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ABRAHAM MASLOW
Devenir le meilleur
de soi-même
Sommaire
Maslow 21
Partie I La théorie de la motivation
humaine
Références 355
Présentation
ABRAHAM MASLOW,
ÊTRE HUMAIN
L'influence de Maslow
Le numéro du cinquantième anniversaire du magazine Esquire était
consacré aux principales figures américaines du milieu du xx' siècle. Les
éditeurs avaient choisi Maslow comme le psychologue le plus influent et
aussi l'un de ceux qui ont majoritairement contribué à notre vision
moderne de la nature humaine.
(1971, p. 7)
La vie de Maslow était consacrée à l'étude des individus qu'il tenait pour
psychiquement sains : « De fait, les sujets accomplis, ces personnes qui
sont parvenues à un niveau de maturité, de santé et d'épanouissement
supérieur, ont tant à nous apprendre que parfois ils ressemblent presque à
un nouveau type d'êtres humains. » (Maslow, 1968, p. 71)
• Les êtres humains possèdent une tendance innée à progresser vers des
niveaux supérieurs de santé, de créativité et d'épanouissement.
sol de la cave »... Maslow fut le premier à créer une psychologie qui
englobe vraiment tous les aspects, allant pour ainsi dire de la cave au
grenier. Il acceptait la méthode critique de Freud sans accepter sa
philosophie... Les besoins « transcendants » - esthétiques, créatifs,
religieux - sont aussi fondamentaux et permanents en tant que partie de la
nature humaine, que la domination ou la sexualité. S'ils paraissent moins
clairement « universels », c'est seulement parce que très peu d'êtres
humains atteignent le point où ils prennent le relais. L'acquis de Maslow
est énorme. À l'instar de tous les penseurs originaux, il a inauguré une
nouvelle manière de voir l'univers. (Wilson, 1972, p. 181-184) Tout au
long de sa vie, Maslow a été un pionnier sur le plan intellectuel. Il innovait
sans cesse, puis partait de nouveau explorer des terrains vierges. Il
n'hésitait pas à présenter ses intuitions personnelles, ses hypothèses et ses
affirmations avec ses recherches académiques. Il laissait souvent aux
autres l'analyse minutieuse et l'expérimentation de ses théories. Les
questions que posait Maslow sont autant d'appels, parce qu'elles sont
infinies.
Abraham H. Maslow est né le 1e1 avril 1908 à New York dans le quartier
de Brooklyn. Ses parents étaient des juifs russes immigrés. Son père avait
appris le métier de tonnelier et avait quitté la Russie pour les États-Unis
lorsqu'il était jeune. Après s'être installé, il écrivit à une cousine restée au
pays, lui demandant de venir le rejoindre aux États-Unis et de l'épouser. Ce
qu'elle fit.
J'étais isolé et malheureux. J'ai grandi dans les bibliothèques et parmi les
livres, sans amis.
Ma mère et mon père n'avaient pas été à l'école. Mon père voulait que je
devienne avocat...
Eh bien, mon fils, me dit-il, que veux-tu faire ? » Je lui répondis que je
voulais étudier - tout étudier. Il n'avait pas fait d'études et ne pouvait pas
comprendre ma rage d'apprendre, mais c'était un homme bien. (Maslow, in
Hall, 1968, p. 37)
L'amour de Maslow pour les études, combiné à une intelligence incisive
rare, fit de lui un étudiant brillant. (Des années plus tard, on évalua son QI
à 195, ce qui le situait à la deuxième place des QI mesurés à cette époque.)
Maslow explorait la riche vie culturelle de New York et tomba amoureux
de la musique classique et du théâtre. Il se rendait deux fois par semaine à
des concerts au Carnegie Hall et vendit même des cacahuètes pour s'offrir
les billets d'entrée.
psychologie. Mais son défaut fatal est qu'elle est valable pour le
laboratoire et au laboratoire, mais que vous la mettez et l'enlevez comme
une blouse de laboratoire... Elle ne génère pas d'image de l'homme, de
philosophie de la vie, de conception de la nature humaine. Elle ne sert pas
de guide pour l'existence, les valeurs, les choix. C'est une manière de
collecter fait sur fait au sujet du comportement, sur ce que vous pouvez
voir et toucher et entendre grâce à vos sens.
Mais le comportement chez l'être humain est parfois une défense, une
façon de dissimuler des motivations et des pensées, de même que le
langage peut représenter une manière de cacher vos pensées et d'empêcher
la communication.
Si vous traitez vos enfants à la maison comme vous traitez vos animaux au
laboratoire, votre femme vous arrachera les yeux. Ma femme m'a
farouchement interdit de prendre ses bébés comme sujets de mes
expériences. (Maslow, in Lowry, 1979, vol. II, p. 1059-1060) Maslow était
aussi convaincu que la théorie freudienne apportait une contribution
décisive à la compréhension de l'homme, particulièrement en mettant en
lumière le rôle central de la sexualité dans le comportement humain.
1971, p. 41)
J'étais trop âgé pour m'enrôler dans l'armée. Ce fut à cet instant que je pris
conscience de devoir consacrer le reste de mon existence à découvrir une
psychologie de la paix...
J'entendais prouver que les êtres humains sont capables de quelque chose
de plus grand que la guerre, le préjugé et la haine.
Je dois avouer que j'en suis arrivé à penser à cette tendance humaniste en
psychologie comme à une révolution au sens le plus vrai et le plus ancien
du terme, au sens où Galilée, Darwin, Einstein, Freud et Marx ont
déclenché des révolutions, c'est-à-dire de nouvelles manières de percevoir
et de penser, de nouvelles images de l'homme et de la société, de nouvelles
conceptions de l'éthique et des valeurs, de nouvelles directions vers
lesquelles aller.
Maslow fit l'expérience d'un autre univers cet été-là en Californie. Bertha
et lui longeaient la côte californienne en voiture pour se rendre sur leur
lieu de vacances. Ils avançaient moins vite qu'ils ne l'avaient prévu et la
nuit tomba tandis qu'ils traversaient Big Sur. Ils s'arrêtèrent à ce qui
ressemblait à un motel.
