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MISE AU POINT

Situations d’urgence
en rhumatologie
Emergency cases in rheumatology
M. Binvignat*,**, J.P. Ponthus**, J. Kedra**, J.F. Georger**, B. Fautrel*

L
es situations d’urgence, bien que peu Tableau I. Signes de gravité clinique à rechercher à partir du
tableau issu du French Score utilisé par la Société française
­fréquentes en rhumatologie, nécessitent une de médecine d’urgence (SFMU) [1, 2].
reconnaissance, une évaluation et une prise en
charge rapides. Au-delà des urgences spécifiques Examen Marbrures. Extrémités froides
telles que la crise de goutte, l’arthrite septique général Temps de recoloration cutanée > 3 s
ou la lombalgie aiguë, le rhumatologue peut être
confronté dans sa pratique à des situations moins Examen Tachycardie (FC > 120 bpm)
cardiovasculaire ou bradycardie (FC < 50 bpm)
communes, comme la perte de connaissance ou
Hypotension avec PAS < 90 mmHg
la détresse respiratoire. Si la prise en charge des ou HTA contrôlée à 2 reprises
urgences rhumatologiques est souvent bien codi- > 200 mmHg
fiée, la conduite à tenir dans les autres situations
n’est pas fréquemment abordée. Cet article vise Examen Dyspnée avec SpO2 < 94 %
pulmonaire Polypnée (FR > 32/min), signe de lutte
par conséquent à rappeler les principaux réflexes à
respiratoire
adopter dans ces cas particuliers. Dans un premier
Cyanose périlabiale ou des extrémités.
temps, nous redéfinirons la notion de “patient avec Sueurs
signes de gravité” ainsi que les premiers gestes
à adopter, puis nous aborderons dans un second Examen Oligurie
temps les situations ­d ’urgence rencontrées en urinaire Absence de diurèse (< 0,5 mL/kg/h)
­rhumatologie libérale et ­hospitalière.
Examen Trouble de la conscience
neurologique (score de Glasgow < 14)

Le patient avec signes Syndrome confusionnel, coma

de gravité
de plusieurs de ces critères peut conduire à poser
Reconnaître un patient avec signes l’indication d'une hospitalisation en soins intensifs
de gravité ou en réanimation.

Devant toute situation d’urgence, le premier réflexe


à adopter est l’évaluation rapide du patient, et la Mise en condition d’un patient
recherche de signes de gravité. Il s’agit d’identifier avec signes de gravité
les patients présentant ou risquant de présenter un
état de choc ou de détresse vitale. Il est important ◆◆ En cabinet libéral
* Service de rhumatologie, CHU
de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.
d’analyser le terrain du patient (âge, comorbidités, En présence des critères de gravité (tableau I),
** Service de réanimation, centre traitements) ainsi que son état clinique actuel, et il est justifié d’appeler le SAMU (le 15), qui ­décidera
hospitalier intercommunal de de prendre en compte son évolution potentielle. de l’orientation vers le service d’accueil des urgences
­Villeneuve-Saint-Georges, Villeneuve-­
Saint-Georges. Il convient de rechercher systématiquement les de proximité ou d’un transport médicalisé en soins
critères de gravité (tableau I). La présence d’un ou intensifs.

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Points forts
»» Les situations d'urgence en rhumatologie nécessitent la reconnaissance des premiers signes, Mots-clés
une ­évaluation clinique systématique et l’instauration d’une prise en charge rapide en cabinet ou à l’hôpital.
Urgences
»» Les situations que le rhumatogue libéral ou hospitalier doit connaître sont : les toxidermies et les
intoxications médicamenteuses, les troubles du métabolisme phosphocalcique, les déficits moteurs et Rhumatologie
le syndrome de la queue de cheval, les signes précoces de sepsis ou de choc septique. Critères de gravité
»» Les signes de gravité à connaître sont les anomalies respiratoires (saturation, fréquence respiratoire), Soins intensifs
hémodynamiques (tachycardie, hypotension), microcirculatoires (marbrures, temps de recoloration cutanée)
et neurologiques (trouble de la conscience, déficit moteur).

