
1 1 (x − α) − iβ
= = .
x−λ (x − α) + iβ (x − α)2 + β 2
Mais Z
x−α 1
2 2
dx = ln((x − α)2 + β 2 ) = ln |x − λ| ,
(x − α) + β 2
et Z
β x−α
dx = arctan ,
(x − α)2 + β 2 β
donc Z
dx x−α
= ln |x − λ| − i arctan .
x−λ β

Si λ est un nombre complexe, la fonction f définie par

f (x) = eλx ,

est dérivable et admet comme dérivée


f ′ (x) = λeλx .

131
Si λ = α + iβ, on a
f (x) = eα+iβx = eαx (cos βx + i sin βx) ,
donc
f (x) = eαx cos βx + ieαx sin βx .
Alors
f ′ (x) = eαx (α cos βx − β sin βx) + ieαx (α sin βx + β cos βx) .
Or ceci n’est autre que
λeλx = (α + iβ)(cos βx + i sin βx)eαx .


Il en résulte qu’une primitive de f , si λ 6= 0, est F définie par


1 λx
F (x) = e .
λ
Remarquons que si µ est un nombre complexe, on obtient facilement une dérivée ou une primitive de
eλx+µ en écrivant
eλx+µ = eµ eλx ,
puisque eµ est une constante. On obtient comme dérivée par exemple

λeλx+µ .

Alors, en appliquant ce qui précède à


1 i(λx+µ)
sin(λx + µ) = (e − e−i(λx+µ) ) ,
2i
et
1 i(λx+µ)
cos(λx + µ) = (e + e−i(λx+µ) ) ,
2
on en déduit facilement que

Si λ et µ sont des nombres complexes, les fonctions f et g définies par

f (x) = sin(λx + µ) et g(x) = cos(λx + µ)

sont dérivables et admettent comme dérivées respectives

f ′ (x) = λ cos(λx + µ) et g ′ (x) = −λ sin(λx + µ) .

Ceci permet d’avoir des primitives de f et g. On obtient également les résultats usuels pour la fonction
tangente, et les fonctions sinus et cosinus hyperboliques.

132
Chapitre 6

COURBES PARAMETREES

133
Nous rappelons en préliminaire quelques propriétés concernant les fonctions périodiques, qui nous servi-
rons dans la réduction du domaine d’étude d’une fonction à valeurs dans R2 .

1. Fonction périodique

Soit T un nombre réel strictement positif, et D une partie de R telle que, pour tout x de D, les nombres
x + T et x − T soient aussi dans D. Une fonction f définie sur D sera dite périodique de période T ,
ou T −périodique, si l’on a, pour tout x de D

f (x + T ) = f (x) .

Si f est T −périodique, on a, pour tout x de D et tout n de Z

f (x + nT ) = f (x) .

C’est une récurrence immédiate pour les n ≥ 0. Et si n est négatif, −n est positif et

f (x) = f ((x + nT ) + (−n)T ) = f (x + nT ) .

Une fonction f est T −périodique, si et seulement si sa courbe représentative dans un repère (O, −

ı ,−

)


est invariante par translation de vecteur T ı .

Dire que le point Mx+T est l’image de Mx par la translation de vecteur T →


−ı , signifie qu’ils ont
même ordonnée, c’est-à-dire que f (x + T ) = f (x). 

De manière évidente, les fonctions constantes sont T −périodiques pour tout T > 0. On pourra vérifier
facilement que si f et g sont définies sur le même ensemble D et T −périodiques, alors il en est de même
de f + g et f g. On peut voir également que si f est définie sur D et T périodique, et si g est une fonction
quelconque définie sur un ensemble D′ tel que, pour tout x de D, le nombre f (x) appartienne à D′ , alors
g ◦ f est T −périodique.

Remarque 1 : quel que soit n entier strictement positif, une fonction T −périodique est aussi nT −périodique,
donc admet une infinité de périodes. S’il existe un plus petit nombre T > 0 tel que f soit T −périodique,
on dira que T est la période de f . Par exemple
– la période des fonctions x 7→ sin x et x 7→ cos x est 2π
– la période de la fonction x 7→ tan x est π
– la période des fonctions x 7→ sin2 x, et x 7→ cos2 x est π

Remarque 2 : si on a deux fonctions f et g définies sur R telles que f soit T −périodique et g soit
S−périodique, et si T /S est un nombre rationnel, il existe une période commune à f et g. En effet, si
T /S = p/q avec p et q entiers, on a pS = qT , et f et g sont pS−périodiques.