Dans les dernières lignes de son journal, écrites le 7 mai 1970, on pouvait
lire ceci :
Ce dont les enfants et les intellectuels - et tous les autres aussi - ont
besoin, c'est d'une éthique, d'un système de valeurs scientifique et d'une
manière de vivre et d'une politique humaniste, avec la théorie, les faits,
etc., tous
Dans le texte lui-même, nous avons remanié l'ordre des chapitres, inséré
de nouveaux titres et sous-titres dans un chapitre et supprimé quelques
passages documentaires datés. Le chapitre 13 a été ajouté ; il reprend le
contenu d'une conférence que Maslow a donnée en 1958 à la Michigan
State University. Dans l'intention d'éclairer le lecteur sur le contexte
historique et intellectuel, la présente édition s'est enrichie de plusieurs
apports : une courte biographie de Maslow, une postface concernant la
résonance majeure de la vision de Maslow sur la vie de ses contemporains,
et des introductions dans différents chapitres.
Maslow établit que tous les besoins humains s'ordonnent en une hiérarchie
qui part des besoins physiologiques - d'air, de nourriture et d'eau. Ensuite
viennent quatre niveaux de besoins psychologiques - de sécurité, d'amour,
d'estime et d'accomplissement de soi. Selon lui, nos besoins supérieurs
sont aussi réels que nos besoins de nourriture et participent tout autant de
la nature humaine. Il évite les simplifications excessives du béhaviorisme
et du freudisme.
Freud considérait que les exigences de notre moi et de notre culture étaient
inévitablement en contradiction avec nos instincts les plus profonds,
essentiellement égoïstes. Maslow ne partage pas cet avis. D'après lui, nous
sommes fondamentalement bons et coopératifs, et nous pouvons être
comblés par notre culture plutôt que frustrés par elle.
Dans le chapitre 5, « La hiérarchie des besoins », Maslow évoque les
différences entre les besoins supérieurs et ceux qui se situent au niveau
inférieur dans la hiérarchie des besoins. Il explique que les besoins
supérieurs représentent des développements ultérieurs de l'évolution et
qu'ils se développent tardivement dans chaque individu. Les besoins
supérieurs sont moins exigeants et peuvent être différés. La satisfaction
des besoins supérieurs procure plus de joie et mène à une croissance
individuelle plus grande. Elle requiert aussi un environnement extérieur
favorable.
Maslow s'arrête sur deux types de frustration des besoins dans le chapitre
7, «
La frustration non menaçante n'a pas cet effet. Maslow souligne que toutes
les frustrations ne sont pas menaçantes et qu'en réalité, la privation peut
avoir des effets positifs et des effets négatifs. Il traite également du conflit
menaçant et du conflit non menaçant, arguant là encore du fait que
certains types de conflit
Maslow précise aussi que ses sujets sont loin d'être des humains parfaits et
dresse l'inventaire de leurs manques. Il termine en soulignant le rôle des
valeurs dans l'accomplissent de soi et dans la manière dont les individus
accomplis résolvent les conflits liés aux dichotomies telles que
l'opposition cœur/raison, égoïsme/altruisme, devoir/plaisir.
Les individus accomplis créatifs tendent à voir le monde d'un oeil clair,
neuf, et à être plus spontanés et expressifs que leurs congénères. Dans la
mesure où ils s'acceptent tels qu'ils sont, ils peuvent consacrer une large
part d'eux-mêmes à la
Dans le chapitre 16, « Centrage sur les moyens contre centrage sur les
problèmes », Maslow défend le point de vue selon lequel la majorité des
problèmes de la science, en particulier de la psychologie, sont dus à un
centrage excessif sur les moyens. Par l'expression « centrage sur les
moyens », il stigmatise la focalisation sur les instruments, les appareils et
les techniques de la recherche scientifique. Ce qui mène souvent à une
recherche solide du point de vue méthodologique mais stérile. Le centrage
sur les moyens tend à établir des orthodoxies scientifiques, à étouffer
l'originalité et à limiter le champ d'investigation de la science.
Remerciements
Les éditeurs souhaitent exprimer leur gratitude à Bertha Maslow pour son
soutien et à George Middendorf dont la vision initiale et les
encouragements ont permis de réaliser cette édition.
Références
Monterey, CA : Brooks/Cole.
Je me suis efforcé, dans cette édition, d'intégrer les principales leçons des
seize dernières années. Elles ont été considérables. C'est une révision
complète et ambitieuse - même si les remaniements rendus nécessaires
sont peu nombreux -
supérieurs » de la nature humaine (le titre que j'avais tout d'abord prévu
pour ce
livre était Higher Ceilings for Human Nature - les limites suprêmes de la
nature
humaine). S'il m'avait fallu résumer sa thèse en une seule phrase, j'aurais
dit
nature humaine, l'homme possède aussi une nature supérieure et que celle-
ci est
Ou, pour l'exprimer autrement, j'ai accepté et je me suis fondé sur les
données fournies par la psychologie expérimentale et la psychanalyse. J'ai
également accepté l'esprit empirique et expérimental de l'une et le
dévoilement et l'exploration des profondeurs de l'autre, en récusant
cependant les images de l'homme qu'elles généraient. C'est-à-dire que ce
livre proposait une philosophie différente de la nature humaine, une
nouvelle image de l'homme.
Je dois dire un mot du fait irritant que cette véritable révolution (une
nouvelle image de l'homme, de la société, de la nature, de la science, des
valeurs suprêmes, de la philosophie, etc.) est encore presque
complètement ignorée d'une bonne partie de la communauté intellectuelle,
tout particulièrement de cette portion qui contrôle les moyens de
communication destinés au public éduqué et à la jeunesse. (C'est pourquoi,
je me suis permis de l'appeler la Révolution imperceptible.)
Il est juste de dire que cette théorie a été couronnée de succès sur le plan
clinique, social et personnologique, mais qu'elle n'a pas connu la même
réussite en laboratoire et dans l'expérimentation. Elle coïncidait
parfaitement avec l'expérience personnelle de la plupart des gens, et leur a
souvent fourni une théorie structurée qui les a aidés à donner plus de sens
à leur vie intérieure. Pour beaucoup de sujets, elle semble avoir une
validité subjective, directe, personnelle. Et pourtant elle n'est toujours pas
vérifiée ni soutenue par l'expérimentation. Je n'ai pas encore pu réfléchir
au moyen de la faire tester en laboratoire.
Une partie de la réponse à cette énigme m'a été donnée par Douglas
McGregor, qui a appliqué cette théorie de la motivation aux situations du
travail.
