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Monsieur le Ministre,
La Polynésie française est au cœur d’une réalité géoéconomique et géopolitique qui résulte
du déplacement du centre de gravité de l’économie mondiale de l’Atlantique vers le Pacifique.
La France, à travers la loi Morin de 2010, a reconnu que les essais nucléaires avaient eu des
conséquences sanitaires importantes et qu’elle devait réparation afin d’amorcer la réconciliation
avec les Polynésiens. Force est de constater qu’après 11 années de procédures administratives,
juridiques et d’interminables processus politiques, le but fixé par la dite loi est très loin d’être atteint.
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Victimes de stéréotypes, de discrimination, les opposants au nucléaire sont considérés
comme hostiles à la France, aux français, à la culture française ou encore classés de manière
simpliste parmi les « indépendantistes ».
Il a donc fallu près de 60 ans après les faits incriminés que la mémoire de la première victime
du nucléaire français ait été réhabilitée.
La France souhaite construire avec la Polynésie un nouvel avenir de confiance. Toutefois, sur
le fondement de la loi Morin de 2010, le Conseil d’Etat précisait le 17 octobre 2016, que l’Etat
n’indemnise pas en tant que « responsable » des dommages sanitaires causés, mais en tant que
« garant de la solidarité nationale ». Cette position adoptée équivaut à considérer que l’on pourrait
alors assumer ses actes sans responsabilités !
La CPS, société de droit privé, a assumé toutes ses responsabilités quant à la prise en charge
médicale ou accidentelle de tous les résidents polynésiens atteints d’une des 23 maladies radio-
induites de la loi Morin et même au-delà en prenant en charge les maladies radio-induites non
encore reconnues telles de nombreuses maladies cardiovasculaires. Il faut savoir que la CPS couvre
chaque année, pour 5,2 milliards de francs CFP (43,576 millions d’Euros), les dépenses des services
d’oncologie.
Monsieur le Ministre, ces essais ont été décidés au nom de l’idéal de liberté, d’indépendance
et du bonheur des populations, permettant la dissuasion nucléaire, exclusivement défensive selon le
principe de la légitime défense, qui remplit dès lors une mission éthique, celle d’empêcher une
guerre.
Avant tout, il faut donc redonner un espoir aux milliers de malades radio induits aujourd’hui
en grande souffrance, qui ont beaucoup de mal à comprendre la suspicion portée par les services de
l’Etat quant à leur demande d’indemnisation, les obligeant ainsi à recourir systématiquement à la
justice donc ils ne comprennent pas toutes les arcanes.
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Les autorités sanitaires ou militaires de l’hexagone ne montrent pas une volonté claire et
franche d’indemniser toutes les victimes et leurs ayants-droits. Elles nous opposent des conclusions
variables dans le temps, suivant l’évolution de la science ou des spécialistes du nucléaire qui se
contredisent, alors que, pendant des décennies, on a entendu parler de « bombes propres »,
d’innocuité des essais, de risques négligeables ou insignifiants. Ces déclarations irresponsables ont
porté une atteinte considérable au respect dû naturellement aux populations polynésiennes.
Comment ces populations, qui ont subi pendant tant d’années contrevérités, manipulations et
mensonges, qui ont même fait l’objet d’un aveu au sein de l’Assemblée de la Polynésie française,
pourraient-elles se satisfaire aujourd’hui de mêmes discours ?
La réalité, si vous en convenez, est que la Polynésie française a subi, dans toute son étendue,
les effets nocifs du nucléaire, et elle en souffre encore aujourd’hui, et en souffrira certainement
encore demain. Nombreux sont les Polynésiens atteints de maladies radio-induites qui ont disparu,
d’autres pensent mourir avant de recevoir une quelconque indemnisation, d’autres encore ont
préféré abandonner la partie, ayant perdu tout espoir. La "force injuste de la loi", Monsieur le
Ministre, pérennise cet état de fait depuis bien trop longtemps.
Il est grand temps que les victimes et ayants droits soient indemnisés au plus juste.
Est-il besoin de faire autant de réunions avec autant de monde, ce qui ne fait qu’obscurcir la
vérité et attiser les tensions de ceux qui, incompétents, veulent briller aux dépens des victimes
fatiguées de trop longues tergiversations ?
Les services de l’Etat détiennent tous les éléments scientifiques et financiers pour savoir ce
que représentent ces dépenses, faibles au regard de celles imposées depuis tant d’années à tous les
entrepreneurs, les salariés et à notre population.
C’est pour avoir essayé, pendant des années, de travestir la réalité des faits que les bienfaits
de la « colonisation » n’ont plus le pouvoir de convaincre. L’ombre du nuage atomique a quelque peu
terni l’image de l’amitié du peuple maohi pour la France.
Notre Polynésie a subi les méfaits du nucléaire. Nous ne comprenons pas pourquoi le
Polynésien ne peut bénéficier des 13 milliards annuels, à travers la Contribution au Service Public de
l’Electricité (CSPE), du tarif préférentiel d’électricité nucléaire dont bénéficient la quasi-totalité des
habitants des départements et collectivités des outre mers français, ce qui permettrait de baisser
considérablement le coût de la vie des plus démunis.
Autant pour l’atoll de Hao, une décontamination totale est à faire, autant pour les deux
autres atolls, la France a le devoir de continuer sa surveillance radiologique et géomécanique. La
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restitution à la Polynésie française ne pouvant se faire qu’en cas de cessation des activités selon la
convention « léonine » établie entre la France et l’Assemblée de la Polynésie française en 1964, elle
doit être rediscutée sous forme d’une location de type emphytéotique, avec valorisation du bien
entre ces deux autorités, en y intégrant les dédommagements éventuels des propriétaires d’origine.
- Le remboursement des dépenses engagées par la CPS : 80 milliards de FCFP (environ 670
millions d’Euros) ;
- La prise en charge des services d’oncologie : 5,2 milliards de FCFP par an (environ 43,576
millions d’Euros/an) ;
- Le bénéfice de la CSPE : 13 milliards de FCFP par an (environ 109 millions d’Euros/an).
Ces chiffres sont le fruit d’un travail suivi depuis plus d’une dizaine d’années, nous avons
l’espoir que vous daignerez les considérer à leur juste valeur.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre des Outre-Mer, l’expression de nos
respectueuses considérations.