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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014

FONDATIONS PAR TIRANTS PRECONTRAINTS DE LA VILLA


MEDITERRANEE A MARSEILLE : DE LA CONCEPTION AU
CONTROLE

FOUNDATIONS BY PRESTRESSING ANCHORS OF THE VILLA


MÉDITERRANÉE IN MARSEILLE: FROM DESIGN TO MONITORING

Catherine JACQUARD1, Cyril JAN2

1 FONDASOL, Avignon, France


2 SEFI-INRAFOR, Grigny, France

RÉSUMÉ — La villa Méditerranée est un bâtiment à ossature métallique présentant


un porte-à-faux important qui conduit quatre de ses appuis à être sollicités en
permanence en traction. Chacun de ces massifs est tenu par 4 à 6 tirants
précontraints d'une capacité unitaire de 149 à 359 Tonnes. Afin de limiter les
déformations en service de l'ouvrage, liées à l'élasticité des câbles de précontrainte,
un niveau de précontrainte spécifique a été établi. Le présent article présente les
modalités de conception, de réalisation et de contrôle des tirants précontraints mis en
œuvre au droit de ces massifs, pour assurer leur stabilité.

ABSTRACT — The structure of the Villa Méditerranée is in an unstable position,


which gives to four of its foundations a permanent traction load. Each of these
foundations is stabilised by 4 to 6 active permanent anchors (149 to 349 Tonnes of
load service each). In order to limit deformations due to elasticity of prestressing
cables, a specific level of prestressing has been defined. The paper presents the
design, the achievement and the monitoring of the prestressing anchors, in order to
insure the stability of the structure.

1. Introduction
La Villa Méditerranée est un centre de conférences et d'exposition, construit sur le
môle J4 de MARSEILLE, par la Région Provence Alpes Côte d'Azur, sous la maîtrise
d'ouvrage déléguée d'AREA PACA. Les architectes Boeri, Manfredi et Di Pol ont été
les concepteurs de cette structure métallique en porte-à-faux de 36 m à 19 m au-
dessus du niveau de la mer, sur un bassin ouvert sur la Méditerranée, entièrement
dissocié structurellement de l'infrastructure, et fondée à 15 m sous le niveau de la
mer.
L'infrastructure comprenant salles de conférences et d'exposition, a été construite à
l'abri de parois moulées, sous maîtrise d'œuvre ARC, FONDASOL réalisant la
conception et le prédimensionnement des ouvrages de soutènement, des conditions
de mise hors d'eau, et des fondations très particulières de cet ouvrage, ainsi que la
supervision d'exécution de ces travaux; ceux-ci ont été réalisés par CASTEL
&FROMAGET pour la structure métallique, BEC pour le gros-œuvre et l'entreprise
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SEFI-INTRAFOR pour les fondations spéciales. Le contrôle technique a été assuré


par SOCOTEC.
L'emprise au sol de l'ouvrage est d'environ 60x60 m, à partir d'un terre-plein à
environ 1.7 m NGF, les terrassements ont été menés jusqu'à la cote -13.5 m NGF,
pour un niveau fini de dalle portée sur vide de construction à -12.55 m NGF.