Non seulement il l'a jugée utile pour ordonner ses données et ses
observations, mais les données obtenues ont aussi servi rétroactivement en
tant que source de validation et de vérification de la théorie. C'est donc de
ce domaine-là, plutôt que du laboratoire, que le soutien empirique arrive
maintenant. (Un échantillonnage des rapports à ce sujet est proposé dans la
bibliographie.) Cette application et la validation apportée ensuite par
d'autres expériences dans différents domaines m'ont appris ceci : lorsque
nous parlons des besoins des êtres humains, nous évoquons l'essence de
leur vie. Comment aurais-je pu penser que cette essence était susceptible
d'être testée dans un quelconque laboratoire
Et j'imagine sans peine que l'historien des idées n'aurait aucune difficulté
à trouver de nombreux exemples, dans les différentes cultures et à diverses
époques, d'une tendance générale à tirer les motivations humaines soit
vers le bas, soit vers le haut. Au moment où j'écris ces lignes, dans notre
culture, la tendance est d'aller clairement et largement vers le bas. On
surexploite lourdement et outrageusement les besoins inférieurs aux fins
d'explication et on sous-utilise les besoins supérieurs et les métabesoins.
Selon moi, cette tendance repose nettement plus sur un préjugé que sur un
fait empirique. Il me semble que les besoins supérieurs et que les
métabesoins sont plus déterminants que mes sujets eux-mêmes le
suspectent, et certainement, beaucoup plus, et de loin, que les intellectuels
contemporains osent l'admettre. À l'évidence, il s'agit là d'une question
empirique et scientifique, qui est, à ce titre, beaucoup trop importante pour
être confiée à des cénacles et à des cliques.
besoins est qu'il est immature et insensé de penser à tout cela comme à des
alternatives qui s'excluent mutuellement. Il est préférable de penser que la
femme insatisfaite désire profondément conserver tout ce qu'elle a et qu'à
l'instar des syndicalistes, elle exige encore davantage ! C'est-à-dire qu'elle
voudrait généralement garder tous ces bienfaits et en avoir d'autres en
supplément. Mais là encore, il semblerait que nous n'ayons pas encore
appris cette leçon éternelle : quel que soit le désir, une carrière ou autre
chose, dès qu'il est réalisé, le processus recommence. À la période de
bonheur, d'excitation et d'épanouissement succède celle où tout semble
acquis, et l'on devient fébrile et insatisfait, voulant obtenir toujours plus !
Tout ceci nous amène à conclure que la nature humaine est extrêmement
malléable, dans le sens qu'il est facile pour la culture et pour
l'environnement de détruire ou de diminuer le potentiel génétique, bien
qu'ils n'aient pas la capacité de créer ou même d'accroître ce potentiel. En
ce qui concerne la société, cela me paraît constituer un argument puissant
en faveur de l'égalité absolue des chances pour tout bébé qui vient au
monde. C'est aussi un argument qui plaide pour une société adéquate, dans
la mesure où les potentiels de l'homme sont très facilement perdus ou
détruits par un environnement néfaste. Ceci est tout à fait indépendant de
l'affirmation selon laquelle le seul fait d'être membre de l'espèce humaine
donne ipso facto le droit de devenir pleinement humain, c'est-à-dire de
réaliser tous les potentiels humains possibles. Être un être humain - au
sens d'être né à l'espèce humaine - doit être aussi défini comme devenir un
être humain.
J'espère que la découverte que l'on peut et que l'on doit étudier sa propre
biologie de manière introspective et subjective, constituera une aide pour
d'autres, notamment pour les biologistes.
Je n'ai pas pris le temps d'appliquer cet outil conceptuel aux questions
éternelles de la liberté, de l'éthique, de la politique, du bonheur et ainsi de
suite, mais je pense que sa pertinence et son pouvoir n'échapperont pas au
spécialiste rigoureux de ces domaines. Le psychanalyste remarquera que
cette solution recoupe dans une certaine mesure l'intégration freudienne du
principe de plaisir et du principe de réalité. Le raisonnement par le jeu des
similarités et des différences constituera, je pense, un exercice profitable
pour le théoricien de la psychodynamique.
Il est une autre question que je n'avais pas prévue dans mon premier
rapport : ces gens ne peuvent-ils vivre que dans la compagnie de « bons »
individus et exclusivement dans un monde adéquat ? Mon impression
rétrospective, qui bien entendu demande à être vérifiée, est que les
personnes accomplies sont essentiellement flexibles, et qu'elles peuvent
s'adapter avec réalisme à n'importe qui et à n'importe quel environnement.
Je pense qu'elles sont prêtes à traiter les individus bons en tant que bons
individus, et aussi à traiter ceux qui sont mauvais comme de mauvais
individus.
aussi juste, vraie, réelle. En ce sens, elle est « meilleure » que la maladie
et supérieure à elle. Non seulement elle est juste et vraie, mais elle est plus
perspicace, percevant davantage de vérités, et des vérités supérieures.
C'est-à-
dire que son absence est non seulement insupportable mais c'est aussi une
forme de cécité, une pathologie cognitive tout autant qu'une perte morale
et émotionnelle. C'est en outre une sorte d'infirmité, une perte des
capacités, une diminution de l'aptitude à faire et à réaliser.
Les individus sains existent, bien qu'en nombre restreint. La santé avec
toutes ses valeurs - la vérité, la bonté, la beauté etc. -, dont nous avons
démontré qu'elle était possible, est par conséquent en principe une réalité
accessible. À ceux qui préfèrent voir plutôt qu'être aveugles, se sentir bien
plutôt que se sentir mal, l'intégralité de l'être plutôt que l'infirmité, on peut
conseiller de rechercher la santé psychique. Rappelons-nous la petite fille
qui, alors qu'on lui demandait pourquoi le bien était préférable au mal,
répondit : « Parce que c'est plus agréable. » Je pense que nous pouvons
faire mieux que cela : dans la droite ligne de cette conception, on peut
démontrer que le fait de vivre dans une société «
Cette édition révisée est une illustration du rejet de plus en plus ferme
d'une science traditionnelle d'où les valeurs sont absentes - ou plutôt de la
tentative futile d'avoir une science sans valeurs. Elle est plus franchement
normative que la précédente, affirme avec plus de confiance que la science
est une recherche guidée par des valeurs, effectuée par des scientifiques en
quête de valeurs, capables, je le soutiens, de découvrir dans la structure de
la nature humaine ellemême des valeurs intrinsèques et suprêmes, valables
pour toute l'espèce.