Tableau II. Matériel de premier secours conseillé pour Principales situations Highlights
un cabinet libéral. Il n’existe pas de consensus sur les
­m édicaments de ­l ’urgence en rhumatologie. Nous à connaître en rhumatologie »» Emergency situations in
recommandons cependant la possession d’un stylo i.m. rheumatology require early
d’adrénaline 0,5 mg pour les cas exceptionnels de choc Les principaux signes de gravité à rechercher et recognition of signs, system-
anaphylactique. les premiers réflexes à adopter ont été abordés atic clinical assessment and
Matériel Brassard à tension automatique ci-dessus de manière générale. Certaines situations prompt management in the
minimal ou manuel sont p­ articulièrement rencontrées en rhumatologie, office or rheumatology room.
recommandé Stéthoscope »» Rheumatologists should
principalement à l’hôpital, mais aussi quelquefois
Thermomètre en cabinet. Nous allons résumer dans un premier be aware of the following
temps les réactions médicamenteuses, en particu- ­situations: toxicodermas and
Matériel Saturomètre drug intoxications, disorders
optionnel lier les réactions allergiques et le choc anaphylac-
Électrocardiographe of phosphocalcic metabo-
tique ainsi que les intoxications aux morphiniques lism, motor deficits and cauda
Défibrilateur automatique externe
et à la colchicine. Dans un second temps seront equina syndrome, early signs of
passés en revue les troubles du métabolisme phos- sepsis or septic shock.
Selon le matériel disponible dans le cabinet phocalcique, les déficits moteurs et le syndrome »» Signs of severity to recognize
(tableau II), il est recommandé : de la queue de cheval ; enfin, nous aborderons les are the following abnormali-
➤➤ d’installer le patient sur un plan dur, comme la nouvelles définitions du sepsis et du choc septique, ties: respiratory (saturation,
table d’examen ; qui peuvent être retrouvés dans le cas des infections respiratory rate), hemodynamic
➤➤ de prendre les constantes du patient (saturation, ostéo­articulaires. (tachycardia, hypotension),
tension artérielle, fréquence cardiaque) ; microcirculatory (mottling, skin
recoloration time) and neuro-
➤➤ en cas de détresse respiratoire, d’éviter l’alite-
logical (consciousness disorder,
ment strict et de privilégier une position demi-assise Réactions médicamenteuses motor deficit).
à 45° (en particulier s’il y a un antécédent d’insuf-
fisance cardiaque) ; ◆◆ Toxidermie médicamenteuse
➤➤ en cas d’hypotension artérielle sévère isolée Les toxidermies sont des réactions cutanées Keywords
(sans dyspnée) définie par une PAS < 80 mmHg, consécutives à l’introduction d’un médicament. Emergency
d’allonger le patient et éventuellement de réaliser La majorité des toxidermies sont bénignes, mais il
Rheumatology
un test de lever de jambes. est important d’adopter une conduite systématique
afin de ne pas méconnaître une atteinte grave [3]. Severity criteria
◆◆ En rhumatologie hospitalière Il convient de rechercher et de lister systématique- Intensive care
Il est nécessaire d’alerter les membres de l’équipe ment les potentiels médicaments responsables,
soignante (3 ou 4 personnes dans la chambre), y compris les médicaments non rhumatologiques
de prévenir le réanimateur de garde et de lui (par exemple, des antibiotiques ou des antihyperten-
­présenter le dossier du patient. Il est donc conseillé seurs) avec la chronologie de leur introduction et
de suivre la procédure suivante : de les arrêter. Il est également important d’être
➤➤ mise en place d’une surveillance des paramètres réservé sur les avis que l’on donne au téléphone,
vitaux toutes les 5 à 15 minutes (saturation, tension la gravité des lésions pouvant être sous-estimée.
artérielle, fréquence cardiaque) ; L’envoi d’une photographie des lésions cutanées peut
➤➤ voie d’abord veineux périphérique × 2 de bon être utile, et une consultation rapide est recom-
calibre (18 G, cathéter vert) ; mandée. L’examen clinique doit rechercher les signes
➤➤ approcher le chariot d’urgence ; de gravité ­suivants :
➤➤ introduction d'une oxygénothérapie adaptée à ➤➤ éruption touchant plus de 60 % de la surface
un objectif de saturation à 92 % si possible. Pour corporelle ;
mémoire, 2-4 L O2 : lunettes, 5-10 L : masque simple, ➤➤ fièvre avec température ≥ 38,5 °C ;
10-15 L : masque haute concentration ; ➤➤ atteinte du visage et des muqueuses ;
➤➤ réaliser une glycémie capillaire en cas de troubles ➤➤ décollement cutané (signe de Nikolsky) ;
de la conscience. ➤➤ purpura ;