Remarque 3 : si la période de f est T , et si λ est un réel strictement positif, alors la fonction g : x 7→ f (λx)
admet pour période T /λ : quand on multiplie la variable x par λ, on divise la période par λ.

135
 
T
En effet g x + = f (λx + T ) = f (λx) = g(x).
λ
Donc x 7→ sin 2x est de période π par exemple.

Remarque 4 : il existe d’autres fonctions périodiques que les fonctions trigonométriques. Par exemple si
x 7→ [x] désigne la fonction partie entière, on a
[x + 1] = [x] + 1 ,
et la fonction x 7→ x − [x] est 1−périodique.

2. Fonction d’une variable réelle à valeurs dans R2

On appelle fonction d’une variable réelle à valeurs dans R2 toute application d’une partie D de R
dans R2 (en égard à la structure d’espace vectoriel de R2 , une telle fonction est encore appelée, fonction
vectorielle de la variable réelle).

Puisqu’un élément de R2 est un couple de réels, se donner une telle application de D dans R2 revient à
se donner deux applications x et y de D dans R, à savoir les applications définies par
∀t ∈ D, f (t) = (x(t), y(t)) .
Ces deux applications x et y seront encore appelées fonctions coordonnées de f .

Nous nous intéressons désormais aux fonctions d’une variable réelle, à valeurs dans R2 qui sont définies
sur un intervalle I de R, non vide et non réduit à un point. On développe pour ces fonctions les mêmes
notions que pour les fonctions de la variable réelle à valeurs dans R, de la façon suivante.

Limite de f en un point

2
Soient L = (ℓ1 , ℓ2 ) un élément de R , et a un élément de I, ou une borne de I (éventuellement infinie).
On dit que f admet L pour limite en a si et seulement si les fonctions coordonnées x et y admettent
respectivement ℓ1 et ℓ2 pour limite en a.

Continuité

On dit que f est continue en a ∈ I si et seulement si les fonctions x et y sont continues en a. Il revient
au même de dire que f admet (x(a), y(a)) comme limite en a.

La fonction f sera dite continue sur I ou de classe C0 sur I si et seulement si elle est continue en
tout point de I.

Dérivabilité

On dit que f est dérivable en a ∈ I, si et seulement si les fonctions coordonnées x et y de f sont


dérivables en a. Le couple (x′ (a), y ′ (a)), noté f ′ (a) est appelé vecteur dérivé de f en a.

La fonction f est dite dérivable sur I si et seulement si elle est dérivable en tout point de I, et l’on
note f ′ la fonction, encore appelée fonction dérivée de f , qui à tout a ∈ I, associe le vecteur dérivé f ′ (a).

136
Enfin, pour tout n ∈ N∗ , on dira que f est n fois dérivable sur I si x et y sont n fois dérivables sur I,
et l’on note encore f (n) (t) le couple (x(n) (t), y (n) (t)). Si de plus f (n) est continue sur I, on dira que f est
de classe Cn sur I.

Lorsque f est n fois dérivable sur I quel que soit n, on dira que f est indéfiniment dérivable sur I
ou de classe C∞ sur I.

On se convaincra facilement en utilisant les fonctions coordonnées que les propriétés et formules usuelles
pour les fonctions de R dans R sont encore vraies pour celles de R dans R2 . Donnons deux exemples
illustrant le cas des fonctions dérivables.

1) Soient f et g deux fonctions n fois dérivables sur un intervalle I de R à valeurs dans R2 , alors la
fonction f + g est n fois dérivable sur I, et,

(f + g)(n) = f (n) + g (n) .

2) Soient f une fonction n fois dérivable sur un intervalle I de R à valeurs dans R2 , et λ une fonction
n fois dérivable sur I à valeurs dans R, alors la fonction λ f est n fois dérivable sur I, et l’on a la
formule de LEIBNIZ
n
X
(λ f )(n) = Ckn λ(k) f (n−k) .
k=0

Formule de TAYLOR-YOUNG

Si f est n fois dérivable en a ∈ I (n ≥ 1), il existe une fonction ε de I dans R2 , de limite (0, 0) en a,
telle que, pour tout t de I, on ait
n
X (t − a)k (k)
f (t) = f (a) + (t − a)n ε(t) .
k!
k=0

On applique la formule de Taylor-Young aux fonctions coordonnées x et y. Il existe des fonctions


ε1 , et ε2 de I dans R, de limite nulle en a, telles que, pour tout t de I, on ait
n
X (t − a)k (k)
x(t) = x (a) + (t − a)n ε1 (t) ,
k!
k=0

et
n
X (t − a)k (k)
y(t) = y (a) + (t − a)n ε2 (t) .
k!
k=0
En notant ε le fonction définie pour tout t de I par ε(t) = (ε1 (t), ε2 (t)), on en déduit la formule
voulue pour la fonction f . 