Certains y verront une attaque contre une science qu'ils aiment et révèrent
tout autant que moi. Je reconnais que leur crainte est parfois fondée. Ils
sont nombreux, surtout dans les sciences sociales, à considérer
l'engagement politique total (par manque d'information) comme la seule
alternative concevable à une science d'où les valeurs sont absentes et qui
est incompatible avec elles. Le fait d'embrasser l'un impliquant
nécessairement pour eux de rejeter l'autre.
Les plans programmés pour l'enfant, les ambitions pour lui, les rôles
préparés, même l'espoir qu'il devienne ceci ou cela - sont tous non
taoïstes. Ce sont autant d'exigences imposées à l'enfant de devenir ce que
le parent a déjà décidé qu'il devrait devenir. Un tel bébé porte dès sa
naissance une camisole de force invisible.
Je crois aussi ceci : plus la vérité est pure, et moins elle est contaminée par
les doctrinaires dont l'esprit est formaté à l'avance, mieux ce sera pour
l'avenir de l'humanité. Je suis confiant que le monde retirera davantage de
bénéfices de la vérité à venir que des convictions politiques que je défends
aujourd'hui.
Le chercheur ici est presque assuré d'être pris sous le feu croisé
d'accusations à la fois interpersonnelles et intrapsychiques, visant soit son
« optimisme » soit son « pessimisme », selon la position qu'il défend. Il
sera ainsi accusé d'une part d'être partisan de l'hérédité, de l'autre de
défendre l'environnementalisme. Des chapelles politiques vont sans doute
tenter de lui coller une étiquette ou une autre, en fonction de l'actualité.
J'ai longuement écrit sur ce sujet depuis 1954, date de la première parution
de ce livre, mais je n'ai pas tenté d'intégrer ces découvertes dans l'édition
révisée.
Chapitre 1
Introduction à la théorie
de la motivation
L'approche holiste
Qu'il s'agisse d'une réalité aussi concrète que théorique, mérite d'être pris
en compte avant toute expérimentation et toute théorie de la motivation
véritables.
Le choix de la faim en tant que paradigme pour tous les autres états de
motivation se révèle à la fois peu judicieux et infondé tant du point de vue
de la théorie que dans la pratique. Une analyse affinée montre que le
moteur de la faim s'apparente davantage à une motivation particulière qu'à
une motivation générale. Elle est plus isolée (au sens des psychologues
goldsteiniens et de la Gestalt) que d'autres motivations ; elle est moins
commune que d'autres motivations ; elle est enfin différente, en ceci
qu'elle possède un fondement somatique connu, cas inhabituel dans les
autres états de motivation. Quelles sont les motivations immédiates les
plus courantes ? Il suffit d'une journée d'introspection pour le savoir. Les
désirs qui traversent notre conscience sont le plus souvent des désirs qui
ont trait aux vêtements, aux voitures, à la sympathie, aux relations avec
autrui, aux honneurs, au prestige et à d'autres préoccupations de ce genre.
On a coutume de les assimiler à des mobiles dits secondaires, ou culturels,
et de les considérer comme moins véritablement « respectables » que ceux
d'ordre primaire, en l'occurrence les besoins physiologiques. En réalité, ils
sont beaucoup plus importants pour nous et plus communs que nous ne
l'admettons. Il se révélerait donc approprié d'élire l'un d'eux comme
paradigme à la place du moteur de la faim.
Nous partons le plus souvent du principe que tous les désirs suivent le
schéma des besoins physiologiques. Il paraît aujourd'hui justifié de prédire
qu'il n'en ira jamais ainsi. Dans leur majorité, les besoins ne sont pas
isolables, ni localisables sur le plan somatique, pas plus qu'ils ne peuvent
être considérés comme les seuls phénomènes apparaissant dans
l'organisme à un moment donné. Le mobile, ou le besoin, ou le désir
typique n'est pas et ne sera probablement jamais relié à une cause
somatique particulière, isolée, localisée. Le désir est manifestement un
besoin de l'individu tout entier. Il serait de loin préférable de sélectionner
un autre mobile comme sujet d'étude, par exemple le désir d'avoir de
l'argent au lieu de s'en tenir à celui de la faim, ou mieux encore, à la place
d'un but partiel, de choisir une aspiration plus fondamentale, comme le
désir d'amour. À l'évidence,
Si nous considérons avec attention les désirs moyens que nous éprouvons
au quotidien, nous nous apercevons qu'ils recèlent au moins une
caractéristique non négligeable, en ce qu'ils représentent généralement des
moyens en vue d'une fin au lieu de constituer des fins en soi. Nous voulons
de l'argent pour avoir une voiture. Puis nous voulons une voiture parce que
nos voisins en possèdent une et que nous ne souhaitons pas nous sentir
inférieurs à eux, et pour conserver l'estime de nous-mêmes et être aimés et
respectés des autres. Globalement, lorsque nous analysons un désir
conscient, derrière lui nous voyons pour ainsi dire se profiler d'autres buts
fondamentaux de l'individu. En d'autres termes, nous nous trouvons devant
une situation qui possède de fortes analogies avec le rôle des symptômes
en psychopathologie. Ceux-ci sont moins importants en euxmêmes que
leur signification ultime, c'est-à-dire ce que peuvent être leurs buts
ou leurs effets ultérieurs. L'étude des symptômes en soi offre peu d'intérêt,
en revanche l'analyse de la signification dynamique des symptômes revêt
de l'importance parce qu'elle débouche sur un résultat fécond, par exemple
en rendant possible une psychothérapie. Les désirs spécifiques qui
traversent notre conscience des dizaines de fois par jour ont moins
d'impact en eux-mêmes que par leur portée, par la direction qu'ils
indiquent, par ce qu'ils révèlent lors de l'analyse en profondeur.
La motivation inconsciente
Nous savons tous que le comportement sexuel et que les désirs sexuels
conscients peuvent se révéler extrêmement complexes quant à leurs visées
sous-jacentes, inconscientes. Chez tel homme, par exemple, le désir sexuel
trahit en réalité le désir de s'affirmer ou de conforter sa masculinité. Pour
d'autres, il signifiera peut-être la volonté d'impressionner, un besoin
d'intimité, de contact chaleureux, de sécurité, d'amour, ou la combinaison
de tous ces éléments. Pour tous ces individus, le désir sexuel peut
consciemment posséder le même contenu, et tous seront probablement
convaincus, à tort, de rechercher seulement la satisfaction sexuelle.