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Situations d’urgence en rhumatologie

➤➤ signes systémiques : adénopathies, hépato­ Le traitement de première intention devant la


splénomégalie ; signes respiratoires, hypotension ­présence d’un de ces 2 signes est :
artérielle. ➤➤ l’injection intramusculaire de 0,5 mg d’adréna-
La présence d’un ou de plusieurs de ces éléments line précoce (il n’existe aucune contre-indication
doit conduire à une hospitalisation rapide du patient. absolue dans cette situation) ;
La réintroduction des médicaments sera discutée ➤➤ le remplissage vasculaire par du sérum physio-
à distance après un bilan ­allergologique complet. logique (500 mL en débit libre).
En l’absence de réponse à la prise en charge dans
◆◆ Choc anaphylactique (figure 1) les 10-15 premières minutes ou si cette situation
En raison de l’essor des biothérapies, des situations survient en libéral, il est ­impératif de prévenir le
de réaction allergique et d’anaphylaxie peuvent être réanimateur ou d’appeler le 15. Il est important
rencontrées en rhumatologie, particulièrement en de rappeler que la survenue d’une réaction aller-
hôpital de jour. Il est fondamental de différencier gique sévère contre-­indique le retour au domicile et
la réaction cutanée isolée fréquente d’une réaction nécessite une ­hospitalisation de 12 à 24 h (éventuel
systémique ou d’un choc anaphylactique vrai [4]. effet rebond), un dosage des tryptases sériques
La réaction cutanéomuqueuse se caractérise dans les 30 minutes et les 2 heures suivant les
­habituellement par une éruption cutanée, un prurit, premiers symptômes.
un flush, un œdème des lèvres, de la langue ou de la
luette. Devant l’apparition de ces signes, il est impor- ◆◆ Surdosage médicamenteux 
tant de suspendre la perfusion, dans un premier
temps, puis de rechercher des signes de gravité : Cas particulier du surdosage en morphine
➤➤ atteinte respiratoire (dyspnée, désaturation, (figure 2)
stridor, bronchospasme) ; Le surdosage en morphinique est une situation
➤➤ atteinte cardiocirculatoire (hypotension a­ rtérielle fréquente en oncorhumatologie dans le suivi des
avec PAS < 90 mmHg ou diminution de plus de 30 % patients avec des tumeurs osseuses. Il est important
de sa valeur habituelle). de distinguer les signes d’imprégnation morphinique
(myosis, constipation, rétention aiguë d’urine)
des signes de surdosage, qui sont les suivants :
Suspicion de réaction allergique ➤➤ somnolence (GCS (Glasgow Coma Scale) < 11,
Arrêt de la perfusion en cours ouverture des yeux à la stimulation physique) ;
➤➤ myosis aréactif ;
Atteinte respiratoire ➤➤ fréquence respiratoire < 12.
Atteinte cutanée isolée ou cardiovasculaire
L’évolution se fait vers un coma calme. La priorité dans
tout surdosage en opiacés est ­d’assurer une bonne
Dexchlorphéniramine (Polaramine©) Adrénaline i.m. 0,5 mg
1 ampoule 5 mg i.v. oxygénation du patient. L’antidote est la naloxone,
à utiliser en bolus de 0,2 mg i.v. à répéter toutes
Hypotension Dyspnée
Surveillance 6 h PAS < 90 mmHg, diminution > 30 % SpO < 95 %
par rapport à la valeur habituelle Stridor,
bronchospasme,
œdème de Quincke Surdosage en morphinique
Position de Trendelenburg
Remplissage NaCI 0,9 % 500 mL
toutes les 20 min à répéter 1 à 3 fois Oxygénothérapie Somnolence, GCS < 11, FR < 12
aérosol
(1 mg adrénaline,
Adrénaline i.v. 50 µg à répéter 4 mg dexaméthasone, Arrêt des morphiniques
toutes les 1 à 2 min NaCI 0,9 % 5 mL) Oxygénothérapie lunettes 2-4 L
Sonde à demeure si besoin
Appel du réanimateur
Naloxone 0,2 mg en bolus à répéter toutes les 2 min
Surveillance 12 à 24 h et dosage tryptases 30 min
et 2 h après symptômes
Appel du réanimateur
Figure 1. Prise en charge d’une réaction allergique et d’un choc anaphylactique à la
suite d’une perfusion, d’après les recommandations de la Société française de m
­ édecine Figure 2. Conduite à tenir devant un surdosage en
­d’urgence (SFMU) et de la Société française d’allergologie (SFA). morphinique.