3. Pratique de l’étude d’une fonction vectorielle

Une fonction f de D dans R2 étant donnée (dans la pratique D est un intervalle ou une réunion d’in-
tervalles disjoints), de fonctions coordonnées x et y, et le plan P étant rapporté à un repère orthonormé
direct, (O, −
→ı ,−

 ), pour tout t ∈ D on notera Mt le point du plan défini par
−−− →
OMt = x(t)− →ı + y(t)−→
 .

137
On appelle courbe représentative de f , l’ensemble, note Cf défini par

Cf = {Mt | t ∈ D} .

On se propose d’obtenir un tracé aussi précis que posssible de Cf .

Remarque : on peut toujours considérer que la courbe Cf est la trajectoire d’un mobile dont la position
à l’instant t est le point Mt . Ce point de vue cinématique, permet de comprendre que les valeurs de t
n’apparaissent pas sur le dessin, et aussi d’interpréter le sens de parcours de ce point Mt sur la courbe
en fonction du sens de variation de t. Une flèche sur Cf indique conventionnellement le sens de parcours
suivant les t croissants.

Remarquons qu’en général on se donne la fonction f sans préciser le domaine D. Dans ce cas on commen-
cera donc par chercher le domaine de définition de f qui sera l’intersection des domaines de définition
des fonctions coordonnées x et y.

L’étude de f passe en général par les points suivants.

Réduction du domaine d’étude

Développons la technique sur un exemple, celui de la fonction f définie sur R par

f (t) = (3 cos t + 2 cos 3t , 3 sin t − 2 sin 3t) .

Notons x et y les fonctions coordonnées de f . Ces fonctions sont 2π−périodiques, donc, pour tout t ∈ R,
on a Mt+2π = Mt . Si l’on note I0 un intervalle de R d’amplitude 2π, on a alors

Cf = {Mt | t ∈ R} = {Mt | t ∈ I0 } .

On constate que, pour tout t de R, on a les relations

x(−t) = x(t) et y(−t) = −y(t) .

Donc, M−t = SO,→


ı (Mt ), où SO,→
− ı désigne la symétrie par rapport à l’axe Ox, soit, en posant Φ1 (t) = −t,

MΦ1 (t) = SO,→


ı (Mt ) .

Choisissons alors I0 de telle sorte que Φ1 , réalise une bijection d’une “moitié” de l’intervalle I0 sur
l’autre “moitié”. C’est le cas si l’on prend I0 = [ −π, π ] , car Φ1 est une bijection de I1 = [ 0, π ] sur
I1′ = [ −π, 0 ] , et l’on a bien I0 = I1 ∪ I1′ . Alors, si Γ1 = {Mt | t ∈ I1 }, on a SO,→ ′
ı (Γ1 ) = {Mt | t ∈ I1 } et

(1) Cf = Γ1 ∪ SO,→
ı (Γ1 ) .

(Remarquons que pour cette première étape, nous avons choisi de commencer par étudier la parité des
fonctions x et y, c’est-à-dire l’application Φ1 : t 7→ −t, et que c’est le choix de Φ1 qui nous a imposé celui
des intervalles I0 et I1 ).

Mais, pour tout t de R, on a aussi

x(π − t) = −x(t) et y(π − t) = y(t) .

Donc, Mπ−t = SO,→


 (Mt ), où SO,→
−  désigne la symétrie par rapport à l’axe Oy, ou encore, en posant

Φ2 (t) = π − t
MΦ2 (t) = SO,→
− (Mt ) ,

138
et Φ2 réalise une bijection de I2 = [ 0, π/2 ] sur I2′ = [ π/2, π ] avec I1 = I2 ∪ I2′ , de telle sorte que, si

l’on pose Γ2 = {Mt | t ∈ [ 0, π/2 ] }, on a SO,→ (Γ2 ) = {Mt | t ∈ I2 } et

(2) Γ1 = Γ2 ∪ SO,→
 (Γ2 ) .