Cependant nous savons désormais que cela est faux, que l'on ne peut
comprendre ces sujets qu'en tenant compte de ce que le désir sexuel et le
comportement signifient fondamentalement au lieu de se limiter à la
représentation consciente que le sujet s'en fait. (Cela concerne autant le
comportement préparatoire que le comportement d'assouvissement.) Cette
observation est confortée par le fait qu'un même symptôme
psychopathologique peut se rapporter à plusieurs désirs différents, voire
opposés.
Examinons par exemple ce que nous voulons dire lorsque nous affirmons
que telle ou telle personne se sent rejetée. Une approche psychologique
statique conclurait la phrase par un point final, tout simplement. Alors
qu'une psychologie dynamique établirait que notre déclaration implique
toute une série d'effets pleinement confirmés par l'expérience. Ce
sentiment entraîne des répercussions dans tout l'organisme, tant du point
de vue somatique que psychique. En outre, cet état induit
automatiquement et nécessairement d'autres phénomènes, tels que le désir
compulsif de regagner l'affection perdue, des tentatives de défense,
l'accumulation de sentiments d'hostilité, et ainsi de suite. Il paraît clair
alors que nous n'expliquerons ce qui est sous-entendu dans l'affirmation «
cette personne se sent rejetée » qu'en la complétant de beaucoup,
beaucoup, d'autres déclarations sur ce qui advient à la personne par la
suite. En d'autres termes, le sentiment de rejet constitue lui-même un état
motivant.
Nous devrions, tout d'abord, une fois pour toutes, renoncer à la tentative de
dresser des listes atomistes des mobiles ou des besoins. Elles n'ont pas de
validité du point de vue théorique, et ce pour diverses raisons. Tout
d'abord, elles supposent une égalité entre les différents mobiles
répertoriés, une égalité en termes de puissance et de probabilité
d'apparition. Or cela ne se peut, parce que la probabilité qu'un désir
émerge à la conscience dépend de l'état de satisfaction ou de non-
satisfaction d'autres désirs dominants. Il existe de grandes différences
dans la probabilité d'apparition des diverses pulsions spécifiques.
et qu'un désir donné peut en réalité servir de canal par lequel s'expriment
plusieurs autres désirs.
À mesure que nous nous élevons dans l'échelle phylétique, les appétits
prennent une importance grandissante et les faims perdent de la leur. Ce
qui veut dire qu'il existe moins de variabilité, par exemple, dans le choix
de la nourriture chez la souris blanche que chez le singe, et qu'on note
moins de variabilité chez le singe que chez l'homme (Maslow, 1935).
le dessein ou le but en tant que concept sous prétexte que nous ne pouvons
poser de questions aux souris, il serait nettement plus judicieux de rejeter
les souris parce que nous ne pouvons les interroger sur leurs desseins.
L'environnement
L'action intégrée
Nous sommes convaincus qu'une partie des phénomènes que l'on croit
singuliers et isolés n'est pas telle en réalité. L'analyse en profondeur révèle
souvent qu'ils occupent une place importante dans la structure d'ensemble
(par exemple, la conversion, les symptômes d'hystérie). Ce défaut
d'intégration apparent peut simplement être le reflet de notre ignorance,
toutefois l'état de nos connaissances actuelles nous autorise à affirmer que
des réponses isolées, segmentaires ou non intégrées sont possibles dans
certaines circonstances. Par ailleurs, il devient de plus en plus évident que
ces phénomènes ne doivent pas nécessairement être tenus pour faibles ou
néfastes ou pathologiques. On doit au contraire les considérer comme une
preuve de l'une des plus importantes capacités de l'organisme : celle de
traiter les problèmes mineurs ou familiers ou simples d'une manière
partielle, spécifique ou segmentaire, de sorte que ses capacités majeures
restent mobilisables pour résoudre les problèmes plus graves ou plus ardus
(Goldstein, 1939).
La réalité et l'inconscient
monde extérieur qui est une contribution provenant des sources inté
rieures
qui garantit une sécurité et une réussite supérieures. (Freud, 1933, p. 106)
Du point de vue de John Dewey, cependant, toutes les pulsions de l'adulte -
ou au moins les pulsions caractéristiques - sont intégrées à la réalité et
affectées par elle. Cela revient à dire qu'il n'y a pas de pulsions du ça, ou,
pour lire entre les lignes, que si elles existent, elles sont intrinsèquement
pathologiques au lieu d'être intrinsèquement saines.
des personnalités les plus élevées et les plus glorieuses de l'histoire des
hommes méritent d'être comprises et explicitées.
motivation humaine
Young (1941, 1948) a proposé une synthèse des travaux sur l'appétit dans
sa relation avec les besoins du corps. Si le corps manque d'un certain
élément chimique, l'individu tendra à développer un appétit spécifique ou
faim partielle
pour cet élément nutritif.
Ainsi apparaît-il tout aussi impossible qu'inutile d'établir une liste des
besoins physiologiques fondamentaux puisqu'ils peuvent être aussi
nombreux qu'on le souhaite, selon le degré de spécificité de la description.
Nous ne pouvons qualifier tous les besoins physiologiques
d'homéostatiques. Que le désir sexuel, l'envie de dormir, l'activité et le
comportement maternel chez les animaux soient homéostatiques n'a pas
encore été prouvé. Qui plus est, cette liste n'inclurait pas les divers plaisirs
sensoriels (goûts, odeurs, picotements, coups) qui sont probablement
physiologiques et qui peuvent devenir les buts du comportement motivé.
Nous ne savons pas non plus que faire du fait que l'organisme a, à la fois,
une tendance à l'inertie, à la paresse et au moindre effort, et un besoin
d'activité, de choses stimulantes et d'excitation.
dire que, premièrement, ils sont relativement indépendants les uns des
autres, des autres motivations et de l'organisme en tant que tout, et que,
deuxièmement, il est possible d'identifier une base somatique localisée,
sous-jacente au besoin. Si cette affirmation se vérifie moins souvent que
l'on a d'abord pu le croire (la fatigue, l'envie de dormir, les réactions
maternelles constituent des exceptions), cela reste vrai dans les
circonstances classiques de faim, de désir sexuel et de soif.