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les 2 minutes avec pour objectif une fréquence artériel, ainsi qu’un ECG en urgence. En dehors
­respiratoire de 12 par minute [5]. de la problématique étiologique, il est important :
En l’absence de voie d’abord disponible, il est ­possible ➤➤ de rechercher les signes de gravité suivants :
de réaliser une injection de 0,4 à 0,8 mg i.m. ou s.c. hypercalcémie sévère supérieure à 3,25 mmol/L,
dans l’urgence. avec des signes ECG (bloc atrioventriculaire, raccour-
cissement du QT), symptomatique (douleur abdo-
Intoxication à la colchicine minale, syndrome confusiogène si déshydratation) ;
Toute suspicion d’intoxication à la colchicine ➤➤ de demander l’avis du réanimateur ou du SAMU
doit conduire à discuter le transfert immédiat en (le 15).
­réanimation [6]. Le surdosage en colchicine sur-
vient fréquemment dans un contexte d’insuffisance Prise en charge libérale
rénale aiguë ou d’interaction médicamenteuse Les indications d’hospitalisation en urgence ne sont
(par l’intermédiaire du cytochrome P450 ou de la pas consensuelles, mais nous recommandons les
glycoprotéine P3), en particulier avec les macro- suivantes :
lides, la ciclosporine, le vérapamil, les inhibiteurs ➤➤ hypercalcémie antérieurement non connue ;
de protéases. Les signes de surdosage sont princi- ➤➤ âge > 65 ans ;
palement digestifs. Il est important de savoir que ➤➤ calcémie corrigée > 2,8 mmol/L ;
les troubles digestifs sont un signe de surdosage en ➤➤ hypercalcémie symptomatique.
colchicine et qu’il faut limiter toute coprescription Il est impératif d’arrêter tous les traitements hyper-
d’antidiarrhéique. On peut également retrouver, calcémiants (thiazidiques, vitamine D, ­vitamine A,
dans les intoxications sévères à la colchicine, lithium) ainsi que les médicaments digita-
des pancytopénies secondaires à une hypoplasie liques (digoxine) et de conseiller une hydratation
médullaire toxique, une coagulation intravasculaire importante au patient, de 3-4 L par jour per os.
disséminée, une défaillance cardio­circulatoire, un
choc hémorragique et un syndrome de détresse Prise en charge hospitalière
respiratoire aiguë. La gravité et la symptomato- En plus de l’arrêt des médicaments hypercalcé-
logie clinique dépendent principalement de la dose miants sera pratiquée une hydratation i.v. inten-
ingérée : pour une dose inférieure à 0,4 mg/­k g, sive par sérum physiologique isotonique à raison
l’évolution est souvent favorable en 5-10 jours ; de 3-4 L par tranche de 24 heures. Un traitement par
pour une dose > 0,8 mg/­k g, le risque de décès bisphosphonates i.v. (acide zolédronique 4 mg i.v.
est de 80 %. Le traitement repose principalement lente en 15 minutes, administré tout en surveillant
sur la réhydratation i.v. et la prise en charge des la fonction rénale) peut être discuté. Une cortico-
différentes défaillances en réanimation. Il n’existe thérapie complémentaire peut être ­utilisée en cas
à ce jour pas d’antidote connu pour la colchicine. de granulomatose ou d’intoxication à la vitamine D.
Une hypokaliémie est fréquemment associée et doit
être recherchée.
Troubles du métabolisme
phosphocalcique Hypercalcémie