(Dans cette deuxième étape, I1 étant déjà choisi, nous devions nécessairement envisager une application
Φ2 qui soit une bijection d’une moitié de I1 sur l’autre. Le choix d’une telle application est alors très
limité).

On remarque enfin que, pour tout t de R, on a


π  π 
x − t = y(t) et donc aussi y − t = x(t) ,
2 2
de sorte que Mπ/2−t = SO,→ −ı +→
− (Mt ) où SO,→
−  est la symétrie par rapport à la première bissectrice,
ı +→

soit, en posant Φ3 (t) = π/2 − t
MΦ3 (t) = SO,→
−  (Mt ) .
ı +→

Alors Φ3 réalise une bijection de I3 = [ 0, π/4 ] sur I3′ = [ π/4, π/2 ] avec I2 = I3 ∪ I3′ . Si l’on pose

Γ3 = {Mt | t ∈ [ 0, π/4 ] }, on a SO,→
−  (Γ3 ) = {Mt | t ∈ I3 } et il vient
ı +→

(3) Γ2 = Γ3 ∪ SO,→
−  (Γ3 ) .
ı +→

(Comme dans la deuxième étape, Φ3 devait être une bijection d’une moitié de I2 sur l’autre).

En résumé, l’étude de f sur [ 0, π/4 ] , permet de reconstituer Cf à partir de Γ3 en utilisant successivement


les relations (3), (2) et (1) dans cet ordre, et nous dirons que Γ3 est un arc générateur de Cf .

I3 I2
6 6

5
- -

SO,−

ı +−


-

SO,−


I0 I1 ?
6 6

- -

139

SO,−

ı

Comme nous l’avons déjà indiqué, le choix de la première application Φ1 conditionne la suite des autres
opérations. Il y a bien sûr plusieurs façons de procéder pour réduire un domaine d’étude. De toute manière
il est important de reconstituer la courbe en utilisant les formules dans l’ordre (3), (2), (1), et non pas
d’appliquer à l’arc générateur les symétries trouvées dans un ordre quelconque. La reconstitution suivante
obtenue en appliquant successivement SO,→ −ı , SO,→

ı +→
− et SO,→ ne donne pas la courbe complète.

6 6

- -

SO,−

ı
-

SO,−

ı +−


?
6 6

- -

SO,−




Nous pouvons théoriser l’étude précédente de la manière suivante :

1. Recherche d’une période de f

Si les fonctions x et y sont périodiques, et si le rapport des périodes de x et de y est rationnel,


on cherche une période T commune à x et à y. La courbe est obtenue complètement, lorsque t
décrit l’intersection du domaine de définition et d’un intervalle I0 d’amplitude T . On peut prendre
I0 = [ −T /2, T /2 ] , ou I0 = [ 0, T ] , mais d’autres choix sont possibles, et en général on ne fixera

140
I0 qu’en fonction des isométries laissant la courbe invariante que l’on découvrira dans la suite.

Dans les autres cas, on prendra I0 = D

2. Recherche d’isométries de la courbe Cf

Les isométries cherchées seront, des symétries centrales ou axiales, des translations ou des rotations.

Supposons avoir trouvé deux parties I1 et I1′ de D ∩ I0 , telles que D = I1 ∪ I1′ et telles qu’il existe
une bijection Φ1 de I1 sur I1′ , et une isométrie I1 du plan, vérifiant pour tout t de I1

MΦ1 (t) = I1 (Mt ) .

Posons alors Γ1 = {Mt | t ∈ I1 }. On obtient donc I1 (Γ1 ) = {Mt | t ∈ I1′ } et

Cf = Γ1 ∪ I1 (Γ1 ) .

Bien entendu, on peut recommencer éventuellement les opérations avec I1 .


On construit ainsi une suite d’ensembles emboı̂tés :

I0 ⊃ I1 ⊃ · · · ⊃ Ik ,

et une suite d’isométries


I1 , I2 , . . . , Ik ,
tels que, pour 1 ≤ j ≤ k, on ait
Ij−1 = Ij′ ∪ Ij ,
et Φj soit une bijection de Ij′ sur Ij .

Lorsque t décrit Ik , on obtient un arc de courbe appelé, arc générateur de la courbe Cf , et


l’on reconstitue la courbe complète en appliquant successivement, et dans cet ordre, les isométries
Ik , Ik−1 , . . . , I1 .