Si tous les besoins sont insatisfaits, et que l'organisme est alors dominé
par les besoins physiologiques, on peut concevoir que tous les autres
besoins deviennent tout simplement inexistants ou soient relégués au
second plan. Il est alors juste de qualifier l'ensemble de l'organisme
d'affamé, car la conscience est presque entièrement préemptée par la faim.
Toutes les capacités sont mises au service de la satisfaction de la faim, et
l'organisation de ces capacités est presque entièrement déterminée par le
seul dessein de l'assouvir. Les récepteurs et les effecteurs, l'intelligence, la
mémoire, les habitudes peuvent dès lors être définis comme de purs outils
de satisfaction de la faim. Les capacités qui ne sont pas utiles à ce dessein
sont en sommeil ou reléguées à l'arrière-plan. L'envie brûlante d'écrire des
poèmes, le désir d'acquérir une voiture, l'intérêt pour l'histoire américaine,
l'envie d'une nouvelle paire de chaussures, à l'extrême, sont oubliés ou
deviennent d'une importance secondaire. Pour l'homme qui a très faim et
dont la vie est mise en danger par ce manque, seule la nourriture compte.
Il rêve de manger, se souvient des repas qu'il a faits, a l'esprit occupé par
la nourriture, ne parle que de nourriture, ne perçoit plus que la nourriture
et ne veut rien que manger. Les déterminants plus subtils qui fusionnent en
général avec les mobiles physiologiques jusque dans l'organisation de
comportements comme manger, boire ou faire l'amour, peuvent alors être
tellement totalement submergés que l'on est autorisé à parler dans ce cas-
là (mais seulement dans ce cas-là) de mobile et de comportement
exclusivement centrés sur la faim, dans le seul but inconditionnel de
l'apaiser.
Une question se pose cependant, qui est celle de la généralité de ces états
de l'organisme. Les conditions extrêmes, est-il besoin de le rappeler, sont
rares dans une société en paix qui fonctionne normalement. Cette vérité,
pourtant, est souvent occultée - pour deux raisons me semble-t-il. La
première tient au fait que de nombreuses recherches sur la motivation ont
été conduites sur des rats ; ceux-ci ayant peu de motivations en dehors des
motivations physiologiques, on en a un peu vite conclu la même chose de
l'homme. Ensuite, on oublie trop souvent que la culture elle-même est un
outil d'adaptation, un outil dont la fonction principale est de réduire les
occurrences d'urgences physiologiques.
- quand il n'y en a pas. Mais qu'en est-il des désirs de l'homme lorsqu'il y a
profusion de pain et lorsque sa panse est toujours pleine ?
La dynamique de la hiérarchie des besoins
Cette affirmation est d'une certaine manière étayée par une hypothèse sur
laquelle nous reviendrons plus longuement, à savoir que ce sont
précisément les individus chez qui un besoin donné a toujours été satisfait
qui sont les mieux armés pour en tolérer la carence dans le futur ; et, qui
plus est, les individus ayant connu des carences dans le passé réagiront
différemment à la satisfaction actuelle de ces besoins que ceux qui n'en
ont jamais souffert de manque.
Dans notre culture, l'adulte sain, normal, heureux est largement satisfait
dans ses besoins de sécurité. La bonne société, pacifique, stable,
harmonieuse permet
anxiété fondamentale ».
La névrose dans laquelle la quête de sécurité prend sa forme la plus
extrême
d'appartenance, alors que c'est un thème récurrent dans les romans, les
dire qu'il est aussi déterminé par d'autres besoins que le besoin sexuel, au
premier rang desquels les besoins d'amour et d'affection. Ne négligeons
pas non plus le fait que les besoins d'amour impliquent à la fois de donner
et de recevoir de l'amour.
Même si tous ces besoins sont satisfaits, nous pouvons néanmoins nous
attendre souvent (sinon toujours) à ce qu'un nouveau mécontentement et
une nouvelle impatience se développent bientôt, sauf si l'individu fait ce
pour quoi il est compétent, doué. Un musicien doit faire de la musique, un
artiste doit peindre, un poète doit écrire, s'il veut trouver le bonheur. Un
homme doit être ce qu'il peut être. Il doit être vrai avec sa propre nature.
Ce besoin, nous lui donnons le nom d'accomplissement de soi. (Voir les
chapitres 11, 12 et 13 pour une description plus complète.)
Cette expression, que l'on doit à Kurt Goldstein (1939), est cependant
utilisée dans cet article dans un sens beaucoup plus spécifique et limité.
Elle renvoie au désir de réalisation de soi, c'est-à-dire la tendance de
l'individu à devenir
actualisé dans ce qu'il est. Cette tendance peut être formulée comme le
désir de devenir de plus en plus ce que l'on est, de devenir tout ce que l'on
est capable d'être.
inventions'. C'est à ce niveau que les différences entre les individus sont
les plus marquées. Quoi qu'il en soit, généralement, l'émergence des
besoins d'accomplissement de soi requiert la satisfaction préalable des
besoins physiologiques, de sécurité, d'amour et d'estime.
curiosité humaine. Le singe défait des objets, enfonce son doigt dans les
trous, explore toutes sortes de situations dans lesquelles n'interviennent ni
la faim, ni la peur, ni le sexe, ni le besoin de confort etc. Les expériences
de Harlow (1950) l'ont largement démontré de manière concrète.
3. Les études sur des sujets psychologiquement sains indiquent qu'ils sont,
de manière caractéristique, attirés par le mystérieux, l'inconnu, le
chaotique, l'inorganisé et l'inexpliqué. Cette attirance trouve en soi sa
justification ; ces domaines sont intéressants pour eux-mêmes et en eux-
mêmes. À l'inverse, le connu suscite une réaction d'ennui.
Ce postulat, cependant, n'est pas suffisant. Même quand nous savons, nous
sommes poussés, d'un côté, à connaître avec toujours plus de précision et
de manière toujours plus approfondie et, de l'autre, à étendre toujours plus
notre savoir vers une philosophie, une religion du monde, etc. Ce
processus a pu être qualifié par certains de quête de sens. Nous pouvons
alors postuler l'existence
Une fois ces désirs admis au débat, nous constatons qu'eux aussi
s'organisent en une petite hiérarchie dans laquelle le désir de connaître
précède, prédomine, le désir de comprendre. Toutes les caractéristiques de
la hiérarchie de prépondérance que nous avons décrites ci-dessus semblent
s'appliquer ici aussi.