Figure 1. Vue générale de la Villa Méditerranée

L'environnement de cet ouvrage est lui aussi exceptionnel, puisqu'ont été construits
de façon quasi- concomitante, le musée du MUCEM, à environ 6 m de son emprise,
le parking souterrain du J4 distant d'une dizaine de mètres, et une darse ouverte sur
la mer, et communiquant avec le bassin de la villa Méditerranée, venant recouvrir de
2 m d'eau l'infrastructure de la villa (Fig.1).
L'ensemble des ouvrages géotechniques s'est avéré être à lui seul un ouvrage
exceptionnel.
Du fait de la destination de l'infrastructure, où des salles de conférence et des grands
volumes construits à l'abri de la paroi moulée ne permettaient pas d'appuis type
planchers classiques comme dans un parking enterré, alors que dans le même
temps, la présence des ouvrages mitoyens en infrastructures n'autorisaient pas sur
les quatre côtés, la pose de tirants de grande longueur, provisoires ou définitifs: des
parois de forte épaisseur, avec poutres raidisseurs de structure ont dû être
imaginées.
La paroi moulée devait être ancrée dans les marnes peu perméables du Stampien,
assurant ainsi un débit d'exhaure très faible et acceptable en service de l'ouvrage;
mais la présence de l'aquifère captif des sables graveleux au sein du Stampien,
rendant le fond de fouille instable, a conduit à des adaptations de type drains de
décharge reliant l'aquifère captif au fond de fouille, mais ayant le défaut d'augmenter
le débit d'exhaure en fond de fouille. Pour remédier à cet inconvénient, certains
panneaux de paroi ont été prolongés pour traverser ce niveau sablo-graveleux, alors
qu'une jupe injectée était réalisée sous la base d'autres panneaux, pour recouper ces
sables graveleux. A la réception de l'ouvrage, le dispositif de relevage pompait moins
de 10m3/h pour l'ensemble de la fouille.
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Le fait de réaliser une forme drainante posée directement sur les marnes du
Stampien dont les essais ont montré qu'elles présentaient un potentiel de gonflement
important, a par ailleurs conduit à réaliser une dalle portée sur vide de construction,
afin d'éviter tout désordre lié au gonflement des marnes.
Enfin, la structure construite en porte à faux, a conduit à concevoir pour la phase
service de l'ouvrage des appuis devant travailler de façon permanente en traction.
Ces appuis au nombre de quatre ont donc été conçus, avec mise en place de tirants
actifs quasi-verticaux permanents, aptes à reprendre les efforts de traction
engendrés de part la configuration exceptionnelle de cet ouvrage.
Le présent article présente les modalités de conception et de réalisation de ces
tirants.

Figure 2. Implantation des massifs de fondation sous la Villa Méditerranée

2. Description du contexte et des tirants permanents


2.1. Contexte lithologique et hydrogéologique

Du point de vue lithologie, le site autrefois occupé par des activités portuaires avec
anciens quais, et canaux de navigation, était constitué de haut en bas :
- de remblais hétérogènes sur 5 à 8 m d'épaisseur, liés à l'activité humaine,
- d'alluvions limoneuses, sablo-graveleuses et argileuses,
- des formations tertiaires du Stampien, reconnues à partir de -7.5 à -12 m NGF, et
constituées de poudingues, de sables grésifiés, et de marnes sableuses et
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argileuses. Un niveau de sable graveleux relativement perméable, abritant un


aquifère en charge a été en outre identifié au sein des marnes, et reconnu sur 2 à 3
m d'épaisseur au droit du projet, entre les cotes -20 et -23 m NGF.
Les remblais et les alluvions sont le siège d'un aquifère libre, en connexion avec la
mer toute proche; les sables graveleux reconnus au sein des marnes, sont le siège
d'un aquifère captif, dont le niveau piézométrique est proche de celui de l'aquifère
superficiel.

2.2. Descente de charge

La conception particulière de la structure métallique en porte-à-faux a conduit à des


sollicitations importantes en compression (file 3) de l'ordre de 3500 tonnes par appui,
fondé superficiellement dans les marnes du Stampien, et en traction pour la file
extérieure (file 1) de l'ordre de 500 et 2000 tonnes par appui ancré par tirants actifs
précontraints dans les marnes (Fig.2).

2.3. Caractéristiques des appuis en traction

Chaque appui de la file 1 a donc été conçu pour recevoir quatre tirants pour les 2
appuis intérieurs, et 6 tirants pour les deux appuis extérieurs (Fig. 3 et 4), ainsi que
des réservations laissant la possibilité de mettre en place des tirants de
remplacement en cours de vie de l'ouvrage, en cas de fatigue des tirants existants.
Les tirants permanents mis en œuvre sont forés en diamètre 180 et 200 mm,
présentant une longueur libre de 11 m, et scellés sur 9 et 20 m par injection globale
unitaire(IGU). Ils sont équipés de câbles de précontrainte 10T15.7 et 26T15.7. Pour
limiter l'effet de groupe, les tirants d'extrémité sont légèrement inclinés de 3 et 5° par
rapport à la verticale.