Les bijections Φ les plus souvent utilisées, sont données dans les tableaux suivants :

(i) Bijections entre intervalles bornés

[ 0, T ] 7→ [ −T , 0 ] [ 0, T /2 ] 7→ [ T /2, T ] [ a, (a + b)/2 ] 7→ [ (a + b)/2, b ]


Φ(x) = −x Φ(x) = T − x Φ(x) = a + b − x
Φ(x) = x − T Φ(x) = x + T /2 Φ(x) = x + (b − a)/2

(ii) Bijections entre intervalles non bornés

[ 0, +∞ [ 7→ ] −∞, 0 ] [ T /2, +∞ [ 7→ ] −∞, T /2 ]


Φ(x) = −x Φ(x) = T − x

(iii) Bijections entre intervalles de natures différentes

141
] 0, 1 ] 7→ [ 1, +∞ [ ] 0, 1 ] 7→ ] −∞, −1 ] [ −1, 1 ] − {0} 7→ ] −∞, −1 ] ∪ [ 1, +∞ [
Φ(x) = 1/x Φ(x) = −1/x Φ(x) = 1/x ou − 1/x

Et il conviendra de savoir identifier rapidement (au besoin à l’aide d’un dessin) les isométries du plan les
plus simples transformant M (x, y) en M ′ (x′ , y ′ ) :

6
M
y

(a) Symétrie par rapport à l’axe des x :

-
S : (x, y) 7→ (x, −y) x

−y
M′

6
M′ y M
(b) Symétrie par rapport à l’axe des y :

S : (x, y) 7→ (−x, y) -
−x x

6
M
y

(c) Symétrie par rapport à O :


−x O
-
S : (x, y) 7→ (−x, −y) x

−y
M′

6
M
y
(d) Symétrie par rapport à
M′
la première bissectrice x

S : (x, y) 7→ (y, x) 142 -


x y
6
M
y

(e) Symétrie par rapport à


la deuxième bissectrice
−y
-
S : (x, y) 7→ (−y, −x) x
−x

M

6
M
y
Plus généralement, on a les symétries suivantes :

(f) Symétrie par rapport à la droite


d’équation y = b
b

S : (x, y) 7→ (x, 2b − y) -
x
2b − y
M′

y M′ M
(g) Symétrie par rapport à la droite
d’équation x = a

S : (x, y) 7→ (2a − x, y) -
2a − x a x

6
M′
2b − y


(h) Symétrie par rapport au point Ω b
de coordonnées (a, b)

S : (x, y) 7→ (2a − x, 2b − y)
M
y

-
x a 2a − x
Autres isométries :

6
M
 y
(i) Rotation de centre O
M′
et d’angle +π/2 x

R : (x, y) 7→ (−y, x) -
−y O x

6
M
y

(j) Rotation de centre O U


et d’angle −π/2
O y
-
x
R : (x, y) 7→ (y, −x)
−x
M′

6
(k) Translation de vecteur y+b * M′


V = a−→ı + b−→
 −

y V
M
T : (x, y) 7→ (x + a, y + b)
-
x x+a

Etude des variations conjointes des fonctions coordonnées

On consigne, dans un même tableau les variations des fonctions coordonnées x et y sur le domaine réduit
obtenu à l’étape précédente, ainsi que les limites aux bornes.

Ce tableau permet de prévoir la direction générale de la courbe. (Penser à l’interprétation cinématique).

144
y 6
*
x

*
y

-
x

y 6
x
j

*
y

-
x

y 6
x
j

y
j
-
x

y 6
*
x

y
j
-
x
145
Il met souvent en évidence quelques points particuliers de la courbe dont on aimerait mieux cerner le
voisinage. De même permet-il assez souvent de détecter la présence de branches infinies que l’on désirera
étudier plus en détail.

Il se peut aussi que la fonction f ne soit pas définie en un point a qui est une borne (éventuellement
infinie) d’un des intervalles constituant D, mais admette en ce point une limite (ℓ, ℓ′ ). On pourra toujours
prolonger f en posant f (a) = (ℓ, ℓ′ ) ce qui conduit à compléter la courbe Cf en lui ajoutant le point (ℓ, ℓ′ ).