Nous devons nous garder de tomber dans le piège facile de séparer ces
désirs des besoins fondamentaux que nous avons abordés plus haut, c'està-
dire d'établir une stricte dichotomie entre les besoins « cognitifs » et les
besoins « conatifs ».
Chez certaines personnes, l'estime de soi, par exemple, semble être plus
importante que l'amour. Cette inversion très courante de la hiérarchie
semble essentiellement due à la formation chez l'individu d'une image «
idéale » de la personne qui est la plus susceptible d'être aimée : une
personne forte ou puissante, qui inspire le respect ou la peur, et qui est
sûre d'elle ou énergique.
Ces besoins doivent être compris comme n'étant pas des déterminants
exclusifs ou uniques de certains types de comportements. Un exemple peut
en être trouvé dans tout comportement qui semble être physiologiquement
motivé - manger, faire l'amour, par exemple. Les psychologues cliniciens
ont depuis longtemps découvert que tout comportement peut être un canal
par lequel circulent divers déterminants. Ou, pour dire les choses
autrement, la plupart des comportements sont multimotivés. Pour ce qui
est des déterminants de la motivation, tout comportement tend à être
déterminé par plusieurs ou tous les besoins fondamentaux simultanément
plutôt que par l'un d'entre eux seulement. Ce dernier cas de figure
constitue une exception. On peut manger en partie pour se remplir
l'estomac et en partie au nom du confort ou de l'assouvissement d'autres
besoins. On peut faire l'amour par pur besoin sexuel mais aussi pour se
prouver sa virilité, pour faire une conquête, pour se sentir fort ou pour
gagner une affection plus fondamentale. À titre d'illustration, je dirai qu'il
serait possible (au moins théoriquement) d'analyser un acte donné d'un
individu et d'y voir l'expression de ses besoins physiologiques, de ses
besoins de sécurité, de ses besoins d'amour, de ses besoins d'estime et de
l'accomplissement de soi. Voilà qui contraste singulièrement avec
l'étendard plus naïf de la psychologie des traits de caractère qui considère
qu'un trait ou une motivation rend compte d'un certain type d'acte, par
exemple qu'un acte agressif se rattache uniquement à un trait d'agressivité.
qu'il le veut ou qu'il essaye ou qu'il est motivé pour, mais simplement
parce qu'il est ce qu'il est. De même si je parle d'une voix de basse et non
de ténor ou de soprano. Les mouvements aléatoires d'un enfant en bonne
santé, le sourire sur le visage de l'homme heureux même lorsqu'il est seul,
l'élasticité de la démarche de l'homme en bonne santé et la droiture de son
port sont d'autres exemples de comportements d'expression, non
fonctionnels. De même, le style qui marque tous les comportements ou
presque d'un individu, motivés aussi bien que non motivés, relève lui aussi
souvent de l'expression (Allport et Vernon, 1933 ; Wolff, 1943).
Absolument rien ne justifie que nous nous appuyions sur les animaux pour
étudier la motivation chez l'homme. La logique, ou plutôt l'absence de
logique, derrière l'idée fausse largement répandue de cette prétendue «
simplicité » a été suffisamment exposée par les philosophes, les logiciens
et les chercheurs des différentes disciplines. Il n'est pas plus nécessaire
d'étudier les animaux avant d'étudier l'homme qu'il n'est nécessaire
d'étudier les mathématiques pour étudier la géologie, la psychologie ou la
biologie.
Motivation et psychopathologies
plus ou moins étroitement lié aux buts fondamentaux. L'envie d'un cornet
de glace pourrait en fait être l'expression indirecte d'un désir d'amour. Si
tel est le cas, alors cette envie d'une crème glacée devient une motivation
extrêmement importante. Si, en revanche, la glace n'est rien d'autre qu'un
moyen de se rafraîchir ou une réaction de simple gourmandise, alors le
désir est relativement peu important. Toutes les envies quotidiennes
conscientes doivent être considérées comme des symptômes, comme des
indicateurs de surface de besoins plus fondamentaux. Si nous nous en
tenions à ces désirs superficiels, nous nous retrouverions dans un état de
totale confusion qui ne pourrait jamais être résolu puisque nous traiterions
sérieusement les symptômes et non ce qu'ils dissimulent.
Cela signifie par exemple qu'un individu dont les besoins fondamentaux
sont satisfaits n'a plus les besoins d'estime, d'amour, de sécurité, etc. S'il
les « éprouve
Il est aussi sûrement malade que s'il avait soudainement développé un fort
appétit de sel ou de calcium. Si nous pouvions employer le mot malade
dans ce sens, il faudrait alors aussi considérer honnêtement les relations
des personnes avec la société où elles sont. Une conséquence évidente de
notre définition serait que : (1) dans la mesure où une personne peut être
dite malade si elle est frustrée dans ses besoins fondamentaux, et (2) si
cette frustration est due, en dernière analyse, à des forces extérieures à
l'individu, alors (3) la maladie de l'individu doit provenir, en dernière
analyse, de la maladie de la société. La bonne société, ou la société saine,
serait donc celle qui permet aux besoins supérieurs des personnes
d'émerger, grâce à la satisfaction de leurs besoins inférieurs.
Autonomie fonctionnelle
Des besoins fondamentaux supérieurs longuement satisfaits peuvent
devenir
Ainsi, un adulte dont les besoins d'amour ont été satisfaits dans l'enfance,
s'affranchit-il plus facilement que l'adulte moyen du besoin de sécurité,
d'appartenance et d'amour. L'individu fort, sain, autonome est capable de
résister, mieux que les autres, à la perte de l'amour et de la popularité.
Mais dans notre société, cette force et cette santé résultent en général de la
satisfaction répétée et précoce des besoins de sécurité, d'amour,
d'appartenance et d'estime. Ce qui signifie que ces aspects de l'individu
ont acquis une autonomie fonctionnelle, indépendante de la satisfaction
réelle qui les a créés. Nous préférons penser que la structure du caractère
constitue, en psychologie, l'exemple le plus significatif d'autonomie
fonctionnelle.