◆◆ Hypercalcémie (figure 3)
Calcémie corrigée ≥ 2,6 mmol/L
L’hypercalcémie fait partie des problématiques Calcium ionisé > 1,35 mmol/L
­f réquentes du rhumatologue dans la mesure
où elle est dans 90 % des cas consécutive à une Arrêt des thiazidiques, Calcémie > 3,25 mmol/L
­hyperparathyroïdie ou un néoplasie avancé [7, 8]. vitamine D, vitamine A, lithium Crise aiguë hypercalcémique
Elle se définit par une calcémie > 2,6 mmol/L Signes ECG
après une correction par une des 2 formules Hyperhydratation
­suivantes  : NaCI 0,9 % 3-4 L par jour Appel du réanimateur
➤➤ calcémie corrigée (mmol/L)  = calcémie
mesurée + 0,02 × (40 − albumine (g/L)) ; Acide zolédronique 4 mg
➤➤ calcémie corrigée (mmol/L) = calcémie mesurée/ 15-30 min
(0,55 + protidémie (g/L))/160.
Elle nécessite une confirmation systémique Figure 3. Conduite à tenir en urgence devant une hypercalcémie.
par calcium ionisé (N : 1,15-1,30) sur gaz du sang

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Situations d’urgence en rhumatologie

Cas particulier : crise aiguë hypercalcémique


Hypocalcémie
Ce tableau survient généralement pour des calcémies
supérieures à 3,25 mmol/L associant des troubles
neurologiques de type coma, délire, crises convul- Calcémie corrigée < 2,20 mmol/L
Calcium ionisé < 1,15 mmol/L
sives, pseudoneuromyopathies, des troubles digestifs
avec des vomissements et un abdomen pseudochirur-
gical, une insuffisance rénale aiguë, de la fièvre, et Signes ECG
présente un risque d’arrêt cardiaque par fibrillation
ventriculaire. Une prise en charge en réanimation est Calcium per os 500 mg Gluconate de calcium 10 %
1 à 2 ampoules i.v.
nécessaire, et l’indication d’une hémodialyse doit être
discutée. Appel du réanimateur

◆◆ Hypocalcémie (figure 4) Figure 4. Conduite à tenir en urgence devant une


L’hypocalcémie, bien que moins connue, est souvent hypocalcémie.
rencontrée dans les suites opératoires de chirur-
gies cervicales, dans les carences profondes en
­vitamine D, le hungry-bone syndrome, les métastases
Déficit moteur
ostéocondensantes.
En cas de prise en charge au cabinet, toute décou-
verte d’une hypocalcémie non documentée impose
Déficit moteur Atteinte pluriradiculaire
une hospitalisation en urgence. Elle se définit par Abolition des réflexes
une calcémie < 2,20 mmol/L avec une calcémie ostéotendineux
Lombosciatique déficitaire Anesthésie en selle
ionisée < 1,10 mmol/L. L’hypo­calcémie provoque
­f réquemment des paresthésies distales et péri­
buccales invalidantes pouvant aller jusqu’à la crise Syndrome de la queue
de cheval
de tétanie. Le traitement en présence de signes
cliniques ou ECG ou en cas de calcémie < 2,0 mmol/L
consiste en ­l’administration de 1 à 2 ampoules de IRM ou scanner du rachis lombaire en urgence
gluconate de calcium 10 %.
Avis chirurgical en urgence
(chirurgien orthopédiste ou neurochirurgien)
Cas particulier : crise de tétanie
Il s’agit d’une contraction anarchique et involon-
Figure 5. Prise en charge d’un déficit moteur et d’un
taire des fibres musculaires, une flexion dorsale du syndrome de la queue de cheval.
poignet avec hyperextension des doigts et adduction
du pouce (aspect de mains d’accoucheur), qui peut
Tableau III. Score d’évaluation du déficit moteur
annoncer un laryngospasme et un bronchospasme ­segmentaire.
pouvant aller jusqu’à l’arrêt cardiorespiratoire.
Dans ce cas particulier, il faut administrer 3 à 4 5 Force normale
ampoules de gluconate de calcium en 10 minutes 4 Capacité de lutter contre une résistance
puis réaliser un relais par perfusion de calcium
3 Capacité de lutter contre la pesanteur
0,06 mmol/L/kg/h au pousse-seringue électrique
en surveillance scopée en soins continus. 2 Possibilité de mouvement, en compensant la pesanteur