Tangente à Cf en un point Ma
6
Supposons l’application f de D dans R2 continue en un élément
a de D. Nous dirons que la courbe Cf admet une tangente en
Ma , si la droite (Ma Mt ) admet une position limite lorsque t Mt
tend vers a, ce qui suppose, bien sûr, que pour tout t 6= a d’un
voisinage de a, le point Mt soit distinct du point Ma .

Plaçons nous dans le cadre suivant : soit a un élément de Ma


D. L’application f de D dans R2 est supposée suffisamment
régulière, c’est-à-dire de classe Cn , avec n au moins égal à 2,
sur un intervalle I contenant a et non réduit à a.
-


Pour tout entier k ∈ [ 1, n ] , notons Vk = x(k) (a)−

ı + y (k) (a)−

. O

Nous supposons de plus qu’il existe un entier k ≥ 1 tel que



→ −

f (k) (a) 6= (0, 0) c’est-à-dire Vk 6= 0 , et nous notons p le pre-
mier entier à vérifier ces conditions (lorsque p = 1, c’est-à-dire
lorsque f ′ (a) 6= (0, 0), le nombre a est dit régulier pour f ,
dans le cas contraire, il est dit singulier pour f ).

Si l’on applique la formule de TAYLOR-YOUNG en a à l’ordre p aux fonctions coordonnées x et y. Il


existe deux fonctions de I dans R notées ε1 et ε2 , de limite nulle en a, telles que, pour tout t de I,

(t − a)p (p) (t − a)p (p)


x(t) − x(a) = (x (a) + ε1 (t)) et y(t) − y(a) = (y (a) + ε2 (t)) ,
p! p!
Ce qui montre que pour t 6= a suffisamment proche de a, le point Mt est distinct de Ma , et que le vecteur
(x(p) (a) + ε1 (t))−

ı + (y (p) (a) + ε2 (t))−

 est alors un vecteur directeur de la droite (Ma Mt ).


Les coordonnées de ce vecteur, tendent, lorsque t tend vers a, vers les coordonnées du vecteur Vp . Il en


résulte que la droite passant par Ma de vecteur directeur Vp = x(p) (a)− →ı + y (p) (a)−

 est la tangente à la
courbe Cf en Ma .

Etudions maintenant la position locale de Cf par rapport à sa tangente en Ma



Nous supposons de plus qu’il existe un entier k ′ > p, tel que f (p) (a) et f (k ) (a) forment un système libre
de R2 , et nous notons alors q le plus petit entier vérifiant ces conditions.
Appliquons la formule de TAYLOR-YOUNG à f en a à l’ordre q. Il existe une fonction ε de I dans R2 ,
de limite nulle en a, telle que, pour tout t de I,
q−1
X (t − a)k (t − a)q (q)
f (t) − f (a) = f (k) (a) + f (a) + (t − a)q ε(t) .
k! q!
k=p

146
Par définition de q, pour tout k compris entre p et q − 1, le vecteur f (k) (a) est colinéaire à f (p) (a), et
(f (p) (a), f (q) (a)) est une base de R2 . Il existe donc des réels λk , tels que f (k) (a) = λk f (p) (a), et
 
q−1
X
(t − a)p  p! (t − a)k−p  (p) (t − a)q (q)
f (t) − f (a) = 1+ λk f (a) + f (a) + (t − a)q ε(t) .
p! k! q!
k=p+1

De plus, si nous décomposons ε(t) dans la base (f (p) (a), f (q) (a)), ses composantes (µ1 (t), µ2 (t)) dans cette
base, s’expriment comme combinaisons linéaires (à coefficients indépendants de t) de ses composantes dans
la base naturelle de R2 et tendent également vers 0 quand t tend vers a. Ainsi

ε(t) = µ1 (t)f (p) (a) + µ2 (t)f (q) (a) ,

avec
lim µ1 (t) = lim µ2 (t) = 0 ,
t→a t→a

d’où
 
q−1
X
(t − a)p  p! (t − a)k−p (t − a)q
f (t)−f (a) = 1+ λk + p!µ1 (t)(t − a)q−p  f (p) (a)+ (1 + q!µ2 (t)) f (q) (a) .
p! k! q!
k=p+1

Il existe donc deux fonctions X et Y de I dans R telles que l’on ait, pour tout t dans I,

f (t) − f (a) = X(t)f (p) (a) + Y (t)f (q) (a) ,

ce qui permet d’écrire, que, pour tout t de I, on a


−−−−→ −
→ −

Ma Mt = X(t)Vp + Y (t)Vq ,

avec
(t − a)p (t − a)q
X(t) ∼ et Y (t) ∼ .
a p! a q!
En résumé, sachant que deux fonctions équivalentes en un point ont même signe au voisinage de ce point,
nous avons donc le résultat suivant :