3. Conception des tirants


3.1. Cas de charge

Réaliser des appuis tenus par des tirants précontraints a conduit à caractériser les
déformations à attendre selon les sollicitations imposées à l'ouvrage, de façon à
s'assurer que ces déformations restaient compatibles avec le comportement de la
superstructure métallique.
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Figure 3. Plan et Coupe - Massif D1

Figure 4. Détails - Massif D1

De plus, s'agissant d'une structure dont la stabilité était assurée uniquement par des
tirants précontraints, il a été décidé d'aller au-delà des prescriptions de l'Eurocode 7
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concernant la pondération des cas de charge. Il a donc été pris en compte un état
limite de service (ELS) spécifique, donnant une charge supérieure de 10 à 40%
environ, à la charge correspondant à l'ELS caractéristique.
Afin de limiter les déplacements des massifs d'appui de la superstructure, liés aux
variations de sollicitations entre différents cas de charge sous service, il a également
été décidé de précontraindre les tirants, sous ce cas de charge maximal.
De ce fait, le dimensionnement des longueurs d'ancrage des tirants a dû être adapté,
pour correspondre à cet ELS spécifique.

3.2. Dimensionnement des scellements

Les paramètres géotechniques retenus pour le pré-dimensionnement des longueurs


d'ancrage L, ont été tirés des essais pressiométriques, et les valeurs de frottement
issues des recommandations TA95 pour des tirants IGU. Pour des marnes
présentant une pression limite nette Pl* = 7 MPa, on obtient un frottement limite
qsu=400 kPa.
Les essais préalables (§ 4) ont permis de retenir une valeur qsu= 600 kPa, et de fixer
la longueur de scellement des tirants, en fonction de la charge pour chacun des
massifs (Tableau 1).

Tableau 1 .Caractéristiques des tirants de la file 1

A1 B1 C1 D1
QELU (kN) 4173 (x6) 1990 (x4) 1830 (x4) 4512 (x6)
QELS CAR (kN) 2892 (x6) 988 (x4) 855 (x4) 3148 (x4)
QELS SPE (kN) 3148 (x6) 1368 (x4) 1190 (x4) 3588 (x6)
Longueur libre (m) 11 11 11 11
Longueur d'ancrage (m) 20 9 9 20

3.3. Effet de groupe

La vérification de stabilité d'ensemble au soulèvement vertical a été effectuée


conformément aux recommandations TA95 (1995), en considérant le volume de sol
réduit, associé à un tirant en fonction de la superposition des cônes d'influence
(Fig.5).

4. Essais préalables
4.1. Détermination d'un frottement admissible

En début de chantier, l'entreprise a réalisé trois essais préalables afin de caractériser


le frottement pour des tirants injectés faible pression (IGU), en diamètre 0.180 m, et
sur 6 m de scellement. Le premier essai a concerné les terrains à partir de 26.5 m de
profondeur, le second à partir de 31.5 m et le 3ème à partir de 36.5 m, afin de tester
l'ensemble des terrains de la zone de scellement.
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Figure 5. Principe de réduction du volume associé aux tirants

En considérant le diamètre de forage D=0.180 m, et L= 6 m, selon l'équation (1) on


obtient une charge de service admissible Ts= 678 KN.

DLqsu
QELS  (1)
2

Les tirants ont été testés conformément à la norme NF P94-153 à une traction
d'essai Te = 2232 KN, soit plus de trois fois la charge de service théorique. Le
tableau 2 présente les résultats de ces essais; la valeur de frottement retenue a
été minorée de façon sécuritaire de 20% par rapport à la plus faible valeur
mesurée, ce qui correspond à une valeur de frottement ultime qsu = 600 kPa.