Chapitre 3
La satisfaction
Il est sans doute vrai, aussi, que des besoins supérieurs peuvent
occasionnellement émerger, non après la satisfaction des besoins
antérieurs, mais plutôt à la suite d'une privation imposée ou volontaire,
d'un renoncement, ou de la suppression de la satisfaction et des besoins
fondamentaux (ascétisme, sublimation, effets de renforcement du refus,
discipline, persécution, isolation, etc.). Ces phénomènes ne sont pas en
contradiction avec les thèses de cet ouvrage, puisque nous n'affirmons pas
que la satisfaction représente l'unique source de force ou de désir
psychologique.
chapitre 5). Lorsque les besoins de sécurité sont satisfaits, l'organisme est
libre d'aller à la recherche de l'amour, de l'indépendance, de l'estime des
autres et de soi-même, et ainsi de suite. La technique la plus sûre pour
4. La satisfaction de tout besoin quel qu'il soit, pour autant qu'il s'agisse
d'une satisfaction véritable (c'est-à-dire d'un besoin fondamental et non
d'un pseudo-besoin ou d'un besoin névrotique), contribue à la formation du
caractère (voir ci-dessous). Par ailleurs, toute satisfaction véritable d'un
besoin tend vers l'amélioration, le renforcement et le développement sain
de l'individu. En d'autres termes, la satisfaction d'un besoin fondamental
quel qu'il soit, dans la mesure où nous pouvons la considérer isolément,
constitue une avancée vers la santé et un éloignement par rapport à la
névrose. C'est dans ce sens, sans aucun doute, que Kurt Goldstein parlait
de toute satisfaction d'un besoin spécifique comme représentant à terme
une étape vers l'accomplissement de soi.
Dès lors que l'on reconnaît la frustration d'un besoin fondamental comme
un déterminant de l'hostilité, il est tout aussi facile d'accepter l'opposé de
la frustration (c'est-à-dire la satisfaction d'un besoin fondamental) comme
un déterminant a priori de son opposé (c'est-à-dire la bienveillance). Les
découvertes de la psychanalyse corroborent l'un et l'autre. Et, même s'il
n'existe pas pour le moment de formulation théorique explicite, la pratique
psychothérapeutique valide notre conception par l'importance qu'elle
accorde à la réassurance implicite, au soutien, à la permissivité, à
l'approbation, à l'acceptation, c'est-à-dire à la satisfaction suprême des
besoins profonds du patient en termes de sécurité, d'amour, de protection,
de respect, de valorisation et ainsi de suite. Cela concerne tout
particulièrement les enfants, chez lesquels la soif d'amour ou
d'indépendance ou de sécurité etc. est souvent, sans plus de manières,
directement traitée par une thérapie de remplacement ou de satisfaction en
leur donnant respectivement l'amour, l'indépendance ou la sécurité.
Des expériences identiques ont été menées sur le picotage chez les
poussins, sur la succion chez les bébés, sur l'activité dans différentes
espèces animales.
Quoi qu'il en soit, regagnons un terrain plus solide en évoquant les besoins
de sécurité. L'appréhension, la peur, l'effroi et l'anxiété, la tension, la
nervosité et le trac sont autant de conséquences de la frustration du besoin
de sécurité. Le même type d'observation clinique met clairement en
évidence les effets de la satisfaction du besoin de sécurité (pour laquelle
nous ne possédons pas de vocabulaire adéquat), tels que l'absence
d'anxiété, l'absence de nervosité, le fait d'être détendu, la confiance en
l'avenir, l'assurance, la sécurité, etc. Quels que soient les mots employés,
il existe une différence de caractère entre l'individu qui se sent à l'abri et
celui qui vit en permanence comme un espion en territoire ennemi.
appartient à un groupe et est aimée jouira d'une santé meilleure (selon une
définition raisonnable) que celle qui est en sécurité et intégrée à un groupe
mais qui est rejetée et qui manque d'affection. Et si, de surcroît, cette
personne gagne le respect et l'admiration des autres et développe de ce fait
une bonne estime d'elle-même, alors il ou elle sera encore plus saine,
accomplie, ou pleinement humaine.
Nous devons par exemple admettre qu'il existe d'autres voies vers la santé
psychique. Cependant, devons-nous, au moment de décider de la voie
qu'emprunteront nos enfants, nous interroger sur les occurrences
respectives de la santé générée par la satisfaction et de la santé acquise par
la frustration ?
Enfin, nous rappelons cette réalité si peu comprise, selon laquelle les
hommes semblent n'être presque jamais satisfaits ou contents durablement
et - en étroite corrélation avec cela - qu'ils tendent à s'habituer aux biens
dont ils bénéficient, à les oublier, à les tenir pour acquis, et même à cesser
de leur accorder de la valeur. Pour beaucoup de gens - nous ne savons pas
combien - même les plaisirs suprêmes s'éventent et perdent de leur
nouveauté (Wilson, 1969), et il peut s'avérer nécessaire de faire
l'expérience de la perte d'un bienfait pour savoir l'apprécier de nouveau.
Psychothérapie
On pourrait probablement affirmer que la satisfaction des besoins
fondamentaux est essentielle dans la dynamique d'amélioration ou de soin.
Elle en constitue au moins un facteur, d'autant plus important qu'il a été
négligé jusque-là. Cette thèse sera approfondie dans le chapitre 9.
Classification de la personnalité
Ennui et intérêt
Effets sociaux
Niveau de frustration
désirer ce qu'ils n'ont pas, il n'en reste pas moins utile d'oeuvrer en vue
d'une plus grande satisfaction pour tous. Ainsi nous apprenons en même
temps à ne pas attendre de miracles d'une réforme sociale quelle qu'elle
soit (par exemple, le droit de vote des femmes, l'éducation gratuite, le vote
à bulletin secret, les syndicats, le droit à un logement décent, les primaires
directes) et à ne pas sousestimer les progrès lentement réalisés.
Bien qu'il soit globalement vrai que nous parvenons aux niveaux
supérieurs des besoins après avoir satisfait nos besoins inférieurs, on
observe par un curieux phénomène que ces besoins supérieurs, et les
valeurs et les goûts qui vont de pair, peuvent gagner leur autonomie en ne
dépendant plus de la satisfaction des
A. Conatif-affectif
14. Amélioration dans le choix des valeurs ; raffinement des goûts ; choix
plus judicieux.
15. Possibilité et intensité accrues d'excitation agréable, bonheur, joie,
délectation, contentement, calme, sérénité, exultation, vie émotionnelle
plus riche et plus positive.
B. Cognitif