→ − →
Soit p le plus petit entier au moins égal à 1, tel que Vp 6= 0 ,

→ − →
soit q le plus petit entier, au moins égal à p + 1 tel que les vecteurs Vp et Vq ne soient pas colinéaires,
−−−−→
alors au voisinage de a, le comportement du vecteur Ma Mt est le même que celui du vecteur
(t − a)p −→ (t − a)q − →
Vp + Vq .
p! q!
En particulier :


• La courbe est tangente en Ma au vecteur Vp .


• La position de la courbe par rapport à sa tangente est donnée par le vecteur (t − a)q Vq : si l’on place
l’origine de ce vecteur en Ma , il se trouve situé, pour des valeurs de t proches de a, du même côté de
la tangente que le point Mt .
• Pour des valeurs de t supérieures à a et proches de a, la courbe se trouve à l’intérieur du pa-

→ − →
rallélogramme construit sur les vecteurs Vp et Vq placés en Ma .

Pour des valeurs de t inférieures à a, la position de la courbe par rapport à sa tangente dépend des signes
de (t − a)p et (t − a)q , et donc de la parité de p et de q. Il en résulte quatre cas possibles, pour la position
de Cf au voisinage de Ma .

147
Par exemple, si p et q sont impairs, les signes de (t − a)p et (t − a)q sont négatifs si t < a, et l’arc de

→ −

courbe correspondant se trouve à l’intérieur du parallélogramme construit sur les vecteurs −Vp et −Vq
placés en Ma . La courbe traverse sa tangente en Ma , et on a un point d’inflexion.

Signalons que dans le cas où p et q sont pairs, les deux arcs de courbes obtenus pour t > a et t < a sont
situés dans la même région du plan (point de rebroussement de 2o espèce) car les signes de (t − a)p et
(t−a)q restent positifs, mais l’étude précédente ne permet pas de déterminer a priori leur position relative.

p impair pair
q


→  t>a −
→  t>a
Vq Vq

: :
Ma −
→ Ma −

impair Vp Vp

t<a

t<a

Ma point d’inflexion Ma point de rebroussement de 1o espèce


→  t>a −
→ 
Vq Vq

: :
t<a Ma −
→ Ma −

pair Vp Vp

Ma point ordinaire Ma point de rebroussement de 2o espèce

En pratique, sauf dans le cas où les fonctions x et y sont très simples (des fonctions polynômes par
exemple), on préférera utiliser les développements limités . En effet, si les fonctions x et y sont indéfiniment
dérivables au voisinage de a, elles possèdent des d.l. en a de la forme
x(t) = a0 + a1 (t − a) + . . . + an (t − a)n + (t − a)n ε1 (t) ,
et
y(t) = b0 + b1 (t − a) + . . . + bn (t − a)n + (t − a)n ε2 (t) .

148
Alors, en posant, si k ≥ 1,


U k = ak −

ı + bk −

 ,
on a, en raison de la formule de Taylor,

→ 1− →
Uk = Vk .
k!

→ −

On peut donc, dans l’étude précédente, remplacer les vecteurs Vk par les vecteurs Uk .

Le nombre réel a est dit birégulier pour f , si et seulement si f ′ (a) et f ′′ (a) forment un système libre
de R2 (c’est-à-dire p = 1 et q = 2). Le point Ma est alors un point ordinaire de Cf .

Il en résulte en particulier qu’une condition nécessaire pour qu’un point Mt de Cf soit point d’inflexion,
est que t ne soit pas birégulier pour f , c’est-à-dire que t doit vérifier la condition

x′ (t)y ′′ (t) − y ′ (t)x′′ (t) = 0 ,

ce qui facilite la recherche de ces points. On remarquera aussi que l’expression précédente est le numérateur
de (y ′ /x′ )′ (t) ce qui peut simplifier les calculs dans certains cas.

Etude des branches infinies

Soit maintenant a une borne (éventuellement infinie) d’un des intervalles constituant D, en laquelle on
suppose que f n’est pas définie. On dira que Cf admet une branche infinie en a, si et seulement si l’une
au moins des fonctions coordonnées de f n’est pas bornée en a. C’est en particulier le cas - et en pratique
ce sont les seuls cas facilement étudiables - lorsque x ou y possède une limite infinie en a.