1 Contraction musculaire isolée, ébauche de mouvement

Déficit neurologique et syndrome 0 Absence complète de mouvement


de la queue de cheval (figure 5)
avec une anesthésie en selle, et des troubles à type
Dans un contexte de lombalgie et de lombo­ de rétention ou d'incontinence urinaire et anale,
radiculalgie chronique, le patient peut présenter un avec une abolition des réflexes ­o stéotendineux
déficit sensitif ou moteur. Il convient d’éliminer sys- des membres inférieurs et une possible atteinte
tématiquement un déficit strictement inférieur à 3/5 ­pluriradiculaire. La présence d’un ou de plusieurs
(tableau III), un syndrome de la queue de cheval qui de ces signes doit amener à transférer le patient
peut se manifester par une atteinte sphinctérienne, en milieu hospitalier, à réaliser immédiatement

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La mortalité pour un qSOFA supérieur à 2 est


Quick SOFA
estimée à 6,2 %.
Dans un contexte d’infection ostéoarticulaire,
Fréquence respiratoire > 22 par minute
il s’agit d’une des seules situations où une anti-
biothérapie probabiliste peut être instaurée sans
PAS < 90 mmHg documentation.
- Remplissage de 500 mL
Troubles
de la conscience
de sérum physiologique
en 20 min Annexe
qSOFA ≥ 2 - Hémocultures
- Ponction articulaire
Aux principales situations d’urgence en rhumato- M. Binvignat déclare ne pas avoir
Appel logie abordées dans cet article, il convient d’ajouter de liens d’intérêts.
du réanimateur - Antibiothérapie probabiliste J.P. Ponthus, J. Kedra, J.F. Georger
l’arrêt cardiorespiratoire, dont la figure 7 résume et B. Fautrel n’ont pas précisé
Figure 6. Prise en charge d’un choc septique avec
la prise en charge. ■ leurs éventuels liens d’intérêts.
l’utilisation du score qSOFA.
Arrêt cardiorespiratoire

une imagerie du rachis lombaire (IRM ou, à défaut,


Pas de réponse aux ordres simples, respiration absente ou anormale (“gasp”)
scanner) et à demander en urgence l’avis d’un neuro-
chirurgien ou d’un chirurgien orthopédique spécialisé
Appel à l’aide ≥ 3 personnes
dans le rachis [9]. Appel du réanimateur ou du 15
Défibrillateur disponible ?

Sepsis et choc septique (figure 6) MCE 100-120 compressions par minute


Séquence 30 compressions/2 insufflations (BAVU)
Tout diagnostic d’infection ostéoarticulaire impose Analyse du rythme
une hospitalisation rapide, voire en urgence, et des
Rythme choquable Rythme non choquable
critères de gravité doivent être recherchés. À la suite
TV/FV Asystolie/dissociation électromécanique
des recommandations de 2016, la notion de sepsis
sévère et de choc septique a disparu, au profit des Choc électrique externe Séquence 30 compressions/2 insufflations
scores SOFA et qSOFA, permettant une évalua- 5 cycles
Séquence 30 compressions/2 insufflations
tion rapide et le tri des patients potentiellement 5 cycles Adrénaline 1 mg i.v. toutes les 3-5 min
graves. Le qSOFA est un score comportant 3 items :
une fréquence respiratoire > 22 par minute, une BAVU : ballon autoremplisseur à valve unidirectionnelle
PAS < 90 mmHg et des troubles de la conscience
Figure 7. Prise en charge de l’arrêt cardiorespiratoire d’après les recommandations de la
(chaque item vaut 1 point). Un score ≥ 2 définit un Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) et de la Société de réanimation
risque important de choc septique et doit conduire de langue française (SRLF) [11, 12­]
à appeler le réanimateur de garde ou le SAMU [10]. 

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