Tableau 2 .Résultats des essais préalables

Tirant T'c (kN) Tc (kN) Tu (kN) Ts (kN) qsu (kPa)


TR5 1688 1519 > 2232 1215 716
TR6 1825 1662 > 2232 1329 783
TR7 1925 1733 > 2232 1386 817

4.2. Caractérisation du fluage

Pour l'essai TR7, un palier a été maintenu 24h sous la charge de 1360 KN.
L'objectif du palier de durée 24h était de vérifier l'absence de fluage dans les
marnes d'ancrage. La figure 6 présente les résultats de cet essai; la pente
caractérisant le fluage est calculée selon la formule (2), et par extrapolation a
permis d'indiquer que le fluage s'annulait au bout de 50 heures environ. Par
ailleurs, le point d'ancrage fictif (PAF) est calculé selon la formule (3), selon
l'allongement Δλ, le module élastique de l'acier E=192500 MPa, et la section
d'acier du tirant d'essai de S = 1500 mm² (10T15.7). Par extrapolation du
graphique à 50h, on a un PAF de 34.5 m environ, ce qui correspond parfaitement à
la somme de la longueur libre (Ll= 31.5 m) et de la demi-longueur scellée (Ls=
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6m). Sous la charge d'essai de 1360 kN, le scellement est donc sollicité à 50% de
sa longueur; on a donc un coefficient de sécurité de 2 vis-à-vis de la rupture
d'adhérence.

Figure 6. Résultat de l'essai préalable TR7 pour le palier de 24h sous Te= 1360 kN

l
 (2)
t

ES
PAF  (3)
Te  T0

On a mesuré pendant cet essai:

Δl(60'-5')= 0.7mm < 1mm

Δl(2h-20')= 0.44mm < 1mm [critère TA86]

Δl(24h-1h)= 1.17mm

5. Modalités de mise en tension


La montée en tension se fait à une traction d'épreuve Te = 1.25Ts, avec Ts traction
de service à l'ELS spécifique, en cinq paliers (0.1Te, 0.2Te, 0.4Te, 0.6Te, Te,) la
traction d'épreuve étant maintenue 30 minutes. Si les conditions de fluage ne sont
pas remplies (Δe5'-30' < 1mm), la durée d'épreuve est prolongée de 30 minutes et
on cherche à vérifier: Δe30'-60' < 0.5 mm. Le tirant est alors descendu à sa traction
de blocage Tb.
Pour éviter une rotation excessive des massifs d'appui (figure 7), un phasage de
mise en tension a été établi: la première phase consiste à tendre tous les tirants
d'un massif à 50% de la traction finale; la seconde phase consiste à réaliser pour
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chacun des tirants la traction d'épreuve, puis à redescendre jusqu'à la traction de


blocage Tb.

Figure 7. Vue d'un massif mis en tension

6. Modalités de surveillance
Afin de contrôler le bon comportement des tirants qui sont essentiels pour la
stabilité de la superstructure, deux tirants de chaque massif ont été équipés de
cellules de contrôle de la tension.
La figure 8 donne le suivi de la traction des tirants équipés de cellule de contrôle,
pendant la construction de la superstructure. Une certaine relaxation se produit
pendant les premiers mois, puis l'effort se stabilise.
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Figure 8. Contrôle de tension entre le 30 mars et le 22 aout 2011

Afin de garantir la sécurité de l'ouvrage, un protocole de contrôle périodique de


tension des tirants équipés, a été établi, et est pris en charge par le maître
d'ouvrage. Ce protocole prévoit un dispositif d'acquisition automatique des
mesures de tension, ainsi qu'un système d'alerte en cas de dépassement d'un
seuil de tension défini pour chaque massif.

Les massifs ont été conçus de façon à permettre l'intervention ultérieure d'une
foreuse, pour le remplacement éventuel de tirants défectueux.

Remerciements
Les auteurs remercient AREA PACA pour leur aimable autorisation concernant la
rédaction du présent article.

Références bibliographiques
Norme NF P94-282 (2009). Calcul géotechnique- Ouvrage de soutènement- Ecrans, AFNOR, 182
pages.

Norme NF P94-153 (1993). Essai statique de tirant d'ancrage, 20 pages

Recommandations tirants d'ancrage : TA95 (1995), Eyrolles, 150 pages

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