Nous distinguerons plusieurs cas de figure.


1. Asymptote horizontale.

On obtient une asymptote horizontale d’équation y = ℓ, en un point a lorsque y(t) tend vers ℓ et
x(t) tend vers +∞ ou −∞ quand t tend vers a.

2. Asymptote verticale.

On obtient une asymptote verticale d’équation x = ℓ, en un point a lorsque x(t) tend vers ℓ et y(t)
tend vers +∞ ou −∞ quand t tend vers a.

3. Asymptote oblique.

On obtient une asymptote oblique d’équation y = αx + β, en un point a lorsque x(t) et y(t) tendent
vers +∞ ou −∞, et y(t) − αx(t) − β tend vers 0 quand t tend vers a, soit

y(t) = αx(t) + β + ◦(1) .

On détermine α et β de la manière suivante :

y(t)
α = lim ,
t→a x(t)
puis
β = lim (y(t) − αx(t)) .
t→a

Le signe de l’expression δ(t) = y(t)−αx(t)−β donne la position de la courbe par rapport à l’asymp-
tote :

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- La courbe est au-dessus de l’asymptote si δ(t) > 0
- La courbe est au-dessous de l’asymptote si δ(t) < 0
- La courbe coupe son asymptote si δ(t) = 0 pour une valeur t 6= a.

La recherche de α, β et du signe de δ peut se faire à l’aide des d.l. .

4. Branche parabolique dans la direction des y.

On obtient une branche parabolique dans la direction des y, en un point a lorsque x(t), y(t) et
y(t)/x(t) tendent vers +∞ ou −∞. La courbe ressemble à une branche de parabole d’axe parallèle
à Oy.

5. Branche parabolique dans la direction des x.

On obtient une branche parabolique dans la direction des x, en un point a lorsque x(t) et y(t)
tendent vers +∞ ou −∞ et y(t)/x(t) tend vers zéro. La courbe ressemble à une branche de para-
bole d’axe parallèle à Ox.

6. Direction asymptotique. Branche parabolique.

La courbe possède une direction asymptotique


de direction −

ı +α−
→ en un point a, lorsque x(t) y6
et y(t) tendent vers +∞ ou −∞ et y(t)/x(t)
tend vers α.
Mt
Lorsque de plus y(t) − αx(t) tend vers +∞ ou y(t)
−∞, on obtient une branche parabolique de
direction −
→ı + α−
→ . La courbe ressemble à une
branche de parabole d’axe parallèle à la droite Ht Mt = y(t) − αx(t)
d’équation y = αx. αx
y=

Toutes ces notions reçoivent une interprétation


géométrique évidente : le nombre y(t)/x(t) est αx(t)
Ht
le coefficient directeur de la droite (OMt ), et
y(t) − αx(t) mesure l’écart Ht Mt entre Mt et - x
le point Ht de même abscisse que Mt situé sur x(t)
O
la droite d’équation y = αx.

En dehors de ces cas simples, de nombreux cas de figure peuvent se présenter, par exemple des branches
infinies spirales (exemple f (t) = (et cos t, et sin t)) ou oscillantes (exemple f (t) = (t sin t, t sin 2t)).

Tracé de la courbe

On commence par placer sur le dessin les points à tangentes verticales et horizontales, les points singuliers
(avec leur tangente), les branches infinies (en particulier les asymptotes, en indiquant la position de la
courbe par rapport à ces asymptotes).

Pour donner plus de précision au tracé, on a intérêt à placer, lorsqu’ils sont facilement calculables, les
points d’intersection de la courbe avec les asymptotes ou avec les axes, et l’on joint ces divers points en
suivant le tableau de variation. On complète la courbe grâce aux isométries découvertes dans la réduction

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du domaine d’étude.

Une fois le tracé de la courbe effectué, on constate parfois l’existence de points d’inflexion que l’on peut
chercher à déterminer (si les calculs paraissent raisonnables), on peut aussi constater que deux branches
(ou plus) de la courbe se coupent en un même point appelé point double. On en trouve souvent sur les
axes de symétrie ou aux centres de symétrie. Une condition nécessaire pour que l’on ait un point double
est qu’il existe deux valeurs distinctes t et t′ du paramètre telles que

x(t) = x(t′ )
y(t) = y(t′ ) .

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